16
www.cathobel.be Numéro 15 Hebdomadaire du 12 avril 2020 Bureau de dépôt : Charleroi X • Agréation N° : P305034 - 1,50€ PÂQUES La croix qui (se) renouvelle TOUTE L’ÉQUIPE DE CATHOBEL VOUS SOUHAITE UNE SAINTE FÊTE DE PÂQUES TIBÉRIADE: UN CONFINEMENT AU CŒUR DU CONFINEMENT P.3 PATRICK MASSCHELEIN, PRÊTRE MISSIONNAIRE À HONG KONG P.4 GÉRALDINE de RADIGUÈS, UNE COACH PLEINE DE VIE P.6 © Adobe Sock Dossier pages 7 à 9

Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

www.cathobel.beNuméro 15 Hebdomadaire du 12 avril 2020Bureau de dépôt : Charleroi X • Agréation N° : P305034 - 1,50€

PÂQUESLa croix qui (se) renouvelle

TOUTE L’ÉQUIPE DE CATHOBEL VOUS SOUHAITE UNE SAINTE FÊTE DE PÂQUES

TIBÉRIADE: UN CONFINEMENT AU CŒUR DU CONFINEMENTP.3

PATRICK MASSCHELEIN, PRÊTRE MISSIONNAIRE À HONG KONGP.4

GÉRALDINE de RADIGUÈS, UNE COACH PLEINE DE VIEP.6

© A

dobe

Soc

k

Dossier pages 7 à 9

Page 2: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

Edito

P ierre et André étaient pêcheurs, Matthieu collecteur d’impôts…

Douze hommes ont tout quitté de leur vie quotidienne pour suivre Jésus. Dimanche dernier, cette équipe très soudée s’est senti sou-tenue par les "Hourra! Hosanna!" criés par la foule qui faisait une haie d’honneur pour que leur maître spirituel entre à Jérusalem. Ils sont galvanisés par ce qu’ils ont vécu ces dernières années avec Jésus à leurs côtés: ils ont certes parfois eu faim, mais Jésus y a pourvu (les cinq pains et deux poissons); ils ont connu la tristesse (la mort de Lazare), la fatigue et parfois aussi la compétition. Mais surtout, Jésus a fortifié leur foi dans un avenir meilleur, même si c’était au prix de souffrances immédiates. Il en est de la Semaine sainte comme de ces jours que nous vi-vons intensément parce qu’ils sont différents de notre vie quotidienne. Avec le recul, nous pouvons recon-naître le côté particulier de cette période, par ce qu’elle a révélé les hommes à eux-mêmes. Quelqu’un qui accompagne un proche qui souffre, dans les derniers instants de sa vie, ressent - me semble-t-il - les émotions similaires à ce que les disciples ont pu vivre avec la Crucifixion de Jésus. Même Pierre qui était persuadé d’être assez fort pour défendre Jésus jusqu’au bout s’est endormi et l’a même renié. Et après? Ces douze hommes ainsi que la foule plus large qui l’ont ac-compagné dans ses divers périples se trouvent abattus. Ils ont perdu Celui qui les guidait. Ils auraient pu envisager de reprendre leur vie d’avant, en modifiant éventuelle-ment leur attitude en fonction de ce que Jésus leur avait appris en matière de justice, d’attention aux plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement des mois et des années passés avec leur maître. Mais aussi, et surtout, à partir de l’horizon nouveau ouvert par la résurrection. Une épreuve comme celle que nous vivons actuellement abouti-ra-t-elle aussi à cette remise en question fondamentale? Après le confinement, quelles nouvelles dispositions prendrons-nous pour que nos vies soient plus riches de tendresse et de présence aux autres?

✐ Anne-Françoise de BEAUDRAP

DIMANCHE N°15 12 avril 20202 BELGIQUE

ÉDITO

Une révolution

© C

atho

Bel

En pleine crise sanitaire, les représentants des différents cultes en Belgique ont publié une déclaration commune. Il y expriment notamment leur reconnaissance envers le personnel soignant, et leur soutien aux malades et aux familles des per-sonnes décédées du Covid-19.

Tout est devenu très calme aujourd’hui. Ce que nous vivons est du jamais vu. Nous pensions que de tels événements ne

pouvaient plus se produire, jadis peut-être et sans doute ail-leurs mais sûrement pas dans une société développée comme la nôtre." Ainsi que débute la déclaration signée par les repré-sentants des communautés juives, chrétiennes et musulmanes à savoir le Cardinal Jozef De Kesel, le Pasteur Steven Fuite, le Grand Rabbin Albert Guigui, le Dr. Geert W. Lorein, Maître Philippe Markiewicz, le Chanoine Dr Jack McDonald, Monsieur Mehmet Üstün et le Métropolite Athenagoras Peckstadt.

Rester unis Cette crise sanitaire révèle la fragilité de l’homme et nous ôte l’illusion de la toute-puissance, peut-on notamment lire. Mais dans cette "insécurité et cette angoisse germe cependant un signe d’espoir et de force", se réjouissent les signataires, au tra-vers de l’extraordinaire solidarité qui s’exprime tous azimuts. Les représentants des cultes expriment aussi leur soutien aux victimes du virus: ceux qui sont contaminés, ceux qui sont hos-pitalisés, principalement ceux qui en sont décédés et les familles qui vivent cela de très près. Mais partagent aussi leur vive re-connaissance à l’égard de tous ceux qui s’investissent corps et âmes dans cette lutte contre Covid-19 : les médecins, le person-nel soignant et les nombreux bénévoles ainsi que tous ceux qui continuent d’assurer les services indispensables malgré l’arrêt de la vie sociale.

Si nous sommes obligés de garder nos distances, cela ne peut nous empêcher de "rester unis plus que jamais". Rappelant aussi que "c’est notre humanité qui nous lie profondément les uns aux autres", faisant de nous "des compagnons de route, responsables les uns des autres", et ce peu importe nos convic-tions religieuses.

Prière et solidarité"Nos communautés ne peuvent plus se rassembler pour prier dans les synagogues, les églises et les mosquées. Mais la soli-darité et le devoir de la prière restent toujours d’application". Cette déclaration est donc aussi un appel à prier "chacun selon sa propre tradition, pour les malades et les mourants et ceux qui les assistent". En attendant la fin de cette crise, "nous espérons aussi, qu’une fois passée, nous n’oublierons pas trop vite ce qui nous est arri-vé". Oublier serait augmenter notre fragilité alors que cette crise doit pouvoir "nous ouvrir les yeux et nous aider à revoir nos priorités, tant dans notre vie privée que dans la vie en société". Et de formuler le vœu que nous puissions prendre conscience que "nous avons besoin les uns des autres". Et les religions peuvent jouer un rôle important dans cette recherche de nou-velles formes d’hospitalité, de solidarité et de fraternité.

✐ S.D.

DÉCLARATION DES REPRÉSENTANTS DES CULTES EN BELGIQUE

"Rester unis plus que jamais"

Dans un communiqué conjoint, Mgr Jean Kockerols, évêque auxiliaire

pour Bruxelles, et le père Abbé de l’Abbaye de Leffe, Benoît Carniaux O. Praem, ont annoncé ce jour la nouvelle. Ils rappellent qu’il y a sept ans, la com-munauté des Chanoines Prémontrés de l’abbaye Notre-Dame de Leffe avait répondu favorablement à la demande de l’Eglise de Bruxelles d’envoyer quelques-uns de ses membres à la Cambre. "C’était une façon de réins-taurer une vie religieuse régulière dans ce site incomparable. C’était aus-si une façon originale d’inscrire cette église dans la dynamique de l’Unité pastorale Sainte-Croix, avec ses autres clochers: Sainte-Croix, Saint Boniface et Saint Adrien", stipule le texte."C’est ainsi que les pères Hugues Bada et Tanguy Rivière sont venus vivre et prier à la cure de l’abbaye et ont animé avec beaucoup de cœur la pastorale locale. Les célébrations ont attiré de plus en plus de personnes", précisent encore Mgr Kockerols et le père Abbé de Leffe. Mais ils ajoutent: "Il était cependant devenu de plus en plus difficile, vu les défis pastoraux de l’Eglise de Bruxelles d’une part, et les enjeux propres à l’abbaye de Leffe

BRUXELLES

Les Prémontrés quittent La CambreInstallée depuis sept ans à l’abbaye de la Cambre, les chanoines Prémontrés quitte-ront celle-ci vers la fin de l’été.

d’autre part, de maintenir telle quelle cette présence."

Réflexion conjointeFace à cette situation, une réflexion conjointe a eu lieu avec les principales personnes concernées. Et même si des alternatives ont bien sûr été envisa-gées, le constat a été qu’au terme de cette réflexion, la collaboration telle que mise en œuvre depuis sept ans, ne pouvait plus se poursuivre. Une déci-sion qui a été prise "avec infiniment de peine et de regret" tant du côté de l’abbaye de Leffe que de l’Eglise de Bruxelles.Dès lors, les Chanoines Prémontrés

de Leffe quitteront la Cambre vers la fin de l’été. "Nous savons com-bien ce départ suscitera de l’émoi et de la tristesse. Mais nous vous invi-tons surtout à rendre grâce pour tous les fruits reçus de Dieu et partagés ensemble", concluent le père Abbé Benoît Carniaux O. Praem et Mgr Jean Kockerols, qui se confient à la prière des fidèles, ajoutant: "Il n’est pas fa-cile d’exercer une responsabilité dans l’Eglise en ces temps exigeants. Nous avons d’autant plus besoin de votre soutien et de votre collaboration. Que le Seigneur nous guide et nous accom-pagne."

✐ J.J.D./CP

©D

R

Page 3: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

3DIMANCHE N°15 12 avril 2020 BELGIQUE

Habitués de s’isoler temporairement, les religieux installés à Lavaux-Sainte-Anne proposent quelques pistes pour vivre cette période au mieux.

Un confinement au cœur du confine-ment, c’est ce que vivent six frères

de Tibériade depuis deux semaines. Un petit groupe est isolé du reste de la communauté puisque ses membres souffrent de quelques symptômes du Coronavirus. Même distants, "il y a une grande attention fraternelle entre nous" comme cela peut se ressentir au sein d’une famille éloignée géographi-quement. Dans le cas de Tibériade, la notion de service se ressent plus forte-ment. Frère Marc raconte: "Nous prépa-

FRATERNITÉ DE TIBÉRIADE

"Dieu ne veut pas de cette souffrance"

La chapelle de Tibériade, en temps de confinement.

rons les repas de nos frères avec atten-tion, nous prions en union avec eux." La communauté n’étant plus occupée à accueillir des pèlerins ou des visiteurs extérieurs, l’attention fraternelle se porte mutuellement entre frères. Cette expérience de l’isolement social qui est imposée par les mesures sani-taires n’est pas sans rappeler leur vécu de "désert" chaque lundi. Dans la vie habituelle de Tibériade, ce jour-là les frères et sœurs se retirent dans des ermitages pour un temps de solitude

et de prière, un cœur-à-cœur poussé avec Dieu. Frère Marc reconnaît que "nous avons choisi de vivre cette soli-tude de manière positive, puisque nous la savons habitée par la présence du Seigneur à nos côtés. Aujourd’hui, nous sommes en communion avec ceux qui la vivent moins bien." Alors, quels conseils les religieux de Lavaux-Sainte-Anne peuvent-ils donner pour vivre ce quoti-dien d’isolement?

De la couleur au quotidienFrère Marc parle d’abord de l’attention à tous ces petits détails qui embellissent la vie. "Je me souviens qu’une coccinelle est venue se poser sur mon missel. Plutôt que de la chasser, j’ai pris le temps de la regarder." Un autre exemple avec la préparation des repas: les frères font attention à mettre de la gaieté dans l’as-siette en jouant sur plusieurs couleurs et saveurs. Rien de trop compliqué bien sûr, en fonction des ingrédients dispo-nibles. Si la communauté de Tibériade a la chance de pouvoir s’inspirer de la nature environnante, c’est plus difficile en appartement. Frère Marc propose alors de faire appel à la créativité pour réinventer son décor quotidien. Ranger, repeindre éventuellement, planter quelques fleurs sur la terrasse… Bref, mettre de la couleur pour que le prin-temps apparaisse plus clairement. Ce temps de confinement donne certes moins d’occasions de côtoyer du monde extérieur, mais sans doute plus de temps

pour voyager intérieurement. Frère Marc fait par exemple quelques sug-gestions pour la Semaine sainte: relire la Parole de Dieu à raison d’un chapitre chaque jour, faire son chemin de croix en marchant dans le quartier ou encore se renseigner sur le saint du jour.

Les dons de DieuLes jours où nous sommes limités en sortie extérieure donnent l’occasion de s’intéresser également à ce qui se vit ailleurs, grâce à Internet, la télévision, le téléphone ou la radio. Frère Marc propose encore de réfléchir en fin de journée, à la manière dont Dieu a pu faire signe par des petits clins d’œil dont Il est le spécialiste. "Tiens, Untel m’a appelé, ça m’a fait du bien…" Le religieux remarque: "Notre œil a besoin de voir ces petites choses, elles font du bien au moral."Finalement, la communauté de Tibériade subit autant que le reste de la population les effets du coronavirus. Les risques de propagation du Covid-19 sont venus interrompre la mission qui se dé-roulait à Liège début mars. Et pourtant, la présence des frères de Tibériade était très appréciée: "Les gens étaient éton-nés de cette rencontre immédiate entre nous." Une chaleur humaine et un es-prit de famille qui sont très présents au sein et autour de Lavaux-sainte-Anne, confinement ou non.

✐ Anne-Françoise de BEAUDRAP

© F

rate

rnité

de

Tibé

riad

e

S i le confinement est difficile à supporter pour des personnes habituées à une certaine liberté

de circulation, il l’est autant voire davantage pour les prisonniers qui sont déjà privés de cette liberté. En raison des mesures de lutte contre la propaga-tion du Covid-19, toute restriction supplémentaire fait sentir ses conséquences sur les maisons d’arrêt et centres pénitentiaires. Les détenus ne bénéficient plus d’aucune visite de la part de leurs familles. Les effectifs des gardiens de prison sont réduits en rai-son des malades ou des personnes qui se mettent en confinement pour éviter un éventuel risque de pro-pagation. Les détenus sont donc restreints dans leurs activités à l’intérieur de l’établissement. Dans une lettre adressée aux prisonniers, Mgr Warin relève que la mesure fédérale "ajoute du confinement au confinement que vous vivez déjà".En France, la prison de Fresnes compte déjà des victimes parmi les détenus, mais aussi parmi le per-sonnel. Maître Alexandre-M. Braun, avocat parisien, rappelait dans une tribune ouverte: "Les prisons sont un lieu privilégié de développement des infections,

du fait d’une promiscuité inhérente à leur fonction, et qui est encore aggravée par la surpopulation pé-nitentiaire." Cela inquiète les détenus qui, en pre-mier lieu, se sont rebellés fin mars dans plusieurs prisons, notamment en province de Luxembourg (Arlon, Marche-en-Famenne…). Ce risque de conta-mination dans un environnement restreint pourrait aussi avoir contribué à pousser un autre détenu au suicide, à la prison de Saint-Gilles. Pour compenser la privation des visites familiales, les pouvoirs publics ont accordé du temps supplé-mentaire par téléphone. Les autorités fédérales ont aussi prévu de transférer tout cas grave de détenus malades à la prison de Bruges pour éviter la pro-pagation au sein des autres établissements. Par ail-leurs, les bénévoles s’organisent comme ils peuvent pour maintenir un lien téléphonique ou virtuel avec les prisonniers. Dans le Hainaut par exemple, une action organisée par les aumôniers de prison pro-pose d’envoyer des lettres aux détenus par leur biais.

✐ A-F de BEAUDRAP

TENSIONS DANS LES PRISONS

Enfermement au carréLes observateurs pénitentiaires s’inquiètent de la situation des détenus. Leur sort ne doit pas être oublié.

AU 0800 146 89LA CROIX-ROUGE À VOTRE ÉCOUTE

Depuis le week-end du 21 mars, les inter-venants psychosociaux de la Croix-Rouge

de Belgique sont aux côtés des profession-nels de la ligne téléphonique mise en place gratuitement, à la demande du SPF Santé publique. Les membres de la Croix-Rouge interviennent en seconde ligne et répondent aux appels des personnes "désemparées, in-quiètes, anxieuses ou en panique", comme le précise Emmanuel Tonneau, coordina-teur pour le Sisu, le Service d’Intervention Psychosociale Urgente de la Croix-Rouge. Chaque jour, onze personnes se relayent de 8h à 20h pour gérer une cinquantaine d’appels, d’une durée variable de 15 minutes à 1h30. En outre, ils apportent un soutien aux secouristes, aux ambulanciers et aux infirmiers, directe-ment confrontés à la pandémie. Sur le site Internet de la Croix-Rouge, un journal de bord retrace le quotidien des équipes. "L’écoute est la base de la psychologie de crise. Surtout par téléphone. On ne peut pas s’appuyer sur un regard, proposer un sourire ou tenter un geste, même lointain. Ici, il n’y a que la voix. Dans notre monde saturé d’informations visuelles, on sous-estime souvent le son. Mais c’est un vecteur puissant." (A.T.)

Page 4: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

V ivre à Hong Kong aujourd’hui, c’est vivre… confiné! Depuis février, les

églises sont fermées. Les offices de la Semaine sainte ont été annulés. "Nous les célébrerons en ligne ainsi que le Chemin de Croix", indique le père Masschelein, en précisant que d’ha-bitude entre 2.000 et 3.000 adultes sont baptisés à Pâques! La catéchèse continue cependant, par vidéo et ordinateur. "Mais dans ma paroisse urbaine, il n’y a parfois qu’un ordi-nateur pour toute une famille. Il n’est donc pas aisé de suivre une catéchèse en ligne. De même, la vie dans un petit appartement, sans jardin, est aussi très difficile." Le coronavirus a aussi anesthésié la révolte de l’été dernier. Mais le feu couve encore…

Hong Kong est-elle toujours sous la pression sociale des manifestations de l’été dernier?A cause de l’épidémie du Covid-19, les manifestations se sont calmées. Le problème n’est pas pour autant résolu. Je rappelle le contexte, qui est lié aux inquiétudes anticipatives pour ce qui se passera en 2047, la fin du régime de facilité pour Hong Kong. L’île fera alors à nouveau partie de la Chine communiste. Les jeunes notam-ment veulent garder plus de libertés, ce contre quoi l’Empire communiste réagit.L’Eglise catholique a une position dif-ficile dans ce contexte, puisqu’elle ne veut pas se mettre la Chine à dos. Bien sûr, certains prêtres sont du côté des jeunes, quelques églises ont accueilli les manifestants qui fuyaient quand ils étaient poursuivis. Par ailleurs, l’Eglise catholique prône plutôt les mouvements anti-violence et le dia-logue. De leur côté, les jeunes pensent n’obtenir une solution que par la vio-lence. On voit que la crise s’est aggra-vée à cause de la haine.

Quelle est votre propre expérience de la Chine?J’y étais il y a à peine trois mois pour l’ordination sacerdotale d’un jeune confrère. Ce prêtre a été ordonné dans sa région natale, dans le nord de la Chine. Une région qui a été évangé-lisée il y a une centaine d’années par les Pères Scheutistes. Des centaines de Belges ont contribué historique-ment à cette mission d’évangélisation, dont certains sont devenus martyrs dans les années 1900. Aujourd’hui, la simple idée d’évangéliser la Chine continentale est impossible.Je suis parti avec un groupe de pa-roissiens, doté d’un simple visa tou-

Depuis 1974, le père Patrick Masschelein exerce son ministère à Hong Kong. Il a notamment participé à la construction d’une église qui acueille aujourd’hui des milliers de fidèles. Il nous livre un écho de son vécu sur cette île au statut privilégié... pour le moment.

ristique d’une semaine. Evidemment, quand nous étions sur place, pas ques-tion d’entamer de grands discours sur la foi puisque le pouvoir chinois s’y oppose formellement.

A Hong Kong, un grand nombre d’adultes est baptisé chaque année. Comment expliquer ces conversions?La population adulte a souvent un travail, les gens sont heureux maté-riellement. Ils ressentent un vide spi-rituel. Ils cherchent de quoi donner un sens à leur vie, il leur manque quelque chose. Ce vide peut être comblé par les réponses qu’ils obtiennent. En temps habituel, hors période de confinement, les adultes qui se pré-parent au baptême suivent chaque semaine un cours donné par des vo-lontaires. Leur conversion est géné-ralement acceptée par les familles, puisque l’Eglise catholique a une bonne réputation. A l’échelle des enfants, une Sunday School (école du dimanche) est prévue à l’église. Quelque trois cents enfants de l’âge de l’école primaire se rassemblent pour un cours qui les prépare à la première communion, etc. La catéchèse se ter-mine par une messe qui est adaptée pour eux: l’ambiance est très joyeuse, ils chantent et font des gestes. Nous n’avons même pas assez de place dans l’église pour accueillir tous les enfants et leurs parents!

Il faut disposer de nombreuses forces vives pour répondre aux attentes…Il y a des mouvements très actifs dans la paroisse en plusieurs directions: je pense d’abord à la société Saint Vincent de Paul, présente auprès des personnes dans le besoin. D’un autre côté, la Légion de Marie permet de raviver sa vie spirituelle. Je n’oublie pas ceux et celles qui vont porter la communion aux personnes malades et aux personnes âgées. Dès que j’ai be-soin de monde pour tel ou tel service paroissial, je lance l’appel et plusieurs volontaires y répondent. Les gens sont vraiment prêts à rendre service. Cela tient peut-être à la démarche présen-tée dès la préparation au baptême: on y apprend qu’être chrétien ne consiste pas seulement à aller à la messe, mais aussi à être actif dans la société.

Quelle est la place de l’Eglise catho-lique dans la société?Hong Kong compte à peine 3% de ca-tholiques et 5% de protestants. Donc moins d’un habitant sur dix croit en Dieu. Nous ne sommes qu’une petite

minorité. L’un des moyens de faire connaître notre foi passe par le rôle des écoles catholiques, dans lesquelles des cours de religion sont proposés. Comme ces écoles ont bonne réputa-tion, les parents cherchent à y inscrire leurs enfants.Pour moi en tant que prêtre, c’est une grande joie d’accueillir les gens en recherche de sens, de les mettre à l’aise et de répondre à leurs questions. Quand je célèbre un enterrement par exemple, une partie de la famille est catholique, l’autre partie ne l’est pas. Ils montrent même parfois quelques a priori contre les cathos. J’essaie d’y répondre. Je constate une nette progression du nombre de croyants: en dix ans, quelque 30.000 personnes se sont converties! Dans le même temps, je remarque que les gens sont de plus en plus matérialistes, c’est regrettable.

Comment êtes-vous arrivé à Hong Kong, venant de Comines en Belgique?Oh, cela remonte à loin… Quand je faisais mes études au séminaire (à Jambes à l’époque) chez les Pères Scheutistes, ils m’ont demandé "Vers quelle région souhaitez-vous aller?" J’ai répondu spontanément: "En Asie, là où c’est le plus nécessaire". Quand on m’a annoncé le lieu précis où j’étais envoyé, je ne savais pas où était Hong Kong. J’ai dû regarder dans un atlas. Une fois décidé, j’ai été obligé d’apprendre et de perfectionner mon anglais avant de partir. Car les cours de chinois pour débutants étaient don-nés en anglais (sourire). Très peu de personnes parlent le français à Hong Kong.Cela fait quarante-six ans que j’exerce ici ma mission. Quand je rentre en Belgique, j’avoue être perdu. Je ne peux que difficilement retrouver ma

direction si je me rends à Bruxelles. Heureusement maintenant, les com-munications entre Hong Kong et la Belgique sont facilitées par Internet. Quand on pense qu’au tout début de ma mission, j’écrivais une lettre pos-tale à ma famille pour donner des nou-velles.

Pouvez-vous nous raconter un des moments-phare de votre carrière à Hong Kong, la fondation d’une église?J’étais le curé d’un village de refu-giés, qui s’appelait Rennie’s Mill, situé au bord d’une baie: Junk Bay, la Baie des Jonques. Vers la fin des années 1980-1990, le gouvernement a décidé d’assécher cette baie, et d’y construire une nouvelle ville. Résultat, le village de Rennie’s Mill fut détruit, y compris la belle petite église où j’avais travaillé vingt ans en tout.Ma paroisse avait disparu, mais à côté, une nouvelle ville naissait sur un terrain asséché. Tout naturelle-ment, l’évêque m’a demandé de faire des plans pour y construire une nou-velle église. Cela a pris de nombreuses années, d’immenses travaux, plus de douze millions d’euros, et des tas de soucis, des problèmes, et des cheveux blancs... J’y ai célébré la toute pre-mière messe en 1990, bien avant que l’église Saint-André ne soit inaugurée une dizaine d’années plus tard. Il y avait soixante personnes à cette pre-mière messe. Aujourd’hui, on y célèbre sept messes en chinois, trois messes en anglais. Cette église rassemble des milliers de participants. Et environ un demi-million d’habitants dans cette nouvelle ville qui a pris le nom chinois de "Tseung Kwan O."

✐ Recueilli par Anne-Françoise de BEAUDRAP

ECHOS DE LA MISSION

Un Belge à Hong Kong

Le père Patrick Masschelein, lors d’une messe dans l’église Saint-André, à Tseung Kwan.

4 INTERNATIONAL DIMANCHE N°15 12 avril 2020

© D

R

Page 5: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

L’UE FACE AU CORONAVIRUS

Les Etats membres divisés

La crise sanitaire mondiale actuelle fait ressurgir les pro-fondes divisions de l’Union européenne. Le manque de

solidarité entre ses Etats membres est patent, comme en témoigne l’échec du sommet du 26 mars dernier.Pour Enrico Letta (photo), ancien président du Conseil ita-lien et aujourd’hui à la tête de l’Institut Jacques Delors, la pandémie du Covid-19 est la plus importante crise de l’après-guerre, plus négative dans ses effets que la crise financière de 2008. Elle dévoile un approfondissement des clivages entre les Etats de l’UE. "Il y a d’abord le clivage sanitaire, tous les pays ne sont pas touchés de la même manière", déclare-t-il. "Puis, il y a la réponse commune à apporter, un clivage sur les solutions. Ces derniers jours, les décisions du gouvernement hongrois préfigurent aussi d’un clivage démocratique. C’est une profonde crise qui divise l’Europe, et met donc en difficulté ses valeurs."La question des "coronabonds" (proposition d’émettre des obligations paneuropéennes mutualisées, NDLR) et de la mutualisation de la dette, en particulier, cristallise les ten-sions. Pour Enrico Letta, il faut avancer sur la question des bonds, sans que cela ait des conséquences structurelles sur la mutualisation de la dette, sujet historiquement très sensible.

Vers un éclatement de l’UE?En quoi les tensions actuelles sont-elles plus dangereuses que celles apparues lors des crises précédentes? Pour le président de l’Institut Jacques Delors, "l’esprit européen" est sorti affaibli par les crises précédentes: celle de 2008 mais aussi celle des réfugiés en 2015. "Une troisième crise est donc malvenue, d’autant plus qu’elle arrive juste après le Brexit, qui a rendu possible le scénario d’une sortie de l’UE", indique Enrico Letta, pour qui le problème ne réside pas au niveau des institutions eurpéennes. "Les institu-tions européennes ont déjà beaucoup fait" selon lui: "la Commission européenne avec le pacte de stabilité, les règles de la concurrence, ou celles des fonds structurels. (…) La Banque centrale européenne a aussi joué son rôle pour évi-ter le tremblement de terre des marchés financiers. Ce sont les Etats membres, entre eux, qui créent le problème."Enrico Letta ne croit cependant pas à un éclatement de

Dans une interview accordée à Vatican News, l’ancien président du Conseil italien Enrico Letta, pointe le manque de solidarité entre Etats de l’UE dans la crise du Covid-19. Il plaide pour une augmentation des pouvoirs de la Commission européenne.

l’UE après la crise du coronavirus. "L’Union européenne est plus forte que cette crise, mais elle remet en question ses façons de travailler jusqu’à présent", fait-il valoir. "Cette crise a besoin d’un calendrier différent. Ce n’est pas avec la coopération entre Etats que cela va marcher. Il faut une entité européenne avec des pouvoirs de coordination et une légitimité donnée par les Etats". Quelle serait cette entité? Pour l’ancien président du Conseil italien, ce "ne peut être que la Commission européenne", qui doit obtenir "le lea-dership, le pouvoir de parler aux citoyens, de coordonner, et d’intervenir en temps réel".

✐ C.H. d’après Vatican News

5INTERNATIONALDIMANCHE N°15 12 avril 2020

EN BREF

BRÉSILDes églises transformées en hôpitaux de campagne

Alors que la pandémie de Covid-19 s’étend au Brésil, l’Eglise catho-lique se mobilise en mettant plu-sieurs lieux de culte à disposition des mairies et autorités sanitaires. Il s’agit d’assister des structures hospitalières déjà en déliques-cence et qui, d’après le ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, pourrait s’effondrer dès la mi-avril. Ainsi, l’archevê-ché de Campinas, dans l’Etat de Sao Paulo, est en train d’organi-ser un hôpital de campagne avec l’Université pontificale (PUC) de la ville et le centre hospitalier uni-versitaire. L’archidiocèse de Maceió a si-gné un accord avec la mairie et la Pastorale de la jeunesse pour organiser deux abris destinés aux sans domicile fixe (SDF). L’un sera réservé aux personnes âgées et l’autre aux enfants, adolescents et adultes. A Belo Horizonte, Mgr Walmor Oliveira de Azevedo, archevêque et président de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), a proposé au maire de la capitale et à 27 autres municipalités de la région métro-politaine que des églises soient transformées en hôpitaux de cam-pagne et autres points de réfé-rence et de soutien aux personnes âgées, malades et démunies. La cathédrale du Christ-Roi, qui est en chantier, mais dont une partie importante est déjà terminée, est également mis à disposition des autorités municipales

INDONÉSIE30.000 prisonniers libérés

Les autorités indonésiennes ont libéré 30.000 détenus afin d’em-pêcher la propagation du nouveau coronavirus dans les prisons sur-peuplées du pays. Les groupes de défense des droits humains ont salué cette initiative et appelé à la libération de tous les prisonniers politiques.

ROYAUME UNIDiscours exceptionnel de la reine Elisabeth

Dans une allocution exception-nelle diffusée à la télévision di-manche 5 avril, la reine Elizabeth a salué les efforts de ceux qui sont engagés pour endiguer l’épidémie de Covid-19, et réconforté ses sujets. Dans ce message marqué par la gravité mais aussi l’espé-rance, elle a aussi noté que pour un grand nombre de personnes, quelles que soient leur religion, cette période était aussi "une oc-casion de ralentir, de réfléchir, en prière ou en méditation". En soixante-huit ans de règne, c’est seulement la quatrième fois que la reine s’exprime dans des circonstances exceptionnelles.

Pour faire face au Covid-19, le Parlement hongrois a voté une loi

le 30 mars 2020 conférant au Premier ministre Viktor Orban les pleins pouvoirs afin de "combattre plus efficacement la pandémie". Il pourra ainsi légiférer par ordonnances dans le cadre d’un état d’urgence à durée indéterminée, sans demander l’aval du parlement. Une mesure inquiétante pour l’opposition politique comme pour de nombreux observateurs qui y voient une atteinte à la démocratie.Selon David Vig, directeur d’Amnesty International Hongrie, ce projet de loi va créer “un état d’urgence permanent et incontrôlé”, donnant à Viktor Orban et à son gouvernement "carte blanche pour restreindre les droits humains”. Les défenseurs des droits humains, l’op-position politique et l’Union européenne

ont confié leur inquiétude concernant ce nouveau texte, craignant une nouvelle dérive autoritaire de l’homme fort de la Hongrie. Mais son ambassadeur près le Saint-Siège minimise le risque. Interrogé par I.MEDIA, Eduard Habsburg assure que le Parlement hongrois – largement dominé par le parti national conserva-teur Fidesz-Union civique hongroise, le parti d’Orban – demeure le garant de la démocratie dans le pays. L’ambassadeur explique que la Hongrie a pris des me-sures d’urgence qui ne sont pas diffé-rentes de celles prises dans d’autres pays touchés par la pandémie: suspension d’événements (dont les célébrations reli-gieuses, mais les églises restent ouvertes pour les prières), fermeture des écoles, mesures dites de distanciation sociale, interdiction de quitter son domicile sauf pour de bonnes raisons, fermeture des

frontières nationales sauf pour le retour dans leur pays d’un grand nombre de citoyens résidant dans les pays voisins, etc. Selon l’ambassadeur, les différents dé-crets et la nouvelle loi sur l’isolement du coronavirus visent précisément à assu-rer une prévention et un confinement efficaces. La grande nouveauté concerne un point: au lieu de confirmer les décrets du gouvernement tous les quinze jours, avec une procédure nécessairement plus longue, l’Assemblée nationale a désormais autorisé le gouvernement à adopter les décrets pour toute la durée de cet "état d’urgence" (décrété le 11 mars), se réservant le pouvoir de les révoquer à tout moment, même avant la fin de l’état d’urgence.

✐ P.G. (avec Cath.ch)

HONGRIE

Les pleins pouvoirs pour Orban

© E

d. F

ayar

d

Page 6: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

RENCONTRE

UNE COACH PLEINE DE VIE

En quête de liberté intérieure

Au cœur du Brabant wallon, la maison ressemble à une arche de Noé. Tout au long de la rencontre,

le chat et les chiens vont et viennent, grapillant l’at-tention de Géraldine de Radiguès. Autodidacte de la gestion des émotions, elle a suivi et suit encore de nombreuses formations. Curieuse et attentive aux innovations, elle établit ensuite "une espèce de po-pote" qui a les caractéristiques du fait maison. Après avoir débuté par des études de marketing, enseigné, la voici à présent coach. De toutes ces expériences, "le point commun, c’est la relation à l’autre. Le côté thérapie, soin des émotions, est venu comme une évidence après". Un enchaînement naturel a pré-valu. "Ma porte d’entrée a été le coaching de vie, qui a un côté concret. On visite ses émotions, mais on en fait quelque chose après. Nous vivons tous des choses difficiles, des traumas, des frustrations, des peines, mais on ne s’arrête pas là. L’idée, c’est ce que je deviens avec ce que j’ai vécu. En fonction des personnes rencontrées, des livres, des interactions avec les gens, nous nous mettons en chemin. On est emprisonné par nos blessures, des croyances… La quête consiste alors à trouver des outils, à chaque niveau, pour se dégager et se connecter avec plus de liberté intérieure et d’amour."

Une chaîne YouTube Géraldine a choisi de mettre en images toutes ces notions, grâce à une quinzaine de séquences acces-sibles sur le Net. En quelques minutes, appelées "Les minutes de Gé", la quadragénaire développe un thème particulier: la confiance en soi, les différentes facettes de soi, le rapport à la vie, les relations, les émotions, les cercles vicieux et vertueux… "L’idée, c’est une invitation à se mettre en chemin avec une petite pensée ou avec une thématique en lien avec les formations que je suis. J’essaie de vulgariser tout en veillant à ce que cela soit riche en contenu. L’écriture est dans la même veine: aller avec des concepts dans des dynamiques différentes." Forte de son expérience et nourrie par ses différentes for-mations, Géraldine observe que "nous nous enga-geons parfois dans des voies difficiles sur la durée,

Géraldine de Radiguès multiplie les initiatives, dans un joli kaléidoscope centré sur la découverte de soi et l’acceptation des limites humaines, y compris la finitude. Un entretien joyeux et coloré.

parce qu’elles ne nous animent pas de l’intérieur". Il revient à chacun de trouver son chemin intérieur.

Laisser une trace de soi… C’est en accompagnant des proches en fin de vie que Géraldine a pris conscience du cadeau offert par ces temps particuliers, une parenthèse dans le brouhaha. Elle décide alors de suivre une forma-tion spécifique en soins palliatifs. Contrairement aux peurs ambiantes, ces moments proches de la mort s’avèrent, en réalité, "au cœur de la vie, de l’amour, de l’existence… Ce qui importe, ce sont les qualités de relation avec les autres. J’aide la personne à lâcher prise". Dans ces accompagnements, une forme d’ur-gence s’impose. "Nous avons le temps contre nous, puisque les gens malades préparent leur départ." Réalisant l’envie de certains d’entre eux de lais-ser une trace à leurs proches et de "déposer" leurs souvenirs, elle imagine et développe un "espace de transmission" virtuel. Ce sera "Lifewishes", dont elle devient la gérante. Cet espace émotionnel fonctionne par le biais d’enregistrements et de téléchargements. Si l’outil intéresse le grand public, le passage à l’acte et la mise en pratique retiennent encore l’adhésion du plus grand nombre. En effet, la finitude humaine demeure un sujet sensible, souvent marqué par un tabou. "Il y a beaucoup de croyances sur le fait que parler de la mort, c’est comme si elle allait arriver un peu plus vite, alors que c’est la seule certitude que nous avons dans notre vie. C’est assez paradoxal!" Face à la résistance ou à l’appréhension, Géraldine entend proposer une autre approche des coffres vir-tuels, moins ancrée dans l’aspect irrémédiable des événements. "A chaque instant, nous vivons des deuils", alors pourquoi ne pas se lancer et, au fur et à mesure, "confier les chapitres de vie vécus"? Créative, Géraldine n’a pas hésité à lancer des casques d’évasion sonore, qui proposent trois at-mosphères distinctes: aventure, bien-être pour tous, loisirs et découvertes. Commercialisés sous l’appel-lation "C’est ma vie", ils offrent une page d’imagina-tion aux esprits enfermés par la maladie. "J’ai été touchée par les personnes immobilisées dans leur

lit, qui n’iront plus jamais voir la mer… L’idée, c’est d’aller dans leur ressenti, de retrouver les images en eux, celles de leur enfance…"

A chacun sa popote!"Un changement de dynamique est présent. Le monde actuel fragilise des personnes qui ont grandi avec un cadre très précis, avec des ‘il faut-je dois’. Ces facteurs-là n’existent plus. Il y a une perte des repères. Avant, c’était l’extérieur qui sécurisait les gens; maintenant, nous devons être sécurisants pour nous-mêmes. Nous devons visiter notre inté-rieur. C’est plus vite acquis pour la jeune généra-tion! En fonction de ce qu’il vit, chacun va créer sa dynamique de vie. Or tout le monde peut se laisser enfermer dans ses prisons intérieures. Nous sommes tous une pâte avec tellement d’éléments différents!" Et Géraldine d’enchaîner sur des considérations d’ordre culinaire! La grande force de la coach tient dans son sens inné de l’illustration. Aussitôt intégrée, une formule ou un concept abscons se trouve décliné de mille et une manières, avec des exemples très pratiques. "Le fait de ne plus être en survie nous permet de gagner en sens et en qualité de lien avec l’autre, en davantage de respect avec qui on est." Confiante dans les capacités de la jeune génération, cette mère de famille nombreuse s’émerveille devant sa "soif d’authenticité". Et comme de nombreuses mamans, elle avoue l’envie de "porter la douleur" de ses enfants. Cette impuissance face au surgisse-ment de l’imprévu, Géraldine reconnaît l’avoir déjà "bien visitée dans l’écriture et l’avoir vécue en privé" récemment. "Le temps est suspendu" dans ces raz-de-marée, évoqués notamment dans son roman "Le funambule libéré". Pourtant, lorsque tout bascule, la foi joue un rôle. "Elle nous donne la force de conti-nuer à être présent près de la personne qui n’est pas bien, à être juste dans la posture, à tenir le coup physiquement aussi!"

Des couples à préserverAu début, observe Géraldine, "on est alimenté par l’allégresse de se sentir connecté à l’autre", puis surviennent des changements. Les années passant, il importe de ne "pas enfermer l’autre dans nos croyances", de se réajuster, tout en prenant "soin des parts de soi". L’idéal est d’arriver à "nommer des choses sans accuser l’autre et prendre sa part de responsabilité". Faute d’attention, les risques guettent. "Finalement, nous sommes emportés: des boulots passionnants, des enfants énergivores, des projets, des vacances, des amis… Mais, nous devons avoir cet espace d’échanges sur ce qui habite dans notre cœur au sein de notre relation. Ce n’est pas parce qu’on a une sexualité active, qu’on prend soin de cela. Ce sont des choses séparées." Faute de quoi se mettent en place des subterfuges pour pallier le manque d’intimité. Dans ses romans, publiés aux édi-tions Mols, Géraldine de Radiguès met en pratique des sujets de développement personnel. "J’adore vivre sur une vibration émotionnelle", nous confie-t-elle. Se découvrir dans toutes ses dimensions, voilà un enjeu stimulant pour rebondir. "Quand toutes nos croyances sont ébranlées, il y a quelque chose qui renaît."

✐ Angélique TASIAUXInfos: http://geraldine-de-radigues.be/ https://www.lifewishes.org/fr, pour "mieux célébrer la vie en apprivoisant sa finitude" http://cestmavie.be/mavie/ ou les casques d’évasion sonore

6 DIMANCHE N°15 12 avril 2020

Se découvrir dans toutes ses dimensions, voilà un enjeu stimulant pour rebondir.

© C

atho

Bel

Page 7: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

La croix est un symbole ambigu, paradoxal en soi, signe à la fois de mort (crucifixion) et de vie (résurrection). Un objet pourtant devenu familier, accroché dans nos églises et nos maisons, autour de nos cous, dont on se signe le front et la poitrine. Comment la croix a-t-elle évolué au cours de l’Histoire? Est-il encore possible de renouveler notre regard sur ce symbole?

La croix est aujourd’hui le symbole par excellence du christianisme.

Mais il n’en fut pas toujours ainsi. Sa représentation a également évolué au cours des siècles. La crucifixion est probablement la scène la plus repré-sentée dans l’histoire des hommes et, à travers elle, il est possible de retra-cer le fil d’une histoire des mentalités, des cultures et de la spiritualité.

Aux originesLa croix n’a pu devenir le signe de ralliement des chrétiens qu’une fois cette pratique de supplice abolie. Aux premiers siècles, le poisson est souvent associé au culte chrétien. Le chrisme, reprenant les deux pre-mières lettres grecques du mot Christ, sera le premier symbole christique dif-fusé à grande échelle. Ce n’est qu’au Ve siècle qu’émerge véritablement le symbole de la croix. Sous le règne de Constantin, premier empereur chré-tien, la croix devient réellement motif d’identité chrétienne et on la retrouve sur des anneaux de mariage ou des sarcophages. Dans un deuxième temps, apparaîtra, de manière figura-tive, le Christ crucifié. A cette même époque, Jean Chrysostome invite les fidèles à marquer d’une croix les en-trées, fenêtres, murs de leurs maisons, à la tracer sur le corps des malades, sur le front des enfants. Ce signe sera officiellement adopté lors du Concile de Quinisexte en 690. Il faudra pour-tant encore attendre le IXe siècle pour que le signe de la croix soit offcielle-ment institué par le pape Léon IV.

Du triomphe à la douleurLa représentation du Christ en croix a donc évolué au cours des siècles. Dans les premiers temps du christianisme, on le représentait volontiers en berger. Au VIIe siècle, on autorisera la représen-tation d’un agneau en lieu et place du Christ. Au modèle hellénisant imberbe des premiers siècles, succédera un style syro-palestinien barbu assez répandu au XIe siècle. Le Christ roman, cloué en croix, apparaît vivant, la tête droite et le corps dépourvu de marques de douleur. C’est un Christ triomphant de la mort. Il laissera progressivement place, en Occident, à une autre vision, plus hié-ratique, celle du Christ gothique souf-frant, aux alentours du XIIe siècle. L’art byzantin connaîtra une autre évolution, en raison d’une codification extrême de la crucifixion. Aucune place n’est laissée à l’innovation, chaque élément est verrouillé. L’image étant l’égale de l’écriture, peu de place est laissée à la liberté et l’artiste effectue donc un tra-vail de reproduction plus que de créa-tion.

Intimité avec le ChristAu Moyen-Age, entre les XIIIe et XVe siècles, le Christ souffrant domine lar-gement l’iconographie, probablement en écho aux drames vécus en Europe occidentale: épidémies de peste, conflits armés et autres grandes famines. Mais aussi parce que la mystique de l’époque met l’accent sur le rapport direct et in-time avec le Christ en croix. Les œuvres doivent amener le spectateur à compa-tir, c’est-à-dire à se laisser envahir par

7DOSSIER PÂQUES

La Crucifixion blanche de Marc Chagall. (1938).

SIGNE D’UN RENOUVEAU, RENOUVEAU D’UN SIGNE

La croix dans tous ses états

les sentiments qui furent ceux du Christ au cours de cette dernière étape de sa Passion. A la Renaissance, une attention plus particulière est donnée au corps du supplicié avec des détails anato-miques poussés à l’extrême. A contra-rio, certains mouvements réformés – les calvinistes en particulier - refusent de représenter le Christ crucifié, préférant mettre en avant la dimension résurrec-tionnelle de la croix.

Fin d’un monopoleDans sa ‘Tentation de saint Antoine’ (1878), Félicien Rops, artiste belge connu pour ces œuvres érotico- satiriques, a remplacé le Christ par une femme nue. Il se défendra pour-tant d’avoir voulu attaquer la religion. En 1891, c’est "La Crucifixion" de Max Klinger qui provoqua l’émoi. L’artiste allemand avait alors osé représenter le sexe du Christ et fut bien entendu prié de le cacher. La crucifixion sus-cite à nouveau le scandale, mais pour d’autres raisons. En 2019, l’artiste fin-nois Jani Leinonen, spécialisé dans le détournement des images de marque, a présenté en Terre Sainte un ‘Mc Jésus’ dans le but de dénoncer la sacralisation des biens de consommation. Celle-ci fut néanmoins reléguée par ses détrac-teurs au rang des œuvres blasphéma-toires. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les artistes contemporains se sont à nouveau emparés de ce motif du crucifié. Pour le détourner ou, au contraire, revenir à une image proche du Christ roman, souriant, serein, yeux et bras ouverts.

Depuis le XIXe siècle, on assiste donc à un double mouvement: la fin d’un mo-nopole, celui du contrôle par les chré-tiens de la reproduction d’une personne en croix, réservée à Jésus Christ, et le retour à ce qu’Anne Libbrecht-Gourdet qualifie de "croix ressuscitantes", mon-trant un Christ glorieux, vivant, accueil-lant (cfr article p.9).

Un sujet inépuisable Au XXIe siècle, même en dehors des cercles chrétiens, la figure de l’homme crucifié est devenue le paradigme univer-sel de l’humanité injustement souffrante et maltraitée. Pour Boefsplug, historien et théologien, auteur de "La crucifixion dans l’art. Un sujet planétaire" (Bayard, 2019), l’épisode de la crucifixion est d’une telle complexité pour la compré-hension humaine qu’il est inépuisable et justifie la variété des approches. Le Christ en croix, explique aussi le théolo-gien, réunit de manière inhabituelle trois attitudes - subir, consentir, s’offrir – qui en font sa particularité et aussi son at-trait universel. "En tant que théologien, confie-t-il, je suis effaré par l’idolâtrie de la souffrance que la crucifixion risque d’encourager". C’est pourquoi, l’auteur "applaudit des deux mains" un mouve-ment pictural "qu’aucun pape ou concile n’a recommandé": montrer un Christ de nouveau vivant, s’écartant de la croix ou s’en servant comme d’un tremplin. Pour Boefsplug, ces nouvelles représentations semblent plus justes par rapport au mes-sage central du christianisme.

✐ Sophie DELHALLE

Chrisme représenté sur sarcophage de Drausin, VIe siècle (Musée du Louvre).

Majestat Batlló. Sculpture de Christ roman, XIIe siècle. (Musée national d’art

de Catalogne – Barcelone).

Tableau de la crucifixion faisant partie d’un retable réalisé par Matthias

Grünewald (XVIe siècle).

Page 8: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

DIMANCHE N°15 12 avril 2020

Ils n’ont pas leur place ici." C’est en tout cas la conviction d’Amaury quand

il voit des crucifix bradés sur les mar-chés aux puces. Cet étudiant français en école de commerce a séjourné huit mois à Bruxelles. Chaque semaine, il se promène sur les brocantes et notam-ment celle très réputée du quartier des Marolles. Un dimanche matin, sur un "coup de tête", Amaury achète une di-zaine de crucifix. Chrétien pratiquant, le jeune homme veut donner une seconde vie à ces objets religieux abandonnés.

Un nouveau foyer"J’aime les choses concrètes et je suis manuel même si je n’ai pas suivi de formation artistique." Amaury se lance donc dans la restauration - ou plutôt le relooking - de ces crucifix. En leur appor-

CRUCIFIX CONSTANTIN

Donner une seconde vie aux crucifixAmaury est étudiant en école de commerce. Il aime flâner sur les brocantes mais son cœur s’arrête à la vue des crucifix abandonnés au plus offrant. Il décide alors de les acheter et de leur donner une seconde vie en les restaurant. C’est ainsi qu’est né "Crucifix Constantin".

tant une touche moderne, par des formes et des couleurs simples, Amaury espère qu’ainsi transformés, ils retrouveront un nouveau foyer. Car un crucifix, "c’est ce qui nous aide à prier". L’étudiant teste son idée via les réseaux sociaux et, au vu des premiers retours positifs, décide de développer son "business" à plus grande échelle.

Un crucifix, un défi"Je prie beaucoup avant et pendant que je restaure, je suis donc inspiré dans ma prière." Amaury observe le type de bois, le matériau, la forme et choisit des formes et des couleurs "qui donnent du sens, transmettent un message", son interven-tion doit avant tout "ouvrir vers le ciel" et recentrer le regard sur le Christ. Amaury donne d’ailleurs des noms à ces crucifix

relookés: Christ au sang victorieux, Christ éclatant de lumière, Christ splendeur de l’Univers. "Chaque crucifix est unique", et représente un nouveau défi. Son coup de cœur? Un crucifix représentant Marie au pied de la croix par des formes géomé-triques blanches et bleues. Mais chaque fois, "ce que je fais a pour moi beaucoup de sens", nous confie Amaury.

Entreprise missionnaireCes lignes et formes colorées, épurées, modernes, deviennent sa signature. Un look qui attire toutefois l’œil et c’est bien le but de l’opération. "Ce sont des objets devant lesquels on ne peut pas passer sans les voir." De retour à Lyon, Amaury a embarqué trois de ses amis dans l’aven-ture. "J’ai choisi d’utiliser seulement de la peinture et des formes simples pour que ce procédé soit accessible à tous, et pour motiver mes amis à m’aider", raconte Amaury. Aujourd’hui, il dispose même de son propre atelier et a investi dans une machine pour poncer les différents types de bois. Une petite entreprise à réelle vo-cation missionnaire d’où le choix du nom Crucifix Constantin. Premier empereur romain à autoriser le culte chrétien et à se convertir, c’est aussi sous son règne que l’on retrouva les premiers débris de la Sainte Croix, sur laquelle aurait été cloué le Christ. La vente des crucifix Constantin se fait uniquement via le site internet. Amaury reçoit parfois des clients dans son atelier, notamment ceux qui souhaitent donner une seconde jeunesse à un crucifix familial.

Evangélisation passive "La Providence a été généreuse avec ce projet. Les premiers échos dans la

presse chrétienne ont donné une visibi-lité à mon entreprise, j’ai alors très vite reçu des dons de crucifix à restaurer et à vendre, ou des demandes de particu-liers pour relooker des crucifix." Amaury peut se targuer d’avoir mis en place une véritable filière de reconditionnement pour des objets qui, à ses yeux, restent précieux et porteurs d’une histoire. Avec ce projet, Amaury assume totalement son identité, celle d’un jeune chrétien pratiquant ancré dans le monde; il veut ainsi donner une image moderne de l’Eglise, déconstruire les clichés, casser les codes... Montrer qu’on peut faire des choses originales, actuelles et qui plaisent universellement. "Mon envie est que ce projet missionnaire s’adresse non pas seulement aux chrétiens mais à tous." C’est pourquoi il vient de développer un "kit d’évangélisation passive": des af-fiches à imprimer soi-même reprennent les codes du relooking des crucifix. Pour inciter les gens "à mettre le Christ dans leur déco", et "rapprocher ceux qui se sont éloignés de la foi" en leur propo-sant "des messages forts, puissants qui peuvent vraiment changer la vie".

✐ Sophie DELHALLE

Plus d’infos? Consultez le site www.crucifix-constantin.comDans l’atelier de Constantin.

© C

ruci

fix C

onst

antin

Sur ce crucifix, Marie est

représentée au pied de la croix par une forme géométrique.

© C

ruci

fix C

onst

antin

Produites par des ateliers d’art, artisanaux ou de grande production, les croix pectorales se déclinent en une large

gamme. Et un évêque peut même posséder plusieurs croix, comme c’est le cas pour Mgr Delville. "Peu avant mon ordi-nation épiscopale en 2013, j’avais choisi une croix pectorale dans un magasin d’objets religieux à Rome. C’était une croix en métal doré avec des motifs végétaux dans le style des décorations irlandaises du haut Moyen Age." Mais Andrea Riccardi, le président de la Communauté Sant’Egidio, dont Mgr Delville est très proche, lui offre une autre croix pec-torale en étain, comportant en son centre une colombe qui descend du ciel, de style assez moderne. "J’ai décidé que je la porterais dans la vie de tous les jours. J’ai gardé l’autre pour les cérémonies religieuses que je fais en déplacement." Lors des célébrations liturgiques qu’il préside en la cathé-drale, l’évêque liégeois porte une croix pectorale de l’un de

ses prédécesseurs, renfermant des reliques de saints mar-tyrs. Mgr Delville a également reçu d’un archiprêtre ortho-doxe une croix byzantine, avec des dorures et des émaux de style oriental, qu’il arbore aux occasions solennelles. Mais c’est un autre cadeau, reçu en Jordanie, lors d’un récent pèlerinage auprès des Eglises locales avec les jeunes de l’Ordre du Saint Sépulcre, qui aura le plus touché l’évêque de Liège. "J’ai reçu de notre guide musulman une croix pro-venant de son pays: elle est en bronze et représente le Christ qui regarde celui qui regarde vers lui. C’était pour moi un cadeau émouvant que de recevoir une croix d’un musulman." Enfin, tout dernièrement, après une conférence à Bruxelles, le prélat a reçu en cadeau une croix pectorale avec un arbre de vie, faisant écho à l’une de ses lettres pastorales en lien avec l’écologie. "Je ne sais pas encore quand je vais la por-ter!" avoue Mgr Delville. (S.D.)

CROIX ÉPISCOPALES A chaque évêque sa croix pectorale. Mais comment la choisissent-ils? Témoignage de Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège.

© D

iocè

ce d

e Li

ège

Page 9: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

9FOCUS

J’ai toujours eu le goût des arts." Enseignante aujourd’hui à la re-

traite, Catherine Francotte peut consa-crer plus de temps à sa passion. Ayant grandi dans une famille d’artistes, elle observait avec beaucoup d’envie son père et sa mère qui peignaient en-semble. Pendant ses études de philo-sophie, l’art est passé au second plan. Mais il a toujours été présent car c’est une "façon d’accéder à une forme de beauté et la beauté, c’est la voie privi-légiée pour arriver à Dieu."

Le Carême comme inspirationPour Catherine, regarder la nature, les hommes, les œuvres d’art, c’est littéra-lement contempler quelque chose de Dieu. Les sujets religieux sont plutôt rares dans son atelier même si, depuis plusieurs années, elle réalise des pro-jets pour la communauté de Saint-Denis. Avec ce chemin de croix sym-bolique, Catherine est volontairement sortie de sa zone de confort en optant pour la technique de l’acrylique, plutôt que l’huile, et en abandonnant le figu-ratif. Elle avait déjà réalisé un autre projet semblable pour le Carême avec des grandes bannières représentant des croix. "Le Carême, c’est le moment où il se passe quelque chose", nous souffle-t-elle.

Métaphore de la vieDe son enfance, Catherine retient surtout les chemins de croix "obli-

S i, au cours de l’Histoire, la souffrance a largement été exacerbée dans les crucifixions, la résurrec-

tion est néanmoins suggérée par un élément, une couleur, une lumière, un sourire, remarque Anne Libbrecht-Gourdet. Historienne de l’art, laïque do-minicaine, l’auteure de Mort et vie. La croix à tra-vers les âges et les cultures, nous confie être "en re-cherche des choses de Dieu". Et ne pouvait accepter l’idée de se limiter aux croix souffrantes, d’où cette quête insatiable de "croix res-suscitantes". Il est temps, selon elle, de promouvoir un "christia-nisme de la résurrection", pour reprendre les mots du frère Ferdinand Poswick de l’abbaye de Maredsous. C’est à travers les voyages qu’An-ne Libbrecht développe un inté-rêt particulier pour les croix et notamment lors d’un séjour en Arménie "où les croix ne sont absolument pas douloureuses". L’historienne a aussi été frap-pée par les croix d’un cimetière

roumain, illustrant la vie des défunts, et les croix œcuméniques d’un cimetière à Taïwan. "Les croix vont dans tous les sens, des bras ouverts partout." Une quête suscitée peut-être aussi par un lointain et douloureux souvenir d’enfance. Anne a perdu sa maman lors d’un bombardement en mai 1940. Son père, dans l’esprit de l’époque, compose un souvenir mortuaire reproduisant la crucifixion de Velázquez avec ces quelques mots: "Dieu nous l’a donné, Dieu

nous l’a repris, Que son nom soit béni." Un sentiment de révolte naît alors dans le cœur de cette jeune orpheline. Aujourd’hui, après cinq ans de recherche, "la croix n’est plus que la moitié de la foi" pour Anne Libbrecht. La croix, et donc la souffrance, ne peuvent s’envisager sans la lumière de la résurrection. Dans son livre, l’auteure donne quelques exemples – anciens ou contemporains - de Christ souriants, plutôt insolites à nos yeux, qui témoignent d’un "tout

est accompli". Des Christ dont l’attitude manifeste une sorte d’envol, de détachement. Anne poursuit ses recherches et s’intéresse à présent au "Christ à bras ouverts".

✐ S.D.

Anne Libbrecht-Gourdet "Mort et vie. La croix à travers les âges et les cultures". Ed. Fidélité, 2017

L’ART AU SERVICE DE LA FOI

Quand la croix (re)devient symbole"L’art est la voie privilégiée qui mène à Dieu." Artiste liégeoise, Catherine Francotte a réalisé un chemin de croix symbolique, exposé à la collégiale Saint-Denis, à Liège. Pour dire la souffrance autrement.

gatoires" dans l’église de son village. Elle se souvient avoir été scandalisée par une phrase: "Fais-nous la grâce de souffrir." Devenue adulte, elle se demande: doit-on vraiment passer par cette interprétation sulpicienne et do-loriste pour accéder à la signification du chemin de croix? C’est pourquoi, dans la conception de ce dernier pro-jet, Catherine a choisi de décrocher du réel, pour imaginer la souffrance au-trement, pour mieux s’associer et faire sienne la souffrance du Christ. "Le

© C

atho

bel

Pour représenter le Christ descendu de la croix, Catherine Francotte a choisi une plume.

chemin de croix, c’est en quelque sorte une métaphore de la vie. Nous sommes tous confrontés à la souffrance, nous tombons, nous faisons des rencontres. Et puis la mort fait partie de toute vie. Personne ne peut y échapper."

Plus proche Elle l’admet volontiers, ce chemin de croix était une obsession. Pour certaines stations, l’artiste a dû s’y reprendre à plusieurs reprises, avant

d’être satisfaite. "Le plus difficile, c’était les trois chutes. Car s’il y en a trois, c’est que quelque chose se cache derrière et je ne pouvais pas faire exactement la même chose pour les trois stations." Pour la dernière sta-tion, celle de Jésus au tombeau, "je ne voyais pas comment la représenter de manière symbolique", puis viendra le déclic après une visite au Musée des arts orientaux de Paris. Pour réali-ser les différents tableaux, l’artiste a relu le récit de la Passion et s’est ins-piré de certains éléments. A la fin de ce chemin de croix, sa perception en est complétement bouleversée. "Il est plus proche de moi." L’artiste a aussi fait quelques expériences, notamment avec la station de la crucifixion, dont elle a percé la toile pour symboliser les clous. Le choix du triangle rouge, pour symboliser le Christ, n’est pas non plus innocent, faisant référence à "tant de souffrances" et notamment celles vécues dans les camps de concen-tration. Pour représenter le Christ descendu de la croix, elle choisit une plume, symbole de "la légèreté, l’âme qui s’évade de son écorce corporelle. Mais cela pourrait être aussi un ange qui passait par là, et qui a aidé Jésus à s’élever." Les trois petits blocs, en bas à gauche, signe d’une déconstruc-tion, suggèrent que "tout est fini, tout est par terre." Pour vivre et accéder à autre chose.

✐ Sophie DELHALLE

Un christianisme de la résurrection

Anne Libbrecht-Gourdet

© D

R

Page 10: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

10 SPIRITUALITÉ DIMANCHE N°15 12 avril 2020

✐ C.H. Source: Jacques Bihin et Vincent Minet

AFFICHES "PÂQUES DANS LA CITÉ"

La bonne nouvelle de PâquesCette année, les affiches diffusées par le service "Pâques dans la cité" proposent une icône inédite : l’annonce du Royaume de Dieu, peinte par le diacre et iconographe Jacques Bihin. A Pâques, cette annonce prend tout son sens: "Les temps sont accomplis: le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle".

Une ville de Gélilée: Capharnaüm ou bien Tibériade,Nazareth ou encore Cana… ? Toutes ces villes ont vu passer Jésus, entendu sa parole et vu les signes de l’accomplissement de la promesse du Royaume. Une ville où se serrent des habitations et des lieux de culte, à l’image de nos villes d’aujourd’hui.

La grotte nous rappelle que l’annonce de l’Evangile peut être engloutie dans les profondeurs de nos peurs, de nos égoïsmes, de nos haines. Mais le peu de végétation qui pousse non loin nous invite à choisir de prendre racine dans la bonne terre de la parole de Dieu et à garder fermement l’espérance au coeur de nos déserts, car la vie triomphe toujours de la mort, l’amour du péché.

Les eaux du lac de Tibériade par d’autres, où Jésus va appeler ses premiers disciples. L’eau est animée par une brise vivifiante, celle de l’Esprit qui éveille en nous cette image du Christ marchant sur les eaux et qui dit: "N’ayez pas peur!" (Mc 6, 50).

Jésus "parcourait toute la Galilée; il enseignait dans leurs synagogues" (Mt 4, 23). Celle-ci est hors les murs, en périphérie, là où les gens se trouvent... Sur le parvis, les personnes représentent la diversité des âges, de la vie, des situations: jeunes et vieux, femmes, hommes et enfants, tous reçoivent l’annonce de la Bonne Nouvelle.

Le Christ s’avance, dénué de sandales, tel Moïse au Sinaï, sur une terre sainte (cf. Ex 3, 5). Le Verbe créateur foule de ses pieds nus la terre jadis fécondée par sa Parole (cf. Gn 1, 9-13). Jésus adresse à la foule l’évangéliaire ouvert sur cette parole écrite en latin: "poenitemini et credite Evangelio", "convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle". Le Christ est situé sur le même plan que le groupe qui l’écoute: il prend notre place et se fait l’égal des plus petits d’entre nous.

Page 11: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

11SPIRITUALITÉDIMANCHE N°15 12 avril 2020

Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit: "De quoi discutez-vous en marchant?" Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit: "Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci." Il leur dit: "Quels événements?" Ils lui répondirent: "Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple: comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision: des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit; mais lui, ils ne l’ont pas vu." Il leur dit alors: "Esprits sans intelligence! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire?" Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Ecriture, ce qui le concernait.Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir: "Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse." Il entra donc pour rester avec eux.Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre: "Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Ecritures?" A l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent: "Le Seigneur est réellement ressuscité: il est apparu à Simon-Pierre." A leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Textes liturgiques © AELF, Paris.

Luc 24, 13-35 Solennité de la Résurrection

du Seigneur

ÉVANGILE

On n’arrête pas de nous dire - très justement par ailleurs - de ne pas

sortir de nos maisons. Mais aujourd’hui, nous célébrons celui qui est sorti de sa dernière demeure. Et alors que nous sommes confinés, voilà que l’évangile nous invite à courir!!! Marie-Madeleine, partie avant tout le monde pour aller au tombeau en revient en courant… Puis les deux autres qui s’y mettent aussi: Pierre et Jean. Et la vie et Pâques nous font courir, même en pleine pandémie!La vie d’abord... Comme Marie-Madeleine, la vie nous fait courir quand nous avons l’impression que ce qui lui donnait de la saveur disparaît. Jésus a donné de la saveur à l’existence de Marie, il l’a déjà ressuscitée en quelque sorte… et voici que tout semble avoir disparu. Il était la lumière du monde… et plus de lumière… Il était le sel de son existence… et tout devient fade. C’est son désespoir qui la fait courir et elle court vers l’Eglise: l’Eglise mystique - Jean - et

l’Eglise institutionnelle - Pierre. Si Jésus n’est plus là, est-ce que vous, Pierre et Jean, pourrez donner du sens et de la saveur à mon existence?Voilà la première chose qui nous est de-mandée en ce matin de Pâques. Etre des hommes et des femmes qui sont là pour accueillir les détresses de leurs frères, pour écouter ce que le monde nous dit de sa recherche de sens. Etre à notre tour le sel de la terre et la lumière du monde.Deuxième sprint. Celui de Pierre et de Jean. Ils ne comprennent pas, mais ils vont jusqu’au tombeau. Ils y seront témoins de l’impensable. Il leur faudra entrer dans le tombeau et voir les signes de la mort, pour comprendre la résur-rection.Voilà le deuxième travail qui nous est donné ce matin. Il ne s’agit pas de croire en la Résurrection; il s’agit d’en faire l’expérience: "il vit et il crut." L’Eglise et nos paroisses peuvent faire tous les discours possibles pour convaincre de la bonne foi de notre foi… cela ne sert à

rien. Non, une communauté chrétienne, est une communauté qui fait d’abord l’expérience inouïe d’un Dieu vivant aujourd’hui. Et cela, nous ne pouvons le faire que par la prière et par l’action; les deux ensemble, indissociablement!Par la prière: Si Jésus n’est pas vivant, à quoi sert-il de le prier? Plus nous prie-rons, plus nous goûterons que toi, Jésus, tu n’es pas une idée ancienne, mais que tu es là aujourd’hui. Je peux te parler comme un ami parle à son ami.Par l’action: C’est par nos actes que les habitants de notre monde pourront com-prendre que Jésus est vivant. Il n’a plus que nos mains et nos jambes aujourd’hui pour annoncer la Bonne Nouvelle. C’est ce que Pierre fera, avec les Apôtres et les premiers chrétiens. C’est ce que l’Eglise tente de faire depuis deux mille ans et doit faire davantage encore aujourd’hui. Voilà le vrai boulot de l’Eglise en ce di-manche de la Résurrection. Sainte fête de Pâques. Christ est ressus-cité, il est vraiment ressuscité!

C’est bouleversé que j’entame cette chronique. Profitant de ce confinement où le rythme de nos vies change, je lis les Cinq

méditations sur la mort, de François Cheng. Autrement dit sur la vie, précise-t-il dès la couverture. "J’aime la mort du même amour que la vie", écrivait déjà Roger Garaudy de manière paradoxale. Ces temps ne sont-ils pas propices à ce genre de réflexion, la mort nous menaçant tous, déguisée en un invisible virus? La mort est notre seule certitude à nous, les vivants. Et, en même temps, notre plus grande incertitude, car nous ne savons ni le jour, ni l’heure, ni le comment, et c’est sans doute une bonne chose. Cette interrogation lancinante nous rejoint parfois à un moment inattendu. Je pense à Anne Philipe qui, dans Le temps d’un soupir, évoque le décès de son mari, le grand comédien Gérard Philipe. "Je ne savais pas que je venais de te voir pour la dernière fois", se rappelle-t-elle. Et dans Un été au bord de la mer, écrit longtemps après, elle précise que c’est souvent dans les expériences d’intense bonheur que nous surprend l’idée de la mort. Sur le chemin qui nous mène à la mort - ou à la Vie, donc - nous sommes chacun uniques: telle est notre beauté, mais aussi notre épreuve, car il nous faut faire place à l’unicité des autres, qui est à la fois richesse - que ne nous apportent-ils pas? - et tentation - nous mesurons leur unicité à l’aune de nos exigences.

Au cœur de chaque instantA côté de la certitude de la mort, dirait Cheng, il y a celle de la vie. En chacun des instants qui la constitue, nous sommes invités à dire oui à la vie en nous et dans les autres, à dire oui à la formidable aventure de la vie. Nous nous insérons dans son concert universel. Tout se tient, en effet, tout est lié. "Si même une seule fois la joie a fait retentir notre âme, dit le poète jésuite Jean Mambrino, toutes les éternités étaient nécessaires pour créer les conditions de ce seul moment…" Le passé a déjà glissé entre nos mains et le futur est l’objet de tous nos fantasmes, mais dans l’instant présent, nous pouvons éprouver ce "je pense donc je suis", et, plus fort, ce "nous nous aimons donc nous sommes". Chaque instant est cadeau, car je n’ai pas décidé de venir au monde, j’y ai été appelé. Ce cadeau ne nous appartient pas. C’est nous qui appartenons à la vie, qui sommes portés par elle. Dès lors, cet instant unique de la mort ne serait-il aussi un cadeau, une "possibilité de métamorphose"? Personne ne décide de quitter cette vie. Il y a certes le suicide et l’euthanasie, mais ce sont des exceptions. En voici une autre:

donner sa vie, la perdre pour un autre ou pour une cause, pour les autres donc. Dans sa sublime quatrième méditation, le poète chinois évoque, pour la seule fois dans son livre, la personne du Christ. "Il est allé vers l’absolu de la vie, il a pris sur lui toutes les douleurs du monde en donnant sa vie, en sorte que même les plus humiliés et les plus suppliciés peuvent, dans leur nuit complète, s’identifier à lui, et trouver réconfort en lui." Il a ainsi fait montre d’un amour "fort comme la mort, et même plus fort qu’elle. Il a pu dire de ses propres bourreaux: Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font."

Et Dieu?Dans cette méditation, Cheng ne peut s’empêcher de nommer Dieu, mot dont il n’abuse jamais. Le Centurion romain avait fait de même au pied de la croix: "Vraiment cet homme était Fils de Dieu." Dans C’est chose étrange à la fin que le monde, Jean d’Ormesson nous avait prévenus, Dieu et la mort sont deux questions intiment liées.Cette mort n’est pas seulement un terme. Elle s’accomplit chaque jour dans le renoncement à nos exigences égocentrées et nos désirs désordonnés en vue de la grande symphonie de l’univers où chacun pourra faire entendre sa note sans craindre celle des autres. "Chaque jour, je dis adieu", écrit Etty Hillesum. Elle m’autorisera une autre graphie: "à Dieu". Peut-on en effet imaginer que nous ne sommes pas attendus? "Père, entre tes mains, je remets mon esprit!"

La vie d’abord…COMMENTAIRE DE L’ÉVANGILE PAR L’ABBÉ PIERRE HANNOSSET

LES MOTS POUR LE DIRE – LA CHRONIQUE DE CHARLES DELHEZ SJ

Méditation pour un Vendredi saint

© A

dobe

Sto

ck

Page 12: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

12 LOISIRS & CULTURE DIMANCHE N°15 12 avril 2020

ARCHITECTURE BELGE

L’Université de Namur dans tous ses états

VIVRE L’EVANGILE AVEC…

Baudouin, le roi humble La huitième publication consacrée au roi Baudouin vient de paraître. Un mince ouvrage confié au journaliste et écrivain Albéric de Palmaert, longtemps chroniqueur au magazine France Catholique.

La structure de la collection Vivre l’Evangile Avec est uniforme: une

présentation de la personnalité au cœur du livre, une citation de l’Evangile ou d’une épître, un bref commentaire et une déclaration ou un texte qui cadre au plus près avec la citation extraite du Nouveau Testament. Pour le cas d’espèce, l’allocution du roi Baudoin lors de la fête nationale de Belgique en 1984 cadre avec le souhait de Jésus “qu’ils soient Un”, tel qu’exprimé dans l’Evangile (Jean 17, 21). Dans le discours évoqué, le roi a en ef-fet invité les Belges à l’unité: “Ce que je demande à chacun, c’est de vivre pleine-ment la diversité, de s’enraciner mieux encore dans sa communauté. Mais aussi d’aller plus loin, de mieux comprendre, respecter et apprécier l’autre, et de re-connaître ce qui nous unit.”

Les dernières pages du livre aident à rafraîchir la mémoire à plus d’un. On y retrouve quelques faits politiques ayant marqué la vie politique du cinquième roi des Belges. Notamment, l’indépendance du Congo (1960) ou encore l’attitude du roi Baudouin au moment du vote de la loi sur l’avortement (1990). Une vie qui s’arrêta abruptement à 63 ans en Espagne, suite à un arrêt cardiaque. C’est la fin d’un règne ouvert dans des conditions difficiles en 1951, quand le fils de Léopold III et de son épouse Astrid de Belgique monte sur le trône. Il a à peine 20 ans.

La sainteté d’un roiDans ses propos liminaires, Albéric de Palmaert n’hésite pas, à propos de

© K

evin

Ver

saill

es

Afin d’accueillir un nombre grandissant d’étudiants et d’agrandir leurs bâtiments au début des an-

nées 70, les jésuites font le choix de s’implanter dans la ville-même et de refuser une extension dans les environs. "Le fait de ne pas démembrer la fonction académique du centre-ville est une prise de position autant politique que philosophique. C’est un enjeu qui va conditionner formellement l’ensemble des réalisa-tions", observe Kevin Versailles, auteur du livre "Un campus en ville". En effet, l’exploitation de l’espace disponible va requérir de l’imagination et une imbri-cation astucieuse des édifices les uns dans les autres. Derrière l’aménagement des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (désormais UNamur) se cache l’architecte namurois Roger Bastin. "Pieux, celui-ci est imprégné de la culture judéo-chrétienne. Il a réalisé

Baudouin, d’évoquer “la sainteté d’un roi”, considérant que sa vie “a été con-stamment abandonnée à la volonté de Dieu”. Sa vocation, précise encore l’auteur, “il ne l’a pas choisie” mais le roi l’a acceptée “parce que c’était là que l’Esprit l’appelait à être, pour se mettre au service de Dieu, en servant ses frères”. L’auteur insiste beaucoup sur l’”humilité absolue” de Baudouin dont la vie de “roi parmi les hommes” se résume à avoir été “l’humble serviteur de Dieu”.

Priez sans cesse Le livre témoigne en abondance de la grande piété de Baudouin. Ainsi, lors d’un voyage officiel en Hongrie en 1990, le roi s’inquiéta auprès du car-

La publication d’un ouvrage largement illustré évoque la réflexion menée par les jésuites à Namur. "Un campus en ville" concerne directement l’institution namuroise et son patrimoine, sans oublier son architecte de référence.

énormément d’églises. Ce n’est pas anodin qu’un bâtisseur d’églises exécute une univer-sité pour les jésuites. Ce que l’on retiendra de son architec-ture, c’est la grande sobriété et l’économie de moyens, qui peuvent avoir des connexions philosophiques avec le milieu jésuite", estime Kevin Versailles. Un autre thème contemporain se retrouve dans la mise en œuvre des différents projets architecturaux défendus par l’architecte de référence de la Compagnie de Jésus. Il s’agit

d’une forme de frugalité "présente avant l’heure", dans le choix des formes et des matériaux bruts qui prévalent. L’ouvrage présente de nombreux plans et croquis, retrouvés dans les archives, ainsi que des photos d’époque. L’ensemble permet de comprendre la genèse de ce projet citadin.

Une bibliothèque symboliqueInaugurée en 1979, la bibliothèque universitaire Moretus Plantin s’avère spectaculaire pour plu-sieurs raisons. Kevin Versailles détaille ses carac-téristiques. "Elle couronne l’extension d’un campus universitaire au centre-ville, qui a vu la construction de différentes facultés. La bibliothèque est une ins-titution transversale. Sa particularité, c’est qu’elle devait être fonctionnelle et inclure la variable du temps, c’est-à-dire s’adapter aux différents usages qui allaient en être faits, notamment l’intégration de

l’informatique. Encore mainte-nant, cette fonctionnalité ou-verte aux évolutions est très importante. L’espace, en tant que tel, est aménagé grâce aux armoires, aux étagères, aux divers mobiliers qui le structurent plus précisément. Et ce mobilier évolue avec le temps. Il y a une évolution permanente de la sensation spatiale. Toutefois, le travail le plus permanent est celui de la lumière, qui met en avant des espaces et crée des ambiances différentes."

✐ Angélique TASIAUX

Kevin Versailles, "Un campus en ville. Roger Bastin et l’Université de Namur". UNamur, 2020, 221 p.

dinal Laszlo Paskai de la situation de l’Eglise dans son pays. Ce dernier lui répondit par un seul mot: “Désespérée”. Baudouin se lève alors et se signe en disant au cardinal: “Il n’y a qu’une chose à faire, prier”. Et ils se mirent tous deux à le faire. Comme à beaucoup d’autres endroits dans ce petit ouvrage, la piété reste pleinement d’actualité et témoigne de la bienveillance d’un roi tout entier abandonné à la volonté de Dieu.

✐ Hugo LEBLUD

Albéric de Palmaert, “Le roi Baudoin. L’humilité d’un roi”, col. Vivre l’Evangile Avec, Pierre Téqui, Paris, 2020, 90 pages.

Eglise St Roch - Bois de Villers

Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (BUMP) - Namur.

© K

evin

Ver

saill

es

Page 13: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

13LOISIRS & CULTUREDIMANCHE N°15 12 avril 2020

Radio - TVRADIOMesseDepuis la Collégiale Sainte-Gertrude à Nivelles (Diocèse de Malines-Bruxelles). Commentaires: Myriam Tonus. Dimanche 12 avril, Solennité de la Résurrection du Seigneur, à 11h sur La Première et RTBF International.

Il était une foi… Accompagner les migrantsEn Belgique, plusieurs associations se mettent au service des migrants et par-mi elles, des associations chrétiennes comme le JRS – le Jesuit Refugee Service – et d’autres avec une action plus lo-cale comme La Hulpe for migrants. Entretien: Luc Tielemans. Jeudi saint, 9 avril à 21h sur La Première.

Il était une foi… Il fait bleu sous les tombesAvec son premier roman "Il fait bleu sous les tombes", la jeune psycho-logue Caroline Valentiny emmène le lecteur à la rencontre d’Alexis, un jeune homme couché dans sa tombe qui fait un voyage immobile entre souvenirs, sentiments et sensations d’un passé pas si lointain. Entretien: Anne-Françoise de Beaudrap. Vendredi saint, 10 avril à 21h sur La Première.

Il était une foi… Pâques, au temps du confinementLe monde entier vit des heures dif-ficiles en raison de la pandémie du Covid-19. Cette situation inédite a des répercussions directes sur la pratique des croyants et sur les célébrations de la Semaine sainte. Christophe Herinckx analyse différentes façons de vivre sa foi au temps du confinement. Dimanche 12 avril à 20h sur La Première.

TVChemin de CroixChemin de Croix à Rome. Commentaire: Emmanuel Tagnard. Vendredi 10 avril à 21h sur la Trois et sur KTO.

MesseSolennité de la Résurrection du Seigneur. En eurovision, vivre la messe en temps de Covid 19 depuis le pla-teau du CFRT à Paris 13e. Prédicateur: Mgr Eric de Moulins-Beaufort, arche-vêque de Reims et président de la CEF. Dimanche 12 avril à 11h sur la Une et dans "Le Jour du Seigneur" sur France 2. Egalement sur KTO.

Bénédiction Urbi et OrbiEn eurovision depuis la Basilique Saint-Pierre à Rome, par le pape François. Dimanche 12 avril à 12h sur la Une et sur KTO.

Il était une foi… L’écologie intégraleAlors que, sur tous les continents, l’en-gagement citoyen en faveur du climat ne cesse de se renforcer, l’Eglise catho-lique a également fait de la sauvegarde de la planète l’une de ses priorités. Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège, et Jean-Yves Buron, citoyen engagé, nous expliquent ce qu’est l’écologie intégrale voulue par le pape François. Dimanche 12 avril à 9h20 sur la Une (première diffusion: 24 novembre 2019).

ERRATUMDans l’article consacré à Yves Sente dans notre numéro 14 (page 9), un lecteur perspicace et amateur de BD nous a fait remarquer deux erreurs que nous répa-rons ici. Yves Sente est bien le scénariste de "Blake et Mortimer" (et non "Black et Mortimer"). Et le jour-nal Pilote a été lancé en 1959 (et non "dans la foulée de mai 68"), puis racheté par Dargaud en 1960. 

BANDE DESSINÉE

Etre capitaine de sa vieInspirée de la vie de missionnaires suisses, Capitão aurait dû être une thèse de doctorat. Mais le projet s’est concrétisé bien loin des arcanes universitaires. Pour le plus grand plaisir des bédéphiles.

Capitão signifie capitaine en portugais, la langue parlée au

Mozambique pendant la période colo-niale. Comme le héros de ces planches de bande dessinée a traversé "la grande mer", il devient aux yeux de ses interlocuteurs zoulous un "capi-tão". Le personnage central vient de la mission protestante suisse. Son par-cours raconté dans l’album se tient au début du XIXe siècle quand les colons blancs essayaient d’apporter l’Evan-gile à des peuples peu éduqués. Les missionnaires prenaient le temps de faire apprendre la lecture aux indi-gènes, et travaillaient à la traduction de la Bible en langue locale. Comme le résume Capitão dans une case de cette bande dessinée, "Est-ce ta leçon, Seigneur? Qu’on ne peut t’aimer sans aimer les hommes?"

De la thèse aux petites casesL’album est né de la coopération de deux artistes, Stefano Boroni pour le dessin, Yann Karlen pour le scénario. Le premier reconnaît dans une annexe en fin d’album: "Le livre que vous te-

nez entre les mains aurait dû être une thèse de doctorat que j’avais commen-cée en 2001 et que je n’ai pas termi-née. Je suis content que ce projet se termine comme ça, plutôt que dans un cadre universitaire." Le message sera accessible à plus de monde sous cette forme dessinée, d’autant plus que les éditions Antipodes l’accompagnent d’un travail pédagogique (notamment sous forme d’une exposition en Suisse). Les auteurs se sont inspirés de vraies figures historiques: Georges-Louis Liengme, qui était missionnaire-mé-decin (comme l’est le personnage de Capitão), Henri-Alexandre Junod qui a beaucoup étudié les tribus d’Afrique australe, Gungunhane (dernier em-pereur de cette région) et Eduardo Mondlane, premier président du Front de Libération du Mozambique. Par des dessins crayonnés, l’album nous plonge au cœur de la réalité du siècle passé, quand des élans mission-naires se heurtaient à l’intérêt écono-mique du pays colonisateur qui ne voulait rien d’autre que détruire les peuples natifs de la région. Ce débat éthique sous-tend toute l’intrigue de

cette bande dessinée. Elle est résumée par cette question qui figure en tête de l’album: "Est-on encore capitaine de notre vie?"

✐ AF de BEAUDRAP

"Capitão", de Stefano Boroni et Yann Karlen, aux éditions Anti podes, 112 pages. Disponible notamment sur www.antipodes.ch/librairie/capitao-detail

Rarement titre a été aussi bien porté et se révèle aussi actuel que celui-ci: Petit

traité de philosophie naturelle.Un recueil d’une vingtaine de courts récits écrit en 2006 par Kathleen Dean Moore, Américaine, professeure de philosophie, par ailleurs grande amoureuse de la nature et particulièrement de cette na-ture grandiose de l’Ouest américain, de ses rivages et de ses îles, de l’Oregon à l’Alaska.Chacun de ces récits part de l’observation précise, attentive et bienveillante d’un phénomène naturel: une algue, un oi-seau, un marais, le chant du troglodyte des canyons, le hurlement des loups, la crainte qu’inspirent les ours… S’éveillent alors chez l’auteur des réflexions sur les événements de la vie et les faits de la vie quotidienne, ainsi que l’évocation de souvenirs personnels, tels que la distance, la séparation, la relation aux proches, les racines.Chaque récit est ainsi l’occasion de pensées graves ou moins graves, toujours abordées sans prétention, sans grandilo-quence, mais au contraire avec beaucoup de simplicité et d’humilité dans un grand bain de nature sauvage décrit sans cliché.Dans cette période où chacun s’interroge, à tout le moins désemparé, lisez, relisez et appropriez-vous ce très beau petit livre qui, bien que publié pour la première fois il y

a quatorze ans, trouve aujourd’hui tout son sens et toute sa place. Savourez cette belle écriture pleine d’intelligence, de finesse, de sensibilité et d’humanité et que ne trahit pas la traduction. Faites vôtre l’un ou l’autre de ces récits. Chacun devrait pouvoir trouver le sien et souvenons-nous que le sens littéral de “philosophie” est “amour de la sagesse”.

✐ Marie-Christine COLIN-LEFEBVRE Siloë Liège – info@siloë-liege.be

04 223 20 55

Kathleen DEAN MOORE, “Petit traité de philosophie naturel-le”. Gallmeister, Collection TOTEM Récits, 2020 - 8,10€, (frais de port: 3,78€). Remise de 5% sur présentation de cet article.

LE CHOIX DE NOS LIBRAIRES

Amour de la nature et de la sagesseVoici une respiration d’air frais et une parenthèse de sérénité et d’apaisement. Pour contrer un peu l’angoisse et la perte des repères dans ce moment si particulier que nous vivons tous. Et nous inciter à nous reconcentrer sur les choses simples, mais tellement essentielles.

Page 14: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

14 RÉGIONS DIMANCHE N°15 12 avril 2020

MESSE CHRISMALE…

A NamurPour autant que les mesures rela-tives à la pandémie soient levées, Mgr Warin a déjà envoyé une invi-tation aux chrétiens de Namur–Luxembourg. Rendez-vous le 20 mai pour la célébration de la messe chris-male à la Cathédrale Saint-Aubain. Ce mercredi-là, Vigile de l’Ascension à 18h, "nous pourrons vivre la béné-diction de l’Huile des Catéchumènes et de l’Huile des Malades ainsi que la consécration du saint chrême", explique l’évêque de Namur. Cette célébration 2020 a un deuxième ca-ractère exceptionnel, outre le report de la date: cette année marque le 50e anniversaire de la première ordina-tion d’un diacre permanent dans le diocèse. Les diacres ainsi que les prêtres ordonnés depuis 5, 10, 15, 20, 30, 40 ou 50 ans seront particu-lièrement mis en valeur.

Dans le Brabant wallonLa célébration de la messe chris-male est non seulement le moment en Eglise où les Huiles saintes sont bénies. C’est aussi au cours de cette célébration que les prêtres et les diacres renouvellent leur engage-ment à la suite du Seigneur. Certaines paroisses s’engagent à entourer ces serviteurs de Dieu qui, plus que ja-mais, en ont besoin. "Si nous, parois-siens, nous souffrons de ne pouvoir faire assemblée, célébrer, commu-nier…, eux souffrent également de voir l’église vide, d’être des pasteurs éloignés de leurs brebis", constate par exemple la paroisse Saint-Etienne à Rixensart. Différentes initiatives lan-cées par le vicariat du Brabant wal-lon vont permettre de "manifester notre soutien fraternel" à tous les prêtres et les diacres lors de la jour-née du Jeudi saint.Suggestions à retrouver sur www.bwca-

tho.be/jeudi-saint,3749.html

BRUXELLESForum Saint-Michel en ligneNe pouvant poursuivre le pro-gramme habituel, le Forum Saint-Michel ouvert en septembre dernier à Bruxelles, poursuit son offre en ligne. De nombreux cours et confé-rences audio sont ainsi disponibles sur le site www.forumsaintmichel.be/coursaudio/Les personnes déjà inscrites à l’une ou l’autre formation ont dû recevoir par mail une réponse proposant des solutions que le Forum Saint-Michel met en place.

EN BREF

Le diocèse de Tournai, l’Eglise catholique de Belgique mais aussi toute l’équipe de Cathobel ont eu la tristesse d’ap-

prendre le décès de l’abbé Luc Lysy, le lundi 29 mars, des suites de la longue maladie dont il souffrait depuis des mois. Dans un très bel hommage intitulé "Dans le sillage de Luc…", Paul Scolas souligne: "Après plusieurs mois de souffrances, après avoir fait, en pleine conscience, le choix des soins palliatifs où il a trouvé la paix, Luc Lysy, doyen de Charleroi, nous a quit-tés. Il laisse un vide, il laisse surtout une trace." Dans un très beau mes-sage publié sur Facebook, le vicaire général du diocèse de Tournai, l’abbé Olivier Fröhlich reconnaît: "Luc était une belle figure de prêtre, attentif aux personnes, habité par la volonté d’incarner l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui, et profondément spiri-tuel."

Sa vie à CharleroiLuc Lysy était né en 1955 à Warneton (Comines), l’autre bout du Hainaut. Ordonné prêtre en 1979, il a vécu tout son ministère au pays de Charleroi: Fontaine-l’Evêque, Courcelles, Jumet et, depuis une quinzaine d’années, à Charleroi même comme doyen pour toute la région. "Il avait de tout son cœur et de tout son être adopté la ville et le pays de Charleroi", signale Paul Scolas dans son hommage. Le prêtre qui a longtemps collaboré avec l’abbé Lysy ajoute: "Luc savait saisir avec finesse et pertinence les grands enjeux à la fois de la vie sociale et de la vie ecclésiale sans jamais les séparer. Et cette attention l’ouvrait à une véritable vision prophétique de la réalité. L’appel du pape François à ‘sortir’ trouvait chez lui plus qu’un écho. A ses yeux, les expériences de rencontre et

CHARLEROI

A-Dieu Luc LysyUn hommage à plusieurs voix est rendu au doyen de Charleroi, homme d’Eglise attentif aux besoins de la société.

d’écoute affermissaient la conviction que les communautés chrétiennes ne vivront que si, dès maintenant nous ‘sortons’ et si nous fondons les renouvellements sur cette ‘sortie’ – et non l’inverse: d’abord fonder entre nous et puis ‘sortir’."De son côté, l’abbé Pascal Roger, qui a travaillé avec le doyen de Charleroi au sein du Mouvement pour un Monde Meilleur, souligne: "Brillant intellectuel et grand spirituel, lecteur in-

fatigable et homme de terrain, prêtre de l’Eglise et esprit universel, Luc ne cessera de se passionner pour l’huma-nité dans toute sa largeur et toute sa profondeur. Il laisse un bel héritage au Mouvement pour un Monde Meilleur qu’il a contribué à enraciner davan-tage dans sa vocation profonde au ser-vice de l’Humain aujourd’hui."Au sein des Médias catholiques, nous avons souvent eu l’occasion d’échan-ger avec l’abbé Luc Lysy. Comme doyen principal pour la région de Charleroi, il était notre interlocuteur naturel pour l’édition locale de Dimanche qui concernait ces paroisses. Spécialiste passionné de la basilique Saint-

Christophe qui a fêté il y a peu ses 60 ans, Luc Lysy montrait son talent pour faire vivre les pierres et les décorations litur-giques afin d’aider le visiteur à ressentir la foi des chrétiens d’hier et d’aujourd’hui. Citons encore les rôles de prédicateur des messes diffusées en radio et TV ainsi que de commenta-teur de l’Evangile dans nos colonnes. Le diocèse de Tournai précise qu’une célébration eucharis-tique à sa mémoire sera organisée lorsque les conditions le permettront après la période de confinement. Ceux qui veulent rendre hommage à Luc Lysy seront tenus au courant.

✐ Anne-Françoise de BEAUDRAP

Les consignes de distanciation sociale et de précaution sanitaire face à la

pandémie ne permettent pas une pré-paration sereine de ces évènements qui rassemblent chaque année des milliers de marcheurs. Cela incite un participant régulier, l’abbé Philippe Masson, actuel doyen de Philippeville, à s’exprimer via un billet d’humeur: "Il faut vivre en Entre-Sambre-et-Meuse pour mesurer le voile de deuil qui tombe sur nos com-munautés villageoises. Certains diront: ‘Il y a pire que ça’’, ‘’Vous n’êtes pas à plaindre’’ et c’est vrai, je le mesure; mais il y a quand même ça. C’est l’âme même de notre région qui est blessée et le cler-gé ne doit pas y être indifférent. Nous sentirons certainement moins la brebis, certains s’en réjouiront, moi je pleure cette occasion manquée de vivre avec le troupeau un moment d’exceptionnelle communion."Rappelons que quinze de ces marches ont été reconnues comme chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2012.

ENTRE SAMBRE ET MEUSE

Les marches auront-elles lieu ?Avec l’arrivée du printemps, se profile la saison des marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Les différentes dates des festivités devraient s’étaler entre mai et octobre.

Le chanoine Philippe Masson, lors d’une Marche.

L’abbé Philippe Masson prenait appui sur cette reconnaissance internatio-nale, dans l’homélie qu’il prononçait lors des Marches 2019, pour souligner la force de ces évènements folkloriques et religieux: "Je pense, mes frères et mes sœurs, qu’après avoir reçu la reconnais-sance de l’UNESCO, nos Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse devraient re-cevoir le label écoresponsable. Mais pour moi, la véritable empreinte laissée par nos Marches, c’est la fraternité et la soli-darité qui s’y vit. Et cela est tout aussi vital que le respect de l’écologie. A quoi bon une planète verte si l’homme n’y vit pas des relations fraternelles qui l’épa-nouissent. Et s’il est un lieu où l’amitié se vit, ce sont bien nos Marches. A toutes et à tous, je souhaite une bonne Marche dans le respect de chacun, particulière-ment du plus faible." L’avenir dira si, et quand, ces traditions de l’Entre-Sambre-et-Meuse pourront être organisées cette année.

✐ AFdB (d’après diocèse de Namur)

© D

R

© D

R

Page 15: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

ENTRAIDEEn peu de temps, cette famille a été

dévastée par ce qu’elle a appris. Depuis deux ans déjà, la jeune fille de cette famille se plaignait de douleurs. Douleurs articulaires et musculaires qui se sont aggravées rapidement. De nombreux spécialistes se sont succédé auprès de la jeune fille avant de poser un diagnostic définitif. L’adolescente souffre d’une pathologie rare, congéni-tale et évolutive: la syringomyélie avec malformation d’Arnold-Chiari . Etant donné le profil de cette pathologie, des tests ont également été menés sur les autres membres de la famille. Le père et son fils en sont également atteints et en

souffrent à des degrés différents. Ce syn-drome peut rester longtemps silencieux et certains symptômes inaperçus. Cette pathologie rare n’est pas reconnue en Belgique. Le traitement consiste en une chirurgie lourde de la moelle épinière. L’intervention est pratiquée uniquement dans une clinique privée de Barcelone. La famille s’est donc cotisée et a orga-nisé des levées de fonds à travers divers évènements pour réunir la somme de plusieurs milliers d’euros nécessaires à la prise en charge de la jeune fille. L’année dernière, l’intervention a pu être pratiquée avec succès sur cette der-nière. Mais la famille continue le combat

car les conditions du papa se dégradent. Son épouse espère à nouveau regrouper la somme nécessaire pour soigner son mari et son fils. La tâche s’avère ardue car leurs économies ont été englouties dans la première intervention. Tendons-leur la main. (Appel 15)

Déduction fiscale à partir de 40 euros annuelsPour les dons relatifs aux appels, utili-sez le compte: BE05 1950 1451 1175 - BIC: CREGBEBB du Service d’Entraide Quart-monde, Rue de Bertaimont 22, 7000 Mons, tél: 065/22.18.45.

Retrouvez tous les appels du service d’entraide sur le site cathobel.be (http://www.catho-bel.be/eglise-en-belgique/service-dentraide-14-monde/)

SERVICE D’ENTRAIDE Chaque bataille mérite d’être menée

15SERVICEDIMANCHE N°15 12 avril 2020

Profitez du contenu du journal Dimanche, en version PDF, gratuitement pendant 3 mois

via le formulaire sur www.cathobel.be

OFFRE OUVERTE À TOUS SANS EXCEPTION !

INTENTIONS DE MESSEDes prêtres d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine nous demandent fréquemment des intentions de messe, (7 euros) pour pouvoir œuvrer auprès de leurs paroissiens. Attention à ver-ser sur le compte: BE41 1950 1212 8110 BIC: CREGBEBB, du Service d’Entraide tiers-monde avec mention "Projets Pastoraux". Pas d’exonération fiscale.

Le temps du confinement, Dimanche a décidé de suspendre l’agenda hebdomadaire.Nous vous invitons à respecter les consignes en restant dans votre maison,

à prendre bien soin de vous et contacter régulièrement vos proches. Mais aussi de rester vigilant durant cette période qui peut être mise à profit

par des personnes malveillantes et sans scrupules.

Page 16: Hebdomadaire du 12 avril 2020  · plus faibles, etc. Ou ne rien faire en raison de la tristesse du deuil. Au lieu de cela, les disciples ont continué à vivre ensemble, dans le prolongement

Mots croisés Problème n°20/15Horizontalement: 1. Renfermés et moroses. – 2. Sa capitale: Bucarest. – 3. Mille-pattes - Expédition. – 4. Grand rideau - Pied de vigne. – 5. Résonne - Pronom personnel. – 6. Copulatif - L’inhibition peut l’atteindre. – 7. Délit - Possessif. – 8. Activistes basques - Trompera. – 9. Porter préjudice - Me déplacerai. – 10. Chef - Erodait.Verticalement: 1. Avec beaucoup d’amertume. – 2. Mois - Cabocharde. – 3. Hardiesse - Accomplit une tâche. – 4. Région de Madagascar - Note. – 5. A toi - Œuvre de Virgile. – 6. Place du scoop - Costume de ballerine. – 7. Nettoyer en frottant - Mamelle. – 8. Futur glacier - Retranchera. – 9. Accepterai. – 10. On le farte - Défavorisait.

Solutions Problème 20/14 1. RHINOCEROS - 2. EUROPE-UNE - 3. SERMENTS-R - 4. IRE-REUSSI - 5. LASSE-TETE - 6. I-OURSE-AS - 7. ALLE-PLAT - 8. BOUTEILLES - 9. LU-TU-EURE - 10. EPIEES-NETProblème 20/13 1. DRAMATIQUE - 2. EUROTAS-NU - 3. VASTE-AA-B - 4. EDE-LARGUE - 5. RENIER-ISE - 6. G-INSISTE - 7. ONCE-DIESE - 8. NO-DIETE-S - 9. DELIT-USUS - 10. E-ETETE-TE

Cathobel asbl – Chaussée de Bruxelles, 67/2 à 1300 Wavre tel : +32 (0)10 235 900 - [email protected]  www.cathobel.be - Service abonnés: +32 (0)10 779 097 [email protected] - Tarifs: 1 an (46 n°) 45 €, abonnement de soutien 79 €. N°compte: 732-0215443-57 - IBAN BE09 7320 2154 4357 BIC CREGBEBB - TVA : BE0428.404.062.• Editeur Responsable: Jean-Marie Huet, a.i.• Directeur de la rédaction: Jean-Jacques Durré.• Secrétaires de rédaction: Pierre Granier, Manu Van Lier. • Rédaction: Anne-Françoise de Beaudrap, Natacha Cocq, Vincent Delcorps, Sophie Delhalle, Nancy Goethals, Christophe Herinckx (Fondation Saint-Paul), Corinne Owen, Angélique Tasiaux. • Collaborateurs: Luc Aerens, Didier Croonenberghs o.p., Philippe Degouy, Charles Delhez, Laurence D’Hondt, Hervé Gérard, Benoit Lannoo, Hugo Leblud, Sabine Perouse, Myriam Tonus. Pour envoyer vos infos générales: [email protected]. Vos infos régionales et locales: [email protected] • Directeur opérationnel: Cyril Becquart • Mise en page: Isabelle Bogaert • Publicité: Cyril Becquart - 0478/222 290 [email protected]• Impression: Coldset Printing. CIM 2018 Membre WEMEDIA 

On a parfois peur du silence, un silence qui nous étonne, qui nous interpelle avec ses questions

inévitables; nous avons peur du silence qui nous oblige à le remplir par des mots, par de la musique, par du bruit. Nous avons peur de rester en silence: déjà une seule minute de silence, une seule minute nous semble une éternité. Eh bien, c’est le silence qui aujourd’hui nous de-mande une place dans notre vie, pour nous aider à découvrir encore une fois l’"essen-ciel". Hier, pendant la retransmission télévisée de la prière du pape avec le monde entier, des minutes de silence ont été transmises sans l’interruption par des mots, des commentaires, inutiles, comme parfois on fait dans les transmissions, surtout à la radio, pour aider les gens à suivre l’événement. Hier, à la télé, quelques minutes de silence absolu, pendant le temps de l’adoration. Un silence qui s’est répandu déjà, au commencement, quand le Pape, tout seul, est monté devant la basilique de Saint-Pierre prête à embrasser avec ses colonnades toute l’humanité. La pluie, un signe peut-être prophétique des larmes de tout homme en souffrance comme l’homme-Dieu de la Croix qui a payé le prix de tous. Le silence de l’humanité épuisée par la fatigue de la souffrance, le silence de Dieu qui semble s’endormir et nous oublier, le silence de chacun de nous, inca-pable d’avancer en toute normalité dans le quotidien comme d’habitude. Ce Covid-19 a tout changé: agendas bloqués, rendez-vous annulés, habitudes changées, vie confinée, amis écartés, contacts évités.

Une autre façon de vivre. Même la nature a changé: moins de pollution, les canaux de Venise sont plus lim-pides, les dauphins plus proches des ports. Mais une vie en souffrance... qui laisse la place princi-pale au silence: un silence de réflexion, d’étonnement, de questionnement, de prière, de contemplation... un si-lence de méditation, d’invocation. Un silence qui s’ouvre à l’Esperance, comme ce moment dans les ténèbres s’ouvre à la lumière d’un ciel plus clair et ensoleillé.

Pendant ces semaines, notre vie n’est pas vécue comme d’habitude: pas de sorties inutiles, pas de vie communautaire dans nos églises et nos centres de rassemblement. Tout est reconduit à l’improviste et obligatoirement à l’"essen-ciel". Si tout à l’improviste s’est arrêté, si avec tous les moyens, on essaie de garder la normalité et assurer tout ce qui nous semble essentiel, eucharisties et temps de prière radio-télévisés comprises, si la circonstance nous pousse à l’action créative et inventive, encore une fois nous sommes mis face à la possibilité de faire place à lui, le silence, qui n’est pas inactif, mais tout le contraire, le plus efficace et réactif, régénératif et pro-ductif, comme le grand silence qui tombe le vendredi saint jusqu’à l’aube de Pâques. C’est un silence qui nous fait peur, peur de nous faire

perdre la place des acteurs principaux de notre vie, peur de nous laisser conduire par des obligations de circonstances qui nous dépassent, peur de nous laisser transformer par un éveénement qui sûrement après son passage ne nous laissera pas les mêmes qu’avant. Laissons-nous prendre par ce silence. Laissons-nous guider par ce silence... sans peur. C’est dans ce silence que nous pouvons retourner à l’essentiel de notre vie, au sens de notre existence humaine, aux priorités de notre vie ecclésiale. C’est ce silence qui peut nous aider à trouver le sens de cette souffrance qui nous afflige aujourd’hui et qui nous conduit vers Dieu, qui jamais ne nous a abandonnés. Si nos contacts avec les autres sont limités, si nos familles sont confinées, si nos célébrations publiques sont annulées, si nos communautés semblent perdre toute la dynamique par l’apparent manque d’ini-tiatives créatives qui puissent soulager le manque de la vie quotidienne normale, si nos paroisses et communautés semblent tomber dans la violence de la tempête, ouvrons nos vies au silence! C’est le silence de la grâce, qui seule peut nous conduire au matin de la résurrection! Le silence de la prière commune qui manifeste solidarité et proximité malgré la dis-tance sociale imposée! Le silence de l’homme faible et qui a besoin d’aide! Le silence de Dieu qui n’a jamais abandonné son humanité... mais à qui seulement il demande de revenir à l’essentiel!

✐ Alessio SECCI Curé de l’Unité pastorale Alliance

Jupille-Grivegnée

La force du silence © P

exel

s

Tout est reconduit à l’improviste et obligatoirement à l’ "essen-ciel".