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Les éditions des JOURNAUX OFFICIELS LES ÉTUDES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Femmes et précarité Éveline Duhamel Henri Joyeux Février 2013

Femmes et précarité

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Text of Femmes et précarité

  • Les ditions des JOURNAUX OFFICIELS

    LES TUDES DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Femmes et prcarit

    veline Duhamel Henri Joyeux

    Fvrier 2013

  • 2013-09NOR : CESL1100009XJeudi 28 fvrier 2013

    JOURNAL OFFICIEL DE LA RPUBLIQUE FRANAISE

    Mandature 2010-2015 - Bureau du 22 janvier 2013

    Question dont le Conseil conomique, social et environnemental a t saisi par dcision de son bureau en date du 13 mars 2012 en application de larticle 3 de lordonnance no 58-1360 du 29 dcembre 1958 modifie portant loi organique relative au Conseil conomique, social et environnemental. Le bureau a confi la dlgation aux droits des femmes et l'galit la prparation dune tude sur Femmes et prcarit. La dlgation aux droits des femmes et lgalit, prside par Mme Genevive Bel, a dsign Mme veline Duhamel et M. Henri Joyeux comme rapporteurs.

    FEMMES ET PRCARIT

    tude du Conseil conomique, social et environnemental

    prsente par Mme veline Duhamel et M. Henri Joyeux, rapporteurs

    au nom de la dlgation aux droits des femmes et l'galit

  • 2 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    SommaireIntroduction _________________________________ 6

    Au regard de lemploi, des spcificits fminines potentiellement vectrices de prcarit 9

    Un contexte daugmentation de lactivit fminine et daccroissement des diffrenciations entre les femmes elles-mmes 9

    Une nette progression de lemploi des femmes mais une plus grande exposition la prcarit 9

    Une bipolarisation accentue entre emplois qualifis et peu qualifis 10

    Des discriminations pnalisantes pour les moins qualifies 11

    Une surreprsentation dans le secteur tertiaire et les mtiers de service 11

    Des modalits demploi fragilisantes 13 Une double discrimination :

    tre une femme handicape 27 Consquences de linterruption dactivit

    pour raisons familiales 30 Impact des situations prcaires

    tout au long de la vie 34 Linfluence prjudiciable de la prcarit

    sur ltat de sant 34 Renoncement ou moindre recours

    aux examens de dpistage et aux soins 34 Des pathologies rvlatrices 37 Des risques accrus datteinte la sant au travail 41

    Des risques de pauprisation pour les femmes ges 45

    Des niveaux de pension nettement infrieurs ceux des hommes 45

    Les allocataires du minimum vieillesse et du minimum contributif sont trs majoritairement des femmes 47

    Les compensations apportes par les droits familiaux et conjugaux 48

  • FEMMES ET PRCARIT 3

    Un risque de prcarisation accentu pour les parents isols 53

    La monoparentalit : une ralit essentiellement fminine 53

    Diversit des situations mais fminisation importante 53 Les diffrentes formes de la monoparentalit 56

    Des prcarits cumulatives pour les mres isoles les plus fragiles 60

    Une exposition importante la pauvret montaire 61 La problmatique cruciale du logement 65 Une plus grande fragilit sur le march du travail 67

    Une grande vulnrabilit sociale malgr les dispositifs spcifiques daide publique et daccompagnement 73

    Un dispositif important daides publiques et de minima sociaux 73

    Limpact significatif des transferts sociaux sur les conditions de vie et la rduction du taux de pauvret des familles monoparentales 78

    Un besoin de clarification des rgles relatives au recouvrement des pensions alimentaires 80

    Un accompagnement encore perfectible de laccs lemploi 81

    Pour lutter contre la prcarit, favoriser une insertion sociale et professionnelle durable 84

    Prvenir la prcarit 85 Lutte contre lillettrisme et vigilance sur lacquisition

    des savoirs de base ds lcole maternelle 85 Organisation dun suivi pour les dcrocheurs(euses) 87 Dconstruction des strotypes sexus

    et prparation lautonomie 87 Ouvrir des perspectives dans les situations risques 90

    Amlioration de la qualit et des conditions dexercice du travail temps partiel 90

    Attention particulire apporter au secteur des services la personne 95

    Actions sur les ingalits qui ont un impact sur la sant des femmes 99

  • 4 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Accompagnement et soutien des mres isoles 102 Diffusion des initiatives porteuses despoir 106

    Annexes ______________________________________ 109

    Annexe n 1 : composition de la dlgation aux droits des femmes et lgalit _______________ 109

    Annexe n 2 : rsultat des votes par groupe en runion de dlgation le 9 janvier 2013 ___________________________ 111

    Annexe n 3 : liste des rfrences bibliographiques ______________ 113Annexe n 4 : table des sigles ____________________________ 117Annexe n 5 : liste des illustrations _________________________ 121

  • FEMMES ET PRCARIT 5

    FEMMES ET PRCARITLe 13 mars 2012, le Bureau du Conseil conomique, social et environnemental a confi

    la dlgation aux droits des Femmes et lgalit la prparation dune tude sur Femmes et prcarit. La dlgation a dsign Mme veline Duhamel et M. Henri Joyeux comme rapporteurs1.

    Pour son information, la dlgation a entendu :

    Mme Nathalie Tournyol du Closcheffe du service des Droits des femmes et de lgalit ;

    Mme Margaret Maruanidirectrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

    M. Yves Vrolletdirecteur gnral de lUnion nationale de laide, des soins et des services aux domiciles (UNA) ;

    Mme Patricia Augustinsecrtaire gnrale de la Fdration syndicale des familles monoparentales (FSFM) ;

    Mme Aliette Gambrellepremire vice-prsidente de lUnion nationale des associations de parents, de personnes handicapes mentales et de leurs amis (UNAPEI) ;

    M. Paul Dourgnonmatre de recherche lInstitut de recherche et documentation en conomie de la sant (IRDES).

    Elle a galement entendu, titre daudition exploratoire, Mme Djida Tazdat, ancienne dpute europenne, charge fin 2009 par M. Xavier Darcos, alors ministre du Travail dune mission dtude et de conseil relative la question des femmes en situation de prcarit notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville.

    La prsidente et les rapporteurs se sont, par ailleurs, entretenus avec Mme Franoise Milewski, personnalit associe du Conseil conomique, social et environnemental, rapporteure en 2005 la demande de la ministre de la Parit dune mission dtude sur Les ingalits entre les femmes et les hommes : les facteurs de prcarit.

    La prsidente, les rapporteurs et lensemble des membres de la dlgation remercient vivement toutes ces personnes pour leur prcieuse contribution llaboration de cette tude.

    1 Ltude a t adopte lunanimit des prsents par 17 voix, reprsentant 13 groupes. Le rsultat des votes figure en annexe.

  • 6 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    IntroductionEn France, en 2010, 8,6 millions de personnes : 4,7 millions de femmes et 3,9 millions

    dhommes avaient un niveau de vie infrieur au seuil de pauvret estim 60 % du revenu mdian. Ce seuil correspondait la mme anne 964 euros mensuels pour une personne seule. La moiti des personnes concernes vivent avec moins de 781 euros par mois.

    Plusieurs approches permettent de prciser cette situation. Celle de la pauvret montaire renvoie aux ressources du mnage (la somme de tous les revenus perus par ses membres tant divise par le nombre dunits de consommation). En 2010, la pauvret montaire touchait 14,1 % des personnes vivant en France (14,5 % de femmes et 13 % dhommes) et affectait prs de 33 % des familles monoparentales.

    Selon le rapport 2011-2012 de lObservatoire national de la pauvret et de lexclusion sociale (ONPES) le taux de pauvret montaire connat depuis 2005 une lente remonte succdant une baisse au cours de la premire moiti de la dcennie. En 2009, cet indicateur a retrouv son niveau de 2000 soit 13,5 % aprs avoir atteint son point bas (12,6 %) en 2004 et il progresse nouveau en 2010 (14,1 %).

    La notion de pauvret conomique est identifie, quant elle, au seul niveau de lindividu ds lors que son revenu dactivit (y compris indemnits de chmage ou de maladie) est infrieur au seuil de pauvret. On cerne mieux ainsi la catgorie des travailleurs pauvres, soit environ 3,7 millions de personnes, dont 70 % de femmes, exerant un emploi leur procurant un revenu infrieur 964 euros mensuels.

    Aprs prise en compte des prestations sociales et/ou intgration des revenus du conjoint, on dnombre encore 1,9 million de personnes ayant un emploi mais disposant dun niveau de vie infrieur au seuil de pauvret.

    En moyenne, dans lUnion europenne le taux de pauvret est de 16,4 % mais il est plus lev pour les femmes (17 %) que pour les hommes (15,7 %). Comme le confirme le graphique ci-aprs dans tous les pays europens, lexception de la Hongrie, les femmes sont plus souvent en dessous du seuil de pauvret que les hommes. Au Danemark et en Irlande, la proportion de femmes et dhommes pauvres est quasi-quivalente.

  • FEMMES ET PRCARIT 7

    Graphique 1 : Taux de pauvret dans lUnion europenne en 2009

    1 Le taux de pauvret franais dEurostat diffre de celui de lINSEE pour des questions de sources (EU-SILC contre ERFS) mais galement de dates (date de lenqute contre date des revenus).

    Note : seuil de pauvret de 60 % de la mdiane des niveaux de vie.

    Source : Eurostat, EU-SILC. Regards sur la parit Edition 2012.

    Les femmes sont par ailleurs majoritaires parmi les allocataires du Revenu de solidarit active (RSA) dont elles reprsentent 57 % des bnficiaires en 2010. Au sein de cette population, la proportion de celles qui sont la tte dune famille monoparentale est significative : 31 %. Dune part, elles constituent la quasi-totalit des allocataires du RSA socle major qui a remplac lallocation de parent isol (API) et dautre part, elles reprsentent aussi le tiers des bnficiaires du RSA activit qui permet aux travailleurs dont les revenus sont faibles de complter leur salaire.

    La pauvret apparat toutefois comme un phnomne multidimensionnel qui ne se rduit pas au seul aspect financier mme si celui-ci est essentiel. Dans le rapport et lavis, prsents par le Pre Joseph Wrsinski et adopts en 1987 par notre assemble sur Grande pauvret et prcarit conomique et sociale, celui-ci dcrivait bien un processus qui pouvait in fine conduire lexclusion : la prcarit est labsence dune ou plusieurs scurits notamment celle de lemploi, permettant aux personnes et aux familles dassumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux. Linscurit qui en rsulte peut tre plus ou moins tendue et avoir des consquences plus ou moins graves et dfinitives. Elle conduit la grande pauvret quand elle affecte plusieurs domaines de lexistence, quelle devient persistante, quelle compromet les chances de rassumer ses responsabilits et de reconqurir ses droits par soi-mme dans un avenir prvisible.

    Les risques de prcarit apparaissent plus nombreux pour les femmes que pour les hommes et ils affectent plus durablement leur parcours. Ils se rpercutent aussi sur leurs enfants avec le danger de les inscrire dans un processus de transmission et de reproduction dun tat prcaire. Linscurit sociale et conomique dans laquelle grandissent ces enfants peut perturber gravement leur ducation et leur sant.

  • 8 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Les risques de prcarit sont en fait multifactoriels et trouvent leur origine dans le fondement culturel du rle assign aux femmes dans la socit y compris au regard de lemploi. La surreprsentation fminine dans certains mtiers considrs comme correspondant des qualits naturelles et innes chez elles , aussi peu reconnues dans la vie professionnelle que dans la sphre familiale, constitue une illustration manifeste de cette prcarit cumulative.

    Ces prsupposs culturels sont tenaces et de plus, ainsi que le confirme une rcente tude de lINSEE2, la progression de la participation des femmes au march du travail ne se traduit pas par un partage plus galitaire des activits domestiques entre les sexes. Si les progrs de lquipement lectromnager ont allg un certain nombre de tches au bnfice des femmes, les hommes pour leur part nen font pas plus aujourdhui quil y a 10 ans (2 h de tches domestiques en moyenne par jour en 2010 comme en 1999). Dune manire gnrale, le travail domestique continue dincomber majoritairement (64 % des heures) aux femmes et la quantification ralise par lINSEE partir des enqutes Emploi du temps montre que, valoris au SMIC et mesur avec la dfinition la plus restreinte, il apporterait une contribution la production nationale quivalente 17,5 % du PIB, comparable la valeur ajoute de lensemble de lindustrie franaise.

    Dans cette tude, la dlgation aux droits des femmes et lgalit sattache analyser les facteurs cumulatifs exposant de nombreuses femmes la prcarit puis identifier des pistes dactions susceptibles de prvenir lexclusion.

    Le mot prcaire est trs souvent associ, juste titre, lemploi. Or, en dpit de lessor de lactivit professionnelle des femmes, de nombreuses spcificits porteuses de prcarit pnalisent les moins qualifies : fragilit et instabilit de linsertion sur le march du travail, sous-emploi durable, bas salaires.

    De plus, ainsi que la soulign une prcdente tude de la dlgation aux droits des femmes et lgalit3, lessentiel des dispositifs visant lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes concernent les salari(e)s en CDI ( temps plein ou temps partiel) et laissent de ct les salari(e)s non permanent(e)s de lentreprise. Les femmes en situation de prcarit et/ou contrats de travail temporaires sont donc confrontes des difficults et des ingalits qui se cumulent et se renforcent au lieu de se rsorber.

    Ces situations prcaires qui se prennisent accentuent les carts, au demeurant persistants, entre les pensions de retraites des femmes et des hommes. Nombre dentre elles, notamment les mres isoles, sont en outre confrontes des difficults en matire de logement et subissent des conditions de vie dgrades.

    La situation de monoparentalit, caractristique fminine dans prs de neuf cas sur dix, constitue un risque supplmentaire de prcarisation pour les plus fragiles qui assument seules lducation des enfants - et pour lesquelles les contraintes lies larticulation vie professionnelle/vie familiale sont plus lourdes.

    Par ailleurs, la prcarit peut tre source disolement social. Elle a aussi un impact sur la sant des femmes : stress chronique, alimentation dsquilibre du fait dun pouvoir dachat rduit, renoncement aux soins et aux examens de dpistage ayant pour consquence des pathologies diagnostiques trop tardivement.

    2 Regards sur la parit, INSEE - dition 2012.3 Bilan de lapplication des dispositifs promouvant lgalit professionnelle entre femmes et hommes. tude

    rapporte par Sylvie Brunet et Maryse Dumas, publie en mars 2012.

  • FEMMES ET PRCARIT 9

    Aprs un reprage des causes de prcarit dans ces diffrents champs seront envisags les correctifs ncessaires pour la combattre et favoriser une insertion sociale et professionnelle durable des femmes concernes.

    Au regard de lemploi, des spcificits fminines potentiellement vectrices de prcarit

    Un contexte daugmentation de lactivit fminine et daccroissement des diffrenciations

    entre les femmes elles-mmes4

    La fminisation de la population active a progress en France de faon particulirement soutenue partir des annes 1960. En 1962, 6,6 millions de femmes et 13,4 millions dhommes taient actifs.

    En 2010, ctait le cas de 13,5 millions de femmes et de 14,8 millions dhommes. Les femmes constituent ainsi dsormais prs de 48 % de la population au travail ou la recherche dun emploi, contre 34 % en 1962.

    Une nette progression de lemploi des femmes mais une plus grande exposition la prcarit

    Lcart de taux dactivit5 des hommes et des femmes na cess de se rduire notamment depuis vingt ans. Il tait de 17 points en 1990 avec un taux dactivit de 76 % pour les hommes et de 59 % pour les femmes Il nest plus que de 9 points en 2010 : 66 % pour elles, 75 % pour eux.

    Entre 1990 et 2010, le taux dactivit des femmes a augment pour toutes les classes dge, sauf pour les moins de 25 ans, en lien avec lallongement de la priode de formation initiale. Celui-ci concerne les deux sexes mais un peu plus les jeunes femmes dont 42 %, dans la tranche dge 20-24 ans, taient en cours dtudes initiales, en 2010, contre 37 % des jeunes hommes.

    Entre 25 et 54 ans, avec prs de 84 % de femmes actives en 2010, la France nest dpasse que par les pays de lEurope du Nord et se situe prs de 6 points au-dessus de la moyenne europenne6.

    Sur lensemble des vingt dernires annes, les femmes ont cependant t plus exposes que les hommes au chmage mais la diffrence entre eux diminue nettement : avec des taux de chmage respectifs de 6,2 % et 10,2 %, lcart entre hommes et femmes stablissait 4 points en 1990, il tait d peine 1 point en 2010 : 9,7 % pour les

    4 Les donnes chiffres proviennent de lINSEE, notamment Regards sur la parit, dition 2012 et France Portrait social, dition 2011 ou de la DARES.

    5 Le taux dactivit est le rapport entre le nombre dactifs (actifs occups et chmeurs) et lensemble de la population correspondante.

    6 Les disparits sur le march du travail entre les femmes et les hommes : une analyse sur longue priode. DARES Analyses n015 - Mars 2012.

  • 10 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    femmes et 9 % pour les hommes mais il se creuse nouveau au premier trimestre 2011 : 9,9 % contre 8,6 %.

    Il convient en outre dapporter quelques nuances ce panorama. Tout dabord, en quivalent emplois plein temps, laugmentation du travail des femmes est nettement moins spectaculaire du fait de la progression continue du travail temps partiel. Entre 1975 et 2008, sur les 3 831 000 emplois crs, les deux tiers lont t temps partiel et ils ont trs majoritairement concern les femmes (prs de 70 %).

    Par ailleurs, les diffrences sexues ne sestompent gure : les femmes nexercent le plus souvent pas les mmes mtiers, nont pas les mmes types demplois et ne font pas les mmes carrires que les hommes. Les ingalits persistent donc entre les hommes et les femmes mais les diffrenciations saccentuent dans la population fminine elle-mme. Dune part, les plus diplmes rentabilisent mieux leur investissement russi dans le systme de formation, mme si leurs chances daccder des fonctions dirigeantes demeurent moindres que celles de leurs homologues masculins. Dautre part, lemploi non-qualifi est de plus en plus fminis : il est occup 62 % par des femmes aujourdhui contre 56 % il y a vingt ans.

    Une bipolarisation accentue entre emplois qualifis et peu qualifis

    La proportion de diplms de lenseignement suprieur a nettement augment parmi les jeunes gnrations au cours des deux dernires dcennies et davantage pour les femmes que pour les hommes : la part des femmes de 25 29 ans diplmes du suprieur tait de 22 % en 1991 et de 48 % en 2010 contre respectivement 20 % et 37 % pour les hommes.

    La hausse des qualifications des femmes leur permet daccder de plus en plus aux emplois de cadres o leur reprsentation est passe de 30 % en 1990 39 % en 2010. Paralllement, entre 1990 et 2010, le taux de fminisation de lemploi non qualifi sest sensiblement accru. Il y a vingt ans, la population concerne tait surtout ouvrire, masculine et industrielle. Elle est maintenant en grande partie employe, fminine et tertiaire. Tous mtiers confondus, la part des emplois pas ou peu qualifis est ainsi dsormais prs de deux fois plus importante pour les femmes que pour les hommes : en 2010, 27 % des emplois fminins sont non qualifis contre 14 % des emplois masculins7.

    La frquence de ces mtiers tertiaires, peu qualifis, dans lemploi fminin va de pair avec des conditions de travail qui concourent au dveloppement et linstallation dans la prcarit : temps partiel (le plus souvent subi), sous-emploi, horaires atypiques et salaires. Les politiques incitatives encourageant le travail temps partiel (le plus souvent subi), inities dans le contexte de la crise de lemploi du dbut des annes 1980, mme si elles ntaient pas spcifiquement destines aux femmes, ont conduit dvelopper ces modalits dans des secteurs o elles taient dj trs prsentes. Certaines femmes ont certes eu ainsi lopportunit dentrer sur le march du travail mais faute de perspectives dvolution beaucoup se sont retrouves dans la catgorie des salari(e)s pauvres cest--dire tous ceux qui ne sont ni chmeurs, ni exclus, ni assists mais qui travaillent sans parvenir gagner vraiment dignement leur vie. Lors de son audition Mme Margaret Maruani a qualifi cette situation de violence conomique faite aux femmes .

    7 DARES Analyses - Mars 2012 n 015 dj cit.

  • FEMMES ET PRCARIT 11

    Des discriminations pnalisantes pour les moins qualifies

    La prcarit nest pas lapanage des seules femmes. Toutefois, leurs modes de participation au march du travail, les caractristiques des emplois auxquels elles accdent et le fait que les charges familiales continuent de peser le plus souvent et majoritairement sur elles, les exposent plus que les hommes des ruptures de parcours et des discontinuits vecteurs de prcarit financire et sociale.

    Une surreprsentation dans le secteur tertiaire et les mtiers de service

    Les femmes et les hommes se rpartissent encore trs ingalement dans les diffrents mtiers comme le montre le tableau ci-aprs.

    Tableau 1 : Familles professionnelles contribuant le plus la sgrgation selon le sexe (2008-2010)

    Caractristiques des emplois fminins

    Contribution la sgrgation

    Nombre demplois fminins

    Part des femmes dans lemploi

    Taux de temps partiel

    Taux de sous-emploi

    Part des emplois temporaires

    Part des emplois non qualifis

    Mtiers comptant beaucoup de femmes

    Agents dentretiens 2,2 873 70,2 47 19 23 99

    Aides domiciles et aides mnagres 2,0 511 97,3 68 25 13 100

    Secrtaires 1,8 461 98,0 33 7 9 1

    Vendeurs 1,8 641 75,3 35 12 16 38

    Employs administratifs de la fonction publique

    1,8 664 73,8 29 6 13 0

    Aides-soignants 1,8 479 90,3 24 5 13 0

    Assistantes maternelles 1,7 426 99,1 32 11 17 100

    Infirmiers, sages-femmes 1,7 469 87,7 26 2 6 0

    Enseignants 1,5 696 65,8 18 3 5 0

    Employs de la comptabilit 1,1 311 84,2 27 5 8 0

    Employs de maisons 0,9 236 95,0 79 26 9 100

    Employs administratifs dentreprises

    0,9 318 75,3 30 8 16 4

    Mtiers comptant peu de femmes

    Cadres commerciaux et technico-commerciaux

    0,8 140 27,1 9 1 3 0

  • 12 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Techniciens et agents de matrise du btiment et des travaux publics

    0,9 23 8,2 18 2 12 0

    Arme, police, pompiers 1,0 61 15,5 7 1 20 0

    Ouvriers qualifis de la manutention 1,1 67 15,0 13 4 16 0

    Techniciens et agents de matrise de la maintenance

    1,3 35 8,4 17 2 10 0

    Ouvriers qualifis du gros uvre du btiment

    1,4 6 1,5 14 2 9 0

    Ouvriers qualifis du second uvre du btiment

    1,9 13 2,4 17 3 14 0

    Conducteurs de vhicules 2,2 81 10,6 38 14 11 0

    Ensemble des mtiers 53,0 12 198 47,4 30 8 13 27

    Concepts : emploi au sens du BIT mesur en moyenne annuelle ; familles professionnelles en 87 postes ; contribution dun mtier la sgrgation = 200* (cart absolu entre la part des femmes et la

    part des femmes dans lemploi total, pondr par le poids de la famille professionnelle).

    Lecture : en moyenne, de 2008 2010, le mtier de vendeur compte 75,3 % de femmes (641 000 vendeuses) ; 35 % de vendeuses travaillent temps partiel.

    Champ : actifs occups des mnages de France mtropolitaine.

    Source : Insee, enqutes Emploi 2008-2010 ; calcul DARES. DARES Analyses, mars 2012 n 015.

    En 2010, on compte en particulier plus de 95 % de femmes dans trois mtiers peu qualifis de services aux particuliers (assistantes maternelles, aides domicile, employes de maison) et plus de 70 % parmi les agents dentretien (catgorie qui emploie le plus de femmes : 870 000 salaries) et les employs du commerce.

    Dans les mtiers o les femmes sont surreprsentes, la proportion de celles qui travaillent temps partiel est le plus souvent suprieure la moyenne. Cette modalit est particulirement dveloppe chez les employs de maison

    (79 %) les aides domicile (68 %) et les agents dentretien (47 %). Dans ces trois mtiers, entre 20 % et 25 % des femmes se dclarent en situation de sous-emploi, le temps partiel subi y tant trs frquent.

    Au total, selon la Direction de lanimation, de la recherche, des tudes et des statistiques (DARES) du ministre du Travail, la probabilit quune personne en emploi soit sur un poste demploy ou douvrier non qualifi est 2,1 fois plus forte pour une femme que pour un homme en 2010, alors que ce rapport ntait que de 1,8 au dbut des annes 1980. Cet cart et cette segmentation entre mtiers fminins et masculins devraient persister selon les tudes prospectives ralises conjointement par la DARES et le Centre danalyse stratgique (CAS).

    Si on ne peut ignorer les aspects positifs des secteurs professionnels concerns qui embauchent des personnes peu diplmes et offrent des emplois non dlocalisables ,

  • FEMMES ET PRCARIT 13

    les modalits actuelles de leur exercice, conjugues de faibles perspectives dvolution, accentuent le risque de prcarit.

    Des modalits demploi fragilisantesAinsi que le souligne Franoise Milewski8, les femmes sont proportionnellement plus

    nombreuses dans les emplois instables et elles alternent souvent ceux-ci et priodes de chmage. Les frontires entre activit et inactivit, emploi et sous-emploi sont floues, notamment pour les jeunes et les moins qualifies dentre elles. Elles sont plus frquemment que les hommes recrutes sur un contrat dure dtermine. De plus, les faibles qualifications et lemploi discontinu vont de pair avec les interruptions dactivit plus frquentes lors de la naissance des enfants.

    Pour nombre de femmes, il en rsulte une prcarit accrue la fois plus grande que celle des hommes et qui sest amplifie dans le temps. Cette prcarit prend la forme dinstabilit et de discontinuit de linsertion sur le march du travail - cest la dfinition traditionnelle de la prcarit - mais aussi, de plus en plus, de stabilit dans le sous-emploi - temps partiel contraint et travail non qualifi en particulier.

    Difficults dinsertion et situations professionnelles instables

    En France, le taux de chmage des femmes, mme si lcart sest sensiblement rduit, a toujours t plus lev que celui des hommes pour lensemble de la population active. Depuis 2007, il apparat cependant globalement infrieur un quatre ans aprs la fin des tudes : 20,8 % pour elles contre 22,4 % pour eux en 2010.

    Toutefois, ce positionnement favorable du taux de chmage des jeunes femmes, en dbut de vie active se vrifie pour les seules diplmes du suprieur (- 2 points en 2010) mais pas pour les diplmes de niveaux infrieurs (+ 4 points pour celles du 2e cycle du secondaire et + 6 points pour celles nayant que le brevet des collges ou aucun diplme) ainsi que le montre le tableau ci-aprs.

    8 Parcours de femmes en emploi. Franoise Milewski - Informations sociales n156. Parcours de vie et socit - Novembre-Dcembre 2009.

  • 14 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Tableau 2 : Taux de chmage des femmes et des hommes aprs la fin des tudes initiales par anciennet et niveau de diplme en 2010 (en %)

    Dure depuis la fin des tudes Ensemble De 1 4 ans De 5 10 ans 11 ans ou plus

    Femmes 9,6 20,8 11,0 7,9

    dont :

    diplmes du suprieur 5,5 11,4 4,9 4,4

    diplmes du second cycle du secondaire

    9,9 26,1 14,2 7,1

    peu ou pas diplmes 15,3 49,2 33,3 12,6

    Hommes 9,1 22,4 11,1 7,0

    dont :

    diplms du suprieur 5,4 13,4 5,1 3,8

    diplms du second cycle du secondaire

    7,9 22,3 10,1 5,8

    peu ou pas diplms 15,6 43,6 30,1 11,8

    Concepts : chmage au sens du BIT mesur en moyenne annuelle. Diplms du second cycle du secondaire : bacheliers, titulaires dun BEP ou dun CAP,

    diplmes de niveau quivalent ; peu ou pas diplms : brevet, certificat dtudes primaires, sans diplme.

    Lecture : en moyenne en 2010, le taux de chmage des jeunes femmes diplmes du suprieur ayant termin leurs tudes initiales entre 2006 et 2009 est de 11,4 %.

    Champ : population des mnages de France mtropolitaine.

    Source : Insee, enqute Emploi 2010. Dares Analyses, mars 2012 n 015 Les disparits sur le march du travail entre les femmes et les hommes.

    En moyenne, en 2010, le taux de chmage des jeunes femmes peu ou pas diplmes ayant termin leurs tudes initiales entre 2006 et 2009 est de 49,2 % contre 43,6 % pour les jeunes hommes.

    Pour les titulaires dun CAP, dun BEP ou dun baccalaurat professionnel, lcart (26 % contre 22 %) tient beaucoup une prsence trs ingale des jeunes filles selon les domaines dtudes. Dans le secteur des services o les taux de chmage sont levs en dbut de vie active, les jeunes filles sont trs majoritaires alors quelles sont peu nombreuses dans celui de la production qui offre des perspectives dinsertion plus favorables.

    Par ailleurs, ainsi que le relve le Centre dtudes et de recherches sur les qualifications (Creq)9, en 2009, cinq ans aprs leur sortie du systme scolaire, les jeunes femmes sont plus exposes la prcarit. Prs dun tiers des non-diplmes et plus dun quart des titulaires de CAP ou BEP sont encore sur des emplois en contrat dure dtermine (CDD) ou en contrat

    9 Femmes au bord de la crise - Bref du Creq n288 - Juin 2011.

  • FEMMES ET PRCARIT 15

    aid. Si la part de lintrim est importante chez leurs homologues masculins, la proportion de ceux qui sont en emploi dure indtermine a augment, entre 2007 et 2009, deux fois plus pour eux que pour elles.

    De mme, la part de temps partiel est trs leve pour toutes les jeunes femmes peu ou pas diplmes. Ainsi, en 2009, plus dun quart dentre elles occupaient un emploi temps partiel contre environ 10 % de leurs homologues masculins.

    Lenqute 2010 du Creq10 confirme le genre fminin du travail temps partiel ds la premire embauche puisque, comme le montre le tableau ci-dessous, cette modalit concerne 25 % des jeunes femmes, tous niveaux de formation confondus, contre 11 % des jeunes hommes et 34 % contre 15 % pour les seuls non-diplms, soit un cart de prs de 20 points.

    Graphique 2 : Hommes, femmes et temps partiel

    Champ : jeunes ayant occup au moins un emploi au cours de leurs trois premires annes de vie active (678 000 individus).

    Source : Creq - Enqute 2010.

    Par ailleurs, dune manire gnrale, ainsi que le confirme le tableau ci-aprs, si dans lensemble de la population fminine on observe une relative parit en ce qui concerne les contrats dure indtermine (49 % de femmes), celles-ci restent majoritairement concernes par les CDD (11,6 % contre 7,6 % pour les hommes en 2010) et leur part est en augmentation dans ce type de contrat : 59,8 % en 2010 contre 57 % en 1990.

    10 Quand lcole est finie Premiers pas dans la vie active dune gnration - Enqute 2010 - Creq

  • 16 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Ainsi que le souligne une rcente tude de la DARES11, tous les ges, les femmes sont plus souvent recrutes en CDD : pour les moins de 30 ans, le taux dentre sur le march du travail en CDD des femmes est suprieur de 62,7 points celui des hommes, pour les 30-49 ans, il est de 11,7 points suprieur et lest encore de plus de 10,3 points pour les 50 ans et plus.

    La proportion de temps partiel parmi les salaris en CDD est galement plus leve chez les femmes (45 %) que chez les hommes (26 %).

    Tableau 3 : Statut et type de contrat en 2010

    1 Y compris les emplois aids.

    2 Y compris les emplois aids, les salaris sans contrat, ainsi que les fonctionnaires stagiaires et les titulaires du secteur public.

    Champ : France mtropolitaine, population des mnages, personnes en emploi de 15 ans ou plus.

    Lecture : en moyenne, en 2010, 7,6 % des femmes ayant un emploi sont non-salaries.

    Source : Insee, Regards sur la parit : dition 2012. Enqutes Emploi du 1er au 4e trimestre 2010.

    Moindre visibilit et tolrance sociale du chmage fminin

    En 2010, lcart entre le taux de chmage des femmes (9,7 %) et celui des hommes (9 %) tait de moins dun point. A niveau de diplme donn, ainsi que le confirment les enqutes emploi de lINSEE, les situations des femmes et des hommes se sont rapproches durant les deux dernires dcennies. En particulier, le taux de chmage des hommes, sans diplme ou avec le certificat dtudes primaires, tait infrieur celui des femmes de mme niveau scolaire en 1990 ; il est dsormais au mme niveau : 16 % en 2010.

    Par ailleurs, en 2008, au dbut de la crise, les hommes trs prsents dans lindustrie et la construction ont t plus fortement touchs par la dtrioration du march du travail que les femmes majoritaires dans le secteur tertiaire. Toutefois, lcart entre eux se creuse nouveau depuis fin 2010. Lenqute Emploi 2011 de lINSEE confirme ce dcalage, le taux de chmage des femmes (9,7 %) tant dsormais suprieur dun point celui des hommes (8,8 %). Cette moyenne masque cependant une fracture entre les plus prcaires dentre elles et les autres. Ainsi que le souligne Margaret Maruani, le taux de chmage le plus important en France depuis 30 ans sans discontinuit est celui des ouvrires : 17 % contre 12,6 % pour les ouvriers en 2010, lcart maximum de 9 points entre femmes et hommes ayant t constat en 1990. De plus, ainsi quon le verra plus loin, si les femmes ont t moins brutalement confrontes aux pertes demploi, elles ont t davantage affectes par le sous-emploi.

    11 Les mouvements de main-duvre en 2011 : une rotation leve dans le tertiaire. DARES Analyses n 056 - Septembre 2012.

    Femmes Hommes Ensemble Part des femmes

    Non salaris 7,6 15,0 11,5 31,4Salaris 92,4 85,0 88,5 49,5

    Intrimaires 1,3 2,8 2,0 31,2Apprentis 1,1 2,0 1,6 34,1Contrats dure dtermine1 11,6 7,6 9,6 59,8Contrats dure indtermine2 86,0 87,5 86,8 49,1Ensemble des salaris 100,0 100,0 100,0 100,0

    Ensemble des emplois 100,0 100,0 100,0 47,5Effectif (en milliers) 12 194 13 498 25 693 47,5

  • FEMMES ET PRCARIT 17

    Quant la part des chmeurs de longue dure, elle est plus importante chez les hommes : 42 % des chmeurs (soit 549 000 hommes) contre 38,7 % des chmeuses (soit 494 000 femmes) sont au chmage en 2010 depuis un an ou plus12.

    Cependant, si les femmes sont moins souvent au chmage de longue dure, elles sont plus nombreuses tre dans le halo du chmage : 492 000 femmes contre 339 000 hommes en 2010. Elles dclarent en particulier plus souvent que les hommes ntre pas disponibles travailler dans les deux semaines suivantes. Or cette disponibilit immdiate (pour prendre un emploi dans les quinze jours) figure expressment dans la dfinition officielle du chmage.

    Ainsi que le souligne Margaret Maruani13 la non-disponibilit et labsence de dmarches de recherche demploi (souvent par dcouragement) transforment ainsi prs de 500 000 femmes, qui se disent et se pensent chmeuses, en autant dinactives.

    Entre chmage et inactivit, les diffrences sont bien tnues. Et surtout, elles renvoient des conventions statistiques plus qu des situations sociales.

    Lapprciation du chmage fminin ne relve donc pas dune seule mesure quantitative. Plus difficile saisir partir des indicateurs tablis, il apparat moins visible mais aussi mieux tolr.

    Une tude publie par lINSEE en mars 2011 sur le thme Couple, famille, parentalit, travail des femmes14 montre le chemin que les mentalits doivent encore parcourir en France pour que le travail des femmes soit reconnu galit avec celui des hommes. Cette tude rvle quune personne interroge sur quatre (hommes et femmes regroups) pense quen priode de crise conomique, les hommes devraient tre prioritaires pour trouver un emploi, avec tout de mme une diffrence selon les gnrations : cette priorit est approuve par 50 % des 75-79 ans et seulement 10 % des 20-24 ans.

    Il demeure nanmoins que le chmage fminin reste aux yeux de la socit moins grave et moins proccupant que sa version masculine.

    Cest pourtant une cause majeure de prcarit, y compris sous sa forme dguise dextension du sous-emploi, laquelle les politiques publiques ne prtent pas assez attention.

    Travail temps partiel et sous-emploi

    Le travail temps partiel sest dvelopp durant les annes 1990 du fait des mesures dallgement des charges sociales visant le favoriser. Ces incitations ont t supprimes en 2000 mais, ainsi que le signale la Dlgation aux droits des femmes et lgalit des chances entre les hommes et les femmes de lAssemble nationale dans un rapport rcent15, dans un certain nombre de secteurs - trs fminiss - confronts une rpartition irrgulire de la charge de travail, cette forme demploi est devenue un mode de gestion de la main-duvre car elle confre de la flexibilit dans lorganisation des horaires. En 2011, 30 % des femmes salaries travaillent temps partiel, contre peine 7 % de leurs homologues masculins, et

    12 Insee Regards sur la parit. Edition 2012.13 Travail et emploi des femmes. Margaret Maruani - La Dcouverte - Avril 2011.14 Couple, famille, parentalit, travail des femmes. Les modles voluent avec les gnrations. Insee Premire n1339 -

    Mars 2011.15 Une urgence sociale : rduire le travail temps partiel, source de prcarit pour les femmes et facteur aggravant

    des ingalits professionnelles. Marie-Jo Zimmermann - Rapport dinformation de la Dlgation aux droits des femmes et lgalit des chances entre les hommes et les femmes de lAssemble nationale - Juillet 2011.

  • 18 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    le taux de fminisation de ces emplois dpasse 80 %. Cette surreprsentation est lie au recours au travail temps partiel trs frquent dans les mtiers peu qualifis du tertiaire, exercs surtout par des femmes (cf. plus haut B-1.)

    Le tableau ci-dessous prsente le temps partiel selon le sexe et la dure. Il en ressort quen moyenne, en 2010, 16 % des femmes ayant un emploi travaillent temps partiel entre 15 heures et 29 heures par semaine et un peu plus de 4 %, moins de 15 heures.

    Ainsi, pour plus des deux-tiers dentre elles la dure hebdomadaire est infrieure 30 heures.

    Tableau 4 : Temps partiel selon le sexe et la dure du temps partiel en 2010

    Femmes Hommes EnsemblePart desfemmes(en %)

    Temps complet 69,9 93,3 82,2 40,4

    Temps partiel (1) 30,1 6,7 17,8 80,2

    dont :

    Moins de 15 heures 4,3 1,1 2,6 78,5

    De 15 29 heures 16,0 3,4 9,4 80,9

    30 heures ou plus 8,8 1,5 5,0 84,2

    Non renseign 1,0 0,8 0,9 54,4

    Ensemble 100,0 100,0 100,0 47,5

    Effectifs (en milliers) 12 194 13 498 25 693

    Lecture : en moyenne en 2010, 16 % des femmes ayant un emploi travaillent temps partiel entre 15 et 29 heures par semaine, 80,9 % des personnes travaillant temps partiel

    entre 15 et 29 heures par semaine sont des femmes.

    Y compris les personnes nayant pas dclar dhoraires habituels.

    Champ : France mtropolitaine, population des mnages, personnes en emploi de 15 ans ou plus (ge courant).

    Source : Insee, enqutes Emploi du 1er au 4e trimestre 2010.

    La frquence du travail temps partiel fminin augmente par ailleurs avec lge : en 2010, selon les statistiques tablies par la DARES, 26 % des femmes en emploi, entre 15 et 29 ans, sont temps partiel, 30 % dans la tranche 30-54 ans et 33 % chez les 55-64 ans.

    Cette rpartition relativise la prsentation du temps partiel comme un choix principalement effectu par les femmes pour concilier vie professionnelle et charges familiales. Le rapport prcit de la Dlgation aux droits des femmes et lgalit des chances entre les hommes et les femmes de lAssemble nationale souligne, en outre, que si 35 % des salaries travaillant temps partiel voquent cette raison, 31 % dclarent expressment tre dans cette situation faute davoir trouv un emploi temps plein.

    Ldition 2011 de lenqute Emploi de lInstitut national de la statistique et des tudes conomiques (INSEE) estime 1,5 million le nombre de personnes en sous-emploi, cest--dire souhaitant travailler plus, disponibles pour le faire mais qui nen nont pas lopportunit, soit prs de 6 % des personnes en emploi (5,2 % pour le temps partiel subi et

  • FEMMES ET PRCARIT 19

    0,7 % pour le chmage partiel). Parmi elles, 76 % sont des femmes. Globalement, 3 % des hommes et 9 % des femmes (soit plus dun million de salaries) sont en sous-emploi. Ces parts ont progress pour les deux sexes dans le contexte de crise conomique avec toutefois des manifestations diffrentes : augmentation du chmage technique ou partiel pour les hommes et accroissement du temps partiel subi pour les femmes. Celles-ci, en particulier les plus pauvres, y sont le plus exposes : presque trois fois plus parmi les employs et plus de deux fois plus parmi les ouvriers.

    La part des personnes en sous-emploi est trs importante pour les populations les moins qualifies qui occupent les postes les plus prcaires notamment dans les secteurs de la propret ou de la distribution. Ce taux atteint ainsi 14,7 % pour les femmes non diplmes, 11,6 % pour celles de moins de

    29 ans, 12,4 % pour les employes et 15,3 % pour les femmes dorigine trangre.

    Le travail temps partiel frquemment impos ds lembauche expose les intresses un cumul de difficults et prsente un risque lev denfermement dans la prcarit.

    Malgr des diffrences entre les tats membres, prs dun emploi sur cinq en Europe est temps partiel. Le tableau, ci-aprs, dresse un panorama de cette modalit de travail dans lUnion europenne en 2011.

    Tableau 5 : Temps partiel dans lUnion europenne en 2011

    Travailleurs temps partiel(en % de lemploi total)

    Ensemble Hommes Femmes

    Allemagne 25,7 9,0 45,1Autriche 24,3 7,8 43,4Belgique 24,7 9,2 43,3Bulgarie 2,2 2,0 2,4Chypre 8,7 5,9 12,1Danemark 25,1 14,2 37,0Espagne 13,7 5,9 23,4Estonie 9,3 5,0 13,5Finlande 14,1 9,4 19,0France 17,6 6,5 29,9Grce 6,6 4,2 10,0Hongrie 6,4 4,4 8,8Irlande 22,9 12,2 35,1Italie 15,2 5,5 29,3Lettonie 8,8 7,3 10,3Lituanie 8,2 6,5 9,8Luxembourg 18,0 4,3 35,9Malte 12,4 5,4 25,5Pays-Bas 48,5 24,3 76,5Pologne 7,3 4,7 10,4Portugal 10,1 7,0 13,7

  • 20 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Rpublique tchque 4,7 1,8 8,5

    Roumanie 9,3 8,7 10,1Royaume-Uni 25,5 11,0 42,2Slovaquie 3,9 2,6 5,6Slovnie 9,5 7,1 12,2Sude 24,7 12,0 38,7

    Union europenne 27 18,8 8,1 31,6

    Source : Eurostat (extraction du 27/07/2012).

    La moyenne de lUnion europenne 27 pour le taux de travail temps partiel est de 18,8 % et 31,6 % pour les femmes. La France se situe lgrement en-dessous de cette moyenne pour lensemble des actifs (17,6 %) comme pour la population fminine concerne (30 %). Les pays dEurope du Nord se caractrisent par une trs forte proportion de femmes temps partiel : au premier rang les Pays-Bas (76,5 %) puis lAllemagne, lAutriche et la Belgique (entre 43 % et 45 %), suivis du Royaume-Uni (42,2 %), de la Sude (38,7 %) et du Danemark (37 %).

    Dans ces pays ainsi que lavait soulign une prcdente tude de la dlgation aux droits des femmes et lgalit16, ce taux lev est influenc dune part, par le contexte culturel et dautre part, par les modalits daccueil des enfants. Aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves en particulier ds quelle a des enfants, la femme se doit de moduler son temps de travail pour pouvoir sen occuper dans la sphre familiale. Le cong parental le lui permet et la structure des modes de garde ly oblige. De plus, la socit verrait dun trs mauvais il les femmes qui ne prendraient pas le cong parental .

    Horaires atypiques

    Lorsque le temps partiel est subi, les horaires sont gnralement dune grande instabilit, voire atypiques.

    Ainsi que le dcrit Franoise Milewski17, dans les services de nettoyage, les femmes ont souvent des dures de travail courtes et cumulent plusieurs employeurs ou plusieurs lieux demploi. Dans lhtellerie et la restauration, la saisonnalit des activits conduit une grande diversit des contrats et des horaires. Dans la grande distribution, ces derniers sont irrguliers et lamplitude journalire est dautant plus grande que lon intgre les interruptions de service, en gnral trop courtes dans les grandes villes, pour regagner son domicile.

    Dans le secteur des services la personne, les horaires sont souvent atypiques, ainsi que le soulignait le rapport du Conseil conomique et social prsent par Yves Vrollet, en 2007, sur Le dveloppement des services la personne18 : plus de la moiti des aides domicile travaillent le samedi habituellement ou occasionnellement et plus dun tiers travaille galement le dimanche.

    16 Les femmes face au travail temps partiel. Genevive Bel - 2008.17 Les ingalits entre les femmes et les hommes : les facteurs de prcarit - Ministre des Affaires sociales, 2005.18 Le dveloppement des services la personne : Avis du Conseil conomique et social sur le rapport prsent par

    Yves Vrollet - Janvier 2007.

  • FEMMES ET PRCARIT 21

    La situation est particulirement dfavorable dans les trs petites entreprises de ce secteur o une personne sur deux est temps partiel, le plus souvent en CDD, avec une dure moyenne de travail de 12 15 heures par semaine et des horaires morcels.

    Le tableau, ci-aprs, recense un certain nombre de critres caractristiques des horaires atypiques. Si les formes visibles tel le travail de nuit concernent prioritairement les hommes, il apparat que la proportion de femmes qui subissent des contraintes invisibles - comme limpossibilit de modifier ses horaires, en cas dimprvu, ou le travail plus dun samedi ou dun dimanche sur trois - est toujours suprieure celle des hommes.

    Tableau 6 : Proportion de salaris en horaires atypiques (en %)

    Les formes visibles des horaires atypiques Hommes Femmes

    Travail de nuit 21,0 9,0

    Travail le samedi 49,1 45,1

    Travail le dimanche 27,0 22,5

    Horaire habituel suprieur 40 h 28,6 14,7

    Horaires de fin de travail aprs 19 h 30 14,3 11,8

    Les formes invisibles des horaires atypiques Hommes Femmes

    Proportion de salaris qui ne peuvent modifier leurs horaires en cas dimprvu

    39,6 43,2

    Absence de repos de 48 h conscutifs 19,1 22,8

    Travail plus dun samedi sur 3 26,2 32,2

    Travail plus dun dimanche sur 3 12,2 12,7

    Impossibilit dinterrompre le travail 25,4 32,2

    Coupure suprieure 3 h 2,6 5,0Source : Enqute emploi INSEE, supplment conditions de travail 1998 actualis.

    Dans tous ces cas, le temps partiel se conjugue souvent avec des conditions de travail et de vie dgrades : stress et fatigue permanente, problmes de transport pour les horaires tt le matin ou tard le soir , auxquels sajoutent les craintes dtre victimes dagressions verbales ou physiques, et perturbations importantes de la vie familiale a fortiori pour les mres isoles.

    Difficults daccs la formation continue

    Une rcente tude du Creq19 a mis en vidence les disparits daccs la formation continue entre les femmes et les hommes, selon les catgories socioprofessionnelles. Ainsi, en 2009, dans la catgorie employs 44 % des hommes, mais seulement 36 % des femmes, ont particip au moins une formation. Lcart est encore plus important dans la catgorie ouvriers : 21 % contre 30 %. De plus, globalement, les salaris temps partiel

    19 Quand la formation continue Repres sur les pratiques de formation des employeurs et des salaris - Creq 2009.

  • 22 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    se forment moins que ceux temps complet (37 % contre 45 %). Cumuler emploi temps partiel et faible qualification rduit donc fortement les chances daccder la formation.

    Les contraintes familiales accentuent encore les disparits entre hommes et femmes. Non seulement rorganiser sa vie personnelle pour suivre une formation est une ncessit deux fois plus frquente chez les femmes que chez les hommes, en particulier pour celles qui ont de jeunes enfants de moins de 6 ans, mais cette contrainte pse plus lourdement lorsquelles travaillent temps partiel : elles doivent alors se rorganiser dans 27 % des cas contre 17 % pour celles temps complet.

    Dautres freins interviennent par ailleurs : une prcdente tude de notre dlgation sur Les femmes face au travail temps partiel20 avait soulign que les intresses taient souvent peu enclines ou se heurtaient la rticence voire au refus de leur conjoint pour suivre des formations se tenant en fin de journe ou impliquant un dplacement voire une absence. Les conditions demploi elles-mmes peuvent constituer un obstacle : comment une salarie, soumise des squences de travail de courte dure avec des horaires qui changent chaque semaine et ayant le cas chant plusieurs employeurs, peut-elle sengager dans une formation ?

    Une autre difficult plus insidieuse apparat trs pnalisante : il sagit selon Franoise Lozier21 de la banalisation des comptences (relationnelles, dinitiative ou de polyvalence) mises en uvre dans les emplois de service peu qualifis, considres comme naturelles ou proprement fminines.

    Ces capacits sont, de plus, difficiles identifier contrairement la matrise de techniques prcises et bien dlimites qui prvalent dans lvaluation du travail masculin.

    Cette approche empcherait de reconnatre leur qualification relle. Donner de la visibilit ces comptences constitue donc un enjeu majeur pour les femmes concernes et leur permettrait dentrer dans un processus de professionnalisation, dexercer leur droit la formation et denvisager ainsi des perspectives dvolution.

    Restrictions de certains droits sociaux lis la dure du travail

    Il y a 15 ans dj, dans un avis du 29 janvier 1997 sur le Travail temps partiel, le Conseil conomique et social appelait de ses vux la ratification par la France, dans les dlais les plus rapides, de la convention n 175 sur le travail temps partiel, adopte par lOrganisation internationale du travail le 24 juin 1994. Cette convention na toujours pas t ratifie ce jour. Elle a pourtant le grand mrite de poser le principe dune reconnaissance, aux salaris temps partiel, de droits quivalents ceux des salaris temps plein. Son article 6 stipule, en particulier, que les rgimes lgaux de scurit sociale qui sont lis lexercice dune activit professionnelle doivent tre adapts de manire ce que les travailleurs temps partiel bnficient de conditions quivalentes celles des travailleurs plein temps se trouvant dans une situation comparable ; ces conditions pourront tre dtermines proportion de la dure du travail, des cotisations ou des gains ou par dautres mthodes conformes la lgislation et la pratique nationales.

    20 Les femmes face au travail temps partiel. tude prsente par Genevive Bel - Fvrier 2008.21 Improbable accs des employes peu qualifies la formation. In GRH et genre. Les dfis de lgalit hommes-

    femmes, ditions Vuibert - Avril 2008. Franoise Lozier, Matresse de confrence luniversit Paris Dauphine.

  • FEMMES ET PRCARIT 23

    Les dlgations aux droits des femmes du Conseil conomique, social et environnemental et de lAssemble nationale, dans leurs travaux successifs prcdemment cits sur le travail temps partiel des femmes, ont signal la persistance dun certain nombre de restrictions quant laccs aux droits sociaux des salari(e)s les plus prcaires.

    La convention du 6 mai 2011, relative lindemnisation du chmage, a certes assoupli les conditions pour bnficier de lallocation daide au retour lemploi : il convient de justifier dune priode daffiliation de 122 jours ou 610 heures de travail durant les 28 ou 36 derniers mois selon lge du demandeur demploi (moins ou plus de 50 ans). Laccs au dispositif est donc dsormais ouvert aux salari(e)s ayant travaill un trs faible nombre dheures qui en taient prcdemment exclu(e)s.

    Cependant, pour un(e) salari(e) cumulant plusieurs emplois temps partiel, la perception des allocations chmage nest ouverte quen cas de perte dau moins 30 % du salaire total antrieur.

    Les seuils existants pour le versement des prestations au titre des assurances maladie ou maternit, conduisent galement priver de leur bnfice les salari(e)s qui ne remplissent pas les conditions minimales requises.

    Ainsi pour percevoir des indemnits journalires pour un arrt de travail de moins de 6 mois, il faut avoir travaill 200 heures au cours des trois mois prcdents, soit environ 16 heures hebdomadaires.

    Pour percevoir des prestations en nature en cas de maladie ou de maternit, il faut :

    - soit avoir travaill au moins 60 heures (environ 15 heures par semaine) ou avoir cotis sur un salaire au moins gal soixante fois le montant du SMIC horaire pendant un mois civil ;

    - soit avoir travaill au moins 120 heures ou avoir cotis sur un salaire au moins gal 120 fois le montant du SMIC horaire pendant trois mois civils ou un trimestre ;

    - soit avoir travaill au moins 1200 heures ou avoir cotis sur un salaire au moins gal 2 030 fois le montant du SMIC horaire, pendant douze mois.

    On rappellera quen 2010, un peu plus de 4 % des femmes temps partiel (plus de 160 000 femmes) travaillaient moins de 15 heures par semaine.

    Linformation des entreprises sur ces critres et leur incitation garantir une dure minimale dactivit, respectant le seuil requis pour louverture des droits sociaux, apparaissent ainsi indispensables pour viter la prcarisation supplmentaire de salari(e)s dj vulnrables.

    Faibles rmunrations

    Selon une rcente tude de la DARES22, les basses rmunrations mensuelles vont souvent de pair avec des dures de travail rduites : prs des trois quarts des personnes bas salaire occupent des postes correspondant moins de 1200 heures rmunres annuelles en 2006 et 36 % ont effectu moins de 700 heures. Les salaris bas salaire occupent des postes temps partiel prs de quatre fois plus souvent, ainsi que le confirme le tableau ci-dessous.

    22 Les bas salaires dans les entreprises du secteur concurrentiel en 2006. Premires informations/Premires synthses DARES - Mai 2009. Ltude porte sur les salaris du secteur concurrentiel soit environ 15,5 millions de salaris et 71 % de lemploi salari total. Lagriculture, les salaris auprs des particuliers-employeurs, les agents de la fonction publique dtat, des collectivits territoriales et des hpitaux nentrent pas dans lanalyse.

  • 24 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Tableau 7 : Rpartition des bas et trs bas salaires et proportion de bas salaires, selon la condition demploi et le nombre dheures rmunres en 2006 (en %)

    RpartitionProportion

    de bas salairesBas salaires Trs bas salaires Ensemble

    Condition demploi

    Temps partiel 77,1 94,0 20,3 65,6

    Temps complet 22,9 6,0 79,7 5,0

    Total 100,0 100,0 100,0 17,3

    Nombre dheures rmunres en 2006*

    Moins de 700 heures

    36,3 51,5 10,6 59,3

    700 heures moins de 1 200 heures

    37,5 43,7 12,6 51,4

    1 200 heures moins de 1 800 heures

    22,4 4,8 24,6 15,7

    1 800 heures et plus

    3,8 0,0 52,2 1,2

    Total 100,0 100,0 100,0 17,3

    * Le nombre dheures rmunres peut correspondre une dure en emploi infrieure 12 mois.

    Champ : salaris des entreprises du secteur concurrentiel, hors apprentis et stagiaires.

    Lecture : en 2006, 77,1 % des salaris bas salaire occupent un poste temps partiel, contre 20,3 % de lensemble des salaris du secteur concurrentiel ;

    65,6 % des salaris temps partiel peroivent un bas salaire.

    Source : Premires informations/Premires synthses DARES, mai 2009. DADS 2006, chantillon au 1/12e, Insee.

  • FEMMES ET PRCARIT 25

    Ainsi que la soulign Margaret Maruani, lors de son audition, les revenus mensuels du travail temps partiel sont bien souvent trs bas parce quils correspondent des emplois peu ou pas qualifis et donc mal rmunrs. Les salaires horaires des travailleurs temps partiel sont en outre plus bas que ceux de leurs homologues temps plein : 11 euros contre 13 euros selon les dernires donnes de lINSEE publies en 2010.

    Ltude de la DARES montre que les deux-tiers des salaris bas salaire sont des femmes. En effet, plus frquemment temps partiel, plus nombreuses que les hommes dans les services aux particuliers et le social, elles peroivent plus souvent des bas salaires que leurs collgues masculins (27 % contre 10 % des hommes).

    Tableau 8 : Rpartition et proportion des bas salaires selon le sexe (en %)

    RpartitionProportion

    de bas salairesBas salaires Ensemble

    Sexe

    Femmes 65,1 42,0 26,8

    Hommes 34,9 58,0 10,4

    Total 100,0 100,0 17,3

    Champ : salaris des entreprises du secteur concurrentiel, hors apprentis et stagiaires.

    Lecture : en 2006 65,1 % des salaris bas salaires sont des femmes, contre 42 % de lensemble des salaris du secteur concurrentiel ;

    26,8 % des femmes salaries peroivent un bas salaire.

    Source : Premires informations/Premires synthses DARES, mai 2009. DADS 2006, chantillon au 1/12e, Insee.

    Dans un rapport de juillet 200923, Brigitte Grsy, Inspectrice gnrale des affaires sociales, indiquait que la moiti des salaris temps partiel dclaraient percevoir un salaire mensuel net, primes et complments compris, infrieur 800 euros par mois. Ce salaire est en moyenne de 926 euros mensuels contre 1 801 euros pour ceux temps complet.

    Quant aux salaris temps partiel subi, la moiti gagne moins de 700 euros et leur salaire moyen est peine suprieur aux deux-tiers de celui des autres personnes temps partiel.

    23 Rapport prparatoire la concertation avec les partenaires sociaux sur lgalit professionnelle entre les femmes et les hommes. Rapport tabli par madame Brigitte Grsy, membre de lIGAS, juillet 2009.

  • 26 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    La pauvret conomique, identifie par un revenu individuel dactivit infrieur au seuil de pauvret, apparat bien comme une caractristique plus fminine que masculine comme le confirme le tableau ci-dessous :

    Tableau 9 : Pauvret conomique individuelle selon le sexe

    Effectif (milliers)

    Incidence ( %)

    Composition ( %)

    Femmes 2577 21,9 68,7

    Hommes 1173 8,9 31,3

    Ensemble 3750 15,0 100,0

    Source : Les travailleurs pauvres. Sophie Ponthieux, milie Raynaud (Insee). Travaux de lObservatoire national de la pauvret et de lexclusion sociale 2007-2008.

    Ainsi, en 2008 un peu plus de 3,7 millions de travailleurs avaient un revenu dactivit infrieur au seuil de pauvret. Les femmes sont beaucoup plus exposes : 22 % dentre elles contre 9 % des hommes et prs de 70 % des travailleurs conomiquement pauvres sont des femmes.

    Cette insuffisance chronique de ressources conduit un nombre croissant dentre elles au surendettement. Son volution rcente est particulirement significative.

    Le surendettement a, en effet, fortement augment depuis 2008 et il touche principalement les populations qui cumulent des difficults conomiques et sociales : recours massif au crdit la consommation pour compenser de faibles revenus, isolement la suite dune rupture familiale, loignement de lemploi (chmage, invalidit ou maladie). Aujourdhui, ainsi que le relve le rapport de lONPES 2011-2012, le surendettement constitue un facteur important de maintien ou dentre dans la pauvret et lexclusion sociale.

    Sous leffet de la crise conomique, le nombre de dossiers de surendettement dposs auprs de la Banque de France sest beaucoup accru entre 2008 et 2011, passant de 188 485 232 500 soit une progression de plus de 23 %.

    La dernire enqute typologique publie en mars 2011 par la Banque de France confirme une reprsentation importante des femmes seules (53 %) avec ou sans enfant charge parmi les surendetts.

    Des risques de prcarisation accentus pour les femmes immigres

    Au sein de la population immigre, les femmes reprsentent en 2010 prs de 45 % de la population active (contre 48 % pour des non immigres) mais tre dorigine trangre renforce les facteurs de prcarisation de lemploi et accrot fortement, notamment pour les femmes, les risques de se retrouver au chmage, temps partiel ou en CDD. Le taux de chmage des femmes immigres24 est en particulier sensiblement plus lev que celui des

    24 Dfinition de la population immigre selon lINSEE : personnes nes trangres ltranger et rsidant en France. Cette population comprend donc en partie des personnes qui, depuis leur arrive, ont acquis la nationalit franaise. linverse, elle exclut les trangers ns en France.

  • FEMMES ET PRCARIT 27

    non-immigres, 17,5 % contre 9,7 % en 2010 (lcart est moins prononc pour les hommes : 14,7 % contre 9 % en 2010). Cette vulnrabilit touche essentiellement les femmes non originaires de lUnion europenne.

    Dans son tude publie en 2008 sur Les femmes face au travail temps partiel, dont les donnes restent dactualit, la dlgation aux droits des femmes et lgalit du Conseil conomique et social relevait que les femmes dorigine trangre taient en particulier surreprsentes dans les emplois temps partiel dembauche horaires courts. Celles-ci sont non seulement plus nombreuses que lensemble des femmes actives occuper des emplois temps partiel (37 % contre 31 %) mais de plus une femme immigre sur cinq effectue moins de 15 heures par semaine. Elles sont largement prsentes dans les emplois de service aux particuliers qui concernent une femme dorigine trangre sur cinq mais seulement une franaise sur dix.

    Selon une tude du Centre danalyse stratgique (CAS)25, dans les mtiers demploys de maison, dassistantes maternelles, daides domicile et daides mnagres, elles occupent plus de 11 % des postes (35 % pour les employs de maison).

    Leur probabilit de se trouver en sous-emploi est galement trs forte : cest le cas de 11 % des ressortissantes de lUnion europenne, 17 % des femmes originaires du Maghreb, 25 % des africaines (contre 9 % des femmes actives franaises).

    Une double discrimination : tre une femme handicapeSelon la loi du 11 fvrier 2005 pour lgalit des droits et des chances, la participation et

    la citoyennet des personnes handicapes, constitue un handicap toute limitation dactivit ou restriction de participation la vie en socit subie dans son environnement par une personne en raison dune altration substantielle, durable ou dfinitive, dune ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, dun polyhandicap ou dun trouble de sant invalidant.

    Ainsi, selon le primtre retenu, entre 10 et 25 % de la population franaise souffrirait dun handicap.

    En fonction du type de pathologie observe et de sa gravit mesure par un taux dincapacit, les consquences conomiques et sociales peuvent savrer plus ou moins discriminantes et gnrer des situations de prcarit, voire de pauvret.

    Lallocation aux adultes handicaps (AAH) constitue un des neuf minima sociaux. Elle bnficie aux personnes dont le taux dincapacit permanente constitue une restriction durable pour laccs lemploi et qui ne peuvent prtendre ni un avantage invalidit, ni une rente daccident du travail. Elle peut tre augmente par un complment de ressources, dans la limite de 80 % du SMIC, pour les personnes dans lincapacit de travailler.

    Afin de faciliter laccs lemploi, le cumul de lAAH est possible avec un revenu dactivit permettant datteindre les 100 % du SMIC notamment lorsque la personne exerce un emploi dans un tablissement et Service dAide par le Travail (ESAT).

    25 Lemploi et les mtiers des immigrs. Ccile Jolly, Frdric Lain et Yves Breem. Centre danalyse stratgique. Document de travail n 2012-01 - Fvrier 2012.

  • 28 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Selon les donnes INSEE/CNAF au 31/12/2010, si les bnficiaires de lAAH se rpartissent peu prs galement entre femmes (435 000) et hommes (449 000), laccs lemploi est bien videmment un domaine dans lequel de nombreuses discriminations envers les personnes handicapes demeurent. Leur taux dactivit est trs infrieur celui de lensemble de la population ge de 15 64 ans (46 % contre 71 %) et comme pour la population globale en ge de travailler, les femmes reconnues handicapes sont moins actives que leurs homologues masculins. Ceux-ci sont par ailleurs beaucoup plus souvent en emploi en milieu ordinaire (55 %) que les femmes (45 %)26. Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, le taux de chmage des femmes ayant une reconnaissance administrative du handicap ouvrant droit au bnfice de lobligation demploi des travailleurs handicaps (TH) est suprieur celui des hommes (24 % contre 21 %). Il est galement plus de deux fois plus lev que la moyenne pour les 15-29 ans en cas de handicap reconnu (40 % contre 16 %).

    Le taux demploi des personnes reconnues handicapes est infrieur de prs de 30 points celui de lensemble de la population en ge de travailler (36 % contre 64 %). Celui des femmes est infrieur de 8 points celui des hommes pour la population des personnes avec un handicap reconnu (31 % contre 39 %) comme pour lensemble de la population (60 % contre 68 %)27.

    26 Les bnficiaires en emploi de lallocation aux adultes handicaps. CNAF - LEssentiel n 125, aot 2012.27 La situation sur le march du travail en 2008 des personnes ayant une reconnaissance administrative de leur

    handicap. DARES Analyses n 040, juin 2011.

  • FEMMES ET PRCARIT 29

    Tableau 10 : Les taux dactivit, demploi et de chmage en 2008 des personnes avec une reconnaissance du handicap

    En pourcentage

    Population avec une reconnaissance administrative du handicap

    Population totale

    Taux dactivit *

    Taux demploi **

    Taux de chmage***

    Taux dactivit *

    Taux demploi **

    Taux de chmage***

    Ensemble 46 36 22 71 64 10

    Hommes 50 39 21 75 68 9

    Femmes 41 31 24 67 60 11

    15-29 ans 51 31 40 55 46 16

    30-39 ans 63 50 20 91 83 9

    40-49 ans 63 49 22 90 83 8

    50-64 ans 29 24 17 57 53 7

    Bac + 2 ou suprieur

    69 53 23 86 81 5

    Bac ou brevet profes.

    56 45 19 71 65 9

    CAP-BEP 53 41 23 79 72 10

    BEPC ou aucun diplme

    35 27 22 51 43 17

    Note : La notion de chmage utilise ici se fonde sur la dclaration spontane des personnes et non sur la dfinition du Bureau international du travail ; sont au chmage, les personnes qui nont pas demploi mais dclarent en chercher un, quelles soient inscrites ou non Ple emploi. Il nest pas tenu compte du fait quelles effectuent ou non des dmarches pour trouver un emploi, ni de leur disponibilit en occuper un.

    * Le taux dactivit est le rapport entre le nombre dactifs (actifs occups + chmeurs) et la population totale de 15 64 ans correspondante.

    ** Le taux demploi est le rapport entre le nombre dactifs occups et la population totale de 15 64 ans correspondante.

    *** Le taux de chmage est le rapport entre le nombre de chmeurs et la population active de 15 64 ans correspondante (actifs occups + chmeurs).

    Champ : Personnes ges de 15 64 ans.

    Sources : Enqute Handicap et sant mnages 2008, Insee-Drees. DARES Analyses n 040. Juin 2011.

  • 30 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Par ailleurs, le temps partiel concerne 28 % des personnes avec une reconnaissance du handicap soit beaucoup plus que dans lensemble de la population occupant un emploi (17 %) et l encore la surreprsentation fminine est manifeste puisque 47 % des femmes reconnues handicapes travaillent temps partiel, pour 15 % des hommes dans la mme situation28.

    Travailler consolide et structure linsertion sociale par laffirmation de sa place au sein de la socit. En dveloppant un rseau social et professionnel, on refuse de se recroqueviller sur soi-mme comme le souligne Maudy Piot, prsidente de lassociation Femmes pour le dire, femmes pour agir, qui milite pour la lutte contre les discriminations lencontre des femmes handicapes dans le milieu du travail mais aussi dans le domaine de la sant, de la vie culturelle, des loisirs

    Prvenir ainsi la dpression, lisolement, lexclusion, faciliter la communication entre valides et non valides, jouent un rle essentiel dans la rduction des risques de prcarit pour les femmes en situation de handicap et permettent aussi de faire voluer les reprsentations en montrant, comme le prne Maudy Piot, dont le premier forum quelle a organis en 2003 sintitulait Femmes handicapes citoyennes, quon peut tre singulire et avoir sa place dans la socit.

    Consquences de linterruption dactivit pour raisons familiales

    Cong parental et parcours professionnel des mres

    Faibles qualifications, conditions de travail contraignantes et parfois peu compatibles avec les horaires habituels de garde denfants, conduisent nombre de jeunes mres, occupant des emplois prcaires et peu rmunrs, se retirer du march du travail et prendre un cong parental29.

    Il nexiste pas de donnes nationales concernant la prise de ce cong qui est gr au niveau de chaque employeur. Les informations disponibles proviennent denqutes ralises auprs des parents de jeunes enfants.

    Selon celle effectue par la DREES fin 200730, 7 % des parents denfants de moins de 3 ans soit 280 000 personnes dont 94 % de femmes se dclaraient alors en cong parental total.

    Les mres dans cette situation avaient plus denfants (46 % en avaient au moins trois) et taient moins qualifies que celles qui ont continu travailler (elles taient deux fois plus nombreuses ne pas avoir le baccalaurat : 51 % contre 23 %). Leurs conditions de travail

    28 Laccs lemploi des personnes handicapes en 2007. DARES Premires informations/Premires synthses n47.1. Novembre 2008.

    29 Le cong parental dducation est un droit accord aux seuls parents salaris ayant au moins un an danciennet dans lentreprise au moment de la naissance de lenfant. Il leur permet de cesser leur activit ou de travailler temps partiel et de retrouver leur emploi, ou un emploi similaire, avec une rmunration au moins quivalente lissue de ce cong dune dure maximale de trois ans. Aucune rmunration ni indemnit nest lgalement due. Toutefois, une convention collective ou un accord dentreprise peut prvoir le maintien total ou partiel de la rmunration. Un salaire proratis est peru en cas de cong parental partiel. Sous rserve de conditions de dure de travail antrieure, les salaris en cong parental peuvent percevoir le complment de libre choix dactivit (CLCA), prestation familiale verse sans condition de ressources et variant selon que linterruption dactivit est partielle ou totale. Au 1er janvier 2012, le taux plein slevait 556 euros mensuels.

    30 Prendre un cong parental total : une dcision qui dpend essentiellement du nombre denfants et de lemploi occup auparavant. DREES - tudes et rsultats n 751 - Fvrier 2011.

  • FEMMES ET PRCARIT 31

    taient galement plus difficiles puisque 64 % dentre elles travaillaient tt le matin, tard le soir, la nuit ou le week-end.

    Une enqute ralise en 2011 par le CREDOC (Centre de recherche pour ltude et lobservation des conditions de vie) la demande de la CNAF (Caisse nationale dallocations familiales)31 montre, pour sa part, que linterruption dactivit pour la naissance des enfants a un impact diffrenci sur les trajectoires professionnelles des mres en fonction de sa dure, de ses modalits et du niveau de qualification des intresses. Les femmes ayant un diplme suprieur Bac + 2 ont une forte probabilit de ne pas sarrter ou de prendre un cong parental court ou partiel. Lenqute confirme que les interruptions dactivit de moins dun an nobrent pas le retour dans un emploi stable et ont peu deffets long terme sur le parcours professionnel. Toutefois, le passage temps partiel, ds la naissance du premier enfant, semble inscrire durablement les mres sur des emplois de ce type.

    Il apparat surtout que les mres les moins qualifies et les moins rmunres optent le plus souvent pour un cong parental total long (3 ans) et que leur probabilit dtre en emploi son issue diminue sensiblement. Ainsi, en dpit du cadre protecteur du cong parental qui garantit le retour dans lentreprise, un tiers des femmes occupant un emploi contraignant et peu valorisant ne reprennent pas leur activit au terme du cong parental. Certaines, prcdemment employes dans des secteurs dactivits eux-mmes prcaires, peuvent tre confrontes des volutions majeures de la structure employeuse (restructuration, rorganisation, dlocalisation ou disparition). Pour les autres, sentiment dtre dconnectes de lenvironnement de travail, incompatibilit des horaires avec la vie familiale et dficit de mode de garde adapt et accessible financirement sont les principales raisons avances.

    Toujours est-il que le risque denfermement dans la prcarit, li une interruption dactivit, est dautant plus important que celle-ci est longue et que le niveau de formation initial est faible.

    Prvenir ce risque implique, pour les femmes concernes, la mise en uvre dune dmarche daccompagnement personnalis, commencer par linformation sur leurs droits : possibilit de suivre des actions de formation, linitiative des intresses ou organises par lentreprise, durant la priode de cong parental, ralisation dun bilan de comptences, toutes mesures susceptibles damliorer lemployabilit des femmes les moins qualifies en renforant leurs savoirs de base ou en dveloppant des comptences spcifiques. Parmi ces modalits daccompagnement du retour lemploi figurent bien videmment des temps spcifiques daccueil pour les enfants des bnficiaires, notamment dans les structures collectives.

    Dautres motifs familiaux : la charge dun enfant handicap ou dun parent g dpendant, peuvent contraindre des femmes, mme bien insres professionnellement, rduire voire interrompre leur activit. Outre des rpercussions financires immdiates, ces ruptures de parcours auront un impact sur le montant des futures pensions de retraite des intresses.

    Ces situations accroissent galement le risque disolement social et ont des effets pnalisants sur la sant des aidantes : puisement physique et psychique. A bien des gards, elles sont ainsi porteuses de prcarit.

    31 Cong parental et carrire professionnelle des mres. Enqute auprs de 3000 femmes ayant au moins deux enfants dont le dernier est g de 12 ans. Dossier dtudes n147 - CNAF/CREDOC- dcembre 2011.

  • 32 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Avoir la charge dun enfant handicap

    Larrive au sein dune famille dun enfant handicap a ncessairement une incidence sur le mode de vie de celle-ci et sur le parcours professionnel des parents. Il nest pas rare quau moins lun des deux rduise voire cesse toute activit professionnelle pour soccuper de lenfant. Le parent concern bnficie dans ce cas dun complment de lallocation dducation de lenfant handicap32 dont le montant est gradu en fonction des dpenses relles engages et/ou du renoncement tout ou partie de lactivit professionnelle.

    Quand bien mme lautre parent continue travailler temps plein, sa carrire est galement affecte (renonciation des opportunits ). La plupart des parents qui rduisent ou cessent leur activit pour lever leur enfant handicap sont des femmes. Selon le rapport 2011 de la Caisse nationale de solidarit pour lautonomie (CNSA), pour 82 % des enfants handicaps de 5 24 ans, laidant principal est la mre, cet investissement produisant plusieurs effets :

    - une vie sociale rduite la sphre familiale ou amicale du conjoint ;

    - une absence ou une insuffisance de revenus propres interdisant tout choix de rupture et obrant la future retraite ;

    - une professionnalisation du rle ducatif pour faire face aux besoins de rducation quotidienne et pallier le dfaut daccueil dans des structures de la petite enfance ou scolaires classiques ou spcialises.

    Ainsi, en dpit du droit la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents handicaps, ouvert par la loi du 11 fvrier 2005 pour lgalit des droits et des chances, la participation et la citoyennet des personnes handicapes, on dnombrait encore, en 2008, 13 000 enfants sans solution ducative (ni cole ordinaire, ni accompagnement spcialis).

    Le manque de rponses institutionnelles adaptes en termes de proximit, souplesse, prcocit de la prise en charge, continuit et qualit, conduit ds lors ces mres exercer le rle daidant pendant toute leur vie : de la naissance la mort de leur enfant. Le stress, lisolement social, la fatigue, qui en rsultent, entranent souvent un puisement de laidant(e), prjudiciable sa sant comme la qualit de sa relation avec lenfant.

    Lorsque certaines femmes dcident de poursuivre une activit professionnelle, leur carrire est nanmoins freine : comment partir en formation ? Comment accepter des horaires dcals quand la prise en charge de lenfant nautorise aucune souplesse ni aucune alternative ? De plus, il nest pas rare que les professionnels accompagnants fassent pression et expliquent la mre combien il serait souhaitable quelle consacre plus de son temps son enfant.

    Au bouleversement familial engendr par la naissance dun enfant handicap sajoutent le sentiment de culpabilit des parents et des risques accrus de prcarit conomique,

    32 Toute personne qui assume la charge dun enfant handicap de moins de 20 ans a droit une allocation dducation de lenfant handicap si lincapacit permanente de celui-ci est :

    - gale ou suprieure 80% ; - ou comprise entre 50 % et 80 % sil frquente un tablissement denseignement adapt ou si son tat exige le

    recours un dispositif spcifique daccompagnement ou de soins. Au 1er avril 2012, le montant de lallocation principale slevait 128 euros mensuels. Le complment maximum, au cas o le handicap contraint lun des parents nexercer aucune activit

    professionnelle ou recourir une tierce personne rmunre temps plein, stablissait 1060 euros mensuels auxquels sajoute une majoration de 427 euros si le parent est isol.

  • FEMMES ET PRCARIT 33

    financire et sociale notamment disolement : nombre de couples ne rsistent pas cette preuve ( titre indicatif, selon les associations, 80 % des parents dun enfant autiste se sparent) et lventualit de recrer une nouvelle cellule familiale est infime pour une mre levant seule son enfant handicap.

    Pour compenser ce dsavantage social manifeste, Mme Aliette Gambrelle, lors de son audition, a soulign la ncessit de dfinir un vritable statut de laidant, tenant compte de lampleur et de la dure de laide apporte mais aussi de son ge et de sa situation professionnelle et familiale. Un tel statut permettrait ainsi une meilleure reconnaissance de ces acteurs (trices), encore trop invisibles, de la rponse aux besoins des handicaps.

    Avoir la charge dun parent g dpendant

    75 % des aidants familiaux sont des femmes dont la moyenne dge est de 57 ans, ce qui signifie que beaucoup dentre elles cumulent aide au parent g et fin de vie professionnelle.

    Ainsi la prise en charge de la dpendance par les proches rvle et renforce les ingalits entre femmes et hommes avec, la cl pour celles-ci, une fragilisation conomique et des droits sociaux comme la soulign la contribution de la dlgation aux droits des femmes et lgalit, annexe lavis du Conseil conomique, social et environnemental, adopt le 15 juin 201133, sur La dpendance des personnes ges. Cet avis consacre dailleurs un volet au soutien et laccompagnement des aidants et prconise notamment dinciter les entreprises intgrer la question de la dpendance dans leur rflexion sur la conciliation vie professionnelle/vie familiale. Maintien de lactivit professionnelle des aidants grce des solutions ngocies damnagement du temps de travail et dveloppement du tltravail dans la mesure des possibilits, font partie des pistes envisages.

    * * *

    Si lemploi des femmes est une condition de leur indpendance et de leur autonomie, encore faut-il quil assure une insertion durable pour contrecarrer les risques de prcarisation.

    Seul laccs un emploi de qualit cre une relation stable au march du travail qui permet aussi de ne pas basculer vers la prcarit tout particulirement dans des circonstances de vulnrabilit accrue tels une rupture conjugale ou un veuvage.

    Or les caractristiques des emplois occups par de nombreuses femmes ainsi que leurs trajectoires professionnelles demeurent pnalisantes.

    Franoise Milewski, dont les travaux sur le sujet sont reconnus, a bien pris la mesure des enjeux :

    Si le temps partiel contraint permettait daccder au temps plein, si les contrats dure dtermine permettaient daccder aux contrats dure indtermine, si la faible qualification pouvait tre surmonte par la formation professionnelle et lvolution vers dautres mtiers, on sinterrogerait moins sur la prcarit.

    Cest bien en portant leffort sur chacun de ces facteurs quon parviendra endiguer la prcarit et au-del promouvoir lgalit entre les femmes et les hommes.

    33 La dpendance des personnes ges. Monique Weber et Yves Vrollet, rapporteurs. Avis du CESE, juin 2011.

  • 34 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Impact des situations prcaires tout au long de la vie

    Linfluence prjudiciable de la prcarit sur ltat de sant

    Lutter au quotidien contre la prcarit, lie notamment aux alas dune activit professionnelle marque par linstabilit et lincertitude du lendemain, engendre un profond sentiment dinscurit susceptible en tant que tel daffecter ltat de sant. Par ailleurs, dans nombre de cas, les conditions de travail elles-mmes sont pathognes mais dans toutes ces situations, leur faible niveau de ressources conduit les femmes concernes hirarchiser les priorits : se nourrir, faire face aux dpenses de la vie courante, constituent des proccupations majeures qui relguent au second plan le recours aux soins, a fortiori sil ncessite une avance de frais ou comporte un reste charge trop important.

    Un processus cumulatif est ds lors engag car des pathologies, non repres et/ou non traites, reprsentent un facteur supplmentaire de prcarisation pour les intresses lorsquelles seront ges et alors mme quelles disposeront de trs faibles pensions de retraite.

    Renoncement ou moindre recours aux examens de dpistage et aux soins

    Globalement, en France, lesprance de vie des femmes demeure en 2010 suprieure dun peu plus de 6 ans celle des hommes (84,8 ans contre 78,1 ans). Elles ont aussi une meilleure esprance de vie en bonne sant mme si lcart est plus rduit (64,2 ans contre 62,4 ans).

    Les ingalits sociales apparaissent galement moins marques pour elles que pour eux puisqu 35 ans lesprance de vie dune femme cadre nest suprieure que de 3 ans celle dune femme ouvrire alors que lcart est de 6,3 ans pour leurs homologues masculins34. Lcart desprance de vie sans incapacit entre les deux catgories est, quant lui, de 10 ans pour les hommes contre 6 ans pour les femmes.

    Cependant, quelle que soit la tranche dge, les femmes se peroivent toujours en moins bon tat de sant que les hommes : en 2010, 71 % des hommes gs de 18 ans ou plus sestimaient en bonne sant, contre 65 % des femmes. Pour les deux sexes, la perception ngative de ltat de sant crot avec lge et est fortement lie des situations sociales dfavorises, mais elle est toujours plus importante pour les femmes que pour les hommes.

    En dpit de ce ressenti, les intresses recourent moins aux examens de prvention et elles dclarent plus souvent que les hommes renoncer des soins, essentiellement pour des raisons financires.

    Ainsi, bien que le dpistage organis du cancer du sein sadresse toutes les femmes de 50 74 ans et quil soit intgralement pris en charge, celles disposant de faibles ressources

    34 Lesprance de vie saccrot, les ingalits sociales face la mort demeurent. Insee Premire n 1372 - Octobre 2011.

  • FEMMES ET PRCARIT 35

    ralisent deux fois moins de contrles par mammographie que les autres femmes dans la mme tranche dge. La gratuit de lexamen ne parvient donc pas lever tous les obstacles alors mme que les risques sont aggravs dans certaines situations.

    Une tude ralise par les chercheurs de lInserm dont les rsultats ont t publis en juin 2012 dans l International journal of cancer montre que le risque de cancer du sein est augment denviron 30 % chez les femmes ayant travaill de nuit par rapport aux autres femmes. Serait en cause une perturbation du rythme circadien (contrlant lalternance veille/sommeil) qui rgule de trs nombreuses fonctions biologiques et est altr chez les femmes travaillant la nuit ou ayant des horaires dcals. Or, au cours des vingt dernires annes, le nombre de femmes travaillant la nuit, occasionnellement ou habituellement, a doubl, passant de 500 000 en 1991 1 million en 2009.

    Dune manire gnrale, la pratique dexamens de prvention reste peu frquente chez les femmes les moins favorises. Ainsi, 12 % des femmes bas revenus, ges de 20 70 ans, nont jamais ralis de frottis permettant de dtecter les cancers du col de lutrus soit deux fois plus que dans le reste de la population35.

    Toutefois, contrairement la prvention du cancer du sein qui fait lobjet dun programme national gnralis lensemble du territoire, celle du cancer du col de lutrus relve dune dmarche individuelle la seule initiative du mdecin et de lintresse.

    A cet gard, ltude sur La sant des femmes en France rapporte par Dominique Hnon, en juillet 2010, avait soulign la ncessit dun accompagnement des femmes pour lesquelles la sant nest pas une proccupation prioritaire :

    Des actions dinformations spcifiques, relayes par les services sociaux et les associations de quartier qui constituent les meilleurs intercesseurs, pour venir bout des rticences culturelles, sont indispensables pour les sensibiliser la prvention et leur permettre daccder aux droits qui leur sont ouverts.

    Cest en soutenant et favorisant les structures qui crent du lien social de proximit que les temps de dpistage sinscriront naturellement sans crainte ni tabou dans les diffrents moments de la vie des femmes.

    Les enqutes Sant et protection sociale de lInstitut de recherche et documentation en conomie de la sant (IRDES) analysent, quant elles, rgulirement les diffrents paramtres du renoncement aux soins.

    Les dernires donnes, issues de lenqute ralise en 2008, montrent que 16 % des assurs sociaux rsidant en France dclaraient avoir renonc des soins pour raisons financires lors des douze derniers mois. Le renoncement est plus lev chez les femmes (18,5 %) que chez les hommes (12,3 %).

    Il est maximal entre 40 et 59 ans.

    Le non recours des soins dentaires (prs de 10 % des personnes interroges) est le plus frquemment cit, suivi des soins optiques (4,3 %) et des consultations mdicales (3,5 % - gnralistes et spcialistes confondus).

    Depuis leur instauration en 1999, la couverture maladie universelle (CMU) et sa complmentaire (CMU-C) ont toutefois nettement amlior le recours aux soins de leurs bnficiaires. La CMU-C fournit, sous conditions de ressources (661 euros mensuels pour

    35 La sant des plus pauvres. Thibault de Saint Pol. Insee Premire - n 1161 - Octobre 2007.

  • 36 ETUDE DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    une personne seule au 1er novembre 2012), une couverture maladie complmentaire gratuite aux personnes rsidant en France de manire stable et rgulire. En 2010, 4,3 millions de personnes en bnficiaient dont 56 % de femmes. Pour les personnes dont le niveau de ressources se situe au-del du plafond CMU-C, le dispositif de lAide lacquisition dune complmentaire sant (ACS) galement appele chque sant a t mis en place au 1er janvier 2005. Concrtement, les personnes dont les revenus ne dpassent pas de plus de 35 % les plafonds fixs pour la CMU-C (soit 893 euros mensuels pour une personne seule au 1er novembre 2012), peroivent un chque dont le montant varie selon lge des bnficiaires. Cette somme rduit dautant le prix du contrat dassurance souscrit auprs dun organisme complmentaire de leur choix. Le dficit dinformation sur le dispositif et la complexit des dmarches expliquent toutefois un taux trs lev de non recours. Le rle protecteur de la CMU-C a t confirm par plusieurs travaux rcents. Ainsi, selon une tude de la CNAMTS (caisse nationale de lassurance maladie des travailleurs salaris) publie en 201136 les trois-quarts des bnficiaires de la CMU-C nont pas eu de reste charge en 2010 mais une petite fraction est cependant confronte des sommes leves (270 euros pour 5 % des bnficiaires, prs de 440 euros pour 2,5 % dentre eux). Les personnes ayant un reste charge, quel que soit son montant, sont plus ges, majoritairement des femmes, plus souvent inscrites en affection de longue dure et elles ont