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Une origine récente Maria Nowak dans « On ne prête (PAS) qu’aux riches » (Edition JC Lattès, janvier 2005) fait remonter l’origine du micro crédit à la fin du 19ème siècle avec la création de la première coopérative de crédit initiée en Rhénanie par F.W. Raiffeisen. Mais en réalité le véritable démarrage de la formule se situe au milieu des années 1970. Après quelques expériences assez désastreuses d’opérations menées par « le haut » (en général, dans le cadre de vastes programmes de modernisation de l’agriculture, notamment en Afrique, au moyen de dis- tribution systématique de prêts, sans tenir compte des besoins réels des paysans), le micro crédit a émergé, au contraire, d’initiatives de terrain menées sous l’impulsion d’acteurs locaux, le plus souvent bénévoles. Les bases du micro crédit ont été jetées en 1976 par un professeur d’éco- nométrie, Muhammad Yunus. S’étant intéressé aux villages qui entou- raient son université, il a découvert l’exploitation dont leurs habitants fai- saient l’objet de la part des usuriers. N’arrivant pas à convaincre les banques commerciales de s’engager, il décida en 1983, après quelques opérations pilotes réussies (dont les bénéficiaires étaient essentielle- ment des femmes), de créer sa propre structure la Grameen Bank (ou « banque des pauvres »). Celle-ci connut immédiatement le succès. Il ne s’est pas démenti depuis, malgré une crise en 1998 consécutive aux inondations qui ravagèrent le Bengladesh à cette époque. Aujourd’hui la Grameen Bank, tout en continuant à distribuer des micro crédits auprès de plus de 3 millions de clients, a mis en place de nouveaux produits comme le Fonds de Retraite, forme d’assurance qui couvre notamment le risque de décès de l’emprunteur. Un développement soutenu S’appuyant sur la réussite de la Grameen Bank (la banque enregistre un taux de remboursement proche de 99 %), d’autres institutions de micro crédit ont vu le jour au Bengladesh même, mais aussi en Afrique, puis plus récemment en Europe centrale et orientale et même dans des pays développés comme la France, notamment avec la création de l’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE) en 1989. A ce jour, on estime à plus de 10.000 les organismes ou associations spé- cialisés répartis sur tous les continents. Les institutions de micro crédit comptent actuellement quelque 10 millions de clients actifs avec un encours qui atteignait déjà, à fin 2000, l’équivalent d’environ trois milliards d’euros. 1 Micro finance De quoi s’agit-il ? La micro finance est un outil particuliè- rement efficace de réduction de la pau- vreté, objectif prioritaire de la commu- nauté internationale depuis le lance- ment, en 2000 par l’ONU, des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Les Nations Unies ont d’ailleurs déclaré 2005 année internationale du micro crédit. Distribuée à l’origine exclusivement par des institutions spécialisées (associa- tions, coopératives, ONG…), cette for- mule s’adresse à des personnes à faibles revenus désireuses de dévelop- per une activité économique leur per- mettant de gagner leur vie, mais qui étaient, jusqu’à un passé récent, igno- rées par le secteur financier «clas- sique». Ces institutions spécialisées ont pro- gressivement étendu leur champ d’ac- tion à l’Europe post communiste et même aux pays développés comme la France, tout en élargissant leur gamme de prestations. Face à cet essor, un nombre croissant de banques commerciales et de com- pagnies d’assurance s’intéresse à ce marché. FINANCE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE CONTRIBUER AU RENFORCE - MENT DU LIEN SOCIAL Lutte contre l’exclusion et solidarité Micro finance Maîtriser la qualité est démarche perma- nente. Elle passe par le déploie- ment Une origine récente Un développement soutenu Du micro crédit à la micro finance L’implication croissante du secteur financier Références et liens internet Juin 2005 SOMMAIRE 9

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Maria Nowak dans « On ne prête (PAS) qu’aux riches » (Edition JC Lattès,janvier 2005) fait remonter l’origine du micro crédit à la fin du 19èmesiècle avec la création de la première coopérative de crédit initiée enRhénanie par F.W. Raiffeisen. Mais en réalité le véritable démarrage de laformule se situe au milieu des années 1970.

Après quelques expériences assez désastreuses d’opérations menéespar « le haut » (en général, dans le cadre de vastes programmes demodernisation de l’agriculture, notamment en Afrique, au moyen de dis-tribution systématique de prêts, sans tenir compte des besoins réels despaysans), le micro crédit a émergé, au contraire, d’initiatives de terrainmenées sous l’impulsion d’acteurs locaux, le plus souvent bénévoles.

Les bases du micro crédit ont été jetées en 1976 par un professeur d’éco-nométrie, Muhammad Yunus. S’étant intéressé aux villages qui entou-raient son université, il a découvert l’exploitation dont leurs habitants fai-saient l’objet de la part des usuriers. N’arrivant pas à convaincre lesbanques commerciales de s’engager, il décida en 1983, après quelquesopérations pilotes réussies (dont les bénéficiaires étaient essentielle-ment des femmes), de créer sa propre structure la Grameen Bank (ou « banque des pauvres »). Celle-ci connut immédiatement le succès. Ilne s’est pas démenti depuis, malgré une crise en 1998 consécutive auxinondations qui ravagèrent le Bengladesh à cette époque. Aujourd’hui laGrameen Bank, tout en continuant à distribuer des micro crédits auprèsde plus de 3 millions de clients, a mis en place de nouveaux produitscomme le Fonds de Retraite, forme d’assurance qui couvre notamment lerisque de décès de l’emprunteur.

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S’appuyant sur la réussite de la Grameen Bank (la banque enregistre untaux de remboursement proche de 99 %), d’autres institutions de microcrédit ont vu le jour au Bengladesh même, mais aussi en Afrique, puisplus récemment en Europe centrale et orientale et même dans des paysdéveloppés comme la France, notamment avec la création del’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE) en 1989.

A ce jour, on estime à plus de 10.000 les organismes ou associations spé-cialisés répartis sur tous les continents. Les institutions de micro créditcomptent actuellement quelque 10 millions de clients actifs avec unencours qui atteignait déjà, à fin 2000,l’équivalent d’environ trois milliardsd’euros.

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Micro financeDe quoi

s’agit-iil ?La micro finance est un outil particuliè-rement efficace de réduction de la pau-vreté, objectif prioritaire de la commu-nauté internationale depuis le lance-ment, en 2000 par l’ONU, des Objectifsdu Millénaire pour le Développement(OMD). Les Nations Unies ont d’ailleursdéclaré 2005 année internationale dumicro crédit.

Distribuée à l’origine exclusivement pardes institutions spécialisées (associa-tions, coopératives, ONG…), cette for-mule s’adresse à des personnes àfaibles revenus désireuses de dévelop-per une activité économique leur per-mettant de gagner leur vie, mais quiétaient, jusqu’à un passé récent, igno-rées par le secteur financier «clas-sique».Ces institutions spécialisées ont pro-gressivement étendu leur champ d’ac-tion à l’Europe post communiste etmême aux pays développés comme laFrance, tout en élargissant leur gammede prestations.

Face à cet essor, un nombre croissantde banques commerciales et de com-pagnies d’assurance s’intéresse à cemarché.

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Lutte contre l’exclusion et solidaritéMicro finance

Maîtriserla qualitéest unedémarchep e r m a -nente. Ellepasse parle déploie-ment de

Une origine récente

Un développement soutenuDu micro crédit à la microfinanceL’implication croissantedu secteur financierRéférences et liens internet

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C O N T R I B U E R A U R E N F O R C E M E N TD U L I E N S O C I A L

Cette situation a favorisé l’émergence de nouvellesinstitutions financières dans les pays en développe-ment où le secteur économique informel constituela plus grande source d’emplois (80 à 90 %) etdonc de revenus. Ainsi, fortes de leur expérienced’évaluation et de suivi des micro entreprisescréées par leurs emprunteurs, des organisations demicro crédit se sont structurées afin d’élargir leurgamme de services bancaires (cf. exemple deGrameen Bank ci-dessus). Outre les livretsd’épargne et la possibilité de virements bancaires,ces nouvelles entités proposent une large palettede produits pouvant aller des cartes de retrait auxprêts immobiliers en passant par l’assurance. Pource faire, elles abandonnent le statut associatif pourdevenir des banques à part entière à l’instard’Equity Bank au Kenya ou de la banque socialeéquatorienne Banco Solidario, qui compte plus de100.000 clients et enregistre un retour sur fondspropres proche de 20 %.

Des expériences du même type se développentdans d’autres régions du monde. Un exemple parmid’autres est fourni par le réseau des banques demicro finance unifiées depuis 2003 sous le nom de

ProCredit Bank. Ce réseau, qui comprend 10banques, couvre les Balkans et remonte à travers laRoumanie et la Moldavie jusqu’à l’Ukraine et laGéorgie. ProCredit Bank offre tous les services ban-caires : prêts aux micro entreprises et aux PME,mais aussi comptes courants, facilités de décou-vert, prêts à la consommation, transferts et change.

La France elle-même est touchée par ce phénomè-ne. On assiste à la montée en puissance d’orga-nismes à caractère financier dotés de statuts juri-diques variés (associations, sociétés coopérativesfinancières, sociétés de capital risque…) et dont lefonctionnement repose sur une forte proportion debénévoles. Leur vocation est de favoriser la créationd’activités par des personnes en difficulté ou desactivités socialement utiles. Le soutien passe pardes prêts (classiques, mais aussi prêts d’honneur),des prises de capital, des systèmes d’octroi degaranties…

Pendant longtemps le secteur financier “classique” s’est désintéressé du micro cré-dit, formule qu’il jugeait à la fois trop coûteuse en termes de gestion (malgré lamécanisation croissante des traitements) et trop risqué.

Micro finance

Du micro crédit à la micro finance

Par le passé, le financement s’effectuait principalement par les bailleurs de fonds à travers des dons etsubventions. Cette formule de financement est devenue de plus en plus limitée au regard de la croissancedes activités du secteur et de ses perspectives de développement : selon certaines estimations, en effet,la demande totale de micro crédit s’élèverait à 100 milliards d’euros.

Face à ce constat, les acteurs du micro crédit cherchent à diversifier leurs sources de financement. Tout enrationalisant leurs activités et en professionnalisant leurs modes d’intervention, ils se tournent de plus enplus vers le marché pour trouver les capitaux indispensables au développement de leurs activités.

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L’implication croissante du secteur financier

Ces transformations font prendre conscience aux banques commerciales de l’im-portance du secteur de la micro finance et elles cherchent désormais leur place.Leur contribution peut revêtir des formes plus ou moins impliquantes :

• Des actions de mécénat

• La banque octroie des dons pour soutenir lacréation ou le développement d’institutions demicro finance.

• Des partenariats techniques

• La banque prend en charge certaines fonctionspour le compte de l’institution de micro finance :partage ou location commune de locaux ; forma-tion ; fourniture d’outils ; mise à disposition depersonnels ; contrôle, …

• Des partenariats financiers

• La banque gère (et sécurise) l’épargne des insti-tutions de micro finance. Elle peut aussi prendreune participation à leur capital ou leur fairebénéficier de lignes de crédit ou encore agir entant que prêteur au profit de clients que luiadresse l’institution spécialisée. Celle-ci, qui agitcomme une sorte de référent social, se chargeen amont de constituer et de sélectionner lesdossiers de crédit et en aval d’assurer l’accom-pagnement de l’emprunteur, voire de mener àbien les opérations de recouvrement en casd’échéances impayées. Sachant qu’en la matière,l’action du banquier peut être freinée par desproblèmes de garantie, sauf à ce que les institu-tions de micro finance conservent le risque àleur charge en tout ou partie ou que la banquepuisse se reposer sur des fonds de garantie àl’instar, par exemple, de celui qui vient d’êtrecréé récemment par le législateur français etdont la gestion va incomber à la Caisse desDépôts (il existe aussi des fonds de garantiecréés à l’initiative d’institutions internationales).

Enfin, une autre forme possible d’interventionconsiste pour la banque à constituer un fondsd’investissement dédié pour attirer l’épargnedes investisseurs intéressés à placer des fondsdans ce secteur.

• L’intervention directe

• Il ne s’agit pas à proprement parler de partena-riat puisqu’ici, la banque intervient seule, éven-tuellement via une filiale spécialisée. Cette for-mule est pour l’instant la moins développée detoutes. En effet, elle est a priori la plus risquéeet la moins rentable car, spécifiquement pour laFrance, le taux de l’usure rend impossible la cou-verture des coûts.En outre, force est de reconnaître que lesbanques n’ont pas le savoir-faire des institutionsspécialisées, savoir-faire qui dans le domaine dumicro crédit est au moins aussi important quel’expertise technique.

• A l’image des banques commerciales en matièrede micro crédit, les grands assureurs marquentaussi un intérêt grandissant pour la micro assu-rance. Cet intérêt revêt notamment la formed’accords entre l’institution de micro finance,qui joue le rôle de détaillant et la compagnied’assurance, qui permet une mutualisation pluslarge du risque et une estimation plus précisedes cotisations nécessaires.

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Références et liens internetAssociation pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE)Association créée en 1989 par Maria Novak afin d’aider les personnes exclues du monde du travail à créerleur propre emploi, en adaptant à la France le principe du micro crédit. www.adie.org

Le réseau CeriseLe Comité d’Echanges, de Réflexion et d’Information sur les Systèmes d’Epargne-crédit (CERISE) est une plateforme d’échange sur les expériences et les savoir-faire en micro finance. Il fut initié en 1998 par quatreorganismes français travaillant en appui aux institutions de micro finance : le CIDR (Centre International deDéveloppement et de Recherche, Autrêches), le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en RechercheAgronomique pour le Développement, Montpellier), le GRET (Groupe de Recherche et d’EchangesTechnologiques, Paris) et l’IRAM (Institut de Recherches et d’Applications des Méthodes de développement,Paris). www.cerise-mmicrofinance.org/presentation/index.htm

France ActiveAssociation créée en 1998, elle fédère plusieurs fonds territoriaux qui garantissent des prêts bancairesconsentis à des entreprises à vocation solidaire. www.franceactive.org

France Initiative Réseau (FIR)Association créée en 1985 et organisée en réseau, elle a pour vocation de soutenir la création de petites entre-prises via des prêts d’honneur. www.fir.asso.fr

Grameen BankCréée en 1976 par Muhammad Yunus, la Grameen Bank est la banque des pauvres du Bangladesh.Aujourd’hui implantée dans divers pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique centrale. www.grameen-iinfo.org

Le portail micro financeSite Internet très complet d’information sur la micro finance, mis en place en juin 2000 et géré par leConsultative Group to Assist the Poor (CGAP) basé à Washington DC. www.lamicrofinance.org/

Microinsurance CenterCe centre a pour objectif de faire travailler en partenariat les institutions de micro finance (IMF) et les compa-gnies d’assurance sur l’élaboration de produits d’assurance professionnels pour des personnes à faible reve-nus. www.microinsurancecenter.org/index.cfm

OikocreditFondée en 1975 sous forme de société coopérative, l’Oikocredit accorde des crédits à taux privilégié à desgroupes de personnes défavorisées en Amérique latine, en Afrique francophone, en Asie et en Europe centra-le. Ses fonds proviennent d’églises et de particuliers. www.oikocredit.org

Planet FinancePlanet Finance est une organisation de solidarité internationale dont la vocation est de rassembler et de soutenir les institutions de micro finance (IMF). Elle travaille directement avec les IMF et les autres organisa-tions effectuant des opérations bancaires avec les personnes défavorisées et aide les banques à développerleur activité dans ce nouveau domaine. www.planetfinance.org·

Fiches associées

Cette fiche est illustrée par une sélection de bonnes pratiques mises en oeuvre par des acteursfinanciers en France et ailleurs. Elles sont répertoriées sur le site Internet : wwwwww..oorrssee..oorrgg

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Les fiches “Finance et développement durable” ont été élaborées sur la base des travauxdu Club Finance de l’ORSE.

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