Guy Brousseau - La théorie des situations didactiques

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IntroductionLa thorie des situations didactiques (TSD) est marque par les conditions dans lesquelles elle est apparue. Guy Brousseau la dveloppe dans les annes 80, elle ne sinscrit pas strictement dans la thorie piagtienne, mais les caractristiques des objets sont empreints de cette thorie.

La thorie des situations didactiquesde Guy Brousseau

Guy Brousseau a cr le COREM (centre dobservation et de recherche sur lenseignement des mathmatiques) associ lcole Michelet (Talence) o, avec sa femme Nadine et des enseignants volontaires, il met au point, dveloppe et tudie des situations pour lenseignement des mathmatiques dans le premier degr. La TSD propose une modlisation du savoir, des situations denseignement et des rles du matre et des lves en classe. Une partie des chercheurs en didactique des mathmatiques dveloppe la TSD, notamment la fonction du langage dans le processus enseignement - apprentissage des contenus mathmatiques, ainsi que le rle du professeur.

I. Les objets tudis dans la thorie des situations1. Le savoir mathmatique et le savoir scolaire a) Origines du savoir mathmatique Les savoirs mathmatiques sont construits par des mathmaticiens chercheurs, en rponse des questions externes ou internes aux mathmatiques. La dmarche pour rpondre rpondre ces questions et qui conduit des nouvelles connaissances nest pas linaire, mais un labyrinthe de rflexions, dessais, de transformations de la question, de ramnagements des connaissances voisines antrieures, etc. Le savoir mathmatique est donc construit par des personnes dans un contexte social et historique de questions scientifiques : il est personnalis et contextualis.

I. Les objets tudis dans la thorie des situations1. Le savoir mathmatique et le savoir scolaire b) Constitution du savoir mathmatique Le savoir mathmatique constitu est rdig avec une prsentation axiomatique : les objets sont dfinis, les proprits admises sont indiques, les autres proprits sont dmontres. Cette prsentation efface lhistoire de la construction des savoirs et avec elle les questions qui ont provoqu leur apparition, les difficults qui ont t rencontres, les discussions occasionnes par ces difficults et les choix qui ont finalement t effectus. Le savoir constitu dpersonnalis. est dcontextualis et

I. Les objets tudis dans la thorie des situations1. Le savoir mathmatique et le savoir scolaire c) Enseignement du savoir mathmatique Lenseignement prsente les savoirs (objets et proprits) dans un ordre compatible avec celui des acquisitions. Brousseau propose que soient aussi prsentes les questions dont la solution exige la mise en uvre des savoirs viss, afin que les lves puissent eux-mmes rsoudre ces problmes lorsquils leur sont poss. La mise en place dune gense fictive des savoirs, en isolant des notions, des proprits et des problmes, est la transposition didactique. Elle conduit la constitution des savoirs scolaires.

I. Les objets tudis dans la thorie des situations2. Le travail du professeur Le rle du professeur nest pas seulement dexposer les savoirs et des problmes dont la rsolution met en uvre ces savoirs, sinon llve risque de ne savoir rsoudre aucun problme dont il na pas vu la solution avant. Le professeur propose aussi des situations qui demandent llve de poser des questions et de chercher y rpondre. Ces situations visent la construction de savoirs scolaires. Le professeur produit alors une recontextualisation du savoir. Lorsquun lve reconstruit la connaissance qui permet de rsoudre le problme, il y a repersonnalisation du savoir mathmatique. Les connaissances ainsi produites en classe seront nouveau dcontextualises et dpersonnalises pour constituer les savoirs retenir. Ces savoirs prendront leur place dans lensemble des savoirs antrieurs ou conduiront les reconsidrer ou les ramnager.

I. Les objets tudis dans la thorie des situations3. Le travail des lves Les lves ne doivent pas seulement apprendre des dfinitions, des thormes et techniques, retenir les problmes et les mthodes mises en uvre pour les rsoudre. Ils doivent aussi devenir capable de semparer dun problme complexe nouveau, de poser des questions, de discuter de la qualit des questions, de produire des rponses (des dmarches, des formalisations, des preuves), et de discuter de leur pertinence.

II. Situation didactique, situation adidactique1. Ni tout didactique, ni non didactique Brousseau oppose la maeutique socratique au processus psychogntique piagtien. a) La maeutique chez Socrate est une mthode denseignement qui permet lenseignant, par un jeu de bonnes questions, de faire produire lapprenant le savoir vis. La responsabilit de lapprentissage est ici du ct du matre. b) Pour Piaget, lenfant apprend en sadaptant un milieu. Le savoir, construit par llve comme un fruit de ladaptation, se manifeste par des rponses nouvelles qui sont la preuve de lapprentissage. La responsabilit de lapprentissage est ici du ct de llve. c) Brousseau propose une conception de lenseignement o le matre, par des problmes bien choisis, provoque chez llve des adaptations productrices des apprentissages viss.

II. Situation didactique, situation adidactique2. Situations didactiques Le professeur doit enseigner une connaissance. Cette connaissance est caractrise par lensemble des problmes quelle permet de rsoudre. Brousseau suppose lexistence dau moins un problme, parmi ceux qui caractrisent la connaissance vise, qui suffit prserver le sens de cette connaissance. Il suppose en outre quun de ces problmes est parmi ceux que llve peut rsoudre. Cest lhypothse de la situation fondamentale. Avec Guy Brousseau, nous nous plaons dans la situation o : - le professeur labore un tel problme ; - il propose ce problme ses lves qui se lapproprient ; - qui le rsolvent et construisent la connaissance vise ; - puis la connaissance prend le statut de savoir.

Intermde I : La course 201. Explication des rgles du jeu, exemple Le jeu se joue deux, lun contre lautre. Le joueur qui commence dit lun des nombres 1 et 2. Son adversaire dit un nombre en ajoutant 1 ou 2 au nombre choisi. Puis, chacun son tour, les joueurs disent un nombre en ajoutant 1 ou 2 au nombre dit par son adversaire. Le gagnant est le joueur qui, le premier, arrive dire 20. 2. Jeu un contre un 3. Jeu une quipe contre une quipe 4. Jeu de la dcouverte Les quipes sont concurrentes pour noncer des propositions et les prouver (par lexprience ou par un raisonnement). 5. Formulation de la stratgie gagnante

Intermde II : analyse de la course 201. Explication des rgles du jeu, exemple Lexplication des rgles et lexemple permettent aux lves de pouvoir jouer. Gnralisation : cette phase est une situation de dvolution. Il y a dvolution seulement si llve sapproprie le problme de manire telle que sa rsolution produira la connaissance vise. La dvolution consiste, non seulement prsenter llve le jeu auquel le matre veux quil s adonne, mais aussi faire en sorte que llve se sente responsable (au sens de la connaissance et non pas de la culpabilit) du rsultat quil doit chercher. Brousseau 1988.

Intermde II : analyse de la course 202. Jeu un contre un Llve joue : il agit sur un systme constitu des rgles du jeu, de ladversaire et dernier nombre dit, il reoit les informations du milieu qui agit en retour. Llve joue pour gagner, indpendamment de lapprentissage vis. Gnralisation : le milieu est tout ce qui agit sur lenfant et ce sur quoi agit lenfant, il est antagoniste. Gnralisation : llve agit dans un but qui n est pas lapprentissage, il agit pour rsoudre le problme pos, cest la situation situation daction, Gnralisation : dans la situation daction llve labore des stratgies par dialogue avec le milieu, sa reprsentation du problme volue, cest la dialectique de laction.

Intermde II : analyse de la course 20

Intermde II : analyse de la course 203. Jeu une quipe contre une quipe Dans cette partie du jeu, les quipes discutent : chaque joueur joue en fonction de la dcision labore en quipe. Durant cette laboration, chaque joueur formule une stratgie qui est value : par les joueurs jusqu ce qu elle soit adopte, par rtroaction du milieu une fois le coup jou. Il y constitution dun langage permettant chaque joueur de comprendre le jeu, de lanalyser, dnoncer, de discuter et de justifier des stratgies. Interviennent aussi : autorit, etc. Gnralisation : la situation de formulation est provoque par le matre, llve formule son modle implicite de laction. La formulation porte sur le milieu. Gnralisation : dans la situation de formulation llve labore des formes langagires par dialogue avec le systme (lve agissant , milieu), son modle de laction volue, cest la dialectique de la formulation.

action

Milieurtroaction

Sujet

SITUATION DACTION

Intermde II : analyse de la course 20 Milieuaction

Intermde II : analyse de la course 204. Jeu de la dcouverte Une quipe nonce une proposition (conjecture), lquipe adverse la prouve ou la rfute (par lexprience ou par un raisonnement). Le retour la situation permet dviter que les arguments dautorit lemportent sur la preuve. Proposer ou prouver une conjecture vraie, et rfuter une conjecture fausse rapportent des points. Gnralisation : dans une situation de validation, llve recherche la valeur de vrit de propositions concernant le milieu et/ou des savoirs noncs. Les propositions et les validations restent parfois maladroites voire incorrectes. Le dialogue entre propositions/ validation dune part, et les parties joues dautre part, amliore la fois les propositions et les validations. Gnralisation : dans la situation de validation le dialogue entre conjectures/preuves dune part, et milieu/savoirs dautre part, ralise la dialectique de la validation.

Milieurtroaction

Sujet

action langagire rtroaction

rtroaction langagire

Sujet

SITUATION DE FORMULATION

Intermde II : analyse de la course 20

Intermde II : analyse de la course 205. Formulation de la stratgie gagnante

rtroaction

Sujet proposantaction

Dans cette phase de formulation les lves disent que pour gagner il faut dire 17 et avant dire 14, etc. Pour gagner il faut commencer, dire 2 puis 5, 8, 11, 14 et 17. Dautres courses sont proposes : courses n par pas de p.

Milieu de la situation daction

Preuve ou rfutation

Proposition

La stratgie gagnante sobtient en divisant n par p+1. Le gagnant commence par dire le reste de la division (sil est nul il laisse ladversaire commencer) puis il dit tous les nombres obtenus en ajoutant p+1 au reste autant de fois que possible. Aprs dcontextualisation on obtient :

action

Sujet opposantrtroaction SITUATION DE VALIDATION

a et b tant deux nombres entiers tels que a > b, si on soustrait b a autant de fois que possible alors on obtient un nombre r aprs q itrations o q et r sont le quotient et le reste de la division de a par b. a = b x q + r avec r < b

II. Situation didactique, situation adidactique3. Situation adidactique Dans les situations daction, de formulation et de validation, les lves interagissent avec le milieu. Dans ces situations le matre nintervient pas pour proposer des connaissances : les lves cherchent rsoudre le problme alors quils ne disposent pas pralablement du savoir qui permet den trouver la solution de la faon la plus efficace. Ces situations ne sont pas non-didactique car les lves savent que le matre a propos les situations pour que les lves apprennent. Elles sont nanmoins particulires car le matre na pas la responsabilit totale de la transmission des savoirs. Les situations daction, de formulation et de validation forment la situation adidactique de la situation didactique.

II. Situation didactique, situation adidactique3. Situation adidactique

Milieu

action, formulation, validation rtroaction

lves

SITUATION ADIDACTIQUE

II. Situation didactique, situation adidactiqueBilan : la situation adidactique et la situation didactique

III. Contrat didactique et effets de contrat1. Contrat didactique Dans la TSD, il est de la responsabilit de llve de chercher rsoudre le problme et il est de la responsabilit du matre que llve apprenne : il y a une relation contractuelle entre le matre et llve. La partie de cette relation contractuelle qui concerne le savoir est le contrat didactique. Le contrat didactique comporte donc par essence une partie implicite, celle qui concerne directement le savoir vis : si le matre dit ce quil veut, il ne peut plus lobtenir. Le contrat didactique nest donc pas exactement un contrat. Des effets de contrat sont constats lorsque les lves ne comprennent pas lattente du matre, lorsque le matre surmonte la difficult la place de llve ou lorsque le matre interprte une rponse banale comme la manifestation dun savoir, etc.

Savoir

Matre

Milieu

lves

Situation adidactique SITUATION DIDACTIQUE

III. Contrat didactique et effets de contrat2. Lge du capitaine (daprs Stella Baruck) Des enseignants ont propos 97 lves de CE1 et CE2 le problme suivant :

III. Contrat didactique et effets de contrat3. Effet Topaze (daprs Topaze de Marcel Pagnol) Le matre surmonte la difficult la place de llve afin de rsoudre son problme de professeur.Topaze, il dicte en se promenant. "Des moutons... des moutons... taient t-en sret... dans un parc ; dans un parc. (Il se penche sur l'paule de llve et reprend.) Des moutons... moutonss... (l'lve le regarde, ahuri.) Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse. Etaient (il reprend avec finesse) tai-eunnt. C'est--dire qu'il n'y avait pas qu'un moutonne. Il y avait plusieurs moutonsse." Llve le regarde, perdu.

Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chvres. Quel est lge du capitaine ?

76 lves sur les 97 ont donn lge du capitaine.

Ce rsultat ne rvle pas linsuffisance des matres ou celle des lves mais le fait que, dans des conditions normales, les matres ne posent pas des questions farfelues et les lves rpondent en mobilisant leurs connaissances.

En quelques instants, la dicte a chang de nature. Il ne s'agit plus de comprendre le pluriel, indiqu par l'article des, mais d'entendre les "s" et les "ent" qu'il faut crire.

III. Contrat didactique et effets de contrat4. Effet Jourdain (daprs le bourgeois gentilhomme de Molire) Pour viter le dbat du savoir avec llve, par crainte de lchec, le matre interprte une rponse banale comme la manifestation dun savoir. Cet effet de contrat est ainsi nomm en rfrence la scne o le matre de philosophie feint denseigner ce quest la posie Monsieur Jourdain.MJ. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d'une personne de grande qualit, et je souhaiterais que vous m'aidassiez lui crire quelque chose dans un petit billet que je veux laisser tomber ses pieds. MP. Fort bien. MJ. Cela sera galant, oui. MP. Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez crire ? MJ. Non, non, point de vers. MP. Vous ne voulez que de la prose ? MJ. Non, je ne veux ni prose ni vers.

III. Contrat didactique et effets de contratMP. Il faut bien que ce soit l'un, ou l'autre. MJ. Pourquoi ? MP. Par la raison, Monsieur, qu'il n'y a pour s'exprimer que la prose, ou les vers. MJ. Il n'y a que la prose ou les vers ? MP. Non, Monsieur : tout ce qui n'est point prose est vers ; et tout ce qui n'est point vers est prose. MJ. Et comme l'on parle qu'est-ce que c'est donc que cela ? MP. De la prose. MJ. Quoi ? quand je dis :" Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donner mon bonnet de nuit", c'est de la prose ? MP. Oui, Monsieur. MJ. Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus oblig du monde de m'avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour ; mais je voudrais que ce ft mis d'une manire galante, que cela ft tourn gentiment. MP. Mettre que les feux de ses yeux rduisent votre cur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d'un...

III. Contrat didactique et effets de contratMJ. Non, non, non, je ne veux point de tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour. MP. Il faut bien tendre un peu la chose. MJ. Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles l dans le billet ; mais tournes la mode, bien arranges comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manires dont on peut les mettre. MP. On les peut mettre premirement comme vous avez dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour. Ou bien : D'amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d'amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d'amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d'amour. MJ. Mais de toutes ces faons-l, laquelle est la meilleure ? MP. Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour. MJ. Cependant je n'ai point tudi, et j'ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon cur, et vous prie de venir demain de bonne heure.

Conclusion1. Une crativit didactique importante Au sein du COREM un grand nombre de situations trs originales ont t dveloppes : enseignement des oprations, des fractions et des dcimaux, des statistiques, de la gomtrie. 2. Dveloppement dune rflexion sur les curriculums La recherche des situations fondamentales ncessite une analyse pistmologique des savoirs dont les articulations complexes rendent ncessaire la rflexion sur lorganisation de lenseignement. 3. Une approche scientifique encore en dveloppement En cherchant mieux saisir les processus denseignement ordinaires les chercheurs ont complexifi la thorie en dveloppant notamment les concepts de contrat, de milieu et de situation, tant pour le professeur que pour llve.