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ET MAINTENANT ? FOLIO SYRIE : ET SI LA FOURMILIÈRE ÉCLATE ?

Folio n°8

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Magazine d'information et d'actualités

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ET MAINTENANT ?

FOLIO

Syrie : et Si la fourmilière éclate ?

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2 - Folio n°8 - Du 14 au 28 avril 2011

Rédactrice en chef : Marine Chapelle Secrétaire de rédaction : Nicolas Gil Maquettiste : Nicolas Gil Rédaction : Marie Aubazac, Coline Benaboura, Marine Chapelle, Nicolas Gil, Benoît Jacquelin, Claire Monnerat, Jérémie Nadé, Lauriane Rialhe, Natacha Verpillot.

Edito

« Rien n’est permanent, sauf le changement », disait le philosophe grec Héraclite. Et s’il y a bien un endroit dans ce monde où tout change, c’est en Syrie.

Il suffit de retourner trois ans en arrière, quand notre président Nicolas Sarkozy déballait le tapis rouge à Bachar El-Assad à la tribune officielle du 14 juillet en 2008. Un tapis rouge aussi vif que le sang de la répression qui perdure en ce moment de Homs à Alep… Véritable millefeuille com-munautaire avec ses multiples couches de religions, ce pays est potentiel-lement une « patissyrie » dangereuse. L’ordre instauré par une politique totalitariste a paradoxalement su maintenir un équilibre interreligieux.

D’un côté, les insurgés craignent la nouvelle loi anti-terrorriste dont les effets privatifs de libertés se substituent aux droits obtenus par l’abrogation de la loi d’urgence. De l’autre, les opposants à la dic-tature alaouite ne baissent pas les armes et ne sont pas dupes. El-Assad promet d’offrir la citoyenneté syrienne aux manifestants kurdes, mais ces derniers ont très bien compris que le gouvernement syrien cherche à les stigmatiser auprès des autres communautés en échange de ce cadeau empoisonné.

Autant dire que le Proche-Orient et l’Occident retiennent leur souffle, car si la fourmilière éclate, les conséquences économiques, politiques et religieuses agiraient bien au-delà des frontières syriennes. Même sa position géographique symbolise parfaitement son incapacité à être autonome et indépendan-te. L’islamisme guette la Syrie en crise. Sa proximité avec l’Irak inquiète la communauté internationale, qui sait pertinemment que c’est en temps de crise que les idéologies et les mouvements extrémistes viennent gangréner les esprits fragiles. Mais au final, qu’on soit en temps de guerre ou pas, le problème est le même partout.

On craint en Syrie la montée de l’islamisme, mais on craint aussi en Europe la progression de l’extrême droite, redoutant même un second  « 21 avril » lors des prochaines élections présidentielles en France…Alors, au lieu de toujours s’occuper de ce qui se passe ailleurs, on ferait peut-être mieux de veiller à ce qui sommeille chez nous…

Marine Chapelle

Une “patissyrie empoisonnée”

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A LA UNE

Depuis le début de l’année 2011, les mani-festations contre le gou-vernement de Bachar el-Assad se multiplient dans le pays. Zone-clé du Proche-Orient, un changement de régime aurait des conséquences non négligeables sur toute la région. Analyse et explications.

A lire page 4

FrancePrésidentielles 2012 : Vers un nouveau 21 avril ?A un an de la présidentielle, la montée en puissance du Front National fait rejaillir le spectre de 2002. Doit-on craindre de revivre un tel scénario ?........8

POLITIQUEAdieu République hongroise, bonjour “Hongrie”La nouvelle Constitution rati-fiée par le président hongrois devrait renforcer le pouvoir de la droite. Dans l’opposition, de nombreuses voix s’élèvent contre ce texte.......................12

SOCIÉTÉLa vague populiste déferle sur l’EuropeLa percée de l’extrême droite aux élections suédoises met en lumière un phénomène général en Europe : elle a le vent en poupe.....................................14

ECONOMIEDette islandaise : paiera, paiera pas ?Après un nouveau refus du peuple islandais de payer la faillite de la banque Icesave, l’avenir du pays reste encore très incertain........................16

ENVIRONNEMENTMarée noire : com-bat de coqs entre BP et ses prestatairesUn an après l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwa-ter Horizon, BP va payer un milliard de dollars de répara-tions. Mais ne compte pas le faire seul..............................20

MÉDIASInfluence Networks : liaisons dangereuses ?Nouvelle incarnation des mé-dias participatifs, la plateforme créée par le site OWNI.fr ra-vive la question de ces outils à manier avec prudence...........22

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ET MAINTENANT ?

FOLIO

Syrie : et Si la fourmilière éclate ?

Malgré la pression populaire, le président syrien Bachar el-Assad refuse de quitter le pouvoir / © DR

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RÉVOLUTION SYRIENNE :UNE IMPLOSION DANGEREUSE

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ajoritairement peuplée de sunnites, la Syrie est di-rigée d’une main de fer par un président alaouite. Au nord-est du pays, dans la

Djezireh, vit une population kurde. A cela s’ajoutent également des minorités chréti-ennes et druzes. On comprend pourquoi la communauté internationale redoute que le scénario du chaos irakien se répète en Syrie, véritable millefeuille communautaire. Il existe un risque considérable de déstabili-sation et le régime actuel sait pertinemment que sa politique autoritaire maintient un certain ordre et un équilibre religieux. En cas de chute du régime, des règlements de compte sont à prévoir puisque depuis une quarantaine d’années, le pouvoir appartient à la communauté alaouite privilégiée par la présidence, et la majorité sunnite, jusque-là marginalisée, pourrait parfaitement se venger d’une frustration latente. En effet, ce gouvernement tant controversé a tout

Un conflit propre à un pays hermétique. Un système mêlant autarcie politique et médiatique. Tensions religieuses étouffées jusque-là par la peur, influences des pays voisins et soutieninconditionnel au Hezbollah, la Syrie inquiète. Décryptage.

Par Marine Chapelle

RÉVOLUTION SYRIENNE :UNE IMPLOSION DANGEREUSE

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de même contenu les tensions re-ligieuses et empêché la persécu-tions des minorités, perçues par certains comme des privilégiés. Certes, elles ne détiennent pas le pouvoir mais sont protégées par le garde-fou que représente le gouvernement actuel. Loin d’être une politique menée d’une main de fer dans un gant de velours, Bachar el-Assad a tout de même retenu l’explosion d’une tension interculturelle étouffée par la peur du régime et empêché que le millefeuille ne soit réduit en une bouchée. C’est d’ailleurs son principal argument pour rester au pouvoir le plus légitimement possible. Pour affaiblir ses dé-tracteurs, il s’attaque aux « con-spirateurs » qui renforceraient le sectarisme. En effet, si le chaos devait s’installer en Syrie, l’Iran perdrait son principal allié dans la région. Quant aux États-Unis, à la tête de l’intervention militaire en Libye, ils obtiendraient seulement un conflit supplémentaire en plus de leur intrusion en Irak.

L’Irak rôde Même si le régime syrien actuel inquiète et laisse à désirer, l’après-Bachar el-Assad effraye. Le ré-gime en place est critiqué mais aussi bien connu, et rien ne fait plus peur que l’inconnu. Depuis la remise en question du pouvoir ces derniers temps, on assiste à une montée en puissance de l’islamisme. En effet, l’islamisme présent en Irak semble s’initier à la vie politique interne et « contamin-er » ce pays en pleine révolution. Écrasés en 1982 lors du massacre d’ Hama, les Frères musulmans regagnent peu à peu du terrain. Certes, le parti est interdit, mais il semble que son influence ne cesse de croître depuis trois ans. Un facteur géographique de taille ali-mente cette montée en puissance de l’islamisme en Syrie. L’Irak, pays voisin, favorise la reconstitu-tion clandestine de l’islamisme. La présence d’une insurrection iraki-enne de chaque côté de la frontière et l’afflux massif de réfugiés irak-iens a déstabilisé la Syrie : même

si la politique syrienne s’attarde à gérer les flux migratoires aux fron-tières syro-irakiennes, on constate clairement un début de gangrène, qui, si le régime actuel s’effondre, finira par renforcer la progression des islamistes.

Soutien inconditionnel du HezbollahL’axe syro-iranien est un moyen stratégique de taille : il supporte le Hezbollah, parti chiite libanais mené par Hassan Nasrallah, plus que jamais anti-israélien. En per-pétuelle progression depuis les an-nées 90, le Hezbollah est une des cartes du jeu que la Syrie se plait à brandir lors de conflits menaçants. Soutenir le parti permet à la Syrie de contrer l’influence pro-occi-dentale au Liban, un pays où elle a de nombreux intérêts politiques et économiques. La Syrie a donc tout intérêt à alimenter le Hezbollah qui agit comme son protecteur finan-cier et frontalier. Damas apporte au Hezbollah une aide surtout lo-gistique : la Syrie lui procure des camps d’entraînements pour ses combattants, lui autorise des tests de missiles sur son propre terri-toire, et de nombreux seigneurs de guerre iraniens transitent par son territoire sous son accord tacite et bienveillant. Autant dire que la Syrie est aux petits soins avec le Hezbollah et que ce dernier le lui rend bien. Une loyauté du Hezbol-lah envers la Syrie qui n’est pas prête de disparaître, même si le régime s’effondrait soudainement ou changeait en profondeur. Mais cette fidélité et cette loyauté, aussi fortes soient-elles, n’empêcheront pas cependant l’affaiblissement du Hezbollah si le régime syrien ve-nait à chuter. En effet, si la « belle » iranienne venait à ne plus irradier de son influence dans la région, alors le Hezbollah s’affaiblirait automatiquement en Syrie.

Géographiquement enclavée par ces pays voisins, la Syrie subit des pressions politiques, économiques et religieuses /

© DR

Evenement➢

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Face à l’absence des mé-dias sur place, les mani-festants syriens sont investis d’une mission :

informer le monde, via Youtube, Facebook ou Twitter. Témoigner des atrocités qu’ils subissent. Ils lèvent donc leurs téléphones portables et appareils photos dans la foule, et risquent leur vie pour faire le travail de la presse. Le mouvement de contestation du régime el-Assad a débuté le 15 mars à la suite d’un appel via une page Facebook intitulée « La révolution syrienne 2011 », incitant à des « manifestations pacifiques », dans un des pays les plus autoritaires du monde arabe.

Cyber-militants contre cyber-guerriers« Les médias syriens nous mentent ». Les manifestants de Deraa, Damas, Jassem ou Nawa n’accordent plus aucune crédibilité à leur presse na-tionale. On a voulu leur faire croire que les islamistes étaient à l’origine du mouvement dans le pays. On a voulu leur faire peur en affirmant qu’il y avait, parmi eux, des espions présents pour relever leurs iden-tités et les faire emprisonner. On les abreuve même d’images de corps déchiquetés, d’officiers de l’armée et de la police assassinés par les manifestants, et ce sans interruption sur la télévision d’Etat.Sur le modèle de la Tunisie et de l’Egypte, les internautes s’activent donc, et rassemblent les foules pour faire tomber le régime en place. Oui mais voilà, la Syrie, République hé-

réditaire depuis la prise de pouvoir de Bachar el-Assad le 10 juin 2000, après le coup d’Etat et les 29 ans de règne de son père, est aussi l’un des pays arabes au régime autocra-tique le plus répressif. Et ce n’est d’ailleurs pas par bonté de cœur que le gouvernement a nouvellement autorisé Facebook, mais bien pour mieux pouvoir y contrôler les activ-istes.

Les médias arabes protègent el-AssadLors de la destitution de Ben Ali et de Moubarak, Al Jazeera, la chaîne satellitaire de langue arabe, n’a pas manqué de se vanter du rôle qu’elle a joué en couvrant ces événements. Mais pas question pour elle de se montrer sur le terrain syrien : pro-mouvoir la chute du régime el-Assad, c’est affaiblir le Hezbollah et le Ha-mas, ces deux forces islamistes et anti-israéliennes, le Hezbollah étant la seule organisation autorisée par la Syrie à poursuivre, après 1991, la résistance armée à l’occupation israélienne du Sud-Liban. Et ce sont

ces mêmes raisons qui musèlent l’Arabie Saoudite et le Qatar sur la chaîne d’Al Arabiya : cette crainte d’un potentiel chaos post-révolution. Les Occidentaux se retrouvent bien seuls à soutenir la chute du régime de Bachar el-Assad pour protéger Israël.

Les médias occidentaux restent aux frontièresAprès six semaines de mouve-ments de contestation, on déplore plus de 400 morts et disparus. Et ce ne sont pas les médias oc-

cidentaux qui ont pu le constater. El-Assad a fait expulser les représent-ants de la plupart des médias étrang-ers. Le New York Times relate les événements depuis Le Caire, le Washington Post depuis Beyrouth.Seul Reuters a des correspondants à Damas. Reporters Sans Frontières a d’ailleurs averti, dès le mois de mars, que trois journalistes d’agence de presse avaient été interpellés, malmenés, et privés de matériel lors des manifestations de Deraa.Face à ce vent de censure, des per-sonnes comme Rami, Syrien en exil au Liban, se chargent de diffuser l’essentiel de l’information : dans Courrier International, il explique comment il fait la collecte de nou-velles par téléphone, chaque jour, auprès de son réseau, avant de la transmettre aux correspondants des organes de presse internationaux. Car sur place, le risque est important pour les informateurs, qui subissent arrestations et harcèlements, rapide-ment identifiés par la police secrète syrienne, les Mukhabarat.

La presse a déserté le terrain syrien. Et pourtant, il nous parvient des nou-velles du pays, en train de plonger dans une répression sanglante. Pour les médias du monde entier, la jeunesse syrienne est devenue source d’information. - Par Lauriane Rialhe

L’e-révolution syrienne

Photo prise avec un téléphone portable lors d’une manifestation / © AFP

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Folio n°7 - Événement- 4 Folio n°8 - France- 8

Présidentielles 2012 :Vers un nouveau 21 avril ?

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Présidentielles 2012 :Vers un nouveau 21 avril ?

e 21 avril 2002, Lionel Jospin, can-didat PS, se fait évincer de la course à la présidence au premier tour. Résultat, les Français n’ont d’autre choix que de réélire Jacques Chirac.

Un scénario qui a pris de court gauche et droite. Neuf ans plus tard, le cauchemar revient hanter les démocrates. Confrontés à la montée de Ma-rine Le Pen dans les sondages et à une multipli-cation des candidats, le monde politique est ef-frayé. En particulier la gauche, qui en garde un goût amer. De nombreux acteurs de gauche se mobilisent pour trouver des solutions politiques mais aussi constitutionnelles pour éviter que le scénario se réitère.

Kyrielle de candidatsLa liste des candidats ne cesse de s’allonger. En 2002, seize candidats se disputaient la prési-dence. Un nombre de prétendants jamais égalé à une élection présidentielle. Il y a neuf ans, ce trop-plein de candidats était, en partie, respon-sable de la qualification au second tour du Front

A un an de la présidentielle, la montée fulgurante du Front national et la prolifération des candidats de gauche et de droite font ressurgir un cauchemar vieux de neuf ans. Un nouveau « 21 avril » est-il à craindre ?

Par Natacha Verpillot

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FRANCEnational. A gauche, les candidatures déclarées et probables se multiplient. La primaire socialiste désignera son représentant en octobre. Une autre primaire devrait se disputer pour choi-sir le candidat d’Europe Ecologie-Les Verts, entre Nicolas Hulot et Eva Joly. C’est sans compter les deux ou trois candidats probables d’extrême gauche, notamment Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière et Olivier Besancenot pour le NPA. Côté communiste, le choix devra se faire entre Jean-Luc Mélan-chon et André Chassaigne pour porter les couleurs du Front de Gauche. Il fa-udra peut-être aussi compter sur Jean-Pierre Chevènement (MRC). Au total, six ou sept candidatures à gauche. A droite, l’éparpillement commence à se faire sentir. Ce qui pourrait se révéler dangereux pour Nicolas Sarkozy, à l’heure où le parti ma-joritaire, rassemblant la droite et le centre, vole en éclat. Si Jean-Louis Borloo n’a pas encore confirmé sa volonté de se présenter aux prési-dentielles, son départ de l’UMP est à l’origine de l’implosion de la majori-té. Dominique de Villepin représente également une autre menace pour le chef de l’Etat. En voulant offrir une alternative à l’électorat de droite, l’ex-Premier ministre risque de ral-lier une partie de l’électorat de 2007

de Nicolas Sarkozy. Si les clans cen-triste et villepiniste semblent être les deux plus gros obstacles de la famille du président, d’autres acteurs de la droite sont susceptibles de se présenter, tels Nicolas Dupont-Aignan et Chris-tine Boutin. Cette multiplication des candidats présente un risque élevé pour le parti socialiste et l’UMP. Ce manque de cohésion entre les partis pourrait être à l’origine d’un nouveau 21 avril, à l’endroit comme à l’envers, propul-sant au deuxième tour la présidente du Front national. Ce problème sem-ble d’autant plus urgent à résoudre que le PS et l’UMP ne parviennent pas à séduire l’électorat qui, de plus en plus, se désintéresse de ces poli-tiques qui ne les écoutent pas.

Droitisation à l’ElyséeNicolas Sarkozy a joué un rôle mani-feste dans l’ascension du Front nation-al. Ces derniers mois, l’Elysée n’a ces-sé de s’approprier les thèses frontistes comme l’immigration et l’insécurité. Le débat sur la laïcité organisé par l’UMP et la réduction de l’immigration légale annoncée par Claude Guéant en sont les exemples les plus récents. En “lepénisant” son discours, le chef de l’Etat propulse Marine Le Pen sur le devant de la scène. Stratégie ou mala-

dresse ? A la vue de l’impopularité de Nicolas Sarkozy, il est légitime de se demander si, se sachant perdant face au candidat socialiste au deuxième tour, il ne chercherait pas à provo-quer un 21 avril à l’endroit. Si telle est la stratégie de Sarkozy, elle s’avère mauvaise. Le chef de l’Etat continue de s’enfoncer dans les sondages et les électeurs se tournent davantage vers Marine Le Pen, qui n’a jamais changé de discours. En effet, chaque fois que l’UMP a durci sa politique par le bi-ais de thématiques lepénistes, le FN a connu une forte croissance. Diffi-cile de ne pas se rappeler du débat sur l’identité nationale. Résultat : échec cuisant de l’UMP aux régionales. Même son de cloche avec le débat sur la laïcité. Comprendre, sur l’islam. Conséquence : défaite de l’UMP et poussée du FN. Les faits sont là et corroborent la thèse selon laquelle Nicolas Sarkozy souhaiterait un face-à-face avec Marine Le Pen en 2012. A l’heure où le populisme transpire en Europe, la France prône le rejet de l’autre, l’islamophobie, remettant en cause les fondements même de la Ré-publique.

Les primaires au cœur des discus-sionsA peine revisitées, les primaires so-

Marine et Jean-Marie Le Pen, avec Bruno Gollnisch / © SIPA

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Présidentielles 2012 : Vers un nouveau 21 avril ?

cialistes sont de nouveau au cœur d’un débat. Il y a quelques mois, le Parti socialiste annonçait que le vote aux prochaines primaires serait ouvert à toute personne majeure faisant un don symbolique d’un euro et signant une déclaration d’adhésion aux valeurs de la gauche. Seulement, le spectre de la présidentielle de 2002 hante les social-istes. Des hommes de gauche ont lancé « l’appel du 21 avril » à l’initiative du patron radio Génération 88.2, Bruno Laforestrie, et Olivier Ferrand, prési-dent de Terra Nova. Ils évoquent un « pacte générationnel ». L’une des propositions de cet appel concerne l’ouverture des primaires à tous les partis de gauche, c’est-à-dire désigner un candidat unique représentant tout l’échiquier des partis de gauche. Le but : combattre « la lepénisation des idées politiques », a expliqué Bruno Laforestrie. Des centaines de citoyens et personnalités ont déjà signé le pacte. Si certains partagent cette opinion,

d’autres comme Eva Joly ont jugé que cette proposition « était une erreur » et que cela « appauvrirait [leur] débat démocratique ». D’autant plus que le candidat choisi serait sans nul doute un candidat PS. A l’UMP, le doute gran-dit. Les sympathisants commencent à s’inquiéter de la capacité de Nico-las Sarkozy à décrocher un deuxième mandat en 2012. L’impopularité du chef de l’Etat inquiète à tel point que certains, comme l’eurodéputé Alain Lamassoure, réclament des primaires à droite. Une proposition fortement criti-quée par la majorité.

Le mode de scrutin remis en questionPour certains, comme la fondation Terra Nova, le coupable du 21 avril, c’est le mode de scrutin. Deux chercheurs de polytechnique jugent que le système électoral actuel dysfonctionne. Pour y remédier, ils proposent un nouveau sys-tème appelé « jugement majoritaire ». Le concept : les électeurs attribuent des

mentions à tous les candidats, allant de « à rejeter » à « très bien ». Le candidat qui a la meilleure mention majoritaire l’emporte. Le vote se déroulerait en un seul tour. Selon Terra Nova, le scrutin présidentiel actuel ne peut que dysfonc-tionner puisque Marine Le Pen, candi-date dont les idées sont les plus rejetées par les Français, pourrait accéder au deuxième tour et éliminer « le meilleur candidat ». Si l’on suit ce raisonnement, le « jugement majoritaire » parait être la solution la plus juste, et la présidente du Front national devrait avoir la place qui lui revient, c’est-à-dire la dernière place d’après Olivier Ferrand. Cette constata-tion est d’autant plus vraie qu’en cas d’accession au second tour, Marine Le Pen serait évincée par le candidat en face d’elle, qu’il soit de gauche ou de droite. En bref, ce qu’a voulu signifier Terra Nova, c’est que le scrutin major-itaire à deux tours a une faille évidente : l’élimination possible du meilleur can-didat au premier tour.

3 questions à ... Renaud Hourcade, professeur de sciences politiques à l’IEP de Rennes - Par Jérémie Nadé

© D

R

Est-ce qu’il faut craindre un nou-veau 21 avril en 2012 ?C’est très difficile à dire. En ce mo-ment, les journalistes n’arrêtent pas de spéculer sur les futures présidentielles. Mais l’élection n’est que dans un an, il est encore trop tôt pour savoir ce qui se passera d’ici là. A chaque fois, les sondages faits un an avant l’élection se sont révélés faux, exceptés en 2007 avec la victoire de Nicolas Sarkozy.

Pourtant les politiques, de droite comme de gauche, semblent le redouter de plus en plus.Il y a un risque c’est vrai, mais si Marine Le Pen passe le 1er tour ce ne sera pas pour les même raisons que son père en 2002. Le vote Front national n’est plus un vote de sanction. Il le reste pour certains électeurs, mais aujourd’hui Marine Le Pen est une

alternative aux partis traditionnels comme a pu l’être en son temps le vote communiste. L’UMP et le PS ont peur qu’une multitude de candidats puisse faire baisser le score de leur cham-pion. Mais l’échec de Lionel Jospin en 2002 vient aussi du fait qu’il croyait être élu sur son bilan, il n’a donc pas vraiment fait campagne, alors que ce qui compte c’est le projet et la person-nalité du candidat. C’est pour ça que les chances de Nicolas Sarkozy, si elles sont minces, ne sont pas inexistantes. Si l’UMP et le PS arrivent à incarner un changement, Marine Le Pen, malgré sa popularité, ne sera pas au second tour.

Que pensez-vous de « L’appel du 21 avril » ?L’analyse qu’ils font de la situation actuelle de la France est bonne, même

s’ils oublient de nombreux sujets comme l’insécurité. Je comprends tout à fait l’initiative. Le but est de ramener l’électorat populaire vers la gauche alors qu’il est de plus en plus acquis au FN. Mais je ne crois pas que la solution réside dans un candidat unique de la gauche. Déjà, les auteurs de cet appel risquent de se tirer une balle dans le pied. C’est forcément un candidat du PS qui serait choisi et « L’appel du 21 avril » tomberait dans les travers qu’il dénonce. En plus ce serait une mauvaise chose pour le PS. Sans concurrence à gauche, il pourrait ne pas présenter un projet assez auda-cieux. Cet appel part du constat que Nicolas Sarkozy est déjà battu, or ce n’est pas le cas. Enfin, cela légitimerait Marine Le Pen comme seule candi-date alternative au système « UMPS » que le FN aime tant dénoncer.

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POLITIQUE

Adieu République Hon-groise, Bonjour “Hongrie”

En adoptant la « Constitu-tion Orban », la Hongrie effectue un réel bond en arrière et revient sur les

progrès des pays occidentaux en matière de liberté, de droits de l’homme et de démocratie de ces dernières années. D’après le Pre-mier ministre, Viktor Orban, une nouvelle constitution était néces-saire pour rompre avec l’ancien texte, trop marqué du passé com-muniste du pays. La nouvelle con-stitution fait référence à Dieu et au christianisme comme valeurs rassemblant la nation. Une anno-tation jugée discriminatoire pour les minorités religieuses du pays. Il prône le modèle de famille tra-ditionnel et définit le mariage comme « l’union conjugale entre un homme et une femme ». En l’inscrivant en tant que principe fondamental dans la constitution, le Fidesz, parti de la majorité, empêche l’autorisation du mar-iage homosexuel, et ce, quelles que soient les futures majorités politiques. Cette nouvelle con-stitution, qui précise que « la vie

du fœtus doit être protégée à par-tir du moment de sa conception », pourrait également entrainer l’interdiction de l’avortement.Outre les réductions de libertés, le nouveauu texte prône le na-tionalisme. Elle fait l’amalgame entre nation politique et nation éthique. La citoyenneté hongroise est accordée à toute personne vi-vant sur le territoire de la Hongrie, mais également, aux minorités de souche hongroise vivant dans d’autres pays. Ces dernières pour-raient se voir accorder la dou-ble nationalité et le droit de vote. Une initiative qui risque de créer des conflits avec les pays dans lesquels la communauté hongroise est importante (Serbie, Slovaquie, Autriche, Ukraine et Slovénie notamment).Enfin, la constitution accorde plus de pouvoir au gouvernement. Les compétences de la Cour Consti-tutionnelle sont réduites, les pé-riodes de mandat des dirigeants des grandes institutions étatiques pourraient atteindre neuf à douze ans, ce qui les rendraient intouch-

ables et réduirait la marge de ma-noeuvre de l’opposition. De cette manière, Viktor Orban assure a son parti une présence politique dans les années à venir. De plus, cette constitution ne pourra être modifiée qu’avec une majorité parlementaire des deux tiers. Un score difficile et long à atteindre.

Asseoir le pouvoir de la droiteRetrouver des valeurs tradition-nelles, générer un sentiment na-tionaliste chez ses citoyens et pérenniser l’avenir politique du Fidesz. Voilà les réels objectifs cette nouvelle constitution. Mais pourquoi un tel retour en arrière ? Le Fidesz n’a pas toujours été un parti conservateur, au contraire. Crée en 1988, cette Alliance des jeunes démocrates réunissait la jeunesse hongroise opposée au parti unique et à la République Populaire de Hongrie. Acteur de la transition démocratique après la chute de l’URSS, le parti est pro-gressivement devenu de plus en plus conservateur. Viktor Orban est historiquement rattaché au

Le Président hongrois, Pal Schmitt, a ratifié lundi 25 avril la nouvelle Constitution votée il y a une semaine par le Parlement. Une charte qui devrait renforcer durablement le pouvoir de la droite. Vivement critiqué, le texte a été rédigé sans concertation avec l’opposition, ni avec les citoyens hongrois.

Par Claire Monnerat

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parti. Lors des élections législa-tives de 2010, le Fidesz et ses al-liés remportent les deux tiers des sièges du parlement. Une belle victoire entachée par des financ-es publiques en mauvais état. Le gouvernement est obligé de mener une politique antisociale pour ré-aliser des économies. Des mesures efficaces mais très impopulaires. Viktor Orban a peur de per-dre le pouvoir et anticipe les risques d’alternance politique des prochaines années. Il souhaite paralyser le travail des futurs gou-vernements. Au début de l’année déjà, une loi liberticide sur les mé-dias avait fait polémique. Celle-ci instaure une Haute autorité des médias chargée de vérifier leur impartialité et limite le principe du secret des sources. La Commission européenne avait contraint le gou-vernement à modifier le texte initial pour qu’il reste démocratique. Ce-tte fois encore, l’Union Européenne (UE) veillera à ce que la Hongrie

respecte les valeurs de l’Europe. Le 15 avril, le chef du groupe libéral au Parlement européen, Guy Verhof-stadt, a demandé à la Commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, de vérifier si la nouvelle constitution hongroise ne se trou-vait pas en contradiction avec les principes démocratiques européens, d’Etat de droit et de respect des droits de l’Homme. Les experts de la Commission de Venise se ren-dront à Budapest le 18 mai pour faire rapport en juin à Strasbourg à l’Assemblée parlementaire du Con-seil de l’Europe. Cette commis-sion avait déjà souligné, mi-mars, « une absence de transparence, l’insuffisance de dialogue entre la majorité et l’opposition, un manque de débats publics » et de temps. Les pays membres de l’UE ont l’obligation de faire preuve de transparence et de combattre toute forme de discrimination (racisme, religion, sexe, âge, handicap ou orientation sexuelle). Les droits de

l’Homme, la démocratie et l’Etat de droit sont des valeurs essentielles ancrées dans le traité fondateur de l’UE. La Hongrie a donc un en-gagement vis-à-vis de l’UE et ne peut pas nier ces principes fonda-mentaux. Des obligations qui sont loin d’effrayer Viktor Orban, qui n’a pas attendu le moment le plus opportun pour légiférer. La loi sur les médias, comme l’adoption de cette nouvelle constitution, survi-ennent alors que la Hongrie assure la présidence tournante du Con-seil de l’Union Européenne. Peu inquiet, Viktor Orban se dit prêt à être évalué par la Commission Eu-ropéenne. La nouvelle constitution est censée entrer en vigueur le 1er janvier 2012. Il reste donc 8 mois à l’Union Européenne pour s’assurer du bien-fondé de ce nouveau texte. Car une fois qu’il sera appliqué, si la communauté n’est pas satis-faite, elle risque de ne pas trouver les cadres légaux nécessaires pour exprimer son opinion.

Le premier ministre hongrois, Viktor Orban / © DR

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Fin avril 2002. Le print-emps, et, surtout, les ré-sultats du premier tour de l’élection présiden-

tielle française, ont fait fleurir d’immenses manifestations contre l’extrême droite. Au vu des résultats récents aux élec-tions dans les différents pays de l’Union européenne, ce souffle là semble un lointain souvenir. Après les Pays-Bas, la Hongrie, la Suède, le Danemark ou la Sui-sse, c’est au tour de la Finlande d’être touchée. En multipliant son score électoral par cinq, le parti des « vrais Finlandais » re-joint un club de moins en moins fermé et de plus en plus bruyant : on trouve aujourd’hui 27 partis populistes de droite dans 18 pays européens.

Ces nouveaux populismes re-courent toujours peu ou prou aux mêmes recettes. Ils prônent le peuple contre les élites corrom-pues par le cosmopolitisme et la mondialisation, la démocra-tie directe contre la démocra-tie représentative. Ils fustigent l’immigration incontrôlée, dé-noncent le multiculturalisme et la menace de l’islam. Un spectre large qui permet à ces mouve-

ments de cristalliser aussi bien les suffrages des couches populaires précarisées que ceux des classes moyennes, voire même des bo-bos inquiets du conservatisme moral porté par l’immigration musulmane. Même son de cloche au niveau économique, avec des mesures de gauche pour attirer les ouvriers, et des positions à droite, notamment sur la fiscalité, pour conserver leur électorat tra-ditionnel. Les figures de proue de ces par-tis sont charismatiques et dé-

complexées. Ce sont Marine Le Pen en France, Geert Wilders, président du PVV aux Pays-Bas ou Toni Brunner, président de l’UDC en Suisse… Des poli-tiques plutôt jeunes, plutôt ou-verts sur les questions de socié-té. Geert Wilders revendique son homosexualité et Marine Le Pen défend le droit à l’avortement, ce qui aboutit à la dédiabolisation des partis extrémistes. Ces lead-ers parlent cru, pourfendent le politiquement correct mais évi-tent les dérapages ouvertement

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SOCIÉTÉ

La vague populiste déferle sur l’EuropeLa percée de l’extrême droite aux élections suédoises met en lumière un phénomène général en Europe : de la Grande-Bretagne à la Bulgarie en passant par les Pays-Bas, elle a le vent en poupe.

Par Marie Aubazac

19,1 %

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racistes qui les condamneraient à la marginalité politique. Dans les pays de l’Est seulement continue de prospérer une extrême droite à l’ancienne, viscéralement anti-sémite, dont Jobbik (16,7% des voix en Hongrie) est l’archétype même.

Mais le plus grand danger vient de la porosité avec une droite traditionnelle partout en crise et qui n’hésite pas à reprendre des thèmes électoralement por-teurs. En témoigne la stratégie actuelle de Nicolas Sarkozy sur l’immigration ou l’offensive lan-cée par la chancelière allemande Angela Merkel sur l’échec du multiculturalisme. En dévelop-pant les thématiques phares des partis populistes, les droites mo-dérées tendent à banaliser ces partis dans l’opinion publique.

Cette percée récente ne doit pas être interprétée comme un phénomène éphémère, unique-ment lié à la situation socio-économique actuelle et des-tiné à disparaître à la fin de la crise. S’il n’est pas contest-able qu’une période de crise entraîne en réaction un réflexe de repli sur soi avec ses con-séquences, ce n’est pas suf-fisant pour expliquer la per-sistance de l’extrême droite depuis ces dernières années. La montée de ce phénomène serait plutôt l’expression d’un mouvement identitaire de réac-tion au processus d’ouverture des frontières à l’échelle in-ternationale, qui fragilise les souverainetés et les identités nationales. La population eu-ropéenne a, selon les sondag-es, peu voire pas du tout con-fiance en l’avenir de l’emploi, des salaires, du coût de la vie, du système de retraites... La hausse du chômage, le déclin

de la sécurité de l’emploi, con-tribuent au scepticisme crois-sant, et suggèrent que les succès récents des partis de la droite extrémiste sont d’abord une ex-pression de mécontentement des populations vis à vis des partis politiques établis : la montée du populisme constitue un des effets d’un malaise profond de la cul-ture politique dans les démocra-ties européennes avancées, et se voit renforcée par un autre de ces effets : la montée de l’abstention et du recours aux bulletins de vote blancs ou nuls. L’extrême droite se banalise, ne fait plus peur et va jusqu’à s’institutionnaliser, comme si deux générations avaient suffi pour oublier ce dont elle est ca-pable lorsqu’elle est installée au pouvoir. Cette montée de l’extrême droite européenne menace non seulement les droits de l’ensemble des citoyens, mais aussi les valeurs que prône l’Union. Cela divise les sociétés et institutionnalise les différences entre citoyens et génère des ten-sions, qui conduisent à une sus-picion mutuelle ambiante.

France, Hongrie... Partout en Europe, les manifestations de sympathisants d’extrême-droite se multiplient

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© l’express.fr

© le

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Folio n°7 - Événement- 4 Folio n°8 - Economie- 16

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Folio n°7 - Événement - 5Folio n°8 - Economie - 17

Paiera ? Paiera pas ?Dette islandaise :

59 %. C’était le score du “non” au référendum du 9 avril dernier. Par ce vote massif, les Islandais refusaient pour la seconde fois de payer pour la faillite de la banque en ligne Icesave. Si de nombreuses voix s’élèvent par-tout en Europe pour saluer le courage d’avoir refusé de payer pour les erreurs des financiers, l’Islande n’est pourtant pas en-core sortie d’affaire.

Par Benoît Jacquelin

La pire option a été choisie. Le vote a cou-pé le pays en deux. Nous devons tout faire pour éviter un chaos politique et économ-ique après ce résultat. » Les propos du Premier ministre islandais Johanna Sigur-

dardóttir face à cet échec, qui succède à celui de mars 2010, sont éloquents. Du côté des créanci-ers, qu’ils soient Anglais ou Néerlandais, la men-ace est à peine voilée. « Le temps des négociations est passé. C’est désormais une affaire pour les tribunaux », à en croire le ministre des finances des Pays-Bas, Jan Knees de Jager. Un événement historique, pour la première fois les citoyens d’un pays refusent de payer une dette contractée au-près d’autres Etats. Portés en héros par les divers partis de gauche, français ou non, les Islandais frondeurs ne sont pas pour autant tirés d’affaire. Légalement, la question devrait maintenant se dé-cider devant une cour de justice européenne. Cour

«

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ÉCONOMIE

qui devra statuer sur une situation épineuse sur le plan légal et mo-ralement contestable.

Le miracle économique islandaisEn 2007, le groupe interparlemen-taire d’amitié France-Europe du Nord parle de « miracle économ-ique islandais ». Dans leur rap-port, consultable sur le site du Sénat français, sont largement vantés « la place des investisse-ments directs à l’étranger » (IDE) et « les effets positifs de la libé-ralisation bancaire ». A la même époque dans un entretien donné au Figaro (« L’Islande lassée de sa forte croissance »), le Premier ministre de l’époque, Geir Haarde se félicitait des bons résultats de la croissance islandaise : « Notre plus grande fierté, c’est d’avoir amélioré le niveau de vie général de la population : depuis 1994, le revenu disponible moyen des mé-nages, après impôts, a augmenté de 75 % ! ». La « crise des sub-

primes » n’était pas encore passée par là.Le 13 avril 2010, c’est le même Geir Haarde qui se retrouve sur le banc des accusés, aux côtés de l’ex-ministre des Finances Arni Mathiessen, et de l’ancien minis-tre des Banques Bjorgvin Sigur-dsson. Un rapport parlementaire sur l’effondrement des banques islandaises en 2008 les désignent clairement comme responsables de négligence : ils auraient laissé se développer les banques island-aises pendant plusieurs années de manière extrêmement rapide. La taille de ces établissements aurait même été multipliée par vingt. Ils seront tous trois condamnés.En octobre 2008, les trois princi-pales banques du pays, Kaupthing, Landsbanki et Glitni, s’écroulent après avoir connu une croissance sans précédent. La banque en ligne Icesave, branche de Landsban-ki, qui proposait des services de banque en ligne à l’étranger, dépose

elle aussi le bilan. Problème : ses cli-ents ne sont pas, pour la plupart, Is-landais. 320 000 épargnants anglais et néerlandais accusent des pertes financières. Au total la dette s’élève à plus de 3,8 milliards d’euros.Le 6 octobre 2008, Landsbanki et Icesave sont nationalisées. C’est ainsi que l’Etat islandais se retrouve avec une dette de près de 40% du PNB du pays. Une dette privée pas-sée dans le domaine public. A l’époque, le secteur bancaire européen craint une contamina-tion à la « Lehman Brother » (l’établissement avait fait faillite le 30 septembre de la même année). C’est pourquoi les Etats néerlandais et britannique font le choix de gar-antir les déposants d’Icesave avant de présenter la facture à l’Etat is-landais. Et pour se faire rembourser, les deux pays n’hésitent à faire pres-sion pour geler momentanément l’aide demandée par l’Islande au FMI. Les choix islandais sont dès lors très limités.

Manifestation à Reykjavik début avril. Sur la pancarte : “Gordon Brown, le FMI n’est pas ton agent de recouvrement” / © DR

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Folio n°8 - Du 14 au 28 avril 2011 - 19

Gaz de schiste : le trésor empoisonné

« Victoire contre les banksters »Les « banksters », comme les ap-pellent certains internautes, sont ces financiers islandais qui avaient permis à l’île de 311 000 habitants (l’équivalent de la population de Nice) de connaître une croissance accélérée au début des années 2000. Mais avec la crise financière de 2008, le réveil des Islandais a été brutal. En juin 2009, Reykjavík, Londres et Amsterdam parvien-nent à un accord : l’Islande doit rembourser 3,8 milliards d’euros, sous la forme d’un emprunt à 5,5% de taux d’intérêt sur 15 ans. Le président islandais Ólafur Ragnar Grímsson, sous la pression d’une pétition de plus de 50 000 signa-taires, refuse de ratifier le texte. Le 6 mars 2010, il convoque un réfé-rendum. L’accord est rejeté à 93% des suffrages. Le 16 février 2011, un accord renégocié est adopté par le parlement islandais. Mais soumis à un nouveau référendum, le peuple refuse une nouvelle fois en avril, à 59%.

Moralement et légalement dis-cutable32 780 €. C’est la dette de chaque islandais. En matière de dette pub-lique par habitant, l’Islande arrive

juste derrière le Japon (à titre de comparaison, un français devra rembourser 23 260 €). Il y a en-core cinq ans, le pays enregistrait une croissance du PNB de 2,6%, un taux de chômage de 2,9% et un revenu annuel par habitant de 42 768 euros. Pour les Islandais, la pilule est dure à avaler. Il reviendra mainten-ant à l’autorité de surveillance de l’Association européenne pour le libre-échange (AELE), qui super-vise les relations économiques entre l’Islande et l’Union Européenne, de décider si le contribuable islandais devra payer la facture. Là encore, aucune certitude. Si, moralement, faire payer la dette aux Islandais est très discutable, la question se pose aussi d’un point de vue légal.Branche directe de Landsbanki, Icesave était soumis au système de garantie des dépôts islandais. Rien sur le plan légal n’obligeait l’Angleterre ou les Pays-Bas à se substituer aux fonds de garantie is-landais. De plus, l’Etat islandais ne devait pas nécessairement se porter immédiatement garant de la dette car les gouvernements britannique et néerlandais auraient d’abord du traiter avec la banque Landsbanki ou les fonds de garantie. En prom-ettant de soutenir directement les

clients d’Icesave, le gouvernement islandais s’est donc posé en inter-locuteur direct avec Londres et Amsterdam, et la dette d’un étab-lissement bancaire privé envers des clients européens est devenue une dette souveraine de l’Islande aux gouvernements britannique et néer-landais. Optimiste, Mar Gudmund-son, le directeur de la banque cen-trale islandaise, annonçait le 11 avril dernier, en réaction au NON, que son pays disposait « aujourd’hui de réserves suffisantes pour rem-bourser la dette libellée en devises étrangères et la dette souveraine jusqu’en 2015 ». Néanmoins, ce-tte capacité à rembourser pourrait dépendre d’une éventuelle dévalua-tion émise par les agences de no-tations. Vendredi 6 avril, l’agence Moody’s, qui avait dégradé la note de la dette espagnole deux se-maines plus tôt, dégradait celle de la dette islandaise de deux crans. Le 22 avril, elle menaçait le pays d’une nouvelle baisse. Si payer devient impossible, le pays devra se tourner vers de nouvelles pistes. Par exemple, ne rembourser que ce que l’enquête indiquera avoir été investi dans l’économie physique (réelle) et non la part de spécula-tion. Affaire à suivre.

Le président finlandais Ólafur Ragnar Grímsson lors du référendum le 9 avril dernier / © AP

Dette islandaise : paiera ? Paiera pas ?

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ENVIRONNEMENT

Marée noire : Combat de coqs entre BP et ses

prestatairesLe 21 avril dernier, BP est parvenu à un « accord sans précédent » entre cinq états amé-ricains bordant le golf du Mexique et deux organismes fédéraux, qui prévoit le verse-ment d’un milliard de dollars pour réparer les dommages provoqués par la catastrophe. Cependant, à l’heure de régler ses comptes, BP ne compte pas assumer seul les conséquences de cette catastrophe et rejette la faute sur ses prestataires…

Par Coline Benaboura

l y a tout juste un an, les Etats-Unis connaissaient la plus grande catastrophe envi-ronnementale de leur histoire avec l’explosion de la plate-

forme pétrolière Deepwater Hori-zon. Onze ouvriers tués, 780 litres de pétrole déversés dans le Golfe du Mexique, et des côtes américaines qui portent aujourd’hui encore les stigmates de la catastrophe. Il aura donc fallu un an à BP pour accepter de débourser un mil-liard de dollars pour « accélérer les travaux de réhabilitation des côtes » du Golfe du Mexique, selon le ministère de la Justice américain. Un accord qui « n’aura aucune in-cidence sur la facture finale que BP devra régler ». Montré du doigt au moment de la catastrophe, le groupe ne compte cependant pas endosser seul la responsabilité des dégâts, et met aujourd’hui en cause ses sous-traitants. Ainsi, les sociétés Hallibur-ton, Transocean et Cameron Inter-

national sont à leurs tours accusées de négligence par le géant pétrolier qui réclame 42 milliards de dollars à chacun de ses prestataires. Cette somme comprendrait le dédomma-gement du coût de la catastrophe, mais aussi les intérêts, amendes et frais de justice. Des négligences qui, selon BP, seraient la « cause par-tielle ou totale de l’explosion de la marée noire ».

Halliburton tout d’abord, fournis-seur de ciment, s’est vue taxé de fraude, de négligence et de dissimu-lation de faits matériel en lien avec le travail sur la plateforme.BP reproche d’autre part à Cameron International de lui avoir vendu un système anti-explosion défectueux, qui aurait contribué à l’explosion.Enfin Transocean, propriétaire de la plateforme, se voit accusé de négligence. BP avance des failles dans les contrôles de sécurité de la plateforme Deepwater. Des failles

responsables selon le géant pétrolier de l’explosion mortelle du 20 avril 2010.C’est donc un jeu de ping pong qui est en train de s’installer, où chacun se renvoie la faute. Si la société pro-priétaire de la structure, Transocean, estime que la plateforme Deepwater était parmi les meilleures au monde, la société reproche à BP une série d’économies qui auraient augmenté les risques. La plainte déposée par BP a, selon les experts, peu de chances d’aboutir, mais BP pourrait avoir agi de la sorte afin d’amener ses an-ciens sous-traitants sur le terrain de la négociation.Si pour l’heure la société Cameron International ne s’est pas exprimée sur le sujet, la société Hallibur-ton ressort affaiblie dans ce bras de fer. En effet, BP, qui affirme que le groupe a dissimulé des in-formations capitales qui auraient pu empêcher la catastrophe, vient d’être appuyé par la Commission

I

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Folio n°8 - Du 14 au 28 avril 2011 - 21

d’enquête indépendante nommée par Washington, qui affirme que le ciment utilisé était instable. Ce-pendant, si BP a lancé l’offensive, les contres attaques ne se sont pas faites attendre, puisque le groupe Transocean a, à son tour, déposé « une plainte contre des entités de BP et d’autres parties impliquées dans l’accident », a-t-on appris par un communiqué de presse du siège de la société. Une plainte qui remet sérieusement en cause les tentatives de négociations financières du géant pétrolier puisqu’on y apprend que « BP avait convenu, entre autres choses, d’assumer l’entière respon-sabilité, mais aussi de défendre et indemniser Transocean pour toute perte, déclaration, amende, pénalité pour des pollutions ou contamina-tions [...] liées aux opérations pré-vues par le contrat ». Une mise en lumière des termes du contrat qui décrédibilise toute requête de BP. En ces termes, la responsabilité du groupe pétrolier inclut tout impact sur l’environnement et les coûts qui s’ensuivraient. Si BP a laissé croire en versant un milliard de dollars à la prise d’une conscience écologique un an après les faits, il en ressort, au

travers de la guerre des déclarations et des dépôts de plaintes, que BP cherche un payeur solidaire au man-quement de sécurité, un prestataire capable de soutenir le dédommage-ment financier de la catastrophe.

Le déblocage des fonds de BP pose de nouveaux problèmesLa compagnie pétrolière, qui n’est pas pressée de débloquer ses fonds d’indemnisation, soit 50 millions par an pendant dix ans, suscite la colère de la communauté scienti-fique. Cette absence de finance-ment nuirait, selon eux, à leurs re-cherches. En effet, les scientifiques comptaient sur le retour du premier printemps après la catastrophe pour étudier le taux de reproduction, le comportement et l’abondance des espèces, des facteurs qui pourraient avoir été considérablement modi-fiés par la catastrophe écologique.La première tranche de dédom-magement de 50 millions de dol-lars a été distribuée en mai 2010 entre quatre centres de recherche basés dans le Golfe du Mexique et aux instituts de santé. Le processus de distribution des 450 milliards restants n’a pas encore été décidé,

c’est Rita Colwell, professeur à l’Université du Maryland et Prési-dente du comité de dédommage-ment, qui est pour l’heure chargée de distribuer les fonds. Les cher-cheurs doivent pour l’instant sou-mettre leurs projets de recherches et patienter, parfois pendant plu-sieurs mois, pour voir ou non aboutir leurs requêtes.

Le mois dernier, BP et la Golf of Mexico Alliance, organisme à but non lucratif, ont trouvé un accord pour la distribution des fonds. Ainsi, BP a ac-cordé aux scientifiques la liberté de mener leurs recherches et de publier leurs résultats sans son accord. Ce-pendant, dans ce cas de figure, le gé-ant pétrolier veille encore, puisqu’un superviseur ainsi qu’un comité de vingt membres ont été débauchés afin d’allouer les fonds en fonction des projets soumis par les scienti-fiques. Une mainmise sur les fonds de financement qui révolte la com-munauté scientifique, qui craint que les effets de la marée noire de 2010 soient mal analysés, comme ce fut le cas pour la catastrophe pétrolière de Campeche (1979), au sud du Golfe du Mexique.

20 avril 2010 : explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon / © DR

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22 - Folio n°8 - Du 14 au 28 avril 2011

Internet, réseaux sociaux : les nouveaux médias se veulent sources d’informations à la portée de tous. Dans cette optique, le site de data journalism OWNI.fr a créé la base de données ouverte Influence Networks, qui expose les relations entre personnes et entreprises publiques. Modifiable par tous, elle s’inscrit dans une interrogation désormais courante pour ce type de support : vraie ou fausse bonne idée ?

Par Nicolas Gil

L e journalisme d’investigation est à part dans la sphère mé-diatique. Ses représent-ants fascinent, ils sem-blent se poser dans

l’imaginaire collectif comme les pourfendeurs des non-dits et les défenseurs de la vérité avant toute chose. Affaire Clearstream, Woerth-Bettencourt, sang contaminé : autant de scandales qui ont éclaté à la face du pays grâce au travail de reporters ambi-tieux et patients. Patients, car la mise à jour de pareils cas ne se fait pas du jour au lendemain. Pour arriver au fond des choses, il faut bien souvent remonter la chaîne, maillon après maillon. Partir de l’étude d’un cas précis pour découvrir l’étendue de tout ce qui se trame autour. Une tâche souvent colossale, qui transite d’intermédiaires en intermédiaires avant

d’entr’apercevoir un but parfois insoup-çonné. L’élément central dans tout cela ? Le temps. Le pire ennemi du journal-iste. C’est dans l’optique d’en préserver un maximum que le site d’informations français OWNI, nouvelle place forte du data journalism dans l’Hexagone, a créé Influence Networks.

Le Wikipédia de l’investigationEn octobre 2010, le journaliste mon-ténégrin Dejan Milovac exposait par schéma au Personal Democracy Forum de Barcelone comment il a débusqué une vaste affaire de corruption sur la côte du Monténégro. Résultat : un imbroglio de flèches et de cadres mêlant un très grand nombre d’acteurs plus ou moins importants. Les imbrications et ramifications de l’affaire sont hautement complexes. Cela donne

une idée du travail réalisé en amont par Milovac. Et des heures que cela a du lui prendre. C’est en partant de ce constat que les journalistes d’OWNI ont lancé le 11 avril dernier un outil d’analyse de réseaux, ouvert et collaboratif, nommé Influence Networks – ou « réseaux d’influence » en français. A l’instar du Who Knows Who britannique, cette plateforme (en anglais uniquement) permet de visual-iser rapidement les liens entre des per-sonnes ou des entreprises publiques. Par exemple, il suffit de rentrer « Nicolas Sarkozy » pour voir sa toile de relations, et d’ajouter un second terme pour affiner : si l’on ajoute « Mouammar Khadafi », on obtiendra les liens qui unissent les deux hommes, catégorisés (amis, ri-vaux, famille, etc.), et surtout sourcés. En effet, chaque type de relation renvoie

MÉDIAS

Les Liaisons Dangereuses ?

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Folio n°8 - Du 14 au 28 avril 2011 - 23

à un ou plusieurs liens Internet, qui font office de « preuve ». Bien sûr, des projets comme Litte Sis font déjà la même chose. Mais, à la dif-férence de celui-ci, Influence Networks possède un système de contrôle des relations soumises par les internautes inscrits. Elles sont en effet classées par niveaux de confiance, allant de la rumeur (1) au fait avéré (5). Il est ainsi possible de filtrer les informations apparemment peu fiables. Et, là où l’outil se révèle vrai-ment intéressant, c’est que chacun peut être « vérificateur ». Chaque nouvel in-scrit commence avec un niveau de con-fiance 1, et prend du galon pour chaque relation avérée soumise, jusqu’au niveau 5. La note reçue par une relation dépend ainsi également de l’indice de confiance (trust level) de l’utilisateur qui la vérifie. De fait, tout en étant ouvert à tous, cet outil reste fiable. Un fonctionnement à la Wikipédia – en plus maîtrisé – qui permet de ne pas limiter la plateforme à un cercle fermé, évitant ainsi toute con-centration décisionnelle qui pourrait se révéler néfaste.

Lancée le 11 avril dernier en partenar-iat avec Transparency International, Zeit Online et l’Osweb de Metz, la plateforme est pour le moment loin d’être complète. Un nombre limité de relations sont actuellement disponi-bles, et tout reste encore à construire. Mais, sur le long terme, Influence Networks se veut un outil fiable et performant pour tout journaliste sou-haitant regrouper des informations sans avoir à vérifier la plausibilité des faits les uns après les autres. Un gain de temps considérable. Bien entendu, il ne faudra pas y chercher la moindre trace de données confidentielles. On parle ici de « renseignement d’origine source ouverte », ou « ROSO », c’est-à-dire des informations disponibles au grand public. Parmi ces sources : les journaux, la radio, la télévision, etc. Influence Networks n’est donc ni plus ni moins qu’une vaste base de données compilant des liens plus ou moins avérés entre des personnes ou

des entreprises, destinée à pourvoir un point de départ rapide à toute investi-gation.

Les risques de l’ouvertureComme tout projet collaboratif, il n’est néanmoins pas sans faille. Dès l’inscription, chaque nouvel utilisa-teur peut vérifier et avérer une relation. Bien sûr, sa contribution est affectée par son trust level bas, mais compte quand même. Tout utilisateur peut par ailleurs acquérir un niveau élevé de confiance en fournissant des données fiables, puis, par la suite, valider des données erronées avec un haut niveau de confiance. La démarche est d’autant plus simple à faire que la base est pour le moment relativement vide, il est donc facile de la compléter et de gravir les échelons rapidement. C’est peut-être pousser un peu loin le raisonnement pessimiste, mais la possibilité existe : elle est donc à considérer. Sur ce point comme pour Wikipédia ou toute autre source ou-verte, les concepteurs ont visiblement misé sur l’honnêteté de masse : un uti-lisateur s’amusant à valider ou à fournir des fausses informations sera absorbé par tous ceux qui verront la supercherie. Mais ce qui fonctionne dans un sens peut également fonctionner dans l’autre : dans la masse de relations existantes dans la base de données, une erronée peut

logiquement passer entre les mailles du filet, et ainsi desservir celui qui tombera dessus. Et dans une démarche telle que celle de l’investigation, partir sur une information mensongère peut tout faire tomber à l’eau, ou mener le journaliste sur de fausses pistes. N’oublions pas que le but d’Influence Networks est de fournir des données que l’internaute n’a pas besoin de vérifier. Et n’oublions pas non plus à quelle vitesse les fausses in-formations se répandent aujourd’hui...

En définitive, si la démarche est à saluer, l’outil est encore loin d’être parfaite-ment exploitable. Base de données trop peu fournie, risques de désinforma-tion.... : autant de critères qui incitent pour le moment à la méfiance. Mais cette initiative a au moins le mérite de poser un nouveau jalon sur la voie du journalisme participatif, dans un format inédit. A l’heure d’une importante os-cillation entre bienfaits et méfaits de ce « nouveau nouveau journalisme », la plateforme d’OWNI se place comme la parfaite incarnation de ce matériau potentiellement utile, mais encore trop risqué. Comme pour tous ces médias à prendre avec des pincettes, un seul fac-teur viendra – ironiquement – apporter une réponse définitive : le temps. Celui-là même que l’on cherche à tout prix à gagner...

L’interface, simple et intuitive... pour qui maîtrise l’anglais / © OWNI.fr

Page 24: Folio n°8

FOLIOBest

of

EvEnEmEnt P.4 EconomiE P.16

32 780 € C’est la dette de chaque islandais.

En matière de dette publique par habit-

ant, l’Islande ar-rive juste derrière

le Japon.

FrancE P.8

“Le vote Front national n’est plus un vote de sanction. Il le reste pour certains électeurs mais aujourd’hui, Marine Le Pen est une alternative aux partis traditionnels comme a pu l’être en

son temps le vote communiste.”- Renaud Hourcade, professeur de sciences politiques à

l’IEP de Rennes

A l’heure d’une importante

oscillation entre bienfaits et méfaits

de ce « nouveau nouveau

journalisme », la plateforme

Influence Networks se place comme la parfaite incarna-

tion de ce matériau potentiellement

utile, mais encore trop risqué.

médias P.22

Si BP a laissé croire en versant un milliard de dollars à la prise d’une conscience écologique un an après les faits, il en ressort [...]qu’il

cherche un payeur solid-aire au manquement de sécurité, un prestataire capable de soutenir le

dédommagement finan-cier de la catastrophe.

EnvironnEmEnt P.20

La vague populiste déferle

sur l’Europe

société P.14

En adoptant la « Constitution

Orban », la Hongrie effectue un réel bond en arrière et revient

sur les progrès des pays occidentaux en

matière de liberté, de droits de l’homme et de démocratie

de ces dernières années.

PolitiquE P.12

Folio n°8 - 24

Un conflit propre à un pays hermétique. Un système mêlant autarcie politique

et médiatique. Tensions religieuses étouffées jusque-là par la peur, influences des pays voisins et

soutieninconditionnel au Hezbollah, la Syrie inquiète.

Décryptage.