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231 Février 2012 [ La formation initiale ] LE FOND DE SAC

Février 2012 de sac - azimutetvous.eu · évidence, mais le jeune militaire, lui, doit tout apprendre. ... créés au sein de l’armée de Terre au cours de la dernière décennie,

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N° 2

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Fév

rier

2012

[ La formation initiale ]

le foNd de sac

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DOSSIER

LA FORMATION INITIALE

02.

P. 02 À 12

[ CFIM ]DEVENIR SOLDAT

[ ENSOA ]S’ÉLEVER PAR L’EFFORT

[ ESCC ]LA GRANDE ÉCOLE DU COMMANDEMENT

[ Les cadres ]DEVOIR D’EXEMPLARITÉ

[ Valeurs communes ]FAIRE CORPS

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LE FOND DE SAC[ La formation initiale ]

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enseignement et à permettre au jeune engagé d’acquérir les réflexes militaires. Elle développe également en lui les aptitudes fondamentales à l’exercice de son métier. Assortir les effets d’un treillis ou lacer ses rangers semble une évidence, mais le jeune militaire, lui, doit tout apprendre. Quel que soit le niveau de respon-sabilité auquel l’engagé volontaire est destiné à servir, la formation initiale est le tronc com-mun à tous les combattants. Du contenu à la durée des cours, tout est cadré. Le militaire est préparé techniquement et physiquement à l’engagement opérationnel et sensibilisé sur ses perspectives de carrière et à l’entretien de ses matériels. La connaissance des principes de défense, les traditions et l’ordre serré lui permet-tent aussi de trouver sa place dans l’institution et mieux comprendre son rôle de soldat dans la société. À l’école de la rusticité, la formation initiale est le fond de sac du combattant. Dans les CFIM, à l’école nationale des sous-officiers d’active (ENSOA), et aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (ESCC), comment fait-on passer les nouvelles recrues du civil au militaire ? Comment apprendre aux jeunes soldats à se situer dans l’institution et acquérir les actes élé-mentaires et actes réflexes du combattant ?

[ Valeurs communes ]FAIRE CORPS

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LES CENTRES DE FORMATION INITIALE

Mon objectif principal est d’avoir des soldats bien formés. Sur les théâtres d’opération, tous me disent que leur meilleure protec-tion, c’est leur formation et leur

préparation opérationnelle. La formation gé-nérale initiale, c’est le commencement de tout. Faisons que ce socle soit solide. » Pour le chef d’état-major de l’armée de Terre, l’instruction des soldats est au cœur des préoccupations. La formation initiale a vocation à dispenser un

LE FOND DE SAC

Nîmes ■ Carpiagne

■ Fréjus

■ Gap

■ Dieuze

■ Valdahon

Caylus■

Montlhéry■

Verdun■

Angoulême ■

Saint-Maixent ■ ■

Coëtquidan ■ ■

■ Bitche

Textes : LTN Eloïse ROSSI • Photos : ADC Jean-Charles THOREL, ADJ Arnaud KARAGHEZIAN, BCH Sabrina VINCENT, CCH Alexandre DUMOUTIER

La force de l’armée de Terre repose sur la qualité de ses soldats. Ils sont sa principale richesse et font l’objet de toute l’attention du commandement. Les efforts consentis par l’armée de Terre pour améliorer la formation initiale portent leurs fruits avec la création des centres de formation initiale des militaires du rang (CFIM), la refonte des contenus et l’implication forte des cadres de contact. Chaque catégorie de personnel a désormais son école pour dispenser les fondamentaux du métier de soldat, puis former aux différents niveaux de responsabilité.

■ ESCC : Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan■ ENSOA : École nationale des sous-officiers d’active■ CFIM : Centre de formation initiale des militaires

du rang

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04.

Contrairement aux grandes écoles de formation initiale, l’accès au CFIM n’est pas conditionné par la réussite d’un concours. L’acte d’engagement donne le ticket

d’entrée. Les engagés volontaires initiaux (EVI) s’engagent au titre d’un régiment, qu’ils rejoi-gnent au terme de leur FGI. Une semaine avant le départ en CFIM, l’incorporation est prise en compte par le corps, qui détache du personnel pour l’encadrement des sections. Les EVI et les VDAT sont formés durant trois mois aux missions primaires de l’armée de Terre, PROTERRE (pro-tection terrestre) et MICAT (missions communes à l’armée de Terre). La formation de spécialisa-tion initiale (FSI) a lieu après la FGI, en fonction de la spécialité ou du métier choisi par la re-crue. Pour le lieutenant-colonel Pascal Muller, chef de corps du CFIM de Dieuze, ces centres sont de formidables outils, qui uniformisent l’instruction au sein des brigades. « Comme les grandes écoles de formation initiale, les CFIM sont le creuset unique de la formation des mili-taires du rang et permettent une orthodoxie de l’instruction », reconnaît-il.

L’instruction dispensée au sein des centres de formation initiale des militaires du rang (CFIM) est aujourd’hui la même dans toute l’armée de Terre et conforme au besoin opérationnel. Cette formation générale initiale (FGI) de trois mois apporte aux engagés volontaires et aux volontaires de l’armée de Terre (VDAT) les outils nécessaires pour servir en unité élémentaire.

[CFIM]

devenir soldat

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la formation initiale

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Une formation progressiveLa règlementation des CFIM s’appuie sur les directives du CEMAT, du commandement des forces terrestres (CFT) et des brigades. Si la sélection des engagés volontaires et VDAT est faite en centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA), les CFIM ont pour vocation un accompagnement progressif dans la formation. Définie par l’instruction n° 953, « la formation initiale des militaires du rang a pour but de faire acquérir aux jeunes engagés, les savoir-faire fondamentaux du métier des armes et les savoir-être liés à l’état de militaire, en les intégrant progressivement au sein de la communauté militaire. » Le LCL Muller insiste : « Il faut commencer à leur niveau et les amener progressivement à celui qui nous intéresse. Il faut éviter les pertes en ligne. Au sortir du CFIM, le jeune doit être convaincu qu’il a fait le bon choix. Son comportement change. Il devient soldat, prend de la maturité, se déplace avec assurance. Au régiment alors de poursuivre la progressivité : le CFIM n’est qu’une étape. » Les trois mois de formation initiale en CFIM sont sanctionnés par l’attribution d’un diplôme qui donne le titre de ”soldat des forces terres-tres”. « Pour les CFIM, il n’y a pas de concours d’entrée, contrairement à l’ENSOA ou aux ESCC, donc la façon d’aborder la formation est fondamentalement dif férente. Il n’est pas question de les dégoûter au bout de quatre jours. Il faut leur donner envie. Ils sont venus chercher un métier. On doit être pédagogue et leur donner confiance en eux », déclare le lieu-tenant Gérald Bouchardon, du 40e régiment de transmissions.

mission UniqUeContrairement au régiment, en CFIM tous les cadres et services sont dédiés à l’instruction.

Aucune mission annexe ne parasite la forma-tion, permettant ainsi un meilleur rendement et une meilleure prise en compte des jeunes (rattrapage, cours supplémentaires, indivi-dualisation de la formation). L’encadrement des sections est alors totalement disponible durant la FGI, considérée comme une mission de courte durée (MCD). Le LTN Bouchardon précise : « Nous vivons en CFIM le rythme de travail d’une MCD. Mais il est plus facile d’y consacrer du temps qu’en régiment car, loin

des contraintes fa-miliales, les cadres sont disponibles à 100 %. » Pragma-tique, le LCL Muller explique : « Les CFIM sont les prestataires de service des régi-ments. Ceux-ci nous envoient des jeunes à former, nous leur renvoyons des sol-

dats. Nous mettons tout à leur disposition. » Comme pour confirmer ses propos, un comman-dant d’unité du 1er régiment de spahis est en vi-site au CFIM de Dieuze et vient faire un premier point de situation. C’est l’occasion de discuter avec ses jeunes recrues, attelées au nettoyage de leurs FAMAS, au retour de bivouac.

Une cUltUre brigade« Nos jeunes sont le reflet de la société actuelle et de leur génération. Ils ont le côté versatile et indécis de la génération zapping. Certains sont curieux et seront d’excellents soldats, d’autres partiront. Mais chacun a sa place dans nos rangs et une carte à jouer dans notre système », insiste le LCL Muller. Projetés dans un milieu in-connu, les engagés volontaires doivent acqué-rir les valeurs et les traditions militaires. Après deux mois de formation, l’EVI Kévin Restoux, transmetteur, partage son expérience : « Toutes les sections ont les mêmes épreuves, la même formation, au même endroit. Pour moi, c’est un gage de fiabilité. Il y a deux ans, j’ai dû interrompre ma FGI en régiment, pour raisons personnelles. C’était dif férent, car on se sentait comme des bleus, avec beaucoup de gens très expérimentés autour de nous. Ici, je parle avec des sections d’arme dif férente. Nous dévelop-pons une culture brigade. De la cérémonie du spahi en tenue, à la Sainte-Barbe avec les artilleurs, il n’y a qu’en CFIM que cette accul-turation est possible. J’ai 20 ans et un Bac pro. Je voudrais tenter le concours d’entrée à Saint-Maixent et évoluer dans l’institution. »

Un cUrsUs par étapes

« Les régiments nous envoient des jeunes à former, nous leur renvoyons des soldats. »LCL Pascal Muller.

le cfim de dieUzeAu nombre de 13, les CFIM assurent la formation de base des jeunes recrues des unités qui leur sont abonnées. Créé le 1er juillet 2011, le CFIM de Dieuze est le centre qui forme le plus d’engagés. Avec dix sections en formation, il est le seul CFIM formant corps. Parmi les rares organismes créés au sein de l’armée de Terre au cours de la dernière décennie, le CFIM de Dieuze a un fonctionnement équivalent à celui d’un régiment. Cette structure particulière est justifiée par son isolement géographique et ses capacités de formation supérieures aux autres CFIM. Sa première promotion d’EVI et de VDAT a pour parrain le soldat Marcel Barbary, né en 1914 qui s’est illustré lors de la seconde guerre mondiale. Il faut savoir que c’est le premier baptême de promotion d’EVAT au niveau national.

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Creuset unique de la formation des jeunes sergents, l’école nationale des sous-offi ciers d’active (ENSOA) a pour mission principale de faire acquérir un comportement de soldat et de chef, capable de commander, instruire, éduquer et animer un groupe de dix hommes.

[ENSOA]

Basée à Saint -Maixent - l ’École , l’ENSOA, maison mère des sous-officiers d’active et de réserve de l’armée de Terre, forme les enga-gés volontaires de recrutement ex-

terne et interne. Ces populations suivent des temps de formation dif férents. Issus du civil, les jeunes de recrutement direct bénéficient de huit mois de formation initiale. Depuis jan-vier 2011, la formation des semi-directs s’est élargie à quatre mois, pour développer la phase d’aguerrissement, l’ISTC 2 et les langues étrangères, conformément aux RETEX opéra-tionnels. L’ENSOA dispense la formation initiale des sous-officiers et leur permet d’acquérir les actes réflexes du combattant et du trinôme. Le général Frédéric Thuet, commandant l’EN-SOA, est intimement convaincu que la forma-tion initiale est essentielle. « C’est une des clés de la qualité de nos cadres. L’encadrement doit donner le meilleur. Le cœur de l’école doit bat-tre au rythme des forces. C’est une question de

pulsation. Cette compétence est enviée par nos collaborateurs internationaux sur les théâtres d’opération », déclare-t-il.

FORMER DES PÉDAGOGUESPour les 1 100 stagiaires présents au quotidien, 350 cadres sont dédiés à la formation, représen-tant plus de 64 % des effectifs de l’école. Chaque section bénéficie de trois cadres de contact, qui sont les interlocuteurs privilégiés des engagés volontaires sous-officier (EVSO). Cet encadre-ment est composé du chef de section, de son adjoint et d’un formateur. L’adjudant Sandra Lemercier, référent sport, travaille sur le par-cours d’obstacles et développe la gestuelle auprès de la 122e section de semi-directs, sur le site de “Panier Fleury”. « En tant que moniteur de sport, nous entraînons les EVSO pour réaliser les meilleures perfor-mances physiques. Mais la seconde partie de notre travail consiste à former des pédagogues afin qu’à leur tour, en sortant de Saint-Maixent,

DOSSIER

LA FORMATION INITIALE

06.

S’ÉLEVER PAR L’EFFORT1

1 Devise de l’école nationale des sous-officiers d’active.

2 Instruction sur le tir de combat.3 Un élève sous-officier est issu du recrutement semi-direct.

Ci-dessus : instruction

sur le parcours d’obstacles.

Ci-contre :

séance d’ISTC.

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ils puissent conduire des séances de sport », précise-t-elle. Plus qu’une formation initiale, l’ENSOA forme des chefs au premier niveau de commandement. Le savoir-faire technique indispensable tend alors à n’être qu’un outil du savoir-être. L’ESO3 John Cassin, semi-direct, suit sa formation à l’ENSOA depuis trois mois. Fort d’une expérience de militaire du rang, il reconnaît : « Les cadres n’attendent pas de nous la même chose que d’un EVAT. Le rythme est dense. La formation se concentre sur le com-mandement. Pour des semi-directs, la difficulté est de trouver leur place de retour au régiment et de commander les caporaux-chefs qui les ont formés. »

Les outiLs pédagogiques« L’atout principal du chef est de savoir tirer les avantages de chacun et d’utiliser le po-tentiel de ses hommes. » Le sergent-chef Denis Fargeot, d’origine semi-directe, a rejoint l’enca- drement de Saint-Maixent trois ans après sa

sortie d’école. Proche des EVSO, il comprend leurs appréhensions : « Je ne me suis considéré comme sergent qu’après une année en régiment. En tant que semi-di-rect, c’est dif ficile de passer la main, au début. Puis on délègue et on se rend compte que ça fonc-tionne mieux. Passer du grade de caporal à celui de sergent et commander d’anciens caporaux-

chefs n’est pas si dif ficile. Il faut le faire en bonne intelligence et rester humble. Mais cette appréhension est saine, c’est un bon moteur. »

Puisque savoir se comporter, c’est conserver sa ressource, la formation au comportement militaire est prioritaire. Lors du constat final, sanctionnant le certificat militaire de premier degré, les EVSO sont évalués sur une « épreuve éducateur » pour juger de leur aptitude à être chef. Devant un jury, ils « piochent » un cas concret de discipline, visionnent une vidéo de la scène et présentent leur réaction à chaud, puis à froid. Être éduqués et faire à leur tour de la pédagogie en quelques mois, telle est l’ambition de Saint-Maixent pour ses jeunes. Résolument tournée vers l’aptitude à former des subordonnés, l’ENSOA est le trait d’union entre les officiers et les militaires du rang. Le jeune sous-officier doit savoir encadrer des soldats en s’appuyant sur la maîtrise des outils péda-gogiques et des textes de référence. « Avec six ans de service, j’ai participé à l’encadrement de deux CFIM, mais aujourd’hui l’ENSOA m’ap-porte une maîtrise de la pédagogie militaire, indispensable à la formation des plus jeunes », reconnaît Jonathan Lauhea, EVSO en constat final sur « l’épreuve éducateur ». Phénomène propre à Saint-Maixent, une section d’élèves en instance de raccrochement à une promotion (IRP) est constituée pour les blessés qui doivent interrompre momentanément leur formation initiale. « Dès qu’ils se rétablissent nous les réinjectons dans de nouvelles sections pour qu’ils achèvent leur instruction. Nous ne faisons pas de la sélection mais de la formation. Nous devons conserver les effectifs et respecter la démarche et la motivation de l’engagé volon-taire sous-officier, pour l’amener au bout de son rêve », précise le général Thuet.

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Au terme des deux premiers mois d’instruction, les directs reçoivent le certificat militaire élémentaire (CME) qui reconnaît leur aptitude à commander un trinôme. La qualification chef de groupe s’acquiert au terme de la formation, par le certificat militaire de 1er degré (CM1) et représente 80 % des actions de formation. Le certificat technique du 1er degré (CT1) est obtenu dans les écoles d’application ou en régiment. Le cumul du CT1 et du CM1 permet la délivrance du brevet de spécialiste de l’armée de Terre (BSAT) et de fait, l’attribution des galons de sergent. Près de six ans après le BSAT, le jeune sergent a la possibilité de passer son brevet supérieur de technicien de l’armée de Terre (BSTAT) et devenir chef de section.

un cursus par étapes

Le cœur de l’école doit battre au rythme des forces. C’est une question de pulsation. » GBR Frédéric Thuet.

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DOSSIER

LA FORMATION INITIALE

08.

Creuset unique de la formation ini-tiale des officiers, les ESCC forment des chefs militaires, quelle que soit la durée de leur engagement, leur origine (directe ou semi-directe),

leur statut (active ou réserve) ou encore leur future spécialité (encadrement, technique ou administration). L’instruction s’appuie alors sur trois piliers : la formation académique, militaire et humaine.Outre le savoir-faire du chef de section dispensé aux écoles, l’élève-officier (EO) développe son goût de l’étude et de la curiosité intellectuelle, pour anticiper sa deuxième partie de carrière. Les partenariats avec les grandes écoles fran-çaises et étrangères, les stages à l’international et les rencontres d’experts contribuent à la qualité de l’enseignement. Le colonel Christian Thiebault, commandant en second des ESCC, précise : « Nous formons des officiers capables de comprendre, sans avoir toutes les don-nées. Nous développons leur intelligence de situation et leur ouverture d’esprit. Ils devront faire preuve de courage intellectuel et susciter

l’adhésion par leur force physique et mentale. » Responsabilisés très tôt, les EO s’exercent au commandement. Le colonel Francis Chanson, directeur des formations d’élèves et de l’ensei-gnement, présente les méthodes d’enseigne-ment : « Ils sont mis régulièrement en situation de commandement, passent à tour de rôle élève de jour et mènent des projets ambitieux. Ils ont des échéances fortes avec un classe-ment à chaque fin de semestre et de grands rendez-vous, comme les brevets para, haute montagne ou commando 4. Parallèlement, une discipline militaire stricte est appliquée par mesure d’exemplarité. »

DEVENIR DES CHEFSPour les élèves de recrutement direct, trois semaines sont consacrées aux fondamentaux, puis ils sont formés comme chef de groupe et chef de section. « Les jeunes sont très réceptifs mais partent de zéro. Il faut bien doser la ma-nière dont on transmet les savoirs. Je les oblige à tenir un journal de bord pour conserver la culture de l’écrit. Ça leur permet de prendre du recul sur l’enseignement. Cette méthode permet d’ancrer ces jeunes dans le réel et de faire mûrir leur réflexion. Nous devons former des pédagogues, car ils formeront les hommes qu’ils mèneront au combat », explique le lieu-tenant-colonel Hervé Wallerand, commandant le 3e bataillon de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr. Pour les promotions de l’école militaire interarmes (EMIA), de recrutement semi-direct, l’exercice de mise en situation de

LA GRANDE ÉCOLE DU COMMANDEMENT

[ ESCC ]

Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (ESCC) forment de jeunes offi ciers aptes à mener des hommes au combat. Elles visent l’excellence pour répondre aux trois grands dogmes de son enseignement : discerner dans la complexité, décider dans l’incertitude et agir dans l’adversité.

Ils s’instrui-sent pour vaincre. » Devise de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr.

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commandement constitue un axe de travail prioritaire. Alors que le fond de sac de la for-mation initiale est acquis, la dif ficulté pour ces anciens sous-officiers est de se projeter comme chef de section. L’élève-officier d’active (EOA) Benoît Vicainne est issu de la Sécurité civile. Simple sapeur puis sous-officier, il souhaite ac-céder à un niveau de responsabilité supérieur. « L’of ficier doit se référer à ses sous-officiers qui sont des techniciens. Le paraître à aussi beau-coup d’importance pour af firmer physique-ment sa crédibilité. L’officier doit d’abord être exigeant avec lui-même. Sa première image doit être irréprochable. »

UNE MIXITÉ FAVORISÉESi l’aguerrissement et le temps de maturation sont dif férents entre les officiers de carrière et les officiers sous contrat, la base est commune. Le COL Thiebault se réjouit de cette mixité : « La qualité des compagnies de combat en OPEX est due à la diversité du recrutement de nos of-ficiers. Les origines s’équilibrent et font la force du commandant d’unité. »Tout comme la diversité des élèves formés aux écoles, cette diversité se retrouve dans l’en-cadrement et favorise l’ouverture d’esprit des élèves-officiers. « Issus de l’EMIA ou encore des OAEA5, mes cadres sont expérimentés et de parcours différents. Chaque exercice est mis en parallèle avec une expérience du terrain pour donner plus de profondeur à l’instruction », poursuit le LCL Wallerand. Le lieutenant Pierre Antonetti est officier rang et chef de section

également appelé « vorace 6 » à l’ESM 3. Rare officier à ne pas être passé par Coëtquidan, il appuie son instruction sur des témoignages opérationnels. « Je veux être pédago avec les jeunes comme je l’étais avec ma section à Vannes. En 20 ans de service, j’ai formé beau-coup de soldats, de l’appelé à l’engagé. Je sais ce que le régiment attend d’eux en sortant. C’est leur charisme naturel qui fera adhérer leur section. » L’EO Simon Leleu, 22 ans, appré-cie cette acculturation indispensable au futur exercice de ses fonctions : « Notre lieutenant a connu les soldats, et l’a été lui-même. Il nous explique comment dialoguer avec ses hom-mes, comment les motiver et améliorer leur quotidien pour conserver leur adhésion. » Dans le couloir des chambrées, le LTN Antonetti a dé-coupé l’In Memoriam d’un magazine militaire, précédé de la mention « Ils sont allés jusqu’au bout de leur engagement – Bazar 7 Méditez ! »Devant la photo des cercueils alignés aux Invalides, il se justifie : « Tous les chefs de sec-tion abordent le sujet à leur manière. Il n’y a pas que le champagne, le prestige et les gants blancs. Je tiens à ce qu’ils voient la réalité de leur engagement. »

4 Centre d’entraînement en forêt équatoriale (CEFE), centre national d’entraînement commando (CNEC)…

5 Officier d’active des écoles d’armes.

6 Nom traditionnel des commandants d’unité et des chefs de section à l’encadrement des promotions de Saint-Cyriens.

7 Nom traditionnel donné par leurs aînés, aux élèves de Saint-Cyr en première année.

Les élèves-offi ciers accèdent aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan par concours. Après deux années de préparation aux grandes écoles, un étudiant peut intégrer l’école spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM), pour une scolarité de trois ans, aboutissant au master de Saint-Cyr. L’école militaire interarmes (EMIA) recrute parmi les sous-offi ciers et engagés volontaires de l’armée de Terre. Une licence sanctionne cette formation de deux ans. L’école d’administration militaire (EAM) assure, quant-à elle, la formation initiale d’application et de spécialisation des commissaires et des offi ciers du corps technique et administratif. Le 4e bataillon, dit « école des stages courts », forme majoritairement des offi ciers sous contrat (spécialistes, encadrement et pilotes), des polytechniciens ou encore les offi ciers de gendarmerie ou de réserve.

UN GROUPE D’ÉCOLES

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DOSSIER

LA FORMATION INITIALE

10.

DEVOIR D’EXEMPLARITÉ

[ Les cadres de contact ]

Il y a un jeu de mimétisme. Par capillarité, on veut ressembler au cadre qui com-mande. C’est informel, mais bien réel », explique le lieutenant-colonel François Herbourg, éducateur au comportement

militaire à l’ENSOA. « Mon premier chef de section m’a marqué, comme un pli au fer à repasser. Quant à mon premier CDU, c’est lui qui m’a poussé à préparer le concours d’officier. J’ai toujours en mémoire mes anciens chefs en situation de commandement. J’ai repris quelques expressions marquantes, mais je me suis plus inspiré de leur savoir-être. » Marqué au fer rouge par les primo-formateurs, chacun tend à reproduire sciemment ou non, l’image d’un instructeur charismatique. Le maréchal-des-logis Pierre Lacoste sert au 1er régiment de spahis. Actuellement à l’encadrement en CFIM, il a quitté Saint-Maixent deux ans auparavant. « Il faut marquer les esprits des élèves. Je ne marquerai pas tout le monde de la même façon, mais je pense que cela conditionne une carrière. Je me suis souvent identifié à mon SOA. J’ai toujours voulu lui ressembler. Il était sanguin, et charismatique. C’était un vieux sergent-chef. Il

me donnait beaucoup de conseils. Il est devenu mon parrain et m’a remis mes galons. » Le CDT Bertrand Peytavin, CDU au 3e bataillon de l’éco-le spéciale militaire de Saint-Cyr, se souvient de sa vision de l’encadrement : « Mon premier CDU commandait avec beaucoup de hauteur. Il avait beaucoup d’esprit. Le CDS était celui à qui nous voulions tous ressembler. Le SOA était la figure du soldat, celui qui représentait le plus l’armée de Terre, avec un langage direct. On avait aussi un officier rang à l’encadrement. Avec son parcours de sous-officier, il représen-tait pour nous l’image du guerrier. »

LA FORMATION DES CADRESLa FI participe à la formation des cadres par des stages obligatoires, garde-fous du commande-ment. Alors que les instructeurs s’investissent dans la formation des jeunes soldats, le soutien d’un observateur spécialiste de la formation au comportement militaire (FCM), ayant du recul sur la situation, devient primordial. L’adjudant-chef Stéphane Schmitz est formateur au com-portement militaire en CFIM. Il dispense une formation d’une semaine à tout l’encadrement

Nous ne sommes ni plus ni moins que la somme de tous nos chefs. » LTN Gérald Bouchardon.

Si la qualité de la formation initiale (FI) est intimement liée aux compétences militaires, humaines et pédagogiques de l’encadrement, les instructeurs ont un devoir d’exemplarité. Du commandant d’unité (CDU), au sous-offi cier adjoint (SOA), en passant par le chef de section (CDS), le savoir-être des premiers cadres de contact conditionne la vision du chef de chacun.

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LTN GÉRALD BOUCHARDON DU 40e RT, CHEF DE SECTION EN CFIMLe lieutenant Gérald Bouchardon, du 40e régiment de transmissions, évoque son premier chef : « Il était du pays basque, je m’en souviendrai toute ma vie. Il avait un fort tempérament et l’accent du sud-ouest. Il était aspirant, appelé du contingent. Il avait du charisme. On a tous une idée bien arrêtée du chef qu’on doit être, mais nous ne sommes ni plus ni moins que la somme de tous nos chefs. Lorsqu’on est chef, notre vie ne nous appartient plus. On pense que le subordonné est au service du chef mais c’est l’inverse. Le chef doit être exemplaire, disponible et être toujours devant. Avec l’évolution de la société, le chef est aussi le repère et le guide pour les nouvelles générations. Il doit savoir répondre à tout. » Il conclut : « Parmi les cadres que nous formons se trouvent nos chefs de demain. »

TÉMOIGNAGE

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des sections. « Nous travaillons essentiellement la pédagogie et la façon de monter les séances. Les cours doivent être attrayants et le jeune doit avoir envie d’écouter. Si les jeunes engagés ont désormais l’autorisation de mettre les mains dans les poches par grand froid ou s’asseoir durant l’attente d’un exercice, c’est que la priorité du formateur est de donner les outils né-cessaires pour servir en unité élémentaire. Cela fait partie des changements pédagogiques. » De même, les revues d’armoires répétées, les réveils nocturnes intempestifs ou les claques de bon fonctionnement ne sont plus à l’ordre du jour. À Coëtquidan, le COL Chanson insiste : « Nous transmettons des valeurs et des messa-ges en développant l’engouement des jeunes et en suscitant la cohésion. Nous ne devons pas les braquer, mais les former intelligemment. »Parce qu’on ne naît pas pédagogue et qu’on apprécie son chef à sa droiture, ce stage d’une semaine reprend les fondamentaux : que dois-je apprendre à mes soldats et comment faire passer les messages ? Aujourd’hui les exercices dynamiques sont préférés aux cours magis-traux. « Les mises en situation sont primordiales. En termes d’apprentissage du commandement, on est en phase avec Saint-Maixent, quand on veut former des chefs militaires », confirme le chef d’escadron Jean-Marc Sapet, instructeur en FCM aux ESCC.

LES ATOUTS DE LA FCMÀ Dieuze, la FCM est considérée comme la mise en condition avant projection de la formation initiale. Tous les cadres sont systématiquement

formés. « Sur quatre mois au CFIM, 140 offi-ciers, sous-of ficiers et gradés qui appartien-nent à deux brigades, la 1re brigade mécani-sée (1re BM) et la brigade de transmissions et d’appui au commandement (BTAC), sont déjà formés. Ils sont en immersion positive, car ils rentrent au régiment avec une perception nou-velle de la formation des engagés », se réjouit le LCL Muller. Le lieutenant Denis Boucherie, chef de section au CFIM, revient aux fondamentaux, après 29 ans de service. « L’encadrement en FGI permet de revenir au TTA8 école et au règlement militaire. Cela permet de reprendre la bonne parole, ce qui est excellent pour mes jeunes ca-poraux qui se préparent pour Saint-Maixent. »Si une mutation à l’instruction représente une pause régimentaire, le capitaine Benoît de Place, chef de section à l’EMIA, n’y voit que des avantages : « Je n’étais pas volontaire, mais mon expérience dans l’infanterie et en Afghanistan, correspondait au besoin. J’ai passé des tests psychologiques, puis des entretiens. Cette pause régimentaire est vue comme un atout dans une carrière, car c’est reconnaître une capacité de formateur. Puis, lorsque je retournerai en régi-ment pour commander ma compagnie, je re-trouverai les chefs de section que j’ai formés. »

8 Textes réglementaires toutes armes.

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TIM 231 — DOSSIER — FÉVRIER 2012

12.

Si pour certains jeunes l’engage-ment militaire apparaît comme une évidence, pour d’autres pous-ser la porte d’un CIRFA concrétise une quête de valeurs. En forma-

tion au CFIM de Dieuze, l’EVI Loïc Mazurier a 19 ans et a choisi de servir au 53e régiment de transmissions. « En m’engageant je cherchais de la cohésion et du respect. Avec les exercices, les liens se resserrent dans la section et on ne laisse personne derrière soi. Malgré la densité

du rythme et la fatigue, je me sens devenir quelqu’un de bien. Je veux être utile en exerçant un métier qui a du sens », avoue-t-il avec fierté. Sur le terrain, son chef de section inculque les fondamentaux et la cohésion par une séance de mé-thode naturelle. Au programme, passage d’obstacles hauts avec charge, brancardage et exercices collectifs.Puisque rares sont les métiers qui

permettent de développer les rapports hu-mains, l’EOA Paul Pilleri, 25 ans, voulait fuir une société trop cloisonnée. En formation à l’EAM à Coëtquidan, il raconte : « La première semaine est très dense. On doit apprendre à se compor-ter. Ne pas dire ”bonjour monsieur”, comme

Plus qu’un simple métier, les jeunes sont en recherche d’une vie trépidante et veulent faire partie d’un tout. Des premiers frissons lors de la remise de bérets à la première cérémonie des couleurs, les sections défi lent en chantant et portent haut le sens de l’engagement transmis par les anciens.

[ Les valeurs communes ]

FAIRE CORPS

Je me sens devenir quelqu’un de bien. Je veux être utile en exerçant un métier qui a du sens. » EVI Loïc Mazurier.

on nous l’a toujours appris. Quand on vient du civil, ce n’est pas évident. Les semi-directs nous aident, avec cette pédagogie qui vient déjà de Saint-Maixent et de leur expérience militaire. Il faut donner une bonne image de soi. Lever la tête lorsqu’on marche au pas et être fier de son uniforme. Ce n’est pas une attitude naturelle dans le civil. Ici, les rapports entre les personnes sont simples. Une des vertus de l’officier réside en la qualité de l’énonciation d’ordres clairs et concis. Je veux appartenir à un corps et être fier de mon métier. »

AU-DELÀ DES LIMITESParce que les jeunes engagés attendent une rupture, ils veulent se dépasser physiquement et mentalement. L’EVSO Florian Abattista achè-ve ses deux premiers mois de formation militaire à Saint-Maixent et livre ses premiers constats : « La rusticité, c’est ce qui change le plus du civil. Après une période de manœuvre, on est heu-reux de rentrer. On apprécie d’autant plus les plaisirs simples. Sur le terrain pas de portable, ni de cigarette. On ne pensait pas pouvoir s’en passer. On oublie la télé, on est déconnecté du monde extérieur. On vit un peu en huis-clos. Ici, on a tous découvert que les journées faisaient 24 heures, mais le temps passe vite. »Qu’on s’étonne de sa capacité d’adaptation ou qu’on se révèle en faisant des choses dont on se croyait incapable, la formation initiale reste le tremplin d’une carrière militaire. Quelle que soit sa motivation initiale, attiré par l’uniforme ou une carrière ascensionnelle, le jeune en-gagé adhère et s’approprie les fondamentaux. Le lit en batterie ou au carré, les travaux d’in-térêt général, la marche au képi, le baptême de promotion ou le cri section sont autant de souvenirs fédérateurs, communs à tous les mi-litaires. ●

DOSSIER

LA FORMATION INITIALE

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