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HABITER GENAPPE

Habiter Genappe

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Par choix ou par besoin, des personnes aux parcours très diverses ont installé leur caravane, leur chez-eux, dans une parcelle du camping la Cala. Un plan «Habitation Permanente» visant à améliorer leur situation sociale, souhaite les reloger dans un logement salubre. Mais quel est le point de vue des habitants du Camping sur leur lieu de vie? Que pensent-ils de leur qualité de vie et de leur environnement d’habitation? Quels sont leurs souhaits pour l’avenir? Ensemble, au cours d’un atelier, ils ont exploré des thèmes tels que la cohabitation, le territoire, la mémoire… Par rapport à ces thématiques, ils ont réalisé des prises de vue qui expriment leurs pensées et leurs sentiments et ils ont partagés leurs histoires personnelles et collectives. A travers ces photos et ces témoignages uniques, cette publication vous invite à connaître ces résidents du camping, leur point de vue sur leur caravane et leurs perspectives d’avenir. Jorge Rojas-Castro

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Comme point de départ du projet, cette question appar­emment simple : « Qu’est­ce que cela représente pour vous d’habiter ici ? ». Habiter, cela nous concerne à priori tous. Comme respirer, se nourrir ou rêver, habiter est une fonc­tion vitale pour l’individu. Personne ne peut avancer qu’il manque de compétence, d’expertise ou de savoir­faire pour s’approprier ce sujet. Passé cette généralité, on s’aperçoit que la notion d’habiter englobe de multiples réalités et ressentis. Habiter un endroit, dans une ville ou un village, c’est avoir un lien avec ce territoire, ses chemins, ses rues, ses paysages, ses infrastructures… C’est entretenir (ou non) des relations avec ses voisins. C’est également se définir une identité (« Je suis genappien depuis toujours », « Je suis une pièce rapportée, même si je me sens de Glabais », « Je ne suis pas d’ici »). Cela parle de l’histoire personnelle de chacun, des trajec toires de vie. Mais habiter, cela fait aussi réfé­rence à notre relation à l’intime, à nos espaces privés que l’on décore et qui nous ressemblent tant (ou pas du tout…). Enfin, cette thématique a un aspect plus collectif, ­sociolo­gique, dans le sens où elle concerne aussi la structure et le fonction nement de la société et où elle questionne le vivre­ (tous­) ensemble. Dans une Province où il fait bon vivre mais où l’accès à la propriété (et parfois au logement tout simplement) pose problème à certains – les jeunes ménages, les personnes isolées ou « moins favorisées », les familles monoparentales… – il nous a semblé que prendre le temps d’explorer cette thématique promettait de riches décou­vertes. Et nous ne fûmes pas déçus…

En mai 2010, un projet qui allait porter le nom générique d’Habiter Genappe germait au sein des équipes des Centres culturels de Genappe et du Brabant wallon et du CEC Les Ateliers du Léz’Arts. Aujourd’hui, c’est­ à­dire presqu’un an et demi plus tard, une publication voit le jour et retrace le chemin parcouru entre le germe de l’idée première et ses nombreuses réalisations : des photos, des témoignages, des rencontres, des récits de vie, des expressions et des sensibilités multiples. Le chemin ne fut pas toujours tracé en ligne droite mais, comme dans les paysages de Genappe, il a souvent débouché sur des horizons larges et prometteurs.

Pourquoi s’attarder sur cette thématique ?

Habiter Genappe, quelque chose a eu lieu.

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Cette publication entend donc donner un aperçu du projet Habiter Genappe. Les photos et les textes sont le fruit d’une sélection car il ne nous aurait pas été possible d’être exhaustif, tant la matière qui en jaillit était abondante. Nous n’avons cessé, en tout cas, de mettre notre énergie à restituer le plus fidèlement possible les paroles que nous avons suscitées et qui se sont exprimées. Et, comme on l’imagine aisément, s’il reposait sur l’expression individuelle des habitants, ce projet a rassemblé beaucoup de monde, au­delà des participants et des artistes. De nombreux parte­naires, sans l’implication desquels les intentions de départ n’auraient pu se concrétiser sur le terrain, ont accepté de se joindre à l’aventure. Que tous soient ici remerciés pour leurs contributions « classiques » (apport de moyens humains, techniques, financiers…). Et, en guise de remer ciement plus inhabituel, nous leur avons proposé de nous livrer un petit écrit, en s’inspirant de photos réalisées durant le projet. Ces textes, hors des sentiers battus des discours institution­nels, sont rassemblés en fin d’ouvrage. Enfin, si la réalisation d’un tel projet demande parfois de négocier entre l’his­toire intime et le discours social et si son impact n’est pas quantifiable comme le serait le résultat d’une expérience en sciences exactes, on peut espérer néanmoins qu’un dépla­cement – même minime – des points de vue des uns et des autres aura eu lieu, grâce à une meilleure connaissance réciproque. Car il aura fallu du temps, des doutes, des ques­tions qui restent sans réponse… mais quelque chose a eu lieu ! Et ce livre souhaite en conserver la mémoire.

En tant qu’opérateurs culturels, nous avons utilisé les moyens qui nous sont familiers. Concrètement, à travers ce projet, c’est l’expression des habitants de Genappe que nous voulions susciter. A notre manière, c’est­à­dire en donnant la parole, en posant des questions, en suscitant des réflexions, en utilisant des appareils photo ou d’autres canaux artistiques. Nous nous sommes rapidement rendu compte que les points de vue étaient multiples et parfois contrastés. Alors que certains parlaient du plaisir de vivre depuis longtemps à un endroit devenu familier, d’autres s’exprimaient sur l’incertitude de l’avenir et sur le droit au logement. Et tous ces points de vue, en s’exprimant, prenaient une existence que nous ne pouvions plus ignorer. Comment porter toutes ces paroles dans l’espace public ? Et comment, également, créer des rencontres entre tous ces points de vue, malgré de parfois très nettes diver­gences ? Comment précisément transformer les divergences en points de contact ? Des artistes ont accompagné le processus afin de permettre aux participants de donner une forme visible et durable à ce qu’ils avaient à nous dire. En mettant à disposition leurs compétences techniques et professionnelles, ils ont emmené les participants dans des démarches créatrices et porteuses de sens. Les artistes ont également œuvré à ce que ce projet ne soit pas que celui des « cultureux », pour qu’il devienne aussi celui des habitants.

Laisser une trace, entre l’individuel et le collectif.

Comment s’y prendre ?

Sophie Vandepontseele Présidente du Centre culturel de Genappe

Bernadette Vrancken Animatrice-directrice du Centre culturel de Genappe

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Les textes (et les photos) ont été réalisés à partir d’entretiens préliminaires avec les participants et de l’animation de clôture lors de laquelle ils ont évalué l’atelier, ainsi qu’à partir du contenu même de l’atelier : comportements, émotions, réflexions et photo­graphies. Lors des discussions, les participants ont mesuré des éléments sur une échelle de zéro à dix. Ils ont répondu à des questions suscitant l’imagination (l’île déserte, l’explorateur) et à des questions sur la réalité (leur habitat, la photo­graphie). L’association d’un outil de stratégie de changement (l’explo­rateur) et d’un outil artistique (la photographie) visait à ouvrir un champ socio­artistique participa­tif, qui soit à la fois introspectif et dynamique, individuel et collectif, subjectif et objectif. Mener une mission photographique sur leur territoire de vie a donné aux part­icipants l’occasion de bénéficier d’un réel apprentissage artistique, de mener une réflexion sur eux­mêmes et leur environnement et de changer de point de vue.

émilie Danchin

Hors de

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Looké, C. n’a pas d’habitudes particulières à la maison. Par contre, la manière dont il a décoré son environnement lui ressemble. Il explique qu’il ne se sent pas bien sans sa musique et sa décoration gothique. Tout est donc très gothique chez lui, les objets (des pier-res tombales d’Halloween, des crânes, des bougies mauves, etc.), les tentures noires, ses vêtements… Tout est noir et mauve. Il considère que son univers lui ressemble, mais à moitié 05 | 10 et il se cantonne dans le coin le plus éloigné des murs et des meubles de cuisine blanc près des deux fenêtres aux tentures noires fermées. Ce qui est le plus agréable dans son univers est la musique 07 | 10.

En même temps, C., 41 ans, adore sortir dans les bois, aller dans les cimetières et visiter des sites architecturaux. Son univers s’étend donc virtuellement au travers d’internet et réellement au travers de son goût pour les promenades. Pour C., l’habitat idéal 10 | 10 serait un manoir à l’entrée d’un bois avec une belle vue, un peu retiré… Et l’inhabitable 00 | 10 serait un endroit dans le centre-ville de Bruxelles ou de Charleroi. C. situe son habitat actuel entre 8 et 9/10.

C. a jugé que faire de la photo est difficile 06 | 10 car il faut trouver le bon réglage et la bonne exposition. Malgré ses réticen-ces par rapport au noir et blanc, C. a finalement pensé que cela « donnait très très bien, parfois même mieux qu’en couleur ». Il s’est senti à l’aise 10 | 10. Lorsqu’il fait de la photo, il ne pense à rien d’autre. Il « ose tout » en photo et il trouve que cela crée du lien avec les autres qui se posent des questions sur ce que le photo-graphe est en train de fabriquer.

Hésitant entre des photos frontales d’architecture à la Bernd et Hilla Becher et un point de vue plus sensible sur la nature et les fermes des environs, il nous offre de belles images de façades avec des avant-plans verdoyants. Il aime beaucoup la photo de la rivière qui serpente entre les arbres 10 | 10.

A 57 ans, G. habite Genappe depuis toujours. Il vit seul dans une maison de famille trois façades, très ancienne. Manuel, il la rénove lui-même en privilégiant l’efficacité, le minimalisme et le juste nécessaire avant de faire joli. Cette maison est sa première demeure et il compte y rester. Il ne voit pas l’intérêt d’en chan-ger. Quand il l’a récupérée, la maison était remplie d’un « brol incroyable », qu’il a dû dégager. Il a conservé quelques meubles qui valaient la peine et les a décapés…

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G. considère que l’on peut dire « J’habite, donc je suis… » à partir du moment où l’on est propriétaire. Têtu et volontaire, il trouve que sa maison lui ressemble 07 / 08 | 10 même si elle est en désordre et d’ailleurs, cela le regarde… Le fait d’être chez soi sans devoir rendre de compte à personne est un luxe, auquel G. est très sensible. Cela lui apporte la possibilité de faire ce qu’il veut quand il veut et une considérable tranquillité. C’est principalement ce qui rend sa maison la plus agréable 07 | 10, malgré les travaux res-tants et parce qu’il y a toujours quelque chose à améliorer…

G. a un chat qu’il emporterait contre toute autre chose sur une île déserte. Les travaux sont ce qu’il y a de plus désagréa-ble 03 | 10, sans que cela ne le perturbe plus que cela. Manuel et pragma tique, sa maison lui apporte confort et sérénité. Quoique bavard, volontiers blagueur et sociable, il reçoit peu chez lui. Le contact social a lieu en dehors de la maison. Cohérent avec lui-même, G. trouve que l’inhabitable 00 | 10, c’est être en prison et l’habitat idéal 10 | 10, une villa sur une île déserte ! Comme il est optimiste, il met 8/10 à sa maison actuelle.

Ni pour, ni contre le noir et blanc, il profite de l’atelier pour repêcher ses deux appareils argentiques et s’y remettre avec le sourire. Il redécouvre le noir et blanc, notamment les effets de contraste, les effets de matière sur les pavés, les chemins qui serpentent, la terre, les arbres, les joncs, les sculptures religieuses et le site de la Sucrerie. G. est fier de participer à une exposition et se demande comment le public accueillera leur travail.

A la fois pétillante et méfiante, M. a eu envie de participer à l’atelier pour faire des sorties, mais ne s’imaginait pas faire de la photo car elle avait seulement fait quelques photos en ama-teur plus jeune et en voyage. Partagée entre l’envie très claire de participer et le fait de ne pas vouloir faire de la photo, M. s’est présentée en compagnie de son ami G., photographe amateur.

xxxxxM., 78 ans, habite seule, une maison de plein pied du CPAS.

Suite à un incendie il y a 15 ans, M. est repartie à zéro. Elle a choisi des choses jeunes Ikea et des objets de déco, qui lui plaisent. Tout cela a du caractère et lui ressemble 08 | 10. M. est bien chez elle. Pour elle, le « J’habite, donc je suis » s’apparente à « Mieux vaut être seule que mal accompagnée » !

Chez elle, elle aime tout avec une petite préférence pour la salle de bain et la douche. D’ailleurs, elle prendrait son gel de douche et son shampoing sur une île déserte si elle devait empor-ter une seule chose. Le plus agréable tient à ce que chaque chose a son utilité et qu’elle a tout ce qu’il lui faut 08 | 10. Elle ne voit rien de désagréable. M. estime que sa maison est la maison idéale 10 | 10 car elle s’y plaît bien et elle n’a plus envie de déménager comme dans le passé. L’inhabitable par contre, c’est vivre sous les ponts. Le pire en matière d’habitat, c’est vivre sans toit et avec trop de liberté 00 | 10.

Si par le plus grand des hasards, un explorateur séjournait chez elle, elle l’emmènerait voir le Lion de Waterloo, des châteaux qui sont « beaux mais on ne les voit pas », un très bel arbre ou encore son jardin.

Curieuse et sceptique par rapport à l’atelier, elle y a mordu par à-coup et de manière étonnamment vivante car c’est sa petite fille de 14 ans qui a fait la plupart des photos en dehors des sor-ties. M. nous l’a confié à la fin, nous donnant un éclairage sur leur fabuleuse complicité, leurs sensibilités et leurs formidables affinités. Elles nous sont apparues très proches. Côte à côte, leurs photos pourtant étalées sur les tables au fil des ateliers ne nous avaient pas mis la puce à l’oreille. Nous n’avons pas décelé de dif-férence dans leur manière de voir les choses et les capter.

La sélection définitive vaut le détour. Forte, elle livre un point de vue cohérent à haute valeur artistique sur Genappe, dans lequel paysage intérieur et paysage extérieur sont indissociés. M. se dit terre-à-terre. Elle ne cherche pas midi à quatorze heures. Elle ne voit donc pas ce que les photos pourraient bien exprimer sur elle-même et a du mal à reconnaître la valeur de son travail, malgré les commentaires admiratifs de certains, dont son ami G. M. a été néanmoins partiellement réceptive, ce qui a pu lui faire dire en blaguant que la photographe est fine psychologue…

Photographier Genappe a changé sa manière de voir Genappe. Sa photo préférée est celle de la poupée 07 | 10, simple-ment parce qu’elle a crocheté cette poupée et qu’elle sait combien de temps cela lui a pris. M. a trouvé que faire de la photo est difficile 05 | 10 parce que ce n’est pas évident de trouver un sujet à photographier. Que photographier en effet quand on n’en voit

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pas l’utilité ? Et n’est-ce pas dès lors remarquable qu’elle ait mis la main à la pâte ? Elle ne comprenait d’ailleurs pas non plus au départ l’intérêt de faire des photos en groupe. « Quel gâchis, se disait-elle. Nous allons tous faire la même chose ».

Par contre, elle déteste être prise en photo et gare à celui ou celle qui s’y aventurerait sans son accord ! Elle a été interpellée par le petit film Arte Contact sur Doisneau, où on le voit se poster dans un magasin. Il observe des personnes qui regardent la vitri-ne et les prend en photo à leur insu. Pour M., c’est le comble de l’indiscrétion. Grâce à ses réactions vives et carrées, les questions du droit de l’image ont été largement abordées.

Célibataire, F., 28 ans, vient de Bousval et habite Genappe dans un petit appartement avec une grande pièce et une porte d’entrée. Il aime la photographie qu’il pratique avec son GSM. Il photographie sa fille. F. dégage une impression de fragilité et d’hyper-sensibilité. Il dit se sentir comme une éponge parce qu’il ressent tout. F. aime être chez lui, où il se sent libre. Il a besoin d’être toujours bien chez lui, c’est-à-dire qu’il fasse propre. Il se décrit comme très maniaque et son intérieur est peu décoré, tout blanc. Cela lui ressemble 09 | 10. Recevoir sa fille de 2 ans et demi le week-end est la chose la plus agréable dans son habitat car sa fille est « tout » pour lui.

Ses photos ont une portée émotionnelle puissante qu’il a pu, au cours des ateliers, découvrir et reconnaître. Il est évident qu’apprendre à regarder ses images lui a permis de se ressaisir avec fierté. Il est d’ailleurs le seul à avoir fait des autoportraits indirectement au travers d’images d’animaux, de Christ et direc-tement, nous livrant une image de lui presque mystique dans son appartement. Dans ses images, il a exploré des choses le concernant et concernant sa relation aux autres. F. parle de sa fille et explique que même si elle fait parfois des bêtises et qu’il faut constamment s’en occuper, sa présence est indispensable et qu’elle constitue ce qu’il y a de plus agréable à la maison 10 | 10. Il l’emmènerait donc sur une île déserte s‘il ne pouvait emmener qu’une seule chose.

L’habitat idéal serait une petite villa avec terrain de tennis et piscine ; l’inhabitable, un petit endroit bruyant et exigu où il se sentirait enfermé. Il situe son habitat actuel au milieu entre zéro et 10.

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F. s’est ouvert aux émotions esthétiques. Sa photo préfé-rée est celle du chien et de la passante car il aime les effets de contraste et la pluie sur le sol 10 | 10. Il considère que faire de la photo, c’est facile 08 | 10 car il y a plein de choses qui l’entourent. Il a aimé le noir et blanc et il va continuer à en faire. Il s’est inscrit à un autre atelier photo. F. dit que l’atelier a changé sa façon de vivre et que certaines images disent quelque chose de lui-même. « Dans la photo avec le chien, je me suis donné à fond » dit-il.

Ses photos sont remarquables. Modeste et volontaire, G., 70 ans, s’avérera très rapidement

soignée et délicate. Pendant tout l’atelier, elle a investi le cadre, qu’il s’agisse du cadre de ses prises de vue dont elle sera fière, ou du cadre de l’atelier en apportant du café et de la documenta-tion ou le cadre relationnel en étant très attentive aux autres. G. habite le grand Genappe, à Bousval, depuis 23 ans ; auparavant elle n’a jamais quitté le Brabant wallon. Elle a enseigné le français et l’histoire pendant 39 ans.

Elle mène une vie bien tranquille, sans « tic ou toc ». Le matin, elle aime se préparer un café… Elle aime avoir son réveil avec elle et elle l’emporterait sur l’île déserte si elle ne devait emporter qu’un seul objet.

Sa maison est un logement social qui ne lui ressemble pas tellement 05 | 10 car elle n’a pas les moyens suffisants pour la déco-rer. Elle se sent bien entre ses quatre murs, bien protégée. Elle se sent parfois comme une pierre, parfois comme une éponge selon son humeur et les gens qui disent bonjour ou pas. La télé est ce qu’il y a de plus agréable dans sa maison 08 | 10 car c’est une fenêtre ouverte sur le monde. Cela lui permet de connaître beaucoup de choses, quoiqu’avec sa profession elle estime avoir déjà ouvert pas mal de portes. Apprendre tous les jours est valable pour tout le monde. Le plus désagréable 02 | 10 est un problème d’égouttage insoluble dans sa cave. L’inhabitable serait d’avoir des voisins qui font du bruit au point de devenir sot 00 | 10 et l’habitat idéal, un endroit bien tranquille, un peu reculé mais pas dans les bois, sans voisin contigu, comme la petite villa d’amis de longue date à qui elle rend régulièrement visite (10/10). Elle évalue sa maison actuelle entre 6 et 7/10.

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G. avait fait de la photo en famille ou à l’école il y a long-temps. Elle a apporté aussi des photos de sa maison en couleur. Elle souhaitait refaire les mêmes pour montrer les change-ments. G. n’avait plus eu les moyens d’en faire et malgré quel-ques réticences par rapport au caractère hétérogène du groupe, notamment les grandes différences d’âge, elle se réjouissait de rencontrer d’autres personnes et d’apprendre à faire des photos. Elle a eu l’impression de retourner des années en arrière car elle était plutôt habituée à la couleur, mais elle a trouvé que les photos noir et blanc étaient de vraies photos d’artistes. Elle a trouvé que c’était un exercice facile 06 | 10 car elle avait beaucoup de choses à photographier. « Elle y a mis tout son cœur en restant modeste ».

Lors d’une promenade à la Sucrerie, elle est restée seule. Elle avait repéré un endroit et elle a pris le temps de photographier les choses comme elle le voulait. On sent dans les photos de G. combien elle est appliquée. Il y a de la délicatesse dans l’air et un souci de justesse dans ses choix, qui dépassent le moment de la prise de vue.

G. était surtout curieuse de voir le résultat et a remar-qué que les différences de format et de traitement de l’image comptaient. La photo du bassin de décantation lui déplaisait en petit ; en grand, elle l’a redécouverte et bien aimée au point de la choisir comme photo préférée 10 | 10. Cette photo lui apporte des émotions.

Faire de la photo a changé son rapport aux autres et lui a permis de se sentir exploratrice de sa propre vie et de se décou-vrir un peu soi-même. Pour elle, il y a un peu d’inconscient dans les images. On met un peu de soi dans nos photos. On donne le meilleur de soi-même ; on s’implique même sans le faire exprès.

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Onze habitants du village de Glabais ont été invités par Lucile Bertrand à photographier et lui montrer leur village à travers leurs prome­nades favorites. Ce faisant, à partir d’une série de questions proposées par Lucile, ils ont commenté divers aspects de la vie à Glabais, liés ou non aux lieux visités. Certaines personnes croisées en chemin ont parfois ajouté leurs points de vue. De plus, une native du village qui y avait tenu une épicerie, trop âgée pour se déplacer, a cependant accepté de partager ses souvenirs et impressions. Les commentaires collectés au fil de ces rencontres ont été entremêlés et assemblés sous forme de conversations, glissant ainsi d’un sujet à l’autre plutôt que par participant et ce, de manière anonyme. La plupart des photographies illustrent les promenades proprement dites (et ont servi à réaliser une grande carte murale exposée à la ferme Saint­Pierre), tandis que quel­ques­unes sont les portraits des participants réalisés à la fin de chacune des promenades. À cela s’ajoutent quelques clichés de ces portraits en grand format, affichés sur les murs du village durant le week­end d’Arts à Glabais 2011.

Lucile Bertrand

Hors de

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glabais

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installation / intégration

— On a d’abord acheté pour la vue. On a connu Glabais grâce à des amis à nous qui vivaient là. — J’ai toujours vécu ici. J’ai transmis ma société à mon fils et lui donne un petit coup de main de temps à autre. Je regrette que maintenant les gens ne se connaissent plus. Beaucoup vont travailler en ville. Ils n’ont plus le temps. Mais j’aime toujours autant mon village, je ne déménagerais pour rien au monde. Passez me voir quand vous voulez ! — Cela fait 18 ans que je vis à Glabais. Je suis mariée à un Glabaisien. Je me sens d’ici, même si je n’ai pas grandi là. — Nous sommes des pièces rapportées, même si je me sens de Glabais. — Nous sommes venus nous installer ici il y a 40 ans car mon mari avait une mauvaise santé, les médecins lui avaient recommandé de vivre à la campagne. On a d’abord visité Waterloo, mais c’était déjà très citadin. Nous avons trouvé cette maison grâce à une annonce. — J’ai découvert Glabais en me trompant de route. J’ai eu un coup de cœur et j’ai décidé de m’y installer. J’aime vivre ici, je m’y sens en paix. Mon jardin est mon petit paradis ! — Quand on vient de Bruxelles, Glabais est le premier village hors de la zone 02. Plancenoit, qui est dans la zone 02, a été plus vite colonisé que Glabais. Quand nous sommes arrivés, il y avait peu de maisons à vendre. — Il y a ceux de Glabais et les autres. Même après 40 ans au village, nous sommes toujours des étrangers. On vit en bordure, tout en y étant. — Glabais aurait-il rétréci au lavage ? Pourquoi tous ces panneaux Glabais barrés quand, a priori, on se trouve encore à Glabais ?

promenades et paysages

— Parfois, à la campagne, on se sent encore plus contraint et dirigé qu’en ville. Le paysage est de plus en plus clôturé et on croise de nombreux panneaux d’avertissement « Ne pas dépas-ser, Accès interdit, Chemin privé, etc. » On n’a plus le droit de se perdre, ce qui est pourtant un moyen merveilleux pour découvrir un endroit encore inconnu. — Glabais est un village encore pro-pice à la marche : une des meilleures façons d’explorer le territoire et de faire des rencontres. — Avant, on marchait beaucoup.

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Quand j’ai eu 18 ans, j’ai reçu un vélo, mais sinon, j’allais à pied à Genappe. Le docteur aussi venait à pied de Genappe. — J’aime cet horizon ouvert à travers champs. Je marche jusqu’à la route, même si on entend fort le passage incessant des voitures et des camions. Parfois, on aperçoit l’ancienne sucrerie qui a cessé son activité en 2004. Ça a dû être un coup rude pour l’économie et les commerces des environs. Je me souviens encore de l’odeur que son activité dégageait, certains ne l’aimaient pas mais j’en ai un peu la nostalgie. — On a une chance extraordinaire de vivre à Glabais, avec un tel environnement dès qu’on passe la porte ! — C’est pour cela : la terre, les talus, les faisans, les terriers, l’horizon, les cieux, l’église et le village et bien d’autres trésors que des centaines de fois, j’ai parcouru les chemins avec mon mari, mes enfants, mes petits-enfants et mes amis, par tous les temps et en toutes saisons. Très souvent un de nous s’exclamait : « Comme nous avons de la chance d’habiter ici ! »

glabais et le changement

— Glabais est un peu devenu la grande banlieue de Bruxelles ; tandis qu’auparavant, le village était plus orienté vers Charleroi. Il y a une soixantaine d’années, des mélèzes avaient été plantés pour servir ensuite de bois de mines, mais les mines ont fermé avant que les arbres aient eu le temps de pousser. — Il y avait un café près de chez moi, à côté de l’église, qui était toujours plein. On venait de partout pour y jouer aux cartes. Le dimanche, à l’église, les hommes se mettaient au jubé pour s’éclipser et s’y rendre. — Jusque vers 1956, ou peut-être 58, on allait télé-phoner à l’épicerie Aux Trois Roses. On attendait parfois jusqu’à 20 minutes pour que la centrale téléphonique nous passe notre correspondant à Bruxelles. — Le dimanche matin, les hommes vont à la boulangerie acheter des pistolets. Ces petits pains sont comme deux fesses : moelleux à l’intérieur et croustillants à l’extérieur — Il y avait aussi le Salon Choisez. C’était la salle des fêtes de Glabais, au 1er étage d’une maison rue Reine Astrid. On y allait pour danser, pour la kermesse, et pour assister à des petits concerts ou des spectacles en wallon donnés par des troupes de comédiens amateurs.

sécurité / peur

— Ici, il n’y a pas trop de clôtures ni de hauts murs. On ne rentre pas autant chez les gens, mais on n’a pas peur. On ne res-sent pas le besoin de se barricader. — Avant, on ne fermait pas la porte à clé. Maintenant, on a peur et on s’enferme. — Moi je n’ai pas peur. Déjà, quand je suis arrivée, dans les années 70’, on m’a raconté qu’un voisin s’était fait cambrioler pendant la messe…

cimetière et quartier des flamandes

— Cette maison, en haut des Flamandes, est peut-être ma pré-férée. Elle a un point de vue très ouvert. — Depuis le chemin derrière la ferme des Puissant, on peut voir la Butte au Lion der-rière la ferme du Chantelet. On aperçoit une chapelle datant de 1661 accolée au corps de la ferme. — Des peintres s’installaient chemin Delay pour peindre le paysage vers le bas, vers la nature. Il n’y avait pas de maison visible sous la Haute Rue. — La rue René Évrard est encore appelée la « froide vallée » par les anciens du village. Cette rue est effectivement plus froide, et reste bru-meuse plus longtemps que le reste du village.

le chemin de la bruyère et les brusseleers

— Le chemin de la Bruyère, c’est comme à la digue : c’est la pro-menade du soir. On y croise tout le monde, et même tard, le soir en été. On marche, on s’accompagne les uns chez les autres pendant un moment. C’est un rituel. — Le chemin de la Bruyère, c’est la promenade rituelle du dimanche. On se croise, on papote, on s’accompagne un bout de chemin. Sinon, on se rencontre peu, à part avec quelques-uns, de temps à autre… — Le chemin de la Bruyère, c’est un peu la rue des Brusseleers. À l’origine, beaucoup d’entre nous sommes des citadins. — Même s’ils fréquentent des Glabaisiens, les Brusseleers n’aiment pas qu’on se mêle de leurs affaires. — Même si nous sommes là depuis très long-temps, nous sommes toujours considérés comme des Brusseleers. Mais mon mari et moi, on ne nous considère pas comme des

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‘fiers’. Déjà, quand on est arrivé, je me souviens que certains se plaignaient du chant du coq et de la paille qui s’envolait des tracteurs et restait accrochée dans les arbres ! Mais lorsqu’on vit à la campagne, il faut aussi accepter ses inconvénients. — La Bruyère, c’est le quartier des Brusseleers, des résidences secon-daires. Je n’y vais jamais, ils se demanderaient ce qu’on vient y faire. Il y a 40 ans, c’était considéré comme un quartier chic.

la ferme philippe et autres fermes

— On venait à la ferme Philippe pour y louer des chevaux et des charrettes lorsqu’on avait des choses à transporter. Maintenant, la ferme est une pension pour vieux chevaux. — La grand-mère Philippe était résistante. Elle disposait des lanternes dans les champs pour aider les parachutistes alliés à atterrir. — La ferme Masset a encore des poules et des vaches. Leur fils a créé un élevage bio d’environ 5.000 poules en liberté à proximité. — Encore après la guerre, toutes les fermes étaient en acti-vité. Aussi, beaucoup d’habitants avaient une vache ou deux. Ils échangeaient parfois du fourrage contre des services. — Avant d’être un restaurant, La Bonne Ferme était un relais de poste.

le camping

— Je suis inquiète pour les personnes fragilisées qui vivent en camping à l’année. Je ne les connais pas vraiment, mais j’en ramène parfois au camping lorsque j’en croise sur la route. — Je ne me rends jamais au camping, je n’ai rien à y faire. D’ailleurs, c’est une propriété privée. Mais il ne me dérange pas. — J’imagine qu’il y a une certaine solidarité et qu’on y est en sécurité. Et on est environné par la campagne… — Le camping a ouvert en 68 ou 69. Chacun y louait sa parcelle à l’année. On y venait depuis Bruxelles pour le week-end et les congés payés. Sinon, on y allait aussi pour danser et faire la fête. J’en ai des souvenirs mémorables.

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La démarche menée avec les rési­dents du camping La Cala (Glabais) repose sur des promenades­photos dont le but est de recueillir des témoignages. En photographie, avec l’utilisation des appareils numériques, les barrières techni­ques tombent. Tout est automatisé. Dans le choix des sujets, le traite­ment est libre et est effectué sous diverses formes : texture, portrait, paysage, détails, etc. L'image qu’on capte démontre forcé­ment ce qu’on ressent car elle est l'évocation de ce qui est dit. Mais la photo graphie n'est pas le seul outil utilisé dans cette interprétation poétique. Associées à ce portfolio imagé, les discussions enregistrées et menées durant les balades nous amènent à former leurs récits. Tandis que le portrait, réalisé par l’artiste accompagnant, a un rôle de mise en valeur. Il s'agit d'une démar­che rationnelle et émotionnelle mise en rapport avec la situation des participants. C’est ce travail artistique, empreint de transpa­rence, qui permet de prendre conscience du résultat, développé avec le consentement de chacun.

Jorge Rojas Castro

Hors de

[cHez] soi

camping la cala

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l’arrivée au camping

Vous habitez ici depuis longtemps ? — Ça fait 6 mois main-tenant… J’ai été un petit temps à la rue, du côté de Louvain- la-Neuve. Avec A., on a dormi en tente pendant un petit temps et puis j’ai trouvé cette solution.

Comment as-tu connu A. ? — En étant dans la rue… Elle venait me dire bonjour, discuter… — Je suis venu de Louvain-la-Neuve en tracteur, avec ma roulotte derrière. Je suis arrivé ici et on est allés placer la caravane. J’ai pu avoir le choix entre deux parcelles.

Comment es-tu arrivé ici ? — J’ai eu ma caravane le lundi matin. L’après-midi, j’ai pris le terrain et le mercredi, je suis arrivé ici avec la camionnette et la roulotte derrière Pendant le dernier mois des grandes vacances, quand je suis arrivé pour installer la caravane, tout le monde est venu donner un coup de main. Pour ça, franchement, j’ai été super bien accueilli. Tout le monde a aidé directement. Puis le soir, on a bu des verres à la cafétéria — J’ai fait une faillite monumentale. J’ai tout perdu : maison, tout… Tu n’as plus rien. J’ai habité des grandes maisons. J’ai bien vécu, une belle vie. Bon, c’est comme ça… Mais je suis content.

Comment es-tu arrivé ici ? — Par un ami qui a acheté une caravane et qui connaissait le camping. Suite à de sérieux problèmes, cet ami m’a pro posé d’occuper momentanément sa roulotte. Puis, j’ai eu l’occasion de parler avec le propriétaire Omer Maes et j’ai pu, avec le peu d’argent qui me restait, acheter et transformer une caravane. Je ne regrette pas mon choix et suis actuellement parfaitement heureux. Que veut-on de plus ? — Ce qu’il y a de bien ici, c’est qu’il n’y a personne au-dessus, personne en-dessous, personne sur les côtés. On n’entend pas marcher au-dessus de nos têtes. — […] le fait d’être sur des roues. Je suis fils de gitan. Mon papa est gitan et ma maman voyageuse. On était habitués à vivre en caravane. J’ai été marié 12 ans avec une femme ordinaire, maison, machin et tout le bazar.

Avoir des roues en-dessous de soi, c’est gai. Quand je dors chez elle, trois ou quatre jours après, il faut que je bouge. Pour moi, ici, ce n’est pas un endroit de vacances. Vous dites « camping » mais, pour moi, ce n’est pas un camping, c’est une habitation. Un camping, c’est quand je prends ma tente ou quand j’accroche ma caravane derrière ma voiture et que je pars en voyage. Ici, c’est une habitation, c’est chez moi.

Quelle est la différence ? — Ici, je dors, j’y habite. Malgré que je n’ai pas d’adresse. Vous avez une maison. Moi, j’ai une cara-vane. C’est mon habitat, c’est là où je me pose. Quand je prends ma caravane et que je pars en vacances, je suis à l’extérieur. On a tous des roues en dessous de nos pieds. J’ai fait des photos de roues parce que malgré tout on reste au-dessus des roues. On peut toujours bouger d’un endroit à un autre. Vivre en caravane, c’est ne pas avoir d’appartenance à un lieu et ne pas avoir d’attache par rapport à une situation de vie. Je reviens à ma vie de nomade. Il y a des sédentaires et des nomades. — Au départ, j’avais un petit peu peur parce que je ne suis pas spécialement habituée à ce genre d’ambiance et de lieu. Le premier contact que j’ai eu avec les habitants a été pour moi tout à fait surprenant. Aux premiè-res pluies, M. et moi avons découvert une fuite dans le toit de la caravane, directement sur le lit. Difficile d’y mettre une casserole, c’était horrible. On a mis une bâche en attendant de réparer et, un matin où j’étais seule, quelqu’un est venu toquer : « Bonjour, on a vu que vous aviez une bâche sur la caravane. Alors, on voulait que vous sachiez que si vous avez besoin d’un coup de main, nous on est là, il n’y a pas de problème, n’hésitez pas à demander ! ». Ça a cassé tous mes a priori et, d’un coup, d’un seul, je me suis sentie accueillie et acceptée et, ce, sans avoir encore parlé à personne ! Du jamais vu pour moi. Ici, même si on fait des erreurs, on a une chance de s’expliquer, d’en parler autour d’un pot et de recom-mencer en essayant de faire mieux. Ici, je reprends confiance en moi et surtout en les « gens ». — J’avais des amis qui habitaient ici et qui m’ont dit que c’était bien. Alors, je suis arrivée ici à ce moment-là. J’y reste car je me trouve bien dans le camping. J’aime bien camper, j’aime bien les caravanes… On va à la cafétéria, on se fait des copains. Je suis la plus âgée ici.

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le lieu / la communauté

— Je crois que cette année le camping sera plus beau.

Pourquoi ? — Je ne sais pas, c’est une intuition. Je crois que les gens commencent à comprendre que jeter une canette, ça fait dégueulasse. C’est lié à l’état dans lequel tu te trouves : t’es au chômage, t’es désespéré, désemparé. Comme ça, tu ne sais rien faire. Il y a un problème psychologique là derrière qui fait qu’on s’en fout. Par moment, tu en as marre et tu jettes ton déchet là… Ce n’est pas un état d’esprit, c’est un état de fait. Ton esprit travaille dans un sens et, d’un autre côté, ça t’ennuie. Entre les deux, tu t’en fous un peu parce que t’es en standby. Tu flottes entre deux et tu ne fais pas attention aux déchets.

Pourquoi tu penses que c’est une sorte de forteresse ? — Parce que c’est en hauteur, entouré d’arbres, que ce n’est pas facile-ment accessible et que, de la route, on ne voit presque rien. La porte n’est pas grand ouverte, enfin si ! Mais, on ne le voit pas de l’extérieur. Si tu ne fais pas attention, je suis sûre que tu peux passer des années devant le camping sans savoir que des gens vivent ici. De l’extérieur, on ne voit pas grand-chose mais on sait encore moins ce qu’il se passe ici, l’ambiance, la convivialité et le plus important pour moi : la solidarité. — J’ai toujours donné des noms aux endroits où j’ai habité. Avant, j’avais un chalet et je l’ai appelé « Mon Plaisir ». J’ai marqué ce nom sur la barrière. Je trouve que c’est important de donner un nom à un endroit. — Il y a ici des personnes magnifiques et certaines d’entre elles ont des capacités ou des talents remarquables (peintre, pianistes…). Malheureusement, ce n’est pas suffisamment mis en valeur. Personnellement, je me débrouille dans pas mal de domaines. Cela me suffit pour être bien avec les autres et avec moi-même. — Les gens viennent ici pour trois ou quatre mois, histoire de pouvoir se retourner. Peut-être un an maximum… Et, tout compte fait, les gens restent ici pendant 15, 20 ans.

Mais tu dis que c’est une négation, pourquoi ? — Le camping est une négation parce qu’il n’y a rien qui bouge et que personne

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ne fait rien pour que cela bouge. Les gens n’ont pas conscience de se dire : c’est à nous d’apporter une amélioration au camping. On prend, on abat toutes ces vieilles caravanes, on les met dans des conteneurs, on jette tout, on fait de belles parcelles bien propres, on accueille des gens de l’extérieur… On va au camping. Ici, ce n’est pas un camping, c’est une résidence ou quelque chose où les gens prennent, se posent et ne bougent plus. Les gens sont ici, à la cafétéria… Picoler, rester chez soi, éviter d’aller travailler parce que bon… ça ne sert à rien. Tu donnes un tout petit loyer… C’est ça qui est une négation. — Ici, ce n’est pas un camping, c’est presque un bidonville. — Dans la cafétéria, il y a encore des vestiges de l’époque où les irréductibles Gaulois de la Cala se faisaient valoir. A l’époque, ils ont fait un char pour le carnaval de Genappe en évoquant les personnages d’Astérix et d’Abraracour-cix, le chef du village, qui ressemble très fort à notre vrai chef, Monsieur Omer ! C’est vrai qu’on se considère peut-être un peu comme les irréductibles Gaulois de la Cala… — Ici, on discute toujours, on sait où aller si on veut régler un problème. C’est le fait de vivre ensemble, d’être un groupe. Ce n’est pas une famille, mais c’est le même genre. On peut discuter et c’est agréable. On se sent bien. Il y a plus de positif à être près des gens que le contraire. Entre les habitants du camping, on reste proches et ça crée un lien. Le lien se construit petit à petit, en discutant, en prenant connaissance et en se faisant confiance. On est attachés aux gens d’ici. Dès le premier mois, on avait nos amis parce qu’ils nous ont donné des coups de main à fond alors que ce n’était pas évident. Tout le monde te tend la main, peu importe qui tu es. Ça crée des liens parce que tu te sens respecté par tout le monde.

les autres

Qu’est-ce que tu penses des gens de Glabais ? — Il y a à boire et à manger. Je connais certains qui me disent bien bonjour et d’autres qui m’ignorent. C’est vrai qu’il y a des prétentieux, ceux qui te disent bonjour et ceux avec lesquels tu sympathises. Glabais, c’est plutôt une cité dortoir… Le camping pour eux, ils n’aiment pas trop, ça les dérange. Ils ont déjà fait des pétitions contre le camping. J’ai déjà entendu : « Ahhh… Oooh… Vous

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habitez le camping ? », d’un air dégouté. Ce sont des gens très renfermés. C’est un petit village d’habitants qui travaillent à l’extérieur et qui reviennent ensuite à la maison…

Qui est le voisin ? — Je ne sais pas… La toute dernière caravane est paradoxalement juste à côté d’une grosse villa. Je remarque que les gens de l’extérieur nous prennent pour des extraterrestres. Tu habites où ? « À la Cala… Ouh la la… T’es un cas social ». Ce n’est pas parce qu’ils habitent ici, que les gens sont des cas sociaux. — Il n’y a pas de problèmes mais nous n’avons pas beaucoup l’occasion de les rencontrer. — Il y a des gens de Glabais qui ne savent même pas qu’il y a un camping ici.

vivre en dignité

— Aujourd’hui, vu la misère qui existe, les campings sont une nécessité. Des petits loyers avec toutes les charges comprises, tu ne peux pas trouver ça ailleurs. Si tu vas en studio, en apparte-ment ou dans une maison sociale, il t’est demandé environ un tiers de ton revenu pour le loyer, ceci en dehors des charges. Au camping, on peut trouver des caravanes pas trop chères, le loyer de la parcelle tourne autour de 50 € par mois. Les campings sont une solution optimale pour les gens en difficultés. Les suppri-mer, c’est antisocial. On est en train de se battre pour ça. Les campings sont une solution à la précarité. Qu’il soit demandé aux propriétaires de se mettre en conformité avec certaines réglementations d’ordre publique, on peut le concevoir. A condi-tion que cela reste dans la limite du raisonnable. La plupart des personnes sont bien dans leur caravane et ne souhaitent pas la quitter.

boîte aux lettres

— Ce n’est pas très privé ici. C’est Omer ou Jean-Pierre qui dis-tribue le courrier et lui me dit « Mais tu as beaucoup de courrier dans ta boîte aux lettres ». Ce n’est pas très sain. — Où pour-rais-je trouver le confort que j’ai, au prix payé actuellement, en pleine nature et avec une convivialité qui ne se dément pas ?

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autres entretiens

— Pour le moment, je suis un peu bloqué ici mais dans un bon endroit qui me convient bien parce qu’on est libre dans la nature. J’ai une vue exceptionnelle. C’est un peu comme si j’étais au Canada, où je préférais être. En espérant que je puisse y rester. Refaire tout ici, c’est très bien mais il faudrait au moins le faire pour quelques années : 10 ou 15 ans. A 58 ans, je ne vais pas tout recommencer, mettre des petites fleurs, un bassin avec des poissons. Si ça pouvait être plus au moins définitif ce serait parfait. Le problème est qu’on ne sait pas si on peut investir pour avoir un meilleur environnement d’habitat. Ici, c’est comme une maison, avec un terrain autour. — Ici les gens s’entraident. — Un des gros inconvénients du camping est qu’il n’y a pas de bus… Et, pour aller à Genappe, c’est très dangereux, faute de trottoir. Un point positif est la tranquillité, le fait que nous sommes propriétaires et que nous sommes à la campagne.

Qu’est-ce qui fait que vous êtes chez vous ? — C’est ici qu’on est… — Dans les maisons, malheureusement, nous n’avons pas les moyens d’y vivre, parce que les charges sont lourdes et les loyers sont trop élevés. Avec l’argent qu’on ne paie pas pour le loyer, on fait d’autres choses. — Pour nous, habiter ici c’est la liberté… On est à la campagne. Par rapport à une cité, le camping est plus familial. — 300 € c’est un gros loyer pour le camping. Je vis bien, je suis heureuse. Par rapport à l’espace, les parcelles sont de 125 m². Une caravane ne fait pas cette superficie-là donc il reste de la place pour y vivre sans être collés les uns aux autres. La vie de camping, c’est comme la vie de vacances en quelque sorte. Les gens se respectent malgré tout. — Le camping en hiver, c’est plus monotone. — Ici, on est tous logés à la même ensei-gne, on n’est pas plus riche l’un que l’autre. — Un toit, ça reste un toit… — Cela fait 19 ans qu’on habite ici. Toute ma famille et moi, on y a notre domicile. Pourquoi n’y a-t-il pas de loi pour nous protéger ? Qu’on ne nous chasse pas. S’ils nous expulsent, on n’a plus rien. On perd tout.

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Partant du concept intitulé « Habiter le vide », les Ateliers du Léz'Arts ont envahi des lieux aban­donnés du centre de Genappe. Accompagnés par les animateurs de ce centre d’expression et de créativité, les élèves ont ainsi questionné la notion d'habitat en présentant des œuvres dans des endroits inoccupés acquérant ainsi le statut de salles d’exposition temporaire. Une occasion pour les 300 participants, adultes et enfants, de s'exprimer sur et dans la ville et d'amener de la poésie là où il y a parfois de la désolation. Ces installations artistiques parlent de ces nuages habités par les rêves, de ces corps habités par leurs émotions, de ces souvenirs qui hantent les existences, de ces musiques habitées par des couleurs envoûtantes, de ces villages de terre habités par l’imaginaire enfantin. Elles parlent de ces robes fantômes, ces robes ethniques, ces robes poétiques... comme autant d’enveloppes où se cacher, se déro­ber aux regards ou, au contraire, se parer et habiter l'espace. Elles parlent de ces craquements, de ces grincements, de ces paro­les chuchotées qui habitent les maisons. Quelques photographies issues de ce concept expressif témoignent, sommairement, de ces nombreuses réalisations éphémères.

Les Ateliers du Léz’Arts

Habiter le vide

genappe

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Regards croisés sur la façon dont des élèves de 6ième pri-maire se voient ou sont vus comme habitant cet espace qui est le leur et le nôtre aussi. Un regard croisé entre celui d'un objectif forcément subjectif et leur propre regard sur eux-mêmes. Une sorte de conte instantané écrit à deux sur une illusion de ce moi à l'instant présent qui ne sera jamais que le hier de demain ou n'était-ce que le demain d'hier…

Auteur : Olivier Delos. Atelier : Initiation à la photographie. Animatrice : Elise Delmotte. Intention : S'approprier l'espace et le temps. Occuper le cadre pour y demeurer. Développer des œuvres personnelles s'articulant autour de cette idée. Lieu d’exposition : Ancienne usine à grain, rue du Lothier à Genappe.

P6Aortaits photographies

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Auteur : Zoé Culot. Atelier : Initiation à la photographie. Animatrice : Elise Delmotte. Intention : S'approprier l'espace et le temps. Occuper le cadre pour y demeurer. Développer des œuvres personnelles s'articulant autour de cette idée.

(photos CulotZoe¦ü1 et CulotZoe¦ü2)

Place and people Photographies

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Ce matin, très cernée, j'ai poussé le rideau. Les champs tout autour, comme des gaufres au sucre, m’ont donné faim. La neige saupoudre le paysage d’une blancheur propre. La maison, petit cube humain, contient l’univers, en hiver. On réfléchit, on se rappelle, peut-être même qu’on calcule et qu’on tire un tas de conclusions, en cette saison. On ne sort que les regards. Des regards flous qui partent tous seuls, nos fesses sur le radiateur. On a le temps, il ne faut pas travailler au jardin. Dehors, c’est le monde et il fait froid. Petite boîte rassurante, personne ne peut nous en sortir. J’ai déjeuné d’un chocolat très chaud. Dehors, trop de sucre, maintenant, sur les gaufres. C’est la ouate – c’est plus propre que la boue –, c’est Breughel, on n’entend plus le bruit de l’autoroute. Bienveillante vieille maison. 40 cm me sépare du gel, deux épaisseurs de briques centenaires et le toit bien pointu, bien blanc, prend un air de nonnette. Il faudrait peut-être que nos âmes ressemblent à nos logis : matériaux durs, double vitrage, isolant protecteur contre le froid, le bruit et les petites trahisons. Maintenant, les champs, c’est une vieille photo noir et blanc du Sahara, un saule en plus. Le vent soulève un voile blanc, ça croquerait sous mes pieds si j’avais le courage. Le radiateur me retient. Cette grande lessive, étendue blanche, sans soleil – trop propre pour durer. La maison, très grise, contient le soleil et se rendort.

Auteur : Anne-Sophie Vanderbeck. Atelier : Moments de vie. Animatrice : Nicole Cossin. Intention : Retrouver les goûts et les saveurs des souvenirs. Constituer une collection d'instants au fil des séances. Se réapproprier le plaisir d'écrire et d'avoir envie de raconter ces anecdotes qui constituent une vie.

Maison écriture

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Auteurs : réalisation collective de Sabine Delmotte, Michèle Demesmaeker, Denis Fiez, Jean-Louis Gios et Michel Wesel. Atelier : Expression contemporaine. Animateur : Pierre Lefebvre. Intention : Des thèmes si vastes que chacun s’y retrouve, des techniques si variées que chacun s’y découvre, des approches si ludiques que chacun s’y exprime. Peinture, techniques mixtes, sur tous les supports, dans tous les formats, en deux ou trois dimensions, en ateliers ou ailleurs, mais avant tout, révélateur d’un monde intérieur. Lieu d’exposition : Ancien café de la Lanterne, rue de Bruxelles à Genappe.

Crécher installation

Auteurs : Armelle Appart, Maya Bouchez, Aline Bosgaerd, Romain Breckpot, Josua Calbert, Valentine Crombez, Antonin Damiens, Eline Ferrier, Nora Lecerf, Cédric Mertens et Licka Vanpteghem. Atelier : Initiation à la Peinture. Animatrice : Pascale Descamps. Intention : Sur base de photocopies d'une photographie, les enfants ont coloré avec du crayon, du pastel ou du marqueur leur propre caravane. Lieu d’exposition : Ancien bâtiment de la gendarmerie, rue de Glabais à Genappe.

Caravanes dessins

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Auteurs : réalisation collective de Sabine Delmotte, Michèle Demesmaeker, Denis Fiez, Jean-Louis Gios et Michel Wesel. Atelier : Expression contemporaine. Animateur : Pierre Lefebvre Intention : Des thèmes si vastes que chacun s’y retrouve, des techniques si variées que chacun s’y découvre, des approches si ludiques que chacun s’y exprime. Peinture, techniques mixtes, sur tous les supports, dans tous les formats, en deux ou trois dimensions, en ateliers ou ailleurs, mais avant tout, révélateur d’un monde intérieur. Lieu d’exposition : Ancien café de la Lanterne, rue de Bruxelles à Genappe.

Cuisine installation

Auteur : Didier De Keyser. Atelier : Dessin, peinture et techniques mixtes. Animateur : Didier De Keyser. Intention : Montrer ceux qui en sont réduits à habiter le trottoir et qui petit à petit finissent par se confondre avec lui. Ils n'ont plus de visage, de corps et personne ne les remarque. Lieu d’exposition : Ancien café de la Lanterne, rue de Bruxelles à Genappe.

Le SDF installation

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Auteurs : Cathy Caulier (œuvre de gauche sur socle) et Martine Tourenne (celle de droite, devant la fenêtre). Atelier : Initiation à la sculpture. Animatrice : Chloé Coomans. Intention : Chacun vient avec ses désirs, ses envies de création, intimistes ou monumentales, et découvre les possibilités pour les réaliser. Toutes les techniques sont abordables : la terre, la cire (en vue de la réalisation d’un bronze), le plâtre, la pierre, le bois, le métal et toute autre technique permettant d’entrer dans un espace en trois dimensions et suivant une approche artistique contemporaine d’expression. Lieu d’exposition : Ancienne usine à grains, rue du Château du Lothier à Genappe.

XX sculptures

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Les gourmets de Bousval – Aaaaaah… Parvenir à se coincer entre la roche et les combattants, entre un cornet et des frites. Manger des frites à Genappe, à Genepien, à Djinape, à Bouzvå… même à Bousval ! Se dire que Bousval est le cross des gourmets avec la bonne réputation qu’elle mérite ; Manger des frites, parler d’Hergé, fumer (à l’extérieur !)… C’est un vrai bonheur estival ! Parfois, Barthélémy achète des frites et les dévore doucement près du Try­au­Chêne. Même près de la tour de guet du XVIe siècle… avec des frites, on s’y promène ! J’écrirais bien une « anthropologie de la frite » ou une « fritologie de Genappe », Avec des images de BD à Bousval… Mais il ne faut pas que la mayonnaise s’échappe !

Texte : Alain Anciaux, AnthropologuePhotographie : Frédéric Vanluyten

L’appel « Quartier de vie » de la Fondation Roi Baudouin a pour objectif d’encourager les habitants à s’engager dans la vie locale. Ce qui a séduit le jury dans le projet « Habiter Genappe » proposé par le Centre culturel de Genappe, c’est le souhait de faire participer des groupes vivant des réalités sociales différentes, de mobiliser aussi des personnes qui n’ont pas forcément un accès aisé aux espaces d’expression. C’est également la volonté de provoquer la rencontre, les interactions entre habitants qui vivent sur un même territoire sans beaucoup d’occasions d’échanges. Habiter… L’espace de vie le plus proche est un levier privilégié pour favoriser l’engagement et créer des liens entre voisins plus ou moins différents, plus ou moins proches.

Texte : Anne­Françoise Genel, Responsable de projets à la Fondation Roi Baudouin.Photographie : Jorge Rojas Castro

Racines – Prégnantes, pesantes, profondes et fascinantes ; Etranges, tortueuses, crevassées et vieilles ; Arrogantes, enva hissantes, intrigantes et étouffantes. Jamais visibles, toujours présentes, Les racines développent un extérieur léger, aéré ou lourd et touffu. Jamais visibles, toujours présentes, Les racines m’ancrent dans la terre ferme ; Me construisent ; Me nourrissent ; Me dérangent ; Me hantent ; M’entrainent au plus profond de moi­même ; Jamais visibles, toujours présentes, Les racines m’ouvrent au monde ou au contraire me racrapotent sur moi­même. Des racines jamais visibles toujours présentent m’habitent jour et nuit.

Texte : Anne Beghin, Administratrice aux « Ateliers du Léz’Arts »Photographie : Christophe Wesse

Il nous faut rendre vivante cette maison neuve qui n’a point encore de visage. La vérité pour l’un fut de bâtir, elle est, pour l’autre, de l’habiter. Antoine de Saint­Exupéry

Habiter. Se laisser apprivoiser par un espace. L’adopter en niant la notion d’appartenance, de propriété. Le comp­rendre et s’en nourrir. S’imprégner d’un lieu pour y résider et y construire une histoire. Faire de l’inhabitable un lieu vivant. Créer les liens entre le dedans et le dehors. Avoir conscience que nos modes d’habiter sont empreints d’anachronisme et qu’il faut de tout temps réinventer.

Texte : Catherine Vandenbosch, Coordinatrice de la Maison de l’Urbanisme du Brabant wallon. Et Olivier Van Hee, Directeur du Centre culturel du Brabant wallon.Photographie : Jorge Rojas Castro

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La boîte aux lettres d’un résidentLaisse s’envoler au gré du ventLes mots qui continuellementY séjournent quelques instants.Cette boîte aux lettres est accrochéeÀ une maison, à une famille.Mais combien de temps résistera­t­elleFace à l’usure du temps Temps de pluie, temps de ventTemps de vie, temps de mort ?Comme beaucoup de résidentsEn quelques secondes, elle peut basculer.Certains voudraient te voir chuter.Mais même si tu ne peux rester,Tu sens qu’une nouvelle vie t’attend.Toi, le résident, en ayant plus de droits,Tu t’y retrouveras, il faut que tu y croies.L’antenne est là t’accompagnant,Tel un papillon volant de résident en résident,Lorsque tu décideras d’aller de l’avantEt t’insérer dans ton nouveau logement.

Texte : Fonctionnaires régionauxDépartement de la Cohésion socialePhotographie : Jorge Rojas Castro

Regard d’enfant D’un côté, son innocence.De l’autre, l’œuvre, ce qu’elle veut dire.Vont­ils se rencontrer ?

Regard d’enfant D’un côté, son innocence.De l’autre, l’œuvre, ce qu’elle veut dire.Vont­ils se rencontrer ?

Regard d’enfant D’un côté, son innocence.De l’autre, l’œuvre, ce qu’elle veut dire.Vont­ils se rencontrer ?

Texte : Viviane Horta, Animatrice Article 27 / Brabant wallonPhotographie : Elise Delmotte

Texte : Nicolas Bernard, Docteur en droit et licencié en philosophiePhotographie : Jorge Rojas Castro

La thématique de l’habitat permanent en caravanes ou campings a ceci de fascinant qu’une même réalité peut faire l’objet de lectures diamétralement opposées. Quand le fonctionnaire dit au résident « Votre logement est insalubre (hauteur sous plafond, superficie, etc.) », l'occupant lui rétorque: « Sans doute, d'un point de vue strictement technique, mais à moi, il convient parfaitement… et j’en suis même propriétaire ! ». Et, de fait, pour peu que l'on se mette à l'écoute des habitants, un sentiment, appuyé, de satisfaction se dégage. Certes, tout n'est pas parfait au sein des aires touristiques, mais les problèmes tels qu'ils sont ressentis se rapportent quasi exclusivement aux tracasseries administratives, aux abus des propriétaires des parcelles ainsi qu'aux refus de domiciliation émanant des communes. Au delà donc de ses aspects

objectifs, le logement remplit également des fonctions subjectives pour son occupant. D’abord, il offre un refuge à celui qu'il abrite, qui trouve là un repaire bienvenu pour se dérober au regard disqualifiant d'autrui. Dans ce cocon sanctuarisé, il déjoue à sa manière la crise du logement et acquiert, enfin, une maîtrise sur son habitat. Ensuite, le logement constitue le support spatialisé de l'identité. Par son logement, l'occupant se donne à voir, ce qui explique l'accent invariablement mis sur le nettoyage de la parcelle, l’entretien méticuleux du lieu de vie et la personnalisation de la caravane. Et il n'y a pas que l'identité individuelle qui est ainsi réarticulée ; l'identité collective est, elle aussi, en jeu dans le camping permanent. En effet, une certaine cohésion sociale s'y forme, sur le mode de l'opposition collective au propriétaire du terrain et aux autorités.

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Emilie Danchin est philosophe et artiste photographe. Elle pratique le portrait autobiographique et, au détour d'« entretiens photographiques », cherche à matérialiser l'inconscient. Emilie Danchin est également psychothérapeute. Passionnée par la psychanalyse, elle a développé un cadre thérapeutique expérimental d'inspiration analytique, qui inclut la photographie. Elle explore les résonances entre imagerie inconsciente, imaginaire et photographie contemporaine, dans un cadre artistique qu'elle a choisi d'appeler « Analytique photographique ». Pour « Hors de [chez] soi », elle a mené un projet socio­artistique avec un groupe d’habitants formé par le C.P.A.S. de Genappe.

www.emiliedanchin.be www.analytiquephotographique.be/horsdechezsoi

Jorge Rojas Castro est photographe. Né en 1969 à Viña del Mar, Chili, il quitte son pays natal pour la Belgique afin d'y poursuivre des études en photographie. Dans son travail documentaire, il s'intéresse aux questions de l'identité et de la transmission des valeurs et traditions à travers la mémoire. Actuellement, il continue son projet sur la génération de Chiliens nés en Europe et sur les liens qu’ils développent avec leur lieu de vie, leur territoire d’accueil et celui laissé derrière soi, idéalisé, rêvé. Il a développé une démarche créative et participative avec les résidents du camping de Glabais.

jorgerojasphotographe.blogspot.com

Née en 1960 en France, Lucile Bertrand vit et travaille à Bruxelles depuis 2001. Elle expose régulièrement en Europe, aux USA et en Corée. Dans son travail plastique, elle utilise de préférence des matériaux pauvres pour suggérer l’immatérialité des nuages mais aussi la fragilité de la vie ou l’absence, que ce soit dans un sens poétique ou dramatique. Son travail ne manque cependant pas d’humour, surtout lorsqu’il s’agit de questionner les évidences. Par ailleurs, elle s’engage régulièrement dans des projets interactifs. Elle a notamment collaboré avec le British Council sur la thématique des jeunes demandeurs d’asile, et avec le Wiels pour introduire un groupe de femmes étrangères à la pratique de l’art contemporain. Elle a pris en charge le processus créatif impliquant les habitants du village de Glabais.

www.lucilebertrand.com

Reconnus par la Communauté française, « Les Ateliers du Léz’Arts », centre d’expression et de créativité (C.E.C.), proposent des ateliers réguliers et ouverts à tous. Cet établissement permet à chacun(e) de s’initier aux arts plastiques, de découvrir des techniques, de s’exprimer et de créer. La maîtrise technique n’est pas une fin en soi mais contribue au développement de l’expression et de la créativité des participants. « Les Ateliers du Léz’Arts » s’inscrivent aussi dans une démarche artistique contemporaine et souhaite l’implication de tous en ce sens. Les animateurs des « Ateliers du Léz’Arts » ont travaillé avec leurs élèves sur un concept d’« Habiter le vide ».

www.lesateliersdulezarts.be

Page 45: Habiter Genappe

RéalisationCentre culturel de Genappe Coordination éditorialeValérie Vanden Hove Bernadette Vrancken www.ccgenappe.be

Graphisme Alt studio Emmanuel Leroy Olivier Mary www.altsudio.be

Impression Dereume Printing

Dépôt légal D/2011/12.699/1 octobre 2011

RemerciementsA toutes celles et ceux qui ont participé activement aux ateliers « Habiter Genappe » et offrant les résultats publiés dans cet ouvrage.

A Emilie Danchin, Lucile Bertrand, Jorge Rojas Castro et aux animateurs des Ateliers du Léz’Arts qui ont accompagné et recueilli ces cheminements individuels et collectifs.

Aux partenaires pour le soutien et la visibilité donnés à ce projet.

A toutes les personnes qui ont livré un commentaire extérieur sur ce travail photographique.

A toutes celles et ceux qui se sont impliqués, à des degrés divers, à la réalisation de cet ouvrage.

PartenairesLe projet « Habiter Genappe » et sa publication ont pu voir le jour grâce au partenariat établi entre le Centre culturel de Genappe, le Centre culturel du Brabant wallon, le Centre d’expression et de créativité « Les Ateliers du Léz’Arts » en collaboration avec le CPAS de Genappe, Article 27 Brabant wallon et la Maison de l’Urbanisme Brabant wallon, et avec le soutien de la Ville de Genappe, la Région wallonne, la Fondation Roi Baudouin et la Loterie Nationale.

Crédits photographiques (à compléter sur base de l’épreuve)

Pages : Emilie Danchin Christophe Tubiermont, Gilbert Dehout, Monique Hancisse, Frédéric Vanluyten, Ginette Jadot

Pages : Jorge Castro Rojas

Pages : Lucile Bertrand Francis Capet, Véronique de Runz

Pages : LightSquare PhotographieOlivier Delos, Zoé Culot, Sarah Dierickse, Patrick Kirk