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ISBN 978-2-7598-2606-3ISSN 1264-1782
inserm.fr
SynthĂšse et recommandationsEXPERTISE COLLECTIVE
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
SynthĂšse et recommandations
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool © Ăditions EDP Sciences, 2021978-2-7598-2603-3
Dans lamĂȘme collection© Les Ă©ditions InsermC SantĂ© des enfants et des adolescents, propositions
pour la prĂ©server. Expertise opĂ©rationnelle. 2003C Tabagisme. Prise en charge chez les Ă©tudiants. 2003C Tabac. Comprendre la dĂ©pendance pour agir. 2004C PsychothĂ©rapie. Trois approches Ă©valuĂ©es. 2004C DĂ©ficiences et handicaps dâorigine pĂ©rinatale. DĂ©pistage et prise
en charge. 2004C Tuberculose. Place de la vaccination dans la maladie. 2004C Suicide. Autopsie psychologique, outil de recherche
en prévention. 2005C Cancer. Approche méthodologique du lien
avec lâenvironnement. 2005C Trouble des conduites chez lâenfant et lâadolescent. 2005C Cancers. Pronostics Ă long terme. 2006C Ăthers de glycol. Nouvelles donnĂ©es toxicologiques. 2006C DĂ©ficits auditifs. Recherches Ă©mergentes et applications
chez lâenfant. 2006C ObĂ©sitĂ©. Bilan et Ă©valuation des programmes de prĂ©vention
et de prise en charge. 2006C La voix. Ses troubles chez les enseignants. 2006C Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie. Bilan des données
scientifiques. 2007C Maladie dâAlzheimer. Enjeux scientifiques, mĂ©dicaux
et sociĂ©taux. 2007C Croissance et pubertĂ©. Ăvolutions sĂ©culaires, facteurs
environnementaux et gĂ©nĂ©tiques. 2007C ActivitĂ© physique. Contextes et effets sur la santĂ©. 2008C Autopsie psychologique.Mise enĆuvre et dĂ©marches associĂ©es. 2008C Saturnisme. Quelles stratĂ©gies de dĂ©pistage chez lâenfant. 2008C Jeux de hasard et dâargent. Contextes et addictions. 2008C Cancer et environnement. 2008C Tests gĂ©nĂ©tiques. Questions scientifiques, mĂ©dicales et
sociĂ©tales. 2008C SantĂ© de lâenfant. Propositions pour unmeilleur suivi. 2009C Transplantation dâorganes. Quelles voies de recherche ? 2009C SantĂ© des enfants et des adolescents. Propositions
pour la préserver. 2009C Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues.
2010C Téléphone et sécurité routiÚre. 2011C Stress au travail et santé. Situation chez les indépendants. 2011C Reproduction et environnement. 2011C Médicaments psychotropes. Consommations et
pharmacodépendances. 2012C Handicaps rares. Contextes, enjeux et perspectives. 2013C Pesticides. Effets sur la santé. 2013C Conduites addictives chez les adolescents. Usages, prévention
et accompagnement. 2014C InĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© en lien avec lâalimentation
et lâactivitĂ© physique. 2014CActivitĂ© physique et prĂ©vention des chutes chez les personnes ĂągĂ©es.
2015© Ăditions EDP SciencesC DĂ©ficiences intellectuelles. 2016C Agir sur les comportements nutritionnels. 2017C ActivitĂ© physique. PrĂ©vention et traitement des maladies
chroniques. 2019C Trouble développemental de la coordination ou dyspraxie.
2019C Fibromyalgie. 2020CEssais nucléaires et santé. Conséquences en Polynésie française. 2020
Ce logo rappelle que le code de la propriĂ©tĂ© intellectuelledu 1er juillet 1992 interdit la photocopie Ă usage collectifsans autorisation des ayants-droits.Le non-respect de cette disposition met en danger lâĂ©dition,notamment scientifique.
Toute reproduction, partielle ou totale, du prĂ©sent ouvrage est interdite sans autorisation de lâĂ©diteurou du Centre français dâexploitation du droit de copie (CFC, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).
Ce document prĂ©sente la synthĂšse et les recommandations issuesdes travaux du groupe dâexperts rĂ©unis par lâInserm dans le cadrede la procĂ©dure dâexpertise collective (voir annexe 1) pourrĂ©pondre Ă la demande de la Mildeca et du ministĂšre en chargede la SantĂ© concernant la rĂ©duction des dommages associĂ©s Ă laconsommation dâalcool, les stratĂ©gies de prĂ©vention etdâaccompagnement.Ce travail sâappuie essentiellement sur les donnĂ©es issues de lalittĂ©rature scientifique disponible lors du premier semestre 2020.PrĂšs de 3 600 documents ont Ă©tĂ© rassemblĂ©s Ă partir de lâinter-rogation de diffĂ©rentes bases de donnĂ©es (PubMed, Web ofsciences, Scopus, socINDEX, Cairn, Pascal, Francis, Econbizz,JSTOR, OpenEdition Journals, Isidore, PersĂ©e).Le PĂŽle expertise collective de lâInserm, rattachĂ© Ă lâInstitutthĂ©matique SantĂ© publique, a assurĂ© la coordination de cetteexpertise.
Pour citer ce document :
Inserm. RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool.Collection Expertise collective. Montrouge : EDP Sciences, 2021.
Pour accéder aux expertises collectives en ligne :
http://ipubli-inserm.inist.fr/handle/10608/1
http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/expertises-collectives
Experts et auteursGuillaume AIRAGNES, AP-HP. Centre â UniversitĂ© de Paris, DĂ©parte-ment MĂ©dico-Universitaire de Psychiatrie et Addictologie, Paris ;Inserm, UMS 011 Cohortes Ă©pidĂ©miologiques en population, VillejuifChristian BEN LAKHDAR, LEM (UMR CNRS 9221), UniversitĂ© de Lille,FacultĂ© des sciences juridiques, politiques et sociales (FSJPS), LilleJean-Bernard DAEPPEN, CHUV Centre hospitalier universitaire vau-dois, Lausanne, SuisseKarine GALLOPEL-MORVAN, Ăcole des hautes Ă©tudes en santĂ© publique(EHESP), RennesFabien GIRANDOLA, Laboratoire de Psychologie Sociale (LPS, U.R.849), Institut CrĂ©ativitĂ© et Innovations (InCIAM), Aix-Marseille Uni-versitĂ©, Maison de la Recherche, Aix-en-ProvenceValĂ©rie LALLEMAND-MEZGER, UniversitĂ© de Paris, ĂpigĂ©nĂ©tique et DestinCellulaire (UMR 7216), CNRS, ParisLouise LARTIGOT, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Centre deRecherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions PĂ©nales(CESDIP), Saint-Germain-en-LayeJean-Michel LECRIQUE, SantĂ© publique France, Saint-MauriceMaria MELCHIOR, Institut Pierre Louis dâĂpidĂ©miologie et de SantĂ©Publique, Inserm, Sorbonne UniversitĂ© UMRS 1136, ParisMickaĂ«l NAASSILA, Inserm UMR 1247 â GRAP (Groupe de recherchesur lâalcool et les pharmacodĂ©pendances), Centre Universitaire deRecherche en SantĂ©, UniversitĂ© de Picardie Jules Verne, AmiensPierre POLOMENI, Service dâAddictologie, HĂŽpitaux Universitaires ParisSeine-Saint-Denis, SevranMarie-JosĂšphe SAUREL-CUBIZOLLES, Inserm U 1153 - EPOPĂ©, HĂŽpitalTenon, Paris
Ont présenté une communication1
Amine BENYAMINA, CERTA, HĂŽpital Universitaire Paul BroussePierre DUCIMETIĂRE, Directeur de recherche Inserm honoraireMichel REYNAUD, PrĂ©sident du Fonds Actions Addictions
1. Les communications sont prĂ©sentĂ©es Ă la fin du rapport dâexpertise. Les analyses etpoints de vue exprimĂ©s dans les communications nâengagent que leurs auteurs. VII
SantĂ© publique France, Direction de la prĂ©vention et de la promotionde la santĂ©ViĂȘt NGUYEN THANH, responsable de lâunitĂ© AddictionsClaudine TANGUY, directrice adjointePierre ARWIDSON, directeur adjointMichaĂ«l SCHWARZINGER pour le groupe dâĂ©tude QalyDays
Le groupe dâexperts et le PĂŽle expertise collective souhaitent rendrehommage au Professeur Michel Reynaud, Psychiatre, Professeur desuniversitĂ©s, dĂ©cĂ©dĂ© le 26 juin 2020.
Remerciements
Remerciements pour leur contribution Ă la rĂ©daction de certainschapitres Ă :Arnaud GATINET, Ăcole des Hautes Ătudes en SantĂ© Publique(doctorant)Jacques GAUME, CHUV Centre hospitalier universitaire vaudois,LausanneRemerciements pour relecture et conseils Ă :Christine DOSQUET et Pierre LOMBRAIL, au titre de rapporteurs pour leComitĂ© dâĂ©thique de lâInserm
Coordination scientifique, Ă©ditoriale, bibliographiqueet logistique
PĂŽle expertise collective de lâInsermResponsable : Laurent FLEURY
Coordination de cette expertise : Marie LHOSMOT-MARQUET, LaurentWATROBA, Anne ROCHAT
Documentation : Chantal GRELLIER, Pascalines CHAUSSENOT
Ădition scientifique : Anne-Laure PELLIER
Autres contributions et relecture : Catherine CHENU, BénédicteVARIGNON
Secrétariat : Cécile GOMIS
VIII
Sommaire
Introduction .......................................................... XI
SynthĂšse ................................................................ 1
Recommandations................................................. 73
Annexes................................................................. 109
IX
Introduction
Le rapport de la Cour des comptes sur les politiques de luttecontre les consommations nocives dâalcool2 souligne la nĂ©cessitĂ©dâune prise de conscience collective et propose en particulier dedĂ©velopper la recherche et de sâappuyer sur ses rĂ©sultats. En effet,en France on compte actuellement 42,8 millions de consomma-teurs prĂ©sentant des profils de consommation diffĂ©rents. Lesniveaux de consommation dâalcool en population gĂ©nĂ©rale etnotamment chez les jeunes demeurent Ă©levĂ©s, leurs consĂ©-quences sanitaires et sociales restent ainsi une prĂ©occupation depremier plan pour les pouvoirs publics : on dĂ©nombre ainsi49 000 morts par an pour un coĂ»t social estimĂ© Ă 118 milliardsdâeuros.Dans le cadre de la stratĂ©gie gouvernementale de lutte contreles drogues et les conduites addictives 2013-2017, la Mildeca etle ministĂšre en charge de la SantĂ© ont sollicitĂ© lâInserm pour larĂ©alisation dâune expertise collective afin dâactualiser lesconnaissances scientifiques sur lâalcool, ses effets sur la santĂ©,les niveaux et modalitĂ©s dâusages associĂ©s Ă sa consommation enFrance ainsi que les stratĂ©gies de prĂ©vention efficaces. Cetteexpertise collective a permis Ă ces auteurs dâĂ©mettre des recom-mandations dâactions et de recherches qui pourront contribuerĂ lâamĂ©lioration des connaissances des effets sociaux et sanitairesde la consommation dâalcool dans lâobjectif de renforcer la prĂ©-vention auprĂšs de la population Ă diffĂ©rents niveaux.Compte-tenu quâune expertise collective de lâInserm sur lâalcoolet ses effets sur la santĂ© a Ă©tĂ© menĂ©e et publiĂ©e en 20013, cettenouvelle expertise se focalise sur les Ă©vĂ©nements nouveaux etrĂ©cemment publiĂ©s.
2. Cour des comptes. Les politiques de lutte contre les consommations nocives dâalcool.Cour des comptes, juin 2016.3. Inserm. Alcool. Effets sur la santĂ©. Collection Expertise collective. Paris : ĂditionsInserm, 2001. XI
Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de ne pas aborder la question de la prise en chargemĂ©dicamenteuse de la consommation dâalcool.Les Ă©tudes rĂ©centes montrent que toute consommation dâalcoolest nuisible pour la santĂ© et quâil nây a pas dâeffet protecteurcontrairement Ă ce qui a Ă©tĂ© mis en avant pendant longtemps.Câest pourquoi cette expertise porte sur tous les niveaux de laconsommation dâalcool.La multiplicitĂ© de termes traduisant la consommation dâalcoolpeut rendre difficile la comparaison des rĂ©sultats entre Ă©tudes.Dans cette expertise collective, nous avons choisi dâutiliser leterme « consommations Ă risque » afin dâuniformiser le propos.Nous avons alors proposĂ© trois groupes distincts de consomma-tions en adoptant les terminologies suivantes : consommation Ă faible risque, consommation Ă risque (sans dĂ©pendance) etdĂ©pendance (parmi les consommateurs Ă risque).Pour rĂ©pondre Ă la demande de la Mildeca et du ministĂšre encharge de la SantĂ©, la procĂ©dure dâexpertise collective delâInserm mise en Ćuvre aprĂšs un travail prĂ©paratoire consistantĂ recenser la littĂ©rature scientifique internationale et Ă consti-tuer un corpus bibliographique a permis une analyse de la littĂ©-rature scientifique par un groupe pluridisciplinaire de 12 expertsautour dâun programme scientifique4.Ces 12 experts sont des chercheurs et/ou des cliniciens dans lesdomaines de lâĂ©pidĂ©miologie, la psychologie sociale, lâĂ©conomie,le marketing social, des politiques publiques, la physiologie,lâalcoologie et la psychiatrie.Les 18 chapitres de cette expertise sâappuient sur lâanalyse de lalittĂ©rature effectuĂ©e par les experts du groupe constituĂ© danschacune de leur discipline. Cette analyse ainsi que la rĂ©flexioncollective ont permis dâĂ©mettre des recommandations. LâapportcomplĂ©mentaire dâintervenants extĂ©rieurs venus prĂ©senter leurstravaux apparaĂźt sous la forme de communications en fin
4. Pour plus de dĂ©tails sur le processus dâexpertise collective et sur la constitution ducorpus bibliographique se reporter aux annexes 1 et 2.XII
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
dâouvrage. Dans lâordre sont abordĂ©s dans lâanalyse, les donnĂ©esrĂ©centes sur les niveaux de consommation, les dommages sani-taires et socio-Ă©conomiques induits y compris ceux spĂ©cifiquesĂ la pĂ©riode pĂ©rinatale, les facteurs de risque et de protection dela consommation, puis les aspects liĂ©s aux actions de marketinget de lobbying des alcooliers. Suivent deux chapitres consacrĂ©sĂ lâanalyse des mesures de prĂ©vention de la consommation viala construction dâun programme dâactions publiques et ses prin-cipales mesures, lâĂ©valuation des mesures de restriction de lâoffreet de la demande, puis dans les chapitres suivants, des donnĂ©esrĂ©centes sur les actions et programmes de prĂ©vention primaireet secondaire de la consommation dâalcool. Enfin est abordĂ©e laprise en charge des personnes dĂ©pendantes.Lâanalyse est complĂ©tĂ©e par une synthĂšse et des recommanda-tions Ă©laborĂ©es et validĂ©es collectivement par le groupedâexperts.
XIII
Introduction
SynthĂšse
Le rapport de la Cour des comptes de 2016 sur les politiques delutte contre les consommations nocives dâalcool5 souligne lanĂ©cessitĂ© dâune prise de conscience collective et propose en par-ticulier de dĂ©velopper la recherche et de sâappuyer sur ses rĂ©sul-tats. En effet, en France sont comptĂ©s actuellement 42,8 mil-lions de consommateurs prĂ©sentant des profils de consommationdiffĂ©rents. Les niveaux de consommation dâalcool en populationgĂ©nĂ©rale et notamment chez les jeunes demeurent Ă©levĂ©s, leursconsĂ©quences sanitaires et sociales restent ainsi une prĂ©occupa-tion de premier plan pour les pouvoirs publics : il est ainsidĂ©nombrĂ© 49 000 morts par an pour un coĂ»t social estimĂ© Ă 118 milliards dâeuros.Dans le cadre de la stratĂ©gie gouvernementale de lutte contreles drogues et les conduites addictives 2013-2017, la Mildeca etle ministĂšre en charge de la SantĂ© ont sollicitĂ© lâInserm pour larĂ©alisation dâune expertise collective qui permette dâactualiserles connaissances scientifiques sur lâalcool (Inserm, 2001 et2003)6, ses effets sur la santĂ©, les niveaux et modalitĂ©s dâusagesassociĂ©s Ă sa consommation en France ainsi que les stratĂ©gies deprĂ©vention efficaces.Les Ă©tudes rĂ©centes montrent que toute consommation dâalcoolest nuisible pour la santĂ© et quâil nây a pas dâeffet protecteurcontrairement Ă ce qui a Ă©tĂ© mis en avant pendant longtemps.Câest pourquoi cette expertise porte sur tous les niveaux de laconsommation dâalcool.Les neuf sections de cette synthĂšse de lâexpertise rĂ©sument lâana-lyse de la littĂ©rature effectuĂ©e par les experts du groupe constituĂ©
5. Cour des comptes. Les politiques de lutte contre les consommations nocives dâalcool.Cour des comptes, juin 2016.6. Expertises collectives Inserm ayant portĂ© sur lâalcool : Inserm. Alcool. Effets sur la santĂ©.Collection Expertise collective. Paris : Ădition Inserm, 2001 ; Inserm. Alcool. Dommagessociaux : abus et dĂ©pendance. Paris : Ădition Inserm, 2003. 1
dans chacune de leur discipline. Cette analyse de la littĂ©raturescientifique ainsi quâune rĂ©flexion collective ont par ailleurspermis dâĂ©mettre des recommandations. Dans lâordre sontabordĂ©s dans cette synthĂšse de lâexpertise collective, les donnĂ©esrĂ©centes sur les niveaux de consommation, les dommages sani-taires et socio-Ă©conomiques induits y compris ceux spĂ©cifiquesĂ la pĂ©riode pĂ©rinatale, les facteurs de risque de la consomma-tion, puis les aspects liĂ©s aux actions de marketing et de lobbyingdes alcooliers. Suivent des parties consacrĂ©es Ă lâanalyse desmesures de prĂ©vention primaire de la consommation via lâĂ©va-luation de mesures de restriction de lâoffre et de la demande, laconstruction dâun programme dâactions publiques et ses princi-pales mesures, des donnĂ©es rĂ©centes sur les actions et les pro-grammes de prĂ©vention primaire puis les bĂ©nĂ©fices de pĂ©riodessans alcool, enfin dans les derniĂšres sections sont abordĂ©es laprĂ©vention secondaire de la consommation dâalcool et la priseen charge des personnes dĂ©pendantes.
Niveaux de consommation dâalcool
La France compte 42,8 millions de consommateurs actuels avecdes profils de consommation diffĂ©rents. Or, bien que la consom-mation dâalcool se rĂ©vĂšle ubiquitaire en France comme dansdâautres pays, les niveaux de consommation dâalcool sont trĂšsvariables, et il est nĂ©cessaire de distinguer diffĂ©rentes dĂ©finitionsutilisĂ©es pour mesurer la frĂ©quence, le volume et lâimpact de cesconsommations. Chez les jeunes, sont Ă©galement mesurĂ©es lafrĂ©quence des ivresses et celle des Ă©pisodes dâalcoolisation ponc-tuelle importante (API, dĂ©finie la plupart du temps par 6 verresou plus en une mĂȘme occasion).
Compte tenu des donnĂ©es suggĂ©rant que les addictions suivent uncontinuum, les dĂ©finitions des types de consommation problĂ©ma-tique dâalcool ont rĂ©cemment Ă©voluĂ©, les notions prĂ©cĂ©dentes dâabuset de dĂ©pendance deviennent le trouble liĂ© Ă lâusage de lâalcool.2
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Un type de consommation problĂ©matique est identifiĂ© dans leDSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual) comme le trouble liĂ©Ă lâusage dâun produit psychoactif â dont lâalcool. Ce trouble estidentifiĂ© par 11 symptĂŽmes et peut ĂȘtre lĂ©ger (2-3 symptĂŽmes),modĂ©rĂ© (4-5), ou sĂ©vĂšre/addiction (6 symptĂŽmes ou plus). LamultiplicitĂ© de termes peut rendre difficile la comparaison desrĂ©sultats entre Ă©tudes. Dans cette expertise, afin de clarifier lepropos, on parlera de consommation Ă risque (sans dĂ©pendance)pour le trouble liĂ© Ă lâusage de lâalcool et de dĂ©pendance (pourles consommations Ă risque les plus sĂ©vĂšres).
Le suivi des niveaux de consommation en France est trĂšs docu-mentĂ© grĂące au dispositif de suivi des niveaux de consommationde lâalcool, comme dâautres produits psychoactifs. Chez lesadultes, les enquĂȘtes BaromĂštre SantĂ© rĂ©alisĂ©es par SantĂ©publique France renseignent rĂ©guliĂšrement depuis 25 ans laconsommation dâalcool habituelle ainsi que la consommationproblĂ©matique des 18-65 ans. Chez les adolescents, les enquĂȘtesHBSC (Health Behavior in School-Aged Children) de lâOrganisa-tion mondiale de la santĂ© ainsi quâESPAD (European School Pro-ject on Alcohol and Other Drugs) et ESCAPAD (EnquĂȘte sur laSantĂ© et les Consommations lors de lâAppel de PrĂ©paration Ăla DĂ©fense) rĂ©alisĂ©es par lâObservatoire français des drogues ettoxicomanies (OFDT) depuis les annĂ©es 2000 et pour les deuxpremiĂšres fusionnĂ©es rĂ©cemment dans le dispositif EnClass ren-seignent le niveau de consommation dâalcool des jeunes de 12Ă 17 ans de maniĂšre rĂ©guliĂšre (tous les 2 Ă 4 ans).
Ces Ă©tudes de suivi montrent que lâadolescence (12-18 ans) estla pĂ©riode au cours de laquelle les jeunes expĂ©rimentent pour lapremiĂšre fois lâalcool. Les chiffres de lâĂ©tude EnClass et delâenquĂȘte ESCAPAD concordent : Ă la fin de lâadolescence, laconsommation rĂ©guliĂšre (10 fois ou plus dans le mois) concerneentre un jeune sur dix en classe de seconde et un jeune surquatre en terminale, et environ 8 % des jeunes de 17 ans enFrance, tandis quâentre 40 et 50 % dĂ©clarent avoir eu au moinsune Alcoolisation Ponctuelle Importante (API) et 16 % aumoins trois API dans le mois prĂ©cĂ©dant lâenquĂȘte. Ces chiffres 3
SynthĂšse
bien quâĂ©levĂ©s en valeurs absolues et par rapport Ă ceux observĂ©sdans dâautres pays europĂ©ens, sont en net recul par rapport Ă lapĂ©riode 2008-2014. Concernant les trajectoires de consomma-tion, il semblerait que parmi les jeunes (avant 18 ans) qui ontune consommation Ă risque, environ 25 % poursuivent le mĂȘmetype de consommation au moment de lâentrĂ©e dans la vie adulte.Les alcools les plus frĂ©quemment consommĂ©s par les adolescentssont les alcools forts (whisky, vodka â entre 70 et 80 % de ceuxqui dĂ©clarent avoir bu dans le mois prĂ©cĂ©dent en ontconsommĂ©), suivis par la biĂšre (environ 70 %), le champagne(moins de 60 %) puis le vin (plus de 50 %). Les jeunes quidĂ©clarent boire de lâalcool le font majoritairement le week-end(90 %), avec des amis (90 %), chez eux ou chez des amis (65 %).La proportion de ceux qui dĂ©clarent consommer des boissonsalcoolisĂ©es dans un bar/restaurant ou en discothĂšque a nette-ment baissĂ© au cours du temps (entre 2005 et 2017, respective-ment de 36 Ă 29 %, et de 32 Ă 19 %).En moyenne, au cours de lâadolescence les garçons consommenttoujours plus dâalcool que les filles mais le ratio entre les sexesa diminuĂ© au cours du temps, en particulier pour lâexpĂ©rimen-tation (sex-ratio en 2017=1,02), lâusage dans lâannĂ©e (1,07), etlâusage dans le mois (1,11), ou encore lâAPI dans le dernier mois(1,30). Les garçons ont, en revanche, toujours tendance Ă avoirdes niveaux plus Ă©levĂ©s de consommation rĂ©guliĂšre, câest-Ă -dire10 fois ou plus dans le mois (sex-ratio en 2017=2,62), ou deprĂ©senter des API rĂ©pĂ©tĂ©es, câest-Ă -dire 3 fois ou plus dans lemois (1,99) ou des API rĂ©guliĂšres, câest-Ă -dire 10 fois ou plusdans le mois (4,28).La biĂšre (27 % de la consommation hebdomadaire) et le vin(24 %) sont les alcools les plus consommĂ©s chez les jeunesadultes (aprĂšs 18 ans) en France. Outre le type dâalcoolconsommĂ©, les recherches rĂ©centes menĂ©es dans diffĂ©rents paysindustriels ont dĂ©crit la diffusion de la consommation demĂ©langes entre alcool et boissons Ă©nergisantes. En parallĂšle, laconsommation dâalcool mĂ©langĂ© Ă des sodas light semble sâĂȘtrerĂ©pandue, notamment aux Ătats-Unis. Ce type de mĂ©langes4
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
prĂ©sente des risques particuliers, les boissons Ă©nergisantes mas-quant le goĂ»t de lâalcool et diminuant ses effets somnifĂšres, cequi peut entraĂźner une augmentation de la consommation. Il estĂ noter quâen France ce type de pratique nâest pas renseignĂ© dansles enquĂȘtes en population gĂ©nĂ©rale et on ne dispose pas dechiffres concernant sa frĂ©quence.La consommation dâalcool chez les adultes en France estdâenviron 27 g dâalcool pur (câest-Ă -dire la quantitĂ© dâalcoolconsommĂ©e indĂ©pendamment de la boisson) par personne et parjour dâaprĂšs les derniĂšres estimations. On estime quâenviron23 % de la population auraient une consommation Ă risqueponctuel selon le score AUDIT (Alcohol Use Disorders Identifi-cation Test) et environ 7 % une consommation Ă risque chro-nique ou prĂ©sentant la possibilitĂ© dâune dĂ©pendance. En 2014,les prĂ©valences estimĂ©es de consommation Ă risque dans lacohorte CONSTANCES Ă©taient les plus Ă©levĂ©es pour les sujetsde moins de 35 ans : 30,7 % dâentre eux avaient un usage dan-gereux de lâalcool. Dans ce groupe dâĂąge, les Ă©tudiants semblentparticuliĂšrement Ă risque de fortes consommations dâalcool.Comme chez les adolescents, chez les jeunes adultes, la consom-mation dâalcool chez les femmes a augmentĂ© et le sex-ratio adiminuĂ© en consĂ©quence, ce qui est concordant avec les rĂ©sultatsdâĂ©tudes menĂ©es dans dâautres pays industrialisĂ©s.Une forte proportion de consommation Ă risque dâalcool chezles personnes de plus de 50 ans : 69 % des 55-64 ans et 62 %des 65-75 ans consomment plus de 2 verres dâalcool par jour, etrespectivement 80 et 81 % consomment de lâalcool plus de5 jours par semaine, et au total respectivement 13 et 14 % desfemmes et 35 et 37 % des hommes dans ces groupes dâĂąge dĂ©pas-sent les repĂšres de consommation problĂ©matique (plus de2 verres dâalcool par jour ou plus de 5 jours de consommationpar semaine).Depuis 2013, les niveaux de consommation dâalcool des per-sonnes de plus de 50 ans ont augmentĂ©, et notamment lesniveaux dâAPI et de consommation Ă risque dâalcool. Laconsommation des personnes de plus de 50 ans pose des 5
SynthĂšse
problÚmes médicaux spécifiques, notamment en raison de la pré-sence de comorbidités et de traitements médicamenteux.
Si la tendance concernant la transformation des modalitĂ©s deconsommation dâalcool en France â avec une Ă©volution de laconsommation quotidienne vers une pratique plus ponctuelle,mais marquĂ©e par un niveau de consommation qui peut ĂȘtreimportant â se confirme, la surveillance des consommationsdâalcool des personnes de plus de 50 ans et leurs effets Ă©ventuelssur la santĂ©, seront Ă renforcer.
Dans notre pays, les donnĂ©es sur la frĂ©quence de consommationpendant la pĂ©riode pĂ©rinatale sont disponibles de façon irrĂ©gu-liĂšre et sommaire quant aux modalitĂ©s de consommation. EnFrance, en 2010, environ 20 % des femmes disaient avoir bu delâalcool durant leur grossesse et 2,5 % avoir bu 3 verres ou plusen une occasion.
La consommation de boissons alcoolisĂ©es durant la grossesse adiminuĂ© au cours des derniĂšres dĂ©cennies. La pĂ©riode du dĂ©butde grossesse, notamment celle oĂč les femmes ignorent quâellessont enceintes, est sensible ; 8 % des femmes ont eu au moins1 fois des consommations fortes occasionnelles en dĂ©but de gros-sesse. Environ 7 % des femmes ont consommĂ© des boissonsalcoolisĂ©es pendant lâallaitement. La consommation est plus frĂ©-quente dans les groupes sociaux les plus favorisĂ©s et plutĂŽt pardes femmes plus ĂągĂ©es.
Dommages sanitaires et socio-Ă©conomiques
MortalitĂ© et coĂ»t social de lâalcool en France versuslâenvergure Ă©conomique du secteur
La consommation dâalcool est la 7e cause de perte dâannĂ©es devie (en bonne santĂ©) ajustĂ©e sur lâincapacitĂ© dans le monde en2016. Lâanalyse des donnĂ©es du programme de mĂ©dicalisationdes systĂšmes dâinformation (PMSI) de 2012 montre que la6
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
consommation dâalcool est la premiĂšre cause dâhospitalisationsen France.
Lâalcool est une drogue, une molĂ©cule cancĂ©rigĂšne et toxiquepour de nombreux organes dont la toxicitĂ© est relayĂ©e en partiepar son mĂ©tabolite, lâacĂ©taldĂ©hyde. Sa consommation est res-ponsable directement ou indirectement dâune soixantaine demaladies et lâalcool est retrouvĂ© dans 200 items de la Classifi-cation internationale des maladies (CIM-10) utilisĂ©e dans lePMSI. Les effets de lâalcool sur la santĂ© dĂ©pendent de la quantitĂ©et de la frĂ©quence des consommations ainsi que du profil desconsommations (Ă©pisodique, chronique). La consommationdâalcool est responsable dâune morbi-mortalitĂ© importante etconstitue un des principaux facteurs responsables de la pertedâannĂ©es de vie en bonne santĂ©. Le risque de morbi-mortalitĂ©liĂ© Ă lâalcool est plus Ă©levĂ© chez les femmes comparativementaux hommes.
Les derniers chiffres de la mortalitĂ© attribuable Ă lâalcool enFrance sont ceux de 2015. Ils sont de 41 000 dĂ©cĂšs dont 30 000chez les hommes et 11 000 chez les femmes, soit respectivement11 % et 4 % de la mortalitĂ© des adultes de quinze ans et plus.Ils comprennent 16 000 dĂ©cĂšs par cancers, 9 900 dĂ©cĂšs par mala-dies cardiovasculaires, 6 800 par maladies digestives, 5 400 pourune cause externe (accident ou suicide) et plus de 3 000 pourune autre maladie (maladies mentales, troubles du comporte-ment, etc.). La mortalitĂ© attribuable Ă lâalcool par classe dâĂągeest de 7, 15 et 6 % respectivement pour les 15-34, 35-64 et65 ans et plus. Ces donnĂ©es de mortalitĂ© ont pu ĂȘtre calculĂ©esgrĂące Ă lâestimation de la consommation dâalcool Ă partir dâunĂ©chantillon reprĂ©sentatif de 20 178 individus français ĂągĂ©s de15 ans et plus interviewĂ©s sur leurs habitudes de consommationpar lâInstitut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques(Insee). Cependant, il existe un dĂ©calage entre la consomma-tion dâalcool rapportĂ©e dans cet Ă©chantillon (11 g/j) et les don-nĂ©es sur les ventes dâalcool (27 g/j en 2009) qui amĂšne Ă unecorrection de la consommation dĂ©clarĂ©e dâalcool dâun facteurde 2,4. LâĂ©tude de sensibilitĂ© (prenant en compte lâĂ©cart de la 7
SynthĂšse
consommation dĂ©clarĂ©e, la perte ou le gaspillage de lâalcool missur le marchĂ©) indique alors que cette incertitude contribue Ă une estimation des dĂ©cĂšs attribuables Ă lâalcool en 2015 compriseentre 28 000 et 49 000. Lorsque lâon prend on compte cetteincertitude pour toutes les annĂ©es, il est difficile de comparerlâĂ©volution des chiffres de mortalitĂ© dans le temps. Ainsi la mor-talitĂ© attribuable Ă lâalcool Ă©tait estimĂ©e Ă 49 000 en 2009,33 000 en 2006, 45 000 en 1995 et 52 000 en 1985.La proportion de dĂ©cĂšs attribuables Ă lâalcool chez les hommeset les femmes est plus Ă©levĂ©e en France comparativement Ă dâautres pays europĂ©ens. Les chiffres de 2009 concernant la mor-talitĂ© attribuable Ă lâalcool en France indiquent un effet nĂ©fastede lâalcool dĂšs les faibles niveaux de consommation (entre 1 et1,5 verre dâalcool par jour). Les risques de morbi-mortalitĂ© sontsupĂ©rieurs chez les femmes comparativement aux hommes.Concernant la mortalitĂ© due Ă la maladie du foie liĂ©e Ă lâalcool,le risque de mortalitĂ© est augmentĂ© pour des consommations trĂšsfaibles (dĂšs le premier verre).Il existe une association statistiquement significative entre lesventes dâalcool et la mortalitĂ© liĂ©e aux cancers dans la plupartdes pays et qui persiste aprĂšs correction de la consommation detabac. Une Ă©tude parue en 2017 a analysĂ© le lien entre les ten-dances des consommations dâalcool dans 17 pays et la mortalitĂ©liĂ©e aux cancers. Par exemple, les auteurs montrent une corrĂ©-lation avec une diminution (pour la France), une stagnation (enAngleterre) ou une augmentation (pour la Roumanie) Ă la foisdes ventes dâalcool et de la mortalitĂ© due aux cancers de la cavitĂ©buccale, du pharynx et du larynx.Concernant le coĂ»t de la consommation dâalcool, les pays dumodĂšle continental, ayant un systĂšme de protection socialeproche du nĂŽtre, perdraient 1 % de PIB chaque annĂ©e (de0,54 % Ă 1,49 %). Les Ă©tudes amĂ©ricaines, canadiennes, fran-çaises et Ă©cossaises rĂ©alisĂ©es entre 1997 et 2002 montrent unecertaine rĂ©gularitĂ© de la charge Ă©conomique que reprĂ©sentelâalcool par rapport Ă la richesse de ces pays dĂ©veloppĂ©s (environ1 % des PIB respectifs). Toutefois, les derniers travaux français8
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
font Ă©tat dâun coĂ»t social de lâalcool en France bien supĂ©rieur :6 % du PIB en 2010. Cette inflation serait due au renchĂ©risse-ment de la valeur statistique de la vie française ainsi quâĂ uneamĂ©lioration du systĂšme dâinformation permettant de mieuxrecenser les coĂ»ts attribuables Ă lâalcool.
EstimĂ© Ă 118 milliards dâeuros en 2010 en France, le coĂ»t socialde lâalcool se compose principalement de coĂ»ts liĂ©s Ă la mortalitĂ©(66 milliards dâeuros) et Ă la morbiditĂ© (39 milliards dâeuros)attribuables. Lorsque les retraites non versĂ©es du fait de la mor-talitĂ© et les recettes fiscales sur les produits de lâalcool sont prisesen compte dans le solde des finances publiques, ce dernier prĂ©-sente un dĂ©ficit de 3 milliards dâeuros. Lâalcool ne rapporte doncrien Ă lâĂtat, il ampute les finances publiques. De plus, dans cedernier exercice dâestimation du coĂ»t social, certains Ă©lĂ©ments,comme le syndrome dâalcoolisation fĆtale et la prise en chargeambulatoire et hospitaliĂšre, ne sont pas ou mal pris en compte,signifiant en cela que le coĂ»t social de lâalcool pourrait ĂȘtreencore plus important quâactuellement estimĂ©.
De lâanalyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice de lâalcool en France, il ressort quela satisfaction monĂ©tarisĂ©e retirĂ©e de la consommation dâalcoolet des profits des producteurs en France ne parvient pas Ă dĂ©passer le coĂ»t des pathologies et de la mortalitĂ©. De mĂȘme,les profits rĂ©alisĂ©s dans le secteur alcoolier français grĂące Ă despositions monopolistiques nâexistent pas : les marchĂ©s domes-tique et international apparaissent plutĂŽt concurrentiels laissantĂ penser Ă une profitabilitĂ© « normale » du secteur. Alors quela consommation dâalcool a nettement diminuĂ© en France cessoixante derniĂšres annĂ©es (figure 1), traduisant une contractiondu marchĂ©, la concurrence internationale gagne effectivementdes parts de marchĂ©. Le secteur alcoolier français mettait enavant encore dans les annĂ©es 2000 une employabilitĂ© impor-tante : prĂšs de 800 000 emplois directs et indirects Ă©taientrecensĂ©s sur le territoire mĂ©tropolitain. Aujourdâhui, le secteuren revendique 500 000, soit 300 000 emplois de moins en unequinzaine dâannĂ©es. Avec 4 milliards dâeuros de recettes fiscalesannuelles, lâalcool semble ĂȘtre un contributeur important aux 9
SynthĂšse
deniers publics, mais au vu de la fiscalité particuliÚre appliquéesur les produits du vin, le systÚme fiscal en vigueur ne maximisepas les potentialités de recettes.
30,0
25,0
20,0
15,0
10,0
5,0
0,0
1961
1963
1965
1967
1969
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
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1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
2015
2017
Années
Litre
s Ă©q
uiva
lent
s dâ
alco
ol p
ur
Total Vins BiĂšres Spiritueux
Figure 1 : QuantitĂ© dâalcool consommĂ© par habitant ĂągĂ© de 15 ans etplus et par an depuis 1961 (en litres Ă©quivalents dâalcool pur)Source : OFDT. Drogues et addictions, donnĂ©es essentielles : Alcool. Paris :OFDT, 2019.
Au final, lâalcool engendre un coĂ»t social trĂšs Ă©levĂ© et reprĂ©senteun secteur Ă©conomique important mais en perte de vitesse. Unespace Ă©conomique semble ainsi se dessiner oĂč dâun cĂŽtĂ©, despolitiques volontaristes de lutte contre la consommationdâalcool viseraient Ă minimiser le coĂ»t social de lâalcool enFrance et oĂč dâun autre, seraient prĂ©servĂ©s des savoir-faire etlâidentitĂ© de certains territoires.
ConsĂ©quences sur la santĂ© des niveaux de consommationsfaibles dâalcool
Les cancers du sein, de la cavitĂ© orale, de lâoropharynx, delâhypopharynx et colorectal contribuent le plus aux nouveauxcas de cancers attribuables Ă lâalcool. La plus grande proportionde cancers causĂ©s par lâalcool concerne lâĆsophage et le foie.Câest le cancer de lâĆsophage qui prĂ©sente la plus grande fraction10
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
attribuable Ă lâalcool (57,7 %). Chez les hommes, ce sont lescancers de la cavitĂ© orale et du pharynx qui sont les plus nom-breux. Alors que les hommes consomment plus dâalcool que lesfemmes, lâincidence des cancers attribuables Ă lâalcool est simi-laire entre hommes et femmes Ă cause du nombre importantchez ces derniĂšres de nouveaux cas de cancers du sein. Lesniveaux de consommation dâalcool faible, modĂ©rĂ© et fort sontresponsables respectivement de 1,5, 1,3 et 4,4 % des nouveauxcas de cancer. Les anciens consommateurs comptent pour 0,6 %des nouveaux cas de cancer. Les niveaux de consommation fai-bles Ă modĂ©rĂ©s contribuent largement aux nouveaux cas de can-cers en France en 2015 (figure 2). Les niveaux de consommationfaibles Ă modĂ©rĂ©s contribuent largement aux nouveaux cas decancer du sein alors que les niveaux de forte consommationcontribuent au cancer du foie.
0 2ïżœ000 4ïżœ000 6ïżœ000 8ïżœ000 10ïżœ000Nouveaux cas de cancers
Larynx
Ćsophage
Foie
Cavité orale, oro- hypo-pharynx
Colorectum
Sein
Larynx
Ćsophage
Foie
Colorectum
Cavité orale, oro- hypo-pharynx
Hommes
Femmes
Ex-buveurs Légere Modérée Forte
Figure 2 : Nouveaux cas de cancers en fonction du niveau de consom-mation chez les hommes et les femmes en 2015Source : Shield KD, Marant Micallef C, Hill C, et al. New cancer cases inFrance in 2015 attributable to different levels of alcohol consumption. Addiction2018 ; 113 : 247-56.
11
SynthĂšse
On constate que la rĂ©duction de 10 % de la consommationdâalcool aurait permis dâĂ©viter 2 178 [IC 95 % : 1687-2601] nou-veaux cas de cancers en 2015 en France. Or, il faut rappeler quela France est un des Ătats membres qui a ratifiĂ© un des objectifsdu plan dâaction de lâOMS sur les maladies non transmissiblesqui vise Ă diminuer justement la consommation dâalcool de10 %. Une autre Ă©tude, rĂ©alisĂ©e en Australie, suggĂšre que lâarrĂȘtde la consommation dâalcool ou la diminution brutale sur 5 ansde la consommation dâalcool au niveau des repĂšres de recom-mandations nationales, permettraient respectivement dâĂ©viter4 % ou 2 % des cancers sur une pĂ©riode de 25 ans.
Environ 8 % de tous les nouveaux cas de cancer sont liĂ©s Ă lâalcool et la consommation Ă des niveaux faibles Ă modĂ©rĂ©scontribue particuliĂšrement Ă ce fardeau sanitaire. En effet, en2018, les nouveaux cas de cancer attribuables Ă diffĂ©rentsniveaux de consommation dâalcool en France en 2015 ont Ă©tĂ©estimĂ©s et lâimpact dâune diminution de 10 % de la consomma-tion dâalcool a Ă©tĂ© mesurĂ©. Pour cela, une pĂ©riode de latence de10 ans a Ă©tĂ© choisie pour le dĂ©lai entre lâexposition et le dia-gnostic. Les niveaux de consommation dâalcool utilisĂ©s (figure 2)correspondent aux niveaux de risque de consommation delâOMS : faible (moins de 20 g/j pour les femmes et moins de40 g/j pour les hommes), modĂ©rĂ© (20 Ă 40 g/j pour les femmeset 40 Ă 60 g/j pour les hommes), fort (40 g/j ou plus pour lesfemmes et 60 g/j ou plus pour les hommes). Les rĂ©sultats mon-trent que 27 894 [IC 95 % : 24 287-30 996] ou 7,9 % de tous lesnouveaux cas de cancer sont attribuables Ă lâalcool.
La consommation mĂȘme faible dâalcool est associĂ©e Ă un risqueaugmentĂ© de cancers du sein indĂ©pendamment de la consom-mation de tabac. Une analyse portant sur 53 Ă©tudes avec58 515 femmes prĂ©sentant un cancer du sein a Ă©tĂ© une des pre-miĂšres Ă le rĂ©vĂ©ler. LâĂ©tude anglaise « un million de femmes »montre un excĂšs dâincidence de 15 pour 1 000 cas de cancer Ă chaque augmentation dâun verre standard par jour, 11 pour 1 000Ă©tant des cas de cancer du sein. Cette augmentation du risquede certains cancers due Ă la consommation de faibles niveaux12
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
dâalcool chez les femmes est dĂ©montrĂ©e dans de nombreusesĂ©tudes, dont certaines prĂ©cisent que câest le cancer du sein quicontribue fortement Ă cette augmentation. En Angleterre, lâaug-mentation de la consommation dâalcool observĂ©e pendant laderniĂšre dĂ©cennie a Ă©tĂ© proposĂ©e comme un facteur dĂ©terminantdans lâaugmentation de 30 % de lâincidence du cancer du sein(36 509 en 2003 versus 55 122 en 2015). La consommationdâalcool est associĂ©e Ă lâaugmentation du risque de plusieurs can-cers dont le cancer du sein Ă des doses aussi faibles que 10 gdâĂ©thanol pur soit un verre par jour. Les recherches sur le seuilde consommation dâalcool Ă partir duquel un risque significatifde mortalitĂ© liĂ©e Ă lâalcool toute cause apparaĂźt, convergent versle seuil de 10 verres par semaine (soit moins de 1,5 verre parjour). Les nouvelles donnĂ©es sur les risques encourus dĂšs lesfaibles niveaux de consommation dâalcool ont incitĂ© plusieurspays, dont la France, Ă revoir leurs recommandations et Ă fixerdes « repĂšres » acceptables et crĂ©dibles scientifiquement. Il estfrappant de constater que les rĂ©sultats des Ă©tudes scientifiquesconvergent vers ce repĂšre des dix verres standards par semaineet deux verres standards par jour.
De potentiels effets « protecteurs » des faibles niveaux deconsommation ont Ă©tĂ© rapportĂ©s dans des Ă©tudes sur des effetsde lâalcool qui dĂ©pendent de la quantitĂ© consommĂ©e et qui sui-vraient une courbe en « J ». Cependant, mĂȘme si ces effets pro-tecteurs existaient, ils seraient sans commune mesure par rap-port Ă la mortalitĂ© globale causĂ©e par la consommation dâalcool.Les effets « protecteurs » Ă la base du cĂ©lĂšbre « french paradox »sont en fait dus Ă des problĂšmes mĂ©thodologiques dans les Ă©tudeset en particulier Ă la prĂ©sence de nombreux facteurs de confusiondont les plus critiques sont la dĂ©finition du groupe tĂ©moin et lecaractĂšre dĂ©claratif des consommations dâalcool. Une mĂ©ta-ana-lyse regroupant plus de 4 millions de personnes a montrĂ© quelorsque les ex-consommateurs sont exclus du groupe de rĂ©fĂ©-rence et lorsque les Ă©tudes sont contrĂŽlĂ©es pour leur qualitĂ©,aucune association de type courbe en J pouvant laisser croire Ă des effets « protecteurs » nâest obtenue, chez les sujets prĂ©sentant 13
SynthĂšse
un faible niveau de consommation dâalcool (1,3 Ă 24,9 gdâĂ©thanol par jour soit moins de 2,5 verres standards par jour).Sur les 87 Ă©tudes retenues dans cette mĂ©ta-analyse, 65 incluaientles ex-consommateurs dans le groupe de rĂ©fĂ©rence des absti-nents, 50 incluaient les consommateurs occasionnels et seule-ment 13 Ă©taient exemptes de ces biais de classification des abs-tinents. Cette derniĂšre mĂ©ta-analyse est une des rares Ă avoiranalysĂ© non seulement les facteurs confondants habituels maisĂ avoir aussi analysĂ© lâinfluence du design (la construction) desĂ©tudes. Elle montre assez clairement que la prise en compte dela plupart des facteurs de confusion (tabac, origine ethnique ouraciale, abstinents, valeurs aberrantes, etc.) explique sur le planstatistique la diminution du risque de mortalitĂ© chez les consom-mateurs avec les faibles niveaux de consommation (les effets« protecteurs » Ă la base du cĂ©lĂšbre « french paradox »). De lamĂȘme maniĂšre, cette Ă©tude montre aussi que le design des Ă©tudesinfluence le risque et que, seules, les Ă©tudes de meilleure qualitĂ©ne montrent aucune rĂ©duction du risque (figure 3). Il a cepen-dant Ă©tĂ© soulignĂ© que cette mĂ©ta-analyse pourrait avoir excluplusieurs Ă©tudes de qualitĂ© et la validitĂ© de la mĂ©ta-analyse a Ă©tĂ©remise en cause par des auteurs dont certains ont dĂ©clarĂ© desconflits dâintĂ©rĂȘt.
Des Ă©tudes utilisant de nouvelles mĂ©thodologies comme la ran-domisation mendĂ©lienne confirment cette hypothĂšse delâabsence des effets « protecteurs ». Ce type de mĂ©thodologie netient pas compte des consommations dĂ©clarĂ©es, mais permet decatĂ©goriser les personnes en fonction des polymorphismes desgĂšnes codant les enzymes de dĂ©gradation de lâalcool et doncdâestimer le niveau de consommation dâalcool. Les Ă©tudes utili-sant ce type de mĂ©thodologie, et en la comparant Ă la mĂ©tho-dologie classique, dĂ©montrent sur une mĂȘme population que lescourbes en « J » disparaissent et deviennent linĂ©aires montrantainsi lâabsence dâeffets « protecteurs ».
Au total, des nouvelles donnĂ©es et des nouvelles mĂ©thodologiesappliquĂ©es Ă lâĂ©tude de lâassociation entre consommationdâalcool et risques pour la santĂ© ont fait avancer lâĂ©tat des14
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Ajustement complet
6 études haute qualité
SĂ©lection des Ă©tudes
Risque relatif [IC 95 %]
Niveau ajustement Risque relatif
13 Ă©tudes sans biais abstinents
9 Ă©tudes avec biais buveursoccasionnels seul
24 Ă©tudes avec biaisanciens buveurs
1,04 [0,95-1,15]
0,90 [0,76-1,06]
0,86 [0,82-0,91]
0,86 [0,78-0,95]
0,72 1,82 0,92 1,02 1,12
0,80 0,90 1,00 1,10
Valeurs aberrantes exclues
Biais abstinents éliminé
Ethnie ou non
Tabac exclu
Toutes covariables éliminées
0,97 [0,88-1,07]
0,97 [0,89-1,05]
0,96 [0,87-1,06]
0,95 [0,88-1,03]
0,91 [0,84-0,97]
0,86 [0,83-0,90]
Figure 3 : En haut : Estimation des risques relatifs de la mortalité toutecause chez les buveurs avec des faibles niveaux de consommationcomparativement aux abstinents vie-entiÚre avec ou sans covariablesdans 81 études. En bas : Estimation des risques relatifs de la mortalitétoute cause chez les buveurs avec des faibles niveaux de consomma-tion comparativement aux abstinents vie-entiÚre aprÚs contrÎle descaractéristiques des études par le choix des études
connaissances notamment sur les faibles niveaux de consomma-tion dâalcool. Le niveau de consommation dâalcool pour lequelle risque de dommages est minimal est donc de zĂ©ro verre stan-dard par semaine. Au niveau international, diffĂ©rentes institu-tions du champ de la cancĂ©rologie ont modifiĂ© leur message 15
SynthĂšse
depuis quelques annĂ©es en prĂ©cisant quâil nâexiste pas de niveaude consommation dâalcool sans risque et que ne pas boire est lameilleure option pour prĂ©venir le cancer. De plus, de potentielseffets « protecteurs » de lâalcool ne peuvent plus aujourdâhui ĂȘtremis en avant car mĂȘme si ces potentiels effets « protecteurs »existaient, dâune part lorsque les risques sur la santĂ© sont apprĂ©-ciĂ©s de maniĂšre globale, ces effets seraient trĂšs largementcompensĂ©s par les effets dĂ©lĂ©tĂšres de lâalcool. Dâautre part, ilsseraient obtenus pour des consommations ne dĂ©passant pas lesnouveaux repĂšres de consommation construits autour de lanotion de risque faible pour la santĂ©. Enfin, de nombreux expertssâaccordent et recommandent de ne pas conseiller dâinitier uneconsommation dâalcool, mĂȘme faible, Ă des fins supposĂ©es dâamĂ©-lioration de santĂ© chez des non-consommateurs. Les nouvellesdonnĂ©es sur les effets des faibles niveaux de consommation doi-vent nous interpeller sur la nĂ©cessitĂ© de renforcer les messagesdâinformation, de sensibilisation et de prĂ©vention. La rĂ©ductionde la consommation dâalcool mĂȘme lorsque les niveaux sont dĂ©jĂ faibles Ă modĂ©rĂ©s permettrait dâĂ©viter un nombre non nĂ©gli-geable de dĂ©cĂšs et de diminuer lâincidence de certainespathologies.
Dommages spécifiques à la période périnatale
PrĂ©valence du syndrome dâalcoolisation fĆtale (SAF),repĂ©rage des enfants atteints et formation desprofessionnels
En Europe, la prĂ©valence du syndrome dâalcoolisation fĆtale(SAF) est estimĂ©e Ă 37 pour 10 000 personnes, ce qui en fait larĂ©gion Ă prĂ©valence la plus Ă©levĂ©e au monde. En France, il nâya pas dâestimation globale disponible et les donnĂ©esdâEUROCAT (Registre europĂ©en pour la surveillance Ă©pidĂ©mio-logique des anomalies congĂ©nitales) montrent quâil existe degrandes diffĂ©rences selon les rĂ©gions couvertes par les registres16
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
dâanomalies congĂ©nitales. LâĂ©volution des connaissances enneuro-dĂ©veloppement a conduit Ă une extension de la dĂ©finitiondu syndrome, de SAF Ă ETCAF (pour Ensemble des TroublesCausĂ©s par lâAlcoolisation FĆtale). Le repĂ©rage des enfantsconcernĂ©s peut ĂȘtre tardif, jusquâĂ 6 ans ou plus, rendant difficilela distinction entre le rĂŽle de lâexposition in utero et celui delâenvironnement familial prĂ©coce.
Pour le repĂ©rage des enfants atteints et la prise en charge, ilexiste des enjeux professionnels, de la nĂ©onatologie Ă la mĂ©de-cine gĂ©nĂ©rale, et une grande complexitĂ© diagnostique. Les pro-grĂšs dans le domaine des biomarqueurs directs ont Ă©tĂ© impor-tants ces 2 derniĂšres dĂ©cennies ; les plus performants pourattester de lâexposition prĂ©natale Ă lâalcool (EPA) sont des mar-queurs sur le mĂ©conium. Les travaux doivent se poursuivre pouramĂ©liorer ces biomarqueurs qui peuvent ĂȘtre nĂ©cessaires Ă desfins de surveillance, dans des sous-groupes spĂ©cifiques, ou Ă desfins de recherche. Il est difficile de prĂ©coniser une gĂ©nĂ©ralisationde lâusage de ces tests, Ă la lecture des connaissances disponibles.Les professionnels de la pĂ©diatrie sont diversement formĂ©s aurepĂ©rage des enfants atteints. Hormis des cas extrĂȘmes et rares,lâidentification des atteintes liĂ©es Ă lâEPA nĂ©cessite des examenscliniques dĂ©taillĂ©s, dĂšs la naissance et aux Ă©tapes-clĂ©s du dĂ©ve-loppement, par des pĂ©diatres formĂ©s en premiĂšre ligne et/ou desprofessionnels qualifiĂ©s en neuro-dĂ©veloppement. Ces enfantsporteurs de plusieurs troubles (de lâapprentissage, du comporte-ment, sensoriels...) ne peuvent pas aujourdâhui tous bĂ©nĂ©ficierde prises en charge rĂ©Ă©ducatives Ă lâĂąge adĂ©quat qui pourraientrĂ©duire les dommages liĂ©s Ă lâalcoolisation fĆtale.
Les équipes soignantes, organisées en réseaux de santé périnataleou réseaux de pédiatrie, doivent entretenir les connaissances etles formations de leurs membres pour optimiser ces repérages etprises en charge spécifiques. Outre les médecins, des psychomo-tricien/nes, psychologues, puériculteurs/trices, ergothérapeutes etéducateurs/trices sont partie prenante de ces équipes et doiventbénéficier et contribuer à cette formation et sensibilisation. Lesenfants atteints peuvent grandir dans des familles vulnérables ou 17
SynthĂšse
au niveau de vie prĂ©caire ou bien ĂȘtre confiĂ©s aux services delâaide sociale Ă lâenfance. Leur handicap liĂ© aux TCAF peut secumuler avec les pathologies plus frĂ©quentes dans ce contexte(pathologies chroniques, obĂ©sitĂ©, malnutrition, par exemple).
Le risque lors de la pĂ©riode qui prĂ©cĂšde la grossesse est encoremal documentĂ© et les connaissances scientifiques limitĂ©es : ya-t-il une pĂ©riode oĂč les comportements en matiĂšre de consom-mation dâalcool des adultes qui voudraient devenir parents sontdangereux pour lâembryon et le fĆtus ? Quelle serait la durĂ©e decette pĂ©riode ? Et y a-t-il un risque pour le futur fĆtus concer-nant lâalcoolisation du pĂšre dans la pĂ©riode qui prĂ©cĂšde laconception ? Ces questions sont soulevĂ©es par certaines donnĂ©esdâobservation mais il est nĂ©cessaire de poursuivre les recherches(Ă©tiologie, biochimie, etc.) avant de formuler des messages deprĂ©vention prĂ©cis et fondĂ©s sur des preuves scientifiques.
Parce que le cerveau se rĂ©vĂšle dâune grande complexitĂ© biolo-gique et son dĂ©veloppement et son fonctionnement Ă lâĂągeadulte sont Ă©troitement contrĂŽlĂ©s par des mĂ©canismes Ă©pigĂ©nĂ©-tiques, il est nĂ©cessaire de sâattarder dans les dommages spĂ©cifi-ques Ă la pĂ©riode pĂ©rinatale sur les troubles de lâalcoolisationfĆtale et son impact Ă©pigĂ©nĂ©tique sur le cerveau.
De nouvelles avancĂ©es grĂące Ă lâimpact des donnĂ©esen Ă©pigĂ©nĂ©tique
Les donnĂ©es Ă©pigĂ©nĂ©tiques ouvrent des possibilitĂ©s diagnostiqueset thĂ©rapeutiques ainsi quâen termes de prĂ©vention et de rĂ©duc-tion des risques liĂ©s aux consommations Ă risque. Les mĂ©ca-nismes Ă©pigĂ©nĂ©tiques ont un rĂŽle dans le dĂ©veloppement du cer-veau via leurs capacitĂ©s Ă rendre accessibles ou non certains pansde lâinformation gĂ©nĂ©tique contenue dans lâADN et de per-mettre ainsi Ă la cellule « dâexprimer » ou non tel ou tel gĂšne.LâaccessibilitĂ© Ă lâinformation gĂ©nĂ©tique contenue dans lâADNest gĂ©rĂ©e par un enroulement de cette longue molĂ©cule de façonplus ou moins serrĂ©e, ce qui conduit Ă lâexposition de parties de18
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
cette molĂ©cule (et donc de gĂšnes). Les machineries cellulairessont alors capables de lire cette information, de la transcrire etde la traduire en protĂ©ines ou, au contraire, Ćuvrer Ă sa compac-tion. LâADN sâenroule autour dâune unitĂ© de base qui est consti-tuĂ©e par un petit complexe protĂ©ique (le nuclĂ©osome, composĂ©dâhistones). Câest un code de « dĂ©corations » chimiques de ceshistones (acĂ©tylation, mĂ©thylation, phosphorylation, etc.), ainsique la mĂ©thylation de lâADN lui-mĂȘme, qui vont dĂ©terminer lanature plus ou moins compacte de lâenroulement. Lâensemblede ces « dĂ©corations » chimiques sont appelĂ©es « marques Ă©pi-gĂ©nĂ©tiques ». Ces marques peuvent ĂȘtre transmises dâune cellulemĂšre Ă une cellule fille, au cours des divisions cellulaires (câestla mĂ©moire Ă©pigĂ©nĂ©tique). Ce sont ces codes qui permettentdâouvrir ou de fermer certains programmes dâexpression de gĂšnescruciaux pour le dĂ©veloppement du cerveau dans des fenĂȘtresde temps trĂšs prĂ©cises.
Il est tentant dâimaginer quâen jouant sur lâactivitĂ© des enzymesimpliquĂ©es dans le dĂ©pĂŽt de ces marques sur le gĂ©nome, on pour-rait effacer ces marques et retourner Ă une conformation nor-male de la chromatine, et de lâexpression de ces gĂšnes. Le pro-blĂšme nâest pas simple car il ne suffit pas dâexciser les marquesaberrantes, mais aussi de favoriser le dĂ©pĂŽt des marques nor-males, physiologiques. De façon importante, les mĂ©canismes Ă©pi-gĂ©nĂ©tiques sont rĂ©versibles et cette rĂ©versibilitĂ© pourrait ĂȘtrelâobjet de voies thĂ©rapeutiques. Toutes les Ă©tapes du dĂ©veloppe-ment du cerveau sont sous contrĂŽle trĂšs Ă©troit de mĂ©canismesĂ©pigĂ©nĂ©tiques et lâactivitĂ© neuronale elle-mĂȘme est capable demodifier les marques Ă©pigĂ©nĂ©tiques.
Toute dĂ©rĂ©gulation des mĂ©canismes Ă©pigĂ©nĂ©tiques au cours dudĂ©veloppement du cerveau est susceptible dâaugmenter le risquede dĂ©velopper des maladies neuropsychiatriques. Que ce soit enraison de mutations des acteurs Ă©pigĂ©nĂ©tiques, capables dedĂ©poser des marques Ă©pigĂ©nĂ©tiques, de les exciser, ou de les« lire » et de les « interprĂ©ter », ou bien suite Ă lâexposition Ă des agressions environnementales au stade fĆtal, pĂ©rinatal ouadulte. Parmi ces agressions, lâexposition prĂ©natale Ă lâalcool 19
SynthĂšse
(EPA) est une cause majeure dâanomalies neurodĂ©veloppemen-tales car elle est capable dâendommager toutes les Ă©tapes dudĂ©veloppement du cerveau. Ces dĂ©fauts contribuent Ă un largespectre de dĂ©ficits dont la sĂ©vĂ©ritĂ© est variable, rĂ©pertoriĂ© sousle nom de ETCAF.
EPA, ETCAF et perturbations Ă©pigĂ©nĂ©tiques :vers des biomarqueurs dâexposition ou de pronostic ?
Lâalcool perturbe les mĂ©canismes Ă©pigĂ©nĂ©tiques de diversesmaniĂšres : en altĂ©rant la disponibilitĂ© des « dĂ©corations » dĂ©po-sĂ©es sur les histones ou lâADN, en modifiant lâabondance oulâactivitĂ© des enzymes qui les dĂ©posent ou les enlĂšvent et celledes acteurs Ă©pigĂ©nĂ©tiques qui les lisent et les interprĂštent ; enconsĂ©quence, lâalcool perturbe les mĂ©canismes Ă©pigĂ©nĂ©tiques enmodifiant lâĂ©pigĂ©nome, câest-Ă -dire le profil des marques Ă©pigĂ©-nĂ©tiques Ă lâĂ©chelle du gĂ©nome.
La dĂ©termination des perturbations Ă©pigĂ©nĂ©tiques induites parlâEPA est cruciale Ă la fois pour comprendre au niveau molĂ©-culaire les effets de lâEPA sur lâĂ©pigĂ©nome et sur lâexpressiondes gĂšnes ou pour identifier des biomarqueurs dâEPA chez lesjeunes enfants. En effet, les ETCAF sont trĂšs difficiles Ă dia-gnostiquer en raison de leur complexitĂ©. La dĂ©tection desfemmes enceintes Ă risque pour leur consommation dâalcoolreste compliquĂ©e et restreinte (et celle de leur pĂšre lâest encoreplus) et lâhistorique dâEPA reste souvent inconnu. Une pers-pective rĂ©side Ă©galement dans le fait dâidentifier des stratĂ©giesthĂ©rapeutiques visant Ă inverser (reverse) le dĂ©pĂŽt de marquesĂ©pigĂ©nĂ©tiques aberrantes, pour normaliser lâexpression des gĂšnesdans le cerveau aprĂšs EPA. Les techniques de dĂ©tection desmarques Ă©pigĂ©nĂ©tiques ont grandement bĂ©nĂ©ficiĂ© des approchesde sĂ©quençage Ă haut dĂ©bit de lâADN permettant de dĂ©tecterla mĂ©thylation de lâADN lui-mĂȘme ou de cartographier lesmodifications chimiques des histones Ă lâĂ©chelle du gĂ©nome.Elles permettront peut-ĂȘtre dâidentifier des biomarqueursdâexposition ou mĂȘme de pronostic.20
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Les Ă©tudes restent encore trĂšs imparfaites et de nombreux freinsexistent encore avant de tirer des conclusions pĂ©rennes. Lescohortes dâenfants ou de collections dâĂ©chantillons biologiquesfĆtaux ETCAF, sont encore trĂšs restreintes et mal caractĂ©risĂ©esen termes de donnĂ©es dĂ©mographiques, de sexe, dâĂąge, dâethni-citĂ©, de mode de recrutement dâalcoolisation ou de sevrage. Ellesne permettent pas dâexclure lâinfluence de facteurs gĂ©nĂ©tiquesou de facteurs confondants (comme des problĂšmes Ă©conomiqueset Ă©ducationnels, des abus sexuels et de la maltraitance, unedĂ©pression chez la mĂšre, une addiction Ă dâautres substancespsychotropes, etc.). Les modĂšles animaux ont permis de sâaffran-chir des facteurs confondants, mais les doses et les modesdâalcoolisation (chroniques ou aigus), les fenĂȘtres de temps aprĂšslâalcoolisation sont trĂšs divers selon les Ă©tudes et il est difficiledâen tirer des conclusions gĂ©nĂ©rales. NĂ©anmoins, il semble quecertaines rĂ©gions gĂ©niques ou clusters de gĂšnes porteurs de mar-ques Ă©pigĂ©nĂ©tiques aberrantes suite Ă lâEPA soient identifiĂ©s dansun nombre dâĂ©tudes croissant et constituent des zones dâintĂ©rĂȘtavec un vrai potentiel de biomarqueurs. Un autre frein Ă ladĂ©termination de biomarqueurs Ă©pigĂ©nĂ©tiques de lâEPA estlâinaccessibilitĂ© du cerveau Ă des explorations invasives. Cepen-dant, un nombre croissant dâĂ©tudes montrent quâun parallĂšleimparfait, mais exploitable, existe entre les perturbations Ă©pigĂ©-nĂ©tiques induites dans le cerveau en dĂ©veloppement par lâEPAet celles observĂ©es dans des tissus pĂ©riphĂ©riques.
Se pose Ă©galement la question du dĂ©pĂŽt prĂ©coce de marquesĂ©pigĂ©nĂ©tiques aprĂšs exposition (surtout pour lâEPA) et de leur« persistance » Ă distance temporelle de lâalcoolisation. En effet,lâimmense majoritĂ© des investigations de lâĂ©pigĂ©nome aprĂšs EPAa Ă©tĂ© faite chez lâadulte. On ne peut donc savoir si les marquesĂ©pigĂ©nĂ©tiques aberrantes observĂ©es sont issues de lâEPA et sontpersistantes, ou si elles dĂ©coulent secondairement dâune activitĂ©neuronale altĂ©rĂ©e suite Ă lâEPA.
Enfin, il manque Ă la grande majoritĂ© des Ă©tudes la dĂ©monstra-tion formelle de lâimpact fonctionnel de ces perturbations Ă©pi-gĂ©nĂ©tiques sur lâexpression de gĂšnes clĂ©s pour le dĂ©veloppement 21
SynthĂšse
et le fonctionnement du cerveau, dĂ©monstration nĂ©cessaire Ă leur validation comme biomarqueurs. Une telle validation esttechniquement possible Ă lâavenir grĂące aux nouvelles approchesdites dâ« Ă©dition de lâĂ©pigĂ©nome ». Lâensemble de ces considĂ©-rations sâapplique aussi aux consommations Ă risque chez lâadulte(lors de la consommation ou du sevrage).
MalgrĂ© les progrĂšs accĂ©lĂ©rĂ©s dans ce domaine rĂ©cent quâest lâĂ©pi-gĂ©nĂ©tique et le potentiel thĂ©rapeutique que soulĂšve la rĂ©versi-bilitĂ© des mĂ©canismes Ă©pigĂ©nĂ©tiques, il existe encore des freinsĂ la dĂ©finition de stratĂ©gies thĂ©rapeutiques. MalgrĂ© des percĂ©estechnologiques trĂšs prometteuses basĂ©es sur les approches dâĂ©di-tion de lâĂ©pigĂ©nome qui visent Ă restaurer des marques Ă©pigĂ©nĂ©-tiques de façon ciblĂ©e sur les rĂ©gions gĂ©nomiques concernĂ©es,sans en modifier la sĂ©quence dâADN, de telles stratĂ©gies sont eneffet techniquement et Ă©thiquement trĂšs difficiles Ă mettre enĆuvre. Les stratĂ©gies de remĂ©diation non mĂ©dicamenteusesquant Ă elles, visant Ă rĂ©duire le risque de dĂ©velopper des trou-bles neurodĂ©veloppementaux ou Ă amĂ©liorer les capacitĂ©s cogni-tives et dâinteractions sociales des patients ETCAF sont trĂšssĂ©duisantes (stratĂ©gies dâĂ©ducation et dâapprentissage utilisantou non les jeux vidĂ©o et la rĂ©alitĂ© virtuelle, thĂ©rapie du contrĂŽlecognitif, thĂ©rapie langagiĂšre et linguistique, etc.). Mais la faibletaille et la dĂ©finition encore imparfaite des cohortes dâune part,et, dâautre part, le nombre restreint dâĂ©tudes de qualitĂ©, trĂšs Ă©cla-tĂ©es en termes de mĂ©thodes mises en Ćuvre et de qualitĂ© desanalyses statistiques des rĂ©sultats, empĂȘchent de tirer des conclu-sions pĂ©rennes sur leurs actions et sur leur impact sur les marquesdâĂ©pigĂ©nĂ©tique.
Facteurs de risque de la consommation dâalcool
Les consommations dâalcool, comme dâautres comportements enlien avec la santĂ©, sont multifactorielles, et dues Ă la fois Ă desfacteurs structurels/collectifs et Ă des facteurs individuels. Comme22
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
de nombreux comportements de santĂ©, les consommationsdâalcool sont rĂ©parties au sein de la population selon une distri-bution normale ou quasi-normale, ce qui signifie que pour rĂ©duirela consommation excessive il est nĂ©cessaire de rĂ©duire la consom-mation moyenne de la population. NĂ©anmoins, la plupart desĂ©tudes sur les facteurs de risque ou de protection ne portent passur des consommations moyennes mais sur des consommationsplus Ă©levĂ©es : importantes, Ă risque ou problĂ©matiques.Pour les facteurs de risque collectifs interviennent le niveau dedĂ©veloppement du pays de rĂ©sidence (plus il est Ă©levĂ© plus laconsommation dâalcool est Ă©levĂ©e), la culture relative Ă lâalcool,le contexte des consommations dâalcool ainsi que le niveau deproduction, de distribution et de rĂ©gulation des produits alcoo-lisĂ©s. En particulier, des facteurs tels que la lĂ©gislation relativeĂ la vente dâalcool, le prix des produits alcoolisĂ©s, la disponibilitĂ©de lâalcool, mesurĂ©e notamment par la densitĂ© des points devente ou des boĂźtes de nuit ou encore les normes relatives Ă laconsommation dâalcool, sont associĂ©s aux perceptions positivesde lâalcool et aux tendances de consommation. De plus, la publi-citĂ© et le marketing de lâalcool peuvent influencer les niveauxet modes de consommation (voir la partie « Marketing des pro-duits alcoolisĂ©s » de cette synthĂšse). Il a Ă©galement Ă©tĂ© montrĂ©que la dĂ©gradation des conditions socio-Ă©conomiques, commepar exemple lâaugmentation du taux de chĂŽmage peut inciter Ă la consommation dâalcool sous forme dâalcoolisation ponctuelleimportante. Enfin, des caractĂ©ristiques sociĂ©tales comme leniveau dâĂ©quitĂ© hommes-femmes ou les discriminations vis-Ă -visdes personnes appartenant Ă des minoritĂ©s ethniques ousexuelles sont Ă©galement associĂ©es Ă des niveaux Ă©levĂ©s deconsommation dâalcool â et en particulier de consommation Ă risque â Ă lâĂ©chelle de la population.Au-delĂ des facteurs collectifs, des caractĂ©ristiques familiales ourelatives Ă lâentourage des personnes, peuvent Ă©galement influersur les consommations dâalcool.
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SynthĂšse
Concernant les facteurs de risque familiaux/environnementaux,de nombreuses recherches documentent lâexcĂšs de risque deconsommation problĂ©matique dâalcool chez les personnes quiont des antĂ©cĂ©dents familiaux de problĂšmes liĂ©s Ă lâalcool. Chezles adolescents, les difficultĂ©s socio-Ă©conomiques ou psycholo-giques au sein de la famille ou encore lâabsence de supervisionparentale, les conflits familiaux et lâexposition Ă la violenceintrafamiliale ainsi que la proposition dâalcool par les parentssont associĂ©s aux consommations des jeunes. Enfin, la consom-mation dâalcool par les pairs est Ă©galement un facteur de risquede consommation Ă©tabli, ce qui peut en partie ĂȘtre dĂ» au faitque les jeunes intĂ©ressĂ©s par la consommation dâalcool sâentou-rent dâautres jeunes qui ont les mĂȘmes centres dâintĂ©rĂȘt. Si chezles adolescents, la consommation dâalcool est un comportementde groupe, chez les adultes, au contraire, les recherches mon-trent que câest plutĂŽt lâisolement relationnel qui induit un risqueĂ©levĂ© dâavoir une consommation problĂ©matique dâalcool.Parmi les facteurs de risque individuels associĂ©s Ă la consomma-tion dâalcool, en particulier la consommation Ă risque, il fautciter en premier lieu les facteurs gĂ©nĂ©tiques. Les Ă©tudes estimentquâentre 50 et 70 % du risque dâaddiction Ă lâalcool est hĂ©ritable,en effet la probabilitĂ© dâavoir une consommation problĂ©matiqueest plus importante parmi les jumeaux monozygotes que parmiles jumeaux dizygotes. Certains gĂšnes associĂ©s Ă une augmenta-tion ou une diminution du risque de consommation problĂ©ma-tique dâalcool ont Ă©tĂ© identifiĂ©s (par exemple ALDH2), maisglobalement la susceptibilitĂ© aux problĂšmes dâalcool semble par-tagĂ©e avec dâautres formes de conduites addictives, en lien avecles gĂšnes qui dĂ©terminent les systĂšmes de neurotransmetteurs(par exemple les systĂšmes dopaminergique, opioĂŻdergique,GABAergique, sĂ©rotoninergique, cholinergique, glutamater-gique). NĂ©anmoins il est Ă noter que parmi les SNP (SingleNucleotide Polymorphism) identifiĂ©s Ă ce jour, aucun nâexpliqueplus de 1 % du risque de consommation problĂ©matique dâalcool.Dans lâensemble, lâimportance des facteurs gĂ©nĂ©tiques augmenteavec lâĂąge jusquâĂ 25 ans environ et semble plus importante dans
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
un contexte permissif. De plus, les facteurs gĂ©nĂ©tiques interagis-sent avec les expĂ©riences de vie et les caractĂ©ristiques de lâenvi-ronnement de vie des personnes, et les recherches actuelles exa-minent en dĂ©tail les mĂ©canismes Ă©pigĂ©nĂ©tiques qui pourraientcontribuer aux difficultĂ©s relatives Ă la consommation dâalcool(voir la partie « De nouvelles avancĂ©es grĂące Ă lâimpact des don-nĂ©es en Ă©pigĂ©nĂ©tique » de cette synthĂšse).Au-delĂ des facteurs gĂ©nĂ©tiques, de nombreuses caractĂ©ristiquesdes expĂ©riences vĂ©cues par les personnes ou de leurs traits decaractĂšre, sont associĂ©es Ă la consommation dâalcool. Il est utileici de distinguer les facteurs de risque individuels identifiĂ©s dĂšslâadolescence. Ainsi, parmi les facteurs les plus fortement asso-ciĂ©s aux problĂšmes de consommation dâalcool, on trouve lesexpĂ©riences de maltraitance ou dâabus sexuels â particuliĂšrementau cours de lâenfance.Par ailleurs, une orientation homosexuelle ou bisexuelle est Ă©ga-lement associĂ©e Ă des niveaux de consommation dâalcool Ă©levĂ©sdĂšs lâadolescence et tout au long de lâĂąge adulte â particuliĂšre-ment chez les jeunes filles et les femmes et ce probablement enpartie du fait des discriminations subies et de certains modes devie plus volontiers communautaires (rencontres dans des barsou des lieux de convivialitĂ©, rĂ©unions, regroupements de mili-tants dâassociations, etc.). Les hommes homosexuels ou bisexuelssont Ă©galement plus Ă risque que les hommes hĂ©tĂ©rosexuelsdâavoir une consommation Ă©levĂ©e de boissons alcoolisĂ©es parti-culiĂšrement dĂšs lâadolescence. La diffĂ©rence est toutefois moinsimportante que pour les femmes.Parmi les facteurs psychologiques, les problĂšmes de comporte-ment, ainsi que lâimpulsivitĂ©/faible maĂźtrise de soi ont Ă©tĂ© iden-tifiĂ©s comme Ă©tant associĂ©s aux conduites addictives dont lesconsommations problĂ©matiques dâalcool. Câest Ă©galement le casde la recherche de sensations qui peut induire lâexpĂ©rimentationprĂ©coce et le dĂ©sinvestissement scolaire. Les donnĂ©es concernantle rĂŽle de problĂšmes Ă©motionnels sont moins concordantes,nĂ©anmoins des Ă©tudes ont rapportĂ© que des symptĂŽmes dâanxiĂ©tĂ©prĂ©disent les consommations dâalcool. Par ailleurs, des recherches 25
SynthĂšse
rĂ©centes soulignent lâeffet prĂ©dicteur de difficultĂ©s de sommeilâ endormissement tardif ou problĂšmes de sommeil. Enfin, il aĂ©tĂ© observĂ© au cours des derniĂšres annĂ©es que la consommationde boissons Ă©nergisantes prĂ©dit la consommation dâalcool âconjointe ou non, sans que lâon ne sache Ă ce jour si cette rela-tion est causale.
Par ailleurs, des facteurs de risque spĂ©cifiques Ă lâĂąge adulte ontĂ©tĂ© observĂ©s et concernent les facteurs psychologiques, lâhostilitĂ©et plus gĂ©nĂ©ralement lâaffectivitĂ© nĂ©gative et les symptĂŽmes dedĂ©pression/anxiĂ©tĂ©. Alors que les liens entre situation sociale etconsommation dâalcool chez les adolescents sont complexes, onobserve des inĂ©galitĂ©s sociales marquĂ©es dans ce domaine chezles adultes que lâon prenne en compte les difficultĂ©s socio-Ă©co-nomiques auto-rapportĂ©es ou le fait dâĂȘtre au chĂŽmage. Enfin,parmi les conditions de travail, certaines sont associĂ©es Ă la pro-babilitĂ© de boire de lâalcool de maniĂšre excessive, notammentun nombre important dâheures de travail (48 h ou plus/semaine),le fait dâĂȘtre en contact avec le public, et des facteurs psycho-sociaux dĂ©favorables (faible soutien au travail, conflits, harcĂš-lement). Enfin, certaines activitĂ©s de loisirs, et notamment lâuti-lisation importante des rĂ©seaux sociaux pourraient Ă©galementĂȘtre associĂ©es Ă des consommations dâalcool â et dâautres pro-duits â Ă©levĂ©es.
Les facteurs de protection des consommations dâalcool peuventĂ©galement se situer Ă un niveau collectif, familial ou individuel.Les principaux facteurs de protection collectifs sont le prix delâalcool, la rĂ©gulation du nombre et de la concentration de lieuxde vente, la rĂ©duction des horaires de vente et le respect delâinterdiction de vente aux mineurs. Enfin, pour les adolescents,lâaccĂšs â physique et financier â Ă des activitĂ©s sociales et rĂ©crĂ©a-tives favorables Ă la santĂ© est associĂ© Ă une diminution desconsommations problĂ©matiques dâalcool et dâautres substancespsychoactives. Ă lâĂ©chelle des familles, le soutien parental et lesoutien aux parents et Ă la parentalitĂ© semblent trĂšs efficacespour prĂ©venir ou rĂ©duire les consommations dâalcool chez lesjeunes. Ă lâĂ©chelle individuelle, lâinvestissement dans la26
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
scolaritĂ© ou dans des activitĂ©s sociales et rĂ©crĂ©atives favorablesĂ la santĂ© (artistiques, sportives) semble protecteur. Enfin, ledĂ©veloppement de capacitĂ©s de coping (par exemple lâestimede soi, la possibilitĂ© de gĂ©rer des conflits), ou encore la spiritua-litĂ© et la pratique religieuse sont des facteurs protecteursdâimportance.
Marketing des produits alcoolisés
Afin de faire Ă©voluer les tendances de consommation Ă lâĂ©chellede la population, les politiques publiques visant Ă rĂ©duire lâaccĂšsĂ lâalcool ont montrĂ© leurs preuves dâefficacitĂ© â notammentchez les jeunes â et mĂ©riteraient dâĂȘtre renforcĂ©es, notammentautour du marketing des produits alcoolisĂ©s.Les outils classiques du marketing (les 4 « P » : produit, prix,publicitĂ©, place â accĂšs aux produits) sont mobilisĂ©s par les pro-ducteurs dâalcool pour inciter une cible large Ă acheter et Ă consommer leurs marques.Des techniques commerciales spĂ©cifiques sont par ailleursdĂ©ployĂ©es pour toucher des profils particuliers de consomma-teurs : les jeunes, qui reprĂ©sentent lâavenir de la consommationdâalcool (ciblage avec des produits aromatisĂ©s, prix faible, venteĂ lâunitĂ©, publicitĂ© digitale, etc.), et les femmes, sous-consom-matrices par rapport aux hommes (ciblage avec des produitslĂ©gers en alcool, arĂŽmes fruitĂ©s, soutien de causes fĂ©minines,etc.). En France et selon lâobservatoire Kantar Media, une pige7
des investissements publicitaires des alcooliers rĂ©alisĂ©e pourSantĂ© publique France, il est estimĂ© que les budgets publicitairesdes marques dâalcool, qui ne reprĂ©sentent quâune partie desdĂ©penses marketing, sâĂ©lĂšvent respectivement Ă 454,6, 369,2 et208,5 millions dâeuros en 2016, 2017 et 2018.
7. Une pige est un dispositif de recueil des informations ici des investissementspublicitaires. 27
SynthĂšse
Des travaux scientifiques menĂ©s Ă partir des annĂ©es 2000 ontanalysĂ© lâeffet du marketing de lâalcool sur les jeunes. CesĂ©tudes ont particuliĂšrement Ă©tudiĂ© lâimpact de la publicitĂ© quien est une composante. La trĂšs grande majoritĂ© des recherchesrĂ©sumĂ©es dans trois revues de la littĂ©rature rĂ©vĂšlent un lienpositif et significatif entre lâexposition au marketing et Ă lapublicitĂ© pour des produits alcooliques, les attitudes puis lescomportements dâalcoolisation des jeunes (initiation pour lesnon-consommateurs, augmentation de consommation pour lesjeunes consommateurs).Ainsi, au-delĂ de lâinfluence des pairs, des parents, de la culture,lâĂ©tat actuel de la recherche indique que le marketing des indus-triels de lâalcool joue aussi un rĂŽle pour expliquer les compor-tements dâalcoolisation de cette population.En consĂ©quence, et afin de protĂ©ger les mineurs, les acteurs dela santĂ© nationaux et internationaux recommandent de rĂ©gulerles pratiques commerciales de lâindustrie alcooliĂšre. Pour cefaire, certains pays ont optĂ© pour lâautorĂ©gulation : les industrielset/ou leurs reprĂ©sentants (syndicats, etc.) proposent des codesde bonne conduite quâils sâengagent Ă suivre en matiĂšre decommunication publicitaire envers les mineurs. Il estaujourdâhui Ă©tabli dans la littĂ©rature que cette solution nâest pasefficace pour protĂ©ger les jeunes du marketing de lâalcool. Câestla raison pour laquelle de plus en plus de pays sâengagent dansla mise en place de lois, Ă lâinstar de la France, prĂ©curseur en lamatiĂšre en 1991 avec la loi Ăvin rĂ©gulatrice des publicitĂ©s pourles boissons alcoolisĂ©es (entre autres).Or il sâavĂšre que dans sa version actuelle, la loi Ăvin protĂšgepeu les mineurs de lâexposition Ă la publicitĂ© des marquesdâalcool, en particulier sur certains supports (publicitĂ©s et pro-motions dans les supermarchĂ©s, internet, affichage dans la rue,etc.). DiffĂ©rentes raisons expliquent ce constat. En premier lieu,la loi Ăvin nâest pas toujours respectĂ©e : la justice condamnerĂ©guliĂšrement des publicitĂ©s jugĂ©es illĂ©gales. En second lieu,cette rĂšglementation a Ă©tĂ© considĂ©rablement modifiĂ©e et affai-blie depuis sa mise en place en 1991 sous lâeffet du lobbying des28
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
producteurs dâalcool (lâaffichage partout et la publicitĂ© surinternet sont dĂ©sormais autorisĂ©s), ce qui explique quâelle neremplit pas pleinement son rĂŽle de protection de la jeunesse.Au-delĂ du marketing et de la publicitĂ© classiques, les produc-teurs dâalcool investissent internet, mĂ©dia trĂšs frĂ©quentĂ© par lesjeunes. Les formats publicitaires digitaux des marques dâalcoolsont protĂ©iformes : sites de marque, rĂ©seaux sociaux, e-mails,concours, stories, etc. Sur internet, les chercheurs distinguentles contenus commerciaux qui Ă©manent des producteurs dâalcool(sites, soutien affichĂ© Ă des Ă©vĂ©nements, recours Ă des cĂ©lĂ©-britĂ©s), des messages pro-alcool diffusĂ©s par des tiers et/ou desinternautes. Dans ce dernier cas, il nâest pas rare de voir desbars, discothĂšques, festivals, Ă©vĂ©nements sportifs, internautes ougroupes dâinternautes propager des messages favorables aux mar-ques dâalcool ou Ă lâalcool en gĂ©nĂ©ral. Sans lien officiel dĂ©clarĂ©entre les diffuseurs de ces messages et les producteurs dâalcool,il est trĂšs difficile de dire si le contenu publiĂ© est rĂ©alisĂ© dansun cadre personnel ou dâun parrainage rĂ©munĂ©rĂ©.Par ailleurs, une des spĂ©cificitĂ©s du marketing digital est dâinciterles internautes Ă sâengager et Ă interagir avec les publicationsdes marques dâalcool. Cette interaction et cet engagement sefont via le dĂ©pĂŽt de commentaires, des partages, des « likes »,des inscriptions Ă des jeux concours, etc. On parle le cas Ă©chĂ©antdâutilisateurs « actifs » (ils sâengagent personnellement : ils twit-tent, re-twittent, « likent », commentent, postent et partagentdu contenu pro-alcool) Ă lâinverse des internautes « passifs » (quine font que recevoir des contenus pro-alcool via les messages deleurs pairs, des publicitĂ©s sur leur fil dâactualitĂ©s, etc.).Des recherches ont Ă©tĂ© menĂ©es sur lâeffet de ces diffĂ©rents for-mats publicitaires sur internet, quâils Ă©manent ou non officiel-lement des producteurs dâalcool, et quâils engagent ou non lesinternautes. Quatre synthĂšses de la littĂ©rature ont Ă©tĂ© publiĂ©essur lâinfluence du marketing digital de lâalcool. La trĂšs grandemajoritĂ© des travaux recensĂ©s Ă©tablit un lien positif et significatifentre lâexposition Ă des contenus pro-alcool sur internet puislâenvie de consommer, la consommation dĂ©clarĂ©e actuelle ou 29
SynthĂšse
passĂ©e, la banalisation des alcoolisations excessives et les pro-blĂšmes rencontrĂ©s par les jeunes avec lâalcool. Ces recherchesnâayant gĂ©nĂ©ralement pas analysĂ© le sens de ces associations, defutures Ă©tudes sont Ă mener afin de les caractĂ©riser plusprĂ©cisĂ©ment.Les travaux acadĂ©miques les plus rĂ©cents ont analysĂ© en parti-culier lâeffet des messages pro-alcool diffusĂ©s officiellement pardes internautes (et non par les producteurs dâalcool), partant duconstat que si les jeunes sont critiques vis-Ă -vis des techniquescommerciales dĂ©ployĂ©es par des marques dâalcool sur internet ety participent rarement, ils sont plus rĂ©ceptifs et sâengagent plusvolontiers face Ă des contenus Ă©mis par des pairs. Les rĂ©sultatsde ces Ă©tudes, peu nombreuses pour le moment, suggĂšrent quesâengager soi-mĂȘme dans la diffusion de messages pro-alcool (encomparaison avec la participation au marketing des produc-teurs) aurait un impact plus important sur sa consommation deboissons alcoolisĂ©es et serait favorable Ă lâimage et lâidentitĂ© desparticipants. De plus, ĂȘtre exposĂ© Ă des messages et des commen-taires pro-alcool diffusĂ©s par des pairs influencerait la normeperçue par rapport Ă la consommation dâalcool vers unebanalisation.Les particularitĂ©s dâinternet rendent dĂ©licate la rĂ©gulation despublicitĂ©s diffusĂ©es sur ce mĂ©dia. Le systĂšme des barriĂšres dâĂągeexiste : il consiste Ă bloquer lâaccĂšs aux sites de marque dâalcoolou Ă leurs rĂ©seaux sociaux dĂšs lors que lâinternaute se dĂ©claremineur. Des Ă©tudes ont montrĂ© que ce dispositif est peu efficacecar les jeunes mentent souvent sur leur Ăąge pour accĂ©der auxcontenus digitaux qui les intĂ©ressent.Certains pays se sont dotĂ©s de lois trĂšs prĂ©cises sur le volet mar-keting digital de lâalcool. Câest le cas de la Finlande qui a adoptĂ©en 2015 une rĂšglementation qui prĂ©cise que toutes les formesde sollicitations marketing pour engager les internautes sontinterdites (incitation à « liker », Ă poster des commentaires, Ă rĂ©agir sur les rĂ©seaux sociaux des marques, Ă sâinscrire Ă desconcours, jeux, tirages au sort, etc.), que ces incitations Ă©manentdes industriels de lâalcool et/ou de partenaires commerciaux30
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
(bars, discothĂšques, influenceurs payĂ©s, etc.). Cette loi est intĂ©-ressante car elle assimile les formes modernes de publicitĂ©s surinternet, mais elle pose toutefois la question de la traçabilitĂ© desliens entre les producteurs dâalcool et des Ă©metteurs de messagespro-alcool.
Lobbying de la filiĂšre alcool
La littĂ©rature concernant le lobbying de la filiĂšre alcool sâestdĂ©veloppĂ©e Ă partir des annĂ©es 2000. Elle analyse les stratĂ©gies,techniques et arguments mobilisĂ©s pour influencer les dĂ©cideurspolitiques dans un sens favorable aux intĂ©rĂȘts commerciaux deces firmes.
DiffĂ©rentes formes dâorganisations ont Ă©tĂ© identifiĂ©es en tantquâacteurs du lobbying en faveur de lâalcool. Il sâagit des pro-ducteurs dâalcool, des associations professionnelles (syndicats,reprĂ©sentants de filiĂšres), des organismes de relations publiquesĂ caractĂšre « social » financĂ©s par lâindustrie de lâalcool(« SAPRO » en anglais : Social Aspects and Public Relations Orga-nisations) dont les missions affichĂ©es sont de mener des campa-gnes de prĂ©vention et/ou de promouvoir la consommation res-ponsable dâalcool, et tout autre acteur qui, Ă court, moyen oulong terme, sâassocie Ă la filiĂšre alcool pour empĂȘcher la miseen place dâune rĂšglementation (secteur de lâhospitalitĂ©, mĂ©dias,agences de publicitĂ©, de marketing, distributeurs, etc.).
Les travaux publiĂ©s explorent les stratĂ©gies dĂ©ployĂ©es par cesdiffĂ©rentes organisations pour empĂȘcher, attĂ©nuer, retarder ouretirer des mesures adoptĂ©es ou envisagĂ©es par des gouverne-ments ou lâOMS et identifiĂ©es comme les plus coĂ»ts efficacestelles que la hausse des taxes, un prix minimum par unitĂ©dâalcool, la rĂ©gulation de la publicitĂ©, la restriction de lâaccĂšsaux produits alcooliques (vente dans certains rĂ©seaux de distri-bution), etc. Une revue de la littĂ©rature montre que la filiĂšrealcool se positionne de façon spĂ©cifique pour influencer les 31
SynthĂšse
dĂ©cisions politiques. Les acteurs de la filiĂšre se positionnentcomme des partenaires clefs de la prĂ©vention et des acteurs Ă©co-nomiques responsables (diabolisĂ©s Ă tort par les acteurs de lasantĂ©) et dĂ©dramatisent les mĂ©faits du produit en mentionnantquâils touchent une minoritĂ© de la population et que la consom-mation modĂ©rĂ©e de ce produit apporte des bĂ©nĂ©fices sur la santĂ©.En consĂ©quence, les mesures proposĂ©es par ces acteurs du lob-bying pour rĂ©soudre le problĂšme reposent sur lâĂ©ducation Ă lamodĂ©ration, des interventions ciblĂ©es sur les publics Ă risque(femmes enceintes, jeunes, etc.), alors quâils se montrent hos-tiles aux mesures qui touchent lâensemble de la population(taxes, rĂ©gulation du marketing, etc.).Il est intĂ©ressant de constater la similaritĂ© entre les stratĂ©gies etles arguments de lobbying identifiĂ©s dans la littĂ©rature interna-tionale et ceux adoptĂ©s par les acteurs de la filiĂšre alcool enFrance (producteurs, syndicats, organismes de relations publi-ques Ă caractĂšre « social » financĂ©s par lâindustrie de lâalcool).Une partie des travaux recensĂ©s sur le lobbying est consacrĂ©een particulier Ă lâimplication de la filiĂšre alcool dans la recherchescientifique. Les outils identifiĂ©s pour ce faire sont multiples :des crĂ©ations dâinstituts de recherche financĂ©s par les produc-teurs dâalcool, un financement en direct de centres universitaireset de chercheurs, la rĂ©alisation de recherches en interne (sur lesbĂ©nĂ©fices de la consommation dâalcool sur la santĂ© par exemple)ou en lien avec des sociĂ©tĂ©s dâĂ©tudes de marchĂ© puis la diffusiondâinformations « scientifiques » dans le but de toucher des ciblesvariĂ©es (politiques, journalistes, acteurs de la santĂ©, grand public,etc.) Ă travers des colloques, des rapports et/ou les sites internetde la filiĂšre alcool.Les motivations des compagnies alcooliĂšres Ă sâimmiscer dans lemonde acadĂ©mique sont de trois ordres : 1) publier des travauxpour peser sur les dĂ©bats sociĂ©taux en confrontant les rĂ©sultatsde leurs propres recherches Ă ceux dĂ©favorables Ă lâalcool ; 2)donner du crĂ©dit aux rĂ©sultats des recherches financĂ©es parlâalcool et publiĂ©es par des chercheurs ; 3) collaborer avec lemonde universitaire, toucher ainsi des leaders dâopinion32
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
scientifiques et amĂ©liorer lâimage de lâindustrie de lâalcool auprĂšsde ces publics.Des biais et des risques de dĂ©rives engendrĂ©s par lâimplicationde lâindustrie de lâalcool dans la recherche ont Ă©tĂ© mis Ă jour. Ilsâagit de biais mĂ©thodologiques, de lâorientation des thĂšmes derecherche financĂ©s par la filiĂšre alcool (les travaux soutenusportent sur les parcours individuels alors que les facteurs envi-ronnementaux sont « oubliĂ©s »), de lâĂ©mergence dâun sentimentde rĂ©ciprocitĂ© de la part des chercheurs financĂ©s puis dâunmanque de transparence sur les travaux publiĂ©s et financĂ©s parla filiĂšre alcool.Des recherches se sont Ă©galement intĂ©ressĂ©es Ă la façon dont lafiliĂšre alcool tente, en particulier, de contrer les rĂ©gulations dumarketing de lâalcool mises en place ces derniĂšres dĂ©cenniesdans certains pays et prĂ©conisĂ©es par lâOMS. Une revue systĂ©-matique a Ă©tĂ© publiĂ©e sur ce thĂšme. Elle rĂ©vĂšle lâexistence decinq axes stratĂ©giques dĂ©ployĂ©s par la filiĂšre alcool afin dâinflĂ©-chir les dĂ©cisions sur les rĂ©gulations marketing : 1) la diffusiondâinformations sur le sujet en faveur de lâalcool (via des rencon-tres directes ou indirectes avec les dĂ©cideurs, des collaborationsavec les gouvernements, des publications qui omettent et/ourĂ©futent la littĂ©rature scientifique sur lâimpact du marketing surles jeunes) ; 2) la constitution de groupes dâintĂ©rĂȘts et dâalliancespour peser contre la mesure (groupes dâinfluence internes et/ouexternes Ă la filiĂšre alcool) ; 3) la proposition de mesures alter-natives Ă la rĂ©gulation du marketing (autorĂ©gulation, pro-grammes de responsabilitĂ© sociale des entreprises et dâĂ©ducationau goĂ»t de lâalcool des plus jeunes) ; 4) recours Ă des lois (remiseen cause de la lĂ©galitĂ© de la mesure, mobilisation de textes inter-nationaux pour contrer la mesure locale) ; 5) incitations/dissua-sions financiĂšres (arrĂȘt des financements dans le sport, finance-ment de partis politiques hostiles Ă la rĂ©gulation du marketing,cadeaux).Outre ces stratĂ©gies, les chercheurs ont Ă©galement identifiĂ© lesarguments mobilisĂ©s par lâindustrie de lâalcool pour contrer lesrĂ©gulations du marketing. Ils sont de plusieurs types : 1) la 33
SynthĂšse
mesure est jugĂ©e inutile et redondante (lâautorĂ©gulation existedĂ©jĂ ) ; 2) il manque des preuves sur son efficacitĂ© ; 3) elle entraĂź-nera des consĂ©quences Ă©conomiques nĂ©gatives (emploi, attrac-tivitĂ© du pays) ; 4) la rĂ©duction des dommages liĂ©s Ă lâalcool estun problĂšme complexe qui ne peut se rĂ©soudre par la rĂ©gulationdu marketing.Ces diffĂ©rents arguments ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s dans les discours dif-fusĂ©s dans les mĂ©dias britanniques par la filiĂšre alcool Ă proposde la loi Ăvin au moment oĂč lâIrlande et lâĂcosse se posaient laquestion dâadopter une rĂ©glementation similaire (rĂ©gulation dumarketing finalement votĂ©e en Irlande en 2018).Enfin, certains chercheurs ont constatĂ© une similitude entre lesstratĂ©gies et arguments de lobbying de la filiĂšre alcool et cellesdes compagnies de tabac pour tenter dâinfluencer les dĂ©cisionspolitiques. Cela a Ă©tĂ© constatĂ© sur le plan des stratĂ©gies globales,de lâimplication dans la recherche et de lâopposition aux rĂ©gu-lations du marketing.
Prévention primaire
Construction et principales mesures dâun programmedâactions publiques
Avec un coĂ»t social estimĂ© Ă 118 milliards dâeuros imputable Ă la consommation dâalcool, certains dĂ©noncent les inĂ©galitĂ©s detraitement des diffĂ©rents produits des dĂ©pendances. Les politi-ques publiques actuelles ne sont pas le reflet de la dangerositĂ©du produit « alcool ». Souvent, le poids Ă©conomique du secteuret la force du lobbying alcoolier sont mis en avant pour expli-quer cette spĂ©cificitĂ© de lâalcool : le marchĂ© français nây Ă©chappepas, que ce soit sur le marchĂ© intĂ©rieur ou Ă lâexportation. Onvoit alors se dessiner lâun des obstacles majeurs au dĂ©veloppe-ment dâune politique publique de lutte contre les dommages liĂ©sĂ lâalcool : le clivage entre santĂ© publique et Ă©conomie.
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Une politique nationale ambitieuse et cohĂ©rente entre ces deuxextrĂȘmes est-elle possible ? Pour dĂ©passer cette opposition se des-sine une approche en termes de rĂ©duction des risques et desdommages liĂ©s Ă la consommation dâalcool. Plus prĂ©cisĂ©ment,lâanalyse critique de la littĂ©rature existante permet de dĂ©ter-miner que premiĂšrement, les mesures les plus coĂ»t-efficacessont : les politiques de contrĂŽle de lâoffre et de la demande ; lesinterdictions de la publicitĂ© ; les politiques de lutte contrelâalcool au volant ; des mesures complĂ©mentaires spĂ©cifiquementĂ destination des mineurs. DeuxiĂšmement, la situation des paysconcernant lâadoption de lignes directrices (guidelines) est trĂšsvariable selon les pays (en avoir ou non, spĂ©cifiques Ă lâalcoolou englobĂ©es dans une approche plus gĂ©nĂ©rale des addictions oude la nutrition, etc.) mais il semble que leur impact soit dâautantplus important quâil y a une communication importante sur lesraisons qui les motivent et notamment le lien entre alcool etcancer. TroisiĂšmement, la littĂ©rature sur les avertissements sani-taires est assez consensuelle sur le fait que lâon manque dâĂ©tudesdâimpact sur lâapposition de messages ou de pictogrammes deprĂ©vention sur les contenants et quâil faudrait dĂ©velopper lesrecherches en la matiĂšre. NĂ©anmoins, on peut retenir quelâapposition des avertissements sanitaires doit sâinscrire dans unestratĂ©gie globale et cohĂ©rente, avec les quelques Ă©lĂ©ments sui-vants : les avertissements semblent Ă©chouer Ă toucher lesconsommateurs dâalcool les plus Ă risque ; les messages spĂ©cifi-ques (par risque, par type dâalcool, par sexe, etc.) seraient plusefficaces que les messages universels ; une rotation des messagesest nĂ©cessaire pour Ă©viter lâaccoutumance et la perte dâeffica-citĂ© ; la taille, lâemplacement, voire la couleur mĂ©riteraientdâĂȘtre rĂ©Ă©tudiĂ©s ainsi que dans la perspective dâun Ă©tiquetagenutritionnel. Enfin, cet Ă©tiquetage ne doit pas ĂȘtre laissĂ© auvolontariat de lâindustrie alcooliĂšre mais doit ĂȘtre lâobjet dâunepolitique publique contraignante, obligatoire et uniforme.
QuatriÚmement, des recommandations consensuelles émergentde la littérature comme développer un plan global qui combinede maniÚre cohérente plusieurs types de mesures coût-efficaces ; 35
SynthĂšse
augmenter les moyens de la recherche, de lâenseignement et dela prĂ©vention sur lâalcool ; rĂ©guler obligatoirement et non laisserde lâauto-rĂ©gulation (volontariat) en matiĂšre de prĂ©vention etdâavertissements ; former tous les types de professionnelsconcernĂ©s, notamment au repĂ©rage prĂ©coce et Ă lâinterventionbrĂšve (RPIB) (voir la partie « Intervention brĂšve » de cettesynthĂšse).En revanche, les dĂ©bats restent ouverts sur le type dâapprochela plus pertinente (ciblĂ©e sur lâalcool ou gĂ©nĂ©rale sur les addic-tions, ciblĂ©e ou universelle, individuelle ou collective), ainsi quesur lâintĂ©rĂȘt de sâinspirer de ce qui se fait pour dâautres substanceset en premier lieu pour le tabac (alcoolisme passif [les effets dela consommation dâalcool sur lâentourage du consommateur],convention internationale, etc.).Enfin, il existe un certain nombre dâĂ©lĂ©ments nĂ©cessaires Ă laconstruction de ces politiques de rĂ©duction des risques et desdommages liĂ©s Ă lâalcool, comme le fait de mener un large dĂ©batsocial et politique ; chercher Ă agir sur les aspects cognitifs etculturels ; la nĂ©cessaire volontĂ© politique de maintenir la cohĂ©-rence des messages et des politiques publiques face Ă un lobbypuissant ; le fait Ă la fois dâinscrire les mesures dans la durĂ©e etde trouver les moyens de rendre leur mise en Ćuvre effective ;le fait de construire cette approche globale en mettant le sys-tĂšme de soins et les professionnels de santĂ© au cĆur de larĂ©flexion et de lâaction publique.
Actions sur la restriction de lâoffre/demande et les prix
Les politiques de contrĂŽle de lâoffre et de la demande font partiedes principales mesures coĂ»t-efficaces dâun programme dâactionspubliques (cf. ci-dessus). De leur Ă©valuation proposĂ©e par la lit-tĂ©rature scientifique, il ressort que les mesures de restriction delâoffre et de la demande dâalcool sont des moyens efficaces delimitation de lâusage dâalcool.
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
La limitation de lâoffre dâalcool
Ainsi, en matiĂšre de limitation de lâoffre dâalcool, trois mesuresphares ont Ă©tĂ© mises en Ćuvre et Ă©valuĂ©es dans diffĂ©rents pays etpermettent une mise en relief de la situation française. La res-triction du nombre de dĂ©bits de boissons alcoolisĂ©es sâeffectue parles conditions avec lesquelles de nouveaux dĂ©bits de boissonsalcoolisĂ©es peuvent sâĂ©tablir en un territoire donnĂ©. Alors quâenFrance de fortes prĂ©rogatives sont actuellement en faveur dâunedĂ©cision unilatĂ©rale des maires et des prĂ©fets, avec une lĂ©gislationqui vient de sâassouplir concernant la migration des licences IVĂ destination des aires touristiques, en Angleterre, la dĂ©cisiondâoctroi de licence est multipartite. Ce sont en effet des commis-sions composĂ©es de diffĂ©rentes parties prenantes Ă lâinstallationde dĂ©bits de boissons qui donnent ou non leur aval Ă de nouvellesimplantations. Ces procĂ©dures ont pour effet de modifier la socio-logie des tenanciers de dĂ©bits de boissons et de mettre Ă lâagendade la dĂ©cision dâautorisation dâouverture de fortes prĂ©occupationsdâordre public. Il ressort Ă©galement que, depuis lâinstauration deces commissions, le nombre dâadmissions Ă lâhĂŽpital en lien aveclâalcool a diminuĂ© dans les aires gĂ©ographiques dont ces commis-sions ont la charge. De la mĂȘme façon, en France, les maires etles prĂ©fets fixent par arrĂȘtĂ©s les heures dâouverture et de fermeturedes dĂ©bits de boissons Ă emporter ou Ă consommer sur place dansla limite de la lĂ©gislation nationale. Des diffĂ©rences territorialesexistent ainsi concernant les heures de fermeture des dĂ©bits deboissons. DiffĂ©rentes expĂ©riences Ă©trangĂšres de restriction ou aucontraire dâĂ©largissement des plages horaires de vente dâalcoolĂ©clairent lâimpact que ces modifications peuvent avoir en termesdâusage dâalcool et de dommages associĂ©s. Que cela soit aux Pays-Bas, en Allemagne, en NorvĂšge, en Suisse ou encore en Australie,la littĂ©rature scientifique, exploitant diffĂ©rentes mĂ©thodologiesdâĂ©valuation, sâaccorde sur lâintĂ©rĂȘt, sur des indicateurs de santĂ©et dâordre publics (baisse des consommations, diminution desagressions violentes, baisse des alcoolĂ©mies routiĂšres...), de res-treindre les plages horaires de vente dâalcool, Ă emporter ou Ă consommer sur place. 37
SynthĂšse
Les bĂ©nĂ©fices Ă limiter les consommations dâalcool des plusjeunes sont aussi clairement documentĂ©s. Les interdictions devente dâalcool aux mineurs sont associĂ©es Ă une plus faible acci-dentologie routiĂšre, Ă de plus faibles consommations dâalcool etĂ de moindres consĂ©quences nĂ©gatives de lâusage dâalcool chezles adolescents et jeunes adultes. Des recherches tendent Ă mon-trer Ă©galement les bĂ©nĂ©fices sanitaires Ă long terme que produi-raient de telles interdictions. Les preuves scientifiques delâintĂ©rĂȘt des limites dâĂąge Ă©levĂ©es en matiĂšre dâaccĂšs Ă lâalcoolsont donc aujourdâhui indubitables.
En ce sens, lâaugmentation progressive de lâĂąge lĂ©gal dâaccĂšs Ă lâalcool en France apparaĂźt judicieuse.
Il nâen reste pas moins que ces mesures dâinterdiction doiventĂȘtre respectĂ©es. Les vendeurs dâalcool nĂ©erlandais, sur place ouĂ emporter, ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de formations sur cette problĂ©matiqueet ont Ă©tĂ© dotĂ©s dâoutils de vĂ©rification de lâĂąge des clients quiles ont aidĂ©s Ă implĂ©menter une telle mesure. Les travaux Ă©va-luatifs montrent ainsi une amĂ©lioration constante du respect dela loi de vente dâalcool aux mineurs depuis quelques annĂ©es auxPays-Bas. Il nâempĂȘche que certains travaux soulignent Ă©gale-ment lâintĂ©rĂȘt dâune sanction dissuasive ainsi que lâintĂ©rĂȘt decontrĂŽles frĂ©quents.
La limitation de la demande dâalcool
En matiĂšre de limitation de la demande dâalcool, ce sont bienles mĂ©canismes fiscaux qui sont les plus largement mobilisĂ©s etĂ©valuĂ©s Ă lâinternational, et en Europe en particulier.
Il sâagit dâaugmenter le prix des boissons alcoolisĂ©es, Ă traversune augmentation des taxes et des droits dâaccises les frappant,dans le but que les consommateurs restreignent leur achat etdonc leur consommation. La littĂ©rature scientifique sâintĂ©resseainsi aux impacts des augmentations des prix des boissons alcoo-lisĂ©es dans leur intensitĂ©, dans les catĂ©gories de population lesplus Ă mĂȘmes dâĂȘtre sensibles Ă ces variations de prix, et finale-ment Ă leur impact en termes de santĂ© publique. Des travaux38
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
en la matiÚre, il ressort que les individus sont effectivementsensibles aux variations de prix des boissons alcoolisées. Collec-tivement, les individus se révÚlent trÚs sensibles aux variationsdes prix des spiritueux, sensibles aux variations du prix du vinet un peu moins à celles des prix des biÚres. Malgré ces diffé-rences, quand les prix augmentent les individus consommentmoins.
LâĂ©lasticitĂ©-prix de la demande dâalcool diffĂšre nĂ©anmoins selonles individus. Dans les derniers travaux en la matiĂšre, les jeunesapparaissent comme moins sensibles aux augmentations des prixdes boissons alcoolisĂ©es et en particulier, les plus intensifs dansleur usage dâalcool, et ce, mĂȘme si la taxe sâapplique sur des typesde boissons visant les jeunes consommateurs comme les ready-to-drink. Les jeunes et principalement les jeunes consommateursintensifs mettent ainsi en place des stratĂ©gies de contournementdes augmentations de taxes : ils cherchent Ă minimiser leurdĂ©pense pour chaque gramme dâalcool en diminuant la qualitĂ©des alcools achetĂ©s par exemple. Les consommateurs intensifsadultes auraient les mĂȘmes stratĂ©gies que les jeunes. Les dernierstravaux concluent que les gros consommateurs rĂ©pondent auxaugmentations des prix en substituant les produits en fonctionde leur prix. Ils se dirigent tendanciellement vers des dĂ©pensesmaximisant les unitĂ©s dâalcool par prix payĂ© soit en achetantplus souvent Ă emporter quâĂ consommer sur place, soit en ache-tant des marques dâalcool moins cher.
Que certaines catĂ©gories de population soient nettement moinssensibles que dâautres aux augmentations de prix ne disqualifiecertainement pas lâoutil fiscal en tant que politique de santĂ©publique. Cela implique tout au plus de conduire de plus amplesrecherches, entre autres, sur la façon dont lâindustrie de lâalcoolfavorise les effets de substitution entre les produits dâune part,et sur la façon dont les mĂ©canismes et designs fiscaux pourraientles limiter dâautre part. Concernant ce dernier point, tout unpan de la littĂ©rature sâattache Ă Ă©tudier les effets dâune taxationdu gramme dâalcool pur ou de lâimposition dâun prix minimumaux boissons alcoolisĂ©es. Il est conclu des expĂ©riences et des 39
SynthĂšse
Ă©valuations internationales que le design fiscal importe : les poli-tiques fondĂ©es sur un prix plancher et en particulier lâimpositiondâun prix minimum par unitĂ© dâalcool sont enclines Ă rĂ©duire laconsommation et la morbi-mortalitĂ© associĂ©e Ă lâalcool, aussibien en population gĂ©nĂ©rale que chez les populations jeunes etcelles dont lâusage dâalcool est intensif. En France, un tel mĂ©ca-nisme fiscal sâapplique dĂ©jĂ sur le sucre ajoutĂ© aux boissons nonalcoolisĂ©es, mĂ©canisme qualifiĂ© de « taxe soda ». Il apparaĂźt doncpossible de mettre en place un tel systĂšme concernant les unitĂ©sdâalcool contenues dans les boissons.
Mécanismes des actions de prévention : messages,comportements
Des campagnes dâinformation et/ou de sensibilisation sont rĂ©gu-liĂšrement conduites dans de nombreux pays. Le plus souvent,les concepteurs de ces campagnes tablent sur la modification dece que les individus ont en tĂȘte (croyances, motivations, savoirs,attitudes) pour changer les opinions et les comportements. Il aĂ©tĂ© montrĂ© que les rĂ©sultats obtenus en matiĂšre de changements,notamment comportementaux, sont rarement satisfaisantslorsque les concepteurs de campagne tablent sur lâinformationet sur la persuasion. MĂȘme si cela ne signifie pas quâinformer ouargumenter ne sert Ă rien.
Lâinformation et lâargumentation permettent au fil du temps, demodifier les savoirs, les attitudes et de provoquer des prises deconscience. Mais cette derniĂšre nâest pas un levier de change-ment. Des interventions efficaces en termes de rĂ©duction de laconsommation dâalcool sont, par consĂ©quent, nĂ©cessaires. Dansce sens, les avertissements sanitaires imposĂ©s aux alcooliersreprĂ©sentent une mesure intĂ©ressante sur le plan de la santĂ©publique car ils ne coĂ»tent rien aux Ătats contrairement auxcampagnes de prĂ©vention dans les mĂ©dias qui sont onĂ©reuses dĂšslors quâelles couvrent le territoire national. De plus, la littĂ©raturea montrĂ© que sous certaines conditions de format et de contenu,ces messages sont efficaces sur les diffĂ©rentes variables de la40
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
persuasion (augmentation de la connaissance des risques, mĂ©mo-risation, effet sur les intentions de consommation dâalcool, etc.).En France, ces messages, combinĂ©s Ă dâautres mesures, sont uneopportunitĂ© pour augmenter la connaissance de la populationsur les risques liĂ©s Ă la consommation dâalcool â risques pourcertains peu connus : cancer du sein, maladie cardiovasculaire,etc. et faire Ă©voluer les comportements dâalcoolisation.Des mĂ©ta-analyses montrent quâun changement de lâintention,estimĂ© entre moyen Ă fort, produit un changement de compor-tement estimĂ© entre faible et moyen. Ainsi, il faut que les inter-ventions produisent les plus grands changements dans les inten-tions, pour produire des changements de comportements. Enoutre, le changement dâintention nâest pas un bon prĂ©dicteurdu changement de comportement lorsque ce dernier est mesurĂ©environ trois mois aprĂšs la mesure de lâintention.Il est important dâidentifier les facteurs de risque relatifs auxtraits de personnalitĂ© (impulsivitĂ©, etc.) et aux Ă©volutions thy-miques (dĂ©pression, anxiĂ©tĂ©) afin de comprendre leurs interac-tions pour construire des programmes dâintervention prĂ©ventifset curatifs.Le guide de la roue du changement de Michie dĂ©crit les diffĂ©-rentes Ă©tapes pour rĂ©soudre un problĂšme de comportement : delâidentification du problĂšme (choix des prioritĂ©s en fonction dela pertinence et de la capacitĂ© Ă faire changer, quoi changer,quand, et qui doit changer), Ă lâidentification de lâinterventionet du comportement. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les chercheurssâaccordent Ă dire quâil manque dans les Ă©tudes sur lâadhĂ©sionaux recommandations sur les risques de la consommationdâalcool la rĂ©fĂ©rence Ă des thĂ©ories du changement dâattitude etaux techniques du changement de comportements afin que lesrecommandations en faveur de la rĂ©duction de la consommationdâalcool soient le plus efficaces possible. Pourtant certaines tech-niques sont particuliĂšrement efficaces, par exemple : fournir unfeedback sur sa propre performance (par exemple : par affichagegraphique de la consommation en mentionnant lâĂ©quivalentdâargent dĂ©pensĂ© ou le nombre de calories ingĂ©rĂ©es), susciter 41
SynthĂšse
lâengagement, la comparaison sociale permettent de rĂ©duire laconsommation. Ou encore, favoriser la formulation de plans spĂ©-cifiques (par exemple sous la forme de mise en Ćuvre : « oĂč,quand, comment ? » ou sous la forme « si... alors »).
Les chercheurs ont comparĂ© lâeffet des mises en Ćuvre de cesplans gĂ©nĂ©rĂ©s par les professionnels (par exemple : lâexpĂ©rimen-tateur ou le thĂ©rapeute) aux plans Ă©laborĂ©s par les participantseux-mĂȘmes. Les mises en Ćuvre sont gĂ©nĂ©ralement plus efficaceslorsquâelles sont dirigĂ©es par un professionnel. Lorsque lâon visedes interventions de changement de comportement Ă grandeĂ©chelle, il est prĂ©fĂ©rable de combiner des mises en Ćuvre avecdâautres stratĂ©gies comme lâutilisation dâun formulaire dâaide Ă la volontĂ© ou « Volitional Help Sheet » oĂč lâindividu choisit letype de rĂ©alisation quâil souhaite mettre en Ćuvre. La construc-tion dâune mise en Ćuvre peut ĂȘtre efficace lorsquâelle est incor-porĂ©e dans une intervention brĂšve. On conclut Ă lâefficacitĂ© desimplĂ©mentations dans la rĂ©duction de la consommation dâalcoolavec de plus faibles consommations dans le mois qui suitlâintervention.
Peu dâĂ©tudes ont Ă©valuĂ© lâĂ©laboration de normes perçues Ă lâado-lescence alors que les normes sociales perçues de la consomma-tion dâalcool sont de solides prĂ©dicteurs de cette mĂȘme consom-mation chez les adolescents. On relĂšve une augmentationimportante des normes descriptives (se conformer aux compor-tements dâautrui) et injonctives (approuver la consommationdâalcool) pendant lâadolescence et qui augmentent encore aveclâĂąge. Les rĂ©sultats suggĂšrent, par consĂ©quent : 1) la nĂ©cessitĂ©dâinterventions ciblant les normes perçues de consommationdâalcool au dĂ©but et au milieu de lâadolescence vĂ©cue commeune pĂ©riode dynamique dans lâĂ©tude des normes de consomma-tion dâalcool. Les programmes de prĂ©vention devraient incluredes feedbacks sur les normes injonctives pour en amĂ©liorer lâeffi-cacitĂ© ; 2) que les stratĂ©gies comportementales de protection(« Protective Behavioral Strategies » ou PBSs) câest-Ă -dire lescomportements que les individus peuvent rĂ©aliser afin de limiterles consĂ©quences nĂ©gatives de la consommation dâalcool sont42
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
susceptibles de rĂ©duire les mĂ©faits de lâalcool en diminuant laquantitĂ© totale dâalcool consommĂ©e.Lâutilisation de la technologie persuasive, qui vise Ă lâinnovationcomportementale, en suscitant un changement souhaitable enrenforçant le comportement et/ou lâattitude, se dĂ©veloppeaujourdâhui avec succĂšs (e-health, M-health). Cela dans pratique-ment tous les domaines de la santĂ© et du bien-ĂȘtre (sites web,messages sur appareils mobiles, etc.). Des applications visant Ă diminuer la consommation dâalcool sont dĂ©veloppĂ©es avecsuccĂšs Ă condition dâutiliser des outils validĂ©s par les thĂ©oriesdu changement de comportement (« Digital Behavior ChangeInterventions » ou DBCIs). Pour ce faire, il faut utiliser diffĂ©-rentes techniques de mesure de lâengagement, de profilage delâintervention, de communications. Plusieurs Ă©chelles permet-tent de mesurer lâimplication ou lâengagement dans les DBCIs.Finalement, les campagnes dâinformation classiques nâont quepeu dâeffet lorsquâil sâagit de changer les comportements. Au-delĂ des principales variables modĂ©ratrices (par exemple : lemilieu social ou les caractĂ©ristiques individuelles), le change-ment se conçoit Ă lâappui de modĂšles Ă©prouvĂ©s pour rendre plusefficaces les campagnes de communication classiques etaujourdâhui le plus souvent digitales. Sont identifiĂ©es, dans cettepartie, les principales techniques permettant ces changementsainsi que les effets de rĂ©sistance possibles entraĂźnant une inertieet une dĂ©fiance. La diffusion de ces informations quâelles soientclassiques ou digitales ou encore basĂ©es sur la persuasion tech-nologique devrait recourir, au moins en partie, Ă des techniquesrelevant dâun universalisme proportionnĂ©. Autrement dit enpermettant lâĂ©quitĂ© de lâintervention par lâapplication demesures universelles Ă lâensemble de la population et des mesuresdestinĂ©es Ă des groupes plus vulnĂ©rables.Pour la prĂ©vention des consommations, soit ne pas initier ouinterrompre toute consommation de boissons alcoolisĂ©es lors despĂ©riodes pĂ©rinatales, il y a de nombreuses difficultĂ©s Ă informerefficacement les femmes concernĂ©es enceintes ou qui veulent ledevenir. Le « ZĂ©ro Alcool » â prĂ©conisĂ© par diverses agences 43
SynthĂšse
sanitaires dans de nombreux pays dont la France â nâest pasappliquĂ© par de nombreuses femmes enceintes. En France, lesprofessionnels de lâobstĂ©trique sont moins vigilants auprĂšs deleurs patientes pour le risque liĂ© Ă lâalcool que pour celui liĂ© autabac. Globalement les campagnes de prĂ©vention atteignentassez bien leur but en termes dâinformation â pour ce qui est dela diffusion et des connaissances â mais nâont pas de rĂ©elle effi-cacitĂ© (en quantitĂ© ou en durĂ©e) sur la rĂ©duction de la consom-mation. AuprĂšs des femmes, les campagnes avec des messagesexplicites quant au risque mĂ©dical pour le futur enfant semblentplus dissuasives que des messages positifs dâencouragement Ă nepas consommer sans rĂ©fĂ©rence au risque fĆtal.
Interventions menĂ©es dans diffĂ©rents pays et Ă©valuĂ©escomme efficaces pour prĂ©venir la consommation dâalcool :en milieu scolaire, dans les familles, au travail
Dans le champ des interventions de prĂ©vention de la consom-mation dâalcool, certaines ont montrĂ© un bĂ©nĂ©fice pour rĂ©duirelâexpĂ©rimentation et/ou la consommation dâalcool des publicsvisĂ©s et pour minimiser les consĂ©quences nĂ©gatives qui dĂ©coulentde cette consommation. Ces interventions sĂ©lectionnĂ©es et Ă©va-luĂ©es comme efficaces pour prĂ©venir la consommation dâalcoolont Ă©tĂ© regroupĂ©es au sein de 5 grandes catĂ©gories : 1) les inter-ventions en milieu scolaire (ou dans lâenseignement supĂ©rieur) ;2) les interventions conduites auprĂšs des parents ou des familles ;3) les interventions en milieu du travail ; 4) les interventions Ă composantes ou milieux multiples ; et enfin 5) les autres inter-ventions comprenant les interventions de marketing social.
Interventions en milieu scolaire ou dans lâenseignement supĂ©rieur
⹠Interventions génériques de développementdes compétences psychosociales des élÚves
Cette catĂ©gorie dâinterventions consiste Ă dĂ©velopper descompĂ©tences sociales (dont la capacitĂ© Ă rĂ©sister Ă lâincitation44
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
des pairs Ă consommer), cognitives et Ă©motionnelles qui agissentcomme des facteurs de protection contre une large gamme decomportements Ă risque. Ces interventions sont le plus souventconduites en milieu scolaire durant les premiĂšres annĂ©es de col-lĂšge et sâadressent Ă lâensemble des Ă©lĂšves dâune classe (Life SkillsTraining, Unplugged). Les interventions sont structurĂ©es autourdâun programme de travail qui se dĂ©roule sur plusieurs semaines(en gĂ©nĂ©ral, des ateliers hebdomadaires de 1 Ă 2 heures sur unedurĂ©e de 6 Ă 14 semaines), ateliers conduits par des profession-nels formĂ©s (enseignants, Ă©ducateurs...). Les compĂ©tences sonttravaillĂ©es en groupe par le biais de mises en situation et de jeuxde rĂŽle. Des connaissances sont Ă©galement apportĂ©es sur les effetsnĂ©gatifs Ă court terme des produits ainsi que sur les normessociales de consommation (les prĂ©valences de consommationperçues parmi leurs pairs sont gĂ©nĂ©ralement surestimĂ©es et desactivitĂ©s visent Ă rectifier ces croyances). Certains programmes,Ă destination dâĂ©lĂšves prĂ©sentant des facteurs de risque (TheBrave), abordent des sujets spĂ©cifiques selon les problĂ©matiquesrencontrĂ©es (violence, normes de genre, orientation profession-nelle) et proposent des dispositifs de parrainage par des pairsplus ĂągĂ©s.
âą Interventions de dĂ©veloppement des compĂ©tencesdes Ă©lĂšves ciblĂ©es sur la rĂ©duction des consĂ©quencesnĂ©gatives liĂ©es Ă la consommation dâalcool
Ces programmes travaillent au dĂ©veloppement des compĂ©tencespsychosociales auprĂšs de collĂ©giens de 13 Ă 15 ans par le biaisde jeux de rĂŽle et de discussions centrĂ©s sur les situations Ă risquede consommation dâalcool, sur lâidentification des dommagesliĂ©s Ă ces consommations ainsi que sur lâĂ©laboration et la miseen pratique de stratĂ©gies dâĂ©vitement ou de rĂ©duction de cesdommages (SHAHRP, DEVS, CLIMATE Schools).
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SynthĂšse
⹠Interventions de prévention des comportementsproblématiques des élÚves en classe
Ces programmes sont souvent initiĂ©s plus tĂŽt dans le cursus sco-laire (maternelle ou primaire). Ils visent Ă rĂ©duire les compor-tements perturbateurs (Good Behavior Game) ou agressifs et anti-sociaux (Olweus Bullying Prevention) des Ă©lĂšves. Ces stratĂ©giessâappuient sur la mise en place dâune pĂ©dagogie explicite, sur unrenforcement positif des comportements attendus, surlâinfluence du groupe, sur les modĂšles comportementaux desadultes (modĂšles positifs) et visent Ă la prise en compte par lesĂ©lĂšves de rĂšgles partagĂ©es de bonne conduite en classe et au seinde lâĂ©tablissement.
⹠Interventions brÚves destinées aux lycéenset aux étudiants
Ces interventions sâappuient principalement sur des techniquesde feedback normatif personnalisĂ© (FNP). Le FNP peut ĂȘtreassociĂ© Ă des techniques dâentretien motivationnel (BASICS).
âą Autres interventions en classe
Dâautres interventions, le plus souvent Ă destination de lycĂ©ensdĂ©jĂ confrontĂ©s Ă la consommation dâalcool, sâappuient sur desimples stratĂ©gies dâengagement (Keep a Clear Head), combinentau feedback normatif des interventions par SMS (MobileCoachAlcohol), utilisent des supports de serious game (confrontant lesjeunes Ă diffĂ©rents scĂ©narios de consommation et proposant desmessages de prĂ©vention adaptĂ©s Ă ces situations ainsi quâuneplanification dâobjectifs comportementaux de rĂ©duction desconsommations, cf. Alcohol Alert) ou combinent des compo-santes multiples notamment pour des Ă©tablissements accueillantdes Ă©lĂšves en rupture avec le cursus Ă©ducatif normal (ProjectToward No Drug Abuse : dĂ©veloppement des compĂ©tences psy-chosociales, travail sur la motivation, amĂ©lioration des connais-sances sur les consĂ©quences de la consommation et correctiondes croyances normatives).
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
⹠Interventions scolaires délivrées hors de la classe
Dans cette catĂ©gorie, des interventions brĂšves (de 1 Ă 7 sĂ©ances)conduites par des infirmiĂšres ou des Ă©ducateurs associent diffĂ©-rentes techniques dâintervention telles que des feedback person-nalisĂ©s (Project SPORT, STARS, CHOICE), la diffusion dâinfor-mations (STARS), la rectification des croyances normatives(ATLAS, CHOICE), un travail sur les motivations (CHOICE,STARS, Project SPORT), des jeux de rĂŽle pour dĂ©velopper lescompĂ©tences de rĂ©sistance Ă la pression des pairs (CHOICE,ATLAS, STARS), la planification dâobjectifs comportemen-taux de rĂ©duction des consommations (ATLAS, InShape) ouencore des techniques dâengagement (contrats de comporte-ments comme dans le programme STARS).
Interventions auprĂšs des parents et familles
⹠Intervention parentale précoce
Une intervention prĂ©coce (Nurse-Family Partnership) proposeaux femmes enceintes vulnĂ©rables et le plus souvent primiparesun suivi initiĂ© pendant la grossesse et jusquâaux deux ans delâenfant. Elle vise, par le biais de visites Ă domicile conduitespar des professionnels de la petite enfance, Ă prĂ©parer un envi-ronnement favorable Ă la venue de lâenfant, Ă soutenir lâĂ©tablis-sement dâun lien dâattachement sĂ»r entre la mĂšre et lâenfant(observations et guidance) et Ă accompagner les femmes dansla gestion des autres problĂ©matiques auxquelles elles se trouventconfrontĂ©es (santĂ©, emploi, logement, etc.). Ce programme amontrĂ© des effets significatifs sur la consommation dâalcool desadolescents dont les mĂšres avaient bĂ©nĂ©ficiĂ© du programme.
âą Interventions dâĂ©ducation parentale
Les programmes Ă©ducatifs ayant montrĂ© un bĂ©nĂ©fice sur laconsommation dâalcool visent gĂ©nĂ©ralement Ă modifier les atti-tudes des parents Ă lâĂ©gard de lâalcool (information sur les ris-ques, sur lâinfluence parentale, correction des croyances norma-tives des parents), Ă les aider Ă appliquer auprĂšs de leur 47
SynthĂšse
adolescent des rĂšgles de non-consommation (conseils, techni-ques de communication) et Ă les engager Ă conduire avec euxdes activitĂ©s de loisir. Ce type de dispositif sâadresse aux parentsde collĂ©giens (Ărebro Prevention Programme), de lycĂ©ens oudâĂ©tudiants (FITSTART, Parent Handbook). Ils peuvent ĂȘtre misen Ćuvre sur plusieurs annĂ©es, utiliser les rĂ©unions parents-enseignants, les courriers aux parents ou encore ĂȘtre dĂ©livrĂ©s parla remise de documents ou manuels.
⹠Interventions de renforcement des compétencesfamiliales
Ces programmes (Strengthening Families Programme, Preparing forthe Drug Free Years) associent Ă des volets de dĂ©veloppementdes compĂ©tences psychosociales des enfants (ateliers enfants),des volets de dĂ©veloppement des compĂ©tences parentales (ate-liers parents) et familiales (parents + enfants). Ils utilisent lesmĂȘmes techniques que les programmes de dĂ©veloppement descompĂ©tences psychosociales des enfants (acquisition de compĂ©-tences cognitives, Ă©motionnelles et sociales par le biais dâateliersinteractifs structurĂ©s). Ces programmes visent Ă dĂ©velopper chezles parents des compĂ©tences leur permettant dâĂȘtre plus efficacesdans la mise en Ćuvre de leurs fonctions de soutien et de super-vision et Ă amĂ©liorer la qualitĂ© des interactions au sein de lafamille.
Interventions en milieu de travail
âą Interventions psychosociales
Une partie de ces interventions, de 4 Ă 8 heures sur 1 Ă 3 sĂ©ances (Team Awareness, TASB, Team Resilience), visent Ă augmenter les capacitĂ©s de repĂ©rage, de soutien et dâorientationdes consommateurs problĂ©matiques dâalcool par leurs pairs etĂ travailler sur les normes de consommation et le climat pro-fessionnel. DĂ©veloppĂ©es dans diffĂ©rents contextes (munici-palitĂ©s, petites et moyennes entreprises ou milieu de la restau-ration), elles sâappuient sur des activitĂ©s interactives et le48
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
dĂ©veloppement des connaissances. Dâautres interventions cen-trĂ©es sur la gestion du stress dont lâintervention Yale Work andFamily Stress Project (15 sĂ©ances hebdomadaires de 90 minutes :rĂ©solution de problĂšmes, rĂ©Ă©valuation des situations stressanteset techniques de gestion du stress) ont montrĂ© des effets sur larĂ©duction de la consommation rĂ©cente dâalcool jusquâĂ 2 ansaprĂšs lâintervention.
âą Interventions brĂšves
Les interventions brĂšves en milieu de travail, notamment cellesfondĂ©es sur le seul feedback normatif personnalisĂ© (FNP) nâontpas fait lâobjet de rĂ©sultats convergents quant Ă leur impactpositif sur la consommation. Quelques interventions ont cepen-dant fait les preuves de leur efficacitĂ©. Parmi elles, une inter-vention ayant associĂ© au FNP un volet Ă©ducatif (connaissancessur lâusage dâalcool et ses consĂ©quences) ainsi quâun volet dedĂ©veloppement des compĂ©tences psychosociales a montrĂ© uneffet sur la rĂ©duction des consĂ©quences nĂ©gatives liĂ©es Ă laconsommation dâalcool chez les femmes ayant une consomma-tion Ă risque.
âą Interventions digitales
AdministrĂ©es via internet dans diffĂ©rents milieux professionnelset notamment dans lâarmĂ©e (PATROL), ces interventionssâappuient sur un feedback normatif auquel sâajoutent dâautrescomposantes telles que lâentretien motivationnel, la planifica-tion dâobjectifs, un travail sur la rĂ©solution de problĂšme ouencore sur la gestion des Ă©motions. Deux interventions sur les3 Ă©valuĂ©es ont montrĂ© des bĂ©nĂ©fices plus importants auprĂšs desconsommateurs les plus Ă risque.
âą Interventions sur lâenvironnement
Ces interventions visent essentiellement non pas les facteursindividuels, mais les facteurs collectifs et environnementaux,parmi lesquels les risques psychosociaux (stress, faible latitudedécisionnelle, charge de travail...), les normes de consommation 49
SynthĂšse
et lâaccĂšs aux boissons alcoolisĂ©es dans le milieu professionnel.Ces programmes pourraient ĂȘtre associĂ©s Ă des offres dâaide plusindividualisĂ©es (test, dĂ©pistage, prise en charge) notammentpour les consommations Ă haut risque.
Interventions Ă composantes ou milieux multiples
âą Interventions en milieu scolaire et auprĂšs des parentsou de la famille
Ces programmes reposent gĂ©nĂ©ralement sur un volet de dĂ©ve-loppement des compĂ©tences psychosociales des enfants et unvolet de dĂ©veloppement des compĂ©tences parentales ou fami-liales (SFP 10-14 + LST, Montreal Preventive Treatment Program)ou dâĂ©ducation parentale (ĂPP, Parent Handbook + BASICS,PAS, STAMPP) auxquels sâajoutent dâautres composantes. Laplupart de ces programmes sont conduits en prĂ©sentiel, maiscertains proposent des versions administrĂ©es par CD-ROM(SODAS). Les autres composantes mobilisĂ©es dans ces inter-ventions sont multiples : travail sur le climat scolaire et la ges-tion des rĂ©crĂ©ations, outils visant Ă favoriser les relations et lacommunication parents-enseignants (programme LIFT), sys-tĂšmes de tutorat pour renforcer les compĂ©tences scolaires (FastTrack, Raising Healthy Children), formation des enseignants(pĂ©dagogie interactive, explicite, renforcement positif desĂ©lĂšves) (Seattle Social Development Project) ou visites Ă domicilespour les Ă©lĂšves les plus en difficultĂ© (RHC, Fast Track). Cesprogrammes ont montrĂ© leur efficacitĂ© notamment dans lesmilieux les plus dĂ©favorisĂ©s.
âą Interventions communautaires
Les programmes communautaires rĂ©sultent gĂ©nĂ©ralement delâintĂ©gration de programmes comportant un volet scolaire dedĂ©veloppement des compĂ©tences psychosociales, un volet dedĂ©veloppement des compĂ©tences parentales et des actions surlâenvironnement (par exemple : limitation de lâaccĂšs aux bois-sons alcoolisĂ©es) Ă lâĂ©chelle dâun quartier, dâune ville ou dâune50
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
zone gĂ©ographique plus Ă©tendue (rĂ©gion, regroupementsdâĂ©coles, de villes ou dâuniversitĂ©s). La majoritĂ© de ces pro-grammes (PROSPER, Communities That Care, LUMA) ne pro-pose pas dâinterventions a priori. Ils sâappuient sur la constitutiondâune coalition dâacteurs et lâĂ©laboration dâun diagnostic par-tagĂ©. Sur la base de ce diagnostic, le groupe choisit une inter-vention ou une combinaison dâinterventions parmi une liste deprogrammes prometteurs ou ayant dĂ©jĂ fait les preuves de leurefficacitĂ© pour rĂ©pondre aux problĂ©matiques identifiĂ©es.
Autres interventions
âą Intervention de prĂ©vention sĂ©lective du risquede grossesse exposĂ©e Ă lâalcool
Une intervention (CHOICES) a montrĂ© son efficacitĂ© sur larĂ©duction du risque de grossesse exposĂ©e Ă lâalcool. Elle proposeun suivi sur 14 semaines (4 sĂ©ances de conseils utilisant uneapproche motivationnelle et une consultation mĂ©dicale sur lacontraception) Ă des femmes en Ăąge de procrĂ©er et identifiĂ©escomme ayant une consommation dâalcool Ă risque ainsi quâunecontraception peu efficace.
âą Interventions visant la prĂ©vention de consommationdâalcool des personnes ĂągĂ©es
Peu dâĂ©tudes et souvent de mauvaise qualitĂ© mĂ©thodologiquesont disponibles. Des interventions brĂšves (entretien avec uneinfirmiĂšre ou un mĂ©decin + feedback personnalisĂ© + informationsur les risques liĂ©s Ă la consommation dâalcool ; conseils de rĂ©duc-tion de consommation + liste des ressources et dispositifs dâaidedisponibles) conduites sur une ou plusieurs sĂ©ances (ProjetSHARE : 3 sĂ©ances de thĂ©rapie motivationnelle + feedback per-sonnalisĂ© + matĂ©riel Ă©ducatif + un journal de bord des consom-mations + conseils mĂ©dicaux ou dâĂ©ducation pour la santĂ©) ontcependant montrĂ© un bĂ©nĂ©fice en termes de rĂ©duction de laconsommation dâalcool. 51
SynthĂšse
âą Interventions de marketing social
Bien que plusieurs revues soulignent la faiblesse mĂ©thodologiquedes Ă©valuations disponibles dans ce champ, des interventions demarketing social ont montrĂ© leur intĂ©rĂȘt sur la modification dâuncertain nombre de comportements en lien avec la consomma-tion dâalcool (rĂ©duction de la consommation dâalcool, rĂ©ductionde lâalcool au volant, augmentation du nombre de conducteurs« sobres » dĂ©signĂ©s). Pour optimiser son efficacitĂ©, le marketingsocial doit cependant rĂ©pondre Ă plusieurs critĂšres, en particulieravoir un objectif comportemental, segmenter et cibler la popu-lation visĂ©e et tenir compte de la balance entre lâeffort demandĂ©et les bĂ©nĂ©fices attendus.
La prĂ©vention de la consommation dâalcool gagnerait Ă dĂ©ve-lopper des interventions prĂ©coces visant le renforcement de fac-teurs gĂ©nĂ©riques de protection telles que les compĂ©tences paren-tales et les compĂ©tences psychosociales des enfants et Ă travaillerplus largement sur les environnements sociaux (notamment lemilieu scolaire). Au-delĂ des effets positifs observĂ©s Ă long termesur les consommations de substances psychoactives, ces interven-tions participent Ă la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© etĂ la prĂ©vention dâune large gamme de comportements Ă risque.Ces approches peuvent ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es : Ă destination desfemmes enceintes prĂ©sentant des facteurs de vulnĂ©rabilitĂ© (iso-lĂ©es, primipares, etc.) pour apporter un soutien psychologique etsocial et accompagner le dĂ©veloppement dâun lien dâattachementsĂ»r ; Ă destination des parents exprimant un besoin dâaccompa-gnement Ă la parentalitĂ© avec lâobjectif de renforcer leurs capa-citĂ©s et leur sentiment dâefficacitĂ© dans lâexercice de leurs fonc-tions parentales (soutien affectif et supervision) ; Ă destinationdes professionnels de lâĂ©ducation pour dĂ©velopper leurs outils degestion des groupes, de rĂ©gulation des comportements etdâinfluences positives afin de valoriser les Ă©lĂšves, de favoriser lesapprentissages et leur permettre dâinternaliser les rĂšgles deconduite en collectivitĂ© ; Ă destination des Ă©lĂšves, en milieu sco-laire, afin de dĂ©velopper efficacement, en plus des compĂ©tencescognitives, leurs compĂ©tences sociales et Ă©motionnelles.52
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Ces interventions visant principalement la prĂ©vention de lâentrĂ©edans les consommations ou la prĂ©vention des consommations pro-blĂ©matiques doivent ĂȘtre complĂ©tĂ©es par des interventions dâaideĂ lâarrĂȘt ou Ă la rĂ©duction des risques pour les personnes dĂ©jĂ engagĂ©es dans des comportements de consommation que ce soitpour les jeunes ou dâautres populations (personnes ĂągĂ©es, femmesprĂ©sentant un risque de grossesse exposĂ©e Ă lâalcool).
Bénéfices des périodes « sans alcool »
Le Dry January ou « Janvier Sobre » est une campagne de sen-sibilisation annuelle originaire dâAngleterre incitant Ă ne pasconsommer dâalcool pendant le mois de janvier. Globalement,la rĂ©ussite du Dry January est associĂ©e Ă des changements deconsommation et une plus forte auto-efficacitĂ© persĂ©vĂ©rantjusquâĂ 6 mois aprĂšs, sans effets rebonds. La campagne DryJanuary prĂ©sente, dâaprĂšs lâexemple anglais, plus dâavantages quedâinconvĂ©nients Ă la rĂ©duction de la consommation dâalcool.
Il existe de nombreux dĂ©fis dâun mois sans alcool Ă travers lemonde. En effet, au cours des derniĂšres annĂ©es, dans de nom-breux pays (Royaume-Uni, Australie, Nouvelle ZĂ©lande,Canada, Belgique) ont Ă©tĂ© lancĂ©es des campagnes invitant lapopulation Ă sâabstenir de consommer de lâalcool pendant unedurĂ©e dĂ©terminĂ©e, en gĂ©nĂ©ral pendant un mois. Les participantsqui sâengagent dans ce type de dĂ©fi souhaitent rĂ©duire leurconsommation ou sâabstenir ou les deux. Contrairement auxcampagnes sur le tabac qui visent lâarrĂȘt, celles sur lâalcool ontplutĂŽt comme objectif dâamĂ©liorer la qualitĂ© de vie, de rĂ©duireles dommages liĂ©s Ă la consommation dâalcool et dâinciter Ă rĂ©duire la consommation Ă long terme.
Lâobjectif de ces campagnes est de sensibiliser la population, etdâinviter chacun Ă se questionner sur son rapport Ă lâalcool etsur sa consommation. Le Dry January au Royaume-Uni et laTournĂ©e MinĂ©rale en Belgique rencontrent un vif succĂšs entermes de participation grĂące notamment au fait dâenvahir 53
SynthĂšse
lâespace mĂ©diatique et des rĂ©seaux sociaux afin dâatteindre une« contagion sociale », permettant dâaugmenter le nombre departicipants et aussi la dissĂ©mination des connaissances sur leseffets de lâalcool et les bienfaits de lâabstinence. Le Dry Januaryprocure de nombreux outils de soutien et de conseil dont unsite web, des blogs, une communication via les rĂ©seaux sociauxet par e-mail, et une application mobile (« Try Dry »). Cetteapplication comporte un agenda de consommation Ă lâannĂ©eainsi que des conseils sur les effets de lâalcool et les bĂ©nĂ©fices Ă lâarrĂȘt. Elle comporte en particulier des informations sur les calo-ries Ă©vitĂ©es, les Ă©conomies rĂ©alisĂ©es et elle offre la possibilitĂ© dese fixer des objectifs de consommation. Les participants qui uti-lisent le plus les outils mis Ă disposition ont une plus forte pro-babilitĂ© de rĂ©ussir Ă rester abstinents durant un mois.
La motivation Ă lâarrĂȘt semble augmenter en janvier, suggĂ©rantque ce mois semble idĂ©al pour initier une intervention au niveaude la population, telle que celle du Dry January. Il est possibledâenvisager que les potentiels excĂšs pendant les fĂȘtes du moisde dĂ©cembre et lâenvie de « dĂ©tox » suite Ă ces excĂšs, associĂ©saux bonnes rĂ©solutions de dĂ©but dâannĂ©e soient la meilleureoption pour mobiliser un maximum de participants autour dâunecampagne « sans alcool » en janvier avec le lancement dâun dĂ©fipour ne pas consommer dâalcool.
Les bĂ©nĂ©fices de lâarrĂȘt temporaire de la consommation dâalcoolsont nombreux. Et cela surtout dans un contexte oĂč plusieursĂ©tudes, dont celles utilisant la randomisation mendĂ©lienne (voirla partie « Dommages sanitaires et socio-Ă©conomiques » de cettesynthĂšse), ont dĂ©montrĂ© lâabsence dâeffets « protecteurs » desniveaux faibles de consommation, voire lâaugmentation durisque de dĂ©velopper certaines pathologies, notamment des can-cers. Parmi les effets bĂ©nĂ©fiques Ă sâabstenir pendant 1 mois, onpeut noter des amĂ©liorations sur des paramĂštres physiologiques,cognitifs, de bien-ĂȘtre et de qualitĂ© de vie. Les enquĂȘtes rappor-tent ainsi des amĂ©liorations (figure 4) en termes dâĂ©conomies,de bien-ĂȘtre, de certains paramĂštres physiologiques (rĂ©sistanceĂ lâinsuline, glycĂ©mie [meilleure homĂ©ostasie du glucose],54
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
cholestĂ©rol sanguin, teint et chevelure, Ă©lasticitĂ© du foie, poidset IMC, meilleure qualitĂ© du sommeil, plus dâĂ©nergie et amĂ©lio-ration de la pression sanguine). Du point de vue cognitif, sontrapportĂ©es des amĂ©liorations en termes de concentration et deperformance au travail.
54 % avaient une plus belle peau57 % avaient une meilleure concentration
58 % ont perdu du poids67 % avaient plus dâĂ©nergie
70 % ont rapportĂ© ĂȘtre en meilleure santĂ©71 % ont apprĂ©ciĂ© sommeil meilleure qualitĂ©71 % pas besoin dâalcool pour faire la fĂȘte
76 % compris pourquoi tentation Ă boire80 % meilleur contrĂŽle de sa consommation
82 % mieux connaitre rapport Ă lâalcool88 % ont fait des Ă©conomies
93 % sentiment dâaccomplissement
0 20 40 60 80 100
BĂ©nĂ©fices Ă lâarrĂȘt
% de participants
Figure 4 : BĂ©nĂ©fices rapportĂ©s par les participants au Dry JanuarydâaprĂšs des enquĂȘtes en ligne en 2018
Si la littĂ©rature scientifique est riche concernant les Ă©tudes cli-niques qui ont dĂ©montrĂ© le rĂŽle de la consommation dâalcooldans de nombreuses pathologies, moins dâĂ©tudes existent concer-nant les effets de lâabstinence. En effet, la dĂ©monstration dâunerelation causale entre la consommation dâalcool et une patho-logie ne signifie pas nĂ©cessairement que lâarrĂȘt de la consom-mation sâaccompagne dâune diminution du risque de cettepathologie. La plupart des Ă©tudes porte donc sur des populationsde personnes prĂ©sentant des pathologies. NĂ©anmoins, il est sug-gĂ©rĂ© que lâabstinence et la prise en charge du trouble de lâusagede lâalcool pourraient ĂȘtre dĂ©terminantes pour la survie despatients atteints du cancer du foie. Ou encore, lâabstinencerĂ©duit significativement la rĂ©cidive des fibrillations auriculaires,augmente le dĂ©lai Ă la rĂ©cidive et rĂ©duit la durĂ©e des Ă©pisodesde fibrillation.
Ces campagnes visent le grand public et notamment les per-sonnes qui consomment au-dessus des repĂšres de consommation.MĂȘme si elles ne visent pas les personnes prĂ©sentant une 55
SynthĂšse
consommation Ă risque dâalcool, ces derniĂšres peuvent cepen-dant participer Ă ce type de dĂ©fi avec lâassistance dâun profes-sionnel de santĂ©. Ces campagnes devraient sâaccompagnerdâinterventions complĂ©mentaires notamment par des profession-nels dâautres campagnes dâinformation (le feedback normatif) etdâautres programmes dâintervention (comme le repĂ©rage prĂ©coceet lâintervention brĂšve) afin dâatteindre des objectifs dâabsti-nence Ă long terme.
Les bĂ©nĂ©fices des dĂ©fis « sans alcool » constituent une opportu-nitĂ© Ă saisir. Les forces des opĂ©rations du type Dry January sontmultiples avec lâopportunitĂ© de ressentir tous les bĂ©nĂ©fices delâarrĂȘt de la consommation (incarnation ou embodiment), et deprendre conscience de sa propre capacitĂ© Ă contrĂŽler soncomportement (empowerment). Un objectif essentiel est dechanger son comportement Ă long terme aprĂšs avoir mieuxapprĂ©hendĂ© son rapport Ă la consommation dâalcool (pourquoiconsomme-t-on ? quand consomme-t-on ?) et avoir mieuxapprĂ©hendĂ© la gestion de la pression sociale Ă consommer delâalcool. Il sâagit donc dâexpĂ©rimenter lâimpact de lâabstinencesur son physique, son mental et la conscience de soi et de sacapacitĂ© au changement. La « contagion sociale » est un facteurclĂ© de la rĂ©ussite de ce type de campagne et de maniĂšre trĂšsintĂ©ressante on peut noter que des participants qui sâinscriventau Dry January et qui ne rĂ©ussissent pas le dĂ©fi de lâabstinencependant un mois, prĂ©sentent eux aussi des effets bĂ©nĂ©fiques Ă long terme.
Le message positif de la possibilitĂ© dâamĂ©liorer la santĂ© par lâabs-tinence (mĂȘme temporaire) est un vĂ©ritable levier pour releverle dĂ©fi de rĂ©duire le fardeau sociĂ©tal de la consommationdâalcool. En effet, il est important de rĂ©aliser que ce type dâopĂ©-ration est vu comme un moyen de rĂ©gulation positive non basĂ©esur les consĂ©quences nĂ©gatives ou la moralisation et qui vise Ă changer les comportements des personnes Ă long terme. Lesautres rĂ©gulations complĂ©mentaires visent notamment le rappeldes risques associĂ©s Ă la consommation (campagnes de prĂ©ven-tion), lâaccĂšs, la disponibilitĂ©, la publicitĂ© voire la rĂ©pression56
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
(alcool au volant). Ce type de campagne reprĂ©sente une oppor-tunitĂ© sans prĂ©cĂ©dent de se mobiliser autour dâun mois de prĂ©-vention des dommages et des risques liĂ©s Ă la consommationdâalcool en France, Ă lâinstar de ce qui existe dĂ©jĂ dans de nom-breux autres pays. Il est intĂ©ressant de noter quâune corrĂ©lationinverse a Ă©tĂ© observĂ©e entre le nombre de participants au DryJanuary au Royaume-Uni et le nombre de visites aux urgencesliĂ©es Ă lâalcool. Cette diminution de la frĂ©quentation desurgences Ă cause de problĂšmes liĂ©s Ă lâalcool constituerait doncun critĂšre de jugement intĂ©ressant pour Ă©valuer lâefficacitĂ© descampagnes mises en Ćuvre. Le succĂšs de ce type de campagnepourrait aussi passer par la mesure de lâaugmentation de la pro-ductivitĂ© et de la rĂ©duction de lâabsentĂ©isme au travail lorsqueles employeurs incitent leurs employĂ©s Ă participer au DryJanuary.
Fin 2019, SantĂ© publique France qui Ă©tait engagĂ©e dans lâorga-nisation dâun Dry January en 2020 a dĂ» renoncer Ă sa mise enĆuvre aprĂšs des dĂ©cisions gouvernementales. Cette dĂ©cision adĂ©clenchĂ© une vive rĂ©action des associations et fĂ©dĂ©rationsimpliquĂ©es dans le champ de lâaddictologie. Elles ont dĂ©cidĂ©alors de lancer leur propre campagne nommĂ©e Le DĂ©fi De Jan-vier (#LeDĂ©fiDeJanvier) â avec des outils similaires Ă ceux dĂ©ve-loppĂ©s pour le Dry January.
Enfin, il est important de rappeler que les repĂšres relatifs Ă laconsommation dâalcool actuellement en vigueur recommandentde ne pas en consommer pendant au moins 2 jours par semaine,ce qui reprĂ©sente 104 jours dâabstinence par an soit plus de 3 mois« sans alcool » par an. Des recherches sont nĂ©cessaires pour Ă©ta-blir les bĂ©nĂ©fices de ces jours de non-consommation Ă©talĂ©s toutau long de lâannĂ©e comparativement Ă une abstinence temporairemais continue sur plusieurs semaines. La promotion de lâabsti-nence et la valorisation de la non-consommation nĂ©cessitent ledĂ©veloppement dâalternatives attractives aux boissons alcoolisĂ©es.Il ne sâagit pas simplement de recommander dâĂ©viter lâalcool maisaussi dâexpĂ©rimenter de nouvelles boissons non alcoolisĂ©es etbonnes, ou tout au moins non nocives, pour la santĂ©. 57
SynthĂšse
Prévention secondaire : dépistage, interventionbrÚve, autres interventions
Collectivement, la consommation Ă risque sans dĂ©pendancecause davantage de dommages que la dĂ©pendance en termes demorbiditĂ© et mortalitĂ©. La premiĂšre population est 5 Ă 8 fois plusnombreuse que la seconde quâil sâagisse des hommes ou desfemmes.
Il est donc trĂšs souhaitable de prendre des mesures visant Ă favoriser un dĂ©pistage systĂ©matique de la consommation Ă risque,ce qui permet de mettre en place une intervention brĂšve. Ceciest dâautant plus important que le rapport coĂ»t-efficacitĂ© desinterventions brĂšves est bien supĂ©rieur pour la consommation Ă risque que ne le sont les traitements de la dĂ©pendance Ă lâalcool.
La preuve de lâefficacitĂ© de lâimplĂ©mentation du dĂ©pistage et delâintervention brĂšve est bien Ă©tablie lorsquâelle est pratiquĂ©edans la communautĂ© (par exemple les Ă©coles), en mĂ©decinegĂ©nĂ©rale et aux urgences.
Lâapplication de mesures de dĂ©pistage systĂ©matique permet Ă©ga-lement de repĂ©rer les personnes dĂ©pendantes Ă lâalcool. MĂȘmesi ce dĂ©pistage est trĂšs efficace, il est trĂšs peu pratiquĂ©, en par-ticulier en France.
DĂ©pistage
Il existe de nombreux arguments pour une gĂ©nĂ©ralisation de sonutilisation. Le dĂ©pistage de la consommation dâalcool (quâilsâagisse dâune consommation Ă risque ou dâune dĂ©pendance) peutse pratiquer Ă diffĂ©rents moments. Il est recommandĂ© en soinsde premier recours mais a Ă©galement Ă©tĂ© proposĂ© dans les ser-vices dâurgences, lors du suivi de la grossesse, en mĂ©decine dutravail ou encore via les nouvelles technologies sur de largespopulations. DiffĂ©rents outils sont disponibles et incluent desquestionnaires mais Ă©galement des marqueurs biologiques.Le questionnaire de rĂ©fĂ©rence est lâAlcohol Use Disorders58
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Identification Test : AUDIT. Une version française est disponibleet validĂ©e ainsi quâune version courte (AUDIT-C) incluant les3 premiĂšres questions : la frĂ©quence de la consommation, laquantitĂ© par occasion et la frĂ©quence des alcoolisations ponc-tuelles importantes.
Si les outils de dĂ©pistage sont valides, le dĂ©pistage en lui-mĂȘmeest trĂšs peu pratiquĂ© en routine. Pour quâil le soit, des stratĂ©giesde mise en Ćuvre sont nĂ©cessaires. Elles montrent alors desrĂ©sultats encourageants, par exemple un dĂ©pistage intĂ©grĂ© dansle processus de soins, des rappels dans le dossier mĂ©dical Ă©lec-tronique et des mesures de performance et de contrĂŽles de lâuti-lisation du dĂ©pistage par les mĂ©decins. Des campagnes natio-nales de promotion du dĂ©pistage ont Ă©galement montrĂ© de bonsrĂ©sultats, par exemple avec la mise Ă disposition des mĂ©decinsde formation et de soutien et le remboursement financier desprestations. Lâutilisation de marqueurs biologiques dans le dĂ©pis-tage est plus controversĂ©e et dĂ©pend du type de marqueurs etdu domaine dâutilisation. De nouveaux marqueurs directs(lâĂ©thylglucuronide [EtG] et le phosphatidylĂ©thanol [PEth]) dela consommation dâalcool offrent de meilleurs rĂ©sultats entermes de sensibilitĂ© et de spĂ©cificitĂ© mais sont pour le momentpeu utilisĂ©s en pratique clinique. En population gĂ©nĂ©rale, lesquestionnaires sont plus performants que les marqueurs biologi-ques en termes de sensibilitĂ© et de spĂ©cificitĂ©.
Intervention brĂšve
La Short Brief intervention selon le modÚle stepped care a un rap-port coût-efficacité clairement établi.
MalgrĂ© les preuves dâefficacitĂ©, le dĂ©pistage et lâinterventionbrĂšve ne sont pratiquĂ©s que lorsque les systĂšmes de santĂ© leproposent de maniĂšre systĂ©matique. Si une consommation Ă risque ou problĂ©matique est dĂ©tectĂ©e, une intervention brĂšveest gĂ©nĂ©ralement ensuite proposĂ©e. Le terme « interventionbrĂšve » est un terme gĂ©nĂ©ral qui inclut diffĂ©rents types 59
SynthĂšse
dâinterventions durant lesquelles le clinicien donne des conseilset/ou une aide psychologique visant Ă faire comprendre les ris-ques et les effets nĂ©gatifs de la consommation et Ă explorer desmaniĂšres de la diminuer. Les diffĂ©rents modĂšles dâinterventionbrĂšve partagent pour la plupart les mĂȘmes fondements thĂ©ori-ques, câest-Ă -dire les thĂ©ories socio-cognitives et motivation-nelles. Ces diffĂ©rents modĂšles partagent Ă©galement des modalitĂ©spratiques : elles sont conçues pour ĂȘtre effectuĂ©es lors de consul-tations rĂ©guliĂšres, qui durent souvent de 5 Ă 15 minutes avec lesmĂ©decins ou de 20 Ă 30 minutes avec les infirmiĂšres et, bienque de courte durĂ©e, elles peuvent ĂȘtre dispensĂ©es en une Ă cinqsĂ©ances.Une des modalitĂ©s dâapplication, lâintervention brĂšve Ă©lectro-nique, est dâun faible coĂ»t et il est possible de lâutiliser en col-lectivitĂ© (Ă©coles, armĂ©e, etc.) et en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, etc. Ilest donc nĂ©cessaire de privilĂ©gier ces interventions (internet,applications mobiles) pour la population gĂ©nĂ©rale en utilisantpar exemple un dĂ©pistage et une intervention brĂšve en salledâattente dâune consultation de soins primaires. Cela permet unerĂ©duction de la consommation chez les personnes non dĂ©pen-dantes Ă lâalcool et le repĂ©rage de celles dĂ©pendantes Ă lâalcoolqui bĂ©nĂ©ficient ainsi de cette premiĂšre mesure, et de la mise enplace dâun suivi au long cours en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, avec ousans lâappui de services spĂ©cialisĂ©s.La pratique de lâintervention brĂšve pour les consommateursdâalcool Ă risque inclut de fait les personnes dĂ©pendantes Ă lâalcool. Pour ces derniĂšres, lâintervention brĂšve ne peut pasmodifier le comportement, mais elle pourrait initier une discus-sion et constituer une premiĂšre Ă©tape dans la prise en chargedâune dĂ©pendance Ă lâalcool (traitĂ©e dans la partie « Prise encharge des personnes prĂ©sentant une dĂ©pendance » de cette syn-thĂšse). Il est primordial de faire appel aux services dâaddictologiepour les personnes qui prĂ©sentent des problĂšmes sĂ©vĂšres aveclâalcool.
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Autres interventions
Les difficultĂ©s dans la prise en charge des personnes prĂ©sentantune consommation Ă risque dâalcool ou une dĂ©pendance sont deplusieurs ordres. Il sâagit dâabord dâaugmenter le nombre de ren-contres entre ces patients et des intervenants soignants. Les pro-positions de soin faites aux patients sont Ă©tablies en fonctionde lâimpĂ©ratif dâabstinence et une offre plus large permet defaciliter lâengagement dans les soins. Dâautre part, et ce depuisde nombreuses annĂ©es, lâobjectif est de dĂ©velopper et dâutiliserles nouvelles techniques thĂ©rapeutiques qui ont montrĂ© leur effi-cacitĂ©. Lâabstinence bĂ©nĂ©ficiait de mĂ©thodes thĂ©rapeutiques pro-pres mais la rĂ©duction des risques et des dommages (RDRD) enmatiĂšre dâalcool, en sâimposant comme principe, a dĂ» sâemparerde certains outils ou pratiques ou en crĂ©er de nouveaux. Ici,lâidĂ©e est de considĂ©rer la rĂ©duction des risques sur le continuumdes problĂšmes liĂ©s Ă lâalcool, tout en gardant Ă lâesprit quâil y aune distinction entre consommation Ă risque pour la santĂ© etdĂ©pendance Ă lâalcool. Pour lâensemble des parcours de consom-mation, le contact avec un professionnel de premier recours estle premier objectif. La RDRD se conçoit comme une prĂ©ventionâ et des interventions â au cours et tout au long du comporte-ment de consommation, ce qui implique des adaptations et destechniques diffĂ©rentes selon les temps de vie de lâusager (quâilsâagisse dâun consommateur Ă risque avec ou sans dĂ©pendance).Ainsi, la rĂ©duction des risques ne fait pas de lâabstinence unimpĂ©ratif mais pour autant elle nâest pas « anti abstinence ».
Sur le plan thĂ©rapeutique, la rĂ©duction des consommations estobtenue grĂące Ă diffĂ©rentes techniques et des mĂ©thodes dâentre-tiens, ciblant en particulier la quantification prĂ©cise des boissonsabsorbĂ©es, et la fixation dâobjectifs rĂ©alistes, adaptĂ©s aux possi-bilitĂ©s des personnes. Des mĂ©dicaments peuvent ĂȘtre prescrits.Les usagers sont partie prenante de cette technique et de cesobjectifs. Pour cela, ils doivent ĂȘtre suffisamment informĂ©s delâintĂ©rĂȘt et des perspectives de la RDRD, et ĂȘtre accompagnĂ©spar des professionnels formĂ©s et engagĂ©s dans cette pratique. 61
SynthĂšse
Lâaccompagnement individuel permet aussi dâaborder en consul-tation les « maniĂšres de boire » tels que les horaires, les rituels,etc. et de dĂ©finir des projets individualisĂ©s. Câest une façonimportante de rĂ©aliser des interventions de RDRD adaptĂ©es Ă lavie rĂ©elle, mais lâĂ©valuation de leur efficacitĂ© est complexe. LaRDRD prĂ©sente des limites dâune part et nĂ©cessite des adapta-tions particuliĂšres pour les publics les plus prĂ©caires dâautre part.Dans plusieurs situations cliniques, les consommations, mĂȘmefaibles, sont dĂ©conseillĂ©es : certaines pathologies psychiatriquesou somatiques, les troubles cognitifs sĂ©vĂšres, les personnesconstatant une perte de contrĂŽle Ă la moindre stimulation parlâalcool. De mĂȘme, certaines populations tels que les travailleurssur des postes Ă risque ou les femmes enceintes, les personnesrecevant certains traitements mĂ©dicamenteux, les mineurs nedoivent pas se voir conseiller une consommation modĂ©rĂ©e. Ălâinstar des drogues illicites (et, certainement de maniĂšre nonprogrammĂ©e par les pouvoirs publics, pour le tabac avec lâappa-rition de la cigarette Ă©lectronique), il sâagit dâinstituer avec uneRDRD de lâalcool, un pilier transversal vecteur dâune politiquede prĂ©vention, de prise en charge et dâapplication de la loi Ăvinen France.
Concernant les consommateurs dâalcool Ă risque, les psychothĂ©-rapies et les thĂ©rapies mĂ©dicamenteuses constituent les axesmajeurs des prises en charge, mais de nombreuses autres possi-bilitĂ©s sont dĂ©crites. Ces autres interventions doivent ĂȘtre Ă©va-luĂ©es de façon solide afin dâĂ©viter des dĂ©ceptions ou des « pertesde chance ». La façon dont les professionnels, ou des personnesengagĂ©es et/ou formĂ©es, appliquent ces mĂ©thodes joue Ă©galementun rĂŽle important â lâexpĂ©rience et le savoir-ĂȘtre Ă©tant des fac-teurs dĂ©terminants dâefficacitĂ©, mĂȘme pour des techniques vali-dĂ©es. Or, les comportements des soignants rĂ©vĂšlent souvent leursprĂ©supposĂ©s nĂ©gatifs vis-Ă -vis des addictions : leur formation ini-tiale et leurs reprĂ©sentations interfĂšrent beaucoup avec leurcapacitĂ© dâaccueil et leur façon de prĂ©senter les outils thĂ©rapeu-tiques (telles que les interventions des associations dâusagers oudâanciens usagers avec par exemple en France les patients62
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
experts). Changer cet Ă©tat de fait est une prioritĂ© pour amĂ©liorerles soins dans les addictions.Les techniques dâĂ©lectrostimulation (tDCS) et de stimulationmagnĂ©tique rĂ©pĂ©titive (rTMS) transcrĂąniennes du cerveau,lâacupuncture, le neurofeedback apparaissant dans les publica-tions analysĂ©es pour mettre en Ă©vidence un bĂ©nĂ©fice significatifdes perspectives thĂ©rapeutiques, que ce soit pour les consomma-teurs Ă risque ou les patients dĂ©pendants, sont pour la plupartdĂ©cevantes. Les effectifs, la standardisation et donc la rĂ©plica-tion des mĂ©thodes, la durĂ©e de suivi, sont le plus souvent trĂšsinsuffisants pour permettre de conclure Ă une efficacitĂ©constante et durable.LâactivitĂ© physique au regard de la RDRD a un rĂŽle positif surles facteurs de risque et donc indirectement sur les consomma-tions. Un discours frĂ©quent en pratique clinique est de promou-voir une activitĂ© physique en prĂ©vention et en traitement desaddictions. Dans une mĂ©ta-analyse de 2017, lâexercice physiquesemble avoir un impact positif sur la consommation dâalcool etle taux dâabstinence. Cependant, lâactivitĂ© elle-mĂȘme est maldĂ©finie et hĂ©tĂ©rogĂšne dans les Ă©tudes, les Ă©lĂ©ments argumentantson efficacitĂ© sur la rĂ©duction des consommations Ă moyen etlong terme sont faibles : lâamĂ©lioration des comorbiditĂ©s asso-ciĂ©es et du type de relations sociales semble essentielle. De fait,un travail de lâInserm8 explore de façon prĂ©cise les liens entredĂ©pression et activitĂ© physique. Une consommation Ă risquedâalcool est souvent associĂ©e Ă un repli social, et des Ă©tudes obser-vationnelles Ă©tablissent une solide relation entre inactivitĂ© phy-sique et troubles dĂ©pressifs. Ces Ă©lĂ©ments confirment lâintĂ©rĂȘtde lâaide Ă lâengagement dans une activitĂ© physique, jouant alorsun rĂŽle positif sur lâhumeur et lâĂ©tat somatique, et indirectementsur les consommations.ParallĂšlement Ă ces mĂ©thodes ou techniques, deux modalitĂ©sdâinterventions se distinguent et prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt majeur :
8. Inserm. Activité physique : Prévention et traitement des maladies chroniques. CollectionExpertise collective. Montrouge : EDP Sciences, 2019. 63
SynthĂšse
les interventions utilisant internet ou des applications, sur unordinateur ou un smartphone et les groupes dâauto-support. LeurefficacitĂ© est Ă©tayĂ©e par une littĂ©rature consĂ©quente.Le dĂ©veloppement quantitatif et qualitatif des interventionsnumĂ©riques est massif, et facilite la diffusion dâinformations etles possibilitĂ©s de prĂ©vention et dâaccompagnement. Les don-nĂ©es sont positives en prĂ©vention secondaire chez les consom-mateurs Ă risque pour une rĂ©duction de la consommation. Lâoffreest large, mais les critĂšres de qualitĂ© et donc dâefficacitĂ© ne sontpas dĂ©finis. Les annĂ©es qui viennent devront voir la systĂ©mati-sation de critĂšres pour la conception et le suivi des applications ;par ailleurs, leur utilisation est Ă dĂ©finir chez les patientsdĂ©pendants.Les groupes dâauto-support, avec aux Ătats-Unis, les AlcooliquesAnonymes par exemple et la mĂ©thode des 12 Ă©tapes, reprĂ©sen-tent un socle dans le traitement des addictions. Les articles Ă©tu-diant leur mĂ©thode et leur efficacitĂ© sont multiples. On notelâorientation dâune partie dâentre eux pour dĂ©montrer lâintĂ©rĂȘtde la Foi et des rĂ©fĂ©rences divines ; les autres insistant sur lasolidaritĂ©, lâaide constante aux comportements de changementsâ sâapparentant alors Ă des techniques thĂ©rapeutiques, appli-quĂ©es avec succĂšs par des non-professionnels. Lâanalyse sur lerĂŽle de ces groupes doit en effet sâintĂ©resser Ă la spiritualitĂ©, etdans le mĂȘme temps, sâen Ă©manciper : les supports des groupessont « spirituels, informationnels, Ă©motionnels, instrumen-taux ». Ces groupes, auxquels sont parfois associĂ©es les familles,agissent sur les sentiments, les capacitĂ©s, les Ă©motions des usa-gers, leur permettant dans un cadre de proches, de dĂ©velopperdes visions positives dâeux-mĂȘmes.Toutes ces techniques participent Ă un meilleur accĂšs aux soins(lâaccĂšs Ă internet en particulier multiplie les possibilitĂ©s de mes-sages et de consultations), et contribuent Ă la limitation desconsommations ; leur utilisation et leur dĂ©veloppementdevraient rĂ©pondre Ă des critĂšres de qualitĂ© afin de permettreleur diffusion en clinique quotidienne.
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Prise en charge des personnes présentantune dépendance
La dĂ©pendance Ă lâalcool correspond au stade le plus sĂ©vĂšre desconsommations Ă risque dâalcool. Pour rappel, les sujets dĂ©pen-dants constituent un sous-groupe minoritaire de lâensemble dessujets prĂ©sentant une consommation Ă risque dâalcool et la majo-ritĂ© des dommages liĂ©s Ă lâalcool concerne des sujets ne remplis-sant pas les critĂšres diagnostiques de dĂ©pendance.
Il existe un dĂ©faut majeur dâaccĂšs aux soins des patients dĂ©pen-dants Ă lâalcool car seulement 10 % dâentre eux bĂ©nĂ©ficieraientde soins addictologiques. Contrairement aux idĂ©es reçues, ledĂ©ficit motivationnel Ă changer ses comportements vis-Ă -vis delâalcool nâest pas la seule explication pour rendre compte decette situation. En effet, environ la moitiĂ© des patients se ren-dent Ă une consultation dâaddictologie qui leur a Ă©tĂ© prĂ©conisĂ©eĂ lâoccasion de leur passage dans un service dâaccueil desurgences. De plus, il a Ă©tĂ© montrĂ© que la motivation aux soinsse renforçait avec la sĂ©vĂ©ritĂ© du trouble. Notamment, lorsque lasĂ©vĂ©ritĂ© du trouble augmente, la probabilitĂ© dâĂ©voquer le dĂ©nicomme raison de non prise en charge diminue au profit dâautresraisons directement en lien avec des difficultĂ©s dâaccĂšs aux soins.
La dĂ©pendance Ă lâalcool se caractĂ©rise par son Ă©volution chro-nique mĂȘme si les formes moins sĂ©vĂšres des consommations Ă risque dâalcool peuvent se rĂ©soudre sans rechute. Ainsi, la per-ception de la dĂ©pendance Ă lâalcool comme une maladie chro-nique permet dây appliquer lâensemble des stratĂ©gies utilisĂ©esdans dâautres maladies chroniques et destinĂ©es Ă en optimiser laprise en charge. Une attention toute particuliĂšre devrait ĂȘtreaccordĂ©e Ă lâannonce diagnostique.
La dĂ©pendance Ă lâalcool nĂ©cessite donc des soins au long coursvisant Ă prĂ©venir les risques de rechute. Or, les soins visant Ă prĂ©venir la rechute au dĂ©cours de la phase initiale du traitementsont souvent insuffisants tant en intensitĂ© quâen durĂ©e, avec destaux de rechute trĂšs Ă©levĂ©s, vraisemblablement autour de 40 % 65
SynthĂšse
Ă 60 % dans lâannĂ©e. Un enjeu majeur est donc lâamĂ©liorationde lâobservance au long cours afin de prĂ©venir la rechute.
La littĂ©rature met en Ă©vidence quâun objectif dâarrĂȘt de lâusage,comparĂ© Ă un objectif de rĂ©duction, est associĂ© Ă de meilleureschances de succĂšs en ce qui concerne la prise en charge dessujets dĂ©pendants. De plus, pour des sujets dĂ©sireux dâarrĂȘterlâusage de lâalcool, une stratĂ©gie de sevrage comparĂ©e Ă unerĂ©duction progressive serait associĂ©e Ă de meilleures chances desuccĂšs. Cependant, environ la moitiĂ© des patients dĂ©pendantsne souhaitent pas arrĂȘter totalement lâusage de lâalcool. Il appa-raĂźt alors comme prioritaire de faciliter leur entrĂ©e dans les soins,avec des objectifs thĂ©rapeutiques pragmatiques en fonction dece que le sujet est prĂȘt Ă accepter. Pour ces patients, un objectifinitial de rĂ©duction plutĂŽt que dâarrĂȘt de lâusage est donc Ă pro-poser. La rĂ©duction de la consommation a effectivement montrĂ©de nombreux avantages parmi lesquels la possibilitĂ© dâeffectuerdes entretiens motivationnels destinĂ©s Ă favoriser la motivationĂ des objectifs plus ambitieux, la prise en charge des comorbi-ditĂ©s sociales, somatiques, psychiatriques et addictologiques etla rĂ©duction des risques et des dommages. Cependant, commebeaucoup de patients dĂ©pendants nâarrivent pas Ă maintenirdurablement une consommation contrĂŽlĂ©e, lâarrĂȘt de lâusagereste lâobjectif final Ă promouvoir pour ces patients.
Il est dĂ©sormais bien Ă©tabli que la dĂ©pendance Ă lâalcool suit unmodĂšle biopsychosocial nĂ©cessitant une prise en charge globale.La prise en charge de la dĂ©pendance Ă lâalcool repose donc surune approche multimodale. Les principales composantes de laprise en charge sont les stratĂ©gies psychothĂ©rapeutiques, mĂ©di-camenteuses, de remĂ©diation cognitive, de rĂ©habilitation socialeet de prise en charge des comorbiditĂ©s : co-addictions, troublespsychiatriques co-occurrents et pathologies somatiques. En cequi concerne les co-addictions, le sevrage tabagique est associĂ©Ă une rĂ©duction de la consommation de lâalcool chez ceux quiconsomment encore ainsi quâĂ une diminution du risque derechute chez les abstinents. Le sevrage de cannabis est Ă©gale-ment associĂ© Ă une meilleure efficacitĂ© de la prise en charge de66
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
la dĂ©pendance Ă lâalcool, y compris pour des consommations peuimportantes de cannabis. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, une Ă©valua-tion de lâensemble des conduites addictives, incluant les addic-tions comportementales, est Ă rĂ©aliser chez tous les sujets prĂ©-sentant une dĂ©pendance Ă lâalcool afin de prendre en charge lapathologie addictive dans son ensemble. Parmi les comorbiditĂ©sĂ prendre en charge, la littĂ©rature sâest densifiĂ©e concernantlâattention Ă accorder au traitement des troubles du sommeil etde la douleur. Pour prendre en compte tous ces aspects de laprise en charge, la littĂ©rature rapporte les bĂ©nĂ©fices dâune priseen charge intĂ©grative, par opposition aux prises en chargesĂ©quentielles ou en parallĂšle non coordonnĂ©es entre elles. NĂ©an-moins, il nâexiste pas de consensus sur la dĂ©finition dâune priseen charge intĂ©grative. Par exemple, il peut sâagir de considĂ©rerque toute la prise en charge doit se dĂ©rouler dans une mĂȘmeunitĂ© de temps et de lieu, ou bien quâil existe une coordinationentre les diffĂ©rents acteurs de la prise en charge. Dans tous lescas, il sâagit de prendre en charge le patient dans sa globalitĂ©avec pour finalitĂ© une amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie despatients et de leur accĂšs aux soins ainsi que la facilitation deleur rĂ©tablissement. Ce type dâapproche est associĂ© Ă une meil-leure satisfaction des patients vis-Ă -vis des soins, une meilleureutilisation des ressources, des taux plus Ă©levĂ©s dâarrĂȘt de lâusageainsi quâun meilleur fonctionnement global sur le long terme.Enfin, il est important que la prise en charge intĂ©grative ne soitpas dĂ©connectĂ©e du systĂšme de soins global et des soins pri-maires, notamment pour faciliter le repĂ©rage prĂ©coce, lâaccĂšs auxsoins spĂ©cialisĂ©s et Ă©viter la stigmatisation des patients.Concernant les stratĂ©gies psychothĂ©rapeutiques, lâapprochemotivationnelle permet dâamĂ©liorer lâefficacitĂ© des interventionspsychosociales plus intensives Ă proposer aux sujets dĂ©pendants.Parmi ces interventions, la thĂ©rapie cognitive et comportemen-tale (TCC), la thĂ©rapie des contingences9 et la mĂ©ditation de
9. ThĂ©rapie dont le principe repose sur lâutilisation de renforçateurs, la plupart positifs (descadeaux), pour conditionner le choix dâun sujet, afin de lui faire prendre une option plusattractive pour lui que lâabstinence seule. 67
SynthĂšse
pleine conscience ont fait lâobjet de nombreuses Ă©valuations quimontrent leur efficacitĂ©. LâefficacitĂ© de la TCC dans la prise encharge de la dĂ©pendance Ă lâalcool a Ă©tĂ© montrĂ©e dans de nom-breuses Ă©tudes et dans des mĂ©ta-analyses. LâaccĂšs Ă la TCC pour-rait ĂȘtre en partie amĂ©liorĂ© grĂące aux programmes de TCC enligne. Une supervision Ă distance par un soignant pourrait nĂ©an-moins en amĂ©liorer lâefficacitĂ©. De nombreuses publications ontmontrĂ© lâefficacitĂ© de la thĂ©rapie des contingences dans la priseen charge de la dĂ©pendance Ă lâalcool, y compris en prĂ©sence detroubles psychiatriques co-occurrents. La thĂ©rapie des contin-gences a Ă©galement montrĂ© son efficacitĂ© dans la rĂ©duction duniveau de consommation chez des gros consommateurs nâayantpas de demande de soins. Enfin, elle pourrait avoir une utilitĂ©pour amĂ©liorer lâobservance des soins. Enfin, une littĂ©rature aĂ©mergĂ© rĂ©cemment concernant lâefficacitĂ© des programmes basĂ©ssur la mĂ©ditation de pleine conscience dans la prĂ©vention de larechute chez les patients dĂ©pendants Ă lâalcool. Cette stratĂ©giethĂ©rapeutique nâĂ©tant pas focalisĂ©e directement sur lâusagedâalcool, elle pourrait convenir aux sujets ayant Ă©chouĂ© avecdâautres stratĂ©gies ou qui sont ambivalents dans leur dĂ©sir dechangement. Quant Ă la thĂ©rapie dâexposition10, cette thĂ©rapiecomportementale nâa pas montrĂ© Ă ce jour dâefficacitĂ© dans laprise en charge de la dĂ©pendance Ă lâalcool et pourrait diminuerles capacitĂ©s de contrĂŽle inhibiteur face aux stimuli environne-mentaux liĂ©s Ă la consommation dâalcool. Ă ce titre, elle nedevrait donc pas ĂȘtre recommandĂ©e.Pour les sujets qui y sont prĂȘts, le sevrage thĂ©rapeutique delâalcool permet de dĂ©buter un processus dâarrĂȘt de lâusagecomplet et durable. En dâautres termes, il nây a pas dâindicationau sevrage dans les situations suivantes : absence de projet desoins au dĂ©cours du sevrage, absence de dĂ©sir du patient dâarrĂȘterlâusage de lâalcool, dĂ©tresse sociale, professionnelle ou Ă©motion-nelle actuelle sans Ă©valuation approfondie prĂ©alable des bĂ©nĂ©-fices attendus de la mise en place dâun sevrage dans ce contexte.
10. ThĂ©rapie comportementale visant Ă moduler les rĂ©ponses comportementales condi-tionnĂ©es lors de lâexposition Ă des stimuli associĂ©s Ă lâusage de substance.68
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
En effet, la balance bĂ©nĂ©fice-risque Ă effectuer des sevrages itĂ©-ratifs sans projet dâarrĂȘt de la consommation au dĂ©cours nâestpas favorable. Les sevrages rĂ©pĂ©tĂ©s favorisent des symptĂŽmes deplus en plus sĂ©vĂšres et le risque de complications augmente avecle nombre dâĂ©pisodes de sevrage. Les sevrages rĂ©pĂ©tĂ©s pourraientĂ©galement favoriser des altĂ©rations des fonctions exĂ©cutives,notamment du contrĂŽle motivationnel, du contrĂŽle inhibiteur,de la flexibilitĂ© cognitive et de la prise de dĂ©cision, et diminuerla cognition sociale. Par consĂ©quent, il apparaĂźt essentiel de prĂ©-parer le sevrage thĂ©rapeutique, notamment en planifiant enamont les soins Ă mettre en Ćuvre au dĂ©cours. En lâabsence desoins addictologiques au dĂ©cours du sevrage, au moins 80 % despatients prĂ©senteraient une rechute. Pourtant, entre 40 et 50 %des patients ne dĂ©buteraient pas de soins addictologiques aprĂšsleur hospitalisation pour sevrage. Plusieurs Ă©tudes ont suggĂ©rĂ©que lâanticipation des soins addictologiques avant de procĂ©derau sevrage thĂ©rapeutique pourrait amĂ©liorer sensiblementlâobservance et, par consĂ©quent, le maintien de lâarrĂȘt de lâusage.Par exemple, les groupes de prĂ©paration Ă lâarrĂȘt de lâusage pour-raient favoriser lâobservance aux soins au dĂ©cours du sevrage. LaprĂ©paration du sevrage thĂ©rapeutique devrait Ă©galement inclurela rĂ©duction de la consommation, ou Ă dĂ©faut la stabilisation Ă lâaide de stratĂ©gies motivationnelles. Cette stratĂ©gie pourraitpermettre un renforcement de lâestime de soi et du sentimentdâefficacitĂ© personnelle, pouvant renforcer la motivation auchangement. De plus, au moins pour les gros consommateurs,mĂȘme une lĂ©gĂšre rĂ©duction de la consommation dâalcool estassociĂ©e Ă une diminution de la mortalitĂ© et de la morbiditĂ©liĂ©es Ă lâalcool. Ainsi, cette stratĂ©gie permet de rĂ©duire les dom-mages liĂ©s Ă lâalcool et dâamĂ©liorer la qualitĂ© de vie des patientsen attente de sevrage thĂ©rapeutique. Enfin, lorsque la consom-mation dâalcool a Ă©tĂ© rĂ©duite, ou du moins stabilisĂ©e, avant lesevrage, les symptĂŽmes de sevrage seraient moins sĂ©vĂšres et lerisque de complications serait diminuĂ©.
Les troubles cognitifs liĂ©s Ă lâalcool concerneraient au moins lamoitiĂ© des patients prĂ©sentant une consommation dâalcool Ă 69
SynthĂšse
risque. Les troubles cognitifs les plus frĂ©quents concernent lesfonctions exĂ©cutives (planification, rĂ©solution de problĂšmes etcontrĂŽle inhibiteur), la mĂ©moire Ă©pisodique, les capacitĂ©svisuo-constructives et la cognition sociale. Ces troubles peuventaltĂ©rer la motivation Ă changer de comportement ainsi que crĂ©erdes difficultĂ©s dâapprentissage. En consĂ©quence, ils peuventdiminuer lâefficacitĂ© des stratĂ©gies thĂ©rapeutiques utilisĂ©es enaddictologie, notamment les entretiens motivationnels. De plus,lâĂ©laboration de scĂ©narios alternatifs aux comportements auto-matiques prĂ©sente un coĂ»t cognitif Ă©levĂ©. Lorsquâil existe destroubles cognitifs, ce travail dâĂ©laboration est donc plus difficileĂ effectuer. Le repĂ©rage des troubles cognitifs liĂ©s Ă lâalcool estdonc Ă systĂ©matiser chez tous les patients prĂ©sentant uneconsommation dâalcool Ă risque. Pour rĂ©aliser ce repĂ©rage, desĂ©chelles telles que la MoCA (Montreal Cognitive Assessment)peuvent ĂȘtre utilisĂ©es. Si des troubles sont repĂ©rĂ©s, un bilan neu-ropsychologique est Ă rĂ©aliser. Ce bilan permet dâĂ©valuer la sĂ©vĂ©-ritĂ© des troubles et de prĂ©ciser les fonctions cognitives qui sontaltĂ©rĂ©es. Lorsque les troubles sont lĂ©gers Ă modĂ©rĂ©s, lâobjectif dela remĂ©diation cognitive est la rĂ©cupĂ©ration des fonctions cogni-tives, notamment des fonctions exĂ©cutives et de la mĂ©moire detravail. La remĂ©diation cognitive est alors Ă dĂ©buter dĂšs la finde la pĂ©riode de sevrage. Lorsque les troubles sont plus sĂ©vĂšres,lâobjectif est la prĂ©servation des fonctions cognitives dans uneoptique de maintien de lâautonomie et dâamĂ©lioration de la qua-litĂ© de vie.
Il existe des liens bilatĂ©raux entre la consommation dâalcool Ă risque et lâabsence de domicile fixe. Y compris chez des sujetsprĂ©sentant un trouble mental sĂ©vĂšre, lâexistence dâun trouble delâusage de substance serait associĂ©e Ă un risque supplĂ©mentairedâĂȘtre sans domicile fixe. De plus, la mortalitĂ© toutes causesconfondues des sujets prĂ©sentant une consommation dâalcool Ă risque serait au moins doublĂ©e en lâabsence de logement fixe.De nombreuses Ă©tudes dont des mĂ©ta-analyses ont montrĂ© lâeffi-cacitĂ© dâinterventions focalisĂ©es sur la reprise dâun domicile fixedans lâamĂ©lioration de la santĂ© mentale, incluant lâusage de70
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
substances. Ătant donnĂ© quâil est particuliĂšrement difficile dâins-crire un patient sans domicile fixe dans des soins addictologiquestant lâobservance est difficile, lâaccĂšs Ă un domicile devrait prĂ©-cĂ©der la mise en place des soins addictologiques (modĂšle thĂ©o-rique du Housing First), plutĂŽt que de considĂ©rer que lâaccĂšs aulogement doit ĂȘtre conditionnĂ© au prĂ©alable par une bonneobservance des soins. LâaccĂšs au logement sans condition est Ă associer Ă un accompagnement intensif multidisciplinaire danslâesprit dâune approche intĂ©grative.Chez certaines personnes marginalisĂ©es, sans hĂ©bergement,consommant par exemple des alcools non comestibles ou dansdes conditions dangereuses, et Ă©tant dans lâincapacitĂ© de limiterleurs usages, le fait de crĂ©er ou de maintenir du lien et de prio-riser la « mise Ă lâabri » amĂšne Ă proposer de façon organisĂ©e (Ă lâimage des MAP canadiens « managed alcohol program ») desboissons dont la quantitĂ©, le type et les heures sont convenus.Cette RDRD nâĂ©volue pas dans le champ de la rĂ©duction, maisbien dans lâaide Ă lâamĂ©nagement des consommations, dans uneprĂ©vention des accidents liĂ©s Ă des alcoolisations dangereuses,chez une personne isolĂ©e par exemple. Les bĂ©nĂ©fices Ă©valuĂ©s sontsociaux et non addictologiques, et ouvrent des perspectivesdâinterventions en pratique clinique.Enfin, une littĂ©rature rĂ©cente Ă©merge concernant la recherchede facteurs prĂ©dictifs de succĂšs de la prise en charge. CertainsdĂ©terminants tels que le sexe, lâĂąge, lâintensitĂ© de la dĂ©tressepsychologique et lâexistence de biais cognitifs pourraient en effetĂȘtre pris en compte dans lâadaptation des stratĂ©gies thĂ©rapeuti-ques. Ces recherches devraient ĂȘtre poursuivies afin dâaboutir Ă des prises en charge plus personnalisĂ©es, notamment destinĂ©esĂ intensifier les soins chez les sujets prĂ©sentant un risque plusĂ©levĂ© de rechute.
71
SynthĂšse
Recommandations
La synthĂšse des donnĂ©es de la littĂ©rature rĂ©alisĂ©e par le groupedâexperts couvre un champ large incluant les diffĂ©rents niveauxde consommation dâalcool, les dommages sanitaires et socio-Ă©conomiques inhĂ©rents, les diffĂ©rents leviers qui existent autourde cette consommation (les facteurs de risque, le marketing, lelobbying, des programmes dâactions publiques) pouvant inter-venir de la prĂ©vention primaire jusquâĂ la prise en charge despersonnes prĂ©sentant une dĂ©pendance Ă lâalcool.
Comme il sâagit de rĂ©pondre spĂ©cifiquement Ă la question de larĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool auregard dâun objectif de santĂ© publique, les donnĂ©es de la consom-mation dâalcool ont Ă©tĂ© ici mises Ă jour. Dans un contexte oĂčles autoritĂ©s de santĂ© ont revu Ă la baisse les repĂšres de consom-mation et oĂč de nouvelles Ă©tudes scientifiques internationalesdĂ©montrent des risques et des dommages en termes de santĂ© liĂ©sĂ la consommation dâalcool mĂȘme Ă des niveaux de consomma-tion faibles, il sâagit de prendre en compte ces nouvelles donnĂ©esafin dâamĂ©liorer la prĂ©vention et la prise en charge de cesdommages.
Afin de faciliter la lecture des recommandations Ă©mises dans cetouvrage, il convient de rappeler la terminologie simple adoptĂ©edans cette expertise concernant trois groupes distincts deconsommation dâalcool associĂ©s aux niveaux de risques pour lasantĂ© :âą la consommation Ă faible risque ;âą la consommation Ă risque sans dĂ©pendance ;âą la consommation Ă risque avec une dĂ©pendance Ă lâalcool (lestade le plus sĂ©vĂšre parmi les consommations Ă risque).
Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© dans cette expertise de ne pas aborder la questionde la prise en charge mĂ©dicamenteuse de la consommationdâalcool. 73
Ă lâissue de lâanalyse et de la synthĂšse des donnĂ©es de la littĂ©-rature concernant cette nouvelle expertise collective surlâalcool, les experts proposent des recommandations dâaction etde recherche en santĂ© publique pour rĂ©duire les dommages asso-ciĂ©s Ă la consommation dâalcool. Le groupe dâexperts souhaiterappeler quâil existe des recommandations abordant la consom-mation dâalcool Ă©mises dans des expertises collectives delâInserm plus anciennes ou traitant de sujets connexes Ă cetteexpertise11, auxquelles le groupe sâest rĂ©fĂ©rĂ©es.Les recommandations Ă©noncĂ©es dans le cadre de cette expertisecollective sâinsĂšrent dans un contexte plus large et sont complĂ©-mentaires des recommandations Ă©mises par lâOrganisation mon-diale de la santĂ©12. De plus, plusieurs dâentre elles reprennentdes Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ prĂ©sents dans les conclusions du rapport surles politiques de lutte contre les consommations nocives dâalcoolremis par la Cour des comptes en 2016.
ĂTATDES LIEUXDU PROBLĂME ET RECOMMANDATION
GĂNĂRALE
Le bilan des connaissances effectuĂ© permet de faire un rĂ©sumĂ©des principaux constats.En France, il y a 42,8 millions de consommateurs dâalcool avecune consommation moyenne chez les adultes dâenviron27 grammes dâalcool pur par jour et par personne. Il existe uneforte proportion de consommation Ă risque dâalcool chez les per-sonnes de plus de 50 ans et câest Ă lâadolescence (12-18 ans) queles jeunes expĂ©rimentent pour la premiĂšre fois la consommationdâalcool.
11. Il sâagit des expertises collectives Inserm suivantes : Ăducation pour la santĂ© desjeunes (2000) ; Alcool. Effets sur la santĂ© (2001) ; Alcool. Dommages sociaux : Abus etdĂ©pendance (2003) ; Conduites addictives chez les adolescents. Usages, prĂ©vention etaccompagnement (2014) ; Agir sur les comportements nutritionnels (2017).12. Organisation mondiale de la santĂ©. Global status report on alcohol and health. Rap-port, 2018.74
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Les consĂ©quences de cette consommation reprĂ©sentent un coĂ»timportant aux niveaux social et Ă©conomique : il sâagit de la pre-miĂšre cause dâhospitalisation en France. EstimĂ© Ă 118 milliardsdâeuros en 2010, le coĂ»t social de lâalcool en France se composeprincipalement de coĂ»ts liĂ©s Ă la mortalitĂ© (66 milliards dâeuros)et Ă la morbiditĂ© (39 milliards dâeuros) attribuables. Ainsi, enFrance le plaisir monĂ©tarisĂ© qui pourrait ĂȘtre retirĂ© de la consom-mation dâalcool additionnĂ© au profit des producteurs ne parvientpas Ă surpondĂ©rer le coĂ»t des pathologies et de la mortalitĂ©. Lespays du modĂšle continental, ayant un systĂšme de protectionsociale proche du nĂŽtre, perdraient 1 % de PIB chaque annĂ©edu fait de la consommation dâalcool (0,54 % Ă 1,49 %).Concernant les politiques publiques actuelles, au regard duniveau de consommation des Français, de la dangerositĂ© delâalcool et de ses 118 milliards de coĂ»t social et face Ă un lob-bying alcoolier puissant, il y a une rĂ©elle nĂ©cessitĂ© de dĂ©finir uncadre politique afin de maintenir la cohĂ©rence des messages etdes politiques publiques. De plus, il sâavĂšre que certaines loisdĂ©jĂ en place ne sont pas assez respectĂ©es, entre autres, lâinter-diction de vente dâalcool aux mineurs et ont perdu de leur effi-cacitĂ© au fil du temps. Câest le cas de la loi Ăvin qui dans saversion actuelle, protĂšge trop peu les mineurs, notamment delâexposition Ă la publicitĂ© des marques dâalcool.Une feuille de route aux niveaux national et international estnĂ©cessaire pour renforcer les programmes de lutte contre laconsommation dâalcool et doit ĂȘtre appliquĂ©e dans sa totalitĂ©avec en corollaire une volontĂ© politique et un minimum demoyens associĂ©s.Afin dâĂ©laborer des politiques publiques plus efficaces, laCCLAT (Convention Cadre de Lutte Anti-Tabac) de lâOrga-nisation mondiale de la santĂ© devrait servir dâexemple : en effet,elle sâest rĂ©vĂ©lĂ©e pertinente pour baisser la prĂ©valence mondialedu tabagisme depuis son entrĂ©e en vigueur en 2005 (dâautantplus importante dans les pays oĂč sa mise en Ćuvre Ă©tait plusstricte). Les pays dâEurope du Nord ont mis en Ćuvre un nombreimportant de politiques de rĂ©duction de la demande du tabac et 75
Recommandations
ont connu de fortes rĂ©ductions de la frĂ©quence du tabagisme(7,1 points) entre 2005 et 2015. La France compte ainsiaujourdâhui prĂšs de 2 millions de fumeurs en moins depuis 2016suite Ă sa mise en Ćuvre.
Le groupe dâexperts recommande donc de :âą mettre en place un cadre national identique Ă celui de laConvention Cadre de Lutte Anti-Tabac afin dâaider les pays Ă adopter des mesures efficaces pour rĂ©duire la consommationdâalcool ;âą inciter lâUnion europĂ©enne Ă mettre en place des Directivessâinspirant de celles sur les produits du tabac mais adaptĂ©es auxboissons alcoolisĂ©es.
Il est donc indispensable de mettre au premier plan une poli-tique fondĂ©e sur les preuves dâefficacitĂ© (evidence-based) ensâappuyant sur les mesures les plus coĂ»t-efficaces qui consistentĂ agir sur lâoffre et la demande.
Ainsi, en matiĂšre de limitation de lâoffre dâalcool, trois mesuresphares ont Ă©tĂ© mises en Ćuvre et Ă©valuĂ©es dans diffĂ©rents payset pourraient ĂȘtre mises en place et/ou mieux respectĂ©es enFrance :âą la restriction du nombre de dĂ©bits de boissons alcoolisĂ©es ;âą la rĂ©gulation des heures dâouverture et de fermeture desmĂȘmes dĂ©bits de boissons ;âą lâinterdiction de vente aux mineurs (cf. lâexpertise collectiveInserm « Conduites addictives chez les adolescents. Usages, prĂ©-vention et accompagnement », 2014).
En matiĂšre de limitation de la demande dâalcool, les mesuresqui sont les plus largement mobilisĂ©es et Ă©valuĂ©es Ă lâinterna-tional, et en Europe en particulier sont les augmentations desprix via les mĂ©canismes fiscaux :âą la rĂ©gulation de la publicitĂ© ;âą les politiques de lutte contre lâalcool au volant (cf. lâexpertisecollective Inserm « Alcool. Dommages sociaux : abus et dĂ©pen-dance », 2003).76
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
RECOMMANDATIONSDâACTION
Les recommandations dâaction formulĂ©es par le groupe dâexpertsrĂ©pondent Ă plusieurs logiques, non exclusives les unes desautres. En effet, ces recommandations sont fondĂ©es sur lespreuves dâefficacitĂ© (evidence-based) des interventions rapportĂ©esdans la littĂ©rature scientifique ; elles sâappuient Ă©galement surdes modĂšles thĂ©oriques (theory-based, câest gĂ©nĂ©ralement le casdes campagnes de prĂ©vention) qui proposent une liste de dĂ©ter-minants de santĂ© sur lesquels il est possible dâagir.Pour promouvoir des comportements de santĂ© plus sains, uneapproche globale est nĂ©cessaire, intĂ©grant Ă la fois des informa-tions sanitaires via les diffĂ©rents canaux de communication etdes actions visant Ă offrir des environnements favorables et inci-tant Ă un changement de comportement. Il est nĂ©cessairedâencourager le dĂ©veloppement dâapproches allant de la prĂ©ven-tion adressĂ©e Ă la population gĂ©nĂ©rale Ă la prise en charge desconsommateurs Ă risque jusquâĂ celle de la dĂ©pendance.Il sâagit dâune prioritĂ© qui doit faire lâobjet, de maniĂšre urgente,dâun plan national intĂ©grant des actions dont lâobjectif est derĂ©duire la consommation dâalcool dans la population française.Pour cela, le groupe dâexperts recommande de :âą limiter lâaccĂšs Ă lâalcool et rĂ©duire son attractivitĂ© grĂące Ă lalĂ©gislation et Ă son application ;âą rendre plus claire la communication des autoritĂ©s publiquesvis-Ă -vis du grand public, sur les risques liĂ©s Ă la consommationdâalcool ;âą prĂ©venir les usages Ă risque de lâalcool en renforçant lesconnaissances et les compĂ©tences des usagers ;âą former les professionnels de premier recours aux mĂ©thodesdâintervention efficaces ;âą encourager le dĂ©pistage de la consommation dâalcool Ă risqueet la mise en place de lâintervention brĂšve ;âą amĂ©liorer lâefficacitĂ© de la prise en charge de la dĂ©pendance.
77
Recommandations
Limiter lâaccĂšs Ă lâalcool et rĂ©duire son attractivitĂ©grĂące Ă la lĂ©gislation et son application13
DiffĂ©rentes actions, dĂ©taillĂ©es ci-dessous, sont Ă la dispositiondes acteurs de la santĂ© publique pour limiter lâaccĂšs et rĂ©duirelâattractivitĂ© de lâalcool.
Limiter lâaccĂšs Ă lâalcool
En augmentant les prix
Augmenter le prix des boissons alcoolisĂ©es grĂące Ă un systĂšmede taxation adĂ©quat (en fixant un prix minimum par unitĂ© ougramme dâalcool) est une politique de contrĂŽle de la consom-mation dâalcool par lâoutil fiscal qui sâest rĂ©vĂ©lĂ©e efficace entermes de diminution de la consommation dâalcool et de sĂ©curitĂ©publiques notamment en Ăcosse (cette mesure vient dâĂȘtreadoptĂ©e Ă©galement au Pays de Galles).Par consĂ©quent, le groupe dâexperts recommande de faire dusystĂšme de taxation des boissons alcoolisĂ©es un outil de santĂ©publique pour changer les comportements en instaurant un prixminimum des boissons contenant de lâalcool et/ou les taxant enfonction du grammage dâalcool pur contenu ; le niveau de taxa-tion devant ĂȘtre assez Ă©levĂ© pour Ă©viter les effets de reports surdâautres boissons (moins alcoolisĂ©es mais consommĂ©es en plusgrande quantitĂ©).Cette recommandation rejoint la recommandation de recherchepour la mise en place dâun fond gouvernemental abondĂ© par lesproducteurs dâalcool pour financer la recherche et les actions deprĂ©vention en France (Ă lâinstar de ce qui se fait sur le tabac)et ceci Ă la hauteur des dommages associĂ©s Ă la consommationdâalcool (fardeau des morbiditĂ©s, en anglais burden of disease).
13. Notamment chez les adolescents : voir lâexpertise collective Inserm « Conduites addic-tives chez les adolescents : Usages, prĂ©vention et accompagnement » (2014).78
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
En contrĂŽlant lâaccĂšs aux mineurs
Concernant lâaccĂšs physique aux produits alcooliques, la loidâinterdiction de vente dâalcool aux mineurs et de vĂ©rificationde leur Ăąge nâest pas respectĂ©e en France. Il convient alors demieux la faire respecter et de doter les personnels en contactavec les clients dâoutils facilitant ce contrĂŽle. La littĂ©rature Ă©ta-blit que ces vĂ©rifications, lorsquâelles sont faites Ă distance (viaune machine Ă lecture optique de la piĂšce dâidentitĂ© parexemple), sont les mieux Ă mĂȘme de faire augmenter les tauxde contrĂŽle des ventes dâalcool et ainsi limiter lâaccĂšs desmineurs aux produits alcooliques (et donc faire respecter la loi).Par consĂ©quent, le groupe dâexperts recommande de :âą rĂ©aliser des contrĂŽles rĂ©guliers et frĂ©quents du respect delâinterdiction de vente dâalcool aux mineurs avec notammentdes achats tests ;âą mettre en place un systĂšme de vĂ©rification dâĂąge automatisĂ©et systĂ©matique du client afin dâamĂ©liorer le respect de la loidâinterdiction de vente dâalcool aux mineurs.
En lien avec la recommandation prĂ©cĂ©dente, il convient derendre plus effective la loi en augmentant la sanction encourueet la probabilitĂ© dâĂȘtre contrĂŽlĂ©. La littĂ©rature en ce domainemontre quâune application stricte de la loi est efficace.
Par consĂ©quent, le groupe dâexperts recommande de reconsi-dĂ©rer Ă la hausse les sanctions encourues par les vendeursdâalcool en cas de non-respect de lâinterdiction de vente auxmineurs.
En réduisant la disponibilité
La littĂ©rature Ă©tablit un lien entre le nombre de dĂ©bits de bois-sons alcoolisĂ©es, la disponibilitĂ© horaire de ces produits et lâinci-dence des dommages de court terme et de long terme de laconsommation dâalcool. En France aujourdâhui, le marchĂ© deslicences IV et les plages horaires de vente des boissons alcooli-sĂ©es sont des prĂ©rogatives des seuls prĂ©fets et des maires. Ă 79
Recommandations
lâinstar de ce que montrent les expĂ©riences anglaises de gestioncollĂ©giale de ces questions, il faudrait Ă©largir ces prises de dĂ©ci-sions aux parties prenantes que sont les agences rĂ©gionales desantĂ© (ARS) et la sociĂ©tĂ© civile.
Le groupe dâexperts recommande donc de restreindre les plageshoraires de vente dâalcool que ce soit Ă emporter ou Ă consommer sur place ainsi que le nombre de vendeurs agrĂ©Ă©s(nombre de licences II et IV) dĂšs lors quâun diagnostic local aidentifiĂ© des problĂšmes en termes de sĂ©curitĂ© ou de santĂ© publi-ques. Ceci en renforçant les compĂ©tences des prĂ©fets et desmaires en ce domaine par la crĂ©ation de commissions dĂ©cision-naires Ă©largies. Pour cela, il convient de faire apparaĂźtre la rĂ©duc-tion des risques et des dommages de lâalcool au sein des contratslocaux de santĂ© (CLS) qui participent Ă la construction desdynamiques territoriales de santĂ©.
RĂ©duire lâattractivitĂ© de lâalcool
Des travaux scientifiques ont analysĂ© lâeffet du marketing delâalcool sur les jeunes, particuliĂšrement lâimpact de la publicitĂ©qui en est une composante. La trĂšs grande majoritĂ© des recher-ches rĂ©vĂšlent un lien positif et significatif entre lâexposition aumarketing et Ă la publicitĂ© pour des produits alcooliques et lesattitudes puis les comportements dâalcoolisation des jeunes(lâinitiation pour les non-buveurs, lâaugmentation de la consom-mation pour les jeunes buveurs et de lâalcoolisation ponctuelleimportante). Ainsi, au-delĂ de lâinfluence des pairs, des parentset de la culture, lâĂ©tat actuel de la recherche souligne le fait quele marketing des industriels de lâalcool joue un rĂŽle pour expli-quer les comportements de consommation de cette population.
En France, le lĂ©gislateur a souhaitĂ© rĂ©glementer les modalitĂ©s depublicitĂ© pour lâalcool. Ainsi la loi Ăvin du 10 janvier 1991 aposĂ© le principe de la restriction de certains mĂ©dias et de larĂ©gulation du contenu des publicitĂ©s et des packagings des bois-sons alcoolisĂ©es dans le but de rĂ©duire lâattractivitĂ© de ce produit.80
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Toutefois, le lobbying de lâindustrie de lâalcool a assoupli consi-dĂ©rablement et rĂ©duit lâefficacitĂ© de la loi Ăvin (autorisation depromouvoir lâalcool sur les affichages dans les lieux publics etsur internet, etc.) et les modes de communication ont fortementĂ©voluĂ© depuis 1991 (explosion de lâutilisation des rĂ©seauxsociaux).Par ailleurs, des contournements de la loi Ăvin par les producteursdâalcool sont constatĂ©s en France. Par consĂ©quent, le groupedâexperts recommande de :âą modifier la loi Ăvin sur la rĂ©gulation de la publicitĂ© dans unsens favorable Ă la santĂ© publique afin de mieux protĂ©ger lesmineurs et les jeunes ;âą renforcer les contrĂŽles sur le respect de la loi Ăvin ;âą mieux comprendre, cerner et donc contrer les stratĂ©gies demarketing qui valorisent les conduites dâalcoolisation et les pro-duits alcooliques auprĂšs des jeunes ;âą mettre en place des actions pour contrer, rĂ©duire et dĂ©noncerlâeffet du marketing des producteurs dâalcool ;âą poser un principe de transparence des relations dâinfluencede lâindustrie de lâalcool.
Ces recommandations sont développées ci-aprÚs.
Modifier la loi Ăvin sur la rĂ©gulation de la publicitĂ© dans un sensfavorable Ă la santĂ© publique afin de mieux protĂ©ger les mineurs etles jeunes
Il faut ainsi revenir Ă une version proche de la loi Ăvin votĂ©een 1991 en France, câest-Ă -dire :âą interdire les publicitĂ©s pour les marques dâalcool dans tous leslieux publics (affiches dans la rue, dans les transports encommun, etc.) ;âą sur internet (qui nâen Ă©tait quâĂ ses dĂ©buts en 1991) :
â autoriser seulement les sites institutionnels de marques quiprĂ©sentent les produits de maniĂšre objective et informative,conformĂ©ment Ă la loi ;
81
Recommandations
â interdire la publicitĂ© et les messages pro alcool sur lesrĂ©seaux sociaux car ils sont trĂšs frĂ©quentĂ©s par les jeunes etinterdire les formes de marketing qui incitent les internautesĂ rĂ©agir (partager des contenus, participer Ă des concours,« liker » des contenus, laisser des commentaires, diffuser desphotos, etc.).
âą pour la presse et la radio, autoriser ces supports de diffusionpublicitaire quand leurs audiences sont trĂšs majoritairement (aumoins 80 %) composĂ©es de majeurs de plus de 18 ans (le pro-ducteur dâalcool devra en fournir la preuve) ;âą prĂ©ciser que les publicitĂ©s pour les marques dâalcool « alibi »(marque crĂ©Ă©e pour des occasions particuliĂšres qui reprennentles codes dâune marque dâalcool â couleur, style graphique, etc. âsans la mentionner explicitement et textuellement) utilisĂ©es parles producteurs dâalcool pour contourner la lĂ©gislation dans lecontexte dâĂ©vĂ©nements (sports, concerts, etc.) sont soumises Ă cette loi, Ă lâinstar des marques dâalcool « classiques ».
Renforcer les contrĂŽles sur le respect de la loi Ăvin
Il est recommandĂ© de renforcer les contrĂŽles sur le respect de laloi Ăvin afin quâelle joue pleinement son rĂŽle : mettre en placedes mesures de suivi et de contrĂŽle de son respect, en particuliersur internet, dans les points de vente, dans le cadre des Ă©vĂ©ne-ments sponsorisĂ©s et sur le contenu des publicitĂ©s et des packa-gings des marques dâalcool.
Mieux comprendre, cerner et donc contrer les stratĂ©giesde marketing qui valorisent les conduites dâalcoolisationet les produits alcooliques auprĂšs des jeunes, en mettant en placedes observatoires rĂ©guliers
Il est recommandĂ© de mettre en place des observatoires rĂ©gulierspour :âą estimer les budgets consacrĂ©s au marketing et Ă la publicitĂ©par les producteurs et distributeurs dâalcool en France (par des
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
piges marketing14) et sâinspirer de leurs utilisations afin de dĂ©ve-lopper les leviers de prĂ©vention ;âą analyser les formes et contenus du marketing et de la publicitĂ©dĂ©ployĂ©s par les producteurs et distributeurs dâalcool en France.
Mettre en place des actions pour contrer, rĂ©duire et dĂ©noncerlâeffet du marketing des producteurs dâalcool
âą Diffuser des campagnes de « contre-marketing » sur la mani-pulation publicitaire des producteurs dâalcool dans des pro-grammes dâĂ©ducation au sein des Ă©tablissements de lâenseigne-ment (primaires, collĂšges et lycĂ©es) et dans des campagnes deprĂ©vention dans les mĂ©dias pour renforcer les compĂ©tences psy-chosociales des jeunes ;âą amĂ©liorer la visibilitĂ© des avertissements sanitaires sur lespublicitĂ©s et les packagings des produits alcooliques pour contreret rĂ©duire lâattractivitĂ© de ces deux supports marketing ;âą proposer des programmes de formation aux Ă©tudiants en santĂ©pour mieux les sensibiliser au marketing et au lobbying delâindustrie de lâalcool.
Poser un principe de transparence des relations dâinfluencede lâindustrie de lâalcool
Il a Ă©tĂ© montrĂ© dans la littĂ©rature que les stratĂ©gies dâinfluenceet de lobbying de lâindustrie de lâalcool sont efficaces pour faireĂ©voluer les lois dans un sens dĂ©favorable Ă la santĂ© publique. EnconsĂ©quence et Ă lâinstar de lâarticle 26 de la loi du 26 janvier2016 de modernisation de notre systĂšme de santĂ© qui a posĂ© unprincipe de transparence des relations dâinfluence de lâindustriedu tabac, il serait important de poser un principe identique pourlâindustrie de lâalcool. Par consĂ©quent, le groupe dâexpertsrecommande de sâen inspirer et de :
14. Une pige marketing est un dispositif de recueil des campagnes marketing effectuéessur un ou plusieurs canaux de marketing direct (e-mail, publipostage, etc.) ou sur lesmédias. 83
Recommandations
âą exiger une dĂ©claration annuelle auprĂšs du ministĂšre des Soli-daritĂ©s et de la SantĂ© de lâensemble des dĂ©penses liĂ©es aux acti-vitĂ©s directes dâinfluence et de lobbying (contacts formels etinformels avec les membres du Parlement, SĂ©nat ou du Gouver-nement) de la filiĂšre alcool (producteurs, reprĂ©sentants de lafiliĂšre) ;
⹠exiger des informations et la transparence des actions de lob-bying « indirectes » identifiées dans la littérature (non directe-ment liées aux contacts avec les membres du Parlement, Sénatou du Gouvernement) notamment sur :
â le financement et les programmes de recherche et dâensei-gnement dâĂ©coles et dâuniversitĂ©s (chaires, projets acadĂ©mi-ques, doctorats, prix scientifiques) ;â les actions de prĂ©vention mises en place par la filiĂšre alcool(producteurs, reprĂ©sentants de la filiĂšre) ;â la prĂ©sence et la participation de la filiĂšre alcool (produc-teurs et reprĂ©sentants de la filiĂšre) Ă des commissions etgroupes de travail et dâexperts publics.
Rendre plus claire la communication des autoritĂ©spubliques vis-Ă -vis du grand public sur les risquesliĂ©s Ă la consommation dâalcool
Il est crucial notamment de renforcer les connaissances de lapopulation sur le lien entre la consommation dâalcool et la sur-venue des cancers, des maladies cardiovasculaires, etc. et sur lefait que lâalcool est la premiĂšre cause dâhospitalisations (ce quirĂ©sulte de lâanalyse des donnĂ©es du programme de mĂ©dicalisationdes systĂšmes dâinformation).
En premier lieu, concernant la communication sur les repĂšresde consommation pour quâils soient le plus largement reconnusde tous, le groupe dâexperts recommande de continuer Ă informer et sensibiliser autour des repĂšres de consommation84
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Ă©tablis par SantĂ© publique France et lâInstitut national du canceren 2017 :âą ne pas consommer plus de 10 verres standards par semaine(1 verre standard = 10 grammes dâalcool pur) ;âą pas plus de 2 verres standards par jour ;âą avoir des jours dans la semaine sans consommation.
En France, les repĂšres de consommation ont Ă©tĂ© revus Ă la baissepour les hommes. Pour les femmes, seul le repĂšre hebdomadairea diminuĂ© passant de 14 verres Ă 10 verres standards par semaine.Le niveau de 2 verres par jour est restĂ© quant Ă lui inchangĂ©pour les femmes. Les nouveaux repĂšres ne font donc plus ladistinction entre les sexes. Le groupe dâexperts recommande decontinuer Ă sensibiliser sur la plus grande vulnĂ©rabilitĂ© desfemmes vis-Ă -vis de lâalcool comparativement aux hommes Ă consommation Ă©gale.
Le groupe dâexperts recommande lâutilisation de messages deprĂ©vention, conçus en prenant en compte le niveau de littĂ©ratiedes diffĂ©rentes catĂ©gories de la population, destinĂ©s Ă lâensemblede la population, comprĂ©hensibles, spĂ©cifiques et faciles Ă mettreen application. Ces messages doivent Ă©galement ĂȘtre personna-lisĂ©s et/ou segmentĂ©s pour les groupes les plus vulnĂ©rables. Legroupe dâexperts recommande de redynamiser lâavertissementde ne pas consommer de boissons alcoolisĂ©es pour les femmesdĂšs quâelles envisagent une grossesse, et pour les futures mĂšresjusquâĂ la naissance et durant la pĂ©riode dâallaitement.
Au niveau international, le Centre international de recherchecontre le cancer (CIRC) recommande lâabstinence pour prĂ©-venir le dĂ©veloppement des cancers. Toute consommationdâalcool mĂȘme faible comporte un risque pour la santĂ©. LesĂ©tudes rĂ©centes, celles analysant la mĂ©thodologie (câest-Ă -direles biais et facteurs de confusion) comme celles utilisant unemĂ©thodologie de randomisation mendĂ©lienne (les donnĂ©es nesont pas affectĂ©es par les facteurs de confusion ou des biais),invalident lâexistence dâeffets « protecteurs » dâune consomma-tion dâalcool faible. Par consĂ©quent, le groupe dâexperts 85
Recommandations
recommande dâencourager la rĂ©duction de la consommationdâalcool mĂȘme lorsque les niveaux sont dĂ©jĂ faibles.
En lien avec une rĂ©duction de la consommation dâalcool mĂȘmequand elle est faible, lancer un dĂ©fi pour rester abstinent pen-dant un mois a dĂ©montrĂ© une efficacitĂ© en termes dâamĂ©liora-tions physiologiques, de qualitĂ© de vie et de sentiment Ă ĂȘtreplus confiant dans sa capacitĂ© Ă refuser de consommer delâalcool. Par consĂ©quent, le groupe dâexperts recommande decomplĂ©ter la communication sur les campagnes de prĂ©ventionexistantes par de nouveaux dispositifs. Cela peut se faire notam-ment par des opĂ©rations invitant ponctuellement la populationĂ expĂ©rimenter les bĂ©nĂ©fices de lâarrĂȘt de consommation dâalcool(Le DĂ©fi de Janvier) comme celles du type Dry January enGrande-Bretagne et « TournĂ©e MinĂ©rale » en Belgique.
Concernant les avertissements sanitaires actuellement utilisĂ©sen France, message textuel apposĂ© en bas des publicitĂ©s pour lesmarques dâalcool et pictogramme ou texte insĂ©rĂ© sur les conte-nants dâalcool, respectivement mis en place en France en 1991et en 2007, la littĂ©rature montre quâils ont perdu de leur impactavec le temps et que leurs contenus et formats ne sont pas opti-maux. Ces messages Ă©tant essentiels pour informer les consom-mateurs sur les risques et peu coĂ»teux pour les gouvernements,le groupe dâexperts recommande de :âą changer les messages actuellement utilisĂ©s en France car pre-miĂšrement ils ne sont plus regardĂ©s, deuxiĂšmement le contenudu message « lâabus dâalcool est dangereux pour la santĂ© » nâestpas exact au vu de la littĂ©rature scientifique rĂ©cente ; troisiĂšme-ment, les termes « abus » et « modĂ©ration » sont flous et ne sontpas compris, voire sont dĂ©tournĂ©s par lâindustrie alcooliĂšre ;âą agrandir leurs format, taille et saillance sur les publicitĂ©s et lescontenants des boissons alcoolisĂ©es afin quâils soient plus visibleset se distinguent du contenu marketing dans lequel ils sâinsĂšrent ;âą insĂ©rer sur les publicitĂ©s et les packagings des messages variĂ©ssur les risques sanitaires et sociaux liĂ©s Ă la consommation dâalcool(pour toucher des personnes aux sensibilitĂ©s diffĂ©rentes) ;86
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
âą prĂ©voir un systĂšme de rotation de diffĂ©rents messages, tousles 6 mois par exemple, pour Ă©viter la lassitude et la rĂ©pĂ©tition ;âą insĂ©rer sur les contenants de nouvelles informations sur lescalories, le grammage dâalcool pur contenu, les repĂšres deconsommation recommandĂ©s par les pouvoirs publics, le nombrede verres standards (unitĂ©s) contenus dans une bouteille, lesingrĂ©dients, la qualitĂ© nutritionnelle, etc. du produit alcoolisĂ©vendu ;âą utiliser des visuels et/ou des pictogrammes combinĂ©s auxtextes pour augmenter lâimpact des messages et toucherlâensemble de la population.
PrĂ©venir les usages Ă risque de lâalcool en renforçantles connaissances et les compĂ©tences des usagers
Un enjeu prioritaire pour la prĂ©vention est le renforcement desfacteurs de protection dĂšs le dĂ©but du parcours de vie des indi-vidus. La littĂ©rature suggĂšre de dĂ©velopper des interventions prĂ©-coces visant le renforcement de facteurs gĂ©nĂ©riques de protec-tion telles que les compĂ©tences parentales (par exemple,interactions positives, communication, discipline efficace) et lescompĂ©tences psychosociales des enfants et Ă travailler plus lar-gement sur les environnements sociaux (notamment le milieuscolaire). Au-delĂ des effets positifs observĂ©s Ă long terme surles consommations de substances psychoactives dont la consom-mation dâalcool, ces interventions participent Ă la rĂ©duction desinĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© et Ă la prĂ©vention dâune large gammede comportements Ă risque.Les compĂ©tences psychosociales sont des ressources cognitives(prise de dĂ©cision, rĂ©solution de problĂšme, pensĂ©e critique, etc.),Ă©motionnelles (gestion du stress, des Ă©motions, etc.), sociales(communication, affirmation de soi, capacitĂ© dâinfluence, derĂ©sistance, etc.) et fondamentales qui permettent de faire faceaux exigences de la vie quotidienne, dâinteragir de façon
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Recommandations
satisfaisante avec son environnement et dâexercer une influencepositive pour soi-mĂȘme et son entourage.
Renforcer les compĂ©tences pour prĂ©venir lâentrĂ©e dans lesconsommations
Il est primordial de favoriser les facteurs permettant de prĂ©venirlâentrĂ©e dans les consommations dâalcool problĂ©matiques(actions de soutien Ă la parentalitĂ© dĂšs le plus jeune Ăąge desenfants, soutien Ă la scolaritĂ© et Ă la rĂ©ussite Ă©ducative des Ă©lĂšves,dĂ©veloppement dâactivitĂ©s sociales, culturelles ou sportives posi-tives, etc.).Le groupe dâexperts recommande donc, Ă partir de programmesvalidĂ©s ou adaptĂ©s de :âą aider la mise en place des interventions Ă destination desfemmes enceintes prĂ©sentant des facteurs de vulnĂ©rabilitĂ© (iso-lĂ©es, primipares, etc.) via des visites Ă domicile rĂ©alisĂ©es par desprofessionnels formĂ©s. Lâobjectif Ă©tant dâapporter un soutien psy-chologique et social et dâaccompagner le dĂ©veloppement dâunlien dâattachement sĂ»r entre la mĂšre et lâenfant ;âą encourager les interventions de dĂ©veloppement des compĂ©-tences parentales pour les parents exprimant un besoin dâaccom-pagnement. Lâobjectif Ă©tant de renforcer leurs capacitĂ©s et leursentiment dâefficacitĂ© dans lâexercice de leurs fonctions paren-tales (soutien affectif et supervision) ;âą dĂ©velopper des interventions de dĂ©veloppement des compĂ©-tences psychosociales des Ă©lĂšves. Ces interventions doivent ĂȘtreaccompagnĂ©es au dĂ©but du collĂšge par de lâinformation sur lesrisques de la consommation dâalcool Ă court terme et dâun travailsur la rectification des croyances normatives ;âą enfin, pour les professionnels de lâĂ©ducation mettre en placedes formations pour dĂ©velopper leurs outils de gestion des groupes,de rĂ©gulation des comportements et dâinfluences positives.Lâobjectif Ă©tant dâamĂ©liorer le bien-ĂȘtre au travail des profession-nels, de valoriser les Ă©lĂšves, de favoriser les apprentissages et deleur permettre dâinternaliser les rĂšgles de conduite en collectivitĂ©.88
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Les modalités de mise en place de cette prévention
Dans le domaine du dĂ©veloppement des compĂ©tences psycho-sociales, les interventions Ă©valuĂ©es comme efficaces sont struc-turĂ©es, ont une certaine intensitĂ© (un minimum de 6 Ă 8 sĂ©ancespar an), concernent les trois grandes catĂ©gories de compĂ©tences,utilisent des mĂ©thodes expĂ©rientielles (jeux de rĂŽle) et sontconduites par des animateurs prĂ©alablement formĂ©s.La diffusion de messages de prĂ©vention en utilisant les mĂ©diasde masse associĂ©e Ă des interventions personnalisĂ©es utilisantdes SMS a montrĂ© des rĂ©sultats trĂšs positifs sur les opinions etles comportements. Si les mĂ©dias de masse permettent de tou-cher un grand nombre de personnes, ils peuvent de surcroĂźt ĂȘtreaccompagnĂ©s dâactions personnalisĂ©es pour les personnes les plusconcernĂ©es par les problĂ©matiques de consommation dâalcool etayant donnĂ© leur accord pour recevoir des messages personna-lisĂ©s. Le groupe dâexperts recommande donc de :âą utiliser la communication digitale et la persuasion technolo-gique (par exemple : plateformes dâinformations, mĂ©dias sociaux,textes et SMS, SMS combinĂ©s avec le web) afin de susciter denouveaux comportements en termes de rĂ©duction de la consom-mation. La persuasion technologique est constituĂ©e de systĂšmesinformatiques interactifs, de plateformes ou dâinterfaces, conçuspour faire Ă©voluer les opinions et les comportements des indi-vidus vis-Ă -vis de lâalcool ;âą mettre en place, dĂ©velopper, tester et Ă©valuer la e-santĂ© et lesapplications digitales (web, smartphone, SMS) dans la diffusiondes informations relatives Ă lâalcool sur la base des thĂ©ories duchangement des comportements issues des sciences du compor-tement (par exemple : feedbacks, normes, etc.) (cf. les recom-mandations de recherche).
Les effets et les mĂ©canismes dâinfluence pouvant ĂȘtre fortementdiffĂ©rents selon les caractĂ©ristiques psychosociales et indivi-duelles, il convient de bien connaĂźtre ces derniĂšres pour mieuxadapter les messages. Le groupe dâexperts recommande donc dedĂ©velopper lâusage de messages modulĂ©s selon les publics visĂ©s, 89
Recommandations
quâil est possible de transmettre via les technologies de lâinfor-mation et de la communication (TIC : web, mobile, objetsconnectĂ©s, etc.) ou des mĂ©dias et/ou des supports permettant lasegmentation.
Former les professionnels de premier recoursauxmĂ©thodes dâintervention efficaces
Lâobjectif est donc de promouvoir une formation initiale etcontinue sur les consommations Ă risque dâalcool pour tous lesprofessionnels impliquĂ©s dans les premiers recours des usagers.Cela est primordial afin dâamĂ©liorer le repĂ©rage de cescomportements.
La dĂ©claration dâAlma-Ata a Ă©tĂ© Ă©tablie Ă lâissue de la ConfĂ©-rence internationale organisĂ©e en 1978 par lâOrganisation mon-diale de la santĂ© sur les soins de santĂ© primaires. Dans lâarticle 6de la dĂ©claration : « Les soins de santĂ© primaires sont des soinsde santĂ© essentiels fondĂ©s sur des mĂ©thodes et des techniquespratiques, scientifiquement valables et socialement acceptables,rendus universellement accessibles Ă tous les individus et Ă toutesles familles de la communautĂ©, etc. Ils sont le premier niveaude contacts des individus, de la famille et de la communautĂ©avec le systĂšme national de santĂ©, rapprochant le plus possibleles soins de santĂ© des lieux oĂč les gens vivent et travaillent, etils constituent le premier Ă©lĂ©ment dâun processus ininterrompude protection sanitaire ».
Le groupe dâexperts recommande donc que les professionnelsde premier recours, en particulier les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes, lesurgentistes, les pĂ©diatres, les mĂ©decins du travail, les mĂ©decinset infirmiers scolaires, les pharmaciens, les services de mĂ©decineprĂ©ventive dans les universitĂ©s, puissent repĂ©rer les consomma-tions Ă risque dâalcool. Dans ce sens, le groupe dâexperts recom-mande a minima de former au repĂ©rage prĂ©coce et Ă lâinterven-tion brĂšve (RPIB) â qui comprend aussi lâorientation vers une90
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
structure/un acteur de soins adaptĂ© â les professionnels de santĂ©impliquĂ©s dans les premiers recours des usagers.Une vigilance toute particuliĂšre doit ĂȘtre portĂ©e aux futuresmĂšres, dĂšs la pĂ©riode de la conception car la frĂ©quence du syn-drome dâalcoolisation fĆtale (SAF) et des troubles causĂ©s parlâalcoolisation fĆtale (TCAF) est prĂ©occupante compte tenu dela gravitĂ© des atteintes pour lâenfant. La prĂ©vention primaireconsiste Ă ne pas consommer de boissons alcoolisĂ©es pour lesfutures mĂšres, dĂšs quâune grossesse est envisagĂ©e. Pour cela, legroupe dâexperts recommande de :âą dĂ©velopper la formation de professionnels (sages-femmes,gynĂ©cologues, gĂ©nĂ©ralistes, etc.) sur comment informer etaccompagner les femmes vers le « zĂ©ro alcool » pendant la gros-sesse et dĂšs son projet ;âą favoriser la formation de professionnels en puĂ©riculture etpĂ©diatrie pour repĂ©rer prĂ©cocement les troubles causĂ©s parlâalcoolisation fĆtale (TCAF). Cela exige une vĂ©ritable volontĂ©politique de la part des agences rĂ©gionales de santĂ© (ARS) etdes Ă©quipes (rĂ©seaux, personnel hospitalier) pour maintenir unniveau de formation, de compĂ©tences et de vigilance sur le syn-drome dâalcoolisation fĆtale (SAF) et les TCAF.
Encourager le dĂ©pistage de la consommationdâalcool et la mise en place de lâintervention brĂšve
Les patients qui ont une consommation dâalcool Ă risque sontinsuffisamment identifiĂ©s par le systĂšme de santĂ© et donc trĂšspeu pris en charge. La mise en Ćuvre Ă large Ă©chelle du dĂ©pistageet de lâintervention brĂšve en mĂ©decine de premier recours figureparmi les mesures de santĂ© publique les plus efficaces et les moinscoĂ»teuses pour rĂ©duire les dommages liĂ©s Ă lâalcool. En consĂ©-quence, le groupe dâexperts recommande de :
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Recommandations
âą favoriser un repĂ©rage systĂ©matique des personnes prĂ©sentantune consommation dâalcool Ă risque et proposer systĂ©matique-ment une intervention brĂšve Ă ces personnes ;âą encourager le dĂ©pistage de toute consommation chez lesfemmes enceintes.
La charge de travail induite par la mise en place du RPIB (repĂ©-rage prĂ©coce â intervention brĂšve) devrait ĂȘtre valorisĂ©e. Legroupe dâexperts souhaite que les pouvoirs publics mettent enplace une reconnaissance financiĂšre de cet acte technique (tari-fication dâun acte de « prĂ©vention »).Le dĂ©pistage et les interventions brĂšves Ă©lectroniques utilisantune tablette dans la collectivitĂ© (Ă©coles, armĂ©e, etc.) ou parexemple dans les salles dâattente mĂ©dicales constituent uneopportunitĂ© de toucher une population plus importante et unealternative moins onĂ©reuse quâun entretien en face-Ă -face. Cecipeut Ă©galement permettre de dĂ©passer certaines barriĂšres Ă lâimplĂ©mentation frĂ©quemment observĂ©es telles que lescontraintes de temps pour le personnel soignant et de rĂ©duireles stigmas qui existent autour de la consommation dâalcool. CemodĂšle intĂ©gratif, par Ă©tape, permettrait de combiner un dĂ©pis-tage et une intervention brĂšve Ă©lectroniques pour le plus grandnombre, dans les collectivitĂ©s publiques, Ă©coles, hĂŽpitaux, salledâattente, Ă des interventions en tĂȘte-Ă -tĂȘte pour les situationsles plus prĂ©occupantes ou lorsque lâusager le demande. Ainsi,une solution par Ă©tapes permettrait non seulement de rĂ©duire laconsommation (et les dommages qui y sont associĂ©s) desconsommateurs dâalcool Ă risque sans dĂ©pendance, mais aussi derepĂ©rer les personnes dĂ©pendantes Ă lâalcool et de les orientervers un suivi spĂ©cialisĂ©. En consĂ©quence, le groupe dâexpertsrecommande de mettre en place un modĂšle de dĂ©pistage etdâintervention brĂšve en 3 Ă©tapes :1) privilĂ©gier les interventions brĂšves Ă©lectroniques (internet,applications mobiles) pour la population gĂ©nĂ©rale ;2) proposer une intervention brĂšve en mĂ©decine de premierrecours aux personnes Ă risque le nĂ©cessitant ;
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
3) initier une discussion et orienter vers des services spécialisésen addictologie les personnes présentant des dépendances.
Si le dĂ©pistage est positif et quâil sâagit dâune personne avec uneconsommation Ă risque, les professionnels de santĂ© de premierrecours doivent pouvoir orienter les patients. Câest pourquoi legroupe dâexperts recommande pour la formation professionnellede crĂ©er des modules spĂ©cifiques dâenseignement en addictologie(intĂ©grĂ©s Ă la formation de base) dans les filiĂšres de santĂ© etmĂ©dico-sociales : Ă©tudiants en mĂ©decine, pharmacie, odonto-logie, soins infirmiers, kinĂ©sithĂ©rapie, ergothĂ©rapeutes, psycho-motriciens, travailleurs sociaux, Ă©ducateurs, etc.Par ailleurs, les professionnels de premier recours doiventconnaĂźtre les diffĂ©rentes techniques de rĂ©duction des risques etdes dommages (RDRD) (programme ALCOCHOIX, informa-tions sur les Ă©quivalences du degrĂ© dâalcool et du volume desboissons, agenda des consommations, bases dâentretien motiva-tionnel par exemple, etc.) liĂ©es Ă la consommation dâalcool afindâĂȘtre appliquĂ©es Ă lâensemble de la population. Les outils exis-tent mais ils sont peu connus et sous-utilisĂ©s. Le groupedâexperts recommande en sâappuyant sur une coordination desĂquipes de Liaison et de Soins en Addictologie (ELSA) et desCentres de Soins, dâAccompagnement et de PrĂ©vention enAddictologie (CSAPA) de :âą faciliter la rencontre entre des associations dâusagers et desprofessionnels en intĂ©grant en formation continue un travail desmĂ©decins avec un groupe dâusagers ou dâex-usagers ;âą mettre en place des interventions brĂšves par des profession-nels de santĂ© formĂ©s.
Il est nĂ©cessaire de former des personnels paramĂ©dicaux et nonspĂ©cialistes de lâaddictologie (notamment au sein des associa-tions) aux nombreuses techniques de RDRD, accessibles auxnon-mĂ©decins. Le groupe dâexperts recommande de mettre desoutils dâinterventions brĂšves Ă disposition des personnes enga-gĂ©es dans des associations.
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Recommandations
AmĂ©liorer lâefficacitĂ© de la prise en chargede la dĂ©pendance
La dĂ©pendance Ă lâalcool se caractĂ©rise par son Ă©volution chro-nique, imposant une prise en charge au long cours visant Ă traiterles Ă©pisodes aigus et prĂ©venir les rechutes. Sa prise en chargenĂ©cessite donc de renforcer la qualitĂ© de lâobservance sur le longterme. Câest pourquoi le groupe dâexperts recommande de :âą promouvoir une approche mĂ©dicale de la dĂ©pendance Ă lâalcool Ă lâimage de celle des autres maladies chroniques ;âą dĂ©velopper des stratĂ©gies de santĂ© publique destinĂ©es Ă faci-liter lâaccĂšs aux soins pour les personnes dĂ©pendantes Ă lâalcool,comprenant la coordination avec les soins primaires et lâaccĂšsaux soins destinĂ©s Ă prendre en charge les co-addictions et lestroubles psychiatriques co-occurrents ;âą encourager le dĂ©veloppement des approches multimodalesdans la prise en charge de la dĂ©pendance Ă lâalcool ;âą encourager les approches visant un objectif thĂ©rapeutique ini-tial basĂ© sur une approche pragmatique en adĂ©quation avec lestade motivationnel du patient, tout en considĂ©rant lâarrĂȘt delâusage comme lâobjectif final Ă privilĂ©gier ;âą en amont de la mise en Ćuvre dâun sevrage thĂ©rapeutique delâalcool, anticiper le projet de soins destinĂ© Ă prĂ©venir larechute ;âą favoriser lâimplĂ©mentation des stratĂ©gies thĂ©rapeutiques bĂ©nĂ©-ficiant de donnĂ©es probantes dâefficacitĂ© telles que lâentretienmotivationnel, les thĂ©rapies cognitivo-comportementales(TCC), la thĂ©rapie des contingences et la prĂ©vention de larechute par la mĂ©ditation de pleine conscience ;âą promouvoir le rĂŽle de lâactivitĂ© physique et des contactssociaux positifs dans la prĂ©vention de la rechute. LâactivitĂ© phy-sique devrait faire partie de façon systĂ©matique des programmesde traitement pour les personnes dĂ©pendantes ;âą considĂ©rer la reprise dâun logement comme une urgence thĂ©-rapeutique chez tous les patients sans domicile fixe prĂ©sentantune dĂ©pendance Ă lâalcool sans que lâaccĂšs au logement ne soit94
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
assujetti Ă lâobservance prĂ©alable aux soins addictologiques. Eneffet, il existe des liens rĂ©ciproques entre la consommationdâalcool Ă risque et lâabsence de domicile fixe.
La prise en charge intĂ©grative des troubles co-occurrents est Ă privilĂ©gier, notamment sâagissant des co-addictions, des troublespsychiatriques, des troubles cognitifs, des troubles du sommeilet de la douleur chronique. Ă dĂ©faut, une coordination Ă©troiteentre les prises en charge complĂ©mentaires doit ĂȘtre assurĂ©e.
Les troubles cognitifs liĂ©s Ă lâalcool concerneraient au moins lamoitiĂ© des patients prĂ©sentant une consommation dâalcool Ă risque. Ces troubles peuvent altĂ©rer la motivation Ă changer decomportement ainsi que des difficultĂ©s dâapprentissage. EnconsĂ©quence, ils peuvent diminuer lâefficacitĂ© des stratĂ©gies thĂ©-rapeutiques utilisĂ©es en addictologie, notamment les entretiensmotivationnels. Le groupe dâexperts recommande doncdâencourager le repĂ©rage systĂ©matique des troubles cognitifs liĂ©sĂ lâalcool ainsi que leur prise en charge chez tous les patientsprĂ©sentant une dĂ©pendance Ă lâalcool.
RECOMMANDATIONSDE RECHERCHE
Le financement de la recherche dans le domaine de lâalcoolparaĂźt insuffisant comparativement au coĂ»t sanitaire et socialinduit par la consommation dâalcool et au regard des besoins.Les recommandations de recherche nĂ©cessitent un financementpublic fort qui pourrait se traduire par lâattribution aux orga-nismes de recherche dâune part fixe et non nĂ©gligeable des taxesissues des boissons alcoolisĂ©es recouvrĂ©es par lâĂtat. En complĂ©-ment de ce systĂšme de taxation, afin de financer la recherchesur lâalcool actuellement sous-dotĂ©e, le groupe dâexperts recom-mande de rĂ©tablir ce qui Ă©tait prĂ©vu initialement dans le cadrede la loi Ăvin (1991) : mettre en place un fonds gouvernementalabondĂ© par les producteurs dâalcool pour financer la rechercheet les actions de prĂ©vention en France (Ă lâinstar de ce qui se 95
Recommandations
fait sur le tabac) et ceci Ă la hauteur des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool, le fardeau des morbiditĂ©s (burden ofdisease) et le coĂ»t social.
Ce fonds permettrait la mise en place dâun plan national derecherche avec des axes de recherche ayant pour objectifs de :âą mieux connaĂźtre les usages, les facteurs de risque et les effetssanitaires et sociaux de la consommation dâalcool ;âą dĂ©velopper, Ă©valuer et valider les outils de prĂ©vention et dedĂ©pistage ;âą dĂ©velopper, Ă©valuer et valider les stratĂ©gies de prise en charge ;âą dĂ©velopper la recherche fondamentale, notamment sur lesmarqueurs indiquant lâexposition Ă lâalcool : cas particulier delâĂ©pigĂ©nĂ©tique ;âą crĂ©er des consortia de recherche permettant dâĂȘtre compĂ©ti-tifs au niveau mondial.
Mieux connaĂźtre les usages, les facteurs de risqueet les effets sanitaires et sociaux
Mieux recueillir et valoriser les données de consommationset de pratiques
Les donnĂ©es concernant les consommations y compris lesconsommations Ă risque et les pratiques de consommation sontissues de sources multiples qui rĂ©pondent Ă des objectifs diffĂ©-rents. Le croisement et lâanalyse de ces diffĂ©rentes donnĂ©esconstituent un travail de recherche Ă part entiĂšre. On manquenotamment de donnĂ©es fiables sur la proportion de personnesayant en France une consommation Ă risque. Le groupedâexperts recommande donc de :âą mener des enquĂȘtes rĂ©guliĂšres en population gĂ©nĂ©rale concer-nant les nouvelles modalitĂ©s de consommation dâalcool chez lesadolescents et les jeunes adultes (par exemple lâalcool mĂ©langĂ©Ă des sodas light) ;96
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
âą Ă©valuer de maniĂšre fine et rĂ©guliĂšre les niveaux de consom-mation dâalcool et ses comorbiditĂ©s au sein des populations ĂągĂ©es ;âą amĂ©liorer les donnĂ©es de surveillance Ă©pidĂ©miologique despopulations en matiĂšre de consommation dâalcool par lesfemmes pendant la grossesse et les futurs pĂšres, dans les 3 moisqui prĂ©cĂšdent le dĂ©but de grossesse et aprĂšs la naissance â enparticulier pendant lâallaitement.
Améliorer la compréhension des trajectoiresde consommations et des pratiques
Une question clĂ© est celle des trajectoires de consommations, câest-Ă -dire du risque de dĂ©velopper une addiction Ă moyen ou longterme parmi les jeunes qui consomment de maniĂšre excessive. Mal-heureusement, peu dâĂ©tudes permettent de produire des estimationsprĂ©cises. Câest pourquoi, le groupe dâexperts recommande de :âą soutenir sur le long terme le dĂ©veloppement dâoutils de sur-veillance solides Ă une Ă©chelle locale et nationale ;âą soutenir des recherches longitudinales permettant dâĂ©valuerles trajectoires de consommation dâalcool dans le temps et lesfacteurs de risque et protecteurs individuels, familiaux et contex-tuels qui y sont associĂ©s.
Améliorer la compréhension des motivationset des représentations
Le rĂŽle des motivations et des reprĂ©sentations sur les trajectoiresde consommation est mal connu. Or, les conduites addictivessont aussi des pratiques sociales ; elles font sens pour les consom-mateurs, satisfont des besoins, et les reprĂ©sentations comme lesattentes Ă lâĂ©gard dâune pratique sont en gĂ©nĂ©ral socialementconstruites, en particulier au sein de la famille ou du groupe despairs. Une meilleure comprĂ©hension des reprĂ©sentations et desmotivations des consommations dâalcool permettrait une prĂ©-vention plus adaptĂ©e et plus efficace. 97
Recommandations
Le groupe dâexperts recommande de dĂ©velopper la rechercheen sciences humaines et sociales sur la comprĂ©hension des usagesdans le but de :âą mieux comprendre les motivations et le contexte (en parti-culier les facteurs psychologiques et sociaux individuels et col-lectifs) dâune consommation Ă risque dâalcool ;âą amĂ©liorer la connaissance des reprĂ©sentations sociales, descroyances, des attitudes, des stĂ©rĂ©otypes liĂ©s Ă lâalcool selon lesdiffĂ©rentes populations et groupes concernĂ©s ;âą dĂ©velopper la recherche thĂ©orique et appliquĂ©e sur les pro-cessus et les techniques participant au changement de compor-tements dans le cadre de la consommation dâalcool.
Lâobjectif est de mieux connaĂźtre et comprendre les opinions etles conditions de changement de nos opinions, connaĂźtre etcomprendre les liens entre ce que nous pensons et ce que nousfaisons, les conditions du changement de comportement, larĂ©sistance au changement afin de mieux pouvoir la contourner.
Mieux Ă©valuer lâimpact dumarketing et du lobbyingdes industriels de lâalcool sur les attitudes,les reprĂ©sentations et les comportements
Des recherches sur lâimpact du marketing et du lobbying desindustriels sur les consommations dâalcool permettraient dâamĂ©-liorer la portĂ©e des politiques de prĂ©vention mises en place pourchanger les comportements dans un contexte culturel français.
Le groupe dâexperts recommande de les dĂ©velopper :âą pour Ă©valuer lâeffet du marketing et de la publicitĂ© dĂ©ployĂ©spar les producteurs dâalcool en France sur des cibles vulnĂ©rablesen particulier sur les formes actuelles de marketing dĂ©veloppĂ©par ces industriels pour toucher les jeunes : internet, rĂ©seauxsociaux, marketing sur les points de vente, packaging et pro-duits, sponsoring/mĂ©cĂ©nat dâĂ©vĂ©nements, prĂ©sence des marqueset des produits alcoolisĂ©s dans les films, les sĂ©ries et les clips98
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
musicaux, promotions sur les prix dans les magasins et surinternet ;âą pour analyser les stratĂ©gies et les arguments de lobbying dĂ©ve-loppĂ©s par les producteurs dâalcool et leurs partenaires en Franceet comment ces stratĂ©gies influencent les politiques publiques.
Lâune des stratĂ©gies de lâindustrie de lâalcool est de se positionnercomme un « acteur de prĂ©vention » auprĂšs des pouvoirs publicsafin de pouvoir diffuser ses propres messages de prĂ©vention, cen-trĂ©s essentiellement sur la responsabilitĂ© individuelle desconsommateurs et le message de « modĂ©ration » de la consom-mation dâalcool. Le groupe dâexperts recommande donc dâĂ©tu-dier, documenter et expliciter ces stratĂ©gies de « responsabilitĂ©sociale des entreprises (RSE) » afin que leur contenu et leursobjectifs soient mieux connus et compris des pouvoirs publics,des acteurs de santĂ© et des citoyens.
Pour sâassurer de lâefficacitĂ© des mesures de « contre-marketing »mises en place par les pouvoirs publics pour rĂ©duire la consom-mation dâalcool et changer les reprĂ©sentations positives des pro-duits alcooliques, le groupe dâexperts recommande de mettreen place des Ă©tudes sur :âą lâefficacitĂ© et lâimpact, sur la population et sur des cibles spĂ©-cifiques (jeunes, femmes, etc.) des avertissements sanitairesinsĂ©rĂ©s sur les publicitĂ©s et les contenants dâalcool ;âą lâintĂ©rĂȘt dâinsĂ©rer un logo informatif et/ou des messages deprĂ©vention spĂ©cifiques concernant la prĂ©sence des marques etdes produits alcoolisĂ©s dans les films, les sĂ©ries et les clipsmusicaux ;âą lâefficacitĂ© des mesures protĂ©geant les mineurs et les ciblesvulnĂ©rables contre la publicitĂ© et le marketing des producteursdâalcool.
Mieux connaĂźtre les dommages sanitaires et sociaux
Les travaux dâĂ©valuation du coĂ»t social de lâalcool visent Ă informer sur lâampleur du phĂ©nomĂšne quâils considĂšrent mais 99
Recommandations
aussi Ă souligner toutes les connaissances manquantes qui vien-nent altĂ©rer la qualitĂ© et lâamplitude de lâestimation.Il existe un dĂ©calage entre les consommations rapportĂ©es et lesventes dâalcool amenant Ă un facteur de correction (de 2,4) etles chiffres de consommation sont anciens. Par consĂ©quent, legroupe dâexperts recommande de :âą amĂ©liorer la mesure de la consommation dâalcool notammentafin de mieux estimer la morbi/mortalitĂ© liĂ©e Ă lâalcool ;âą soutenir des recherches permettant un suivi longitudinal desdonnĂ©es de lâassurance maladie pour quantifier lâĂ©volution deshospitalisations liĂ©es Ă lâalcool et utiliser dâautres banques dedonnĂ©es pour Ă©tudier le parcours de soins des patients (prise encharge et traitement).
Les incidences socio-sanitaires nĂ©gatives des phĂ©nomĂšnesdâampleur sâapprĂ©cient de plus en plus souvent sous leur aspectĂ©conomique. La critique la plus importante que lâon peut for-muler Ă lâencontre des Ă©tudes de coĂ»t social de lâalcool concerneles omissions de comptabilisation de certains types de coĂ»ts. Legroupe dâexperts recommande donc de :âą rĂ©Ă©valuer les estimations de coĂ»ts directs et indirects de lâalcoolpour la collectivitĂ© en tenant Ă©galement compte de la peine etdes souffrances des proches des individus dĂ©cĂ©dĂ©s prĂ©maturĂ©ment ;âą amĂ©liorer la connaissance de la rĂ©elle utilisation du systĂšme desantĂ© imputable Ă la consommation dâalcool : au niveau desimpacts de court terme (accidents, violence, etc.) et de ceux delong terme (pathologies attribuables).
Développer, évaluer et valider les outilsde prévention et de dépistage
Outils de prévention
Pour mieux prĂ©venir la consommation dâalcool, il ne suffit pasde mener des recherches prenant la pratique elle-mĂȘme pour100
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
objet, mais il faut Ă©galement conduire des recherches sur lesmoyens de prĂ©venir ces conduites. Câest pourquoi le groupedâexperts recommande de renforcer et rendre pĂ©rennes les finan-cements publics de recherches sur les questions de santĂ© liĂ©es Ă lâalcool et ses consĂ©quences, ainsi que sur la recherche inter-ventionnelle dans ce domaine.
Offre/demande
Les politiques de lutte contre lâoffre et la demande dâalcool sontefficaces : il est ainsi possible de rendre le fardeau sanitaire etsocial incombant Ă la consommation dâalcool moins lourd pourla collectivitĂ©. Afin dâaller plus loin dans ce sens, le groupedâexperts recommande de :âą Ă©valuer les impacts sur la santĂ© de lâinterdiction de vente auxmineurs, de la taxation des prĂ©-mix ou encore de lâinterdictionde vente dâalcool ;âą effectuer des mesures dâĂ©lasticitĂ©-prix de la demande dâalcoolen France pour diffĂ©rentes populations en fonction de diffĂ©rentstypes de boissons mais aussi des mesures dâĂ©lasticitĂ©s-prix croi-sĂ©es pour diffĂ©rents produits (tabac, mĂ©dicaments, cannabis etautres substances psychoactives) ;âą Ă©tudier les stratĂ©gies dâĂ©vitement de lâaugmentation des taxeset les Ă©ventuels effets de report mis en Ćuvre par le commercedâalcool ;âą Ă©tudier le rapport bĂ©nĂ©fice/risque des transferts rĂ©gionaux delicence IV (autorisĂ©s en 2015) vers les zones considĂ©rĂ©es commetouristiques Ă court terme (via la mesure de lâutilisation des ser-vices dâurgence, la criminalitĂ© violente, la mobilisation dessecours, etc.) comme Ă long terme (en termes de consommationsdâalcool).
Information
Les recherches montrent que les campagnes de sensibilisationet dâinformation si elles sont nĂ©cessaires, ne sont pas suffisantes
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Recommandations
au changement de comportement. Afin de communiquer demaniĂšre plus efficace sur les risques avĂ©rĂ©s et passer Ă la construc-tion de messages sanitaires efficaces dĂ©bouchant sur des modi-fications comportementales, le groupe dâexperts recommandede dĂ©velopper des recherches mobilisant diffĂ©rentes disciplines(sciences du comportement, psychologie, sociologie, neuro-sciences sociales, marketing social, etc.) pour identifier les stra-tĂ©gies et dĂ©velopper la prĂ©vention, et Ă©valuer de maniĂšre systĂ©-matique lâefficacitĂ© de ces stratĂ©gies de prĂ©vention (les prĂ©-testerautant que possible Ă lâaide de groupes tĂ©moins).Les travaux en psychologie et notamment certaines mĂ©ta-ana-lyses signalent un Ă©cart entre intention et comportement, surtoutsur le moyen et le long terme. Ainsi, il est important dâeffectuerdes Ă©tudes contrĂŽlĂ©es incluant des mesures comportementales.Le groupe dâexperts recommande donc de :âą encourager la mise en place dâinterventions utilisant des tech-niques de changement des comportements avec des mesurespopulationnelles :
â feedback normatif personnalisĂ© sur sa consommationactuelle (ex. : affichage graphique, etc.) ;â normes descriptives (correspond Ă ce que la majoritĂ© desgens font dans une situation donnĂ©e) associĂ©es aux normesinjonctives (ce que les autres apprĂ©cient ou pas, elles ren-voient Ă ce que les gens approuvent ou dĂ©sapprouvent) ;â implĂ©mentation dâintention (planification concrĂšte delâaction) si possible accompagnĂ©e par un professionnel. UneimplĂ©mentation dâintention est destinĂ©e Ă renforcer lâinten-tion Ă lâorigine du comportement, Ă renforcer le lien entreintention et comportement. Ce renforcement se fait notam-ment en posant trois questions : spĂ©cifier le moment, le lieude sa rĂ©alisation, et la maniĂšre de le faire.
âą assurer la participation du public visĂ© Ă la conception et Ă lamise en Ćuvre des Ă©tudes peut Ă©galement contribuer Ă la dura-bilitĂ© des rĂ©sultats et Ă leur transfert dans des politiques et despratiques de santĂ© publique efficaces.
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Recherche interventionnelle
Pour accompagner la mise en Ćuvre de programmes efficacespour la prĂ©vention des consommations dâalcool, la rechercheinterventionnelle (dont les objectifs sont la conception, la miseen Ćuvre concrĂšte et lâĂ©valuation scientifique dâinterventionsen santĂ© publique, parmi des populations donnĂ©es) doit ĂȘtredĂ©veloppĂ©e en France. De façon gĂ©nĂ©rale, trop peu dâĂ©tudes sontpubliĂ©es qui renseignent lâefficacitĂ© des dispositifs de prĂ©ventiondĂ©ployĂ©s sur le territoire national.Lorsque des Ă©valuations sont mises en Ćuvre, les protocoles neprĂ©sentent pas toujours les conditions nĂ©cessaires pour conclureĂ lâefficacitĂ© des interventions Ă©valuĂ©es ou renseigner les condi-tions dâefficacitĂ© de ces interventions.Câest pourquoi, au-delĂ des aspects mĂ©thodologiques nĂ©cessairesĂ lâapport de la preuve (taille dâĂ©chantillon suffisante, disponi-bilitĂ© dâun groupe contrĂŽle comparable au groupe intervention,mesures avant-aprĂšs, application de plan dâanalyses statistiquesadaptĂ© au jeu de donnĂ©es), le groupe dâexperts recommandedâintroduire systĂ©matiquement dans les protocoles dâĂ©valuationdes interventions :âą des indicateurs dâimpact (comportements de consommationou dommages liĂ©s Ă ces comportements) pour renseigner le bĂ©nĂ©-fice de ces programmes en termes de santĂ© publique ;âą des indicateurs intermĂ©diaires, ceux sur lesquels les interven-tions cherchent Ă agir (par exemple : attitudes, motivations,etc.) afin de valider le modĂšle dâintervention (câest bien en agis-sant sur les dĂ©terminants ciblĂ©s par lâintervention que lâonobtient in fine un impact sur les consommations) ;âą des indicateurs de mise en Ćuvre (fidĂ©litĂ©, intensitĂ©, assi-duitĂ©) afin de renseigner les conditions dâefficacitĂ© des pro-grammes implantĂ©s.
Enfin, les interventions concernant la prĂ©vention de la consom-mation dâalcool chez les personnes ĂągĂ©es demeurent particuliĂšre-ment hĂ©tĂ©rogĂšnes (en contenu et en intensitĂ©) et mal dĂ©crites,le groupe dâexperts recommande donc de dĂ©velopper la recherche 103
Recommandations
sur les interventions de prĂ©vention de la consommation dâalcoolchez les personnes ĂągĂ©es.Concernant les interventions en milieu de travail, peu de don-nĂ©es sont disponibles. Lâanalyse des interventions suggĂšre cepen-dant que les interventions les plus prometteuses agissent sur leclimat de travail, la gestion du stress, les normes de consomma-tions et limitent lâaccĂšs aux boissons alcoolisĂ©es au sein dumilieu professionnel. Le groupe dâexperts recommande donc dedĂ©velopper davantage de recherche pour identifier, expĂ©ri-menter et Ă©valuer des programmes de prĂ©vention des consom-mations dâalcool en milieu professionnel.
Par ailleurs, nous ne disposons pas en France de campagnes deprĂ©vention suffisamment longues (sur au moins un mois) pen-dant lesquelles la population recevrait des conseils personnalisĂ©ssur les dommages sanitaires associĂ©s Ă la consommation dâalcool.Par consĂ©quent, le groupe dâexperts recommande de :âą Ă©valuer et renforcer les connaissances sur lâimpact dâune cam-pagne longue et rĂ©pĂ©tĂ©e tous les ans du type Dry January (LeDĂ©fi de Janvier) dans le contexte français pour informer la popu-lation sur la morbi-mortalitĂ© liĂ©e Ă lâalcool ;âą dĂ©velopper dans ce cadre des outils de suivi de consommationpour les participants qui pourraient aussi recevoir des conseils per-sonnalisĂ©s (les aidant Ă atteindre les objectifs quâils se sont fixĂ©s).
DĂ©pistage et diagnostic
Lâadaptation et lâĂ©valuation des dispositifs de dĂ©pistage des pro-blĂšmes de consommation dâalcool et dâaddiction Ă lâalcool doi-vent pouvoir sâappuyer sur des recherches fondamentales por-tant sur les comportements et sur lâefficacitĂ© de diffĂ©rentesapproches en relation avec les caractĂ©ristiques individuelles.Concernant les dispositifs de dĂ©pistage et de diagnostic, legroupe dâexperts recommande de :
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
âą pour les troubles liĂ©s Ă la consommation dâalcool durant lapĂ©riode pĂ©rinatale :
â encourager le perfectionnement des mĂ©thodes dâanalyse dumĂ©conium et du placenta Ă des fins de repĂ©rage des enfantsexposĂ©s Ă lâalcool en fin de grossesse ;â Ă©laborer des stratĂ©gies de dĂ©pistage, tels que des entretiensapprofondis avec les mĂšres ou les futures mĂšres sur la consom-mation dâalcool en cas dâindication clinique ou de biomar-queurs positifs ;â rĂ©aliser une Ă©valuation Ă large Ă©chelle de lâutilitĂ© de posersystĂ©matiquement des questions sur la consommation de bois-sons alcoolisĂ©es dĂšs le dĂ©but de la grossesse (ou Ă lâarrĂȘt de lacontraception). Cette Ă©valuation devrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en basepopulationnelle, locale, rĂ©gionale ou nationale ;â dĂ©velopper des programmes de rĂ©Ă©ducation/rĂ©adaptationspĂ©cifiques aux enfants atteints de SAF ou TCAF jusquâĂ lâĂąge de consolidation des apprentissages. Travailler sur lescontenus des programmes, leur mise en Ćuvre et lâĂ©valuationde leur efficacitĂ©.
âą pour le repĂ©rage prĂ©coce et intervention brĂšve (RPIB) :mieux Ă©valuer les composants actifs de cette intervention enparticulier ceux intĂ©grant la personnalitĂ© et la qualitĂ© de lâinter-venant, mais aussi les questionnaires choisis, AUDIT et FACE,et dĂ©finir les populations sur lesquelles cette intervention est leplus efficace ;
âą pour les dĂ©marches de RDRD, qui doivent se dĂ©velopper avecune exigence dâĂ©valuation et des critĂšres dâefficacitĂ© :
â Ă©valuer la relation entre la RDRD et le risque de suicide.Une intervention de rĂ©duction des consommations pourraitĂȘtre associĂ©e Ă une baisse du risque suicidaire, mais les travauxĂ©tablissant cette corrĂ©lation sont rares ;â Ă©valuer la relation entre la RDRD et les troubles cognitifs ;â Ă©valuer les interactions entre lâutilisation dâactions deRDRD pour une personne donnĂ©e, et le vĂ©cu de la collecti-vitĂ© et de lâentourage. 105
Recommandations
Développer, évaluer et valider les stratégies de priseen charge
Les stratĂ©gies de prise en charge des consommateurs Ă risque etdes personnes dĂ©pendantes sont nombreuses et certaines sontencore en dĂ©veloppement. Il est important que ces diffĂ©rentesstratĂ©gies soient Ă©valuĂ©es, tant en termes dâĂ©volution de laconsommation dâalcool que de retentissement sur la morbi-mor-talitĂ© et la qualitĂ© de vie. De plus, le diagnostic prĂ©coce, lâamĂ©-lioration de lâaccĂšs aux dispositifs de soins ainsi que la person-nalisation des stratĂ©gies mises en Ćuvre constituent des enjeuxmajeurs.Le groupe dâexperts recommande donc de :âą dĂ©velopper de nouvelles stratĂ©gies de diagnostic prĂ©coce etdâinterventions en les Ă©valuant suivant leur efficacitĂ©, y comprissur le moyen et le long terme ;âą dans les Ă©tudes Ă©valuant lâefficacitĂ© des stratĂ©gies non mĂ©di-camenteuses, distinguer les stratĂ©gies utilisables pour lesconsommateurs Ă risque de celles adaptĂ©es aux personnes dĂ©pen-dantes. De plus, prioriser ces stratĂ©gies en fonction de leur effi-cacitĂ©, notamment en conduisant une actualisation des donnĂ©esanglo-saxonnes issue de NICE (National Institute for Health andCare Excellence) et MESA GRANDE15 ;âą dĂ©finir des objectifs de recherche prĂ©cis concernant lâeffica-citĂ© des techniques de RDRD et portant notamment sur larĂ©duction des consommations, lâamĂ©lioration de la qualitĂ© devie et la durĂ©e des effets de ces techniques ;âą favoriser les recherches portant sur lâĂ©volution de la morbi-mortalitĂ© des consommateurs Ă risque et des personnes dĂ©pen-dantes lors de lâutilisation de techniques de RDRD ;âą favoriser lâĂ©valuation des dispositifs destinĂ©s Ă amĂ©liorerlâaccĂšs aux soins des patients dĂ©pendants Ă lâalcool ;
15. Projet de revue des essais cliniques de traitements des troubles liĂ©s Ă la consomma-tion dâalcool.106
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
âą standardiser les programmes dâactivitĂ© physique pour amĂ©-liorer lâanalyse de leurs bĂ©nĂ©fices chez les consommateurs Ă risque et les personnes dĂ©pendantes ;âą favoriser les recherches destinĂ©es Ă mieux comprendre les fac-teurs prĂ©dictifs de maintien de lâabstinence au dĂ©cours dâunsevrage thĂ©rapeutique ;âą Ă©valuer la technique de stimulation transcrĂąnienne magnĂ©-tique (rTMS) ou Ă courant continu direct (tDCS) en modĂ©li-sant les techniques (positionnement des Ă©lectrodes pour latDCS, choix de la rĂ©gion cĂ©rĂ©brale, frĂ©quences des stimulus) surdes effectifs de patients dĂ©pendants suffisants permettant unsuivi sur la durĂ©e. Mieux comprendre son mode dâaction, directou indirect (action sur lâhumeur) ;âą poursuivre lâĂ©valuation de la prise en charge des personnesdĂ©pendantes par lâacupuncture en identifiant une technique etdes points susceptibles dâĂȘtre utilisĂ©s de façon standardisĂ©e.
DĂ©velopper la recherche fondamentale, notammentsur les marqueurs biologiques indiquant lâexpositionĂ lâalcool : le cas particulier de lâĂ©pigĂ©nĂ©tique
LâĂ©pigĂ©nĂ©tique est un domaine de recherche trĂšs rĂ©cent dont lesrĂ©sultats ont mis en avant et Ă©valuĂ© des mĂ©canismes molĂ©culairesdĂ©terminants pour notre comprĂ©hension de la façon dont lesconsommations dâalcool durant la grossesse endommageraient laformation du cerveau, son fonctionnement et son intĂ©gritĂ© Ă lâĂągeadulte. Les recherches ont mis en Ă©vidence le dĂ©pĂŽt de signaturesĂ©pigĂ©nĂ©tiques aberrantes dans le cerveau qui pourraient constituerdes biomarqueurs dâexposition, en combinaison avec dâautres bio-marqueurs. De plus, la rĂ©versibilitĂ© des mĂ©canismes Ă©pigĂ©nĂ©tiquesnourrit lâespoir de pouvoir restaurer un paysage Ă©pigĂ©nĂ©tique nonmodifiĂ© chez les patients en rectifiant lâexpression de gĂšnes dâimpor-tance pour le neuro-dĂ©veloppement ou les fonctions neuronales,grĂące aux techniques trĂšs ciblĂ©es « dâĂ©dition » de lâĂ©pigĂ©nome. 107
Recommandations
Le groupe dâexperts recommande donc de soutenir la rechercheen Ă©pigĂ©nĂ©tique liĂ©e aux TCAF et plus gĂ©nĂ©ralement auxconsommations Ă risque dâalcool Ă des fins dâidentification debiomarqueurs robustes et de stratĂ©gies de remĂ©diation mĂ©dica-menteuses ou non.
CrĂ©er des consortia de recherche permettantdâĂȘtre compĂ©titifs
Dans lâoptique de la mise en place dâun plan national derecherche, il est important dâinscrire cet effort dans unedĂ©marche plus large de structuration de la recherche tendant Ă lâĂ©laboration de principes et dâun savoir-faire collectifs.Câest pourquoi le groupe dâexperts recommande de :âą mettre en place au niveau national des projets dâenvergurespĂ©cifiquement sur le thĂšme de lâalcool et avec les technologiesde pointe (donnĂ©es massives, cohortes, suivis longitudinauxtranslationnels, imagerie, phĂ©nomics et « omics » en gĂ©nĂ©ral) ;âą crĂ©er des partenariats avec de grandes cohortes internatio-nales dont le recrutement et la limitation des facteurs confon-dants sous-jacents seront maĂźtrisĂ©s (historique dâexposition Ă lâalcool, diagnostic, pronostic, stratĂ©gies de prise en charge).
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Annexe 1 : Expertisecollective Inserm :principes et méthode
LâExpertise collective Inserm16 a pour mission dâĂ©tablir un bilandes connaissances scientifiques sur un sujet donnĂ© dans ledomaine de la santĂ© Ă partir de lâanalyse critique de la littĂ©raturescientifique internationale. Elle est rĂ©alisĂ©e Ă la demande dâins-titutions (ministĂšres, organismes dâassurance maladie, agencessanitaires, etc.) souhaitant disposer des donnĂ©es rĂ©centes issuesde la recherche utiles Ă leurs processus dĂ©cisionnels en matiĂšrede politique publique.Lâexpertise collective est une mission de lâInserm depuis 1994.PrĂšs de quatre-vingts expertises collectives ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es dansde nombreux domaines de la santĂ©. LâInserm est garant desconditions dans lesquelles lâexpertise est rĂ©alisĂ©e (pertinence dessources documentaires, qualification et indĂ©pendance desexperts, transparence du processus) en accord avec sa Charte delâexpertise qui en dĂ©finit la dĂ©ontologie17.Le PĂŽle expertise collective Inserm rattachĂ© Ă lâInstitut thĂ©ma-tique SantĂ© publique de lâInserm assure la coordination scien-tifique et technique des expertises selon une procĂ©dure Ă©tabliecomprenant six Ă©tapes principales.
16. Label dĂ©posĂ© par lâInserm17. https://www.inserm.fr/sites/default/files/media/entity_documents/INSERM_CharteEx-pertise.pdf 109
Instruction de la demande du commanditaire
La phase dâinstruction permet de prĂ©ciser la demande avec lecommanditaire, de vĂ©rifier quâil existe une littĂ©rature scienti-fique accessible sur la question posĂ©e et dâĂ©tablir un cahier descharges qui dĂ©finit le cadrage de lâexpertise (pĂ©rimĂštre et prin-cipales thĂ©matiques du sujet), sa durĂ©e et son budget Ă traversune convention signĂ©e entre le commanditaire et lâInserm. Lademande du commanditaire est traduite en questions scientifi-ques qui seront discutĂ©es et traitĂ©es par les experts.
Constitution dâun fonds documentaire
Ă partir de lâinterrogation des bases de donnĂ©es bibliographiquesinternationales et du repĂ©rage de la littĂ©rature grise (rapportsinstitutionnels, etc.), des articles et documents sont sĂ©lectionnĂ©sen fonction de leur pertinence pour rĂ©pondre aux questionsscientifiques du cahier des charges, puis sont remis aux experts.Ce fonds documentaire est actualisĂ© durant lâexpertise etcomplĂ©tĂ© par les experts selon leur champ de compĂ©tences.
Constitution du groupemultidisciplinaire dâexperts
Pour chaque expertise, un groupe dâexperts de 10 Ă 15 personnesest constituĂ©. Sa composition tient compte dâune part desdomaines scientifiques requis pour analyser la bibliographie etrĂ©pondre aux questions posĂ©es, et dâautre part de la complĂ©men-taritĂ© des approches et des disciplines.
Les experts sont choisis dans lâensemble de la communautĂ©scientifique française et parfois internationale. Ce choix se fondesur leurs compĂ©tences scientifiques attestĂ©es par leurs publica-tions dans des revues Ă comitĂ© de lecture et la reconnaissance110
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
par leurs pairs. Les experts doivent ĂȘtre indĂ©pendants du parte-naire commanditaire de lâexpertise et de groupes de pressionreconnus. Chaque expert doit complĂ©ter et signer avant le dĂ©butde lâexpertise une dĂ©claration de lien dâintĂ©rĂȘt conservĂ©e Ă lâInserm.
La composition du groupe dâexperts est validĂ©e par la Directionde lâInstitut thĂ©matique SantĂ© publique de lâInserm.
Le travail des experts dure de 12 à 18 mois selon le volume delittérature à analyser et la complexité du sujet.
Analyse critique de la littérature par les experts
Au cours des rĂ©unions dâexpertise, chaque expert est amenĂ© Ă prĂ©senter son analyse critique de la littĂ©rature qui est mise endĂ©bat dans le groupe. Cette analyse donne lieu Ă la rĂ©dactiondes diffĂ©rents chapitres du rapport dâexpertise dont lâarticulationet la cohĂ©rence dâensemble font lâobjet dâune rĂ©flexioncollective.
Des personnes extĂ©rieures au groupe dâexperts peuvent ĂȘtre audi-tionnĂ©es pour apporter une approche ou un point de vue complĂ©-mentaire. Selon la thĂ©matique, des rencontres avec les associa-tions de la sociĂ©tĂ© civile peuvent ĂȘtre Ă©galement organisĂ©es parle PĂŽle expertise collective afin de prendre connaissance desquestions qui les prĂ©occupent et des sources de donnĂ©es dontelles disposent.
SynthĂšse et recommandations
Une synthĂšse reprend les points essentiels de lâanalyse de lalittĂ©rature et en dĂ©gage les principaux constats et lignes de force.La plupart des expertises collectives sâaccompagnent de recom-mandations dâaction ou de recherche destinĂ©es aux dĂ©cideurs. 111
Annexe 1 : Expertise collective Inserm : principes et méthode
Les recommandations, formulĂ©es par le groupe dâexperts,sâappuient sur un argumentaire scientifique issu de lâanalyse.LâĂ©valuation de leur faisabilitĂ© et de leur acceptabilitĂ© socialenâest gĂ©nĂ©ralement pas rĂ©alisĂ©e dans le cadre de la procĂ©duredâexpertise collective. Cette Ă©valuation peut faire lâobjet dâunautre type dâexpertise.
Publication de lâexpertise collective
AprĂšs remise au commanditaire, le rapport dâexpertise constituĂ©de lâanalyse, de la synthĂšse et des recommandations est publiĂ©par lâInserm.En accord avec le commanditaire, plusieurs actions de commu-nication peuvent ĂȘtre organisĂ©es : communiquĂ© de presse, confĂ©-rence de presse, colloque ouvert Ă diffĂ©rents acteurs concernĂ©spar le thĂšme de lâexpertise (associations de patients, profession-nels, chercheurs, institutions, etc.).Les rapports dâexpertise sont disponibles en librairie et sontaccessibles sur le site internet de lâInserm18. Par ailleurs, la col-lection complĂšte est disponible sur iPubli 19, le site dâaccĂšs libreaux collections documentaires de lâInserm.
18. https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives19. http://www.ipubli.inserm.fr112
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Annexe 2 : Recherchebibliographique
Compte tenu de lâampleur du sujet et de lâabondance de la lit-tĂ©rature, la recherche bibliographique sâest focalisĂ©e sur les don-nĂ©es les plus rĂ©centes (2016-2020). Seules les mĂ©ta-analyses etles revues systĂ©matiques ont Ă©tĂ© recherchĂ©es sur une pĂ©riode pluslarge (2014-2020).
Bases interrogées
Medline-PubMed,Web of sciences, Psycinfo, Scopus, Cochrane,Cairn, Socindex et Banque de données en santé publique(BDSP).
Principaux sites interrogés
Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies(OFDT), Observatoire EuropĂ©en des Drogues et des Toxicoma-nies (OEDT), Mission InterministĂ©rielle de Lutte contre lesDrogues et les Conduites Addictives (MILDECA), SantĂ©publique France (SPF), SociĂ©tĂ© Française dâAlcoologie (SFA),OMS Europe (Organisation Mondiale de la SantĂ©), Alcoholresearch UK, Reducting Alcohol Related Harm (RARHA),National Institute for Health and Care Excellence (NICE),Centers for Disease Control and Prevention (CDC), NationalInstitute on Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAA).
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Principauxmots-clés utilisés
En fonction des bases utilisĂ©es, la stratĂ©gie de recherche a Ă©tĂ©rĂ©alisĂ©e soit avec les mots du thĂ©saurus ou de lâindex des basesinterrogĂ©es, soit en mots du texte (Titre, Abstract). LessĂ©quences entre les guillemets indiquent une suite de motsrecherchĂ©e in extenso et le symbole * indique les mots-clĂ©sutilisĂ©s avec une troncature.La requĂȘte utilisĂ©e pour la thĂ©matique Alcool a Ă©tĂ© croisĂ©e avecles diffĂ©rentes sous-thĂ©matiques.
Alcool
Alcohol, Ethanol, âAlcoholic beveragesâ, âAlcohol drinkingâ,âAlcoholismâ, âAlcohol abuseâ, âAlcohol misuseâ, âAlcohol-related disordersâ, âAlcohol use disordersâ, Alcoholic, âAlcoholdependen*â, âBinge drinkingâ, âHazardous drinkingâ, âHeavydrinkingâ, âEnergy drinkâ, Drunkorexia, âAlcoholic beverageâ,âDrinking behaviorâ, âUnderage drinkingâ
Exposition périnatale
âPrenatal ethanol exposureâ, âFetal alcohol spectrum disordersâ,Pregnan*, Breastfeed*, Maternal, âAlcohol-exposed pregnanciesâ
ĂpidĂ©miologie
Epidemiology, Prevalence, Incidence, TrendsâCohort studiesâ, âLongitudinal studiesâ, âFollow up studiesâ,âTwin studyâ
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RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Consommation
Consumption, Trajector*, Pattern
Facteurs de risque, déterminants
âRisk factorsâ, Determinant, Determining, Predictors, Predic-tion, Trajectories, Personality, âFamily historyâ, Family, Social,Lifestyle, âOccupational statusâ, âJob characteristicsâ, Occupa-tion*, Workplace, Employ*, Sport*, Athlet*, âPhysical acti-vityâ, Training, Fitness, Genre, âHuman sex differencesâ, Les-bian, Gay, Bisexual, LGB, âSexual minorityâ, Transgender, Age,Environment, GeneticAdvertising, Advertisements, âText messagingâ, Publicity,âMass mediaâ, Warning, Message, Marketing
Facteurs protecteurs
âProtective factorsâ, Protector, Protecting, âBeneficial effectâ,âDose responseâ
Conséquences sur la santé
âAlcohol-related disordersâ, âAlcohol induced disordersâ,âAdverse effectsââNeurodegenerative diseaseâ, Dementia, Alzheimer, Parkinson,Depressi*, Psychiatr*, Anxiety, Mental, âEating disordersâ,Sleep, Insomnia, Cancer, Melanoma, âHeart diseasesâ, âCardio-vascular diseasesâ, âHeart failureâ, Atherosclerosis, Liver, Dia-betes, Obesity, âMetabolic diseasesâMortality, Death
115
Annexe 2 : Recherche bibliographique
Effets des faibles doses
Low dose*, âLight alcoholâ, âLight drinkingâ, âLight-to-mode-rateâ, âChronic exposureâ
Fonctions cognitives
Cognition, Memory, âCognitive abilityâ, âCognitive develop-mentâ, âCognitive impairmentâ, âCognitive dysfunctionâ,âMental processâ, âExecutive functionâ
ĂpigĂ©nĂ©tique
Epigenetic, Epigenomic, Epigenesis, âGene environment inte-ractionâ, âEnvironmental exposureâ, SusceptibilityTransgeneration*, Intergeneration*, âPaternal exposureâ,âMaternal exposureâ, Heredit*, âGerm cellsâ, Germline, Ger-minal, Gamet, âSomatic cellsââDNA Methylationâ, RNA, miRNA, Histone, Phenot*,Chromatin*
Psychologie
Psychology, Motivation, Willingness, Pleasure, Feedback, âSen-sation seekingâ, Perception, âPerceived normsâ, Sensitivity, Per-sonality, Coping, Impulsiv*, Vulnerabilit* ; âAdolescentbehaviorâ
DĂ©pistage et diagnostic
Screening, Testing, Diagnos*, Biomarker*, Meconium, Scale,Questionnaire, ExaminationâScreening and brief interventionâ, SBI
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Prise en charge nonmédicamenteuse
âTreatment Outcomeâ, Therapy, RehabilitationPsychotherapy, âCognitive behavior therapyâ, âMotivationaltherapyâ, âCooperative Behaviorâ, Counseling, âPeer Groupâ,âMind-Body Therapiesâ, Mindfulness, âComplementary Thera-piesâ, âPsychiatric Somatic Therapiesâ, âPhysical TherapyModalitiesâ, âPsychological Techniquesâ, âVirtual Realityâ,âElectric Stimulation Therapyâ, âTranscutaneous Electric NerveStimulationâ, âTranscranial Direct Current Stimulationâ,âTranscranial Magnetic StimulationââSelf-Help Groupsâ, âAlcoholics anonymousâ
RĂ©duction des risques
âHarm reductionâ, âHarm minimizationâ, Reduc* harm, âRedu-cing consumptionâ, âRisk reduction behaviorâ
Prévention
Prevention, Program*, Intervention, CampaignâHealth promotionâ, âHealth educationâ, âConsumer healthinformationâ, School, Family, Parent*âSocial marketingâ, âMass mediaâ, Media, âText messagingâ,MessageInternet, Network, eHealth, âMobile applicationâ, Smart-phones, âCell phoneâ, âMobile PhoneâEfficacy, Effectiveness, Evaluation, Assessment, Outcomes,Model
Politique
âPublic Healthâ, Political, âPolicy makingâ, Policy, Policies,âGovernment policy makingâ, Government, Law 117
Annexe 2 : Recherche bibliographique
Labeling, Label, Warning, Pictogram, PictoriallyPrice, Pricing, Taxe*, TaxationIndustry, Lobbying
Coût
Cost, Economics, âCost effectivenessâ, âCost consequencesâ,âCost socialâ, âCost-benefitâ, âCost-utilityâ, âCost of diseasesâ,âHealth care costâ, âCost of illnessâ, âCost and cost analysisâ,âCost benefit analysisâ, âModels econometricâQaly, Daly
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POUR COMMANDER LâOUVRAGE DâEXPERTISE COLLECTIVE
RĂ©duction des dommages associĂ©s Ă la consommation dâalcool
Ăditions EDP Sciences, mai 2021, 736 pages, 70 e
Collection Expertise collective
ISBN 978-2-7598-2605-6
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DĂ©pĂŽt lĂ©gal : mai 2021 - no dâimprimeur : 20120682 - ImprimĂ© en France
ISBN 978-2-7598-2606-3ISSN 1264-1782
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