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Lutter contre la faim dans le monde Haïti 2010-2013 VERS DES SOLUTIONS DURABLES

Haïti 2010-2013 - wfp.org 2010-2013 Report_French.pdf · Dans cet optique, le Ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement Rural (MARNDR) est en

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Haïti 2010-2013VERS DES SOLUTIONS DURABLES

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Haïti 2010-2013VERS DES SOLUTIONS DURABLES

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Au lendemain du 12 janvier 2010, plus de 2.5 millions de personnes se sont retrouvées en situation d’insécurité alimentaire.

Cependant, grâce à la solidarité venant de toute part, d’importants transferts d’argent des familles haïtiennes vivant à l’étranger et des opérations de distribution massive de nourriture coordonnées par le Gouvernement, avec entre autres, la collaboration de nos partenaires et surtout l’appui efficace et efficiente du Programme Alimentaire Mondial (PAM), la crise alimentaire majeure qui menaçait l’ensemble du pays a pu être évitée.

Toutefois, malgré les progrès enregistrés depuis 2010, le pays se trouve encore confronté à de taux élevés de malnutrition chronique et d’insécurité alimentaire.

Les problèmes d’Haïti n’ont pas commencé le 12 janvier 2010. Par contre, la catastrophe a mis en évidence une nouvelle fois nos problèmes de mal développement.

Le Gouvernement haïtien est determiné à briser à long terme le cercle vicieux de la faim, à travers des interventions structurantes dans une collaboration avec la société civile haïtienne et la communauté internationale. Il se bat à plusieurs niveaux pour enrayer les multiples causes de la malnutrition qui résident dans une alimentation non équilibrée, non diversifiée et non suffisante surtout pendant les périodes de soudure, en particulier dans les zones reculées et enclavées des montagnes.

De plus, la fragilité de notre écosystème et la vulnérabilité de notre environnement aux aléas climatiques nous contraignent souvent à gérer des urgences liées aux catastrophes naturelles. Les dégâts enregistrés par la sécheresse de mars dernier et les tempêtes tropicales Isaac et Sandy en sont la preuve.

Le meilleur moyen d’y faire face est d’adopter une approche transversale sur la base d’actions d’urgence pour protéger les populations les plus vulnérables . Il s’agit également d’élaborer des politiques structurantes de création d’emplois pouvant augmenter le pouvoir d’achat, la production agricole ainsi que d’améliorer les services et les infrastructures de base.

Dans cet optique, le Ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement Rural (MARNDR) est en train de mettre en œuvre un programme d’urgence ambitieux pour créer de l’emploi, diminuer la vulnérabilité, l’amélioration de la situation du pays en matière de sécurité alimentaire par une augmentation substantielle de la production agricole.

Cette relance passe aussi par l’entretien, la réhabilitation et la construction des infrastructures durables de production, par la réalisation, entre autres, de travaux de déblayage, de curage de canaux d’irrigation et de drainage, de reprofilage des ravines et des rivières, de réfection et de construction de pistes agricoles, et la protection des bassins versant. Ces actions génèrent

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des emplois et des revenus pour une partie de la population et particulièrement pour des ménages vulnérables du milieu rural. En novembre 2011, Suite à la demande d’appui formulée par le Gouvernement haïtien pour instaurer d’ici à 2030 un programme d’alimentation scolaire viable, durable et entièrement pris en charge par L’Etat; qui prévoit notamment l’achat de produits locaux auprès de petits producteurs, le Conseil a approuvé un nouveau projet d’appui à Haïti pour la période 2012 -2014.

Déjà 2012, un tiers des céréales du PAM pour les cantines scolaires est constitué de riz et du maïs produit en Haïti. Ce riz est utilisé aussi dans les distributions d’urgence humanitaire. Tout le lait distribué aux enfants par le PAM est produit localement par de petits producteurs.

Appui aux cantines scolaires, Programme nutritionnel pour les populations les plus vulnérables, Programme de « Vivres et/ou cash » contre travail, prépositionnement de stock d’aliment d’urgence pour faire face aux besoins humanitaires et transfert de capacités à des institutions nationales, sont les principaux axes des activités du PAM en Haïti, qui est le résultat d’une concertation réalisée avec le gouvernement. Ces Programmes s’inscrivent parfaitement dans la dynamique actuelle de la relance de la production nationale pour la sécurité alimentaire.

Nous profitons de cette occasion pour remercier le PAM pour son soutien constant aux efforts du Gouvernement et le félicitons pour le changement de cap qu’il a commencé à opérer depuis l’adoption de son Plan Stratégique en 2008 par le Conseil d’Administration dont Haïti est membre. En décembre 2010 le mandat d’Haïti a été renouvelé pour trois années supplémentaires.

Cette nouvelle conception des actions du PAM apporte du sang neuf à l’accompagnement aux Gouvernements en particulier à celui d’Haïti.

Haïti a commencé à bénéficier de ces changements positifs qui montrent le chemin à suivre pour appuyer notre nation dans sa lutte contre l’insécurité alimentaire. Mais, de nombreux défis et obstacles structurels restent à surmonter. Le premier est le renforcement des capacités des institutions nationales. Ceci implique des efforts importants et à long terme pour renforcer la gouvernance et encourager le leadership politique.

Je réitère mes vives félicitations à l’équipe du PAM en Haïti pour le travail qu’il accomplit.

Michel ChancySecrétaire d’État à la Production Animale

Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR)

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L’année 2009 s’était terminée sur une note très optimiste en Haïti: une récolte exceptionnellement bonne, des indicateurs de sécurité alimentaire améliorés, des efforts concentrés sur des investissements visant à accélérer la croissance économique du pays. L’année s’était toutefois conclue avec une alerte indiquant que les ressources pour les programmes de cantines scolaires, de nutrition et pour la préparation aux urgences s’étiolaient alors qu’il était essentiel de soutenir et de renforcer ces initiatives fondamentales pour le développement d’Haïti.

Le 12 janvier 2010, en 35 secondes, tout cela a été remplacé par la mort, la dévastation, le risque d’une crise alimentaire et nutritionnelle majeure et par des efforts nationaux et internationaux massifs pour déployer un filet de sécurité humanitaire sur lequel la résilience d’Haïti aurait pu rebondir.

Trois ans plus tard, des progrès importants ont été accomplis dans la réponse au tremblement de terre. La crise humanitaire a pu être contenue et les efforts de tous visent maintenant a’ compléter le relèvement du pays.

Il est important de souligner qu’un soutien exceptionnel a été accordé à des actions allant bien au-delà de la réponse humanitaire immédiate. Des investissements considérables ont été faits pour renforcer la capacité locale à tous les niveaux grâce à un engagement commun pour développer des filets de sécurité sociale. Une vision claire pour l’avenir du pays est en train de se former. Des mécanismes sont en train de se mettre en place pour appuyer la capacité nationale de réponse à des catastrophes naturelles récurrentes et inévitables, pour réduire leur impact, soutenir la résilience de la population et préserver les progrès accomplis.

Le 12 janvier 2013, trois ans après le séisme, une sécheresse, la tempête tropicale Isaac, l’ouragan Sandy ont dévasté les récoltes et Haïti est aux prises avec sa première crise majeure affectant la sécurité alimentaire depuis le séisme. Cette fois-ci, ce sont les zones rurales qui sont le plus durement touchées.

Cette crise appelle chacun d’entre nous à soutenir les résultats obtenus grâce à l’approche « mieux reconstruire » que nous avons tous endossée et qui a guidé la réponse après le séisme. Réussir à semer les champs du pays en mars 2013, survivre jusqu’aux récoltes de juillet, ce sont les défis auxquels sont confrontés des millions d’Haïtiens en ce moment. C’est maintenant plus facile que ça ne l’était il y a trois ans de soutenir la population pour l’aider à restaurer rapidement sa sécurité alimentaire, de s’assurer qu’il y ait une préparation adéquate à la saison des ouragans 2013 et d’assurer une réponse efficace aux inévitables défis climatiques. Le gouvernement d’Haïti démontre le leadership qu’il se doit d’exercer par la planification de la réponse à ces défis et la mise a’ disposition de ressources. Ce que nous devons tous faire maintenant est de demeurer résolus tout en continuant à investir pour maintenir les stratégies de résilience et la capacité locale développées au cours des trois dernières années.

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A l’occasion du troisième anniversaire du tremblement de terre, le Programme Alimentaire Mondial aimerait souligner l’engagement du gouvernement d’Haïti à développer des stratégies nationales de résilience, tel que démontré par : la signature d’un accord mobilisant sept ministères pour développer un programme national de cantines scolaires; l’engagement, dans le plan de transition du pays, à prendre en main la coordination de la réponse humanitaire; la volonté d’augmenter la quantité de produits locaux dans les stocks de contingence; l’engagement à lutter contre la malnutrition, tel que démontré par l’implication active d’Haïti dans le mouvement « Scale Up Nutrition -SUN».

Le Programme Alimentaire Mondial aimerait aussi remercier les autorités locales des niveaux départemental, communal et section communale pour leurs précieux conseils, leur soutien et leur partenariat avec les équipes du PAM qui travaillent dans sept des dix départements du pays. C’est grâce à leur engagement auprès des partenaires du PAM et des représentants des bénéficiaires que nous arrivons à mettre en œuvre des solutions adéquates pour améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans l’immédiat et à long terme.

Nous aimerions remercier les bénéficiaires de notre assistance alimentaire avec qui nous demeurons en contact pour soutenir leur incroyable résilience; nous aimerions remercier les ONG nationales et internationales et saluer leur présence sur le terrain ainsi que leur travail extraordinaire, leur vision, conseils précieux et expertise; nous aimerions souligner les efforts réalisés conjointement avec les autres agences des Nations Unies pour exploiter les aspects complémentaires de nos mandats respectifs et capacités pour améliorer nos résultats mutuels.

Le Programme Alimentaire Mondial aimerait remercier les bâilleurs de fonds pour leur contribution active à la mise en place de ces stratégies, le partage de leur vision et de leur expérience, leur aide à identifier des modèles purement haïtiens et durables. Nous aimerions souligner le niveau extrêmement important de ressources qui ont été rendues disponibles au cours des trois dernières années et qui ont rendus les résultats mis en évidence dans ce rapport tri-annuel possible.Surmonter les défis de 2013, ainsi que ceux auxquels Haïti sera confronté dans le futur, est possible, pour autant que nous maintenions tous le même cap, afin de consolider ces résultats et de les développer ultérieurement.

Myrta KaulardReprésentante et Directeur de Pays

Programme Alimentaire Mondial, Haïti

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PARTIE I

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : LA TRAJECTOIRE RÉCENTE D’HAÏTI

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2010: Le tremblement de terre

A 16h53 dans l’après-midi du 12 janvier 2010, un tremblement de terre d’une magnitude de 7,0 a frappé Haïti. L’épicentre du séisme était situé à 17 km de la capitale et la secousse a duré quelque 35 secondes. Avec une population estimée à plus de trois millions d’habitants, Port-au-Prince fut la ville la plus fortement touchée. Les villes de Léogâne, Grand Goâve, Petit Goâve et Jacmel ont aussi été sévèrement endommagées. Avec un bilan humain très lourd : plus de 230 000 morts, environ 300 000 blessés et 2.3 millions de personnes déplacées, le séisme du 12 janvier 2010 est l’un des plus meurtriers et des plus destructeurs de ces dernières décennies. Aujourd’hui, près de 347 000 personnes sont encore sans abri et vivent sous des tentes dans les camps à Port-au-Prince et les autres zones affectées. Les institutions gouvernementales et la communauté internationale ont accusé d’importantes pertes humaines et matérielles.

Une grave crise alimentaire évitée

Suite au tremblement de terre, une grave crise alimentaire a plané sur Haïti. Du jour au lendemain, des millions de personnes qui avaient tout perdu, n’avaient même plus accès à la nourriture. Pays à fort déficit vivrier, Haïti dépend chaque année à plus de 50 pour cent des importations alimentaires. Le riz est un aliment fondamental dans l’alimentation des haïtiens et le pays dépend jusqu’à 80 pour cent des importations de ce produit. Le tremblement de terre avait gravement endommagé le port de Port au Prince (qui en situation normale assure la fourniture pour 65 pour cent du riz importé). Les importateurs avaient pour la plupart cessé leurs activités d’importation. Ainsi, un mois après le tremblement de terre, seulement 2 495 tonnes de riz ont été importées d’après l’Administration Générale des Douanes (AGD) alors qu’en moyenne 35 000 à 40 000 tonnes de riz sont importées mensuellement . De plus, 80 pour cent des petits grossistes dans les zones directement touchées ont perdu une partie de leurs installations de stockage. Ils ont été incapables de se réengager pleinement sur le marché, en raison de l’insuffisance de capital et des difficultés d’accès au crédit pour relancer leurs activités. Les divers acteurs le long de la chaine n’ont été en mesure de commercialiser quotidiennement que de petites quantités.

Quelques heures seulement après le séisme, le PAM a commencé les distributions de biscuits à haute teneur énergétique. Du 12 au 28 janvier 2010, des livraisons de riz, de haricots, d’huile, de sucre et de sel ont été réalisées

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dans les quartiers, dans les hôpitaux et orphelinats de la capitale et du reste de la zone affectée en utilisant les stocks d’urgence que le PAM pré-positionne chaque année dans ses quatre bases logistiques dans le pays. Le PAM a acheté aussi les stocks de riz restés disponibles auprès des importateurs. En contacte régulier avec ce derniers pour ne pas entrer en compétition avec le secteur commercial et en étroite coordination avec les autorités haïtiennes, durant la même période, le PAM a organisé une large opération d’importation de vivres, grâce au soutien très généreux des bailleurs de fonds. Un pont humanitaire a été établi pour transporter de grandes quantités de provisions d’urgence par voies aériennes, maritime et terrestre, à partir d’un centre logistique situé en République Dominicaine voisine. De début février à mi-avril 2010, malgré les énormes difficultés logistiques et la complexité de devoir opérer dans un milieu très urbanisé et presque complètement détruit, une opération de distribution massive a été mise en place et a permis d’assurer une alimentation de base à plus de 2/3 de la population de Port-au-Prince et des autres zones affectées par le séisme. Des ponts aériens par hélicoptère ont également été organisés pour atteindre les zones enclavées dans les zones rurales touchées par le tremblement de terre.

Sous la direction du Ministère de la Santé et la coordination du cluster nutrition, le PAM a organisé des distributions d’aliments fortifiés pour toutes les femmes enceintes et allaitantes et tous les enfants de 6 à 59 mois pour éviter la malnutrition parmi les groupes les plus vulnérables vivant dans les camps de déplacés.

Deux mois après le tremblement de terre, les importateurs ont pu se réorganiser et ont été à nouveau en mesure de subvenir aux besoins du marché à partir des autres ports du pays et d’une barge installée près du port endommagé de Port-au-Prince. Les prix du riz, qui avaient fortement augmenté sur les marchés de Port-au-Prince immédiatement après le séisme, ont commencé à baisser de façon continue de mars à septembre 2010. Les distributions d’urgence du PAM ont pris fin à la mi-avril 2010 sur demande du Ministère de l’Agriculture. Les actions se sont ensuite concentrées sur la mise en place et le renforcement d’interventions beaucoup plus ciblées, visant à réduire l’insécurité alimentaire et nutritionnelle de groupes spécifiques qui restaient les plus vulnérables et les plus démunis. Ainsi les programmes, tels que les cantines scolaires, les services nutritionnels et les projets à haute intensité de main d’œuvre (vivre et argent contre travail) ont été priorisés. A la mi-avril 2010, plus de 4 millions d’Haïtiens à Port-au-Prince et dans les autres zones affectées par le tremblement de terre avaient reçus une assistance alimentaire.

Une première enquête de sécurité alimentaire conduite au début février 2010 a montré qu’environ 1,3 million personnes vivaient en insécurité alimentaire dans les zones directement affectées par le séisme. A celles-ci s’ajoutait

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600 000 personnes déplacées en zones rurales vivant en insécurité alimentaire. Une deuxième enquête conduite en juin 2010 a permis d’apprécier l’évolution de la sécurité alimentaire des populations touchées par le tremblement de terre. La prévalence l’insécurité alimentaire avait diminué de 31 à 27 pour cent entre février et juin 2010. Le nombre de personnes vivant en insécurité alimentaire a, quant à lui, baissé de 1.3 à 1.1 millions dans les zones directement touchées par le tremblement de terre. Une grave crise alimentaire avait ainsi été évitée. Cela a été possible grâce à la coordination du gouvernement, et à l’engagement des délégués, des maires, de la société civile, des ONGs internationales et nationales, de la Police Nationale d’Haïti, des militaires de plusieurs pays, des medias et, bien sur, de la générosité des bailleurs de fonds, institutionnels ou non.

De plus, une enquête nutritionnelle réalisée en mai 2010 a montré que la prévalence de la malnutrition aiguë globale variait de 2.49 à 5.37 pour cent selon les strates chez les enfants de moins de cinq ans. La malnutrition aiguë sévère était de l’ordre de 0.47 à 1.01 pour cent. Les taux de malnutrition aiguë trouvés étaient restés bien en dessous du seuil d’urgence et de l’ordre des résultats des enquêtes précédentes (2006, 2008-2009). D’après l’enquête, les programmes nutritionnels octroyés aux populations vulnérables ont permis de prévenir une dégradation de la situation nutritionnelle durant les 6 mois après le séisme.

L’agriculture pour amortir le choc

Le séisme a provoqué l’exode de quelque 600 000 personnes vers les zones rurales. A la fin 2011, la grande majorité des déplacés étaient retournés à Port-au-Prince. Une partie des ménages ruraux ont dû faire face à des dépenses additionnelles considérables pour soutenir et alimenter les personnes déplacées en provenance des villes, amorçant une décapitalisation de leurs ressources augmentant ainsi leur vulnérabilité aujourd’hui.

Fort heureusement, 2010 a été généralement une bonne année agricole avec une production vivrière très légèrement en-dessous du record historique de 2009. Mis à part la zone de l’épicentre, le secteur agricole avait été peu touché par le séisme. Au niveau macro-économique, la réussite des campagnes agricoles de 2010 a contribué à amortir la chute du PIB à la suite du tremblement de terre. La bonne production agricole a également permis de stabiliser les besoins d’importations de produits vivriers dans un contexte où la capacité d’approvisionnement du marché n’était pas entièrement rétablie. Dans les zones rurales, la réussite de la campagne agricole de printemps a permis de soutenir l’accès à la nourriture des communautés qui avaient accueilli de nombreux déplacés de Port-au-Prince.

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Certaines régions, telles que le plateau central et les zones sèches du bas Nord-Ouest, ont toutefois connus quelques retards de production agricole. Dans l’ensemble, l’agriculture a fourni un filet de sécurité alimentaire vital durant les mois suivant le tremblement de terre.

Les bonnes perspectives du secteur agricole au printemps 2010 ont également emmené le Ministère de l’Agriculture à encourager les bailleurs de fonds à appuyer les stratégies d’achats locaux mis en œuvre par le PAM.

Si l’agriculture a joué un rôle fondamental dans la stabilisation de la situation en Haïti après le tremblement de terre, elle n’a pas été epargnée par des chocs. Ainsi, l’épidémie de choléra qui est declarée en octobre 2010 et l’ouragan Tomas en novembre 2010 ont frappé fortement la Grande-Anse, une des régions agricoles le plus prospères du pays. Les cultures de consommation et la génération de revenus (bananes et café surtout) ont été grièvement endommagées. La sécurité alimentaire de nombreux ménages, surtout dans le Sud du pays et l’Artibonite, a été affectée durant le dernier trimestre de l’année 2010.

2011 : Une année de transition

L’année 2011 n’a fort heureusement pas été marquée par des chocs importants sur la sécurité alimentaire. Les cyclones sont passés au large des côtes haïtiennes sans causer de dégâts et les précipitations ont été généralement plus abondantes qu’à la normale. En conséquence, la production agricole a été dans l’ensemble très bonne. Des pertes de production ont toutefois été notées dans le Nord-Est en raison d’un manque de pluie et dans les rizières de l’Artibonite en raison d’un déficit d’approvisionnement en engrais dans le cadre du programme de subventions du gouvernement haïtien.

Malgré ces conditions favorables, les visites de terrain en zones urbaines ont rapporté déjà en juin 2011 que la diminution, voire l’arrêt des projets humanitaires post-séisme a été vécu, surtout par les ménages les plus vulnérables, comme un véritable choc. Pour les bénéficiaires qui ont témoignés en juin 2011, l’aide humanitaire

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s’est interrompue trop rapidement et sans transition vers des mécanismes à moyen terme de filet de sécurité alimentaire/sociale ciblé.

Dans la capitale de Port-au-Prince, le nombre de repas consommés chaque jour a été réduit dans de nombreuses familles. « Le principal choc a été l’augmentation des prix parce que la population urbaine dépend entièrement des marchés pour se nourrir », explique Gary Mathieu, directeur de la CNSA. Selon les données recueillies durant une enquête de sécurité alimentaire, les hausses de prix n’épargnent pas la population rurale, qui dépend aussi des marchés pour se procurer entre 60 et 70 pourcent de ses aliments. La qualité nutritive de l’alimentation s’est aussi dégradée. « Les personnes vivant encore dans les camps sont les plus vulnérables. Certaines familles peuvent passer une journée sans manger», indique Jean-Carel Norcéide, spécialiste en analyse de la sécurité alimentaire du PAM depuis 1997. La hausse des prix de la nourriture a mis en péril les efforts de rétablissement. Le pouvoir d’achat de la population a diminué d’environ 10 pour cent en 2011. « C’est une crise silencieuse qui affecte tout le monde », souligne Myrta Kaulard, représentante du PAM en Haïti. Pour beaucoup d’Haïtiens, cette persistance de l’insécurité alimentaire est bel et bien perçue comme une urgence. C’est la raison pour laquelle les autorités haïtiennes ont demandé au PAM de concentrer son intervention sur une série de programmes destinés à apporter une assistance alimentaire aux plus vulnérables et à soutenir les efforts de redressement du pays.

Le score de consommation alimentaire a été utilisé depuis 2001 pour mesurer l’insécurité alimentaire en Haïti. L’enquête de sécurité alimentaire réalisée en juin 2011 sur l’ensemble du territoire a montré que, une année et demie après le séisme, l’insécurité alimentaire avait considérablement diminué pour atteindre son niveau le plus bas (17 pour cent) depuis plus d’une décennie. Le graphique ci-dessous présente l’évolution de la prévalence de l’insécurité alimentaire selon le score de consommation de 2001 à 2012.

En 2011, la CNSA a introduit une nouvelle méthodologie de mesure de l’ insécurité alimentaire combinant 3 indicateurs; le score de consommation, l’échelle de la faim et le score de diversité alimentaire. Cet indice composite a fourni une nouvelle ligne de base de mesure de l’insécurité alimentaire qui n’est pas comparable avec les données historiques. Selon cet indicateur, la prévalence de l’insécurité alimentaire en 2011 était de 38 pour cent, dont 8 pour cent d’insécurité alimentaire élevée.

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directement affectées par le

séisme)

2010, juin (zones directement

affectées par le séisme)

2011, mai (national, zones

rurales et urbaines)

2012, septembre (zones rurales touchées par séch. + Isaac)

2012, novembre (zones rurales touchées par

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2012 : La crise alimentaireL’année 2012 a été marquée par une série de désastres naturels qui ont affecté plus de 1.1 millions de personnes; sécheresse, tempête tropicale Isaac et ouragan Sandy. De plus, l’instabilité des prix sur les marchés internationaux en juillet 2012, conjuguée à de mauvaises récoltes, ont causé une hausse des prix sur les marchés de consommation en Haïti. Sandy a causé des dégâts considérables sur les infrastructures routières et de nombreuses zones sont restées enclavées durant plusieurs semaines.

L’effet cumulé d’une longue période de sécheresse et le passage de la tempête tropicale Isaac ont causé de très fortes pertes de production de la campagne de printemps sur l’ensemble du territoire. En comparaison à 2011, la CNSA a évalué les réductions de production à 42 pour cent pour le maïs, 33 pour cent pour le sorgho (petit mil) et le riz, 37 pour cent pour la banane plantain, 22 pour cent pour les tubercules et 6 pour cent pour les légumineuses. Les cultures commerciales telles que le café, la banane, l’avocat, les mangues et les agrumes ont été affectées par les rafales de vent causées par Isaac. La sécheresse a également affecté négativement les pâturages, réduisant la condition physique des animaux et diminuant ainsi leur valeur commerciale. Les pertes agricoles dues à la sécheresse ont été estimées à USD 80 millions, alors qu’Isaac à causé USD 70 millions de pertes. La prolongation du déficit hydrique a affecté négativement les surfaces emblavées pour la campagne d’été.

L’ouragan Sandy a frappé Haïti du 24 au 26 octobre 2012 et a causé d’importantes inondations, en particulier dans le grand sud, la Gonâve et la pointe du Nord-Ouest. Il a particulièrement touché les zones préalablement moins vulnérables car relativement épargnées par la sécheresse et Isaac (Grande Anse, Nippes et une bonne partie du Sud). Tous les Départements du pays sont maintenant sévèrement affectés par des désastres naturels.

Les 3 journées de fortes pluies provoquées par Sandy ont causé des pertes agricoles estimées à USD 104 millions. Le riz d’automne/hiver fraichement planté, le maïs d’automne, les plantations de banane, les ignames ainsi que les cultures commerciales telles que le café et le cacao ont été particulièrement touchées. Ainsi, en l’espace de quelques mois, le secteur agricole a enregistré des pertes estimées à USD 254 millions (sécheresse, Isaac, Sandy).

Dans les Départements du Nord et du Nord-Est, de fortes pluies le 9 novembre ont causé des inondations affectant les communes côtières, dont le Cap Haïtien.

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Suite aux dégâts causés par Sandy, le gouvernement haïtien a déclaré l’état d’urgence le 30 octobre 2012 et sollicité l’aide de la communauté internationale.

La vie chère

Le prix du maïs et du blé sur les marchés internationaux ont fortement augmenté en juillet 2012 (+23 pour cent) pour ensuite se stabiliser à des niveaux élevés durant le reste de l’année (sécheresse aux Etats-Unis et dans la Fédération de Russie). Le prix du riz est par contre resté stable tout au long de l’année grâce à de bonnes prévisions de production en Asie. Comme le riz représente environ 60 pour cent de l’importation de produits vivriers en Haïti, ce dernier a été un important facteur stabilisant. Les prix du riz sont en effet restés stables sur les principaux marchés de Port-au-Prince depuis 2011.

La hausse des prix du blé et du maïs s’est transmise un mois plus tard sur les marchés haïtiens. Les fortes pertes de récoltes allaient également accentuer l’inflation des prix. Des visites de terrain ont montré une forte dépendance aux produits vivriers importés qui sont prédominants sur les marchés. Cette demande accrue stresse la capacité de la chaine de distribution des produits importés qui est mal financée et fonctionne sur la base de crédits coûteux en espèce par les divers acteurs le long de la chaine. En conséquence, les prix des produits alimentaires de base sur les marchés des consommateurs sont en hausse. Des entretiens sur le terrain, en zone rurale, ont montré une forte augmentation également pour les produits locaux. Le haricot noir a atteint un record historique en novembre sur les marchés de Port-au-Prince (voir graphique ci-dessous).

Les chiffres de la crise alimentaire

Les résultats de divers enquêtes montrent que la situation d’insécurité alimentaire s’est dégradée de façon très préoccupante avec des taux atteignant en moyenne 39 pour cent de la population rurale vivant en insécurité alimentaire élevée dans les zones touchées par la sécheresse et Isaac et 17 pour cent dans les zones touchées par Sandy uniquement. En 2011, le niveau d’insécurité alimentaire élevée à l’échelle nationale était de 8 pour cent (voir graphique ci-dessous).

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Source: CNSA et FAO (prix internationaux)

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Jul-1

2

Sep-

12

Nov

-12

Gd/Marmite Gd/Marmite

MOUVEMENT DES PRIX DU POIS NOIR ET DU MAÏS A PORT-AU-PRINCE

Pois noir local Maïs moulin importé

Maïs moulin local Pois noir St Domingue (Gd/Marmite)

Séism

e 12

janv

ier 2

010

Thom

as, n

ovem

bre

2010

Sand

y, o

ctob

re 2

012

Isaa

c, a

oût 2

012

Source: CNSA et FAO (prix internationaux)

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Dans les zones rurales des 109 communes les plus affectées par la sécheresse, Isaac et/ou Sandy, 1.14 million de personnes vivent en insécurité alimentaire élevée. En considérant les données de l’enquête de suivi de la sécurité alimentaire réalisée en juin 2012 par la CNSA pour le reste de la population urbaine et rurale du pays, environ 1.53 million de personnes vivent en insécurité alimentaire élevée dans le pays, alors qu’en 2011 il y en avait 0.8 million. Le nombre de personnes vivant en insécurité alimentaire (insécurité alimentaire élevée et modérée) est beaucoup plus élevé; on l’estime à 6.74 millions de personnes, alors qu’en 2011 il y en avait 3.81 millions.

8 %

17 %

39 % 30 %

59 %

52 %

0

20

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60

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100

2011, mai (national, zones rurales et urbaines)

2012, septembre (zones rurales touchées par sécheresse + Isaac)

2012, novembre (zones rurales touchées par Sandy)

Prévalence de l'insécurité alimentaire selon l'indice composite - 2011 et 2012

Insécurité alimentaire modérée

Insécurité alimentaire élevée

Tot 91 %

Tot 38 %

Tot 76 %

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Image de la tempête tropical Isaac le 23 aout 2012, un jour avant son passage sur Haïtihttp://www.nasa.gov/images/content/680679main_Isaac.A2012237.1520.250m.jpg

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Une enquête nutritionnelle conduite aussitôt après Sandy a montré que la prévalence de la malnutrition aiguë globale chez les enfants de moins de 5 ans est passée à 4.8 pour cent, alors qu’elle était de 2.65 pour cent en avril 2012. La malnutrition aiguë sévère a atteint 1.5 pour cent, contre 0.8 pour cent en avril. Ces résultats énoncent une situation nutritionnelle qui, immédiatement après Sandy, s’est détériorée mais reste tout de même en dessous du seuil d’urgence. Cette tendance à la hausse contraste toutefois avec l’amélioration continue des conditions nutritionnelles depuis 2006. Ceci exige une vigilance accrue et des interventions ciblées car les acquis des dernières années risques d’être remis en cause.

Les pertes importantes de récoltes occasionnent une réduction considérable des sources de revenus des populations rurales. Des visites auprès des ménages des communes les plus touchées ont montré que les stocks de nourriture sont inexistants dans les villages. Les opportunités de travail dans les zones rurales ont fortement diminué, non seulement en raison des pertes agricoles et des moyens de production dans le secteur de la pêche, mais également en raison de la diminution drastique des interventions humanitaires depuis le tremblement de terre.

Les stratégies actuelles de survie, face à la crise, mettent au grand jour les difficultés d’accès aux aliments chez les plus pauvres : diminution du nombre et de la qualité des repas à des niveaux critiques, augmentation de la coupe d’arbres pour la production de charbon, augmentation de la vente de bétail reproductif; augmentation de la migration vers les centres urbains et la République Dominicaine; augmentation d’achats de nourriture à crédit, augmentation de la mendicité et augmentation de la domesticité (restavek).

La CNSA et ses différents partenaires ont identifié les zones nécessitant des interventions prioritaires en matière de sécurité alimentaire (voir carte ci-dessus).

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2013 : Répondre à la crise alimentaireSans une réponse ciblée à l’insécurité alimentaire causée par les divers chocs survenus entre mai et octobre 2012, la situation risque fortement de continuer à se dégrader durant les prochains mois. Les seules perspectives d’amélioration sont les prochaines récoltes de la campagne de printemps qui commenceront en juin 2013. En effet, sur l’ensemble du pays, il ne reste que très peu de récoltes attendues avant cette prochaine campagne agricole.

Le plus grand défis du PAM, du Gouvernement d’Haïti et de tous les acteurs de la sécurité alimentaire en 2013 sera d’organiser la réponse à la crise alimentaire afin de ne pas perdre entièrement les acquis sur la sécurité alimentaire et la nutrition suite aux importants investissements depuis 2010.

Dans les zones les plus affectées, des interventions d’urgence sont nécessaires afin d’améliorer l’accès à la nourriture ainsi que pour appuyer une relance agricole. Les interventions prioritaires proposées par le Groupe Technique Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle, sous la coordination de la CNSA, pour améliorer l’accès à la nourriture sont les suivantes :• Renforcer le financement des services préventifs et de prise en charge de la malnutrition afin de maintenir au minimum les

services disponibles en 2012.• Mise en place immédiate de programmes de travail contre espèce jusqu’en juin 2013, afin de créer des opportunités d’emploi

pour les ménages comptant des membres aptes à travailler.• Mise en place immédiate d’un programme de filet de sécurité alimentaire tel que des bons d’alimentation, des transferts

monétaires ou des distributions alimentaires, ciblant les ménages les plus vulnérables (10-15 pour cent de la population).• Renforcer le financement des programmes d’alimentation scolaire pour atteindre au moins 1.5 millions d’élèves (tous les

partenaires inclus) sur l’ensemble du pays pour l’année scolaire 2012/13.

Les interventions proposées de réponse d’urgence prioritaire pour appuyer une relance agricole sont les suivantes :• Réhabiliter les infrastructures agricoles et les périmètres irrigués à travers des activités de travail contre espèce;• Relancer la production agricole par le renforcement du système de production et d’approvisionnement des semences et de

matériel végétal de qualité ;• Fourniture de silos afin d’améliorer le stockage des récoltes au niveau des ménages ;• Reconstituer le cheptel perdu, améliorer l’accès aux pâturages et renforcer la couverture sanitaire pour le bétail ;• Rééquiper et faciliter l’encadrement technique pour les pêcheurs victimes de l’ouragan Sandy.

Etant donné les risques de détérioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle durant les prochains mois, il est important d’intensifier les mécanismes de surveillance de la CNSA et de planifier une enquête des récoltes et une enquête nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle dès juin 2013.

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Calendrier agricole des produits vivriers de base et périodes de référence des interventions de sécurité alimentaire et nutritionnelle 2013

Haïti est traversé par trois grandes chaines de montagnes d’orientation est-ouest, soit transversalement par rapport à la direction des alizés. Cette disposition du relief entraine une grande diversité climatique permettant une diversification des systèmes de production agricole. La pluviométrie varie de 400 à 3 000 mm par année avec une période de croissance des végétaux de 100 à 360 jours, permettant de 1 à 3 saisons agricoles par année. Il convient donc de lire le calendrier agricole présenté ici avec les précautions qui s’imposent et d’adapter son interprétation aux diversités locales.

La carte ci-contre illustre le nombre de saisons agricoles et permet ainsi d’adapter le calendrier agricole aux différentes régions du pays.

fév mar avr mai juil sept oct nov déc jan fév Début de la campagne de commercialisation pour le calcul du bilan vivrier national

Riz pluvial

riz irrigué

fév 13 mar 13 avr 13 mai 13 juil 13 sept 13 oct 13 nov 13 déc 13 jan 13 fév 13

Récolte sorgho, pois congo

Récolte de printemps: env. 50%

Réolte maïs, sorgho, riz pluvial

juin 13 aout 13

Récolte d'été: env. 25-30%

Récolte riz irrigué

Récolte hiver: env. 20-25%

Patate douce

Réolte maïs, sorgho

Récolte igname, taro

Semis/plant. d'automne/hiver

Récolte igname, taroRécolte riz pluvial -

Patate douce

Récolte haricots, pois inconnu

Semis/plantations de printemps

juin

Grande Saison des pluies Petite saison des pluies

Période moins pluvieuse

Saison sèche

Rentrée des classes

aout

Saison cyclonique

Période de soudure Période principale récolte

CONDITIONS DU RÉSEAU ROUTIER Mauvaises

RÉGIME PLUVIAL

Récolte haricot + pois inconnu

PROPORTION DE LA PRODUCTION VIVRIÈRE PAR CAMPAGNE AGRICOLE

Travaux à Haute Intenssité de Main d'Œuvre - HIMO

Amélioration de la disponibilité de nourriture

Silos pour la conservation des récoltesIntrants aux secteurs de la pèche et de l'élevage

Amélioration de l'accès et de l'utilisation à la nourriture des groupes les plus vulnérablesINTERVENTIONS D'URGENCE 2013

Services de nutrition (prise en charge et préventition)

Intrants agricoles (semences, matériel végétal, engrais)

Bonnes Mauvaises Bonnes

Augmentation des effectifs du programme d'alimentation scolaire

Filets de sécurité alimentaires non-conditionnels (food voucher, transferts d'argent)

Récolte riz irriguéRécolte igname, taro

Semis d'été

Récolte haricotsRéolte maïs, sorgho

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fév mar avr mai juil sept oct nov déc jan fév Début de la campagne de commercialisation pour le calcul du bilan vivrier national

Riz pluvial

riz irrigué

fév 13 mar 13 avr 13 mai 13 juil 13 sept 13 oct 13 nov 13 déc 13 jan 13 fév 13

Récolte sorgho, pois congo

Récolte de printemps: env. 50%

Réolte maïs, sorgho, riz pluvial

juin 13 aout 13

Récolte d'été: env. 25-30%

Récolte riz irrigué

Récolte hiver: env. 20-25%

Patate douce

Réolte maïs, sorgho

Récolte igname, taro

Semis/plant. d'automne/hiver

Récolte igname, taroRécolte riz pluvial -

Patate douce

Récolte haricots, pois inconnu

Semis/plantations de printemps

juin

Grande Saison des pluies Petite saison des pluies

Période moins pluvieuse

Saison sèche

Rentrée des classes

aout

Saison cyclonique

Période de soudure Période principale récolte

CONDITIONS DU RÉSEAU ROUTIER Mauvaises

RÉGIME PLUVIAL

Récolte haricot + pois inconnu

PROPORTION DE LA PRODUCTION VIVRIÈRE PAR CAMPAGNE AGRICOLE

Travaux à Haute Intenssité de Main d'Œuvre - HIMO

Amélioration de la disponibilité de nourriture

Silos pour la conservation des récoltesIntrants aux secteurs de la pèche et de l'élevage

Amélioration de l'accès et de l'utilisation à la nourriture des groupes les plus vulnérablesINTERVENTIONS D'URGENCE 2013

Services de nutrition (prise en charge et préventition)

Intrants agricoles (semences, matériel végétal, engrais)

Bonnes Mauvaises Bonnes

Augmentation des effectifs du programme d'alimentation scolaire

Filets de sécurité alimentaires non-conditionnels (food voucher, transferts d'argent)

Récolte riz irriguéRécolte igname, taro

Semis d'été

Récolte haricotsRéolte maïs, sorgho

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Défis des prochaines années Du point de vue de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, dans le moyen terme Haïti continuera à faire face aux défis suivants :• Récurrence de désastres naturels tels que cyclones, inondations, éboulements, sécheresses, etc. ;• Grande volatilité, vers le haut, des prix sur les marchés nationaux étant donné la situation des marchés mondiaux

et de la production nationale ;• Etat dégradé des bassins versants, en partie en raison de l’absence d’alternatives pour répondre aux besoins

énergétiques de la cuisson des aliments et de la faible productivité de l’agriculture. Cette dernière pousse les producteurs à cultiver des terres marginales (fortes pentes, zones sèches) et à couper des arbres pour commercialiser le bois et le charbon ;

• Forte dépendance aux importations alimentaires de base pour subvenir aux besoins d’une population croissante ;• Grande vulnérabilité à l’insécurité alimentaire de la majeure partie de la population, surtout en milieu rural.

Cinq défis ont été identifiés dans les mécanismes en place du secteur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle :1. Le premier est la nécessité de mettre en place un programme national de filet de sécurité alimentaire/sociale

ciblant les ménages les plus vulnérables.2. Le deuxième est la nécessité de mettre en place de nouveaux mécanismes de ciblage des ménages les plus

vulnérables dans toutes les interventions de sécurité alimentaire.3. Le troisième est la nécessité de continuité des financements, sur une période très longue (au moins 10 ans), du

secteur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, en mettant l’accent sur la productivité du secteur agricole qui a le potentiel de créer des milliers d’emplois.

4. Le quatrième est la nécessité d’étendre les initiatives d’achats locaux par des approches décentralisées et de renforcer les interventions en amont au bénéfice des producteurs afin de leur permettre un meilleur accès aux technologies de production, de conditionnement, de stockage et de contrôle de qualité.

5. Le cinquième est la nécessité de renforcer la coordination des interventions de sécurité alimentaire, de nutrition et de filet de protection sociale dans une approche programme avec un solide système de suivi et évaluation.

Travailler sur ces 5 grands défis permettra d’avancer vers des solutions durables aux problèmes de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle en Haïti.

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Filets de sécurité alimentaire

Les filets de sécurité alimentaire/sociale sont décisifs pour accélérer la lutte contre la faim:• Premièrement, ils peuvent améliorer l’accès à la nourriture et protéger les plus vulnérables, qui sont exclus des

activités économiques du pays. • Deuxièmement, ils représentent des mécanismes importants de réduction de la vulnérabilité et d’amélioration de

la résilience aux chocs. Par exemple, les programmes d’alimentation scolaire contribuent à éviter que les enfants quittent les salles de classe au cours d’une crise alimentaire, alors que les transferts monétaires ou de nourriture peuvent aider les familles lors d’une augmentation soudaine des prix.

• Troisièmement, ils représentent une opportunité de mieux se préparer aux urgences en permettant, au besoin, une ‘expansion’ rapide de la couverture des bénéficiaires lorsque des bases de données socio-économiques des ménages existent.

• Quatrièmement, s’ils sont structurés de manière appropriée, ils peuvent contribuer directement à l’accélération de la croissance économique grâce à la valorisation des ressources humaines.

Un programme national de filet de sécurité alimentaire/sociale permettrait de cibler systématiquement les ménages les plus vulnérables, soit les populations les plus pauvres, qui, en situation d’urgence, subissent le plus vigoureusement les conséquences de chocs. Par exemple, étant le plus souvent sans terre et moyens financiers suffisants, ces populations doivent souvent installer leur habitat de fortune dans les zones les plus à risque face aux désastres naturels (bas fonds inondables, bords de rivières, etc.…). Les populations les plus vulnérables sont également celles qui allouent la plus grande partie de leurs revenus à l’achat de nourriture (près de 70 pour cent selon la CNSA). Ainsi, ces populations se retrouvent très fortement touchées par les augmentations des prix des produits vivriers. Le plus important filet de sécurité alimentaire en place en Haïti est le programme national de cantines scolaires. La conditionnalité de ce programme est bien évidement la fréquentation des enfants aux écoles. Des programmes nutritionnels et de transferts d’argent/bons d’achats alimentaires sont importants pour cibler les groupes les plus défavorisés qui ne sont pas pris en compte dans les programmes existants.

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Ciblage des ménages les plus vulnérables

La difficulté de cibler les ménages qui ont réellement besoin d’une assistance alimentaire représente probablement la plus grande contrainte opérationnelle, aujourd’hui, en Haïti. Les diverses enquêtes socio-économiques (sécurité alimentaire, pauvreté, vulnérabilité) indiquent qu’environ 10 à 20 pour cent des ménages en zone rurale vivent dans une indigence extrême. Les plus grandes contraintes liées au ciblage des ménages vulnérables sont l’absence de définition de la pauvreté et des critères de vulnérabilité ainsi que d’une base de données socio-économique des ménages à l’échelle nationale. En 2012, d’importants efforts ont été déployés afin d’améliorer les méthodes d’identification des ménages les plus vulnérables.

Une méthodologie standardisée d’identification des ménages vulnérables est nécessaire. Une approche pragmatique combinant un pré-ciblage communautaire avec l’appui des autorités locales et des enquêtes socio-économiques des ménages pré-identifiés semble la plus appropriée. Une telle approche corroborée d’une base de données socio-économiques faciliterait les mécanismes de coordination des interventions de filet de sécurité alimentaire/sociale.

Nécessité de financements soutenus au-delà de l’urgence

Deux ans et demi après le tremblement de terre, les financements disponibles pour des interventions de sécurité alimentaire ont fortement diminué. En 2012, par manque de financement, la couverture des interventions nutritionnelles à diminué de 30 pour cent alors que celle du programme de cantines scolaires a diminué de 37 pourcent (de 1.1 million à 685 000 élèves). Les interventions de travail contre espèce ou contre vivre ont, quant à elles, dû être entièrement arrêtés dès septembre 2011. Les contributions du PAM sont passées de USD 422 millions en 2010, à USD 36 millions en 2011 et USD 37 millions en 2012. Les réductions de 2011 ont limité la capacité d’intervention du PAM visant à assurer la transition vers des mécanismes de moyen terme. Les ménages bénéficiaires rencontrés en juin 2011, ont témoigné que l’arrêt des interventions humanitaires représentait un choc considérable sur leur sécurité alimentaire. Seul un engagement pluriannuel, incluant la contribution du gouvernement d’Haïti, pour mettre en place un programme de filet de sécurité alimentaire et nutritionnelle pour les plus démunis, conjointement avec des investissements dans le secteur agricole qui pourrait créer des milliers d’emplois, permettra d’améliorer la résilience des populations vulnérables de façon durable.

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Coordination

Le Gouvernement Haïtien à lancé, le 26 novembre 2012, le Cadre de coordination de l’Aide Externe au Développement (CAED) qui se veut un mécanisme de concertation permanent et régulier entre le Gouvernement haïtien et tous ses partenaires. Le CAED prévoit la mise sur pied de mécanismes permettant à l’aide internationale d’appuyer les priorités de développement économique et social d’Haïti. En 2013, le PAM continuera à travailler en collaboration avec Gouvernement pour assurer une meilleure coordination du secteur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle à travers un renforcement des mesures envisagées par le CAED.

En 2012, le Gouvernement Haïtien a jeté les premières bases d’une réponse durable et coordonnée aux problèmes de sécurité alimentaire et nutritionnelle :• Le lancement d’un cadre stratégique de lutte contre la faim et la malnutrition sous le label Aba Grangou. Ce cadre

stratégique propose des interventions sur 3 piliers pour adresser de façon durable les problèmes de la faim et la malnutrition ; a) le renforcement des filets de sécurité alimentaire/sociale, b) l’augmentation des investissements dans l’agriculture et c) l’amélioration des services sociaux de base et de nutrition.

• Le renforcement de la CNSA dans la pérennisation des systèmes d’information de suivi de la sécurité alimentaire et de renforcement de son mandat de coordination du secteur de la sécurité alimentaire.

• La mise en place du programme Ede Pep au Fond d’Assistance Economique et Sociale (FAES) pour répondre aux urgences et orienté sur la distribution de kits alimentaires et de plats chauds à travers un réseau de cantines populaires fixes et mobiles. Le programme Ede Pep a permis d’apporter une assistance aux personnes affectées après le passage d’Isaac et de Sandy.

• Le programme d’urgence du Ministère de l’Agriculture qui, dès le début 2013, permettra d’appuyer les campagnes agricoles et de créer des opportunités de travail temporaire dans les zones touchées par les divers chocs de 2012.

• Le renforcement des achats locaux du Ministère de l’Agriculture ayant permis, malgré les chocs de 2012 sur le secteur agricole, de maintenir des volumes importants de nourriture achetée localement au bénéfice des petits producteurs.

• La mise en place d’une commission interministérielle sur les prix, coordonnée par le Premier Ministre, pour définir des actions de stabilisation des prix. Un accord entre Haïti et le Vietnam, parafé à Hanoi par le Premier Ministre, permettra d’importer 250 à 300 000 tonnes de riz à prix préférentiel durant l’année 2013.

• L’adhésion d’Haïti au mouvement SUN (Scaling Up Nutrition) qui permet de renforcer la cohérence des actions des acteurs nationaux et internationaux dans le secteur de la nutrition et d’accéder à une assistance technique renforcée dans ce secteur.

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PARTIE II

L’ACTION DU PAM DEPUIS 2010

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L’action du PAM en Haïti depuis 2010Afin de répondre le plus efficacement possible à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, l’action du PAM en Haïti s’articule autour de trois axes d’interventions :

1. La préparation aux urgences et le renforcement de la capacité de réponse rapide.

2. La mise en place d’interventions visant à réduire l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

3. Le renforcement des capacités nationales, à travers des partenariats institutionnels, en vue de permettre un transfert des capacités d’interventions au Gouvernement Haïtien.

Le PAM appuie les filets de sécurité alimentaire et nutritionnelle nationaux à travers le renforcement des institutions et de la société civile haïtiennes, la surveillance de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les distributions alimentaires d’urgence, les services de nutrition, l’alimentation scolaire et les achats locaux de produits vivriers ainsi que l’appui à la coordination et la mise en place de partenariats institutionnels. Ces interventions représentent la colonne vertébrale de la stratégie du PAM visant à réduire, de façon durable, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle en Haïti.

Les actions du PAM en Haïti viennent appuyer l’objectif du Gouvernement qui est de réduire de 50 pour cent la faim et la malnutrition d’ici à la fin 2016. Elles appuient également les stratégies nationales dans les domaines de la sécurité alimentaire, la nutrition et la mise en place des filets de sécurité sociale.

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Préparation et réponse aux urgences

Stocks de contingence

Une des leçons apprises après les cyclones de 2008 et le tremblement de terre de 2010, qui avaient coupé les routes et causés des défis logistiques pour le ravitaillement, fut de reconnaître l’importance du pré-positionnement de stocks de nourriture dans les régions les plus vulnérables. Depuis lors, le PAM travaille en étroite collaboration avec la Direction de la Protection Civile (DPC) du gouvernement Haïtien et ses partenaires non-gouvernementaux afin de se préparer chaque année à la saison des cyclones, de juin à novembre.

Le PAM, en collaboration avec la DPC et les Collectivités Territoriales, pré-positionne des vivres et des suppléments nutritionnels dans quatre entrepôts (Port-au-Prince, Jacmel, Gonaïves et Cap Haïtien). Au total, un stock d’au moins 7 000 tonnes de nourriture est constitué chaque année, permettant, au besoin, une assistance d’urgence immédiate à 517 000 Haïtiens pour une période de 21 jours. A la fin de chaque saison cyclonique, si ces stocks n’ont pas été utilisés, ils sont distribués pour le programme de cantines scolaires. Les stocks sont renouvelés l’année suivante à l’approche de la saison cyclonique. En 2012 du riz produit en Haiti faisait partie de ces stocks. Les aliments produits en Haiti devraient constituer une partie croissante des stocks d’urgence.

Des camions, des entrepôts mobiles, des équipements de télécommunication, des capsules de purification d’eau, du savon et d’autres équipements d’urgence sont pré-positionnés chaque année, afin d’assurer que les autorités Haïtiennes, avec l’appui du PAM et de ses partenaires soient en mesure de venir en aide aux Haïtiens les plus vulnérables immédiatement après un désastre naturel ou une résurgence du choléra. Le PAM, sous la coordination de la DPC et dans le cadre des mécanismes de réponse établis, se tient prêt à offrir, en cas de nécessité, des services de transport routier, aérien et de cartographie au Gouvernement et à l’ensemble de la communauté humanitaire. En 2013 le PAM et les autorités Haïtiennes commenceront la transition de ces capacités du PAM aux contreparties nationales compétentes pour que Haïti puisse disposer de son propre mécanisme de pré-positionnement et de réponse immédiate.

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Distributions alimentaires d’urgence

Haïti étant exposée à des désastres naturels très fréquents, les stocks d’urgence pré-positionnés par le PAM ont permis une réponse immédiate, sous la coordination de la Direction de la Protection Civile, en chaque situation de crise depuis 2010. En 2010 tout de suite après le tremblement de terre, en réponse à l’épidémie de choléra et à l’ouragan Thomas. En 2012 en réponse à la sécheresse, à la tempête tropicale Isaac et à l’ouragan Sandy, des biscuits à haute valeur énergétique ont été distribués pour répondre aux besoins immédiats des premiers deux jours. Des rations alimentaires de base ont ensuite été distribuées aux populations les plus affectées pour les soutenir durant une période de 21 jours. Des programmes nutritionnels ciblent les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes et allaitantes si la situation risque de dégénérer et pour prévenir une crise nutritionnelle. Le ciblage des bénéficiaires est fait par la Direction de la Protection Civile, en lien avec les mairies, des représentants de la société civile, des partenaires chargés de la distribution et du PAM.

Lors du tremblement de terre les distributions d‘urgence furent massives pour éviter une grave crise alimentaire et nutritionnelle dans le pays. A cause de la destruction de toutes les infrastructures logistiques et du déplacement de millions de personnes le défit fut énorme. Grâce à la coordination du Gouvernement, à l’aide généreuse des donateurs et à l’engagement de tous les acteurs une grave crise alimentaire a pu être évitée. Les distributions d’urgence en réponse au choléra, Thomas, Isaac, Sandy, la sécheresse furent immédiates et ont permis de répondre aux difficultés des plus vulnérables et plus affectés. Grâce à l’excellente collaboration entre les autorités Haïtiennes et le PAM, dans chacune de ces situations les distributions ont été très limitées dans le temps pour éviter les distorsions dans le secteur commercial et dans l’agriculture. Des programmes de distribution très ciblés dans les écoles, les centres nutritionnels et des programmes de travail contre espèce permettant de dynamiser l’économie locale ont ainsi été menés.

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Interventions visant à réduire l’insécurité alimentaire et nutritionnelle

Prise en charge de la Malnutrition

En parallèle aux distributions de suppléments alimentaires, le PAM a rapidement repris un programme d’appui au Ministère de la santé pour renforcer les services de prise en charge de la malnutrition. Sous la direction du Ministère de la santé et la coordination du cluster nutrition et avec le c oncours de vingt ONG partenaires, la prise en charge de la malnutrition aiguë modérée est réalisée à travers le Programme de Nutrition Supplémentaire (PNS) dans deux cent quarante sept centres de santé répartis sur cent quinze communes à travers le territoire national. La distribution des aliments supplémentaires et le suivi individuel des enfants sont réalisés mensuellement. Le traitement des enfants malnutris dure trois mois et le taux de guérison est de quatre vingt dix pour cent. Les suppléments alimentaires utilisés dans les centres de prise en charge incluent des Aliments Supplémentaires Prêts à l’Emploi (ASPE) pour les enfants de six à cinquante neuf mois ainsi que des mélanges de farines fortifiées maïs-soja en plus d’huile, de sucre et de sel iodé pour les femmes enceintes et allaitantes.

En collaboration avec l’UNICEF, le PAM a également appuyé le Ministère de la santé dans l’élaboration d’un protocole national de prise en charge de la malnutrition aiguë modérée et sévère.

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Prévention de la malnutrition chronique et des carences en micronutriments

Les recherches ont démontré que l’état de santé d’un adulte est, en partie, déterminé par son état nutritionnel durant une période critique de son développement : les 1 000 premiers jours, soit de la conception jusqu’à l’âge de 2 ans. La malnutrition durant cette fenêtre de la vie peut causer des dégâts irréversibles dans le cerveau chez les enfants et compromettre sérieusement le développement physique et intellectuel jusqu’à l’âge adulte. En Haïti, 22 pour cent des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique, 49 pour cent des femmes enceintes et 65 pour cent des enfants de moins de 5 ans souffrent d’anémie, et plus de 59 pour cent des enfants de 6 à 12 mois souffrent de carence en iode.

Sous la coordination du Ministère de la Santé, afin de diminuer le nombre d’enfants qui chutent dans la malnutrition et les carences en micronutriments, le PAM poursuit une approche préventive qui se concentre principalement sur la fenêtre d’opportunité des 1 000 premiers jours de l’enfance. Cette approche investit de façon stratégique dans le capital humain et contribue ainsi à briser le cycle intergénérationnel de la malnutrition. L’approche de prévention de la malnutrition regroupe trois interventions: 1. la provision d’Aliment Complémentaire Prêt à l’Emploi aux enfants de 6 à 35 mois ;2. la provision de poudres de micronutriments aux enfants de 36 à 59 mois, et3. la provision de capsules de micronutriments aux femmes enceintes et mères allaitantes en collaboration avec

l’UNICEF.

Actuellement, tous les suppléments alimentaires fournis dans le cadre de l’assistance nutritionnelle sont importés. Durant les prochaines années, en accord avec la stratégie du Gouvernement, le PAM s’engage à appuyer les initiatives de fortification de produits alimentaires locaux, tels que le sel iodé.

Les activités de prévention de la malnutrition mises en place par le PAM et ses partenaires ont contribué à la réduction de la prévalence de la malnutrition aiguë globale estimée à 4.1 pour cent en 2012 (SMART) contre 9 pour cent en 2005 (EMMUS).

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Alimentation scolaire

Le Programme National de Cantines Scolaires (PNCS) du Ministère de l’Education était parmi les premiers acteurs à se reconvertir aux distributions d’urgence tout de suite après le tremblement de terre en janvier 2010. Des les premiers jours après le tremblement de terre les enseignants et les parents des élèves organisèrent des cantines en plain air pour alimenter les enfants et redonner une semblance de normalité à la vie quotidienne. A partir d’avril 2010 les classes reprirent et ainsi les cantines scolaires. Jusqu’en juin 2010 un demi-million d’élèves recevait un repas chaud chaque jour d’école. Pour soutenir la relève suite à la catastrophe, au début de l’année scolaire 2010-11 le PNCS, le PAM et les donateurs décidèrent de faire un effort particulier pour continuer à soutenir la récupération et le nombre d’élèves bénéficiant d’un repas chaque jour fut plus que doublé pour atteindre 1.1 million d’enfants. En parallèle le PNCS, le PAM et les donateurs s’engagèrent dans un plan d’action pour développer, à l’horizon 2030, un programme de cantines scolaires universel, financé et géré entièrement par des capacités haïtiennes et utilisant les vivres produits en Haiti. En Décembre 2012, le Gouvernement d’Haïti et le PAM ont signé un protocole d’accord pour formaliser ce plan de transition.

Les repas pris à l’école permettent d’améliorer l’assiduité des enfants, d’augmenter la rétention et d’assurer de meilleures performances scolaires, tout en contribuant à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des enfants.

Le PAM a initié depuis deux ans un projet de réchauds améliorés dont l’exécution se fait en collaboration avec d’autres agences des Nations-Unies et des ONG. Ce projet permet actuellement à 23 écoles assistées par le PAM d’utiliser des sources d’énergies alternatives sous la forme de briquettes de biomasse faites de papier et de carton recyclé. L’utilisation des briquettes à la place du charbon de bois réduit les coûts de cuisson et permet de lutter contre la déforestation du pays. A terme, ce programme s’étendra à plus de 500 écoles à travers le pays.

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Achats locaux

Les achats locaux ont un potentiel considérable pour permettre de développer des marchés agricoles durables. En effet, ils permettent de mieux connecter les petits producteurs à des opportunités commerciales, de sorte qu’ils améliorent leurs revenus et soient encouragés à augmenter leur production et à améliorer la qualité. Depuis 2009, les achats de nourriture produite localement par des petits paysans et leurs associations sont un des volets prioritaires de l’action du PAM en Haïti. Sous la direction du Ministère de l’Agriculture, le PAM travaille à établir des liens solides entre les achats locaux et le programme des cantines scolaires.

En collaboration avec le Gouvernement, le PAM a mis en place une série de mesures afin de consolider les achats locaux en Haïti:• Le processus d’appel d’offres a été simplifié afin de permettre à de petites associations d’agriculteurs de soumettre

des offres pour les quantités qu’elles sont en mesure de produire.• Des formations ont été données aux producteurs pour les aider à maîtriser toutes les étapes du processus d’achat

depuis la soumission d’offres jusqu’à la livraison de la nourriture.• Un recensement et une évaluation des initiatives privées de transformation de produits vivriers locaux ont été

conduits et une assistance technique est apportée afin d’améliorer les processus de transformation.

Depuis 2010, ces mesures ont permis d’augmenter les volumes achetés localement et d’améliorer le contrôle de la qualité et le traitement des denrées après récoltes. En dépit de la sécheresse, de la tempête tropicale Isaac et de l’ouragan Sandy, qui ont causé des pertes très considérables sur la production vivrière, les quantités qui ont pu être achetées localement en 2012 représentent plus de 27 pour cent de l’ensemble des acquisitions pour le PAM. Pour les céréales, la proportion acquise à de petits producteurs Haïtiens a atteint 37 pour cent.

L’une des principales leçons apprises en Haïti est la nécessité de mettre en œuvre des interventions en amont et au bénéfice des producteurs afin de leur permettre un meilleur accès aux technologies de production, de conditionnement, de stockage et de contrôle de qualité.

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Créer des opportunités de travail temporaire

Les interventions de travail contre espèce ou contre vivre est l’un des filets de sécurité alimentaire à la disposition du gouvernement. Quelques mois après le séisme de janvier 2010 et en collaboration avec plusieurs partenaires nationaux et internationaux, le Ministère de l’Agriculture, le Ministère des Travaux Publics et le Ministère de l’Environnement ont mis sur pied un vaste programme de travail temporaire contre espèce ou contre vivre dans les zones les plus défavorisées. Ainsi, de janvier 2010 à septembre 2011, plus de 200 projets de travail contre espèce ou contre vivre ayant permis de créer des opportunités de travail temporaire mensuel pour plus de 200 000 Haïtiens ont été réalisés avec l’appui direct du PAM. Ces projets ont permis de :• Soutenir le pouvoir d’achat et l’accès à la nourriture des communautés vulnérables ;• Appuyer les efforts de réhabilitation et de reconstruction après le désastre ;• Réhabiliter les infrastructures endommagées et protéger les bassins versants et les terres agricoles pour améliorer

la résilience aux désastres naturels.

En 2010, dans les zones affectées par le séisme, le PAM s’est concentré sur des activités de déblaiement des débris laissés par le tremblement de terre ainsi que des actions d’assainissement telles que le curage de caniveaux. Toujours en 2010, après l’ouragan Tomas, dans les zones rurales, les projets se concentrent sur les infrastructures agricoles (curage des canaux d’irrigation, berges de protection, pépinières etc…), la réhabilitation d’infrastructures endommagées (routes tertiaires) et la protection de bassins versants.

De la même manière, en 2012, suite à une succession de chocs incluant une sécheresse, la tempête tropicale Isaac et le cyclone Sandy, le Ministère de l’Agriculture a consulté ses partenaires sur le terrain et élaboré un plan pour la mise en œuvre d’interventions de travail contre espèce ou contre vivre dans les zones affectées. Dans le cadre de ce programme, le PAM a planifié de mettre en œuvre des projets qui permettront de créer 45 000 opportunités de travail temporaire mensuel jusqu’en juin 2013 mais est confronté à d’importantes difficultés dans la mobilisation des ressources nécessaires pour la mise en œuvre de ces activités.

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Renforcement des capacités

Dans le cadre de l’appui institutionnel au Gouvernement Haïtien, depuis 2010 des progrès importants on été atteint : • Réponseauxurgences: renforcement des capacités logistiques et opérationnelles notamment par la création de

stocks de contingence et d’un réseau de télécommunication radio sur tout le territoire.• Nutrition : appui au Ministère de la Santé Publique et de la Population dans la mise à jour de la politique nationale

de nutrition, la préparation d’un plan stratégique de nutrition 2012-16, l’élaboration d’un protocole de prise en charge de la malnutrition et la formulation d’un projet de loi sur la fortification des aliments.

• Alimentation scolaire : appui au Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle dans l’élaboration d’une vision stratégique de l’alimentation scolaire d’ici 2030 avec un plan d’action de renforcement des capacités du Programme National de Cantines Scolaires et la signature d’un protocole d’accord entre le Gouvernement et le PAM définissant les modalités de l’assistance technique du PAM au renforcement des capacité du Programme Nationale des Cantines Scolaire (PNCS). Des partenariats très étroits avec le Ministère de l’Education, le Ministère de la Santé, la Banque Mondiale, l’UNICEF, l’OMS, et plusieurs bailleurs de fonds ont été établis afin d’apporter un appui coordonné.

• Achatlocaux : renforcement de l’unité de facilitation des achats locaux du Ministère de l’Agriculture dans son objectif de renforcer les liens entre producteurs et acheteurs. Ceci a permis, notamment par la formation et l’encadrement, à beaucoup de petits producteurs de pouvoir répondre aux normes requises par le PAM pour les achats locaux. Un partenariat avec le Ministère de l’Agriculture, des associations de producteurs et la FAO a été établis afin d’améliorer l’accès aux services agricoles, permettant ainsi d’augmenter les volumes et la qualité de la production locale.

• Créationd’opportunitésdetravailtemporaire : renforcement des capacités départementales de coordination des actions de travail contre espèce ou contre vivres du Ministère de l’Agriculture, du Ministère des Travaux Publiques et du Ministère de l’Environnement et appui au Ministère de l’Agriculture dans l’élaboration d’un manuel de mise en œuvre de tels travaux. Un partenariat avec le Ministère de l’agriculture, le PNUD, la FAO et IOM a été mis en place.

• Surveillancede la sécurité alimentaire : collaboration avec la Coordination Nationale de Sécurité Alimentaire dans le suivi, de façon participative à travers le Groupe Technique de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle, de la situation agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle.

• Surleplanopérationnel, grâce à un vaste réseau d’ONG principalement locales, le PAM est en mesure d’intervenir sur tout le territoire national. Entre 2010 et 2012, le PAM a travaillé avec plus de 107 ONG locales et 30 ONG internationales.

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PARTIE III

TÉMOIGNAGES 2010 - 2013

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Haïti sur la trajectoire des cyclones : Sandy, octobre 2012La saison des ouragans était presque terminée. Alors que beaucoup de familles luttaient déjà pour se remettre d’un été extrêmement sec, suivi de l’ouragan Isaac qui avaient endommagé ou détruit les récoltes de plusieurs régions du pays, Sandy a fait de nouveaux dégâts.

« Mes champs ont été inondés quand Sandy est passée, » dit Marie-Laurette Rémy, qui vit de l’agriculture et compte maintenant sur les rations alimentaires d’urgence du Programme Alimentaire Mondial. « J’ai perdu des tomates, des haricots et d’autres plants sur mes trois terres. »

Dans un pays où la grande majorité de la population rurale vit de l’agriculture et cultive des parcelles souvent minuscules, le moindre choc climatique peut faire basculer des familles entières dans l’insécurité alimentaire.

Marie-Laurette Rémy vit à Marigot, une petite commune du Sud Est d’Haïti blottie entre la mer et la montagne. L’eau et la boue ont déferlé sur les terres et les maisons quand Sandy est passée près de l’île à la fin du mois d’octobre. Plusieurs maisons ont été inondées. Les plantations et les bananeraies ont été endommagées et, dans certains cas, balayées ou enterrées sous la boue. Ici et dans beaucoup d’autres communautés du pays, les gens se demandent comment ils vont réussir à subvenir à leurs besoins maintenant que leur source principale de nourriture et de revenus a été emportée par les eaux.

« Des évaluations menées par les autorités haïtiennes en collaboration avec le PAM et d’autres partenaires ont vite démontré qu’une assistance alimentaire d’urgence était nécessaire, » explique Michael Cazeau, qui travaille pour le PAM à Jacmel et est en charge de la distribution d’urgence pour les gens de Marigot ce jour-là.

Dans les premiers jours suivant la tempête, le PAM a fourni une assistance alimentaire d’urgence à 16 000 personnes. Dans les semaines suivantes, l’agence des Nations Unies a continué à aider plus de 70 000 des familles les plus affectées en leur donnant de la nourriture, dont du riz acheté localement de petits agriculteurs de la région des Cayes.

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« La nourriture que je reçois aujourd’hui va m’aider à tenir le coup durant les prochaines semaines et j’en suis reconnaissante, » dit Tericia Jeudi après avoir reçu sa ration d’urgence du PAM composée de riz, de haricots, d’huile et de sel.

Elle montre sa maison qui a été largement épargnée. « L’eau est montée jusqu’au niveau de la porte, mais n’est pas entrée dans la maison, » explique-t-elle en montrant jusqu’où l’eau est montée. Mais, ajoute-t-elle, ses cinq petites terres agricoles ont été inondées. Sa bananeraie a tenu le coup cette fois-ci, mais elle dit que l’ouragan Isaac de cet été avait emporté ses régimes de bananes. Sur ses autres terres, ses pois congo, piments et autres plants ont été endommagés.

« Ce que je souhaite pour le futur, c’est une aide pour m’aider à bien irriguer mes terres et augmenter ma production, » dit Jeudi. Rassemblés au centre communautaire du village pour la distribution d’urgence, ils sont nombreux à exprimer ce désir. Protéger leurs petites parcelles en construisant des infrastructures pour mieux gérer l’eau de pluie les aiderait beaucoup, ils en sont convaincus. Ils souhaitent aussi que ces infrastructures soient construites grâce à des projets communautaires qui créeront des emplois temporaires.

Le PAM mobilise des ressources pour être en mesure de financer de tels projets qui ont le double avantage d’améliorer l’accès à la nourriture des plus vulnérables en créant des emplois temporaires, mais laissent aussi dans leur sillage des infrastructures durables pour aider les petits agriculteurs à augmenter leur production.

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Vivre dans les camps de Port-au-PrinceTrois ans après le séisme, il y a moins de tentes, moins de gens sur le site de l’ancien aéroport militaire de Port-au-Prince. Beaucoup ont trouvé un nouveau toit. Malgré cela, ils sont encore plusieurs milliers dans ce camp à vivre entre les carcasses de vieux avions et hélicoptères militaires.

Rousselène Jean espère encore quitter cet endroit qui est devenu chez elle il y a trois ans. Avec sa tante et son bébé Dawnsly, elle partage une cahute fabriquée avec des planches de bois, quelques bouts de tôle et recouverte de vieilles bâches. À l’intérieur, quelques vêtements et un lit étroit où les deux femmes et le bébé s’entassent pour dormir.

Si c’est l’heure du lunch et que le petit réchaud au charbon de bois est bien en évidence juste à l’entrée de la maison, personne ne cuisine. Il n’y a pas de nourriture chez Rousselène ce jour-là. Pour gagner sa vie, elle fait des lessives. Mais en ce moment, elle travaille peu. Elle et sa tante se débrouillent comme elles peuvent pour trouver au quotidien de quoi subvenir à leurs besoins. « Sans l’aide que je reçois, ce serait difficile d’avoir suffisamment à manger, » dit-elle en parlant des vivres du Programme Alimentaire Mondial qu’elle reçoit depuis le début de sa grossesse contre la malnutrition.

Son bébé est né il y a quelques mois à peine et Rousselène l’allaite toujours. Le petit Dawensly est potelé et a l’air en bonne santé. « Tout va bien, » dit sa mère. Les infirmières du centre de santé situé au milieu du camp qu’elle fréquente régulièrement confirment le diagnostic. Le porridge fait de farine de soja et de maïs enrichie, d’huile et de sucre qu’elle mange tous les jours continue de faire une grande différence.

« Je n’aurais jamais cru que ce serait encore comme ça trois ans plus tard,» dit Anne-Rose Saint-Preux, une des responsables du centre de santé géré par la Fondation pour le Développement de la Famille haïtienne (FONDEFH) et soutenu par le PAM, UNICEF et d’autres organisations. « Il y a toujours du monde. »

Le centre de santé du camp l’Aviation a été mis sur pied rapidement après le séisme pour pouvoir offrir des services de santé de base gratuitement aux milliers de déplacés. Trois ans plus tard, elle constate que la demande ne diminue pas mais que les gens viennent maintenant de plus loin pour avoir accès aux services de santé. Parmi les progrès

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des trois dernières années, elle constate que l’état nutritionnel des enfants, des femmes enceintes et des mères qui allaitent s’améliore. « On fait beaucoup d’éducation, dit-elle. Quand on voit une femme dès la grossesse, on ne va pas revoir les enfants malnutris. »

Sylvania Nelson est un bon exemple des succès de FONDEFH dans le camp. Elle doit accoucher au cours des prochaines semaines et a commencé à recevoir les suppléments nutritionnels du PAM dès le début de sa grossesse. Elle est aussi la mère d’une petite de près de trois ans, Erika, qui reçoit une pâte d’arachides fortifiée conçue spécialement pour prévenir la malnutrition.

La petite Erika, ne se doute peut-être pas que cette pâte d’arachides –ou mamba en créole- contribue à la garder en santé, mais elle sait que la boîte blanche et orange lui appartient. À peine sortie de la clinique, elle fouille dans le sac de produits du PAM que sa mère vient d’obtenir, récupère la boîte de pâte d’arachides et la garde précieusement contre elle.

La clinique et son personnel sont devenus familiers pour Sylvania. Sa tente est à quelques mètres à peine de la petite construction et elle y vient régulièrement depuis son ouverture. « L’approche préventive, ça aide beaucoup,» conclut Anne-Rose Saint-Preux de FONDEFH.

« Je souhaite que les choses redeviennent comme avant, » dit Ketelise Hérard, une jeune mère de 24 ans. Elle aussi habite le camp l’Aviation depuis ses tout débuts. Sa maison de Wharf Jérémie, un des quartiers de Cité Soleil, a été détruite par le tremblement de terre. Depuis, elle tente de refaire sa vie ici. Sans travail fixe, célibataire et seule pour prendre soin de son petit Wedson, elle s’est résolue à travailler comme marchande de rue. Avant, dit-elle, elle faisait des ménages et gagnait environ cinquante dollars par mois, mais elle n’arrive plus à trouver ce genre de travail.

Ketelise dit que trouver suffisamment à manger est un défi qu’elle n’arrive pas à relever tous les jours. Et quand ça ne marche pas : « Je vais chez une tante pour demander de l’argent, » explique-t-elle. C’est son mécanisme de dernier recours mais, dit-elle « je dois souvent aller chez ma tante. »

La clinique de santé du camp est devenue une bouée de sauvetage. Elle y vient depuis le début de sa grossesse et reçoit les suppléments nutritionnels du PAM. « Je suis capable de voir que mon bébé grandit bien, » dit-elle. Pour le moment, c’est ce qu’il y a de plus important.

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Lutter contre la malnutrition dans les zones ruralesPetit Goâve est au bord de la mer, à un peu moins de 70 km à l’ouest de Port-au-Prince. La région a été touchée par le séisme du 12 janvier 2010 et peine encore à se relever. Un peu à l’extérieur de la petite ville, sur un chemin de terre qui monte dans la colline, se trouve un centre de santé géré par Makaya-lib, une organisation locale soutenue par le Programme Alimentaire Mondial.

Chaque jour, la petite salle d’attente en plein air est bondée de femmes avec leurs jeunes enfants. Toutes savent qu’ici, elles peuvent obtenir des soins de santé de base gratuitement et des produits nutritionnels pour s’assurer que leurs petits grandissent en santé. Asséphie Jean est assise sur une chaise, juste à l’extérieur du bureau de l’infirmière. Avec son petit Ismaël sur les genoux, on a peine à voir qu’elle est enceinte. « De huit mois, » dit-elle avec un grand sourire. Elle est suivie au centre de santé depuis le début de sa grossesse et mange chaque jour une portion de Super Cereal, de la farine de soja et maïs enrichie qu’elle mélange avec de l’huile et du sucre et cuit ensuite en une sorte de porridge. Ismaël est aussi suivi régulièrement au centre de santé et reçoit des produits spécialisés pour prévenir la malnutrition. « Ça me soulage, » dit-elle des services qu’elle reçoit ici. « Ça aide mon bébé à bien grandir et à être en santé. »

Pour gagner sa vie, Asséphie vendait des vêtements usagés mais plus maintenant. Ismaël a été malade il y a quelques mois et elle a dû acheter des médicaments. Un imprévu qui l’a forcée à utiliser l’argent qui lui servait à faire tourner son commerce. Maintenant, dit-elle, elle espère trouver des fonds pour reprendre son activité. Malgré le manque de ressources, elle garde le sourire, son fils se porte bien, sa grossesse se passe bien aussi.

Dans la salle d’attente, les autres femmes écoutent. Les inquiétudes, les défis d’Asséphie Jean, elles les connaissent bien, elles les partagent. Marjorie Laguerre, qui est venue avec sa petite Naifca de 14 mois, explique que c’est souvent difficile de trouver suffisamment de nourriture pour cuisiner de bons repas pour sa famille. Les autres mamans hochent de la tête: « On partage la nourriture entre voisins et avec la famille, » disent-elles en cœur. « C’est la solidarité, » conclut Marjorie Laguerre.

Ce matin-là, comme chaque mois, elle repartiront avec des produits spécialisés mais surtout avec la garantie d’être bien armées pour lutter contre la malnutrition.

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École Rosalie JavouheyÀ l’École Rosalie Javouhey de Port-au-Prince, quelques jours après le séisme, les élèves ont commencé à revenir. « Ils avaient besoin d’être réconfortés », se souvient Soeur Marie-Bernadette, directrice de l’établissement, « mais ils cherchaient aussi quelque chose à manger ». L’école ne s’était pas effondrée, mais l’immeuble était tellement endommagé qu’il était dangereux de s’en approcher. Les classes n’avaient pas repris, mais ça importait peu. Le PAM fournissait les vivres et, chaque jour, Soeur Marie-Bernadette cuisinait pour ses élèves.

Plusieurs écoles ont fait de même et ont repris le programme de cantines scolaires plusieurs semaines avant la reprise des classes. « Si les élèves ne mangent pas ils ne voient pas, ils n’entendent pas, et ils n’apprennent pas.” affirme Sœur Marie-Bernadette.

Institution mixte Jeunesse Réunie

« Au son de la cloche, c’est l’embouteillage, » dit Joseph Jean Silence, directeur de l’institution mixte Jeunesse Réunie, une école située à La Saline, un des quartiers de Cité Soleil. Les deux étages de l’école se vident rapidement. Les enfants font quelques pas dans une ruelle étroite, traversent la rue et se mettent en file sous une bâche, devant de grandes casseroles où l’on a cuisiné du riz et de la sauce aux haricots, un plat traditionnel haïtien.

Quand il décrit son quartier, celui où il habite et où il dirige cette école depuis 1996, Joseph Jean Silence parle vite de ce qui préoccupe les parents de ses élèves: la sécurité, la pauvreté aussi. « Il y a beaucoup de problèmes économiques et sociaux, » explique-t-il. « Les parents vivent au jour le jour. » Il décrit des conditions de vie très précaires où l’alimentation des familles est déterminée par ce que les parents ont pu gagner ou emprunter ce jour-là. « Je viens à l’école parce que je sais que j’aurai à manger, » dit Pascal Papou, un petit de cinq ans pas du tout timide et à l’air espiègle. Il habite tout près de l’école avec sa famille et explique qu’il mange de bons repas chez lui aussi. « Mais ça n’arrive pas tous les jours, » concède-t-il.

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Quand Joseph Jean Silence a commencé à travailler dans cette école en 1996, il n’y avait pas encore de cantine scolaire. Un problème qu’il fallait régler. Selon Silence, la cantine scolaire joue un rôle essentiel. Il voit maintenant des enfants en meilleure santé, qui apprennent mieux et qui viennent à l’école tous les jours.

Son équipe de cuisiniers arrive à l’école tôt le matin pour que le repas cuisiné avec des aliments fournis par le Programme Alimentaire Mondial soit prêt à être servi dès 10h30.

Jackendy François aime les mathématiques et souhaite devenir médecin. À dix ans, il est l’aîné de sa famille. Sa sœur de six ans fréquente aussi l’école Jeunesse Réunie mais sa plus jeune sœur est encore trop jeune pour aller à l’école.

« À la maison, s’il n’y a pas assez d’argent, ça affecte les repas, » dit-il. Sa mère travaille comme marchande de rue. « Je rapporte souvent une partie de mon repas pour le donner à ma petite sœur, » explique Jackendy.

Son professeur ajoute qu’il n’est pas le seul à se priver d’une partie de son repas pour pouvoir partager avec sa famille. À l’école, on ferme les yeux sur cette petite entorse aux règles qui régissent le programme de cantines scolaires.

Le séisme du 12 janvier 2010 a durement touché ce quartier voisin du port de la capitale haïtienne. Plusieurs avaient trouvé refuge sous les tentes des camps érigés spontanément après le tremblement de terre. « Les gens reviennent, construisent de nouveaux logements, » constate Joseph Jean Silence. Mais dans bien des cas, les feuilles de tôle et autres matériaux de fortune ont remplacé le ciment, faute de moyens. Si chaque grosse pluie a toujours amené son lot de soucis et d’inondations dans le passé. C’est pire maintenant et les tempêtes de cet été n’ont pas aidé.

L’école Jeunesse Réunie est privée, comme la majorité des écoles en Haïti, et les parents doivent payer des frais de scolarité. Depuis l’an dernier, M. Silence reçoit des subventions du gouvernement haïtien pour couvrir les frais de scolarité des enfants de la première année et maintenant pour ceux de la deuxième année. « C’est une grande amélioration, » dit le directeur et surtout, ça permet à plus d’enfants de fréquenter l’école.

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Acheter en Haïti pour stimuler le secteur agricole

Un groupe de producteurs laitiers fournit du lait frais aux écoles de Port-au-Prince grâce à un projet pilote du Ministère de l’agriculture et du PAM, financé par le Brésil. Ce projet aide les producteurs à accéder à leur marché local et permet aux élèves de recevoir une source précieuse de vitamines et minéraux.

Jean-Claude Bélizaire représente le type de personne que le PAM considère comme étant incontournable dans sa stratégie de soutien à la production locale. Producteur laitier, Jean-Claude possède une petite ferme située dans une banlieue de Port-au-Prince.

Grâce à des producteurs comme lui, le PAM a pu mettre en place un projet pilote qui permet d’ajouter du lait frais aux repas scolaires distribués par le PAM dans le cadre du Programme National de Cantines Scolaires, une initiative du Ministère de l’éducation.

Outre le lait produit par son propre troupeau de 10 vaches, Jean-Claude collecte le lait auprès des fermes voisines et le transporte dans des bouteilles en plastique à la laiterie de Bon Repos. Cela fait partie des laiteries gérées par la coopérative Lèt Agogo (qui signifie ‘beaucoup de lait’ en créole). Les producteurs touchent 75 gourdes (environ 2 dollars) par gallon.

« Ce projet nous offre un moyen excellent de faire du commerce, » indique Jean-Claude, qui reçoit une rémunération supplémentaire pour les collectes qu’il effectue. « Les producteurs ont désormais un accès garanti aux marchés. »

Depuis 2010, le PAM a pu acheter 3 344 000 bouteilles de lait auprès de Lèt Agogo. En 2012, environ 17 700 écoliers reçoivent 2 bouteilles de lait par semaine dans 48 écoles.

« C’est un système qui marche bien, » affirme Clergé René de la laiterie de Bon Repos. « Chaque ferme ne produit que quelques gallons par jour mais avec un réseau de 150 producteurs, nous pouvons produire entre 60 et 120 gallons par jour. Nous fabriquons également du yaourt qui est vendu dans les supermarchés. »

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Le lait constitue un aliment de base en Haïti mais beaucoup d’haïtiens sont obligés d’acheter du lait importé qui coûte très cher ou encore de s’en priver. Avec une population bovine de 500 000, il existe un potentiel énorme pour augmenter la production locale en Haïti et ce sont des agriculteurs comme Jean-Claude Belizaire qui nous montrent le chemin.

De la rizière à la cantine scolaire Torbeck est une petite commune du sud d’Haïti, à environ quatre heures de route de la capitale. Ici, dans la vallée, on pourrait facilement se convaincre que tout le monde produit du riz et on ne serait pas très loin de la vérité. La plupart des agriculteurs passent leurs journées les deux pieds dans les rizières.

Ylmo Louinesse est l’un d’eux. Il travaille dans les rizières de Torbeck depuis son enfance. À trente-neuf ans, il loue près d’un hectare de terre et les revenus qu’il tire de cette modeste parcelle sont sa principale source de revenus.

Près de la moitié de ce que mangent les Haïtiens est importé.

Le gouvernement aimerait que ça change et augmenter la production agricole est une priorité. Mais pour cela, donner un coup de pouce à ceux qui comme Ylmo, passent la majeure partie de leurs vies à travailler dans les champs est essentiel.

En 2009, un groupe d’agronomes taïwanais est arrivé dans la région avec un mandat précis des autorités haïtiennes: aider les riziculteurs à améliorer leurs récoltes.

«Près de 70% du riz consommé dans le pays est importé», explique Shui-Sung Hsiang, qui dirige la mission d’assistance technique de la coopération taïwanaise en Haïti. Il croît qu’on pourrait renverser cette proportion. «Les riziculteurs pourraient en fait produire 70% du riz consommé par les haïtiens, ce qui laisserait un manque à combler par l’importation de seulement 30%, dit-il. Nous croyons que le pays a tout ce qu’il faut pour réaliser cet objectif.»

Quand les Taïwanais sont arrivés dans la région par contre, la production était faible. En moyenne, les agriculteurs arrivaient à faire pousser d’une à une tonne et demie de riz par hectare. Shui-Sung Hsiang et ses collègues estiment

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que les terres de la région ont la capacité de donner des rendements six fois supérieurs. «Avant, on plantait beaucoup de riz, mais on en récoltait peu», raconte Jacques Jonas Charles, un riziculteur et directeur d’une des associations locales. «Maintenant, grâce à l’assistance technique que nous recevons des taïwanais, nous sommes devenus de meilleurs agriculteurs. Nous nous occupons mieux de nos rizières, notre production a augmenté, nos revenus aussi,» dit-il.

Les résultats parlent d’eux-mêmes. En moins de trois ans, la production a triplé. Une belle avancée, mais qui a aussi cruellement mis en lumière d’autres problèmes du secteur agricole haïtien. Les espaces d’entreposage sont inadéquats ou inexistants ce qui veut dire que les récoltes doivent être vendues très rapidement parce que les riziculteurs n’ont pas d’endroits où conserver la nourriture. La commercialisation présente aussi des difficultés parce que le pays ne possède pas de système structuré de distribution de sa production agricole. «Parfois, on n’arrive pas à trouver d’acheteurs parce que le riz de tous les producteurs se retrouve sur les marchés de la région en même temps » explique Thélicène St-Félix, un riziculteur de Torbeck.

C’est la raison pour laquelle la coopération taïwanaise s’est adressée au PAM. Les agronomes savaient que l’agence des Nations Unies travaillait à augmenter la quantité de nourriture produite localement utilisée dans ses programmes et a offert une partie de la production de Torbeck à un prix compétitif. «Quand vous avez une organisation comme le Programme Alimentaire Mondial qui participe au développement d’un projet comme le nôtre, ça aide à motiver les agriculteurs à continuer un travail souvent ardu,» explique Pierre Jeune, le chef des opérations de la coopération taïwanaise à Torbeck. «Ils savent que leur produit trouvera preneur et qu’ils seront payés», ajoute-t-il.

Repas scolaires avec des ingrédients locaux

À l’été 2011, le PAM a acheté cinq cents tonnes de riz produit par Ylmo, Thélicène et leurs voisins. Le gouvernement du Canada a fourni les fonds pour cet achat avec comme condition que le riz soit utilisé dans les écoles, pour le programme de cantines scolaires. Le Brésil et la France ont aussi donné des financements importants pour des achats locaux de céréales. Fin 2012, un total de 8 340 tonnes metriques avait été acheté et l’Union des Nations d’Amériques du Sud (UNASUR) s’était ajouté comme donateur.

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Haïti: les femmes au travail dans le quartier de Carrefour

À Carrefour, une banlieue située juste à l’ouest de la capitale haïtienne, une association de femmes a passé près d’une année à préparer la reconstruction. Le séisme de 2010 a durement touché la ville. Un an et demi après, les cicatrices du tremblement de terre étaient partout.

«Quand on a commencé à travailler ici, les rues étaient encombrées avec les gravats », raconte Magdala Jean Pierre. Elle est à la tête du Mouvman Famn Aktif Kafou ou MOFKA, le mouvement des femmes de Carrefour. « C’est une organisation qui travaille depuis 1999 à l’intégration sociale des femmes, » explique-t-elle.

Immédiatement après le séisme, Magdala a commencé à élaborer un projet pour aider les femmes de sa communauté à se remettre sur pied. Pendant 10 mois, entre la fin 2010 et l’été 2011, elle a été en charge d’un grand chantier de ramassage de débris financé par le Programme Alimentaire Mondial et appuyé par les autorités locales.

« On a voulu déblayer les quartiers et permettre aux familles de reprendre une vie normale », dit-elle. Son projet n’était pas le seul du genre dans la zone affectée par le séisme, mais sur les chantiers de MOFKA, 80% des gens qui maniaient la pelle et poussaient les brouettes étaient des femmes.

Autre élément particulier, les gens travaillaient dans leur quartier, tout près de chez eux. Dans certains cas, ils se sont même attaqués aux ruines de leur propre maison.

« C’est mon premier emploi depuis le tremblement de terre », avait déclaré une travailleuse qui gagnait sa vie comme couturière avant que son univers ne bascule le 12 janvier 2010. Le séisme a détruit sa maison, ainsi que son équipement de couture. Avec son salaire, elle a réussi à nourrir sa famille et espérait économiser assez d’argent pour redémarrer son commerce. Le projet de Carrefour a employé plus d’un millier de personnes, qui ont travaillé six jours par semaine dans plus de quarante quartiers de Carrefour. Leurs efforts commencent ont porté fruit. Avant même la fin du projet, de nouveaux murs, de nouvelles structures commençaient dèjà à s’élever sur les sites dégagés.

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Protéger l’agriculture et réhabiliter les terres agricolesCerca Carvajal, comme son nom le laisse deviner, est une petite commune située non loin de la frontière avec la République Dominicaine, sur le Plateau Central.

L’été ici a été sec, très sec. « Nous n’avons pas eu de pluie entre la fin mai et le mois d’août, » explique Doanius Simon, qui comme presque tout le monde ici, vit de l’agriculture. Les récoltes d’été n’ont pas été bonnes et on se mise maintenant sur la saison d’automne-hiver en espérant que le petit mil et les pois congo pousseront bien.

C’est facile d’oublier qu’on est dans les Caraïbes. Il y a la chaleur, le soleil bien sûr, mais les montagnes qui entourent le village ont peu en commun avec celles des îles voisines, ou même celles de l’autre côté de la frontière. On distingue bien la silhouette des derniers arbres. On pourrait presque les compter.

La déforestation a emmené avec elle son lot de problèmes. Dans ce paysage vallonné, chaque grosse pluie est une menace pour les agriculteurs. « C’est l’inondation » dit Bernato Joseph, qui cultive une petite parcelle de terre au bas d’une colline. « L’eau de pluie dévale les flancs escarpés et emporte tout sur son passage ».

En 2010, le Programme Alimentaire Mondial a financé un projet soumis par l’Organisation de Développement de la Commune de Cerca Carvajal en collaboration avec les autorités locales. Val Vaudry, un des membres fondateurs de l’organisation voulait aménager des terres agricoles, en améliorer la productivité et protéger une des collines. Pendant deux mois, plus de mille personnes ont travaillé à la construction de terrassements sur le flanc d’une colline de Cerca Carvajal et ont aussi créé des rampes de paille pour retenir l’eau dans les terres de la petite vallée.

« Regardez mes pois congo, » dit Bernato Joseph, en montrant des plants plus grands que lui. « Avant, ils n’étaient jamais plus hauts que ceci, » ajoute-t-il en indiquant avec sa main une hauteur à mi-jambe. La rampe de paille construite par les travailleurs en 2010 agit comme une sorte de barrage miniature qui retient l’eau de pluie et lui permet de bien arroser son petit jardin pendant plusieurs jours. « Avant, l’eau passait tout droit et mon jardin séchait, » conclut Bernato.

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Le résultat est remarquable. Le jardin de Bernato est verdoyant. À côté, là où il n’y a pas d’infrastructures pour retenir l’eau, il y a peu ou pas d’agriculture. À quoi bon planter si on sait que ça ne va pas pousser, se disent les agriculteurs.

Sur la colline, les murs secs sont visibles de loin. L’hectare de terre où le projet a été réalisé est rayé de murs en pierres blanches, mais il est aussi beaucoup plus vert. « La production agricole a augmenté, » dit l’un des anciens travailleurs. « La terre reste en place quand il pleut, les plants aussi. »

Deux autres avantages que tous ont pu constater : les terres aménagées ont beaucoup mieux résisté à la sécheresse de cet été ainsi qu’aux fortes pluies amenées par les tempêtes Isaac et Sandy.

« On aimerait beaucoup continuer à construire des murs secs, » dit Antoine Saint-Auvert. « Ce travail a été très utile, » enchaînent les autres travailleurs. Dans cette zone rurale, où l’insécurité alimentaire est élevée, le projet a créé des revenus pour des centaines de familles, et près de la moitié étaient des travailleurs étaient des femmes.

Ce qu’ils souhaitent plus que tout, c’est de pouvoir continuer à aménager leurs collines dénudées. Ils voient bien les résultats à long terme et aimeraient qu’un plus grand nombre d’agriculteurs puissent en bénéficier. Ils aimeraient aussi voir le retour des travaux temporaires.

« Les revenus nous ont beaucoup aidés, » disent-ils tous. Ils ont aussi beaucoup d’autres projets d’aménagements. « J’aimerais que nous puissions aménager des bassins pour faire une pisciculture, » dit Val Vaudry. Un projet parmi plusieurs que les gens de Cerca Carvajal espèrent réaliser pour améliorer leur qualité de vie.

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Le PAM comme catalyseur de solutions durables

Lors de son premier voyage en Haïti en tant que Directrice exécutive du PAM, Mme Ertharin Cousin a affirmé l’engagement du PAM à soutenir Haïti pour parvenir à des solutions durables dans la lutte contre la faim et la malnutrition.

Au cours de sa visite de trois jours, Mme Cousin a rencontré le Président Michel Martelly, le Premier Ministre Laurent Lamothe et plusieurs de ses Ministres. Ils ont convenu de travailler ensemble pour développer des programmes durables, liant l’alimentation scolaire et l’éducation au renforcement de la production locale. « J’ai eu la chance de rencontrer les enfants qui reçoivent un repas chaud à l’école chaque jour, dont le lait que le PAM achète auprès d’une laiterie locale. En travaillant avec la communauté locale, nous agissons comme un catalyseur pour offrir des débouchés aux petits agriculteurs d’Haïti, tout en assurant aux enfants démunis une éducation et des repas nutritifs», a déclaré Mme Cousin.

« ... Nos priorités en termes d’assistance alimentaire sont claires: parmi elles l’alimentation scolaire, les achats locaux, et le renforcement institutionnel. L’accord qui est signé aujourd’hui vise essentiellement aux renforcement du PNCS, pour que cette institution puisse assurer pleinement ses responsabilités de façon à ce que la communauté internationale puisse se desengager peu à peu ... De nombreux autres partenaires se sont unis sous le leadership du PNCS et sans pouvoir les citer tous j’aimerais saluer la présence des représentants de la Banque Mondiale, du Brésil, du Canada, de l’USAID, de l’UNASUR, de l’Espagne, de la Suisse et noter que nombreuses ONG nationales et internationales appuient la mise en oeuvre du programme. Je les en remercie tous car sans leur engagement quotidien aux cotés du Gouvernement, les avancés de ces derniers mois n’auraient pas été possibles. Je vous invite donc tous à poursuivre avec cette collaboration afin d’oeuvrer en faveur d’une autonomisation et d’un renforcement durable du PNCS.... »

Extrait de l’allocution du Premier Ministre d’Haiti à l’occasion de la signature du protocole d’accord entre le Gourvernement de la Republique d’Haiti

et le Programme Alimentaire Mondial sur l’alimentation scolaire en Haiti, 13 décembre 2012, Port-au-Prince

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Crédits

Page de couverture : PAM/ Byron Poncesegura, Page 12, 14: PAM/ Stacie Bourne, Page 16 : PAM/ Raphy Favre, Page 18 : PAM/ Alexis Masciarelli, Page 20 : PAM/ Raphy Favre, Page 24 : PAM/ Elio Rujano, Page 28 : PAM/ Raphy Favre, Page 31 : PAM/ Byron Poncesegura, Page 32 : PAM/Raphy Favre, Page 34 : PAM/ Jean-Max Saint Fleur, Page 38 : PAM/Anne Poulsen, Page 40 : PAM/Stacie Bourne, Page 42 : PAM/ Rein Skullerud, Page 44 : PAM/ Byron Poncesegura, Page 48 : PAM/Stephanie Tremblay, Page 50 : PAM/ Byron Poncesegura, Page 52 : PAM/ Marco Frattini, Page 54 : PAM/Stéphanie Tremblay, Page 56 : PAM/ Jean Max Saint Fleur, Page 58 : PAM/ Anne Poulsen, Page 60 : PAM/Stéphanie Tremblay, Page 62 : PAM/ Alejandro Chicheri, Page 64 : PAM/ Courtoisie du Nouvelliste, Page 68 : PAM/Jean Max Saint Fleur, Page 70, 72, 76, 78, 80, 82, 84, 86, 88, 90, 92 : PAM/ Stéphanie Tremblay, Page 94 : PAM/Alejandro Chicheri.

Imprimé en Haiti - décembre 2012Graphiste: [email protected]

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Haïti 2010-2013VERS DES SOLUTIONS DURABLES