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Extrait de la publication… · Recherche de la Base et du Sommet, suivi de Pauvreté et Privilège. 176 p., ... tième anniversaire de la naissance de l'écrivain danois. ... La

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BULLETIN DE MARS 1955SUPPLÉMENT A LA NOUVELLE N. R. F.

DU I" MARS 1955

No 27

nrfPUBLICATIONS DU15 JANVIER

AU 15 FÉVRIER1955(Renseignements bibliographiques.)

On trouvera ici tous les renseignements bibliographiques sur les ouvrages effec-tivement parus du 15 Janvier au 15 Février 1955 et dont l'analyse a été publiée dansl'un de nos précédents bulletins ou dans le présent bulletin.

POÉSIE

DESNOS Robert Domaine public. 424 p., in-16 jésus.Collection « Point du jour »,1 fron-

tispice 760 fr.La présente annonce concerne une remise

en vente.

VILMORIN Louise de L'Alphabet des Aveux. 176 p., in-8°soleil, hors série. Couv. illustrée, illus-

trations in-texte de Jean Hugo 490 fr.40 ex. num. pur fil. 1.800 fr. (épuisé)

ROMANS

BESSETTE Hélène Vingt Minutes de Silence. 204 p., in-16double couronne. Collection blanche. 490 fr.

25 ex. numérotés pur fil LafumaNavarre 1.800 fr.

VANGE Jean D'Herbe et de Nuit vêtu. 208 p., in-16double couronne. Collection blanche.

20 ex. num. pur fil Lafuma Navarre. 1.600 fr.

RÉCITS

LUBIN Armen Transfert Nocturne. 208 p., in-16double couronne. Collection blanche. 490 fr.

20 ex. num. pur fil Lafuma Navarre. 1.800 fr.

NOUVELLESGASCAR Pierre. Les Femmes. 224 p., in-16 double cou-

ronne. Collection blanche. 450 fr.

60 ex. num. pur fil Lafuma Na-varre. 1.500 fr. (épuisé)

ESSAIS LITTÉRATURE

APOLLINAIRE Anecdotiques. 336 p., in-16 doublecouronne. Collection blanche. 780 fr.

BULLETIN DE MARS 1955

CHAR René. Recherche de la Base et du Sommet,suivi de Pauvreté et Privilège. 176 p.,

MERLE Robert. Oscar Wilde ou la «destinée»de l'ho-

mosexuel. 216 p., in-16 double cou-

ARON Raymond Polémiques. 256 p., in-16 double cou-ronne. Collection «Les Essais ». 520 fr.

SPINOZA Œuvres Complètes (Court Traité; Traitéde la Réforme de l'Entendement; Les Prin-

HEGEL G. W. F. Leçons sur la Philosophie de l'Histoire.Introduction Système et Histoire de la

ZENKOVSKY B. Histoire de la Philosophie Russe.Tome II. Traduit du russe par Cons-

MÉMOIRES SOUVENIRS

CALDWELL Erskine Mais l'Art est difficile. Traduit de

l'américain par H. de Sarbois. 288 p.,

DON. Rien que des Souvenirs. 256 p., in-8°soleil, 25 clichés trait in-texte. Collec-

LARBAUD Valery. Œuvres Complètes. Tome X et dernierJournal inédit, Il. Introduction de Ro-

in-16 double couronne. Collection

« Espoir » 450 fr.10 ex. num. Madagascar.. 4.500 fr. (épuisé)34 ex. num. Hollande 2.600 fr.85 ex. num. pur fil Lafuma Navarre. 1.300 fr.

ronne. Collection blanche, couverture• illustrée 440 fr.35 ex. num. pur fil Lafuma Navarre. 1.500 fr.

ESSAIS POLITIQUES

PHILOSOPHIE

cipes de la Philosophie de Descartes;- Penséesmétaphysiques; L'Éthique; Traité des vAutorités théologique et politique; Traitéde l'Autorité politique; Correspondance).Texte nouvellement traduit ou revu,

présenté etannoté par Roland Caillois,Madeleine Francès et Robert Misrahi.

1.608 p., in-16 double couronne.Collection « Bibliothèque de laPléiade », reliure pleine peau, emboî-tage transparent en acétate. 2.750 fr.

Philosophie. Trad. de l'allemand parJ. Gibelin. 344 p., in-8° carré. Collec-tion « Philosophie». 750 fr.

tantin Andronikof. 512 p., in-8°carré. Collection « Bibliothèque desIdées» 1.100 fr.

in-8° soleil. Collection « L'Air du.

Temps » 590 fr.

tion «L'Air du Temps». 590 fr.

bert Mallet. 424 p., in-8° carré. Tiragelimité à

50ex.num.survélind'arches. 2.500fr. (épuisé)150 ex. num. sur pur fil LafumaNavarre 3.900 fr.

1.300 ex. num. sur vergé. 2.300 fr.

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BULLETIN DE MARS 1955

CLAUDEL Paul Œuvres Complètes. Tome VIII Théâtre,III.(L'Échange, première et seconde versions

CORRESPONDANCE

CONSTANT Benjaminet Rosalie de Correspondance, 1786-1830, publiée

avec une Introduction et des Notes

80 ex. num. pur fil Lafuma Navarre. 1.900 fr.

TOCQUEVILLE Alexis de. Œuvres Complètes. Tome VI Corres-pondance anglaise, (Correspondance

HEIM Maurice La Passion d'un roi. Charles VI le Fol

(1368-1422). 326 p., in-16 double cou-

WHITROW G.J La Structure de l'Univers, traduit deprofesseur adjoint de Mathé- l'anglais par Gérard de Vaucouleurs.matiques à l'Imperial College 256 p., format 13 x 19. Collection.of Sciences and Technology « L'Avenir de la Science». 650 fr.de Londres.

BASTIANI Ange. Polka dans le Champ de Tir.

SCHOENFELD Howard. Casse-Pipe à toute Heure. Traduit del'américain par Henri Robillot.

KEENE Day. Le Diable et ses Pompes. Traduit del'américain par Janine Hérisson.

DOMINIQUE A. L Gorille sur Champ d'Azur.

DUQUESNE André. Freudaines.

THÉÂTRE

Le Repos du Septième jour; Agamemnon,Les Choéphores, Les Euménides, ces trois

tragédies, d'Eschyle.) 416 p., in-8°carré,I frontispice. Tirage limité à50 ex. num. vélin d'Arches. 5.800 fr. (épuisé)150 ex. num. pur fil Lafuma Navarre. 3.600 fr.1.300 ex. num. vergé. 2.250 fr.

par Alfred et Suzanne Roulin. 400 p.,hors série, in-8° carré. Tirage limité à

3.000 ex. num. sur vélin châtaignier.. 950.fr.

avec Henry Reeve et John Stuart-Mill).Texte établi et annoté par J.-P. Mayeret Gustave Rudler. Introduction de

J.-P. Mayer, 356 p., in-8° carré.. 980 fr.

HISTOIRE

ronne. Collection « Leurs Figures ». 690 fr.

SCIENCES

SÉRIE NOIRE

Chacun des cinq volumes. 220 fr.

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BULLETIN DE MARS 1955

ÉCHOS PROJETS• L'Association « Au Service de la Pensée française » a décerné, le 2 février, sonPrix du Roman à Maurice Savin, pour son premier roman Le Verseau.

Marcel Moussy, l'auteur du Sang chaud, a obtenu, le Ilfévrier, le Grand PrixLittéraire de l'Algérie.

• Le 188 février, un Prix Fénéon a été attribué à Marcel Allemann pour son romanLes Prouesses extraordinaires du Grand Zapata; Anna Lorme, pour A peine sont-ils plantés, a obtenu une bourse.

Le lendemain, à Lausanne, Jacques Audiberti a reçu, pour Les Jardins et lesFleuves, le Prix Charles Veillon.

Une nouvelle Collection « Présence de la Musique », dirigée par Roland-Manuel,traitera des questions musicales, historiques et techniques, les plus diverses. Despersonnalités compétentes y donneront des études originales rédigées, avec unsouci d'élégance, dans un langage clair et précis. Analyses, synthèses, controverses,perspectives nouvelles seront mises ainsi à la portée des lecteurs cultivés, mais non« spécialistes », -à l'écart de la vulgarisation, des monographies et des compila-tions, dont le public est lassé. Un prochain bulletin donnera des indications surles premiers volumes qui doivent paraître dans la collection.

• Voyages et Conférences.

Retour d'un voyage de six semaines à travers la Chine, Pierre Gascar refusel'avion et préfère le voyage, plus lent mais favorable à la méditation, par le Transsi-bérien il y rassemble ses notes, fixe ses impressions dans toute leur force et leurfraîcheur, et nous apporte, quelques jours après son retour, le manuscrit de Chineouverte, qui est actuellement sous presse.

Joseph Kessel est actuellement aux Indes. Il doit ensuite visiter la Birmanie, leSiam et Hong-Kong.

Marcel Arland, dont La Grâce d'Écrire paraîtra en mars, a fait une conférence àMilan sur « Les Conditions et les Tendances présentes de l'Œuvre ». Il fera, le24 mars., à Copenhague, une conférence sur Andersen à l'occasion du cent cinquan-tième anniversaire de la naissance de l'écrivain danois.

Michel Mohrt parlera le 15 mars,à Cannes, du « Mythe des Villes dans le Roman »,puis le 17, à Nice, il fera une conférence sur Faulkner au Centre UniversitaireMéditerranéen.

Invité par l'Académie des Beaux-Arts de Munich, Jean Schlumberger se rendradans cette ville le 9 mars et, en guise de remerciement, il prononcera en alle-mand, dans la grande salle de l'Académie, une conférence sur le Cardinal de Retz.A la même date, à Hambourg, chez l'éditeur Claasens, paraît la traduction alle-mande du Lion devenu vieux.

Le 17 mars, à La Chaux-de-Fonds, Roger Caillois parle de « La Sociologie dela Guerre ».

• Après la réimpression, mise à jour, de Où va le Travail humain ?, Georges Fried-mann publie une édition revue et augmentée tenant compte des publications etfaits des dix dernières années– de son ouvrage classique (traduit en allemand,italien, espagnol et anglais) Problèmes humains du Machinisme industriel.

• Traductions.

Les éditeurs américains, qui ont longtemps redouté de publier des œuvres dejeunes écrivains français, semblent s'intéresser à la jeune littérature de plus prèsque dans le passé. Paraîtront ainsi en Amérique La Fuite en Égypte, de J. Bloch-Michel La Chasse royale, de Moinot Le Vent dans les Voiles, de J. Perret LaPierre angulaire, de Zoé Oldenbourg (choisi par le Book of the Month's Club).

La Mort est mon Métier, de Robert Merle, vient de paraître en Angleterre, chezVerschoyle, et va être traduit en italien, en tchèque et en hébreu.

• Le Théâtre National Belge va entreprendre une tournée de représentations deMalatesta, la pièce de Henry de Montherlant. Cette tournée parcourra toute laBelgique du 7 au 23 mars, avec une représentation le 12 mars à Luxembourg.

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LA NOUVELLE

NOUVELLE

Revue Française

LES DOULEURS IMAGINAIRES

Il faut l'avouer, je ne suis pas tout à fait opposé aux

maladies. J'en ai connu pas mal des graves et deslégères, des naturelles et des provoquées (par éclatd'obus), des véridiques et des simulées (des demi-simulées), des pénibles et des plaisantes. Plaisantes,

je veux dire qui me permettaient de rester honnêtementà la maison au lieu d'aller travailler, laissez-moi faire un

peu le prince On n'a pas tant d'occasions Et la vie

à gagner, et les gens qui vous pressent de tous côtés,

quand on aurait pour soi tant de difficultés à trancher,

tant de problèmes à résoudre. Quand on a tellementbesoin d'être libre.

Dans l'ensemble, ce sont les plaisantes qui l'emportent,

je n'ai pas trop à me plaindre. (Il me le semble dumoins, mais une douleur s'oublie si vite !) D'ailleurs, il

n'y a pas de maladie qui ne soit plaisante ou instructive

par quelque côté pas de maladie où il n'y ait quelque

chose à comprendre. C'est ce qu'il est parfois difficile deaire admettre aux médecins. Laissons cela. Pour le

moment, je souffre d'une sciatique.1

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LA NOUVEIAE N.R.F.

I. AVATARS D'UNE sciatique.

Je consulte un acuponcteur.

C'est une affection pénible et même humiliante, qui

ne dispense de pas un travail, pas un devoir (des enterre-

ments tout au plus, et des bals, si je dansais) mais leur

ajoute une sorte d'aigreur. Encore ai-je cette chance

c'est que les douleurs cessent sitôt que je m'assieds ou

m'allonge. Je ne souffre qu'aux moments où je me

tiens debout, où je me porte, comme disent très bien

les gens. « Comment vous portez-vous? Ah! j'ai du

mal à me porter. » Comme si la sciatique était la maladie

des maladies, celle à quoi chacun songe confusément,

sitôt qu'il est question de santé.

Quelle que soit ma sympathie pour les maladies, je

fais comme tout le monde. Est-ce faiblesse, prudence,

respect humain ? Je ne peux avoir une pneumonie, une

grippe, un simple rhume sans chercher à me guérir.

J'ai donc éprouvé contre ma sciatique tous les remèdes

que m'ont proposés les médecins, il y en a J'ai eu le

corps brûlé de rayons, noyé de spermes. J'entre chaque

matin dans un corset d'acier, comme un chef de gang-

sters Dans une petite citadelle, comme un général

assiégé J'ai dormi trois longs mois à la dure, sur

une planche. Puis on m'a traîné dans la boue, c'étaitune boue brûlante. J'ai bu d'un liquide tiré, paraît-il,

des glandes surrénales qui risquait de me priver à

jamais de tout sentiment d'amitié et de haine aussi bien

de me jeter dans l'indifférence. (Mais j'ai pris les devantsjamais ma famille ne m'a vu plus tendre, n'a-t-elle pasjugé parfois que j'allais trop loin ? Ni mes voisins, je

le crains, plus hargneux.) Une infirmière m'enfermetous les mardis dans une cage chauffante, comme unnouveau-né Dans une couveuse, comme un œuf

Il s'agit, dirait-on, de tromper sur moi la maladie, et

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LES DOULEURS IMAGINAIRES

tantôt de me faire à ses yeux plus dangereux, tantôt

plus pitoyable encore que je ne suis. J'ai même essayéde l'acuponcture.

Le vieux docteur, à qui des amis m'ont adressé, est

d'origine auvergnate. Mais il tient, d'un long séjour àPékin, une physionomie proprement chinoise méta-physique et froissée. A la vérité, il paraît lui-même

rhumatisant et ne se déplace qu'avec peine. N'importe 1Je lui montre ma radio, qui trahit aux yeux des spécia-listes et aux miens, par confiance certain affais-

sement des vertèbres (ils disent entre eux effondre-ment). Il y jette un coup d'oeil (un peu rapide) et me dit

avec bon sens « Vous pensez voir votre douleur, mais

ce sont vos os que vous voyez. » En effet, voilà qui est

juste. Comment n'y ai-je pas songé plus tôt ? Il ajoute

« Si chacun de nous passait à la radio, croyez-vous qu'il

n'y aurait pas des pleurs et des grincements de dents ? »

C'est aussi mon avis, j'aime ces expressions (chinoises,je pense). Je trouve même que la remarque n'est pas

sans me faire quelque bien. I^à-dessus, le docteur me fait

déshabiller, m'allonge et me commande de tousser.

Aussitôt il profite de la distraction où me jette l'accès

de toux pour vivement me pousser une aiguille dans le

talon, le jarret, les reins. Quand l'opération est finie,

et moi délivré de la toux et des piqûres « Je vous remer-

cie. Je devrai revenir quand ? C'est inutile, vous êtes

guéri. Ah je suis guéri ? Je n'aurai plus mal ? S'ilvous arrive encore de souffrir, ce seront des douleurs

imaginaires. »Ici, mon Chinois fait allusion aux souffrances bien

connues qu'éprouvent les amputés dans le pied, la mainou l'estomac dont le chirurgien les a privés dans leur

absence d'estomac, de pied, de main. Et puis me renvoie,

après avoir accepté modestement, sans même y porterles yeux, le billet que je lui tends. Moi je m'en vaisjoyeux.

I<A NOUVELLE N.R.F.

Drôle de petit théâtre.

Qu'arriva-t-il le lendemain ? C'est que je recommençai,

sitôt debout, à éprouver mes douleurs habituelles.

Vexantes, évidemment. (Que serait une douleur, si ellen'était pas douloureuse ?) Vexantes, mais rien de plus.Elles m'auraient plutôt donné à rire. Car enfin, cette

fois, elles n'étaient pas vraies. Je le savais bien, je le

sentais. Je pouvais y assister en toute tranquillité.

Même, je n'observais pas sans agrément certains traits,

qui m'avaient échappé jusque-là. Comme leur progrèsétait régulier On aurait dit une expérience de chimie.

I,eur développement majestueux On aurait dit un

tableau de Véronèse. Je n'ai pas plus tôt reçu mon coupde fouet à la hanche qu'il me faut attendre cette curieuse

fumée du genou qu'accompagnent divers pétillementsdu mollet eux-mêmes suivis, après dix à quinzesecondes, d'abord d'un éclair à la cheville, puis de ce

brillant sillon de brûlure qui vient illuminer tous mes

orteils, l'un après l'autre. Aussitôt, quelles étincelles

me grignotent les ongles ? Je crois les voir. Drôle de

petit théâtre, drôle de salon de peinture et moi, qui

vais et viens là-devant, tout de même esquivant les

douleurs les plus dures, et je ne suis pas long à m'asseoir

ou m'allonger quand il le faut. Certains moralistes, ce ne

sont pas toujours les plus moraux, disent qu'il faut,

dans la vie, pour se tirer d'affaire, supposer qu'on est

au spectacle et, comme on dit, n'y être pour rien. Ehbien! c'est toute une part de ma vie qui venait en effetd'entrer dans le spectacle qui commençait sa carrière

esthétique.Ainsi pendant plusieurs jours. Après quoi, je commen-

çai tout de même à me dire que le spectacle, si beau

qu'il fût, devenait un peu monotone, et que, l'esthétique,c'est à la longue étouffant. Quand est-ce que je vaissortir de mon guignol ? Me débarrasser de moi ? Ah!

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LES DOULEURS IMAGINAIRES

je ne me serais pas cru tant d'imagination en toutcas, une imagination aussi têtue aussi fatigante. Ilarrive qu'on éprouve, au soir d'un musée, la mêmelassitude. On se dit « Tiens bon Tu n'as plus à voir

que cinq Caravage et dix Corrège. » (Dont les noms

mêmes, par chance, donnent courage.) Tel qu'on est,on aimerait mieux un petit café des rues, et de bonnes,ou de méchantes, gens véritables.

Je passe sur le contentement un peu louche, sur

le léger sentiment de tricherie, qui s'ensuivait. Il me

paraissait alors que j'avais trouvé plus exactement,

que mon Chinois avait trouvé pour moi un truc, une

astuce évidemment assez adroite, mais qui n'avait

guère chance de durer. Qui n'avait pas chance de durer,

parce qu'elle me retirait d'entre la communauté des

gens ordinaires qui souffrent quand ils souffrent.

Il me semblait alors assister dans quel souterrain ?

à je ne sais quelles messes noires, quelle hérésie secrète.De sorte que cette affaire, à la fin, n'était même pas

avantageuse, puisque à la fois je continuais de souffrir

et j'éprouvais pourtant cette sorte de malaise, cette

mauvaise conscience. Bref, je perdais sur tous lestableaux.

On jugera peut-être que c'est trop de naïveté. Est-ce

que je suis tellement sot ? Je tâche de prendre part aux

choses, avant de les juger. Ce n'est pas toujours sifacile. Elles ont leurs manières, et leurs manies sans

doute, qui ne sont pas les miennes. Moi, je me laisse

porter. Je fais confiance aux docteurs, fussent-ils

Chinois. Et la vérité, c'est qu'ils ne sont pas seulementattentifs, délicats (à une ou deux exceptions près)ils sont encore extrêmement patients. Je tâche d'être

patient comme eux, c'est bien le moins. (Pourtant ilarrive un moment où ce serait à moi de prendre parti

de réfléchir tout seul.)Ici se montrèrent de nouvelles douleurs.

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LA NOUVELLE N.R.F.

D'un curieux renversement.

Ou plutôt, non. Justement, celles-ci ne se montraientpas. Elles ne se laissaient même pas voir. D'ailleurs, passolennelles pour deux sous, plutôt baroques. Était-cemême des douleurs, ça n'y ressemblait guère. En toutcas à peine ébauchées, avant terme, dont il n'y a paslieu d'être fier une fine écharde, au bas de la roue du

genou. (Est-ce bien une écharde ? Elle se dissout dans

l'instant.) Une étincelle qui part de la hanche, maiss'éteint aussitôt, s'en va souffrir ailleurs. Un fil tendu

de la cheville au gros orteil, et qui casse, comme sil'araignée renonçait à faire sa toile. Mais j'en exagère

la précision. Au diable les comparaisons, la littératureTout cela transparaît à travers du brouillard simples

taches, zigzags, coudes d'éclairs. On dirait des toiles

abstraites. Moi, je songeais d'abord ce sont les anciennes

qui se décident à la fin, qui s'en vont par morceaux.

Mais la vérité, c'est que les anciennes persistaienttoujours intactes, toujours aussi décoratives. Je medisais encore vraiment, celles-ci ne savent pas leur

métier, elles auraient tout à apprendre des autres. Bref,des douleurs que je n'aurais pas imaginées. Ajoutezqu'elles étaient diablement proches de moi. (Au lieu

que les imaginaires, il faut l'avouer, flottaient un peu en

l'air.) Comme si je les avais saisies par un autre sens que

le sens du plaisir et de la souffrance. Mieux, comme si

c'étaient elles qui se saisissaient de moi. Là-dessus, je

me trouvai frappé d'un coup.Ce fut comme une révélation comme une conversion.

Ces petites mesquines chétives douleurs firent soudaince qu'avaient cessé de faire les vieilles souffrances magis-trales. J'avais beau ne guère les voir, j'y crus. Je m'y

donnai. Je me trouvai fixé. Beaucoup plus fixé que je

n'aurais voulu. Non, ça n'était pas joyeux d'apprendreque la sciatique était toujours là. Et moi, soumis à elle

LES DOULEURS IMAGINAIRES

et tout entier dans sa dépendance ah non! pas dutout si artiste, ni si esthète que je l'avais supposé. Apeine s'il m'arriva de songer à la légère « Mais enfin,

ces douleurs nouvelles, c'est toi qui les ressens c'estpeut-être toi qui les imagines. » Assez de foutaises Il

fallait en finir. Voilà une façon de voir que je m'inter-disais à l'avenir. Et d'abord (me disais-je), ce n'est pastellement moi qui les éprouve, c'est elles plutôt qui memettent à l'épreuve, c'est elles qui m'éprouvent. Enquelque sorte, je sacrai ces nouvelles souffrances. Jetranchai une fois pour toutes qu'en aucun cas elles neseraient discutables.

Pendant que j'y étais, je décidai du même coupque les anciennes douleurs -les banales, les profanesétaient vraies; qu'elles n'avaient sans doute jamais cesséde l'être. Ou plutôt ça se fit tout seul. Comme si laquestion ne se posait plus. Quel soulagement Je ne

veux pas dire de la douleur (qui devint aussitôt un peuplus douloureuse). Non, c'était un soulagement général.Je me retrouvais à l'aise,j'étais de niveau avec le monde

qu'il me semblait soudain avoir quelque temps portéà bras tendu. Mais je venais de le reposer. Tout redeve-nait sérieux, tout redevenait véritable. Pas joyeux, maisvrai. Mais, comment dire ? salubre. Dangereux, mais

réconfortant. Il est toujours réconfortant d'échapper auxidées qu'on se faisait. Il est salubre d'avoir affaire à des

choses vraies, plutôt qu'à des fantômes. C'est comme si

j'étais sorti de ma cave, et de ma messe noire, pourretrouver le soleil dans un carrefour d'autos et de pié-tons. Quitte à retourner chez les médecins.

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LA NOUVELLE N.R.F.

MARGES D'UN CERTAIN AVANTAGE

DE LA DOULEUR

M. Fièvre, qui souffrait de la même maladie que moi,disait volontiers: « Sans ma sciatique, j'oublierais parfoisque nous existons. » Ainsi arrive-t-il aux moralistes auxvrais moralistes, aux moralistes moraux et aux philo-

sophes, de soutenir que la douleur, à côté de ses inconvé-nients (qui sont trop évidents), du moins nous rend le plusgrand des services c'est de nous f aire croire à notre exis-tence, et du même coup à l'existence, du monde c'est denous jeter en plein dans ce monde (avec le courage et lapatience, et les autres devoirs qui s'ensuivent). Ils ne sebornent pas à le dire, ils le f ont (quand on les laisse faire),et il n'est pas une seule espèce d'initiation qui soit tout àfait agréable si l'on en croit les récits des voyageurs.Pas une qui n'appelle la sueur et le sang.

C'est une existence que nous sommes à chaque instanten grand danger d'oublier. Pourquoi tout ce que nousfaisons ne serait-il pas sans conséquence ? Pourquoi tousles objets, et les personnes mêmes qui nous entourent neseraient-ils Pas, comme il arrive dans les rêves, de simplesidées à nous, des f antaisies de l'esprit ? Nous avons

beau y songer, nous ne saisissons jamais que nos impres-sions, notre pensée. Et même plus nous y songeons.

C'est ce qu'ont très bien remarqué les philosophesdont c'est justement le métier d'y songer davantage.

De là à soutenir que le monde extérieur n'existe

point, iln'y a qu'un pas qu'ils ont souvent franchi, commechacun sait. Il s'ensuivait, en bonne logique, parmi d'autres

avantages, qu'étaient supprimés du même coup oudu moins devenaient, comme mes douleurs, imaginaires

le scepticisme (disait Berkeley), l'orgueil de posséder la

vérité (disait saint Denysl' Aréopagite)la niaiserie ration-nelle (disait Nietzsche), et, en tout cas, les divers embête-

LES DOULEURS IMAGINAIRES

ments qui nous viennent chaquejour de la morale, de la patrie,de notre famille et du reste (disait Remy de Gourmont).

Les philosophes l'ont démontré, mais les hommes detout temps, par une curieuse rencontre, l'avaient trèsbien senti. A qui n'est-il arrivé d'éprouver quelque jourque rien n'est vrai de ce qui l'entoure les arbres etmême les vaches ressemblent certes à des vaches et des

arbres, mais n'en sont pas la rue qu'il a devant les yeuxprend abusivement la place d'une rue véritable; lespassants sont des ombres de passants; son père et samère eux-mêmes pourraient bien être un produit de sonimagination. Or la lèpre gagne jusqu'aux objets les plusvulgaires, un journal, un stylo, une corbeille. Et puis, onne sait trop pourquoi, tout s'efface. Le monde redevient vrai.

Il est courant qu'une douleur inattendue aide à ce retourcar un coup, une piqûre, une souffrance quelconque,voilà supposons-nous ce que nous n'aurions pasinventé, ce qui ne peut guère venir que d'ailleurs. (Oubien il faudrait que nous fussions bien pervers.)

A ce propos, on voit qu'il y a là une revanche desPauvres. Car le Riche, lui, vit au milieu des politesses

qu'on lui fait, des spectacles qu'il s'est choisis, des jeunesfemmes qui l'aiment et le caressent (sincèrement, pourquoipas ?) de tout ce qui le flatte et l'enchante. Rien de toutcela qui ne soit à son goût, rien qu'il n'eût volontiersimaginé. Il vit, comme on dit, dans un rêve. (Et chacunsait que les rêves, à côté de leurs avantages, ont un défaut:c'est qu'ils ne sont pas vrais.) Bref, il connaît à longueurde journée ce même sentiment des grands calculateurs

ces Riches de l'intelligence pour qui le monde entierse réduit à d'heureuses combinaisons de nombres: à des

combinaisons qui ne ratent jamais. Oui, le monde entier,avec son soleil et ses orages, avec le premier amour (et

même le second et le troisième), avec la fureur et le courage

et la peur de mourir, tient à ces quelques fils. Et lui, à ce

LA NOUVELLE N.R.F.

point privé d'aventure, jeté dans cette déchéance, qu'onappelle l'ennui mathématicien.

Mais le Pauvre, qui est en butte au mépris des Impor-tants, à la cherté de la vie, aux reproches muets (ou pasdu tout muets) des siens, aux sévérités des Lois sa vieétant publique (quand le Riche a mille façons de se cacher)

aux exigences de sa cité ou de sa patrie (quand leRiche change à son gré de pays), tout lui rappelle à chaqueinstant qu'il existe un monde extérieur et par tropextérieur On ne trouve, pour imaginer le contraire, quedes psychologues paradoxaux (et riches le plus souvent).En tout cas, ne lui en dites rien. Vous le vexeriez. Les

pauvres, qui supportent tant de choses, ne supportentguère qu'on leur dise « Mais vous avez fait exprès d'êtrepauvres. Restez-le»Ni les malheureux et les maudits« Mais vous cherchiez la malédiction » II vaut mieux

attendre qu'ils soient morts pour le leur démontrer. Celadit, leur vie a du moins cet avantage, et leur apporte

si même ils ne songent pas à lui en être reconnais-sants cette satisfaction, cette maigre satisfaction:c'est qu'elle est une aventure perpétuelle; c'est qu'ilsn'ont pas les moyens de s'ennuyer. C'est qu'ils ne peuventpas se payer ça.

Donc, je veux bien que la douleur nous ramène à laréalité. Et même il se peut, pour ce qui est de moi, que j'aiemérité ce rappel à l'ordre, et ma sciatique du même coup

que je n'aie pas cru à la vérité, autant qu'elle le mérite.Mais voici le plus curieux de mon aventure si je l'aidu moins exactement rapportée: c'est qu'une souffrancetrès vive n'y est pas nécessairement plus propre qu'unesouffrance médiocre. Ni un mal bien ordonné, méthodique,qu'un mal inattendu et inconsistant. Il semble, aucontraire, qu'une douleur baroque s'entende mieux qu'unedouleur bien réglée à provoquer ce curieux renversementoù je cesse d'éprouver pour être éprouvé. Ce renversement,et l'émotion qui l'accompagne. J'y reviens.

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LES DOULEURS IMAGINAIRES

II. J'INVENTE QUELQUES PROVERBES.

Une aventure de Tarquin.

Quitte à retourner chez les médecins. Quitte àécouter les conseils des amis. Justement, Paul Marteau

me donne la recette d'un petit vin blanc à l'oignon qui

l'a guéri d'un lumbago cent fois plus atroce, dit-il,

que ma sciatique. (Qu'est-ce qu'il en sait ? Il est diffi-cile de comparer des douleurs.) Un de ces lumbagosoù le malade se voit soudain entre quelles souf-

frances que seule apaise la novocaïne privé dehanches, de thorax, de squelette transformé en poulpe.

Il ne se contente pas de me donner la recette. Il me fait

gentiment cadeau de cinq litres tout préparés. Ram-baud, lui, me propose un séjour au Tyrol, dont lesmontagnes, comme chacun sait, sont radioactives.C'est un peu loin. Il suffira donc d'un rocher tyrolien,

de quelques pierres que je fourrerai dans mon sommier.Quant à Olivier, il est pour les piqûres d'abeilles. C'estune chance qu'un cousin à lui en élève exprès enProvence, pour des Américains milliardaires. Milliar-daires et arthritiques. Qu'est-ce que j'attends pour

partir ? Ah les amis ne savent pas moins de remèdes queles médecins. Même ils y apportent plus de conviction,

plus d'entrain. Ce n'est pas un ami qui me dirait,comme le Docteur Hunevalle « Prenez patience, cela

passera. Il n'y a pas d'exemple qu'un malade soit mortavec sa sciatique » pour ajouter aussitôt, sur un tontrès scientifique « A quel âge est mort votre père ? »

(Non, tous les docteurs ne sont pas délicats.) Mais jereviens à mon histoire. Et que m'est-il arrivé ?

Quelque chose de banal, évidemment. Puisque jeretombe dans la réalité. Puisque je me retrouve d'accord

avec les médecins (mon Chinois excepté). Avec tousles malades. Mais de non moins bizarre que banal

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LA NOUVELLE N.R.F.

quelque chose de beaucoup plus extraordinaire encorequ'une sciatique. A prendre l'événement tout bêtement,comme il se présente, voici ce qui m'avait fait croireaux choses, c'est cela même qui aurait dû me détournerd'y croire. Ce qui m'avait rendu confiance dans mesdouleurs, c'est ce qui ressemblait le moins à desdouleurs des zigzags et des taches, des éclairs en fuite.C'est quand je perdais toute raison de prendre au sérieuxma sciatique, que je m'étais mis à la prendre au sérieux.

Je tâchais cependant de faire tenir en quelques motsmon aventure, ce n'était pas si facile, pourquoi melaissait-elle ce sentiment trouble ? Il me semblait

cependant que j'y parviendrais au moyen de proverbesà dire vrai, non moins mystérieux qu'elle. Il me

venait alors de petites maximes, telles à peu près que« La douleur n'est pas un spectacle » ou mieux« Attendre, pour croire à une douleur, qu'elle échappeaux idées qu'on s'en fait. » Et encore « La vérité,c'est ce qu'on n'imaginait pas. » Ou « Pour savoir ceque c'est qu'une sciatique, évite d'y trop réfléchir. »Il me revenait aussi une histoire celle de Tarquin le

Superbe. (Je m'excuse.)Donc Tarquin reçoit un jour la visite d'une sorcière,

qui lui propose d'acheter l'avenir de Rome. Cet avenirtient en cinq tablettes, dont elle demande milledrachmes. C'est un prix! La sorcière fait son métier, ilfaut bien qu'elle vive. Et Tarquin fait le sien, qui refuse.Défiant sans doute ou, qui sait, économe des deniersde l'État. D'ailleurs, l'avenir de Rome, c'est lui. La

sorcière part sans rien dire.Mais revient l'année d'après. Il n'y a plus que quatre

tablettes, elle a détruit la cinquième. Pourtant, elle

demande le même prix. A la porte 1Il est étrange que les gardes chaque fois la laissent

passer c'est qu'ils ne sont pas sans inquiétude vague-ment superstitieux, comme seraient aujourd'hui des

I,ES DOULEURS IMAGINAIRES

sergents de ville. Tarquin, lui, tient bon. Refuse lestrois tablettes, et les deux l'année qui suit.

La sorcière revient une fois encore. Il n'en reste paslourd, de l'avenir de Rome une seule tablette, encore

manque-t-il un bon morceau. Un débris, une ruine de

tablette. Pourtant Tarquin brusquement y est pris. Il

a confiance (comme moi dans mes petites douleurs

incomplètes). Il ne s'agit plus des idées que se font,ou ne se font pas, la sorcière, Tarquin, les gardes. C'est

comme un changement à vue. C'est comme une méta-

morphose. Cette fois, l'avenir de Rome est présent, à le

toucher du doigt et Tarquin n'est plus qu'une petite

part de cet avenir. Bref, il achète la dernière tablette,

pour le prix des cinq.

Il ne s'agit pas de raisonner.

Ici l'on va me dire « Ne compliquons pas les choses.

Tout est plus simple. Il vient un moment où Tarquin

se dit « Pour qu'elle insiste à ce point, il faut qu'ellesoit rudement sûre de son affaire. Il doit y avoir là

quelque chose de vrai. »On ajoutera « Mais vous-même, vous avez tenu un

raisonnement. Vous vous êtes dit puisqu'il y a de nou-velles douleurs-si faibles soient-elles, ou si ruineuses

c'est donc que la sciatique est demeurée capable d'inven-

tion, de renouvellement. C'est qu'elle est toujours là. »On me dira encore « Et puis, faut-il parler de dou-

leurs imaginaires ? Nejouons pas sur les mots. Une

douleur est toujours vraie, dès l'instant qu'on l'éprouve.Ce qui est imaginaire, c'est l'endroit où vous la situez.

Ce sont vos rêves et votre fantaisie à son propos. Voilàce que la réflexion vous force assez vite à reconnaître.

La première occasion la plus légère vous étaitbonne pour échapper à une idée absurde.»

Ainsi de suite. Il n'y a pas de doute, ce sont là de

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LA NOUVELLE N.R.F.

bonnes raisons, dont l'une ou l'autre aurait très bien

pu me convaincre s'il est vrai que l'on se voie jamaisconvaincu par de bonnes raisons. Ce sont des argumentsingénieux et plausibles que j'aurais pu me tenir, pasplus bête qu'un autre (bien qu'un peu lent peut-être).Ce sont aussi des arguments auxquels j'aurais pu

répondre, comme il est d'usage, par d'autres argumentsplus ingénieux, plus convaincants encore. Par exempleet pourquoi ma fantaisie ne serait-elle pas capabled'invention, tout autant qu'une vulgaire sciatique ?

Mon imagination est donc à ce point privée d'imagi-

nation ? Ou bien mais une douleur nouvelle, et pluselle est faible, inconsistante, devrait se défendre bien

moins encore qu'une vieille douleur établie contre nos

idées à son propos. Mes habitudes sont-elles à ce point

privées d'habitude ? Quant à Tarquin, tout est plus simpleencore. Il s'est dit « Iya sorcière est décidément folle.

Elle peut devenir dangereuse, il n'y a qu'à voir les ser-gents de ville. Tâchons de l'amadouer. » Bref, il feintd'être convaincu il se conduit en homme d'État.

L'on n'en finirait plus. Mais quoi, le fait est là

ce sont autant de raisonnements (et de réponses) que jen'avais pas imaginés. Ce sont autant d'arguments

(et de contre-arguments) que je n'avais pas tenus.C'est que l'événement n'avait rien eu de raisonnable,ni de raisonné, ni de raisonneur. Il y a plus.

Et si même je les avais imaginés ? S'ils m'avaient

convaincu ? De quoi m'auraient-ils convaincu ? Il

suffit de les rappeler. A leur obéir, j'admettrai que Tar-

quin. j'entendrai par «douleur imaginaire ». j'éviterai

de supposer que les idées. Bref, c'est en tout cas unepensée nouvelle que je forme à leur suite. Loin qu'ils mepermettent de fuir le domaine des opinions et des idées,ils ne font que m'y enfoncer davantage. Or, le trait del'incident qui m'avait frappé, c'est au contraire qu'il

échappât d'abord à toute réflexion tel sans doute que

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