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POUR L'OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES PAR ingénieur civil diplômé EPF de nationalité suisse et originaire de Chamoson (VS) acceptée sur proposition du jury: Lausanne, EPFL 2007 Prof. M.A. Hirt, président du jury Prof. R. Rivier, Dr P. Tzieropoulos, directeurs de thèse Prof. E. Brühwiler, rapporteur Dr F. Laube, rapporteur Prof. E. Quinet, rapporteur GESTION STRATÉGIQUE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACITÉ D'UN RÉSEAU FERRÉ Yves PUTALLAZ THÈSE N O 3852 (2007) ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE PRÉSENTÉE LE 30 NOVEMBRE 2007 À LA FACULTÉ DE L'ENVIRONNEMENT NATUREL, ARCHITECTURAL ET CONSTRUIT Laboratoire d'intermodalité des transports et de planification SECTION DE GÉNIE CIVIL

GESTION STRATÉGIQUE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACITÉ … · de la substance, capacité ferroviaire, gestion coordonnée de la maintenance et de la capacité, coût du cycle de

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  • POUR L'OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR S SCIENCES

    PAR

    ingnieur civil diplm EPFde nationalit suisse et originaire de Chamoson (VS)

    accepte sur proposition du jury:

    Lausanne, EPFL2007

    Prof. M.A. Hirt, prsident du juryProf. R. Rivier, Dr P. Tzieropoulos, directeurs de thse

    Prof. E. Brhwiler, rapporteur Dr F. Laube, rapporteur

    Prof. E. Quinet, rapporteur

    GESTION STRATGIQUE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT D'UN RSEAU FERR

    Yves PUTALLAZ

    THSE NO 3852 (2007)

    COLE POLYTECHNIQUE FDRALE DE LAUSANNE

    PRSENTE LE 30 NOVEMBRE 2007

    LA FACULT DE L'ENVIRONNEMENT NATUREL, ARCHITECTURAL ET CONSTRUIT

    Laboratoire d'intermodalit des transports et de planifi cation

    SECTION DE GNIE CIVIL

  • En souvenir du regrett Professeur Robert Rivier

    En hommage Rosa Meier, Aline Carrupt, Marcel Tobie Putallaz et Joseph Steinauer, faiseurs de Suisse

  • REMERCIEMENTS I

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Remerciements Ma reconnaissance sadresse en premier lieu au regrett Professeur Robert Rivier disparu quelques jours avant lachvement de ma recherche. En avril 2001, Robert Rivier me reoit et me propose ce sujet de recherche. Au cours des annes qui suivent, jai la chance maintes reprises de profiter de son exprience de scientifique, de son analyse critique et pertinente des problmatiques lies aux transports et la maintenance des rseaux de chemins de fer en particulier. Je garde galement un excellent souvenir de sa compagnie lorsque lquipe dexperts constitue pour laudit du rseau ferr national franais (rapport Rivier) le suivait sur le terrain. Robert Rivier arpentait les voies, lil aux aguets, la recherche de traverses fissures, dattaches inefficaces et de ballast pollu Pour ceci et pour tout le reste, merci Robert Rivier. Et adieu. Ma gratitude sadresse galement au Professeur mile Quinet, de lcole Nationale des Ponts et Chausses de Paris. Il a eu la gentillesse de mettre ma disposition, dans une extraordinaire simplicit, sa carrure scientifique et ses connaissances tendues de lconomie des transports. Lapproche socio-conomique de ma dmarche lui doit beaucoup. Ce travail ne serait pas ce quil est sans le concours lumineux de Dr. Panagiotis Tzieropoulos dont la capacit danalyse et de synthse, le tout la sauce systmique, mimpressionnera toujours. Je tiens la remercier galement pour son prcieux soutien durant les heures difficiles et notamment pour son exercice de relecture minutieuse. Je remercie galement le Professeur Brhwiler pour lassistance sur laquelle jai pu compter suite la disparition du Professeur Rivier. Jexprime galement ma reconnaissance au jury de thse, compos des professeurs Brhwiler, Hirt et Quinet ainsi que des docteurs Tzieropoulos et Laube, pour le temps quil a consacr lexercice de sa fonction ainsi que pour ses remarques constructives. Lquipe du Laboratoire dIntermodalit des Transports et de Planification (LITEP) a constitu au fil des annes une formidable famille, dans laquelle jai puis des ressources tant scientifiques quhumaines, ressources sans lesquelles ma dmarche aurait t vaine. Je pense particulirement Anne Curchod qui, avec force patience et comprhension, a dvelopp les extensions de FASTA. Merci galement Chiara, Christine, Daniel, Isabelle, Jean-Daniel, Jean-Pierre, Marianne, Raphalle, Regi, Willem-Jan Ma dmarche de recherche sest fortement appuye sur des donnes du terrain qui ont t gracieusement mises disposition par les chemins de fer fdraux suisses (CFF). Je tiens souligner le formidable soutien dont jai eu la chance de bnficier. Je remercie en particulier M. Oskar Stalder, pivot de lopration, grce qui les informations ont pu tre obtenues. Ma reconnaissance sadresse galement Monsieur Vincent Ducrot, responsable Grandes Lignes, de CFF Voyageurs, qui a accept de transmettre des donnes de frquentation relativement sensibles. Merci galement Messieurs Brechbhl, Hirsch, Kellenberger, Rickli et Thomet de CFF Infrastructure Berne, Messieurs Chevalley, Gesseney, Monnet et Winter de CFF Infrastructure Lausanne. Merci galement Messieurs Olivier Bernard de Oxand srl Genve, Bernhard Maier de Semaly Lyon, Nuno Moreira de lUniversit Technique de Lisbonne, Jos Viegas, de TIS Lisbonne et tous les autres Je terminerai par un gros clin dil mes parents et ma famille pour tout ce dont jai pu bnficier (cest trop long numrer). Merci mon pre pour la relecture minutieuse du rapport. Et bien sr, merci Graldine

  • REMERCIEMENTS II

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

  • RSUMS III

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Rsum Les rformes des chemins de fer en cours depuis les annes nonante tendent responsabiliser les acteurs impliqus dans la gestion du systme ferroviaire. Dautre part, les collectivits publiques exigent un accroissement de la productivit de linfrastructure ferroviaire qui se traduit en gnral par une pression sur les moyens financiers octroys ainsi que par des exigences accrues en matire de disponibilit de linfrastructure (saturation du rseau). De ces pressions mergent deux difficults. La premire rside dans la gestion durable de linfrastructure par le biais dune stratgie de maintenance de linfrastructure axe sur le long terme. La deuxime difficult touche lorganisation de la maintenance, notamment lorganisation des plages travaux, dans un contexte de saturation croissante du rseau. Dans les deux cas, il sagit dune problmatique de gestion coordonne du dveloppement de linfrastructure ferroviaire, maintenance comprise, et de sa capacit. Dans ce contexte, la thse propose quatre axes de rflexions qui visent mettre en vidence les liens importants entre les lments de planification de la maintenance et les contraintes technico-conomiques lies la capacit de linfrastructure. Le premier axe de recherche porte sur la structuration de la problmatique de la maintenance de linfrastructure et de ses processus de planification. Le second axe touche les mthodes dvaluation des probabilits dindisponibilit de linfrastructure ainsi que la montarisation des consquences de cette indisponibilit sur le trafic. Le troisime point traite de la cohabitation entre les travaux de voie et la capacit. Enfin, le quatrime et dernier axe de rflexion se rapporte la modlisation des besoins de maintenance long terme et aux implications conomiques de la capacit, et notamment de la saturation, sur le choix des meilleures stratgies. Ces rflexions dbouchent sur la cration de trois modles qui proposent quelques pistes de dveloppement qui pourraient terme constituer un support utile aux gestionnaires de infrastructure.

    Zusammenfassung Die Reformen der Eisenbahn seit den Neunziger Jahren ziehen die Akteure, die an der Betreibung von Eisenbahnsystemen beteiligt sind, zunehmend zur Verantwortung. Zugleich fordert die ffentlichkeit eine wachsende Produktivitt der Eisenbahninfrastruktur, die sich in der Regel in knappen zur Verfgung stehenden finanziellen Mitteln sowie in erhhten Anforderungen an die Bereitstellung von Infrastruktur (Problem der Netzsttigung) uert. Aus diesem Druck erwachsen zwei grundstzliche Schwierigkeiten. Die erste Schwierigkeit bezieht sich auf die nachhaltige Betreibung der Infrastruktur mittels einer langfristigen Erhaltungsstrategie. Die zweite Schwierigkeit beruht auf der Organisation der Instandhaltung, insbesondere der Organisation der Baustellen, im Zusammenhang wachsender Netzausnutzung. Beide Flle stellen die Anforderung an eine integrierte Steuerung der Entwicklung von Eisenbahninfrastruktur, einschlielich der Instandhaltung, sowie der Netzkapazitt. In diesem Rahmen schlgt die vorliegende Arbeit vier Gedanken-Sulen vor, die die wichtigen Verbindungen zwischen den Planungselementen zur Instandhaltung und den technisch-wirtschaftlichen Zwngen hinsichtlich der Infrastrukturkapazitt aufzeigen sollen. Die erste Forschungssule setzt an der Problemstrukturierung der Infrastrukturinstandhaltung und den entsprechenden Planungsprozessen an. Das zweite Standbein der Arbeit beruht auf den Bewertungsmethoden der Risiken von Infrastrukturmangel und verdeutlicht die monetarisierten Kosten dieser Mngel im Verkehrsgeschehen. Der dritte Aspekt bezieht sich auf das Zusammenspiel von Schienenarbeiten und Netzkapazitt. Die vierte und letzte Sule beschftigt sich mit der Modellierung des langfristigen Instandhaltungsbedarfs und den wirtschaftlichen Implikationen der Kapazitten - und somit der Netzauslastung - fr die Auswahl geeigneter Handlungsstrategien. Die berlegungen fhren schlielich zur Ausbildung von drei Modellen, die verschiedene Entwicklungswege vorschlagen, welche einen ntzlichen Beitrag fr die Arbeit der Akteure der Infrastruktursteuerung leisten knnen.

  • RSUMS IV

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Abstract The railway reforms introduced since the nineties tend to spread responsibilities among different actors involved in the management of the railway system. On the other side, the governmental organisations are forced to boost the productivity of their railway infrastructure resulting in pressure on the public funding and an increase in the availability demand of the infrastructure (network saturation). Due to this pressure, two problems occur. The first is the sustainable management of the infrastructure through application of a long term maintenance policy. The other difficulty involves the maintenance organisation, especially the organisation of the possession times, in the context of an increasing saturation of the network. In these two cases, the problem lies in the coordinated management of the development of the railway infrastructure, including maintenance and capacity issues. In this context, this thesis proposes four considerations distinguishing the important relationship between several elements of maintenance planning and the technical-economical constraints connected to the infrastructure capacity. The first consideration deals with structuring the problems of the infrastructure maintenance and its planning process. The second regards the evaluation of the risk of infrastructure not being available, including the financial risks involved with this non availability. The third is on the relationship between maintenance works and capacity issues. The fourth and final consideration focuses on the long-term maintenance needs and the economical implications on capacity especially with regard to the network saturation and the choice of the best strategy. The considerations lead to the creation of three models proposing some possible development strategies which might by time support the infrastructure manager with his tasks.

    Samenvatting De hervormingen van de spoorwegen sinds de jaren negentig neigen ertoe verschillende spelers medeverantwoordelijk te maken bij het beheer van het spoorwegsysteem. Aan de andere kant worden de staatsbedrijven ertoe gezet de productiviteit van de spoorinfrastructuur te verbeteren, wat over het algemeen resulteert in een druk op aangewende financile middelen en toegenomen eisen met betrekking tot beschikbaarheid van de infrastructuur (verzadiging van het netwerk). Door deze druk ontstaan twee moeilijkheden. De eerste is het duurzame beheer van de infrastructuur, door het toepassen van een op de lange termijn gerichte onderhoudspolitiek. De tweede moeilijkheid richt zich op de organisatie van onderhoudswerkzaamheden, speciaal met betrekking tot de tijd die daarvoor ter beschikking staat in een steeds verder verzadigd netwerk. In het kader van deze twee problemen ontstaat de noodzaak tot een gecordineerd beheer van de ontwikkeling van spoorweginfrastructuur, inclusief het onderhoud en de benodigde capaciteit daarvoor. In deze context behandelt deze dissertatie vier overwegingen die uitleg geven aan het belangrijke verband tussen de verschillende onderdelen van onderhoudsplanning en de technisch-economische beperkingen met betrekking tot de benodigde capaciteit. De eerste behandelt het structureren van de problematiek omtrent het onderhoud van de infrastructuur en het planningsproces van dat onderhoud. De tweede behandelt de evaluatiemethodes voor het risico van niet-beschikbaarheid van de spoorinfra, inclusief de financile gevolgen van deze niet-beschikbaarheid. De derde reflectie gaat in op de relatie tussen spoorwegwerkzaamheden en capaciteit. De vierde en laatste behandelt het modelleren van de onderhoudsbehoefte op de lange termijn en de daarmee samenhangende economische effecten op de capaciteit, speciaal met betrekking tot de verzadiging van het netwerk en de keuze van de beste strategie. Deze overwegingen leiden tot drie modellen die enkele ontwikkelingsmogelijkheden voorstellen die op den duur zouden kunnen functioneren als toepasbare ondersteuning voor de infrabeheerder.

  • RSUMS V

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Mots cls Planification ferroviaire, planification de la maintenance dun rseau ferr, stratgies de maintien de la substance, capacit ferroviaire, gestion coordonne de la maintenance et de la capacit, cot du cycle de vie de linfrastructure, simulation de lexploitation, fiabilit de lhoraire, valeur socio-conomique de la capacit ferroviaire.

    Keywords Railways planning, railways maintenance and renewal planning, rail network capacity, strategies to secure infrastructure substance, coordinated management of rail network maintenance and capacity, infrastructure life cycle cost, timetable simulation, timetable reliability, socio-economic value of rail capacity.

    Schlsselwrter Eisenbahn Planung, Eisenbahn Unterhalt und Erneurung Planung, Substanzerhaltung Strategien, koordinierte Planung der Substanzerhaltung Strategien und Netzkapazitt, Kosten des Lebenszyklus, Fahrplan Simulation, Fahrplan Stabilitt, Volkswirtschaftlicher Wert der Kapazitt.

  • RSUMS VI

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

  • TABLE DES MATIRES VII

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Table des matires

    1 INTRODUCTION, OBJECTIFS ET CHAMPS DTUDE __________________________ 1

    1.1 ORIGINE DE LA THSE ________________________________________________________ 1 1.2 LA GESTION DE LA MAINTENANCE DE LINFRASTRUCTURE FERROVIAIRE : QUELS DFIS ? _ 2 1.3 OBJECTIFS DE LA THSE _______________________________________________________ 6 1.4 CHAMPS DTUDE ET MTHODOLOGIE ___________________________________________ 6 1.5 ORGANISATION DU DOCUMENT _________________________________________________ 7

    2 CONTEXTE DE LTUDE ET DFIS DU GESTIONNAIRE DINFRASTRUCTURE _ 9

    2.1 UN PEU DHISTOIRE __________________________________________________________ 9 2.2 LA RFORME DES CHEMINS DE FER ______________________________________________ 10

    3 PILOTAGE DUN SYSTME COMPLEXE : GESTION DE LINFRASTRUCTURE FERROVIAIRE __________________________________________________________________ 17

    3.1 INTRODUCTION ______________________________________________________________ 17 3.2 MODLISATION SYSTMIQUE : QUELQUES BASES THORIQUES _______________________ 17 3.3 PILOTAGE TACTIQUE ET STRATGIQUE DUN SYSTME : MATRISER LVOLUTION ______ 28 3.4 PILOTAGE TACTIQUE ET STRATGIQUE DE LINFRASTRUCTURE FERROVIAIRE _________ 37 3.5 REMARQUES CONCLUSIVES ___________________________________________________ 48

    4 PROPOSITION MTHODOLOGIQUE DE COORDINATION STRATGIQUE DE LA PLANIFICATION DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT ___________________ 49

    4.1 COORDINATION DE LA CAPACIT ET DE LA MAINTENANCE : FORMALISATION DES RELATIONS. _____________________________________________________________________ 49 4.2 PROPOSITION DUNE MTHODOLOGIE DOPTIMISATION DES STRATGIES DE MAINTENANCE, INCLUANT LES PROBLMATIQUES LIES LA CAPACIT ___________________ 52

    5 PREMIRE TAPE : SIMULATION DE LEXPLOITATION, EXTENSION DES FONCTIONNALITS DE FASTA _________________________________________________ 57

    5.1 INTRODUCTION _____________________________________________________________ 57 5.2 SIMULATION DE LEXPLOITATION : TAT DE LART ET POURQUOI FASTA ? ___________ 57 5.3 FASTA : DESCRIPTION SUCCINCTE _____________________________________________ 58 5.4 GNRATION DUNE POPULATION STATISTIQUE DE PERTURBATIONS RSEAUX ________ 65 5.5 QUELQUES RSULTATS _______________________________________________________ 70 5.6 REMARQUES CONCLUSIVES ET PERSPECTIVES ____________________________________ 74

    6 DEUXIME TAPE : MONTARISATION DES COTS DINDISPONIBILIT ____ 77

    6.1 INTRODUCTION _____________________________________________________________ 77 6.2 VALUATION DU REPORT MODAL VOYAGEURS ENGENDR PAR UNE RDUCTION DURABLE DES PERFORMANCES DE LINFRASTRUCTURE _________________________________________ 82 6.3 VALUATION DES COTS DINDISPONIBILIT ____________________________________ 102 6.4 QUELQUES RSULTATS _______________________________________________________ 110 6.5 REMARQUES CONCLUSIVES ET PERSPECTIVES ____________________________________ 112

  • TABLE DES MATIRES VIII

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    7 TROISIME TAPE : IMPACT DES PLAGES TRAVAUX SUR LES COTS DE MAINTENANCE : MODLISATION DES PLAGES TRAVAUX _______________________ 115

    7.1 INTRODUCTION _____________________________________________________________ 115 7.2 PRATIQUES EUROPENNES ___________________________________________________ 115 7.3 MODLISATION LMENTAIRE DE PLAGES TRAVAUX 2 EXEMPLES __________________ 117 7.4 TUDES DE CAS _____________________________________________________________ 122 7.5 REMARQUES CONCLUSIVES ET PERSPECTIVES ____________________________________ 123

    8 QUATRIME TAPE : SIMULATION DES STRATGIES DE MAINTENANCE DE LA VOIE __________________________________________________________________________ 125

    8.1 INTRODUCTION _____________________________________________________________ 125 8.2 ASPECTS TECHNIQUES RELATIFS AU SYSTME PHYSIQUE DE LA VOIE _________________ 125 8.3 VALUATION DES BESOINS DE MAINTENANCE DE LA VOIE : TAT DE LART ___________ 135 8.4 MODLISATION DE LVALUATION DES BESOINS DE MAINTENANCE DE LA VOIE _______ 140 8.5 EXEMPLES DE RSULTATS ET COMMENTAIRES ___________________________________ 148 8.6 REMARQUES CONCLUSIVES ET PERSPECTIVES ____________________________________ 152

    9 CONCLUSION ET PERSPECTIVES ___________________________________________ 155

    9.1 RSULTATS _________________________________________________________________ 155 9.2 ORIGINALIT DE LA THSE ___________________________________________________ 155 9.3 PERSPECTIVES DE DVELOPPEMENTS FUTURS ___________________________________ 156

    10 BIBLIOGRAPHIE ___________________________________________________________ 159

    11 ANNEXES _________________________________________________________________ 163

  • 1 - INTRODUCTION, OBJECTIFS ET CHAMPS DTUDE 1

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    1 Introduction, objectifs et champs dtude

    1.1 Origine de la thse Depuis le dbut des annes nonante, les chemins de fer europens entreprennent une vritable mue structurelle, essentiellement impulse par lUnion Europenne. Cette transformation profonde vise redynamiser le paysage ferroviaire europen afin que le rail devienne une alternative concurrentielle la route et, dans une certaine mesure, larien. La stratgie dessine par lUnion Europenne institue la sparation de la gestion de linfrastructure ferroviaire de celle de lexploitation des trains. Cette sparation permet : douvrir la concurrence lexploitation du matriel roulant ; de distinguer clairement les fonctions confres aux gestionnaires dinfrastructure et aux oprateurs, des prrogatives dtats ou de collectivits publiques.

    Lintroduction de la concurrence entre exploitants de matriel roulant, que lon appelle oprateurs, cherche accrotre les performances conomiques des services de transports par rail. La dfinition claire du rle des tats dans la gestion du monde ferroviaire favorise lmancipation des compagnies de chemin de fer, susceptibles enfin dtre diriges selon des principes managriaux en vigueur dans le priv. Ces mesures saccompagnent de lassainissement des situations financires, en principe dsastreuses, des compagnies nationales historiques1, porteuses de lourdes dettes. Les transformations brivement prsentes ci-dessus doivent crer les conditions cadres permettant aux entreprises ferroviaires europennes de reconqurir des parts de march, en transport marchandises notamment, et contribuer tablir une mobilit plus durable en Europe. Au cours des dernires annes, le laboratoire LITEP-EPFL2 ainsi que lauteur ont contribu plusieurs tudes relatives la problmatique de la gestion de linfrastructure ferroviaire soumise aux nouvelles exigences et aux dfis poss par cette mue structurelle. Les rsultats du projet europen IMPROVERAIL (Putallaz, Rivier and al., 2003) ainsi que laudit du rseau ferr national franais (Rivier, Putallaz, 2005) soulignent les dfis et les difficults auxquels sont confronts aujourdhui les gestionnaires dinfrastructure. Cette thse constitue le prolongement naturel des considrations tablies dans le cadre des projets susmentionns. Elle affine et complte les raisonnements et modles dvelopps par lauteur dans ce cadre.

    1 On confre le qualificatif historique aux compagnies, entreprises et autres oprateurs ferroviaires lorsque ils manent des grandes compagnies nationales datant davant la rforme. titre dexemple, la SNCF (Socit Nationale des Chemins de Fer Franais) reprsente loprateur historique franais et les CFF loprateur historique helvtique. 2 Laboratoire dIntermodalit, des Transports et de Planification de lcole Polytechnique Fdrale de Lausanne.

  • 1 - INTRODUCTION, OBJECTIFS ET CHAMPS DTUDE 2

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    1.2 La gestion de la maintenance de linfrastructure ferroviaire : quels dfis ?

    Les rformes, que le chapitre 2 expose plus en dtail, suivent actuellement leur cours et commencent porter leurs fruits. Mais elles posent galement de nouveaux dfis, notamment pour les gestionnaires de linfrastructure. Premirement, la dsintgration3 des compagnies ferroviaires historiques et la dfinition plus claire du primtre de comptence de chaque acteur (gestionnaire de linfrastructure, oprateurs, autorits de tutelle4,) favorisent lidentification et la quantification des intrants et des extrants des systmes de production de chaque acteur. Les flux dcisionnels et financiers deviennent plus transparents. Dautre part, les collectivits publiques poursuivent en gnral leur effort de redynamisation des chemins de fer et consentent par consquent de lourds investissements5. En contrepartie, elles exigent un accroissement de la productivit, de linfrastructure ferroviaire notamment, qui se traduit en gnral par une pression sur les moyens financiers octroys par les collectivits ainsi que par des exigences accrues en matire de disponibilit de linfrastructure (saturation du rseau). De ces pressions mergent deux difficults. La premire rside dans la gestion durable de linfrastructure par le biais dune politique de maintenance6 axe sur le long terme. La deuxime difficult touche lorganisation de la maintenance, notamment lorganisation des plages travaux7, dans un contexte de saturation croissante du rseau

    1.2.1 Premier dfi : la gestion durable de linfrastructure ferroviaire Le gestionnaire dinfrastructure soumis une forte pression sur ses rsultats financiers peut tre tent par une rduction des investissements de rgnration au profit de rductions des cots immdiats mais au dtriment de la durabilit du patrimoine. Linsuffisance chronique des moyens allous la rgnration engendre une rduction rgulire de substance8 du patrimoine qui conduit une perte de matrise du systme dinfrastructure. La figure 1 illustre le mcanisme. Imaginons une infrastructure de substance stable (gale la moiti de la dure de vie des lments qui la constituent) et dont ltat correspond aux exigences de lexploitation (situation A). Les gestionnaires dcident de rduire de faon durable les moyens allous au renouvellement de linfrastructure. La substance dcrot rgulirement sans pour autant affecter ni les besoins

    3 Les directives europennes en la matire requirent au minimum une sparation comptable entre la gestion de linfrastructure et lexploitation des trains. 4 Ministre, office fdral ou autre entit administrative gouvernementale responsable des chemins de fer dun pays, dun territoire. 5 La Grande-Bretagne dpense plusieurs milliards deuros par an pour rgnrer son rseau ferr vtuste. La Suisse vient dachever la premire tape de son projet RAIL 2000. La France, lEspagne, lItalie dveloppent leur rseau grande vitesse. 6 La notion de maintenance comprend lentretien et le renouvellement (ou rgnration) de linfrastructure. 7 Les plages travaux sont des espaces de lhoraire pendant lesquels la circulation des trains est interdite sur une ou plusieurs voies, pour permettre lexcution des travaux de maintenance de linfrastructure ferroviaire. 8 La substance de linfrastructure ferroviaire est dfinie comme la moyenne de la dure de vie rsiduelle de ses composants. Une infrastructure essentiellement constitue dlments anciens se caractrise par une courte dure de vie rsiduelle, donc par une substance faible.

  • 1 - INTRODUCTION, OBJECTIFS ET CHAMPS DTUDE 3

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    dentretien ni les performances dexploitation du rseau : linfrastructure se caractrise par une grande inertie (situation B). Au bout de quelques annes, il devient de plus en plus difficile de maintenir le niveau de qualit et dtat des composants de linfrastructure sans augmentation substantielle des sommes allous lentretien (situation C). La substance de linfrastructure se rduit encore, les sommes disponibles pour lentretien ne suffisent plus maintenir ltat de linfrastructure (situation D). Le systme devient alors instable, ncessite beaucoup dentretien caractre palliatif, trs onreux et il y a rduction de capacit (situation E). Il ne subsiste alors que deux solutions : interrompre lexploitation des lignes de chemin de fer concernes ou procder un investissement massif de rgnration. La restauration des performances du rseau ncessite alors une norme concentration de moyens techniques et financiers destins la rgnration du rseau (situation F). Malheureusement, les effets bnfiques de leffort dinvestissements napparaissent quune dcennie plus tard, les dpenses dentretien ne se rduisant que progressivement. Cette inertie refroidit plus dune autorit de tutelle9, qui rechigne investir massivement dans une mesure somme toute peu visible sur le plan politique et qui ne portera finalement ses fruits que dans une ou deux lgislatures.

    Substance Qualit/tat

    Capacit

    S

    C

    Q S

    C

    Q

    S S

    C

    Q

    C

    Q S

    C

    Q

    A) Situation quilibre B) Rduction des investissementsde rgnration

    C) Croissance des besoinsdentretien pour maintenir ltat

    du patrimoine

    D) Les budgets dentretien ne suffisent plus. Ltat des installations se dgrade

    E) Ltat des installations ne permet plus dassurer un niveau

    de disponibilit suffisant

    F) Lquilibre ne peut tre retrouv que par un effort dinvestissements important

    Investiss

    ements

    de rgn

    ration Dpensesdentretien

    limite limite

    Dpenses Grandeurs physiques (substance, etc.) Figure 1 . Mcanisme de perte de matrise de linfrastructure : politique de maintenance inadapte.

    9 La plupart des rseaux de chemins de fer europens appartiennent aux collectivits publiques qui financent leur dveloppement ainsi que le maintien de leur substance et en dlguent le contrle aux gestionnaires dinfrastructure.

  • 1 - INTRODUCTION, OBJECTIFS ET CHAMPS DTUDE 4

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Le premier dfi du gestionnaire de linfrastructure consiste, par consquent, viter le pige dune politique de maintenance favorisant les rsultats financiers court terme, au dtriment de la durabilit de son infrastructure. Pour cela, il doit tre en mesure de prvoir les impacts long terme de diffrentes stratgies de maintenance.

    1.2.2 Deuxime dfi : entretenir et renouveler un rseau satur La maintenance de linfrastructure ferroviaire ncessite dans la plupart des cas linterruption partielle ou totale de lexploitation, interruption que lon appelle plage travaux , ou blanc travaux en jargon ferroviaire. Les plages travaux ne plaisent gure aux oprateurs ; ils les peroivent naturellement comme des contraintes et demandent ce que leur dure et leur nombre soient rduits au minimum. A loppos, le mainteneur souhaite disposer de plages tendues, garantes dune diminution sensible des cots des travaux. En contrepartie, lextension de la dure des plages travaux impacte la disponibilit de linfrastructure et engendre des surcots dexploitation ou un manque gagner (moins de sillons vendus). La figure suivante illustre lantinomie des enjeux conomiques lis la dure des plages travaux.

    Cots des travaux

    Cots dindisponibilit(manque gagner)

    Dure de la plage travaux

    1h

    infrastructure sature

    infrastructure non sature

    Figure 2 . Enjeux conomiques de la dure des plages travaux.

    Le dilemme saggrave en cas de saturation du rseau. En effet, comme le met en vidence la figure de la page suivante, la croissance du nombre de sillons10 engendre une augmentation des charges supportes par linfrastructure. Pour autant que lon souhaite conserver ltat et la substance de linfrastructure, la croissance de trafic provoque une intensification des travaux de maintenance et, par consquent, une augmentation sensible de besoins en plages travaux. Le nombre de sillons disponibles diminue alors que la demande augmente. Ce dilemme ajoute une pression supplmentaire sur les paules du gestionnaire de linfrastructure. Dun ct, les autorits de tutelle lui demandent de rduire ses cots de maintenance et, de lautre cot, les oprateurs et les collectivits publiques linvitent offrir un maximum de capacit. On peroit aisment la ncessit dun arbitrage objectif qui permette de choisir la tactique optimale, minimisant la somme cots de maintenance et cots dindisponibilit (courbes dans la figure prcdente).

    10 Un sillon correspond au trac horaire d'un train sur un graphique horaire dune ligne donne.

  • 1 - INTRODUCTION, OBJECTIFS ET CHAMPS DTUDE 5

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Mais cet arbitrage sous-entend la connaissance des fonctions de cots dindisponibilit, les cots de maintenance tant relativement bien connus. Dautre part, cette fonction de cot devrait faire lobjet dun consensus entre le gestionnaire de linfrastructure et les oprateurs, consensus difficile tablir.

    Dgradation acclre de linfrastructure

    Croissance dunombre de sillons

    Croissance de la demande

    Accroissement des plages travaux

    Accroissement des besoins de maintenance

    Rduction de loffre de sillons (capacit)

    CONFLIT

    Figure 3 . Mcanisme de perte de matrise de linfrastructure : effets de la saturation du rseau.

    Le deuxime dfi du gestionnaire de linfrastructure consiste optimiser sa tactique dorganisation des plages travaux, en tenant compte la fois des cots de maintenance et des cots dindisponibilit.

    1.2.3 Un troisime dfi : communiquer Relever les deux dfis prcdents, soit assurer la durabilit de linfrastructure et optimiser les plages travaux, ne revt dintrt que sil existe une bonne communication entre le gestionnaire de linfrastructure et lautorit de tutelle dune part et les oprateurs dautre part. En effet, dans la plupart des pays europens, lautorit de tutelle co-finance la maintenance du rseau ferr et peut influencer par ce biais les politiques de maintenance proposes par les gestionnaires dinfrastructure. Ces derniers doivent alors convaincre leurs bailleurs de fonds du bien-fond de leur politique, do limportance dune excellente communication. De mme, dans le registre des plages travaux, une bonne communication entre le gestionnaire dinfrastructure et les oprateurs facilite le consensus et, par consquent, un arbitrage sur les tactiques de plages travaux profitable tous. Bien communiquer ncessite avant tout lexistence dune plateforme dindicateurs fiables et objectifs, reprsentatifs de la fonction de linfrastructure et reconnus tant par le gestionnaire de linfrastructure que par lautorit de tutelle et par les oprateurs. Les modles de prvisions devraient ensuite tre capable de montrer lvolution de ces indicateurs cls, en fonction des politiques de maintenance prconises.

  • 1 - INTRODUCTION, OBJECTIFS ET CHAMPS DTUDE 6

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    1.3 Objectifs de la thse Lobservation des pratiques en Europe (Putallaz Yves, Rivier Robert et al., 2003), montre quil existe certaines carences en matire doutils et de processus de planification, Ces carences rendent encore plus complique la situation caractrise par les trois dfis voqus dans le paragraphe prcdent. Les modles de planification stratgique, quand ils existent, nintgrent pas directement la notion de capacit ou ne lintgrent pas de manire telle que lautorit de tutelle peroivent les enjeux que les politiques de maintenance prconises par le gestionnaire de linfrastructure exercent sur la disponibilit du rseau. Dans ce contexte, la thse propose quatre axes de rflexions qui visent mettre en vidence les liens importants entre les lments de planification de la maintenance et les contraintes technico-conomiques lies la capacit de linfrastructure. Le premier axe porte sur la structuration de la problmatique de la maintenance de linfrastructure. Cet exercice cherche essentiellement inscrire les processus de planification de la maintenance dans le systme ferroviaire et son environnement institutionnel. Le second pivot touche les mthodes dvaluation des probabilits dindisponibilit de linfrastructure ainsi que la montarisation des consquences de cette indisponibilit sur le trafic. Le troisime traite des plages travaux, manifestation la plus vidente de la nature antinomique de la rpartition des capacits et des programmes de maintenance. Enfin, le quatrime et dernier axe de rflexion se rapporte la modlisation des besoins de maintenance long terme et aux implications conomiques de la capacit, et notamment de la saturation, sur le choix des meilleures stratgies. Ces rflexions dbouchent sur la cration de trois modles. Ils nont pas la vocation de solutionner tous les problmes mais proposent quelques pistes de dveloppement qui pourraient terme constituer un support utile aux gestionnaires de infrastructure, notamment pour relever les dfis de la durabilit et de la saturation du rseau ferr.

    1.4 Champs dtude et mthodologie La formulation et la structuration de la problmatique sappuient sur des considrations faites lchelle europenne, faisant partie des conclusions d Improverail (Putallaz Yves, Rivier Robert et al., 2003) et de laudit du rseau ferr national franais (Rivier, Putallaz, 2005) notamment. Les travaux de formalisation et de modlisation sappuient sur une dmarche systmique classique, dont lannexe 1 trace les lments fondamentaux. Les travaux de modlisation se rfrent uniquement la Suisse. En effet, une telle recherche ncessite de nombreuses donnes techniques et conomiques, parfois sensibles, que les chemins de fer fdraux CFF ont mises gracieusement disposition11. Dautre part, des impratifs de temps et de disponibilits de donnes ont conduit limiter ltude de linfrastructure celle de la

    11 Relevons que les CFF possdent peut-tre lune des meilleures banques de donnes dinfrastructure et dhoraire dEurope, ce qui a facilit les travaux dinvestigation.

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    voie ferre. Toutefois, la maintenance de cette dernire reprsente plus de 50% des dpenses annuelles en la matire. Enfin, le rapport prsente un cas dtude qui couvre le rseau suisse de larc lmanique tendu. Les lignes de chemins de fer de larc lmanique possdent des caractristiques tout fait intressantes, notamment du point de vue de la saturation, et constituent un bon terrain dexercice pour les modles et les mthodes dvelopps.

    1.5 Organisation du document Le document est organis de la manire suivante : chapitre 2 : prsentation du contexte institutionnel de la gestion de linfrastructure

    ferroviaire ; chapitre 3 : introduction la gestion des systmes complexes (notions de structure, de

    fonction et de devenir des systmes), lments de gestion de linfrastructure ferroviaire ;

    chapitre 4 : gestion de la maintenance de la voie : thorie et formalisation du problme ; chapitre 5 : modlisation de lindisponibilit de linfrastructure ferroviaire ; chapitre 6 : montarisation de lindisponibilit de linfrastructure ferroviaire ; chapitre 7 : modlisation des plages travaux et introduction de la valorisation de la

    disponibilit dans lexercice ; chapitre 8 : modlisation long terme de la maintenance de la voie et introduction de la

    valorisation de la disponibilit dans le processus ; chapitre 9. synthse et conclusion.

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    2 Contexte de ltude et dfis du gestionnaire dinfrastructure

    2.1 Un peu dhistoire Le 15 septembre 1830, les convives invits bord du train inaugural de la premire ligne de chemin de fer du monde12, la ligne Manchester Liverpool, nimaginaient probablement pas limpact quexercerait ce nouveau mode de transport sur les conomies et les socits mondiales. Des 56 premiers kilomtres de lignes de 1830, la longueur du rseau ferr mondial stendit rapidement et atteignait en 1990 approximativement 1,5 millions de kilomtres de lignes, dont 530'000 kilomtres en Europe (Esveld, 2001). Le rail joua un rle conomique dynamisant exceptionnel et contribua de faon marquante la croissance mondiale au cours du 19me sicle. Les compagnies de chemin de fer se multiplirent et le rseau ferr reliait la plupart des territoires europens. La fin du 19me sicle et le dbut du 20me virent le percement de passages et de longs tunnels13 travers les Alpes, derniers remparts un rseau nord-sud performant. Puis, vinrent les crises conomiques, deux guerres mondiales et un nouveau mode de transport : lautomobile. La conjonction de ces lments rduisit considrablement le chiffre daffaires des compagnies de chemin de fer, fortement endettes de surcrot, dont la plupart furent nationalises au cours de la premire moiti du 20me sicle14. Durant le boom conomique des annes soixante, les tats investirent essentiellement dans lextension rapide du rseau routier. Lautomobile incarnait alors la libert et lavenir de la mobilit. De leur ct, les rseaux nationaux de chemins de fer crrent des services voyageurs intereuropens de qualit (Trans Europ Express, Eurocity, etc.) mais dont les parts de march ne cessrent de diminuer. Sur le plan du transport de marchandises, les complications administratives kafkaennes lies lorganisation segmente des compagnies de chemin de fer ainsi qu lhtrognit des systmes techniques nationaux prcipitrent le dclin du fret ferroviaire. La plupart des tats europens commencrent subventionner leur compagnie de chemin de fer. Puis, lapparition des problmatiques de congestion routire et de pollution provoqua un regain dintrt pour le rail qui, dans plusieurs cas de figures, semblait proposer une alternative intressante la route, tant pour les dplacements de personnes que pour le trafic marchandises de longue distance. Toutefois, la plupart des rseaux ferrs montraient des signes tangibles de sous investissements chroniques15. Ces derniers se traduisaient par un patrimoine vtuste ou des installations

    12Premier chemin de fer moderne : dont la conception sapparente celle des chemins de fer daujourdhui, c'est--dire avec un engin de traction (par opposition au cheval), un service voyageur et un horaire. Notons, pour la petite histoire, que lhumanit vcut loccasion de ce voyage son premier accident fatal li au chemin de fer et que le proltariat de Liverpool reut le train inaugural coups de cailloux et de briques. 13 Semmering : 1854, Brenner 1867; Mont-Cenis : 1871, Gothard : 1882, Simplon : 1906, Ltschberg : 1913. 14 Le premier train CFF, chemins de fer suisses, relia Zurich Genve durant la nuit de Saint-Sylvestre 1901 1902. La SNCF, socit nationale des chemins de fer franais, fut cr en 1938. 15 Ceci se rfre au rseau ferr europen en gnral. Certains pays commencrent dvelopper des axes ferroviaires de haute performance, le TGV franais en constitue un exemple parlant, ou modernisrent localement leurs

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    inadaptes la gestion moderne et conomiquement performante de lexploitation (plthore de voies et dappareils de voies sous-utiliss mais entretenus, systmes de commande manuels gourmands en ressources humaines, etc.). Dautre part, les compagnies nationales souffraient de systmes managriaux caractristiques des structures administratives tatiques, composs de nombreux tages hirarchiques et peu propices aux changements16. Cette situation, gure prometteuse pour lavenir du rail, alarma les diffrentes structures gouvernementales en charge des transports, conscientes des risques conomiques et environnementaux que le dclin du rail laisserait envisager. La raction la plus claire fut sans doute celle de lUnion Europenne qui, la fin des annes huitante, entreprit dimposer une rforme en profondeur du paysage ferroviaire europen.

    2.2 La rforme des chemins de fer

    2.2.1 La rforme des chemins de fer en gnral Le fonctionnement du systme ferroviaire ncessite la cohabitation de deux mtiers de base fondamentaux : celui de gestionnaire de linfrastructure et celui doprateur ferroviaire. Au gestionnaire de linfrastructure reviennent les responsabilits de coordonner les circulations ferroviaires17 et de garantir la disponibilit et la scurit de linfrastructure par la mise en uvre de politiques de maintenance et dextension adquates. Loprateur ferroviaire assure lexploitation des trains et la mise sur le march du transport de loffre voyageurs ou marchandises quil aura dfinie. Lhoraire, qui concrtise en quelque sorte cette offre, rsulte dun exercice de planification entre le gestionnaire de linfrastructure, loprateur ferroviaire et les collectivits qui subventionnent rgulirement les relations de service public. Historiquement, les compagnies de chemin de fer regroupaient les deux mtiers de base. Cette configuration dcoule de la complexit intrinsque du systme technique ferroviaire, systme au sein duquel les quilibres dlicats entre la technique et lconomie ne se dterminent pas facilement. La problmatique du contact rail roue et la somme importante de recherches entreprises ce sujet illustrent parfaitement la difficult. Il paraissait alors naturel de runir sous un mme toit les diverses comptences18.

    installations, notamment autour de grands nuds ferroviaires tels que Zurich. Mais il ntait pas rare dobserver en Suisse, au dbut des annes 1980, des lignes principales entirement commandes par des installations de scurit mcaniques desservies localement. En estimant que le rseau suisse compte une gare tous les 3 4 kilomtres et que chaque gare ncessitait 3 4 agents de circulation, on peut conclure quil fallait un agent de circulation par kilomtre de ligne pour garantir la scurit de la circulation des trains. 16 Notons que certains oprateurs ferroviaires actuels, transfuges des compagnies nationales historiques , souffrent encore de ce type dorganisation. 17 Activit plus connue sous le nom daiguillage ou chef de gare en langage commun. 18 Histoire amusante, les autorits de Swansea (UK) autorisrent en 1880 deux oprateurs indpendants sur le mme tronon de 5 km de voie unique du Swansea and Mumbles Railway , qui reliait la ville un village de pcheur. Un dcret interdisait lun des deux oprateurs dutiliser la traction vapeur (il devait se rsoudre maintenir la traction hippomobile) et lobligeait quitter la gare quelques minutes aprs le train de la concurrence. Un historien rapporte que les mcaniciens du train vapeur provoquaient expressment la chute de charbon ardent sur la voie, ce qui effrayait et stoppait les chevaux du train suivant. Cette gabegie dura une dizaine anne.

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    la fin des annes quatre-vingts, mue par la volont de revitaliser le rail, lUnion Europenne dcide de dynamiser les chemins de fer europens en y introduisant la concurrence. Elle propose, dans le cadre du premier paquet ferroviaire , une sparation verticale des compagnies nationales, en dautres termes de dissocier les deux mtiers de bases : la gestion de linfrastructure et lexploitation des trains. Cette dsintgration des compagnies nationales doit permettre douvrir la concurrence le mtier doprateur ferroviaire, dans lespoir de doper la qualit de loffre du rail par lentre de nouveaux acteurs, tout en maintenant la situation monopolistique de la gestion de linfrastructure. En effet, cette dernire constitue lexemple mme du monopole naturel. (Quinet, 1998, pp 190 191). Les cots fixes (construction19, maintenance) y sont levs alors que les cots variables (exploitation) relativement faibles en proportion. Ce rapport favorise les conomies dchelle et tend instaurer naturellement une situation de monopole20. Hormis une sparation claire entre les entreprises ferroviaires et les tats ainsi que lassainissement des situations financires souvent catastrophiques (lourds endettements), la premire directive europenne, la 91/440/CE, institue les principes dune sparation comptable entre linfrastructure ferroviaire et lexploitation des services de transport et louverture du rseau ferr dautres oprateurs indpendants. Dautres directives ultrieures compltent le dispositif lgal. La directive 2001/13/CE fixe des critres communs pour loctroi des licences daccs au rseau aux entreprises ferroviaires (oprateurs), la directive 2001/14/CE1 rgle les modalits de rpartition des capacits du rseau entre les diffrents oprateurs ainsi que les principes de tarification de laccs linfrastructure. Ces directives constituent le premier paquet ferroviaire . En 2004, la Commission Europenne joint un deuxime paquet ferroviaire qui institue notamment louverture du march pour le transport international de marchandises sur l'ensemble du rseau ferroviaire europen ainsi que louverture du march pour le transport national de marchandises nationales (cabotage). Sajoute finalement un troisime paquet ferroviaire , qui prvoit notamment louverture du march pour le transport de passagers international par rail et qui rgle les droits et les obligations des passagers dans le trafic ferroviaire international. Ce dernier paquet contient galement des directives relatives la qualit du fret ferroviaire. Les pays membres de lUnion Europenne (et dautres tels que la Suisse) ont ajust, chacun sa manire, leurs textes juridiques afin de rpondre aux exigences de Bruxelles. Les solutions choisies varient sensiblement dun tat lautre21 et il semble difficile de porter un jugement sur leurs effets. Dautre part, les performances des systmes ferroviaires nationaux semblent reflter en gnral davantage le niveau dinvestissements consentis par les tats au cours des vingt dernires annes que lefficacit des montages juridico-financiers destins rpondre aux normes europennes.

    19 La ligne nouvelle MattstettenRothrist , construite en Suisse dans le cadre du programme Rail 2000 , a cot 35 millions de francs suisses (21 millions deuros) par kilomtre (source : CFF). 20 La concurrence entre infrastructures ferroviaires existait au dbut de lpope du chemin de fer. En Suisse notamment, plusieurs compagnies concurrentes construisaient des lignes pratiquement parallles dans lobjectif de conqurir le mme march. Cette concurrence acharne a ruin les compagnies ferroviaires, nationalises par la suite. 21 Les solutions vont de la sparation complte (cas anglais) une sparation essentiellement formelle, les centres de dcisions demeurant en main de loprateur historique, pour un certain temps du moins (cas franais). La Suisse a choisi de maintenir les deux mtiers de base au sein dun mme groupe, les comptabilits tant spares. Loffice fdral des transports arbitre les ventuels litiges entre les nouveaux entrants sur le march et le gestionnaire dinfrastructure lorsquil y a conflits dintrts.

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    Quelles que soient les solutions choisies, la mme structure fondamentale se rpte dans les pays europens et lon retrouve, quelques dtails, prs le schma suivant.

    tat - collectivits (financeur)

    Gestionnaire de linfrastructure

    Oprateurs ferroviaires

    Usagers

    Chargeurs

    Fournisseurs

    Financeurs tiers

    prestations

    dinfrastructure

    prestationssocio-conomiques

    prestationsde transport

    prestationsde transport

    prestationsde transport

    subventions

    taxes, impts

    biens, services

    Figure 4 : Schma structurel de lorganisation des chemins de fer en Europe.

    En gnral, les collectivits publiques investissent dans lextension du rseau ferr national ou contribuent au maintien de ses performances. Elles dlguent la matrise douvrage une entit plus ou moins indpendante qui gre linfrastructure ferroviaire. Cette dernire en assure la rpartition des capacits22, lexploitation des installations de rgulation des circulations ainsi que la maintenance du patrimoine. Les oprateurs ferroviaires acquirent de la capacit auprs des gestionnaires de linfrastructure afin dexploiter leur train selon un horaire. Ils se retrouvent directement en contact avec les usagers finaux (ce qui est essentiellement le cas en trafic voyageurs) ou fournissent des prestations des entreprises de logistique, que lon appellera chargeurs. Les oprateurs peroivent dans certains cas une subvention des collectivits publiques lorsquils exploitent des relations non rentables, caractre de service public. Dans la plupart des pays europens, il existe un oprateur majeur, que lon appelle oprateur historique , reconstitu partir des divisions voyageurs ou marchandises de la compagnie nationale dsintgre. Les oprateurs historiques provoquent quelques distorsions importantes de la concurrence car ils reprsentent souvent une proportion imposante du chiffre daffaire des gestionnaires de linfrastructure et quelles conservent des liens troits avec ces derniers, leurs anciens collgues. Des anomalies interviennent notamment lors du processus de rpartition des capacits lorsque la priorit est systmatiquement accorde loprateur historique23. Par consquent, les tats installent progressivement des instances darbitrages, charges de veiller ce

    22 La rpartition des capacits consiste attribuer de sillons horaires aux oprateurs ferroviaires. 23 Dautres cas de distorsions existent galement. Loprateur historique contrle rgulirement des activits annexes lexploitation des trains mais essentielles la fonction de transport, telles que la publication de lhoraire annuel ainsi que les services techniques au matriel roulant dans les gares. titre dexemple, citons le cas de la Deutsche Bahn, chemins de fer allemands, qui refusrent de publier dans lhoraire national les relations rgionales voyageurs, opres par leurs concurrents. Ces relations demeurrent fantmes jusqu ce quun tribunal mette un terme cette pratique. En France, les nouveaux entrants se plaignent des montants prohibitifs facturs par la SNCF, oprateur historique, pour la fourniture de service au sol dans les nuds de fret ferroviaire (fourniture du diesel de traction, etc.).

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    que la rpartition des capacits ne constitue pas un obstacle lentre de nouveaux oprateurs sur le march.

    2.2.2 La rforme du chemin de fer en Suisse Comparativement dautres pays europens, la Suisse compte de nombreuses compagnies de chemins de fer prives24, exploitant essentiellement un rseau dintrt rgional voie mtrique ou voie normale. Il nexiste en gnral pas de concurrence entre elles25. Les rformes ne touchent que le rseau ferr voie normale. La premire rforme des chemins de fer en Suisse, initie en 1996 et effective depuis le 1er janvier 1999, impose une sparation des CFF (chemins de fer fdraux) en trois divisions, CFF Infrastructure, CFF Voyageurs et CFF Cargo, toutes runies au sein dune socit anonyme de droit spcial. La Confdration dfinit tous les quatre ans les objectifs politiques et financiers au travers dune convention de prestation de trafic, une stratgie du propritaire ainsi quun cadre financier pour linfrastructure. Les CFF, dont la dette a t entirement reprise par la Confdration loccasion de la rforme, assument la gestion de lentreprise, c'est--dire des trois divisions. La premire rforme instaure galement le principe du libre accs au rseau de toutes les compagnies ferroviaires voie normale du pays, moyennant une indemnit26. Cette modification profonde permet la fois de rpondre aux exigences europennes et de permettre lentre sur le march helvtique27 de nouveaux oprateurs. Signalons que cette rforme libralise la totalit du transport de marchandises et non seulement les trafics de transit ou le trafic combin comme lexige lUnion Europenne. La premire rforme institue galement le principe de la commande (par opposition au principe de la couverture de dficit) pour tous les modes de transports publics. Ainsi, les chemins de fer ne fournissent plus que des prestations rentables ou celles qui sont commandes (et par consquent payes) par les collectivits publiques. Les prestations caractre rgional peuvent faire lobjet de mise au concours de concessions. Loffre dintrt national relve de la convention de prestations passe avec les CFF. Une deuxime rforme se trouve actuellement en chantier et vise simplifier les mcanismes de financement de linfrastructure en scindant le rseau ferr en deux sous-rseaux : le rseau dintrt national, financ par des fonds fdraux, et le rseau rgional, soutenu par les collectivits locales (les cantons). Cette nouvelle rpartition suscite un scepticisme marqu des cantons et les textes lgaux se trouvent toujours en phase de consultation. Notons que malgr le vent de libralisation qui souffle sur le monde ferroviaire europen, la Confdration prne le maintien dune entreprise nationale intgre (les trois divisions restent sous un mme toit). De plus, elle prconise, en trafic voyageur, la fusion dentreprises ferroviaires rgionales en insistant sur leffet bnfique des synergies qui sen dgageraient. Il parat

    24 Ces compagnies ont obtenu de la part de la Confdration une concession dexploitation dune ligne ou dun petit rseau. Les collectivits publiques rgionales en constituent en gnral lactionnariat majoritaire. Elles sont appeles publiques essentiellement par opposition la compagnie nationale . 25 Lentreprise BLS (Bern Ltschberg Simplon) constitue un cas particulier puisque elle exploite le corridor Nord Sud du Ltschberg, tunnel de base compris, collabore troitement avec la Deutsche Bahn en trafic fret de transit et se trouve en concurrence directe avec CFF Cargo. 26 Le prix du sillon. 27 March interne ou march de transit, essentiellement Nord Sud.

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    envisageable qu moyen terme la Suisse ne compte plus quun oprateur ferroviaire28 voyageurs proposant une gamme de services rgionaux ainsi que des prestations en trafic longue distance. Cette volution potentielle du paysage ferroviaire suisse semble contraire aux aspirations europennes puisquelle recre une situation de monopole. Plusieurs hypothses pourraient expliquer la position de la Confdration. Tant les expriences de libralisation29 que celles de fusions auraient dmontr des effets positifs clairs des synergies qui sen dgageraient. Dautre part, la Confdration souhaiterait assurer une taille critique loprateur historique afin que ce dernier puisse tre des grands groupes privs europens qui se dessinent, tels que Veolia Transport 30 ou Keolis .

    2.2.3 Consquences pour le gestionnaire de linfrastructure De toute manire, quelle que soit la forme quelles prennent, les rformes impliquent une redfinition du mtier de gestionnaire dinfrastructure. Les structures hirarchiques des compagnies ferroviaires nationales intgres diluaient les responsabilits des entits qui les constituaient. En outre, pour quil y ait une responsabilit quelconque, il faut dabord quil y ait des objectifs atteindre, des stratgies suivre. Or, les relations complexes entre les compagnies de chemin de fer et les administrations tatiques, le mlange dobjectifs politiques aux objectifs managriaux31, rendaient les stratgies parfois confuses, parfois incohrentes ou difficiles mettre en uvre. Aujourdhui, les nouvelles relations juridiques et conomiques instaures entres les collectivits publiques, les gestionnaires de linfrastructure et les oprateurs tablissent des responsabilits clairement dfinies et des objectifs atteindre. Dans lancienne organisation, la plupart des changes dinformation, de services ou dargent relevaient de mcanismes internes de gestion et il existait de nombreux arrangements tacites entre secteurs de lentreprise. Lavantage dun tel fonctionnement rsidait dans lexistence dun rseau de collaborations implicites et lmergence naturelle de synergies qui facilitaient le droulement des oprations, notamment en cas dimprvus32. Mais un tel rseau gnrait des flux financiers obscurs, difficiles identifier, dont la mconnaissance compliquait la tche des gestionnaires. Lidentification des facteurs de cots demeurait laborieuse et, de toute manire, les dpenses finissaient toujours par tre couvertes, dune faon ou dune autre. Difficile de ne pas donner, dans ces cas-l, limage de bote noire tant dteste par les autorits de tutelle. 28 voie normale. 29 Durant les annes nonante, la Confdration avait attribu la concession dune ligne rgionale suisse almanique une compagnie de chemin de fer prive, le MTHB, au dtriment des CFF. Quelques annes plus tard, le MTHB fit faillite et fut compltement intgr au groupe CFF. 30 Anciennement CONNEX . 31 certaines poques, certains gouvernements europens confraient leur compagnie nationale le rle de vase de compensation du march de lemploi. Un taux de chmage trop lev engendrait une vague dembauches aux chemins de fer. Une pratique courante consistaient (et consiste toujours) favoriser une technologie pourtant peu favorable (inefficace ou trop chre) mais dorigine nationale. 32 Lors des diverses restructurations des entreprises ferroviaires, la gestion du changement montra plusieurs reprises des signes clairs de la mconnaissance de ce rseau de collaborations naturelles. Plusieurs gestionnaires dinfrastructure souffrent aujourdhui de trous de mmoire relatifs ces priodes de bouleversement. En effet, les canaux traditionnels implicites qui permettaient de traiter et remonter linformation cl (travaux effectus, tat du patrimoine,) disparurent du jour au lendemain et ne furent pour certains reconstitus que plusieurs annes plus tard.

  • 2 CONTEXTE DE LTUDE ET DFIS DU GESTIONNAIRE DINFRASTRUCTURE 15

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    Or, les collectivits qui investissent dans les rseaux ferrs daujourdhui sollicitent une transparence accrue de lutilisation de leur argent et exigent des informations fiables et reprsentatives de lefficacit de linfrastructure ferroviaire et des politiques prconises par les gestionnaires. Dautre part, les nouvelles relations dfinies par les rformes, et illustres par la figure 4 (page 12), impliquent que les changes entre partenaires puissent tre explicits, montariss. Puis, les rformes visent amliorer le rapport entre les cots et lutilit publique des services ferroviaires. Ce dessein, clairement dclar, exerce une pression notable sur la productivit des gestionnaires de linfrastructure. Non seulement les objectifs sont clairement dfinis (ou devraient ltre33) mais ils sont ambitieux. Cest dans ce contexte que les gestionnaires de linfrastructure exercent leur mtier aujourdhui et quils tentent de garantir la disponibilit et la durabilit de leur rseau.

    33 Tous les pays nont pas encore institu une relation juridique claire entre leur appareil administratif et leur compagnie de chemins de fer. Pour certains gestionnaires dinfrastructure europens, les objectifs demeurent relativement flous.

  • 2 CONTEXTE DE LTUDE ET DFIS DU GESTIONNAIRE DINFRASTRUCTURE 16

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  • 3 - PILOTAGE DUN SYSTME COMPLEXE : GESTION DE LINFRASTRUCTURE FERROVIAIRE 17

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    3 Pilotage dun systme complexe : gestion de linfrastructure ferroviaire

    3.1 Introduction La gestion efficiente de linfrastructure ferroviaire ncessite la mise en uvre de nombreux processus souvent itratifs, squentiels ou simultans. Le systme infrastructure ferroviaire est complexe. Ce chapitre introduit des bases thoriques ncessaires l'apprhension des enjeux de la planification d'un rseau ferr dans le contexte de la recherche. Le premier paragraphe part de quelques notions fondamentales de la systmique pour en dduire un modle de linfrastructure ferroviaire et de son pilotage. Le paragraphe suivant porte sur la gestion de lvolution des systmes, en prsentant notamment un aperu de mthodes et doutils utiles lors de la mesure et lanalyse de lvolution dun systme, tels que le concept de FMDS et de lanalyse du cot du cycle de vie. Le chapitre se termine par une tentative de formalisation de la planification de linfrastructure ferroviaire.

    3.2 Modlisation systmique : quelques bases thoriques La complexit de linfrastructure ferroviaire, linterdpendance forte des diffrents composants techniques et organisationnels exigent ladoption dune mthodologie de recherche reposant sur une approche systmique.

    3.2.1 Systmique et systmes Quest-ce que la systmique, quest-ce quun systme ? Le groupe de travail Diffusion de la Systmique de lAFSCET34 dfinit la systmique de la faon suivante :

    La systmique est une nouvelle discipline qui regroupe les dmarches thoriques, pratiques et mthodologiques, relatives ltude de ce qui est reconnu comme trop complexe pour pouvoir tre abord de faon rductionniste, et qui pose des problmes de frontires, de relations internes et externes, de structure, de lois ou de proprits mergentes caractrisant le systme comme tel, ou des problmes de mode dobservation, de reprsentation, de modlisation ou de simulation dune totalit complexe. (Donnadieu, Durand, Neel, Nunez, Saint-Paul, 2003)

    De toute vidence, ltude de linfrastructure ferroviaire rpond aux critres numrs ci-dessus. Les relations physiques entre la voie et le matriel roulant reprsentent une excellente illustration des problmes de relations externes . Les tentatives successives de rorganisation de lindustrie ferroviaire (directives europennes, rorganisation des entreprises ferroviaires) ont engendr des difficults incarnant parfaitement les problmes de structure et de frontires .

    34 AFSCET : Association Franaise de Science des Systmes Cyberntiques, Cognitifs et Techniques. Elle regroupe des chercheurs et experts actifs en sciences des systmes. LAFSCET compte un groupe de travail, baptis Diffusion de la Systmique , qui sactive transmettre les concepts de la pense systmique au monde scientifique. Les lments prsents dans le chapitre relatif la systmique proviennent essentiellement des travaux mens par ce groupe de travail. http://www.afscet.asso.fr/.

  • 3 - PILOTAGE DUN SYSTME COMPLEXE : GESTION DE LINFRASTRUCTURE FERROVIAIRE 18

    GESTION STRATGIQUE CONJOINTE DE LA MAINTENANCE ET DE LA CAPACIT DUN RSEAU FERR

    Lapproche systmique sarticule autour de 4 concepts de base interdpendants : le systme, la complexit, la globalit et linteraction. Ils sont complts par une dizaine de concepts complmentaires, de caractre plus techniques et tourns vers laction : linformation, la finalit, la rtroaction, la rgulation, la structure et les niveaux d'organisation, l'ouverture / fermeture, la bote noire / bote blanche, la synchronie et diachronie. Ce paragraphe prsente les concepts de la systmique troitement lis aux besoins de la recherche. Les autres concepts figurent en annexe 1. Les dfinitions proviennent de documents publis par le groupe de travail Diffusion de la Systmique de lAFSCET (Donnadieu, Durand, Neel, Nunez, Saint-Paul, 2003). Le systme

    Un systme est un ensemble d'lments en interaction dynamique, organis en fonction d'un but. Cette dfinition met l'accent sur la finalit ou le but poursuivi par le systme . Les chercheurs et scientifiques ont tabli de nombreuses typologies des systmes : systmes ouverts / systmes ferms sur leur environnement ; systmes naturels / artificiels/ sociaux ; systmes organiss hirarchiquement / systmes en rseau, .

    Selon Durant (Durant, 1979), un systme compte : une frontire, qui spare le systme de son environnement ; des lments constitutifs, dnombrables et classables ; un rseau de relations, de transport et de communication par lequel transitent des matires, de lnergie, des informations ;

    des rservoirs qui stockent des matires, de lnergie, de linformation, Durant propose galement une description fonctionnelle dun systme, qui comprend : des flux de matires, dnergie, dinformations,, qui circulent dans les rseaux et dans les rservoirs de stockage du systme ;

    des centres de dcision qui transforment les informations quils reoivent en action, par intervention sur les dbits des diffrents flux ;

    des boucles de rtroaction, dont le concept systmique est dcrit ci-aprs ; des dlais de rponse, dont lexistence permet dajuster les paramtres de pilotage du systme dans le temps ncessaire.

    La finalit ( laquelle on peut rattacher les notions de projet et de but)

    Tout systme poursuit un but ou finalit propre. Pour les systmes humains ou conus par l'homme, on parlera galement de projet. Cette observation a une consquence en matire d'tude d'un systme: face un objet modliser, il est fortement conseill au modlisateur de se poser la question pour quoi faire? avant de se demander comment a marche? .

    La notion de finalit dun systme prend une importance toute particulire dans le monde de la gestion de la maintenance de linfrastructure ferroviaire. En effet, lunivers de linfrastructure

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    ferre se caractrise par la cohabitation de plusieurs sous-systmes, en forte interaction, qui poursuivent parfois des objectifs propres antinomiques (rduire les cots de maintenance en allongeant les plages travaux contre augmenter les revenus dexploitation en rduisant les plages travaux), en gnral au dtriment de la performance du systme global, c'est--dire du systme de transport. Lubiquit des notions de finalit et dinteractions dans lapproche systmique favorise ladoption dune dmarche intgrant, dans la mesure du ralisable, les systmes connexes au sous-systme tudi. La rtroaction

    Dans un systme ou sous-systme sige d'une transformation, il y a des variables d'entre et des variables de sortie. Les entres sont sous l'influence de l'environnement du systme et les sorties rsultent de son activit interne. On appelle alors boucle de rtroaction (feed-back en anglais) tout mcanisme permettant de renvoyer l'entre du systme, sous forme de donnes, des informations directement dpendantes de la sortie. Il existe deux types de boucles de rtroaction : - les boucles positives (ou explosives), sur lesquelles repose la dynamique du changement. La rinjection sur l'entre des rsultats de la sortie contribue faciliter et amplifier la transformation dj en cours. - les boucles ngatives (ou stabilisatrices), sur lesquelles reposent l'quilibre et la stabilit. Si la rtroaction se montre efficace, il y a stabilisation du systme qui se montre comme tant finalis, c'est--dire tendu vers la ralisation d'un but.

    Dans lunivers de la maintenance des infrastructures ferroviaires, la rtroaction permet dajuster les stratgies de maintenance en fonction des expriences technico-conomiques du terrain. La boucle de rtroaction est le sige des processus dlaboration et doptimisation des politiques de maintenance. Mais, il existe des situations dans lesquelles la rtroaction ne fonctionne pas. Par exemple, une centralisation excessive de la gestion de linfrastructure risque de provoquer une rupture des canaux dinformation entre les stratges de lentreprise et les quipes prsentes sur le terrain. Cette mauvaise transmission de linformation altre sensiblement la rtroaction vitale la gestion du systme infrastructure . Ltage stratgique de lentreprise labore des stratgies difficiles mettre en uvre sur le terrain alors que les gens du terrain agissent sans vritable programme (Rivier, Putallaz, 2005). Ce genre de cas conduit vers une drive des cots et une perte de contrle des performances de linfrastructure. La rgulation

    Le fonctionnement d'un systme repose sur l'existence, au plus intime de lui-mme, de multiples boucles de rtroaction, certaines ngatives, d'autres positives, d'autres encore ago-antagonistes35. Articules entre elles selon une logique de rseau, ces boucles combinent leurs actions pour maintenir la fois la stabilit du systme et l'adapter aux volutions de son environnement. En cela consiste le processus de rgulation.

    Lobservation des mthodes de planification utilises en maintenance de linfrastructure ferroviaire, entreprise dans le cadre du projet europen Improverail , a montr quil existe un potentiel important damlioration des outils daide la dcision (Putallaz Yves, Rivier Robert et al., 2003). Lamlioration substantielle des moyens de planification reprsente probablement un lment cl de lamlioration de lefficacit des gestionnaires de linfrastructure.

    35 Lago-antagonisme est un des concepts complmentaires galement dfinis par lAFSCET. Il existe des boucles de rtroaction, dites ago-antagonistes, qui peuvent tre aussi bien ngatives que positives, sans que lon puisse prvoir le moment de ce changement de polarit. Ces boucles se rencontrent essentiellement dans les systmes vivants et les systmes sociaux.

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    Synchronie et diachronie

    Les comportements synchrones (mouvements qui se produisent au mme moment) d'un systme sont ceux qui s'observent pendant un palier structural (en l'absence d'volution de la structure). Il est plus difficile d'apprhender la dynamique d'volution, ou diachronie, car elle n'est pas seulement historique mais comporte aussi une dimension "possibiliste" et prospective.

    Les dures de vie des constituants de linfrastructure ferroviaire varient de quelques annes pour les rails plusieurs dcennies pour les ouvrages dart. Si lon ajoute cela le facteur dchelle (le rseau des chemins de fer fdraux suisses compte environ 25 millions de tonnes de ballast, 8.4 millions de traverses qui totalisent 2 millions de tonnes de bton et 600'000 tonnes de rails), on peroit aisment limportance que revtent ici les stratgies long terme. Le systme se caractrise par une telle inertie que toute modification rapide de technologie ou de substance relve de lillusion. Lapproche systmique sduit ici car elle intgre naturellement les notions dvolution ( diachronie ) du systme dans la dmarche gnrale danalyse et de modlisation. Ces quelques rflexions conduisent conclure que linfrastructure ferroviaire est un systme rgul complexe, ouvert sur son environnement, dont la finalit est de produire de la capacit ferroviaire.

    3.2.2 Reprsentation dun systme Les reprsentations graphiques suivantes des systmes concrtisent les notions thoriques mentionnes ci-dessous. Le systme de base comprend un sous systme oprant, dont la transformation des flux intrants I36 en flux extrants O incarne la fonction du systme global observ, et un sous-systme pilotant, insr dans la boucle de rtroaction, qui assure la rgulation du systme oprant. Le systme de pilotage gnre un flux pilotant p partir des variables dtat e, de fonction o et denvironnement c.

    Systme oprant

    Systme de pilotage

    flux intrants de lenvironnement

    flux extrants verslenvironnement

    Boucle de rtroaction

    I O

    o

    c

    ep

    Systme S

    Figure 5 : Reprsentation graphique dun systme ouvert sur son environnement.

    Un systme oprant ouvert37 transforme les flux quil reoit de son environnement (intrants) en produits (extrants). Il dispose de rservoirs dans lesquels il peut stocker provisoirement de la matire, de linformation, de largent, etc., afin de garantir un fonctionnement stable. Le systme est pilot de lextrieur et fournit un flux dindicateurs renseignant de son tat, au sens large du terme (tat technique, ge, substance, etc.).

    36 Le grandeurs vectorielles figurent en gras dans le texte : e

    rdevient e.

    37 Dans notre cas, un systme ferm na pas dintrt.

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    Sous forme mathmatique, on peut dfinir une relation fonctionnelle qui lie les flux extrants aux flux intrants :

    ( , )O T I p=ur r r

    q. 1

    La variable T symbolise la fonction de transformation du systme. La variable p provient du systme pilotant. Le systme pilotant, tel que propos ci-dessous, transforme des flux indicateurs en un flux pilotant. Il commence par ordonner et stocker linformation quil reoit. Il dispose de modles, de rgles et dexpertises qui lui permettent ensuite, sur la base des informations stockes, dajuster le flux de pilotage et de le transmettre au systme asservi.

    Modles e

    p o

    c

    indicateurs dusystme oprant

    indicateurs deflux extrants

    informationextrieure

    Rgles, expertise

    Systmes dedcision

    Rservoir

    dinform

    ation

    variables de pilotage du systme oprant

    information

    information

    Systme pilotant

    autopilotage

    Figure 6 : Reprsentation graphique dun systme pilotant.

    Le systme pilotant dispose de trois variables dentres. La premire variable, e, vhicule linformation relative ltat des constituants du systme asservi. La variable o transmet le dbit des flux extrants, qui peut devenir un indicateur de performance du systme. Enfin, la variable c comprend toutes les informations extrieures au systme et qui agissent sur les dcisions du systme pilotant. Sous forme mathmatique, la fonction de pilotage peut scrire :

    ( , , )p P e o c=ur r r r

    q. 2

    Le systme pilotant est capable dagir sur sa propre structure, sur son devenir. Cet autopilotage sapparente aux systmes autorparables que lon retrouve dans la littrature et permet notamment dajuster la structure de pilotage du systme global aux nouvelles conditions extrieures.

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    3.2.3 Lenvironnement des systmes Chaque type de systme ouvert (systmes vivants, systmes techniques,) interagit avec son propre environnement. Il existe ainsi une multitude de typologies denvironnement possibles. La gestion dune infrastructure ferroviaire sapparente lunivers de lentreprise. Thommen (Thommen, 1991) propose de dcrire lenvironnement dune entreprise de la faon suivante.

    Clients Concurrents

    FournisseursDivers groupesdintrtBailleurs de fonds

    Employs tat

    Entreprise

    Domaine socialDomaine cologiqueDomaine technologiqueDomaine conomique

    Figure 7 : Environnement dun systme : lenvironnement de lentreprise (Thommen, 1991)

    Lenvironnement de lentreprise comprend plusieurs groupes avec lesquelles elle en relation et qui se caractrisent par des exigences et des attentes particulires. Thommen dfinit six groupes distincts : les employs et les associations demploys, les clients et les associations de consommateurs, les bailleurs de fonds (propritaires, banques), les fournisseurs, la concurrence, ltat. Les exigences et attentes particulires des groupes agissent dans plusieurs domaines : le domaine conomique, qui exprime la dpendance de lentreprise envers les autres agents conomiques mondiaux,

    le domaine technologique, qui comprend la technique et son volution, le domaine cologique, le domaine social, pris ici au sens de socit.

    3.2.4 Reprsentation dun systme infrastructure ferroviaire Le systme dinfrastructure ferroviaire est un sous-systme du systme de mobilit dun territoire.

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    3.2.4.1 Dfinition dun systme de mobilit Un systme de mobilit est un ensemble des systmes civils de transport dont lexistence et lexploitation permettent doffrir des prestations de mobilit de personnes et de biens. Il se compose de constituants immobiles, linfrastructure et dlments mobiles, les vhicules. Un systme de transport se caractrise par son mode, arien, routier, ferroviaire, maritime ou doux38. Il fonctionne grce des ressources (personnel, nergie,) sur la base dune organisation (rgles).

    Systme de mobilit, vision territoriale

    Socit, collectivit - demande

    Mode arien

    Mode routier

    Mode ferroviaire

    Mode maritime

    Modes doux

    Systmes de transport

    Figure 8 : Mobilit et systmes de transport

    Lensemble des systmes de transports dun territoire constituent en quelque sorte le systme de mobilit du territoire et interagissent avec la demande de transport dudit territoire. Cette interaction dpend de plusieurs facteurs socio-conomiques extrieurs au systme de transport et de son infrastructure.

    3.2.4.2 La capacit : finalit du systme infrastructure ferroviaire La capacit dun tronon reprsente les prestations de trafic ou dexploitation39 susceptibles dtre assures durant un temps donn, sur un rseau, une ligne, un tronon, un nud,, dans des conditions donnes et avec un niveau de qualit de service donn (Rivier, 1997). La capacit dune section de ligne dpend troitement du nombre de voies, de la complexit du plan de voies, en dautres termes, du nombre dappareils de voie, de la charge admissible lessieu, du systme de signalisation (distancement minimal entre deux convois qui se succdent), etc., Les modles de planification ferroviaires CAPRES40 (Hachemane, 1997) et FASTA41 (Noordeen, 1996), dvelopps par lEPFL-LITEP et mis en uvre dans plusieurs tudes cls en Suisse et en

    38 Mode de transport doux, mobilit douce : vlo, marche, 39 Les prestations de trafic sexpriment en nombre de voyageurs, nombre de tonnes de marchandises transportes, nombre de voyageurskm, Les prestations dexploitation sexpriment en nombre de trains forms, mis en circulation, nombre de trainskm, 40 CAPRES est lacronyme de Capacit Rseau . Cet outil, dvelopp conjointement par lEPFL-LITEP et par les CFF, permet dvaluer la capacit dun rseau travers lutilisation de stratgies de saturation de lhoraire.

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    Europe, se basent sur cette interprtation de la capacit. Par ailleurs, FASTA, tendu pour loccasion, constitue une des pierres angulaires de cette recherche (voir chapitre 5). Cette dfinition large se rvle intressante car elle reprsente la fois lexploitation (prestations de trafic), linfrastructure (rseau, ligne, et conditions donns), le rseau et la qualit de service.

    3.2.4.3 Reprsentation du systme infrastructure ferroviaire

    La figure suivante reprsente le systme infrastructure ferroviaire sur lequel se basent les considrations qui suivent.

    Appareils de voie

    Alimentation etstockage nergt.

    Ouvrages dart

    Signalisation

    Tlcom.

    Voie

    Systme oprant

    Vhicule

    Systme pilotant lexploitation

    Systme pilotant la structure

    relations techniques internes et infrastructure - vhiculerelations de pilotage de la structurerelations de pilotage de la fonction

    pp p

    e e

    e

    o

    Figure 9 : Reprsentation du systme infrastructure ferroviaire ; les vecteurs e, o et p correspondent la

    reprsentation gnrique des systmes, prsente au dbut du chapitre.

    Le systme se compose dun systme oprant, composs de sous-systmes que lon appellera domaines dinfrastructure, ainsi que de deux systmes pilotant. Le premier pilote la structure du rseau et de son infrastructure tandis que le deuxime en pilote son exploitation. Nous verrons plus en dtail la composition et les fonctions des systmes de pilotage. Le schma suivant illustre la composition du systme oprant ainsi que les relations techniques qui relient chaque domaine.

    41 FASTA est lacronyme de Fahrplan Stabilitt - stabilit horaire littralement. Cet outil de simulation de lhoraire permet dvaluer la stabilit dun horaire donn sous plusieurs contraintes dont celles de correspondances dans les nuds ferroviaires et de rotation de matriel roulant en tte de lignes. Il a t dvelopp conjointement par lEPFL-LITEP avec lappui des CFF dans le but de tester lhoraire IMPULS 97 et celui de RAIL 2000, premire tape.

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    Vhicules

    Appareils de voie

    Alimentation etstockage nergt.

    Ouvrages dart

    Signalisation

    Tlcom.

    Voie

    Trac

    Supp

    ort et g

    uida

    ge

    Transmissio

    n des informations

    dajustement d

    e la marche du

    train

    Transmissio

    n dinfor

    mations

    Supp

    ort et g

    uida

    ge

    App

    ort d

    nergie

    de tr

    actio

    n

    Transmission de donnes pour la signalisation

    (Ex: GSM-R - ETCS)Support (pour tous sous-systmes)

    Retour de courant par les railsIndications de position de lAV et circuits de voies

    Circuits de voie (position du train et dtection de

    rails casss)

    Systme infrastructure ferroviaire - systme oprant

    Figure 10 : Le systme infrastructure ferroviaire , systme oprant.

    Les ouvrages dart, qui comprennent les ouvrages en terre (plateforme de la voie), les ponts, les tunnels, les murs de soutnement, etc., constituent le trac de la ligne de chemin de fer et supportent la voie ferre, les appareils de voie, les installations de signalisation et de tlcommunication. Les voies et appareils de voie servent essentiellement de support et de guidage au matriel roulant. Mais les rails constituent galement un circuit lectrique qui permet la fois le retour du courant en traction lectrique et la dtection de la prsence dun convoi (circuit de voie). Grce son principe de fonctionnement, un circuit de voie permet galement la dtection dun rail cass. Les installations pour le stockage et lalimentation en nergie dpendent du type dnergie utilise pour la traction des convois. En traction lectrique, ces installations comprennent la catnaire et les sous-stations dalimentation, fournissent de lnergie aux convois en circulation. Les rails permettent de fermer le circuit lectrique. Les installations de signalisation contribuent la scurit et la gestion des circulations ferroviaires. Elles transforment les ordres de rgulation du trafic en information interprtable par le personnel de conduite des trains. Les quipements de tlcommunication permettent de transmettre de linformation, vocale ou technique, entre les centres de gestion du trafic et les vhicules et les installations de signalisation de campagne42.

    42 Les installations de signalisation de campagne comprennent les signaux et autres lments situs sur le terrain, par opposition aux quipements situs en gare, dans les postes de signalisation.

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    Le schma suivant, (inspir de Bourachot, 1998), illustre le systme de pilotage oprationnel de la fonction de linfrastructure ferroviaire, en dautres termes, le systme qui gre les circulations ferroviaires qui empruntent le rseau ferr.

    Donnes planifies du systme

    (horaire, correspondances, matriel

    roulant, personnel, ...)

    Fonction aiguillage, tablissement des itinraires

    Rgulation des circulations ferroviaires

    tat du systme

    ItinrairesTransmission des ordres dajustement de la marche des trains (rgulation via signalisation)

    Rectification de la marche des trains

    Appareils de voie

    Installations fixes de traction lectr.

    Ouvrages dart

    Signalisation

    Tlcom.

    Voie

    Transmission des dcisions de rgulation

    Stockage de linformation

    Etat du systme

    Systme oprant

    VhiculeConduite des trains

    relations techniques internes et infrastructure - vhicule

    relations de pilotage de la fonction : information dtat du systme (vecteur o)relations de pilotage de la fonction : information de pilotage du systme (vecteur p)

    Base de donnes (rservoir dinformation)Historique des perturbations et retards

    Figure 11 : Le systme infrastructure ferroviaire , systme pilotant la fonction.

    Les processus de gestion de lexploitation se basent sur une srie de donnes planifies dont lhoraire reprsente la pierre angulaire. Lhoraire constitue la fois loffre journalire de transport pour les clients (voyageurs et marchandises) et un programme de rfrence pour les gestionnaires de linfrastructure et les oprateurs. Ce programme cadre les activits daffectation des ressources (personnel et matriel) aux diffrents services, les activits de rgulation des circulations ferroviaires, dtablissement des itinraires et, de conduite des trains. Les imprvus dexploitation et autres perturbations ncessitent un ajustement continuel de lhoraire. Objectif de la rgulation des circulations, la fonction rgulation analyse en