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© Le Photographe : Guide pratique et juridique pour le professionnel et lamateur Alain Cabrit Editions du Puits Fleuri GUIDE PRATIQUE DU PHOTOGRAPHE LE DROIT DE PHOTOGRAPHIER UNE PERSONNE SE TROUVANT SUR LE DOMAINE PUBLIC Il convient de distinguer le droit de photographier une personne se trouvant dans un lieu ouvert au public. A. Le droit de photographier une personne se trouvant sur le domaine public Nous parlons donc ici de la prise de vue dans la rue, sur une plage publique, dans un espace naturel, etc. 1. Le principe : liberté de prise de vue sans autorisation Toute personne qui se trouve sur le domaine public s’expose au regard d’autrui. En conséquence, la jurisprudence considère que la prise d’image d’une personne se trouvant sur le domaine public est libre, et qu’il n’est pas besoin d’autorisation pour opérer. Il existe cependant une limite à cette liberté : celle de ne pas troubler l’ordre public. C’est ainsi que l’activité des photographes ambulants, prenant sur la voie publique des photos de passants, ne porte pas atteinte, selon le Conseil d’Etat, aux droits de le personnalité, puisque les cliches ne sont pas destinés à la production. En revanche, la Haute Juridiction permet aux pouvoirs publics de réglementer l’exercice de la profession si elle trouble l’ordre public. Dans le même sens, le ministre de la Justice, interrogé sur le caractère légal d’une caméra installée dans un immeuble et filmant des passants sur la voie publique, a répondu : « il n’y a pas d’atteinte à leur vie privée ou leur droit à l’image tant qu’il n’y a pas diffusion et utilisation sans autorisation, notamment pout des fins particulières, par exemple des fins de publicités ». 2. Une personne se trouvant sur le domaine public, peut-elle néanmoins s’opposer à la prise de son image ? Une personne qui se trouve dans la rue s’aperçoit qu’elle va être photographiée et souhaite s’y opposer : elle peut le faire en manifestant son veto auprès du photographe. Si celui-ci est respectueux de la liberté d’autrui, il obéira à l’injonction. Mais il peut aussi passer outre. A moins de requérir un agent de la force publique en temps opportun, il sera matériellement difficile à la personne se trouvant dans la rue de se soustraire à la prise de vue de son image, et elle commettrait une infraction si elle détruisait elle-même l’appareil, le filmou la figure du photographe. Par contre, celui ci ne pourra pas utiliser librement l’image qu’il aura prise.

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GUIDE PRATIQUE DU PHOTOGRAPHE LE DROIT DE PHOTOGRAPHIER UNE PERSONNE SE TROUVANT SUR LE DOMAINE PUBLIC  Il convient de distinguer le droit de photographier une personne se trouvant dans un lieu ouvert au public.  

A. Le droit de photographier une personne se trouvant sur le domaine public

 Nous parlons donc ici de la prise de vue dans la rue, sur une plage publique, dans un espace naturel, etc.  

1. Le principe : liberté de prise de vue sans autorisation  

Toute personne qui se trouve sur le domaine public s’expose au regard d’autrui. En conséquence, la jurisprudence considère que la prise d’image d’une personne se trouvant sur le domaine public est libre, et qu’il n’est pas besoin d’autorisation pour opérer.

Il existe cependant une limite à cette liberté : celle de ne pas troubler l’ordre

public. C’est ainsi que l’activité des photographes ambulants, prenant sur la voie

publique des photos de passants, ne porte pas atteinte, selon le Conseil d’Etat, aux droits de le personnalité, puisque les cliches ne sont pas destinés à la production. En revanche, la Haute Juridiction permet aux pouvoirs publics de réglementer l’exercice de la profession si elle trouble l’ordre public.

Dans le même sens, le ministre de la Justice, interrogé sur le caractère légal

d’une caméra installée dans un immeuble et filmant des passants sur la voie publique, a répondu : « il n’y a pas d’atteinte à leur vie privée ou leur droit à l’image tant qu’il n’y a pas diffusion et utilisation sans autorisation, notamment pout des fins particulières, par exemple des fins de publicités ».  

2. Une personne se trouvant sur le domaine public, peut-elle néanmoins s’opposer à la prise de son image ?

 Une personne qui se trouve dans la rue s’aperçoit qu’elle va être

photographiée et souhaite s’y opposer : elle peut le faire en manifestant son veto auprès du photographe. Si celui-ci est respectueux de la liberté d’autrui, il obéira à l’injonction. Mais il peut aussi passer outre. A moins de requérir un agent de la force publique en temps opportun, il sera matériellement difficile à la personne se trouvant dans la rue de se soustraire à la prise de vue de son image, et elle commettrait une infraction si elle détruisait elle-même l’appareil, le film…ou la figure du photographe. Par contre, celui ci ne pourra pas utiliser librement l’image qu’il aura prise.

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 B. Le droit de photographier une personne se trouvant dans un

lieu ouvert au public : restrictions possibles  

Le responsable de l’entrée des personnes dans un lieu ouvert au public et/ou le propriétaire (privé ou organisme public) de ce lieu peut restreindre ou interdire le droit d’y photographier. Ces restrictions ou interdictions sont tout à fait légale et peuvent se justifier pour des raisons diverses : tranquillité d’un spectacle, respect des personnes (exemple : dans un cimetière ou un lieu de culte), protection d’œuvres d’art (exemple : interdiction d’utiliser le flash dans un musée), etc.

Dans certains cas, une autorisation préalable de photographier devra être

demandée.  Pour  la  prise  de  vue  dans  certains   lieux  ouverts  au  public,  se  référer  à   l’ouvrage  «  Le   Photographe  :   Guide   pratique   et   juridique   pour   le   professionnel   et  l’amateur  »  /  Editions  Puits  Fleuri    http://www.puitsfleuri.com/fiche.php?id=83      L’UTILISATION DE L’IMAGE D’UNE PERSONNE PRISE DANS UN LIEU PUBLIC  Peut-on utiliser, c’est à dire diffuser librement l’image d’une personne prise dans un lieu public ? Répondre à cette question, c’est arbitrer entre les droits de l’individu (droit au respect de la vie privée et droit d’exploiter pécuniairement son image) et les droits de la collectivité (droit à l’information, sans lequel il n’est pas de régime démocratique digne de ce nom). On comprendra donc que chaque cas est un cas particulier. Cependant, et sans qu’il soit possible de fournir des règles absolument strictes en la matière, un certain nombre de principes se sont dégagés.  

I. Les groupes et les scènes de rue  

A. L’autorisation est présumée  La reproduction de l’image d’un groupe ou d’une scène de rue est permise, sans qu’il soit besoin de solliciter le consentement des personnes photographiées. Sur ce point la jurisprudence est constante :

-­‐ elle considère en effet qu’une telle reproduction ne porte pas atteinte à la vie privée des personnes, celles-ci, se trouvant dans un lieu public, ayant consenti à s’exposer aux regards d’autrui. Dès lors « il importe peu que le visage d’une personne participant à une scène de rue soit reconnaissable » ;

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-­‐ elle estime ensuite que « l’obligation de demander l’autorisation de toutes les personnes figurant dans un groupe sur une photographie aboutirait à prohiber la diffusion de tous les documents d’information ».

Cette tolérance jurisprudentielle est assortie de deux réserves : -­‐ il ne faut pas individualiser un ou quelques éléments sur la photographie -­‐ la publication ne doit pas excéder les limites du droit à l’information

B. L’interdiction d’individualiser un ou quelques éléments  

1. Le principe  

La jurisprudence rappelle que « nul n’a le droit d’individualiser une personne d’un groupe sans son consentement ». Nous verrons toutefois qu’il existe une exception à cette règle : les personnalités publiques.

Pour qu’une personne soit individualisée sur une photographie, deux conditions doivent être remplies : - La personne photographiée doit constituer le sujet principal du cliché. Il est certes difficile de faire la distinction entre une scène globale et une scène où la personne, au milieu de plusieurs autres, se détacherait de façon trop nette : la jurisprudence parle de « cadrage restrictif ». - La personne photographiée doit être identifiable sans trop de difficultés par un spectateur normalement attentif, et même par des proches : il n’y aura pas individualisation s’il est besoin de prendre une loupe pour reconnaître le sujet. En revanche, même si le visage n’apparaît pas clairement, mais que la silhouette permette d’un coup d’œil d’identifier la personne photographiée, il y aura individualisation.  

Ainsi la photographie de deux étudiants vus de dos, et d’une étudiante nettement identifiable, et destinée à illustrer un article sur l’échec du baccalauréat (que la jeune fille en question avait pourtant brillamment réussi) a donné lieu au jugement suivant : « Attendu que le groupe formé par les trois personnes ne s’inscrit pas dans une vue générale dont il ne constituerait qu’un détail occasionnel, mais occupe la totalité du cliché sur lequel le visage de la dame…est seul reconnaissable et mis en relief pat une attitude et un éclairage particulièrement favorables… ». En conséquence, le tribunal a accordé à la plaignante 3000F (en 1973) de dommages et intérêts. Notons toutefois qu’en l’espèce, la violation du droit à l’image se doublait d’une atteinte à la réputation de la jeune fille, l’article illustrant la photographie laissant supposer, à tort, qu’il s’agissait d’une mauvaise élève.

Il peut arriver que, sur un cliché ou les personnes photographiées font simplement partie du décor, une personne soit ensuite nommément désignée au moment de la publication : prenons le cas d’une image de foule sur laquelle on entoure le visage d’un des participants en indiquant la légende « Voici, cerclé de rouge, M.Untel ». L’individualisation sera ici évidente. Il faut donc éviter de publier, sans autorisation préalable, une image ou le sujet se détacherait de façon trop nette.

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 2. Les précautions à prendre par le photographe

 Afin d’éviter tout ennui, le photographe devra : -­‐ soit obtenir le consentement préalable des personnes photographiées ; -­‐ soit rendre impossible, par des techniques diverses, l’identification du sujet :

signalons que le procédé le plus couramment employé, et le plus connu, à savoir l ‘apposition d’un cache sur les eux du sujet, a été reconnu valable par la jurisprudence.

-­‐ soit, en fournissant ses clichés à un éditeur ou à une agence, faire état par écrit de l’absence de consentement du ou des personnes photographiées : il se décharge ainsi de sa responsabilité.

Ceci étant, la jurisprudence actuelle a tendance à protéger de plus en plus le droit

à l’image, et le photographe doit donc redoubler de précaution avant de diffuser ou d’exposer ses clichés.  

C. L’interdiction d’excéder les limites du droit à l’information

La publication de la photographie de personnes prises dans un lieu public est autorisée parce qu’il n’est pas concevable que le droit à l’information ne soit pas assuré.

Dès lors, il est logique que l’utilisation de la photographie n’excède pas ce droit à l’information. On excède le droit à l’information lorsque les photographies sont détournées de leur objet d’information, lorsqu’il y a atteinte au respect de la vie privée des personnes photographiées et lorsqu’il y a atteinte à leur droit patrimonial sur leur image.  

1. Le détournement des photographies   Il y a détournement des photographies lorsque ces dernières sont utilisées à des fins autres que celles de la stricte information ou de la juste information.

Ainsi en est-il de la diffusion d’images de personnes prises dans un lieu public plaçant celles-ci dans des situations de nature à nuire à leur réputation. A titre d’exemples relevés dans la jurisprudence :

-­‐ personne présentée à tort comme un cambrioleur, comme un fraudeur, comme une prostituée ;

-­‐ photographie d’un couple accoudé à un comptoir et servant d’illustration à un article de propagande anti-alcoolique

-­‐ photographie de touristes destinée à illustrer un article protestant sur la tenue négligée des touristes français à l’étranger.

Il en va de même lorsque des photographies sont utilisées à des fins partisanes ou politiques :

Exemple : photographie de lycéens participant à une manifestation et utilisée non comme un simple document mais à des fins partisanes.

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Dans tous ces cas, les responsables de la publication ont été condamnés, non pas pour la diffusion des images en tant que telles, mais en raison du fait qu’ils ont détourné ces images de leur but d’information.

2. Le droit au respect de la vie privée  

Il a été jugé qu’ « une photographie dépourvue de caractère scandaleux, représentant deux jeunes gens marchant côte à côte sur la voie publique dans une attitude de personnes correctes et ne révélant pas une intimité particulière, illustrant dans une revue sérieuse un sujet d’intérêt général, et accompagné d’une légende n’ayant rien de désobligeant, n’en constitue pas moins une atteinte au respect de la vie privée des personnes intéressées, qui sont en droit de prétendre au respect de leur anonymat, ce respect devant l’emporter sur l’exigence d’information du public ».

Dans ce cas, ce n’est pas le détournement de la photographie qui est condamné,

le jugement prenant bien soin de préciser qu’il n’y a absolument rien de désobligeant dans la publication. Entre respect de la vie privée et droit à l’information, le juge, dans ce cas, a arbitré en faveur du premier, et ce d’autant que la photographie avait été publiée sans autorisation.

Il a également été jugé illicite la révélation par photographie d’une personne

participant à une manifestation homosexuelle. Ont en revanche été jugées licites :

- la publication de photographies prises à l’insu des sujets dans un grand magasin « dans une attitude totalement anodine, banale et courante » ; - la publication de la photographie d’une personne priant dans une synagogue.

On voit donc que ces jugements ne sont pas toujours cohérents. A moins d’une

atteinte manifeste à la vie privée (mais cette atteinte est par nature plus difficile dans un lieu public que dans un lieu privé), le juge appelé à trancher entre respect de la vie privée et droit à l’information peut faire pencher la balance d’un coté comme de l’autre.  

3. Le respect du droit patrimonial des personnes photographiées sur leur image

 Tout individu possède sur son image un droit patrimonial, ce qui signifie qu’il peut

tirer un profit pécuniaire de l’exploitation de son image.

Cela concerne essentiellement les personnalités publiques tels que des acteurs ou des sportifs. Mais cela peut concerner tout individu.

L’utilisation des clichés à des fins commerciales ou publicitaires excède le droit à l’information.

C’est pourquoi cette utilisation est subordonnée à l’autorisation des personnes photographiées.

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La réparation à laquelle sera condamné le photographe (ou le responsable de la publication) inclura le manque à gagner de la personne photographiée. L’exemple des cartes postales :

Un photographe peut-il prendre l’image d ‘une personne et l’utiliser en réalisant des cartes postales ?

Le photographe doit d’abord, pour publier la photographie, s ‘assurer du consentement de la personne photographiée. Par ailleurs, il n’a pas le droit de tirer un bénéfice pécuniaire de l’opération sans en avoir obtenu l’autorisation. Cette règle s’applique même si la personne photographiée n’et pas un professionnel du spectacle ou un mannequin.

Dans une affaire où un artisan-pêcheur vendant du poisson sur le Vieux Port et dont la photographie, prise sans autorisation, avait servi à l’illustration de cartes postales et d’un calendrier, le tribunal a jugé que « si la prise de photographies dans un lieu public, au cours de son activité professionnelle d’un artisan-pêcheur, ne constitue pas en elle même une faute, ce pécheur a été lésé dans son droit patrimonial dès lors que, sans son consentement, donc fautivement, un éditeur en a fait une exploitation commerciale (cartes postales et calendrier), son préjudice résultant de ce qu’il n’a pas été associé aux profits ainsi réalisés ». L’éditeur a donc été condamné à dédommager l’artisan-pêcheur du préjudice subi.  

II. Les événements d’actualité et les manifestations publiques

A. Le principe   On retrouve ici l’application du principe de droit à l’information. Des personnes anonymes sont souvent mêlées à un événement d’actualité ou à une manifestation publique.

Leur photographie, prise dans un lieu public peut être publiée sans autorisation, à condition toutefois de ne pas excéder les limites du droit à l’information. Ce principe a été clairement posé par les tribunaux : « attendu que toute personne a sur son image un droit exclusif, que constitue d’ailleurs une faute le fait de reproduire son image sans son consentement, que si cette autorisation devait, dans tous les cas, être expresse, il s’ensuivrait que toute publication par un journal de photographies de foule ou de personnes présentes ou prenant part à une manifestation publique faisant l’objet d’un reportage journalistique serait impossible », le juge considère que la publication sans autorisation est permise. Mais le juge fixe aussitôt les limites : « attendu que pour qu’une telle publication puisse donner lieu à la réparation au profit de la personne photographiée, il est necessaire soit que l’image qui en est reproduite la rende ridicule, soit que la légende accompagnant l’image soit désobligeante pour elle, soit encore que ses traits soient

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utilisées à des fins mercantiles permettant éventuellement de supposer qu’elle a, à des fins lucratives ou non, accepté de participer à une opération publicitaire… » Nous avons l’exemple d’une photographie célèbre, « la Marianne de 68 », qui est l’une des photographies les plus connues de Mai 68 : on y voit une jeune femme, très nettement identifiée et constituant le sujet central de l’image, juchée sur les «épaules d’un manifestant et brandissant un drapeau ? La jeune femme, qui n’avait pas donné son consentement à la publication, a porté plainte contre l’agence responsable de celle-ci, estimant que son droit à l’image était atteint. Le juge, considérant que l’intéressée ne contestait pas avoir pris part librement aux évènements de Mai 68 et que la photographie avait été régulièrement publiée pour illustrer ces évènements, a estimé que l’autorisation de publication n’était pas nécessaire. L’affaire est aujourd’hui en appel. Dans une décision en date du 5 juillet 2005, la Cour de cassation a considéré que pouvait être licite la publication d’une photographie d’une personne n’étant pas sur les lieux lors d’un évènement en tant que tel, mais y apparaissant postérieurement. Il s’agissait en l’espèce de la photographie d’un commandant de police représenté en train de réaliser les constatations d’usage, non pas au moment de l’événement mais après celui-ci. Le cliché avait été effectué sans son autorisation. Il avait donc demandé le paiement de dommages-intérêts à la société de presse qui avait diffusé son image et a été débouté de sa demande. On assiste ici à une interprétation extensive de la notion d’évènement d’actualité. La jurisprudence oscille entre droit à l’information, privilégié dans ce cas, et droit à l’image.

B. Les évolutions jurisprudentielles : un recul du droit à l’information ou une protection accrue du droit à l’image ?

Depuis quelques années, on enregistre une augmentation très forte de procès intentés par des particuliers qui demandent réparation suite à la publication de leur photographie les représentant, prise à l’occasion d’un évènement d’actualité ou d’une manifestation publique. Les tribunaux font de plus en plus droit à ces demandes : ainsi, à titre d’exemple, une somme de 7500 € a été accordée, six ans après les faits, à quatre jeunes d’origine étrangère montrant devant l’objectif, lors d’une conférence de presse, leur carte d’électeur et leur carte d’identité. Autre exemple : une jeune fille, dont la photo, prise le soir de la victoire de la France en Coupe du Monde de football, a fait « la une » de Paris-Match, sollicite des dommages et intérêts auprès de l’hebdomadaire. Pour se prémunir, les journaux multiplient les précautions : bandeaux sur les yeux, visages rendus flous ou remplacés par des visages de comédiens, photographies de personnes prises de dos. Même si les décisions jurisprudentielles restent contradictoires (selon l’Association nationale des journalistes reporters photographes et cinéastes, chaque affaire en jugement est une « loterie »), il semble bien que la tendance actuelle,

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confortée par les affaires à fort retentissement médiatique, consiste à privilégier le droit à l’image au détriment de droit à l’information. Qu’on se félicite ou qu’on le déplore, nous ne pouvons que recommander la plus grande prudence au photographe.    Pour  les  personnalités  publiques  se  référer  à  l’ouvrage  «  Le  Photographe  :  Guide  pratique  et  juridique  pour  le  professionnel  et  l’amateur  »  /  Editions  Puits  Fleuri    http://www.puitsfleuri.com/fiche.php?id=83    

 III. Les sanctions encourues

L'utilisation de l'image d'une personne prise dans un lieu public, même si elle est illicite, n'est pas en soi répréhensible sur le plan pénal. Elle ne donne donc pas lieu à sanction pénale (devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel), sous réserve bien sûr que la diffusion ne s'accompagne pas d'un délit, telle la diffamation. Mais, dans ce cas, il y aura poursuite pénale pour le délit de diffamation et non pour le fait de diffusion de l'image. Cette précision est importante, car elle signifie que le photographe ou le responsable de la publication encourent seulement des sanctions civiles. En conséquence, si la personne qui s'estime lésée n'intente aucune action en justice, il n'y aura pas de sanctions. S'il y a action en justice, cela se traduira, si le photographe ou le responsable de la publication sont condamnés, par la réparation du préjudice subi. Mais, en cas d'atteinte à l'intimité de la vie privée, des mesures d'urgence peuvent être prises. A. Le versement de dommages et intérêts Le responsable de la publication devra verser à la personne lésée une indemnité en argent. Il est difficile d'évaluer le montant de cette indemnité, celui-ci étant, selon les cas, très variable. Cela peut aller de l'euro (le dommage subi est alors mineur mais la décision rendue répare un préjudice moral en permettant de montrer que la victime était bien dans son droit) à plusieurs milliers d'euros. Le pouvoir d'appréciation des tribunaux est très large en la matière. B. Les mesures propres à faire cesser le dommage en cas d'atteinte à l'intimité de la vie privée

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L'article 9 du Code civil prévoit que le juge peut « prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ». C'est ainsi que le juge peut ordonner la saisie ou la destruction du cliché : mais il ne le fera qu'en cas d'atteinte intolérable à la vie privée, et n'appliquera pas cette mesure, en règle générale, si la captation de l'image était licite. Il peut aussi ordonner l'interdiction d'une exposition. Le juge peut également ordonner, notamment en cas d'apposition d'une légende nuisible à la personne photographiée, la publication d'un rectificatif ou la publication du jugement. Enfin, « ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé », c'est-à-dire par une procédure qui se caractérise par la rapidité : en cas d'extrême urgence, une décision peut être prise dans les 24 heures. Le plus souvent, cette décision sera assortie d'une astreinte, c'est-à-dire d'une obligation faite au responsable de la publication de payer une certaine somme par jour de retard mis à exécuter la mesure ordonnée.   LA PRISE DE VUE D’UNE PERSONNE DANS UN LIEU PRIVE Les règles concernant la prise de vue dans un lieu privé sont beaucoup plus strictes que celles concernant un lieu public. Les enfreindre peut entraîner, outre la réparation du dommage, des sanctions pénales. I. Qu'est-ce qu'un lieu privé ? A. Définition générale Le lieu privé se définit par rapport au lieu public : tout ce qui n'est pas lieu public est lieu privé. Parant de la jurisprudence, on peut définir le lieu privé comme « tout endroit où l'entrée dépend de l'autorisation donnée par celui-là seul qui a la propriété, l'utilisation ou la jouissance de cet endroit », ou encore, pour donner une définition proche : « le lieu privé doit être conçu comme un endroit qui n'est pas ouvert à la personne sauf autorisation de celui qui l'occupe d'une matière permanente ou temporaire ». Le lieu privé par excellence est bien sûr le domicile.

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De nombreuses décisions rendues par les tribunaux concernent les litiges dans lesquels il était important de savoir s'il s'agissait de lieux publics ou de lieux privés. B. Quelques exemples de lieux privés Les tribunaux ont ainsi considéré comme tant un lieu privé : - « un bateau dans lequel, ne se trouvant plus à proximité d'une plage ou d'un port, mais au large, toute personne à bord, si aucune embarcation n'évolue dans le voisinage, est fondée à se croire à l'abri des regards d'autrui » ; - une chambre d'hôpital (tentative de photographier une actrice blessée sur son lit d'hôpital) ; - un lieu de détention dans lequel, par définition, il est interdit d'entrer et dont on ne peut pas sortir sans une autorisation très particulière et strictement limitée (sic !) (photographies prises clandestinement de surveillants de prison et de détenus) ; - une pharmacie après la fermeture des portes ; - le bureau d'une entreprise. Les tribunaux ont assimilé à un domicile (et donc à un lieu privé) les lieux suivants : - une chambre louée dans un hôtel ; - une chambre ou un appartement loué en meublé ; - un appartement meublé, même momentanément inoccupé, en raison de travaux devant y être effectués ; - une chambre d'hôpital occupée par un malade où il a le droit, sous la seule réserve des nécessités de service, de se dire chez lui, et notamment d'être défendu contre la curiosité publique ; - les tentes, caravanes et, d'une manière générale, les abris de camping. Un local industriel ou commercial doit également être assimilé au domicile d'un citoyen ou d'une personne juridique, l'accès pouvant en être réglementé et subordonné à l'autorisation du propriétaire ou de l'exploitant. Ainsi en est-il : - d'une usine ; - d'une pièce servant de bureau de comptabilité ; - des bureaux de direction d'une société ; - d'un cabinet dentaire ; - du bureau du président d'une chambre des métiers ; - de bureaux exclusivement réservés à un usage professionnel ; - des locaux d'un port autonome ; - d'un centre d'essais automobile. Tous ces exemples, recueillis dans la jurisprudence, doivent permettre au photographe de bien distinguer ce qu'est un lieu privé. Souvent, le simple bon sens suffit pour le définir. Dans le doute, nous ne pouvons que recommander au

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photographe désireux d'effectuer des prises de vue de solliciter une autorisation préalable. Cela lui évitera bien des déboires ultérieurs. Il convient enfin d'apporter une précision importante : la détermination du lieu privé s'apprécie par rapport à l'endroit où se trouve la personne photographiée et non à l'endroit où se trouve le photographe. En conséquence, si un photographe se trouvant dans un lieu public (par exemple, la rue) capte l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé (par exemple son domicile), c'est bien sûr la réglementation applicable au lieu privé qui s'appliquera.

II. La prise de vue illicite d'une personne se trouvant dans un lieu privé

L'article 226-1 du nouveau Code pénal prévoit des peines de prison et d'amende pour celui qui, au moyen d'un procédé quelconque, porte volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, en fixant, sans le consentement celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. A. Les éléments constitutifs du délit - Il faut d'abord avoir fixé l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé au moyen d'un procédé quelconque. Ce point ne soulève aucune difficulté majeure. Les évolutions technologiques permettent d'augmenter les procédés de saisie de l'image. Ainsi en est-il par exemple des téléphones portables dotés d'une fonction photographique. - Le photographe doit avoir voulu délibérément porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : ceci suppose bien sûr que la personne photographiée n'ait pas donné son consentement à la prise de vue, car on imagine mal alors, dans cette hypothèse, qu'elle puisse se prévaloir d'une atteinte à l'intimité de sa vie privée. Plus délicate est en revanche cette notion d'« atteinte à l'intimité de la vie privée». On comprend qu'il s'agit d'une notion plus restrictive que la seule atteinte à la vie privée, puisque la loi parle d'« intimité ». Ceci étant, la frontière entre ces deux notions reste floue, et la jurisprudence, qui précise que l'intimité, « c'est ce qui est essentiel dans la vie privée d'une personne », ne nous éclaire pas beaucoup. Chaque cas est en effet, là plus qu'ailleurs, un cas d'espèce, puisqu'aussi bien la même photographie, prise dans les mêmes conditions de lieu, de deux personnes différentes, pourra, selon le caractère ou l'activité des deux personnes en question, porter davantage atteinte à l'intimité de la vie privée de l'une que de l'autre. En conclusion, pour que le délit soit consommé, il faut que le photographe ait manifestement et délibérément volé l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

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A titre d'exemple, l'opérateur acrobate juché sur un arbre et muni d'un téléobjectif, photographiant une jeune fille dans sa salle de bains, sera paisible des sanctions prévues à l'article 226-1 du Code pénal ; de même celui qui, s'introduisant chez quelqu'un, capte à son insu son image à l'aide d'un appareil photo miniature. B. La procédure de poursuite La captation illicite de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé est assimilée à ce qu'on appelle un « délit civil ». En conséquence, pour que le photographe soit poursuivi, la victime (ou son représentant légal s'il s'agit d'un mineur ou d'un incapable majeur, ou un de ses ayants droit) doit porter plainte : dans ce cas, le Procureur de la République a la possibilité de poursuivre ou de classer l'affaire sans suite ; seule la plainte avec constitution de partie civile oblige le Procureur à poursuivre. L'article 226-6 du nouveau Code pénal prévoit ainsi que « l'action publique ne peut être exercée que sur plainte de la victime, de son représentant légal ou de ses ayants droit ». Un gendarme ou un policier ne pourront donc jamais dresser procès-verbal à quelqu'un pris en flagrant délit de captation illicite de l'image. En cas de poursuite, et puisqu'il s'agit d'un délit, l'affaire est portée devant un tribunal correctionnel. C. La charge de la preuve La loi visant à garantir les droits individuels des citoyens et notamment à protéger leur vie privée, le juge présumera que le photographe a agi sans le consentement de la personne photographiée. C'est donc au photographe qu'il appartient de prouver, par tous moyens, qu'il avait obtenu l'autorisation expresse ou tacite de celle-ci. Dans l'hypothèse où il ne peut pas en apporter la preuve, il lui reste toujours la possibilité de se défendre en soutenant qu'il n'avait pas pour autant souhaité porter atteinte à l'intimité de la vie privée du sujet. Il lui sera toutefois très difficile d'avancer un tel argument : comment en effet se prévaloir de cette excuse s'il est établi qu'il a agi à l'insu de la personne photographiée ? Dans tous les cas, c'est au juge qu'il incombe, au vu des éléments en sa possession, d'apprécier si le délit est ou non consommé. Dans l'affirmative, le photographe encourt diverses sanctions.

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D. Les sanctions encourues Elles sont de deux types : 1. Les sanctions pénales En vertu de l'article 226-1 du nouveau Code pénal, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui en fixant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Bien sûr, et ce sera le plus souvent le cas, le juge aura toute latitude pour prononcer une peine inférieure à ce que prévoit la loi, en vertu du jeu des circonstances atténuantes. Le juge peut par ailleurs prononcer la confiscation du matériel ayant servi à commettre l'infraction ainsi que la confiscation du document obtenu. 2. Les sanctions civiles Il s'agit pour l'essentiel de l'attribution de dommages et intérêts à la victime pour la réparation du préjudice qu'elle aura subi. D'autre part, et en vertu de l'article 9 du Code civil, le juge peut prendre diverses mesures propres à faire cesser ce préjudice (saisie, séquestre, astreinte) (cf. p. 47). III. La prise de vue licite de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé La prise de vue sera licite si la personne photographiée a donné son consentement écrit ou si ce consentement est présumé. A. Le consentement écrit de la personne photographiée Si le photographe obtient un consentement écrit de la personne photographiée à la prise de vue, aucun problème ne se pose : la captation de l'image est licite et il n'y a dès lors pas de risque à appuyer sur le déclencheur. Mais, le plus souvent, l'opération ne tend pas une feuille prête à signer à la personne qu'il va photographier, ce qui n'implique pas pour autant qu'il veut porter atteinte à l'intimité de sa vie privée. Le législateur qui l'a bien compris, a introduit des dispositions, examinées ci-dessous, tendant certes à protéger les particuliers, mais non de nature à empêcher un photographe d'exercer sa profession ou son violon d'Ingres.

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B. Le consentement présumé de la personne photographiée L'article 226-1 du nouveau Code pénal est complété par les termes suivants : « Lorsque les actes énoncés au présent article - c'est-à-dire notamment la fixation de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé - ont été accomplis au cours d'une réunion au vu et au su des participants, le consentement de ceux-ci est présumé. » Le fait de présumer qu'une personne a consenti à la prise de vue présente pour le photographe un avantage d'importance en cas de litige : si elle porte plainte contre lui, c'est à elle qu'il appartiendra de prouver que le photographe a commis une faute et non à celui-ci de prouver qu'il n'a pas voulu porter atteinte à l'intimité de la vie privée de l'éventuelle victime. Pour que le consentement de la personne photographiée soit présumé, il faut donc deux conditions : L'image doit avoir été captée lors d'une réunion : ce peut être à l'occasion d'un repas de famille, d'une réunion politique, syndicale, religieuse ou autre, bref à l'occasion de tout rassemblement de plusieurs personnes. Le photographe doit avoir opéré « au vu et au su des participants » : il est donc nécessaire que le photographe ait opéré ouvertement. Ceci étant, le fait que tout le monde ne l'ait pas vu opérer n'empêche pas que le consentement des personnes présentes soit présumé. L'essentiel est que tout le monde soit censé pouvoir l'avoir vu. Il n'en demeure pas moins que la personne qui se trouve dans une réunion privée, et qui voit opérer le photographe, peut très bien refuser explicitement de se laisser photographier. Il lui est alors conseillé de prendre quelques personnes à témoin. Si le photographe persiste, il sera passible des sanctions prévues à l'article 226-1 du nouveau Code pénal, la présomption de consentement étant alors renversée. L'UTILISATION DE L’IMAGE D’UNE PERSONNE PRISE DANS UN LIEU PRIVE L'image de personnes prises dans un lieu privé peut être utilisée par le photographe de deux façons : soit il la conserve, soit il la diffuse ou la fait diffuser. Il conviendra d'examiner ces deux possibilités, en distinguant selon que la prise de vue a été licite ou non licite.

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I. L'utilisation de l'image prise licitement A. La conservation de l'image Si le photographe ou une tierce personne (agence par exemple) conserve l'image captée licitement dans ses archives personnelles, il (ou elle) n'encourent aucun risque. B. La diffusion de l'image Il se peut que le photographe souhaite porter à la connaissance du public l'image réalisée, soit en la faisant publier dans une revue ou un journal, soit en l'affichant à l'occasion d'une exposition, soit simplement en la montrant à diverses personnes. Il sera alors nécessaire que la personne photographiée lui ait donné son autorisation, sinon celle-ci pourra assigner en justice le responsable de la publication (selon les cas : photographe, agence ou éditeur) qui devra réparer le préjudice subi. Les précautions à prendre par le photographe sont identiques à celles exposées p. 35 ci-dessus. Notons un point important : ce n'est pas parce qu'une personne a donné son consentement à la prise de vue qu'elle a implicitement autorisé la diffusion de son image. Ainsi, on ne peut prendre prétexte de l'accord d'une personne au tirage de son portrait pour ensuite, sans son autorisation, le faire publier, ou l'afficher dans une exposition ou à la devanture d'un magasin (cf. p. 58). En revanche, la loi ne considère pas qu'il y a eu infraction : aucune poursuite pénale ne peut être engagée ; seules les réparations civiles peuvent être allouées au plaignant. II. L'utilisation de l'image prise illicitement L'article 226-2 du nouveau Code pénal punit le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit l'image d'une personne prise dans un lieu privé sans le consentement de celle-ci.

A. La conservation de l'image

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Pour le photographe, il y aura généralement un cumul de délits : captation illicite du cliché d'une part, conservation de celui-ci d'autre part, sauf si l'image a été prise à l'aide d'un appareil à développement instantané et que le photographe se sépare aussitôt d'elle. Il est bien évident que, à l'instar du voleur qui ne peut être poursuivi pour vol et pour recel, il n'encourra pas deux fois les peines prévues (les premières au titre de l'article 226-1, les secondes au titre de l'article 226-2). Les sanctions encourues sont les mêmes pour le cas de captation illicite de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé (cf. p. 53). L'agence ou l'éditeur qui conservent dans leurs archives un cliché pris à l'insu du modèle s'exposent aux mêmes sanctions.

B. Le fait de porter ou volontairement laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers, ou utiliser, publiquement ou non, l'image captée illicitement

Celui qui diffuse ou laisser diffuser une image captée illicitement est passible des mêmes sanctions que celles prévues pour la captation et la conservation d'une belle image (cf. p. 46). La diffusion fait songer à la publication d'une image dans un journal ou une revue. Mais la loi va bien au-delà puisqu'elle parle d'« utilisation de quelque manière que ce soit » : le délit peut donc être constitué par le simple fait d'exposer le cliché dans une galerie, ou encore de le montrer à des tiers en le faisant circuler de la main à la main, ou en projetant l'image, s'il s'agit d'une diapositive, au cours d'une soirée entre amis. Il est aujourd'hui un autre mode de diffusion largement utilisé, l'envoi de photographes par le biais d'internet. Le délit n'est, par-contre, pas consommé lorsque le photographe montre l'image qu'il a prise à un éditeur ou à une agence : on considère dans ce cas qu'il ne s'agit pas de tiers.

C. Responsabilités

Celle du photographe sera engagée dès lors qu'il aura porté à la connaissance du public, par l'un des moyens évoqués ci-dessus, l'image litigieuse. Sa responsabilité sera également engagée s'il a laissé porter le document à la connaissance du public en le remettant à un tiers, ce tiers pouvant alors être toute personne, y compris un éditeur ou une agence. En cas de publication par voie de presse, signalons que l'article 226-2 du Code pénal renvoie à l'article 227-24 du même code qui établit notamment la responsabilité pénale des gérants ou éditeurs.

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Cette disposition n'exonère pas pour autant de toute responsabilité le photographe qui aura remis l'image captée illicitement. A ces sanctions pénales peuvent bien sûr s'ajouter l'attribution, sur le plan civil, de dommages et intérêts à la victime, ainsi que la possibilité pour le juge, en vertu de l'article 9 du Code civil, de « prescrire toutes mesures telles que le séquestre, saisi et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée, ces mesures pouvant, s'il y a urgence, être ordonnées en référé » (cf. p. 47). Pour   les  montages  photographiques  et   les  cas  particuliers  se  référer  à   l’ouvrage  «  Le   Photographe  :   Guide   pratique   et   juridique   pour   le   professionnel   et  l’amateur  »  /  Editions  Puits  Fleuri    http://www.puitsfleuri.com/fiche.php?id=83   L’AUTORISATION DE LA PERSONNE PHOTOGRAPHIEE A LA DIFFUSION DE SON IMAGE Nous avons vu que dans certains cas, il est possible de diffuser librement l’image de personnes photographiées : groupes et scènes de rue, évènements d’actualité et manifestations publiques, personnalités publiques dans l’exercice de leurs fonctions. Mais cette liberté est très encadrée (par exemple : ne pas individualiser les personnes photographiées et ne pas excéder les limites du droit à l’information), si bien qu’il ne faut donc en user qu’avec prudence et modération. I. L’autorisation est indispensable

A. Le principe

La loi et la jurisprudence considèrent que personne n’est censé, a priori, autoriser la diffusion de son image même si, nous l’avons vu, le consentement à la prise de vue peut être présumé : une chose est d’être pris en photo, une autre de voir son image publiée. Le photographe et/ou la responsable de la publication qui ne respectent pas ce principe s’exposent à des sanctions : réparations civiles et, dans certains cas, sanctions pénales (en cas de diffusion d’une image captée illicitement ou de diffusion, sous certaines conditions, d’un montage). Nous avons eu l'occasion de développer ces points lors des chapitres précédents.

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B. La preuve de l’autorisation

En dehors des cas où l’autorisation de la personne photographiée à la diffusion de son image est présumée (groupes et scènes de rue, évènements d’actualité et manifestations publiques, personnes publiques dans l’exercice de leurs fonctions), c’est au photographe et/ou au responsable de la publication qu’il appartiendra de prouver, en cas de litige, que la personne photographiée a bien donné son consentement. 1. La preuve par écrit L’écrit constitue de le plus sûr moyen de preuve. Il est vivement conseillé au photographe qui souhaite faire publier l’image d’une personne de solliciter son consentement écrit. L’agence ou l’éditeur à qui il adressera ses clichés l’exigera d’ailleurs le plus souvent. Voir page suivante en encadré un modèle d’autorisation. 2. Les autres moyens de preuve Très souvent, le photographe qui souhaite faire publier l’image d’une personne n’en sollicite pas l’autorisation écrite, surtout s’il s’agit d’amis ou de simples particuliers (qui ne sont pas des modèles professionnels). Le juge admet alors d’autres moyens de preuves : ▶ L’aveu Si la personne photographiée se plaint de la légende qui accompagne la photographie, mais non de la publication, mais non de la publication, le juge pourra estimer qu’elle avait implicitement consenti à celle-ci. ▶ La preuve par témoins Elle est également recevable. Ainsi, une décision du tribunal de Paris déboute-t-elle de sa demande une vendeuse qui, en compagnie de cinq de ses collègues, avait posé pour un dépliant publicitaire : les cinq autres vendeuses ont en effet témoigné pour indiquer qu’une autorisation verbale avait été donnée au photographe.

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▶ La preuve par indices divers L’appréciation du juge est souveraine. S’il apparaît que la personne a délibérément posé pour le photographe, il pourra déjà en conclure à son accord à la captation de l‘image (encore qu’il faille être très prudent sur ce point : avec un appareil miniature, il est possible de capter l’image d’une personne dans une attitude très naturelle). Le juge pourra également examiner si des relations familiales ou amicales existent entre le photographe et la personne photographiée, laissant présumer le consentement tacite de celle-ci. Mais l’issue favorable de tels litiges est loin d’être certaine pour le responsable de la publication : c’est pourquoi le consentement écrit reste, en toute hypothèse, le meilleur moyen de preuve.

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Modèle d’autorisation Je soussigné (nom, prénoms, adresse) donne à M. ................... l’autorisation de (publier), (exposer), (diffuser) la (ou les) photographie(s) prise(s) par lui et me représentant, et dont une copie signée et datée par mes soins figure ci-joint : ☻ pour tous usages, y compris publicitaires et commerciaux, ou ☻ pour les usages suivants : - publication dans tous journaux et revues (ou dans tel journal ou telle revue

nommément désignés), - publicité (pour tout type de publicité ou pour une publicité nommément désignée), - illustration d’ouvrages (tout ouvrage ou tel ouvrage nommément désigné), - cassette vidéo (toute cassette ou cassette sur un sujet nommément désigné), - télévision (tout type d’émission ou telle émission nommément désignée), - exposition de photos (toute exposition ou telle exposition nommément désignée), - autres cas : à préciser (exemple : sur Internet). Cette autorisation est valable pour une durée de x mois, ou x années, ou reste valable sans limitation de durée. Les légendes accompagnant la diffusion de la ou les photographie(s) ne devront pas porter atteinte à ma réputation ou à ma vie privée

Le (date) A (lieu)

Signature

Pièces jointes : épreuve de la (ou des) photographie(s) faisant l’objet de la présente autorisation, signée et datée par mes soins, avec la mention « bon pour accord ». Si le modèle a posé moyennant rémunération, rajouter la mention suivante, après les indications sur l’état civil : reconnais avoir reçu de M. ......... la somme de x francs en rémunération de la (ou des) pose(s) photographique(s).

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II. La portée de l’autorisation Le consentement d’une personne à la publication de son image ne signifie pas pour autant que celle-ci peut être utilisée n’importe où, n’importe comment. Des restrictions d’utilisation peuvent être imposées. Par ailleurs, il ne doit pas y avoir d’utilisation abusive de l’image.

A. Restrictions quant à la durée

1. Restrictions expresses : le délai est fixé La personne photographiée peut fort bien donner une autorisation de publication en précisant que celle-ci doit être effectuée avant une date prédéterminée : toute publication postérieure à cette limite sera sanctionnée.

2. Restrictions tacites : le délai doit être raisonnable

Mais il se peut également que la personne photographiée donne son consentement sans fixer de date limite. Au vu des circonstances de fait, le tribunal pourra lui-même déclarer caduque l'autorisation, comme l’illustre la décision suivante : une naturiste avait posé, moyennant rémunération, en 1964, et avait consenti à la publication de l’image. Elle était alors célibataire. Dix ans plus tard, la jeune fille s’est mariée, et la photographie paraît. Le juge estime qu’« une telle autorisation doit avoir été utilisée dans un délai raisonnable, qu’en revanche si celle-ci est tellement ancienne que la situation personnelle de l’intéressée s’est modifiée, elle doit être considérée comme caduque, sauf preuve contraire de sa validité persistante, preuve à la charge de l’utilisateur... ».

B. Restrictions quant à l’organe publicateur La personne qui autorise la publication de son image ne souhaite pas toujours, pour des raisons qui peuvent être d’ordre politique, philosophique, moral ou religieux, que cette image soit publiée dans tel journal ou telle revue. Le non-respect du choix de diffusion exprimé par le sujet photographié est systématiquement sanctionné par les tribunaux. Ainsi, dans une décision en date du 5 janvier 2000, le tribunal de Grande Instance de Paris a jugé que l’autorisation pour la publication d’une photographie ne vaut pas pour la diffusion animée de cette image (représentant un visage) sur Internet.

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C. Restrictions quant à l’utilisation de l’image Une personne peut donner son accord à la publication de son image en spécifiant que celle-ci doit être utilisée pour un usage bien déterminé. Là encore, le non-respect de cette volonté est toujours sanctionné. Citons le cas d’une curiste photographiée, avec son accord, dans un établissement thermal, le cliché devant accompagner un article dans une revue médicale. Une chaîne de télévision s’est ensuite servie de cette image pour illustrer un reportage sur l’établissement en question, et a été condamné à verser 5 000 F de dommages et intérêts à la plaignante. Signalons que de nombreux litiges portant sur les restrictions quant à l’utilisation de l’image concernent l’utilisation de celle-ci à des fins publicitaires ou commerciales.

D. L’apposition d’une légende nuisible au sujet photographié Afin de se présumer efficacement contre un risque éventuel, on peut supposer que le responsable d’une publication fasse signer une autorisation écrite à une personne, sur laquelle serait mentionné que celle-ci donne son accord à toute publication, présente et future, de son image. Un tel document serait dépourvu de valeur juridique. Le consentement ne peut en effet être général : il ne peut être que spécial, c’est-à-dire porter sur une image ou une série d’images précisément définies.

E. L’autorisation générale n’a pas de valeur Afin de se présumer efficacement contre un risque éventuel, on peut supposer que le responsable d’une publication fasse signer une autorisation écrite à une personne, sur laquelle serait mentionné que celle-ci donne son accord à toute publication, présente et future, de son image. Un tel document serait dépourvu de valeur juridique. Le consentement ne peut en effet être général : il ne peut être que spécial, c’est-à-dire porter sur une image ou une série d’images précisément définies.

F. Le consentement est révocable Les tribunaux ont jugé que le consentement donné par une personne à la diffusion de sa photographie était révocable et que ce droit pouvait être exercé sans

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avoir à justifier de mobiles. Ceci étant, ce droit peut être sanctionné s’il est utilisé abusivement. Le préjudice pécuniaire peut en effet être important : imaginons le cas d’une campagne nationale d’affichage avec la photographie d’un modèle connu. Si ce dernier, après avoir donné son consentement, se rétracte, le promoteur de la campagne sera lésé. Il s’agira en l'occurrence d'arbitrer entre le droit fondamental qu’a chacun sur son image et les intérêts liés à l’exploitation de cette image. Pour  le  traitement  informatique  des  images  et  Loi  «  Informatique  et  libertés  »  se  référer   à   l’ouvrage   «  Le   Photographe  :   Guide   pratique   et   juridique   pour   le  professionnel  et  l’amateur  »  /  Editions  Puits  Fleuri    http://www.puitsfleuri.com/fiche.php?id=83   LE DROIT DE CAPTER ET D’UTILISER L’IMAGE D’UN BIEN OU D’UN IMMEUBLE On pourrait a priori penser que, s'il est compréhensible de limiter le droit de photographier une personne, rien, en revanche, ne devrait s'opposer à la prise de vue et à la reproduction de l'image d'un bien ou d'un immeuble. Pourtant, là encore, les droits du photographe vont rencontrer des limites. Ces limites résultent d'une part du droit des propriétaires des biens ou immeubles, d'autre part, s'il s'agit d'œuvres d'art, du droit des auteurs de ces œuvres. Dans certains cas enfin, ces limites résultent du respect de la vie privée d'autrui.    I. Limitations résultant du droit du propriétaire A. Contenu de ce droit Aucun texte de loi n'interdit formellement la captation et la reproduction de l'image d'un bien ou d'un immeuble sans le consentement du propriétaire : le droit de celui-ci découle de la jurisprudence. Mais peut importe son origine, l'essentiel étant qu'il existe. En principe donc, l'autorisation du propriétaire doit être requise pour photographier un bien ou un immeuble lui appartenant et pour en reproduire l'image.

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Ainsi, un musée propriétaire des objets qu'il expose a parfaitement le droit de s'opposer à les laisser photographier (cf. plus loin p. 93). Ce principe s'applique avec d'autant plus de rigueur qu'il ne s'agit d'un propriétaire privé. De façon identique, ce n'est pas parce qu'un immeuble est ouvert à la visite du public (pensons à un château ou une abbaye par exemple) que cela vaut implicitement autorisation de photographier. L'accord du propriétaire, qu'il soit public ou privé, sera souvent à solliciter dès la prise de vue. Si la prise de vue a lieu depuis la voie publique, une autorisation ne sera pas obligatoirement nécessaire. En revanche, lorsqu'un bâtiment est photographié depuis ses emprises extérieures (terrain ou autre bâtiment) ou à l'intérieur, l'autorisation du propriétaire, qu'il soit public ou privé, sera obligatoire. B. Portée de l'autorisation Il convient de rappeler deux règles fondamentales : 1. Le consentement du propriétaire à la prise de vue n'implique pas nécessairement le consentement à la reproduction de l'image. Le photographe qui voudra exploiter l'image obtenue devra donc obtenir, de façon expresse, l'accord du propriétaire. Il sera prudent que cet accord soit donné par écrit, surtout s'il s'agit par exemple d'utiliser l'image pour en faire un carte postale, pour l'exposer, ou encore pour la faire diffuser sur une revue.

2. La reproduction ne devra pas excéder les limites de l'autorisation donnée : à titre d'exemple, si le propriétaire a donné son accord pour que le photographe présente la photographie dans une exposition villageoise, ce dernier ne pourra pas utiliser à des fins commerciales ou publicitaires. On retrouve ici le même principe qui régit toute autorisation d'exploiter une image, que ce soit celle d'une personne (cf. p. 77) ou celle d'un bien.

C. Sanctions encourues La captation et la reproduction d'un bien ou d'un immeuble sans le consentement du propriétaire ne sont pas répréhensibles pénalement (à moins bien sûr que le photographe ne se soit introduit par effraction au domicile d'une personne pour y photographier un bien, comme une sculpture dans un jardin privé. Mais c'est alors la violation de domicile qui serait pénalement sanctionnée et non la prise de vue en elle-même). En revanche, le propriétaire subissant un dommage, le photographe et/ou le responsable de la publication peuvent être civilement condamnés à lui verser des dommages et intérêts. Par ailleurs, le film peut être confisqué.

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II. Limitations résultant du droit de l'auteur A. Les principes généraux L'auteur qui a élaboré une œuvre originale dispose à ce titre de droits protégés par la loi (droit moral et droit pécuniaire). En particulier, son œuvre ne peut être reproduite par quelque moyen que ce soit sans son autorisation. Ainsi, il n'est pas permis de reproduire par la photographie une sculpture sans le consentement du sculpteur, une toile sans le consentement du peintre, une œuvre architecturale sans le consentement de l'architecte, etc. Une telle reproduction constitue une contrefaçon : il s'agit d'un délit, donc d'un acte pénalement répréhensible. Celui qui s'en rend coupable peut également être condamné à verser à l'auteur de l'œuvre des dommages et intérêts (sur la nature de ce délit et sa sanction, voir deuxième partie, chapitre 9). Les tribunaux ont rendu en la matières les jugements suivants : - « Des décorateurs créateurs de meubles ou d'ensembles mobiliers, qui ont exposé leurs réalisations au Salon des arts ménagers, dans un lieu public où elles étaient offertes à la vente, ne sauraient se voir opposer que cette exposition ait pu entraîner l'abandon par eux d'une partie quelconque de leurs droits. Dans ces conditions, la reproduction photographique de ces œuvres, sans l'assentiment de leurs créateurs, et la publication, à des fins commerciales, de ces reproductions, sans autorisation, constituent incontestablement une atteinte au droit de propriété artistique, atteinte d'autant plus grave que la publication ne mentionne pas le nom du créateur et laisse ainsi le public dans l'ignorance de son droit exclusif sur ces œuvres ». -« Le nom de l'auteur d'une œuvre architecturale reproduite sur une photographie doit être mentionné même si son originalité est sujette à discussion« . -Le fait que l'œuvre, et notamment l'œuvre architecturale, soit située sur ou au bord d'une voie publique ne la prive pas de la protection résultant du droit d'auteur : en effet, il a été jugé que la loi « ne prévoit aucune disposition venant restreindre la protection des droits relatifs aux œuvres d'art situées dans un lieu accessible au public », et « la jouissance du droit d'auteur ne saurait être battue en brèche par la vocation du bâtiment ». B. Les atténuations à ces principes La jurisprudence et la pratique atténuent dans certains cas la portée des règles relatives à la photographie et à la reproduction d'un bien lorsqu'il s'agit d'un immeuble ou d'une œuvre située sur le domaine public (exemple : une statue). Nous retrouvons ici le principe évoqué pour la reproduction de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu public :

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- Si la photographie reproduit une rue, ou l'ensemble d'une place, le propriétaire dont l'œuvre architecturale se trouve dans cette vue générale, et l'architecture ayant conçu cette œuvre ne pourront pas s'opposer à la prise de vue et à la reproduction de l'image obtenue. -Dans le même ordre d'idées, le propriétaire et l'architecte ne pourront pas se prévaloir de leurs droits respectifs si l'œuvre architecturale figure sur la photographie de façon accessoire : ainsi, l'exemple est classique, si une cérémonie est photographiée devant un monument, le monument apparaîtra sur le cliché de façon accessoire, l'objet principal de la reproduction étant la cérémonie. Tout ceci est l'affaire d'appréciation, et le juge examinera, comme pour les cas d'individualisation de l'image d'une personne photographiée dans un lieu public, s'il y en a eu ou non « cadrage restrictif » (cf. p. 34). Un arrêt de la Cour de cassation en date du 15 mars 2005 constitue un exemple du pouvoir d'appréciation du juge. En l'espèce, quatre éditeurs avaient mis en vente des cartes postales représentant la place des Terreaux à Lyon, réaménagée par les artistes Buren (avec ses colonnes) et Devret (avec ses mini-fontaines). Ces cartes avaient été éditées sans l'autorisation des artistes et sans mention de leur nom. Ils ont donc intenté une action en contrefaçon, mais on été déboutés, au motif, notamment, que leur œuvre « se fondait dans l'ensemble architectural de la place dont elle constituait un simple élément, et qu'une telle représentation de l'œuvre était accessoire au sujet ». La Cour de cassation a donc privilégié la liberté de photographier à la protection du droit des artistes, ce qui explique que cette décision a eu un fort retentissement dans les milieux artistiques. Notons qu'en pratique, il est parfois difficile d'aller chercher le propriétaire, et encore plus l'architecte, pour solliciter l'autorisation de photographier. Par contre, il convient d'être très prudent s'il est envisagé de publier l'image : mieux vaut dans ce cas ne pas hésiter à solliciter un consentement écrit. Notons par ailleurs qu'il semblerait qu'aucune exception ne soit admise en cas de photographie de la Pyramide du Louvre et de la Grande Arche de la Défense, même si ces œuvres n'apparaissent qu'en arrière plan. Il est donc conseillé de ne pas les reproduire, sauf autorisation expresse. III. Limitations résultant de la nécessité de respecter la vie privée d'autrui La photographie d'un bien ou d'un immeuble et la reproduction de l'image ainsi obtenue peuvent dans certains cas porter atteinte à la vie privée d'autrui.

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A. L'exemple des photographies aériennes Le problème a notamment été soulevé du caractère licite des photographies aériennes de maisons d'habitation, photographies proposées ensuite à la vente aux propriétaires. L'activité commerciale consistant à survoler des propriétés pour en prendre des photographies qui seront ensuite proposées à la vente aux propriétaires n'est pas considérée en soit comme illicite (sous réserve de ne pas être en infraction par rapport aux règles de l'aviation civile : cf. p.32). Mais, l'activité de prise de vues aériennes est susceptible de constituer une atteinte à la vie privée si la photographie aérienne d'un immeuble comporte l'image de ses occupants ou de son agencement intérieur, normalement dissimulés à la vue d'un tiers. Toute personne qui estimerait avoir subi un préjudice du fait de la prise de vue d'une photographie aérienne de sa maison pourrait mettre en cause devant les tribunaux la responsabilité des entreprises procédant à ces photographies. B. Le droit à la « tranquillité » Le propriétaire d'une maison située en Bretagne a demandé à ce que la photographie de sa maison n'apparaisse pas sur un dépliant touristique. Il a fait bien sûr valoir son droit de propriétaire, mais également le respect de sa vie privée, craignant qu'une foule de touristes ne vienne contempler sa demeure. La Cour d'appel de Rennes ne lui a donné raison. Comme dans d'autres domaines, le droit de photographier un immeuble ou un bien n'est pas encore posé de façon très ferme par la jurisprudence. Un arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1999 avait posé le principe que l'exploitation d'un bien sous la forme de photographie pouvait porter atteinte à la jouissance du propriétaire sur son bien. En l'espèce, il s'agissait du propriétaire d'un café, ayant acquis une valeur historique lors du débarquement, qui avait demandé et obtenu la saisie des cartes postales reproduisant sans autorisation l'image de l'établissement. Depuis, d'autres décisions sont venue infirmer cet arrêt. Le Comité régional de tourisme de Bretagne avait utilisé dans un guide pour une campagne de promotion de la région, la photographie d'un îlot sur lequel une petite maison était édifiée. Une société civile immobilière, propriétaire de la maison, a assigné le Comité du tourisme pour dommages résultant d'un abus par l'atteinte du droit à la propriété. La Cour de cassation a estimé qu'il n'y avait pas de préjudice et a débouté la société de sa demande.

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C. Le droit à l'honneur et à la réputation Les tribunaux ont accordé réparation à la propriétaire d'une maison dont la photographie avait été utilisée pour servir de cadre à un roman-photo dont le caractère « léger » était peut compatible avec la personnalité de la propriétaire. Pour   quelques   cas   concrets   et   les   formalités   importantes   se   référer   à   l’ouvrage  «  Le   Photographe  :   Guide   pratique   et   juridique   pour   le   professionnel   et  l’amateur  »  /  Editions  Puits  Fleuri    http://www.puitsfleuri.com/fiche.php?id=83