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FRAPE ARTHURTRAMIER VICTORIENSOUFFLET FÉLIXDETOMBEUR SIMONGILLOUIN LOUDESCROIX DIMITRICUNTY LOULOUDESMOND ANNEEUZENES RAOULBONNAFFE BENJAMINDUMOND LOUPCELLARD LUCASDESCROIX TOTIPOTE

fRAPe — n°1

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Premier numéro de Frape. LOULOUDESMOND www.louloudesmond.com

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FRAPEARTHURTRAMIER

VICTORIENSOUFFLET

FÉLIXDETOMBEUR

SIMONGILLOUIN

LOUDESCROIX

DIMITRICUNTY

LOULOUDESMOND

ANNEEUZENES

RAOULBONNAFFE

BENJAMINDUMOND

LOUPCELLARDLUCASDESCROIX

TOTIPOTE

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FRAPEUN

février.2012

Édito / Loulou Desmond a voulu, un jour, s’ouvrir un petit peu. Pas grand chose, juste le temps d’un projet ; rassem-bler quelques proches autour d’un thème, d’une contrainte. Une sorte de fanzine, sans les agrafes. L’occasion de réflé-chir un objet éditorial humble mais original, de faire face à une diversité non contrôlée. Loulou Desmond, ainsi, devait passer d’un travail créatif à celui d’un fédérateur et proposer une structure, un cadre pour pratiquer — qu’il s’agisse d’expérimentation typographique, de vidéo ou encore d’illustration.L’ensemble n’est pas vraiment un livre, non plus qu’un objet d’art, mais comme une exposition en format poche ; détachable, manipulable à souhait, chaque contribution devient une affiche, prête à rejoindre la rue ou le mur d’une chambre. Partant de ce principe street-life et open-mic, Loulou Desmond ne pouvait descemment pas parler d’autre chose que du rap. Il fallait fraper, enfin cogner sévère quoi.

Loulou Desmond cherchait un nom qui ait du punch à la française. Frape. Mettre un seul p c’est comme tuner sa caisse ; c’est sortir du commun pour aller vers le propre. Frape est fait pour être envisagé en série ; chaque parution fonctionnera selon un jeu de mots, une expression autour du nom éponyme, comme contrainte de création. Pour la première, il a fallu regarder en plein coeur, au centre même du mot. fRAPe.

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Sans titre /

EUZÈNESANNEBTS Communication visuelle à ESAA Duperré

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ES A MONO RAP, SOS & IRC / Dans la Guerre de la Fonky Family, on entend que « Les conflits prolifèrent dans les zones pétro-lifères ». Si l’on n’a pas besoin de savoir que la Fonky Family est originaire de Marseille pour penser au RAP en lisant cette phrase, c’est parce qu’elle réinvestit parfaitement l’un des principes rhétorique caractéristique du RAP : la paronomase. La paronymie est un rapport lexical entre deux mots dont les sens sont différents mais dont l’écriture et/ou la prononcia-tion sont fort proches, de sorte qu’ils peuvent être confondus à la lecture ou à l’audition. J’ai donc choisi de réinvestir à mon tour cette figure rhétorique. Il s’agit alors d’imaginer, à partir de paroles de chanson issus du RAP, des paronomases vi-suelles, de jouer sur les sonorités, sur les formes, sur l’incon-gruité parfois et sur la force souvent, qui se dégagent de ces textes. J’ai choisi de travailler à partir des paroles de la chan-sons « tout les cris les sos» parce que moi, le RAP, je m’en bat l’avoine.

TRAMIERARTHUR

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Comme des lianes nouées de tresses, des larmes nouées de stress, sans comprendre la détresse, quand tant de drames nous oppressent. J’ai ramassé les bouts de verre j’ai recollé tous les morceaux contre le passé ya rien a faire faudrait changer les héros dans un monde où le plus beau reste à faire.

Difficile d’appeler au secours d’écrire des sos avec de l’air quand pris dans leur vaisseaude verre s’étouffent un peu plus les cris d’amour

Comme des lianes nouées de tresses, des larmes nouées de stress, sans comprendre la détresse, quand tant de drames nous oppressent. J’ai ramassé les bouts de verre j’ai recollé tous les morceaux contre le passé ya rien a faire faudrait changer les héros dans un monde où le plus beau reste à faire.

Difficile d’appeler au secours d’écrire des sos avec de l’air quand pris dans leur vaisseaude verre s’étouffent un peu plus les cris d’amour

Comme des lianes nouées de tresses, des larmes nouées de stress, sans comprendre la détresse, quand tant de drames nous oppressent. J’ai ramassé les bouts de verre j’ai recollé tous les morceaux contre le passé ya rien a faire faudrait changer les héros dans un monde où le plus beau reste à faire.

Difficile d’appeler au secours d’écrire des sos avec de l’air quand pris dans leur vaisseaude verre s’étouffent un peu plus les cris d’amour

Comme des lianes nouées de tresses, des larmes nouées de stress, sans comprendre la détresse, quand tant de drames nous oppressent. J’ai ramassé les bouts de verre j’ai recollé tous les morceaux contre le passé ya rien a faire faudrait changer les héros dans un monde où le plus beau reste à faire.

Difficile d’appeler au secours d’écrire des sos avec de l’air quand pris dans leur vaisseaude verre s’étouffent un peu plus les cris d’amour

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Émigré plein de graisse / Le rap, science de l’écriture souvent biaisé par ce qu’on veut bien en voir, mérite aujourd’hui de redorer son blason. Élevé au rang de spécimen typographique, SuprèmeNTM feat John Downer chantent le Brother.Paroles graissées, soulignée, clic clic ! Italique ! Transciption du beat typographique si primordiale dans cette musique.Rendons à ces sages poètes de la rue ce qui leur est dû.

DUMONDBENJAMINBTS Communication visuelle à ESAA Duperré

Membre de Loulou Desmondbenjamin.ultra-book.com

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Allons à l'Élysée

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QUI SOMMEIL EN MOI SE RÉVEILLE

RegularCorps74

RegularCorps132

RegularAlternateCorps53

SuperSlantCorps25

SuperSlantAlternatesCorps37

RegularCorps74

SuperSlantCorps30

Bold&RegularCorps32

BoldAlternateCorps43

RegularCorps30 FAUT BIEN QU'UN JOUR ILS PAIENTles vieux & les vieilles

BRÛLER

Mais qu’est ce qu’on attend

POUR FOUTRELE FEU

U))))))))))))u

- -

- -

--- ---

Le psychºpªthe

OÙSONT NOS REPÈRES?QUISONT NOS MODÈLES?

De tºute une jeunesse vºus ªvez brûlé les ªiles

Brisé les rêves, tªri la sèvede l'espérªnce

ºh quªnd j’y pense

Les années passent, pourtant tout est toujours à sa placePlus de bitume donc encore moins d'espaceVital~ et nécessaire à l'équilibre de l'hommeNon personne n'est séquestré, mais c'est tout commeC'est comme de nous dire que la France avance alors qu'elle pensePar la répression stopper net la délinquanceS'il vous plaît, un peu de bon sensLes coups ne régleront pas l'état d'urgenceÀ coup sûr~...Ce qui m'amène à me demanderCombien de temps tout ceci va encore durerÇa fait déjà des années que tout~ aurait dû péterDommage que l'unité n'ait été de notre côtéMais vous savez que ça va finir mal, tout çaLa guerre des mondes vous l'avez voulue, la voilàMais qu'est-ce, mais qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu ?Mais qu'est-ce qu'on attend pour ne plus suivre les règles du jeu ?> REFRAINJe n'ai fait que vivre bâillonné, en effet~Comme le veut la société, c'est un fait mais~ Il est temps que cela cesse, fasse place à l'allégressePour que notre jeunesse d'une main vengeresseBrûle l'état~, policiers en premier, hey !Envoie la république brûler au même bûcherOuais~ !Notre tour est venu, à nous de jeter les désDécider donc mentalement de s'équiperQuoi t'es mirro, tu vois pas, tu fais semblant, tu ne m'entends pasJe crois plutôt que tu ne t'accordes pas vraiment le choixBeaucoup sont déjà dans ce cas Voilà pourquoi cela finira dans le désarroiDésarroi déjà roi~, le monde rural en est l'exempleDésarroi déjà roi~, vous subirez la même pente, l'agonie lenteC'est pourquoi j'en attente Aux~ putains de politiques incompétentesCe qui a diminué la France~Donc l'heure n'est plus à l'indulgenceMais aux faits, par le feu, Ce qui à mes yeux semble être le mieuxPour qu'on nous prenne un peu plus, un peu plus au sérieux>REFRAINDorénavant la rue ne pardonne plus, Pooo~ !Nous n'avons rien à perdre, car nous n'avons jamais eu...À votre place je ne dormirais pas tranquille~La bourgeoisie peut trembler, les cailleras sont dans la ville~Pas pour faire la fête, qu'est-ce qu'on attend~ pour foutre le feu

Il est temps qu'on y pense, il est temps que la FranceDaigne prendre conscience de toutes ses offenses

Fasse de ses hontes des leçons à bon compteMais quand bien même~, la coupe est pleine~L'histoire l'enseigne, nos chances sont vaines

Alors arrêtons tout, plutôt que cela traîneOu ne draine même, encore plus de haine

Unissons-nous pour incinérer ce système~ !REFRAINREFRAINREFRAIN

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BROTHER John Downer1999 fonderie Emigre

JoeySTARRAKoolSHENFSuprêmeNTM

QU’EST CE QU’ON ATTENDParis sous les bombes

1995

(4:12)J

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Rituel, Apprentissage, Protestation / Loin d’être un révi-sionnisme, la fiction historique se propose de retrans-crire la complexité des événements sous une forme relâ-chée, littéraire et subjective afin de mieux s’adapter aux idées structurelles de l’histoire. On cherche alors à comprendre comment une conscience isolée peut reflé-ter une constante temporelle. Le « je », sans pour autant le réduire à une vulgaire masse, s’identifie au « tu », puis au « nous ». Je ne réinvente pas l’histoire mais je veux plutôt la comprendre sous un autre angle : celui du « On » aveugle auquel il faut rendre sa lumière.

CUNTYDIMITRIÉtudiant en philosophie à Nottingham

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RituEl, AppREntissAgE, pRotEstAtion

« Quand la musique change, les murs de la ville tremblent »—Frank Zappa & the mothers oF invention—

« Personne ne fait l’histoire, on ne la voit pas, pas plus qu’on ne voit  l’herbe pousser » —Boris pasternak—

      Il y a des jours où on aimerait ne plus se lever ; faire en sorte que le monde n’ait plus besoin de ce rite vaniteux et absurde du réveil. Le  31 décembre 1979, huit heures et trente-neuf minutes, ou son équi-valent à Tokyo, cette fois-ci, on décide d’ouvrir les yeux. On pousse sa couverture, enfile ses chaussettes, file au travail et… la chute. En titubant, on cherche à se rattraper dans une ritournelle enivrante et on se demande ce qui ne va pas, ce qui ne tourne plus rond dans ce dithyrambe post-galiléen. Les idées s’accumulent, se bousculent ; les mots cherchent une sortie, en vain ; jamais la parole n’a autant cherché à se délier. On apprend que les messies de la société moderne proclament fièrement leur victoire contre le mal ; la sécurité ato-mique étant la profession de foi de la liturgie moderne car l’ange libéral, lui, veille sur les individualités. On en était là. On méditait sur ça. On apprenait alors à chanter, diffuser en poésie nos cris contre ces inepties modernes. C’était notre « message » à nous, notre rage d’expression. Lorsque l’avenir n’a plus rien à nous offrir, à nous dire, il ne nous reste plus que nos mots, nos improvisations satiriques et désabusées ; on était la génération « urbano-technico-artistique ». Les machines sont nos accessoires de théâtre, les murs nos cadres, les fringues nos costumes, la ville notre scène,  les mots notre matière. Dans la profondeur terrifiante années 1980 on se réappropriait l’es-pace urbain, ou du moins, on l’imaginait autrement. Mais quelle angoisse !  En marchant dans ces rues servant de  cadre rationnel aux immeubles nauséeux, on se répétait cette  ritournelle  devenue une forme de credo contemporain, un dégout collectif, un spleen des temps modernes, un manifeste en réaction à l’étrangeté du quoti-dien, ce qui donnait :

Don’t- push- mE- coz’- i-’Am- closE- to- thE- E-DgE

      C’était un peu comme ça qu’on vivait : sur le bord de l’explosion, violemment artiste… La conscience collective est le bouillonnement d’angoisses individuelles. On vivait sur cette limite masquant le gouffre. Il fallait ainsi  créer. L’esprit jazz, be-bop, blues, soul, funk était resté dans notre mémoire comme les réussites d’ancêtres éloi-

gnés, et maintenant, on cherchait à imiter l’exception musicale. Comment le passé pouvait nous inspirer sans nous étouffer ? À cette question, on donnait des réponses aussi superflues que pessimistes. Les utopies en tout genre ne nous offraient plus rien. On en avait assez des promesses d’un ailleurs, d’une société « meilleure » et plus « parfaite ». Si la politique sonore voulait être le substrat de tout totalitarisme, l’idéal de l’ordre, l’écho du monde qu’elle cherchait à entrevoir, chez nous, la parole voulait être catin, insolente, grossière et difforme. On squattait les bas de portes, canettes à la main, en crachant au monde entier les plus belles insultes toutes concoctées à l’image de notre impuissance refoulée ; comme si le juron avait eu depuis toujours la saine vertu et l’effet transcendant d’arrêter le monde et l’orienter comme on eu espéré qu’il soit ; comme si un déluge d’excrément allait purifier de nouveau l’homme déchu… et on se demande encore comment par quel mauvais goût nous n’avions pas sombré dans la folie :

i’-Am-tRy-ing-not-to-loosE-my-hE-AD

      C’était donc décidé ! Le vinyle, la platine, le micro et les enceintes allaient être nos armes thérapeutiques. On admirait paradoxalement la science industrielle qui nous avait dévorés puis digérés. Il était grand temps de récupérer ce qui nous était dû, non pas au service d’une aliénation, mais pour la beauté diffuse de notre message. L’ubiquité de la musique était le raccord de nos antennes à celles du monde entier ; on abandonnait des refrains scandés dans un registre effréné, rythmes énervés, pulsés par la cardiologie de la rime, brisant toute prosaïque monotonie. On était tous maîtres de cérémonie ; on scandait le hiccup de la mélancolie. On n’a pas déserté les guerres « justes » pour jouer au même jeu nihiliste de la violence et du sang. On abandonnait donc la dope et les armes, convaincus que notre esthétique allait bien au-delà. À la vio-lence, on y répondait l’énergie locutoire. Au racisme, on y répondait l’universalité musicale. On étouffait les plus bas instincts de mort dans une verve hallucinée. L’alchimie de la rime nous accoutumait à ces délires que le monde ne voulait plus voir. Le sillon était tracé. Le sens de notre révolte était ainsi défini : la lutte contre le quotidien, ou plutôt, le présent à l’état brut. On avait du mal à y croire :

it’s likE A junglE somEtimEs mAkEs mE wonDER how i kEEp fRom going unDER

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RituEl, AppREntissAgE, pRotEstAtion

« Quand la musique change, les murs de la ville tremblent »—Frank Zappa & the mothers oF invention—

« Personne ne fait l’histoire, on ne la voit pas, pas plus qu’on ne voit  l’herbe pousser » —Boris pasternak—

      Il y a des jours où on aimerait ne plus se lever ; faire en sorte que le monde n’ait plus besoin de ce rite vaniteux et absurde du réveil. Le  31 décembre 1979, huit heures et trente-neuf minutes, ou son équi-valent à Tokyo, cette fois-ci, on décide d’ouvrir les yeux. On pousse sa couverture, enfile ses chaussettes, file au travail et… la chute. En titubant, on cherche à se rattraper dans une ritournelle enivrante et on se demande ce qui ne va pas, ce qui ne tourne plus rond dans ce dithyrambe post-galiléen. Les idées s’accumulent, se bousculent ; les mots cherchent une sortie, en vain ; jamais la parole n’a autant cherché à se délier. On apprend que les messies de la société moderne proclament fièrement leur victoire contre le mal ; la sécurité ato-mique étant la profession de foi de la liturgie moderne car l’ange libéral, lui, veille sur les individualités. On en était là. On méditait sur ça. On apprenait alors à chanter, diffuser en poésie nos cris contre ces inepties modernes. C’était notre « message » à nous, notre rage d’expression. Lorsque l’avenir n’a plus rien à nous offrir, à nous dire, il ne nous reste plus que nos mots, nos improvisations satiriques et désabusées ; on était la génération « urbano-technico-artistique ». Les machines sont nos accessoires de théâtre, les murs nos cadres, les fringues nos costumes, la ville notre scène,  les mots notre matière. Dans la profondeur terrifiante années 1980 on se réappropriait l’es-pace urbain, ou du moins, on l’imaginait autrement. Mais quelle angoisse !  En marchant dans ces rues servant de  cadre rationnel aux immeubles nauséeux, on se répétait cette  ritournelle  devenue une forme de credo contemporain, un dégout collectif, un spleen des temps modernes, un manifeste en réaction à l’étrangeté du quoti-dien, ce qui donnait :

Don’t- push- mE- coz’- i-’Am- closE- to- thE- E-DgE

      C’était un peu comme ça qu’on vivait : sur le bord de l’explosion, violemment artiste… La conscience collective est le bouillonnement d’angoisses individuelles. On vivait sur cette limite masquant le gouffre. Il fallait ainsi  créer. L’esprit jazz, be-bop, blues, soul, funk était resté dans notre mémoire comme les réussites d’ancêtres éloi-

gnés, et maintenant, on cherchait à imiter l’exception musicale. Comment le passé pouvait nous inspirer sans nous étouffer ? À cette question, on donnait des réponses aussi superflues que pessimistes. Les utopies en tout genre ne nous offraient plus rien. On en avait assez des promesses d’un ailleurs, d’une société « meilleure » et plus « parfaite ». Si la politique sonore voulait être le substrat de tout totalitarisme, l’idéal de l’ordre, l’écho du monde qu’elle cherchait à entrevoir, chez nous, la parole voulait être catin, insolente, grossière et difforme. On squattait les bas de portes, canettes à la main, en crachant au monde entier les plus belles insultes toutes concoctées à l’image de notre impuissance refoulée ; comme si le juron avait eu depuis toujours la saine vertu et l’effet transcendant d’arrêter le monde et l’orienter comme on eu espéré qu’il soit ; comme si un déluge d’excrément allait purifier de nouveau l’homme déchu… et on se demande encore comment par quel mauvais goût nous n’avions pas sombré dans la folie :

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      C’était donc décidé ! Le vinyle, la platine, le micro et les enceintes allaient être nos armes thérapeutiques. On admirait paradoxalement la science industrielle qui nous avait dévorés puis digérés. Il était grand temps de récupérer ce qui nous était dû, non pas au service d’une aliénation, mais pour la beauté diffuse de notre message. L’ubiquité de la musique était le raccord de nos antennes à celles du monde entier ; on abandonnait des refrains scandés dans un registre effréné, rythmes énervés, pulsés par la cardiologie de la rime, brisant toute prosaïque monotonie. On était tous maîtres de cérémonie ; on scandait le hiccup de la mélancolie. On n’a pas déserté les guerres « justes » pour jouer au même jeu nihiliste de la violence et du sang. On abandonnait donc la dope et les armes, convaincus que notre esthétique allait bien au-delà. À la vio-lence, on y répondait l’énergie locutoire. Au racisme, on y répondait l’universalité musicale. On étouffait les plus bas instincts de mort dans une verve hallucinée. L’alchimie de la rime nous accoutumait à ces délires que le monde ne voulait plus voir. Le sillon était tracé. Le sens de notre révolte était ainsi défini : la lutte contre le quotidien, ou plutôt, le présent à l’état brut. On avait du mal à y croire :

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Nés sous la même étoile / La vie est belle, le destin s’en écarte Personne ne joue avec les mêmes cartes Le berceau lève le voile, multiples sont les routes qu’il dévoile Tant pis, on n’est pas né sous la même étoile

DETOMBEURFÉLIX

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Ramène Ta Poire /

Vidéo à voir à l’adresse :vimeo.com/louloudesmond/frape1-totipotelou

DESCROIXLOU&TOTIPOTElou-descroix.com

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Tentative du rappeur en saint / Une société dictée par le flow, des sentences réglées comme du papier à musique du tribal mon ami. Des monstres de la parole rayés de noir, on en vou-drait tous : un dogme légitime avant les bombes.Décadrage des portraits, passe passe ce pinceau que j’écrive ces fractures sur nos larmes.

CELLARDLOUPMembre de Loulou Desmond

Contribue à la revue de design Strabic.fr

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Citer un prévenu / Un miroir écrasé sur la gueule, avec une main sur le coeur. Ça balance, et c’est pas juste du rythme. Tu voulais savoir ? Suffisait de demander.Ils en parlent, tu sais. Ils te disent qu’ils kiffent, ils te disent qu’ils taffent. Alors ils en parlent, évidemment. Suffisait pas de demander, nan. Fallait écouter, peut-être. Ils le disent très bien tout seul. Ils se démerdent. Et moi j’ai coupé dans les chansons, j’ai pas fait grand chose de plus en vérité.

DESCROIXLUCASBTS Communication visuelle à Estienne

Membre de Loulou Desmond

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Recontre avec Gilles Debard /

BONNAFFÉRAOUL

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Gilles Debard est un auteur-analyste-musicien montant. On lui doit notamment “Claude François dans le texte” et “La Fouine, portrait d’un incom-pris”. Aujourd’hui c’est autour de son nouvel ou-vrage qu’il intervient. Amateur de “rap musique“ et féru de culture française, Gilles Debard s’est attaqué à un monument de la culture rap, Booba, il nous livre ici quelques éclairages sur la prose du jeune Élie Yaffa. Entretien.C’est dans le jardin de sa maison, dans le 14e arrdt, que Gilles Debard nous accueille. NTM en fond sonore il corrige les épreuves de son nouvel ouvrage, “Booba, la force d’exister”.

/ Un mot sur votre choix avant de plonger dans l’analyse, pourquoi Booba et pourquoi aujourd’hui en 2012 ?

// Booba me fascine depuis ses débuts mais comme on attend pour déguster un bon vin je voulais être prêt à aborder un auteur-compositeur de sa trempe. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’en plus de ses solides études en musicologie, M Yaffa est un homme ouvert sur le monde et ses textes font autant appel à de l’ethnologie qu’à de la philosophie, principalement Descartes, mais j’y reviendrai. Il m’a fallu donc acquérir un bagage conséquent pour pouvoir faire honneur à ce grand personnage. Quant à 2012, je pense qu’à la veille des élections il est nécessaire de mettre en lumière la richesse des textes, parfois polémiques, d’un grand empêcheur de tourner en rond, qui d’après mes sources, n’est pas étranger à la politique…

/ Durant le long travail d’écriture avez-vous ren-contré l’intéressé ?

// Malheureusement, M.Yaffa refuse de nombreux interviews (son dernier date d’avant hier dans Street Culture), malgré plusieurs tentatives je n’ai reçu que des réponses placides dans sa verve bien

à lui : “Négro, j’te l’ai déjà dit, tu veux pas faire le malin avec moi, J’ai pas le time de t’écouter moi j’ai des montagne de taff“ (rires).

/ Rentrons dans le vif du sujet maintenant, parlez nous d’Illégal, le fameux titre de Booba.

// Issu de son quatrième album solo, ce titre, sous des couverts provocateurs, cache une ré-flexion très pointue sur le système de valeur du rappeur ; la place qu’il donne à l’argent et com-ment il développe un système de valeur faisant appel à une symbolique multiple. On se souvient du contexte : novembre 2008, M Sarkozy est pré-sident depuis plus d’un an et c’est aussi un bilan en demi teinte sur le président que nous offre ce chansonnier moderne. Dès les premières paroles ou “lyrics“ la note est sévère : “Je vais rentrer au pays“. Il évoque quelques vers plus tard un sys-tème scolaire à la dérive où le professeur appelle ses élèves “renoi“ (noir). Le tableau est posé, Booba ou du moins le personnage de sa chanson n’est pas satisfait du système français qu’il op-pose au “magrheb“ où sont ses “négros“ (noirs encore une fois).

/ Poussons maintenant un peu plus loin l’analyse sur ce fameux bilan personnel où l’on voit se dessiner tout une éthique bien particulière.

// Pour Booba, la réussite c’est la perfection, celle du cercle et autour d’un système chiffré assez pointu. On est frappé après plusieurs écoutes de l’importance que donne le rappeur aux chiffres. De ces “4 grognasses“ au mystérieux “9-2“ en pas-sant par le “38 spécial Smith & Wesson“ jusqu’au 2 de son sobriquet “B20BA“. Le tout lié dans ce texte à l’univers de la voiture, ici un 4X4, la fameuse “tur-voi“ dans laquelle il “tourne en rond“. Le rond, le cercle, celui du trajet de sa voiture, des roues, de sa table pleine de “Jack“ et aussi celui du O de son surnom B2O dans le texte. Cette symbolique récurrent n’est certainement pas anodine, un univers du carré, 4X4, “4 grognasses” signe d’un cadre de vie, d’un véhicule comme un abri voire, une“ boite” comme celle où l’on le retrouve un peu plus loin, assis sur une table (ronde). Indice supplémentaire, plus haut dans le texte M Yaffa met en exergue l’importance des chiffres dans son écriture dans le vers suiv-ant : “Des chiffres et des chiffres, fuck les lettres et Patrice Laffont” puis “Chaque problème a sa solution,” nous dit le chanteur, nous invitant clairement à traiter ces chiffres comme les don-nées d’un problème. Le 9-2 apparait évidemment comme un symbole de réussite, un nombre d’or personnel, c’est aussi le nombre de soupapes au moteur et un lieu, un espace, de façon assez claire celui du cercle. Or si on admet un cercle d’aire 92, par le calcul on découvre sans surprise que ce cercle à un rayon de 3,8. Soit un dixième du fameux Smith et Wesson du second couplet. On comprend alors que le rappeur nous parle d’un système de valeur, le sien, où contrairement à ce que l’on croit la violence n’est pas omniprésente mais apparait par touche légère, c’est ce que nous disent les chiffres et aussi les faits, le rappeur n’a quasiment jamais été lié à des affaires de vio-lence aggravée. Ce monde est contraint ou protégé par un autre symbole mathématique fort, le carré qui pourrait être la loi, son pays qu’il veut, on l’a vu, à la fois quitter mais qui aussi le protège.Faisant appel à la fois a des figures populaires et à la symbolique propre à son “tiéquar“, Booba n’hésite pas à mélanger les genres, en témoignent certains passages où le quasi-vulgaire croise le chic à la St Germain-des-Près : “c’est du lourd comme Bérnard-Henry Lévy, bitch“ (lire “prosti-tué“). À ce titre Booba est le représentant d’une jeunesse qui à fait de son étiolement culturel une marque de fabrique, il a effectivement plus d’une corde à son arc, nous le verrons.Attardons nous maintenant sur une phrase qui m’a très tôt interpellé. Booba invective son auditeur :

“Ne me dis pas que je n’ai pas le droitJe dois m’en sortir, man, je n’ai pas le choixJe te prends en levrette, laisse moi mettre mes

doigts“

Où sommes nous ici et à qui nous adressons nous ? Je crois avoir décelé un semblant de réponse. Le

troisième vers évidemment est notable, rappelons que le chanteur se situe de le milieu de la “rap musique“ où l’homophobie est encore très répan-due, que penser alors de cet appel du rappeur au coït anal ? Nous sommes ici au centre d’un problème ré-curent chez Booba, ou plutôt un choix, le chanteur oscille toujours entre un ton agressif à l’égard de ces auditeurs : Fais l’malin avec mon blé, t’auras une rafale de baffe, tout en ne négligeant pas un élan affectueux plus nuancé à l’égard de ce dernier comme quand il lui propose de lui présenter des connaissances J’vais t’présenter des félés qui eux n’passent pas à la télé. Ce ton fasci-nant trouve peut-être ici sa forme la plus affirmée où le parolier dévoile dans un même vers son désir à l’égard du public mais aussi une haine, une envie de le punir. Je ne m’attarde pas ici sur l’histoire familiale de M Yaffa à laquelle je con-sacre un chapitre dans mon livre mais n’oublions pas que sa famille, c’est son premier public et que son rapport avec son père et certains oncles nous amène à nous poser d’autres types de ques-tions relatives à sa pratique du coït anal…

Car il serait stupide de croire que la prose du rappeur s’arrête dans la rue des quartiers, ce serait nier totalement la floraison de symboles et de références qu’on trouve dans ses textes. Ici, par exemple, n’importe quel lettré aura noté les multiples références aux Raisins de la colère (…) comme l’ethnologue verra une résurgence dans les textes de pratiques rituelles liées à “celui qui passe au dessus des lois“, qu’on retrouvera chez de nombreuses tribus en équateur.Résumons : la rappeur trace des cercles sur le sol (quand il tourne en rond en 4x4) , accumule de l’oseille et pratique le coït anal, on l’a vu dans une logique “amicale“. Partant de ces données, on est vite amené à penser à la tribu de Malkui et plus précisément à leur culte lié au “Vuklna“ (celui qui maîtrise les lettres, dans la chanson Partick Laffont). Seuls quelques élus peuvent dépasser cette figure au sein de la tribu ; on voit en passant combien la notion de lutte pour le pouvoir (Pour me bat-tre, m’égaler il faudra que tu triches) comme du respect des anciens (Tupac…) compte pour le chanteur. Son pouvoir, il le doit évidemment à son argent, son oseille jusqu’au plafond. Comme chez les Malkui, il est celui qui possède tout et par là s’arroge le droit de ne rien faire (tout les jours c’est le week-end). Le fait de tracer des cercles est très important chez cette tribu, les Aboob (anagramme de Booba) sont la preuve de supéri-orité sur le Vulkna, supériorité effective quand ce dernier a été pénétré analement“Fuck Patrice Laf-font“ (je ne m’attarderai pas ici sur cette notion).D’autres signes dans diverses chansons que j’analyse dans mon livre n’ont pas correctement été analysés jusque-là, les spécialistes ayant mal-heureusement minimisé les résonances tribales que donne le chanteur à ses textes.Quand à la question du culte en général, on con-nait le rapport tumultueux que M Yaffa entretien avec la religion, dès l’ouverture ce texte se pose comme loin d’un dogme, le rappeur fai-sant état d’une pratique répandue chez certains catholiques extrémistes : Je me lave le pénis à l’eau bénite. Je m’attarde plus longuement dans mon livre sur cette réplique. On notera que dans le même temps le rappeur n’oublie pas certaines pratiques propres aux extrémistes d’autres hori-zons : Marier 4 grognasses qui m’obéissent . On semble ici retourner dans les bas quartiers, comme souvent dans les textes de Booba qui nous rappelle que des beaux quartiers au tié-quar, il n’y a qu’un pas.

/ Merci M Debard pour cette analyse passionnante bien que partielle et qui ne peut que donner envie au lecteur de dévorer votre livre qui n’a malheureusement, je crois, pas encore trouvé d’éditeur.

// Oui en effet, comme je le regrettais plus haut de nombreux soi-disant spécialistes méprisent mon travail. À ce fait s’ajoutent les ventes miti-gées de mes derniers ouvrages, mais je compte bien trouver un éditeur et j’espère que cette tribune donnera à certain l’envie de voir un jour publié tout mon travail sur ce rappeur, bien mal connu par les spécialistes.

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Moment of Truth / Sept portraits, des samples du Wu-Tang, de B.I.G, d’Eminem, de Lennon et des Beatles, le tout sur un mor-ceau de Gang Starr : « Moment of Truth ». Des plans de Lyon, provenant tous du même endroit, histoire d’éviter la vidéo touristique, histoire de faire avec ce qu’on a sous la main un après-midi (un peu comme un freestyle en bas de chez soi avec ses potes).

Vidéo à voir à l’adresse :vimeo.com/louloudesmond/frape1-ykwis

GILLOUINSIMON aka Y-KWISvimeo.com/ykwis

facebook.com/ykwis

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Sans titre /

SOUFFLETVICTORIENBTS Communication visuelle à ESAA Duperré

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FRAPEUN

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CITIZEN BOLD & LIGHT.Zuzana Licko.Fonderie EMIGRE®.1997

CO.M83.J85.N0

15.5cmx10cm,5 Plié42cmx29.7cm Déplié

Conception graphiqueLoulou Desmond

www.louloudesmond.com

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