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3 / PRÉFACE A ( GRÈVE DE MÀSSES r DE ROSÀ LUXEMBI]RG En 1921 paroît ù Vienne une éilition hongroise ile la cêlèbre brochure d'e Rosa Luxemburg, Grève de masses, parti et syndicats (1906), aaec une pr6.face ile Luhacs. Cette prôfoce a ôté élaborôe probablement uers la mêrne êpoque ( januier 1921) que l'essai < Rosa Luxemburg nt'arxiste >, : tous les deux se situen, ilans une problématique résolument < Iuxetnburgiste >t, mais tandis quel'essai analyse surtoutles écrits éconorniques ile Rosa Luxemburg (L'acotmr'u- lation du capiral en partiuùier) Ia préfoce a pour objet plutôt sa pens4e politique réuolutïonnaire. Le texte iJe Lukacs se prôsente corîLtne un bilan ile la lutte idêologique ile Rosa Luxemburg contre I'opportunisme dans ses tsatiantes bernsteinienne et hautshyenne. Il conclut av)ec une ilîfense et illustration iles canceptions de Rosa Luxernburg sur le mouaement ile masses etla grèue gînérole quï infhchissent (ilons une certaine mesure) so pensée ilans un serls < spontanôiste tt et êconorniste, ParadoxaletnenL au rnonLent même où' paraît cette prêface, Lukacs aenoit ile rompre - après les éuénernents ile rnars 1921 - auec le < luxemburgistne >, confondu, à tort ou à raison, aaec les positions ( anti-putchistes r ilîfendues par I'aile nodéréa du Parti communiste allernanil, opposêe èt I'Action ile Mars (PauI Leui, Clara Zethin). Gyôrgy Lukace Préface à Rosa Luxnlrsunc. Tômegzstrdjk (Grèue ile masses), Wien, Yerlag der Arbeiter-Buchhandlung, l9? I. Rosa Luxenburg n'était pas seulement un martyr de la révolution prolétarienne; toute sa vie était un granil combat pour que le prolétariat deviemre révolutionnaireo pour que la juste prise de conscience de la situation de la lutte de classe, obscurcie consciemment ou inconsciernment aux yeux cle la classe ouvrière par les opportunistes sociaux-démocrates' soit introduite dans la conscience du prolétariat : pour çlue la conscience de classe ainsi développée se transforme en action révolutionnaire. De cette manière, Rosa Luxemburg a mené les batailles les plus difficiles tle sa vie avant tout contre les courants droitiers et centristes du mouvement oul'rier d'aujour- il'hui. Il n'est pas étonnant, si tnalement ce sont des mercenaires d'Ebert et Scheidemann qui I'ont tuée : elle snest battue toute sa vie contre euxt avec les armes nobles de la science et de la justice ; alors qu'ils ont essayé de rendre impossible son influence sur la classe ouvrière par des calomnies, des intrigues et des mensonges. Et finalement, quand tout cela échoua, quand Luxemburg marcha en avant à la tôte des masses révolutionnaires pour

Georg Lukacs Préface à Grèves de masse de Rosa Luxemburg

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3 / PRÉFACE A ( GRÈVE DE MÀSSES r

DE ROSÀ LUXEMBI]RG

En 1921 paroît ù Vienne une éilition hongroise ile la cêlèbre brochure d'e

Rosa Luxemburg, Grève de masses, parti et syndicats (1906), aaec unepr6.face ile Luhacs. Cette prôfoce a ôté élaborôe probablement uers la mêrne

êpoque ( januier 1921) que l'essai < Rosa Luxemburg nt'arxiste >, : tous les deuxse situen, ilans une problématique résolument < Iuxetnburgiste >t, mais tandisquel'essai analyse surtoutles écrits éconorniques ile Rosa Luxemburg (L'acotmr'u-lation du capiral en partiuùier) Ia préfoce a pour objet plutôt sa pens4e politiqueréuolutïonnaire.

Le texte iJe Lukacs se prôsente corîLtne un bilan ile la lutte idêologique ileRosa Luxemburg contre I'opportunisme dans ses tsatiantes bernsteinienne et

hautshyenne. Il conclut av)ec une ilîfense et illustration iles canceptions de

Rosa Luxernburg sur le mouaement ile masses etla grèue gînérole quï infhchissent(ilons une certaine mesure) so pensée ilans un serls < spontanôiste tt et êconorniste,

ParadoxaletnenL au rnonLent même où' paraît cette prêface, Lukacs aenoitile rompre

- après les éuénernents ile rnars 1921 -

auec le < luxemburgistne >,

confondu, à tort ou à raison, aaec les positions ( anti-putchistes r ilîfendues parI'aile nodéréa du Parti communiste allernanil, opposêe èt I'Action ile Mars(PauI Leui, Clara Zethin).

Gyôrgy Lukace

Préface à Rosa Luxnlrsunc. Tômegzstrdjk (Grèue ile masses), Wien, Yerlag derArbeiter-Buchhandlung, l9? I.

Rosa Luxenburg n'était pas seulement un martyr de la révolutionprolétarienne; toute sa vie était un granil combat pour que le prolétariatdeviemre révolutionnaireo pour que la juste prise de conscience de la situationde la lutte de classe, obscurcie consciemment ou inconsciernment aux yeuxcle la classe ouvrière par les opportunistes sociaux-démocrates' soit introduitedans la conscience du prolétariat : pour çlue la conscience de classe ainsidéveloppée se transforme en action révolutionnaire. De cette manière,Rosa Luxemburg a mené les batailles les plus difficiles tle sa vie avant toutcontre les courants droitiers et centristes du mouvement oul'rier d'aujour-il'hui. Il n'est pas étonnant, si tnalement ce sont des mercenaires d'Ebertet Scheidemann qui I'ont tuée : elle snest battue toute sa vie contre euxtavec les armes nobles de la science et de la justice ; alors qu'ils ont essayé de

rendre impossible son influence sur la classe ouvrière par des calomnies, des

intrigues et des mensonges. Et finalement, quand tout cela échoua, quandLuxemburg marcha en avant à la tôte des masses révolutionnaires pour

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gagner la lutte de la classe prolétarienne par la voie armée, ils I'ont assassinée,Rosa Luxemburg était un vrai leader du prolétariat. A côté de Lénine

peut-être le seul successeur digne de Marx et d'Engels. Mais co--e larévolution prolétarienne se distingue fondamentalement de la révolutionbourgeoise

- celle du prolétariat n'est pas si brillante que celle de la bour-

geoisie, mais va plus profondément que I'autre, et malgré le fait qu'elleavance moins vite, elle change plus profondément I'essentiel de la société

-oil s'ensuit que le leader de la révolution prolétarienne se distingue profon-dément du type de leatler de la révolution bourgeoise. Ce leader n'est pas ungrand démagogue, ur1 orateur brillant et un agitateur comme Danton, ouLajos Kossuth, mais il sera celui qui cultive le plus profondément le marxivne,lo iliolectique rêuolutionnaire, la science de la lutte de classe, Celui qui, àI'aide du marxisme, est capable d'analysern d'estimer et de juger correc-tement tout événement de la vie quotidienne, et par conséquent est capablede montrer la vraie voie de ltaction à la classe ouvrière.

Mais du fait que le jugement sur la situation actuelle et la voie désignéepour I'action, qui en découle, soit correcte, ne rdsulte pas que les grandesrnasses du prolétariat puissent le comprendre sur le coup, et gu'elles réagissentdaus la direction indiquée. Les opportunistes, en mettant au premier rangleurs propres intérêts myopes et trompeurs, ont empoisonné durant desdécades les réflexions et les sentiments de la classe ouwière. Ils I'ont habituéeà ne pas regarder les évérements du point de wue iles intérêts ile classe gênêrauxdu prolétariat, nais que chacun se soucie tout d'aboril d.e ses intérôts per-sonnels, i. e., ceux qui touchent au métier ou à I'usine dans un sens testreint.Ils ont réussi, ce faisant, à obscurcir la conscience du prolétariat, à dirigerla classe ouvrière vers une direction opportuniste et petite-bourgeoise, et àltéduquer dans ce sens.

C'est contre cet opportunisme petit-bourgeois que Rosa Luxemburg arnené les luttes les plus difficiles de sa vie. Co--e agitateurn coûrme organi-sateur, comme journaliste du quotidien et comme théoricien, aux réunionspubliques, dans les journauxo aux congrès, avec diférentes armes maistoujours avec la rnême force, elle se battit pour la défense du vrai sens dumarxisme : pour la rêuolutionarisation ilu prolétariat. C'est par cette batailleque Rosa Luxemburg est devenue grande, un vrai martyr du prolétariat,elle et ses compagnons de lutte.

Rosa Luxenburg elle-même était un géant de la pensée parce qu'ellenon seulement pressentait avec un juste instinct les dangers recelés dansI'opportunisme, mais aussi a analvsé avec une connaissance marxiste pro-fonde tout événement du présent : c'est elle la première qui a l'u avec uneclairvoyance prophétigue l'essentiel de I'histoire, et tout ce qui résulte decette connaissance pour les actions du prolétariat. Si aujourd'hui nous obser-vons I'ceuvre de la vie de Rosa Luxemburg, nous devons constater quec'est elle la première qui a perçu correctement I'impôrialisme, comme ladernière étape du capitalisrne, et les conséquences nécessaires de celui-ci :la guerre mondiale et la rêaolution moniliale; c'est elle qui a découvert la pre--ière ltunique et seule arme efficace possible contre les dangers de I'impé-rialisme : les mouaements de tnasses rêuolutionnaires.

La montée de la lutte de classe ûnale du prolétariat et de la bourgeoisie,le comrnent, les conditionso les possibilités et les armes de cette lutte de

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classe : voici le contenu de l'æuvre tle la vie de Rosa Luxemburg. Au momentoù Ie mouvement ouvrier européen

- et surtout allemand - s'était enfoncé

si profondément dans I'opportunisme, que non seulement il sabotait lesactions d'une façon masquéeo nrais aussi il pouvait se manifester ouver-tement, et théoriguement, Rosa Luxemburg a êtê la première à imposer lathéorie de la révolution prolétarienne contre la théorie de l'opportunisme.Il est vrai, qu'à l'époque, contre le créateur de la théorie réformiste, Bernstein,Kautsky a mené aussi une bataille théorique, Mais ces deux sortes de bataillesétaient séparées l'une de l'autre cotnme le sont le ciel de la terre. Kautsky amontrê les erreurs théoriques et pratiques de Bernstein, mais il se méfiait avecun soin inconscient de toucher le fond du problème. Il qualifiait pourtant lathéorie de Bernstein dans son ensemble de a déviation théorique ro qui nepeut et qui ne doit être analysé qrià, l'intérieur ilu parti. Rosa Luxemburga montré avec une logique décisive et cruelleo que là, il faut choisir. Choisirde rester ou ile ne pas rester socïoliste. celui qui, co''lme Bernstein, enseigneque dans le capitalisme le don de s'adapter sraccroît de plus en plus urr"" l"développement de la société ; et que par conséquent, la iossibiliié des criseséconomiques

- si jamais elles éclatent - et leur poissince et signiûcation

décline de plus en plus; celui gui prétend goe la ci"sse ouvrière i,u pu" depossibilité de prendre en main le pouvoir organisationnel de Ia prodirctionqu'à I'aide de la < lutte r syndicale et sans r?volution ; qui prét-enil que lasociéténfusionnerenpaixaveclesocialisme,celuiJà o"rir6à,êrr"roriilirt",et a quitté le terrain théorique du socialisme révolutionnaire.

Rosa Luxemlurg a mené cette bataille encore - apparemment _

"-ry_"^!19 avec Kautsky et d'autres I euxo ils critiquaient n slon ton )), et ne

s"identifiaient pas avec < ses exagérations >, mais < au fond ro disaient_ils,ils sont d'accord avec elle.-T',n eflet, Ia prise de position officielle du partisignifiait la condamnation de l'opportunirro. ooo"it de Bernstein et d'aultres.Mais ce que Bernstein et d,autris perdaient ici, ils I'ont gugoé .l"r* lu p;_tique. Le parti allemand déclaraii en vain qu;ir était srir ies positions' dumarxisme révolutionnaire.. Dans la pratique, plus la crise ûnàle a"

""fl_talisme.s'approchait, plus il se rapprochaitàe la position cle Bernstein, pil;;ldevenait opportuniste.

Contre cet opportunisme, Rosa Luxemburg a mené la bataille danstous les domaines

- maintenant toute seule, ippuyée pâr peu de cama-rades cornpréhensife et révolutionnaires (Liebknecht,^MeÈing, Radeh,Zetkin, etc.; parmi eux quelques-oor,

"o-à" par exemple puoiekoek, oe

comprenaient pas sa prise de position profonâe). Au âébot, Kuotrky eiles autres observaient les efforts de Rosla Lrr*e-horg avec une objectivité< scientiûque r éIégante et ( neutre ), pour devenii ensuite ouve-rtementhostiles,

L" "91!91"

du-principal ouvrage de sa vie (L,accumulation ilu capital,paru en r9l3) est I'analyse de l'impérialis-"

"o,,rà" étape ultime et ,roooelle

du développement capitaliste; c'àst un retour à ra ariie méthode de Marxet une tentative pour comprendre à I'aide de son espril le problème destemps nouveaux, que les opportunistes, en s'appuyant rur lalittre de Marx,ne pouvaient et ne voulaient pas comprendre. Là question de I'accumulationdu capital est en efet une question vitare du d^éveloppement capitariste.Accumuler veut dire, à I'aide d'une partie du profrt p.oâoit par an,

'accroître

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316 Sociologie iles intellectuels réaolutionnait.es

la production capitaliste. Cette partie est égale à celle -

qui resre - si,

du profit global d'une année de la classe capitaliste on retient celle çri estconsommée pour les propres besoius de cette classe. Avec ce reste, elleagrandit et développe ses usines. L'accumulation est donc une question devalorisation économique du profit dépassant la consommation capitaliste.La question est de savoir qui aa acheter ces marchandises clui sont produitesd'une manière accélérée ? Pour tout ouvrier sensé, la théorie de RosaLuxemburg esÈ tout de suite claire : de ltaccumulation du capital s'ensuitnécessairement cette tentative du capital de vouloir étendre le marché d,unefaçon continuelle et ininterrorlpue. Puisque la capacité d'absorption dumarché intérieur est limitée, le capital esr forcé de se répandre à l'échellemondiale (voir I'impérialisme). Mais puisque tôr ou tard il doit arriver unesituation où toutes les colonies et sphères d'intérêts seront la propriét6 sûrede certains groupements d'intérêts impérialistes-capitalistes, l'éclatementil'une bataille vitale entre ces groupements est inévitable: la guerre moniliale.La cause finale de la guerre se trouve dans le fait que tout groupementimpérialiste-capitaliste veur éviter la crise définitive à la charge de I'autre;parce que, pour la production capitaliste croissarrte il n'y a pas de marchésuffisamment large. Etant donné que la guerre mondiale ne peut être qu'unetentative pour éviter la crise ûnale, et qu'elle ne résout nullement la criseen elle-rnême, mais sème les germes pour tles nouvelles guerres mondiales, ils'ensuit que la guerre mondiale est nécessairement Ia crise ultime du capi-talisme, et de cette manière elle doit conduire à la réoolution moniliale.

Contre cette détermination extrêmement claire, la < science r de I'oppor-tunisme a mené une bataille si acharnée, que I'on n'en trouve point depareille dans toute I'histoire de la pensée socialiste. L'élite de la < science >

de I'opportunisme avec Otto Bauer et l{ilferding à sa tête a essayé de prouverpar des arguments, par des moqueries et par des données statistiques, nonseulement que Rosa Luxemburg se trompe, mais qu'elle voit un problèmelà où il noy en a pas. La question de I'accumulation du capital n'en est pasune selon eux : Ie capital crée lui-même son propre marché. L'impérialismeest ulr ( phénomène éphémère r, les crises ont un caractère < transitoire >,

et donc Ie capitalisme - du point de vue éconornique

- peut môme être

éternel. Il est du rnoins certain, que ce n'est pas lui-même qui creuse sapropre tombe par son développement iUimité et technique.

Toute théorie de la lutte de classe a pour critère véritable sa prâtique.De mêne que les opportunistes, durairt de longues années, ne voulaientpas reconnaître I'existence de I'impêrialisme et I'approche nécessaire de lag'uerre mondiale qui le suivait, de même, au moment de l,éclatement de Iaguerre mondiale, ils ne voulaient pas D.on plus y voir Ia mise eu marche dela crise mondiale, et encore moins e' tirer les conséquences concernant leuraction. Comme pour I'impérialisme, ils ont pris la guene pour un épisodentel qu'avec la disparition de celle-ci, la eituation < normale r serait retourn6eà nouveau : le temps de la lutte syndicale, cles élections parlementaires, descongrès internationaux. Il est évident que dans ces conditions, I'fnter-nationale des opportunistes s'est écroulée, Ils I'oirt considérée d'ailleurscorlme un épisode. r L'Internationale est un moyen de la paix, et non dela guerre r, disait le plus sage, Kautsky.

La Iutte théorique et pratigue de Rosa Luxemburg contre les opportu-

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nistes récoltait dans ce domaine les plus difficiles et les plus brillantes vic-toires. Alors qu'elle a passé la plus grande partie de la guerre en prison,c'était elle malgr6 tout qui, avec Mehring, Liebknecht et Jogiches, a organiséIa lutte antïguene i\\êga\e. Àvec Mehuïng i\s ont uêô lÈ $vue Inæmotiomle,et plus tard, avec l'élargissement du g"àop., ils ont publié iilégalement lesfam.euse_s letres-Sparracus, ils onr

1o1àq F Ligue Spuitu"or. è'Ci;iJk;;;durant Ies premiers jours, a amené LiebknecLt héiitant ,". l" t;;;;;i;;c'est grâce à sa clairvoyanc_e théorique que I'hésitation du prus granil hérosde la lutte antiguerre n'a duré qo"-qo"igo", jours. C,esr

"if" qii . j";i;;

bases_thé_oriques de toure la lurte, Dans son pamphlet magnidqoe i"rir"iàLa crise de la socïal-dûmocratie, e\e esquisse à ioo.reao un tableao grandiosedu développement de I'impérialisme, àe la signiûcation historique" et mon-diale de la guerre, de Ia tâche du prolétariat ùs-à-vis d" sa propie mission ;tâche-qui n'1vai1 pas pu et n'avaii pas voulu accomplir la social-démocratie.Et elle-a exigé la création d'une arme nécessaire À ln lott" du prorétariatcontre le capitalisme mondial : la formation d'une rnternationafe nouvelleet révolutionnaire.

Parce que Rosa Luxemburg n'a jamais oublié ra pratique à côté ale lathéorie. La

-théorie la plus profonde et ra plus vraie f,o,," "ir"

et"it .,.uturieseulement da's la mesure où elle avait

-montré urie nouvelle voie pour

I'action du prolétariat, de même-que la critique n,a été pour elt" qo'oo *ây".,pour la dêcouuerte ile moyens ile rutte posilifs. Rosa Luxemboig ou"".rrûlnapproche de la révolution mondiale orre" lu Lê-e clairvoyance pirophétiqueque_le danger proche de la guerre mondiale. La révolution mrr" a" rôos-rs'oia- réveillé pour un moment la social-démocratie européenne de la paressethéorique, Sous l'influence de la révolution .,,"."n mê-e l(autski et lesautres-croyaient que l'époque de Ia révolution était arrivée, et ils ont prispour

.objet d'analyse le moyen_ de lutre qui s'était ma*ifesté là-bas, pooi lupremière fois et en grand style : la grèue de tnasses.

Mais alors, comme toute théorie opportuniste ouverte ou masquée, celle_ciest partie sur des bases fausses, pour arriver à des résultats égalime.rt faux,et à I'inaction' Là aussi Rosa Luxemburg a découvert d'une"façon ,téci"ivela fausseté du point de départ. Les deux courants opportunistes polémi-quaient pour savoir s'il était jusre (er quand) a'utitisei corrme ;ôÀ;;Iutte Ia grève de masses. Rosa. Luxemf,urg a constaté par contre, "que

laquestion était posée d'une manière incorrecte. parce qu'il ,re ,'rrgij pu, desavoir si I'on.veut ou pas, et quand, la grève tle masses ("o a""oia.i uo.tyr" ,la révolution), mais de savoir quelle position prendre vis-à-vis de la grèvl der.asses

-qui se développe nécessairement en ônséquence du déveloipemeniéconomique , cofnr,ent nous coniluirons cette grèue à" *^r* uers la iirectionde la rôoolution prolêtarienne ?

_ Avec cette_conception, la position concernant la question de I'orga.isationchange radicalemeut. selon Ia conception ancienr,Jde la sociar-dàmocratifl'organisation est une prémisse de la révolution : on peut penser à la révo_lutio-n seuleme't quand la classe ouvrière est tléjà organisée de telle manièrequ'elle peut I'accomplir avec succès, coûtre cett; prisi de position, la critiqued'Engels est tout à fait correcte sur Ia théorie ile la grave anarchiste, seionIaquelle ce sont soit les conjonctures poritigues qui ne perrnettent pas r'évo-lution de I'organisation parfaire, et à ce momeit.là ù grève géiérale est

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impossible, soit qu'elles le permettent, rnais alors le pouvoir du prolétariat€st déjà si grand, que la grève générale devient inutile. Ftosa Luxemburgrompt avant tout avec le concept strict et mécanique de la grève générale,selon lequel elle est une action momentanée, bien préparée et putchiste,pour la prise volontaire du pouvoir politique, ou pour atteindre un autrebut politique quelconque. Elle démontre avec des matériels historiquesabondants, que la grève générale est un processus, La grève n'est pas unmoycn de la révolution, mais elle est la réaolution elle-même. EIle n'est pasla simple utilisation du pouvoir économique de la classe ouvrière pouracquérir certains buts politiques mais la grèue génôrale estl'unitê insêporablede Ia lutte éconotnique et politique. Les mouvements de revendications sala-riales deviennent inévitablement des luttes politiques. En plus, les époquesrévolutionnailes sont caractérisées justement par cette unité inséparable,Par conséquent, I'organisation n'est pas une prémisse (une condition) maiselle est la consôquence de la grève générale, donc de la révolution, Le motd'ordre du Monifeste contmuniste selon lequel le prolétariat s'organise enclasse par la révolution, a été clairement confrrmé par la révolution russe.D'autant plus que le prol6tariat comme classe est loin d'être iilentique à cescouches de I'aristocratie ouvrière, dont l'organisation est le seul ou plutôtle principal but de I'opportunism.e. Dans chaque pays

- et pas seulement enRussie < aniérée r

- iI y a des vastes couches du prolétariat (concernantItAllemagneo Luxembourg dénombre les mineurs, les ouvriers du textileo lesouvriers de la terre) dont I'organisation est possible uniquement par larûoolution, par une voie révolutionnaire, Mais alors ces couches < arriérées >o

exploitées inûniment -

justement parce qu'elles n'ont à perdre que leurschaines - deviennent dans la révolution des combattants, au moins aussidignes de confiance gue les anciens membres des syndicats.

De cette manière, on voit sous une autre Iumière le rôIe ilu parti dans larûaolution, Rosa Luxemburg refuse la prise de position, selon laquelle lerôle du parti est de r faire r la révolution, et qui est la même chez les oppor-tunistes et chez les putchistes, avec un but différent, tout au noins. Par Iefait qu'elle décrit la grève générale révolutionnaire comme :une explosionéIûnentaire résultant du développement économique, elle ne nie pas lasigniûcation du parti. Au contrafue. C'est, elle qui la première

- à I'exceptiondes Russes

-, a découvert et a mis à sa juste place le vrai rôle du parti dausla révolution '. la ilirection iles moutsements ile masses spontanêment iléaelopp,ês.

Avec cette découverte, Rosa Luxemburg retourne à la source initiale de lascience de la lutte de classe, qui était caehée pendant si longtemps par lafausse science de I'opportunisme : Marx. Marx déûnit nettement, dès le rlébutdes années cinquante, I'essentiel de la révolution prolétarienneo contrairementà la révolution bourgeoise. Et alors Rosa Luxemburg, la disciple autonome,géniale et fidèle, le suit dans cette défrnitiorr : la révolution prolérarienne nepeut pas se terminer avec la prise du pouvoir d'Etat, momentanée et réussie,nais elle est un processus long, et douloureux, plein de hauts et de bas. Contreles soucis opportunistes, selon lesquels la révolution prolétarienne arrive troptôt, et ne trouve pas < mûrs I ni les conditions économiques ni le prolétariatoRosa Luxemburg démontre dès Ies années quatre-vingt-dixo que la révolutionne peut pas arriver trop tôt, parce que la simple existence des forces révo.lutionnaires du prolétariat est iléjà :une conséquence de la maturité des condi-

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Doatments 319

tions économiques. Du point de vue du maintien du pouooir, par contre, larévolution arrive et doit arriver trop tôt , Parce que la maturitê rêoolutionnairene peut être acquise par Ie prolétariat que par l'action réuolutionnaire, que ilanslu r4uolution elle-même.

Rosa Luxemburg, la fan.atique ile la révolution, était une révolutionnaireau regard fanatiquement clair, libérê de toute illusion. Quand en novem-bre 19lB les portes de la prison s'ouvrent devant elle, quand les massesrévoltées commencent à s'organiser sous le drapeau de Spartacuso RosaLuxemburg n'a surestimé à aucun moment l'évolution de la révolution alle-mande, Elle savait très bien que les grandes masses du prolétariat allenandn'étaient pas véritablement révolutionnarisées, que la révolution politique(bourgeoise) conl.rnence à peine.à se transformer en révolution économique(prolétarienne). Elle savait parfaitement que I'insurrection de janvier pro-voquée par Noske devait se terminer par un échec, et que cet afrrontementsignifiait seulement une bataille préparatoire pour la révolution allemande.Mais au moment où les prolétaires conscients se sont engagés dans la lutte,Rosa Luxemburg avait parfaitement conscience que la lutte était sans issue,mais elle savait consciemment que la victoire finale approchait et elle esttombée sous les coups des mercenaires de Noske comme un martyr et unhéros véritable.

(Trad. Rita Krss.)