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Ce mémoire n’aurait pas pu être rédigé sans l’existence du CCRM. Le CCRM et plus largement tous les CLCRM d’Europe ont été le fruit d’un effort collectif. Cet effort collectif a été porté par des hommes et femmes, par des Européens et par des Marocains.L’action des CLCRM était organisée par ces hommes et femmes mus par un idéal commun de justice et de solidarité. Ce travail était, en plus, effectué sans aucune forme de rétribution. Fournir un tel travail militant sur une vingtaine d’années relève au moins d’une générosité désintéressée, sinon d’une résistance ouverte face à l’oppression politique et à la tyrannie d’Hassan II. Les militants connus et moins connus ont consacré leur temps et leur énergie à soutenir le peuple marocain dans sa lutte contre le régime d’Hassan II. Alors que ce dernier disposait les moyens de sa répression politique, les militants des CLCRM disposaient d’une organisation, des moyens d’action rapide et surtout du courage. Le courage apparaissait comme la première arme de résistance face à la dictature marocaine.Depuis l’indépendance du Maroc, les enlèvements, les tortures, les incarcérations, les meurtres et les disparitions définitives ont été le lot quotidien du peuple marocain dans le cadre de sa lutte pour la démocratie, la liberté d’expression, la liberté de conscience et la liberté d’opinion. De ce fait, les CLCRM ont relevé un grand défi celui de la lutte contre la répression au Maroc.Outre le courage, l’entraide permettait aux Marocains du Maroc et d’Europe de combattre la répression politique. Néanmoins, comme le dit l’adage suivant : « Derrière chaque grand homme se cache une femme ». Ainsi, lors des rafles qui frappèrent de plein fouet les militants marocains, qu’ils soient de gauche ou d’extrême gauche, ce sont les femmes, les mères, les filles, les tantes, les grand-mères, les cousines qui sortaient pour manifester et revendiquer la libération immédiate des détenus dans les prisons. En guise d’exemple, citons le combat des femmes proches des militants de l’UMT , de l’UNFP, de l’USFP, d’Ilal Amam et du 23 Mars qui ont aidé ces derniers à échapper à la police, et les femmes de l’extrême gauche, dont Saïda Menbehi*, sûrement la plus forte figure féminine de la résistance au régime d’Hassan II, qui est morte pour son combat en 1977. Ces femmes devaient, parallèlement, pourvoir à l’éducation au sein du foyer à l’heure où leur mari sortait militer pour un Maroc meilleur. La machine répressive ne faisait pas de cadeaux, ainsi pensons aux nombreuses familles marocaines détruites par les actions arbitraires commises par la police marocaine.Ensuite, citons les cas des femmes des détenus « secrets » dans les centres de détention, les PF ou les bagnes. Parmi ces femmes, évoquons les femmes du capitaine Salah Hachad et du commandant M’barek Touil, Aïda Hachad et Nancy Touil qui ont plaidé jusqu’au bout pour la libération de leur mari et de leur groupe entre 1973 et 1989. Evoquons la mobilisation de la famille Ben Barka qui ne cessa de militer pour connaître le sort de Mehdi Ben Barka disparu depuis 1965. Il y a aussi la famille El Manouzi, qui, encore aujourd’hui, se mobilise pour connaître le sort d’Houcine El Manouzi disparu depuis 1975. Parmi les femmes des détenus, citons Christine Jouvin* et Jocelyne Laâbi qui luttèrent pour la libération de leur mari : Abraham Serfaty et Abdellatif Laâbi. Parmi les mères qui se sont illustrées dans le combat pour la libération de leurs enfants, citons les mères de Moustapha Belhouari et Moulay Ahmed Douraïdi qui sont sorties avec les mères des détenus lors des manifestations qui ont eu lieu à Marrakech le 1er mai 1984.Ces mères, ces femmes, ces tantes et ces grand-mères étaient celles qui allaient voir régulièrement les détenus en prison en leur apportant des vivres, de la tendresse et de l’amour comme l’indiquait« Rahal » dans son témoignage. Sitôt les prisonniers recevaient quelque chose sitôt ils étaient fouillés par les gardes de la prison qui con
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Année académique 2014-2015
Histoire du Comité de Lutte contre la Répression au
Maroc
Analyse d’une association centrée en Belgique : 1972-1995
EL BAROUDI, Ziad
Mémoire présenté sous la direction de Mme Anne
Morelli en vue de l'obtention du titre de Master en
histoire à finalité Archives et documents
Table des Matières Liste des sigles
Avant-propos
Introduction……………………………………………………………………........................................................................1
Chapitre I : Méthodologie………………………………………………………………………..................................3
a. La bibliographie………………………………………………………………………………………............................3
b. Les centres de documentation…………………………………………………………………………………………...4
c. Les archives des particuliers…………………………………………………………………………………………….6
d. Les sources orales……………………………………………………………………………………………………….7
Chapitre II : Chronologie de la politique marocaine………………………………….............................8
A. Le Camp du Palais…………………………………………………………………………………………8
a.1 Le Roi………………………………………………………………………………………………………………...8
a.2 Le Makhzen…………………………………………………………………………………………………………10
B. Les Partis politiques au Maroc………………………………………………………………………........14
b.1 L’émergence d’une conscience partisane : 1927-1934………………………………………………………....14
b.2 Emergence du Mouvement National : 1934-1943…………………………………………………………........15
b.3 Les Partis politiques, quelle gauche pour quelle droite ? : 1943-1959…………………………………..........16
b.4 Le face-à-face entre le Palais et les Partis politiques : 1959-1965…………………………………………….19
b.5 Vers un nouveau consensus politique et la question du Sahara occidental : 1965-1983………………........23
C. L’appareil sécuritaire au Maroc………………………………………………………………………….27
c.1 Les Forces Armées Royales……………….............................................................................................................27
c.2 Les polices politiques………………........................................................................................................................28
c.3 Les lieux de détentions et tortures au Maroc……………….................................................................................34
Chapitre III : L’exil politique…………………………………................................................................................34
a. Du Maghreb vers l’Europe : fuir le despotisme d’Hassan II………………......................................................34
b. Les Amicales des Travailleurs et Commerçants Marocains………………......................................................36
c. Syndicalisme et opposition marocaine en Europe……………….......................................................................39
Chapitre IV : Les Comités de Lutte contre la Répression au Maroc………………...................41
A. Le Comité de Paris : Comité pionnier 1972………………………………………………………….........41
a.1 Les objectifs du Comité………………....................................................................................................................42
a.2 Les premiers rapports du Comité : 1972-1976………………..............................................................................43
B. La Belgique : du Comité carolorégien au Comité bruxellois : 1973-1995……………………….................43
B.1 La composition des comités…………………………………………………………................................43
b.1.2 Le comité de Charleroi…………………………………………………………........................44
b.1.3 Le comité de Bruxelles…………………………………………………………………………45
b.1.3.1 Rencontres à la CGSP……………………………………………………….............................45
b.1.3.2 De la CGSP aux mouvements associatifs belges…………………………………………........45
b.1.3.3 Des mouvements associatifs belges aux représentants politiques belges……………………...46
B.2 Le fonctionnement du comité bruxellois……………………………………………………....................48
b.2.1 Le modèle bruxellois : membres délibératifs et membres consultatifs…………………………………...49
b.2.2 Gestion financière et le réseau de solidarité syndicale……………………………………………………54
B.3 Activités et publications……………………………………………………..............................................58
b.3.1 Du second rapport de Paris aux premières coordinations européennes : 1977-1979……………………...60
b.3.2 Les premières activités du Comités de Lutte contre la Répression à Bruxelles : 1977-1983……………..66
b.3.3 La mission juridique André Tremblay et les émeutes du 21 juin 1981…………………………………...69
b.3.4 Les relations entre les CLCRM en Europe: coordinations et bilans d’activités 1977-1983………………78
b.3.5 La mission médicale Brutsaert-Moulaert et le Groupe « 84 » de Marrakech : 1984……………………...88
b.3.6 De la coordination des CLCRM de Strasbourg à l’affaire Albert Raes : 1985-1989……………………..98
C. Bilans et résultats obtenus………………………............................................................................................................107
Conclusion…………………………………........................................................................................................................113
Sources et bibliographie…………………………………………….........................................................................118
Glossaire des personnalités………………………………………………………………………………………..139
Annexe………………………………………………………………………………………………………………………..158
Liste des sigles
Partis, associations et institutions : Maroc (Maghreb)
ALM Armée de Libération Marocaine
AMDH Association Marocaine des Droits de l’Homme
ASDHOM Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc
CALM Comité d’Action et de Lutte Marocain
CDT Confédération Démocratique du Travail
CNC Conseil National Consultatif
DGED Direction Générale de l’Etude et de la Documentation
DGSN Direction Générale de la Sécurité Nationale
DST Direction de la Sûreté Nationale
FAR Forces Armées Royales
FDIC Front de Défense des Institutions Constitutionnelles
FI Front de l’Istiqlal
FLN Front de Libération Nationale (Algérie)
MP Mouvement Populaire
MPDC Mouvement Populaire Démocratique Constitutionnel
OADP Organisation de l’Action Démocratique et Populaire
OMDH Organisation Marocaine des Droits de l’Homme
PA Parti de l’Action
PADS Parti de l’Avant-Garde Démocrate et Socialiste
PCD Parti Démocratique Constitutionnel
PCM Parti Communiste Marocain
PF Poste Fixe
PI Parti de l’Istiqlal
PDI Parti de la Démocratie et de l’Istiqlal
PJD Parti Justice et Développement
PLP Parti Libéral Progressiste
PLS Parti de la Libération et du Socialisme
PN Parti National
PND Parti National Démocrate
PSU Parti Socialiste Unifié (Maroc)
POLISARIO Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro (Sahara occidental)
PPS Parti du Progrès et du Socialisme
RASD République Arabe Sahraouie Démocratique (Sahara occidental)
RNI Rassemblement National des Indépendants
SNE Syndicat National des Enseignants
SNL Syndicat National des Lycéens
UC Union Constitutionnelle
UGEM Union Générale des Etudiants du Maroc
UGSM Union Générale des Syndicats Confédérées du Maroc
UGTM Union Générale des Travailleurs du Maroc
UMT Union Marocaine du Travail
UNED Union Nationale des Etudiants Démocrate
UNEM Union Nationale des Etudiants du Maroc
UNFP Union Nationale des Forces Populaires
USFP Union Socialiste des Forces Populaires
Partis, associations et institutions.
EUROPE : France, Belgique, Pays-Bas et Allemagne.
ACAT Action des chrétiens pour l'abolition de la torture
AJBD Association des Juristes Belges Démocrates
AMF Association des Marocains de France
APADM Association des Parents et Amis Disparus au Maroc
ASCLCRM Association des Comités de Lutte contre la Répression au Maroc
ATMF Association des Travailleurs Marocains de France
CLCRM ou CCRM Comité de Lutte contre la Répression au Maroc ou Comité Contre la Répression au Maroc
CGSP Centrale Générale des Services Publics (Belgique)
CGT Confédération générale du travail (France)
CNAPD Coordination Nationale d'Action pour la Paix et la Démocratie (Belgique)
CNV Christelijk Nationaal Vakverbond (Pays-Bas)
CSC Confédération des syndicats chrétiens (Belgique)
CVP Christelijke Volkspartij (Belgique)
DGB Deutscher Gewerkschaftsbund (Allemagne)
FDF Fédération Démocratique des Francophones
FGTB Fédération Général du Travail de Belgique
FNV Federatie Nederlandse Vakbeweging (Pays-Bas)
JCB Jeunesses Communistes Belges
JOC Jeunesses Ouvrières Chrétiennes (Belgique)
JSB Jeunesses Socialistes Belges
KMAN Komitee Marokkaanse Arbeiders Nederlands
KPB Kommunistische Partij van België
MAB Marokkanisher Arbeiterbund
MOC Mouvement Ouvrier Chrétien (Belgique)
MCP Mouvement Chrétien pour la Paix (Belgique)
MR Mouvement Réformateur (Belgique)
MRAX Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie
ONU Organisation des Nations Unies
OXFAM Oxford Committee for Famine Relief (section Belgique)
PCB Parti Communiste Belge
PRL Parti des Réformes Libérales (Belgique)
PSB Parti Socialiste Belge
PSF Parti Socialiste Français
PSU Parti Socialiste Unifié (France)
PSC Parti Social-Chrétien (Belgique)
RDM Regroupement Démocratique Marocain
RW Rassemblement Wallon
UBDP Union Belge pour la Défense et la Paix
Avant-propos1
Ce mémoire n’aurait pas pu être rédigé sans l’existence du CCRM. Le CCRM et plus largement
tous les CLCRM d’Europe ont été le fruit d’un effort collectif. Cet effort collectif a été porté par des
hommes et femmes, par des Européens et par des Marocains.
L’action des CLCRM était organisée par ces hommes et femmes mus par un idéal commun de
justice et de solidarité. Ce travail était, en plus, effectué sans aucune forme de rétribution. Fournir un tel
travail militant sur une vingtaine d’années relève au moins d’une générosité désintéressée, sinon d’une
résistance ouverte face à l’oppression politique et à la tyrannie d’Hassan II. Les militants connus et moins
connus ont consacré leur temps et leur énergie à soutenir le peuple marocain dans sa lutte contre le
régime d’Hassan II. Alors que ce dernier disposait les moyens de sa répression politique, les militants
des CLCRM disposaient d’une organisation, des moyens d’action rapide et surtout du courage. Le
courage apparaissait comme la première arme de résistance face à la dictature marocaine.
Depuis l’indépendance du Maroc, les enlèvements, les tortures, les incarcérations, les meurtres et
les disparitions définitives ont été le lot quotidien du peuple marocain dans le cadre de sa lutte pour la
démocratie, la liberté d’expression, la liberté de conscience et la liberté d’opinion. De ce fait, les
CLCRM ont relevé un grand défi celui de la lutte contre la répression au Maroc.
Outre le courage, l’entraide permettait aux Marocains du Maroc et d’Europe de combattre la
répression politique. Néanmoins, comme le dit l’adage suivant : « Derrière chaque grand homme se cache
une femme ». Ainsi, lors des rafles qui frappèrent de plein fouet les militants marocains, qu’ils soient de
gauche ou d’extrême gauche, ce sont les femmes, les mères, les filles, les tantes, les grand-mères, les
cousines qui sortaient pour manifester et revendiquer la libération immédiate des détenus dans les prisons.
En guise d’exemple, citons le combat des femmes proches des militants de l’UMT , de l’UNFP, de
l’USFP, d’Ilal Amam et du 23 Mars qui ont aidé ces derniers à échapper à la police, et les femmes de
l’extrême gauche, dont Saïda Menbehi*, sûrement la plus forte figure féminine de la résistance au régime
d’Hassan II, qui est morte pour son combat en 1977. Ces femmes devaient, parallèlement, pourvoir à
l’éducation au sein du foyer à l’heure où leur mari sortait militer pour un Maroc meilleur. La machine
répressive ne faisait pas de cadeaux, ainsi pensons aux nombreuses familles marocaines détruites par
les actions arbitraires commises par la police marocaine.
Ensuite, citons les cas des femmes des détenus « secrets » dans les centres de détention, les PF ou
les bagnes. Parmi ces femmes, évoquons les femmes du capitaine Salah Hachad et du commandant
M’barek Touil, Aïda Hachad et Nancy Touil qui ont plaidé jusqu’au bout pour la libération de leur mari et
de leur groupe entre 1973 et 1989. Evoquons la mobilisation de la famille Ben Barka qui ne cessa de
militer pour connaître le sort de Mehdi Ben Barka disparu depuis 1965. Il y a aussi la famille El
1 L’image de la page de garde est tirée de la couverture de « Maroc Répression », bulletin d’information du CCRM section
Bruxelles. In Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, novembre-décembre, 1989.
Manouzi, qui, encore aujourd’hui, se mobilise pour connaître le sort d’Houcine El Manouzi disparu
depuis 1975. Parmi les femmes des détenus, citons Christine Jouvin* et Jocelyne Laâbi qui luttèrent pour
la libération de leur mari : Abraham Serfaty et Abdellatif Laâbi. Parmi les mères qui se sont illustrées dans
le combat pour la libération de leurs enfants, citons les mères de Moustapha Belhouari et Moulay
Ahmed Douraïdi qui sont sorties avec les mères des détenus lors des manifestations qui ont eu lieu à
Marrakech le 1er mai 1984.
Ces mères, ces femmes, ces tantes et ces grand-mères étaient celles qui allaient voir régulièrement
les détenus en prison en leur apportant des vivres, de la tendresse et de l’amour comme l’indiquait
« Rahal » dans son témoignage. Sitôt les prisonniers recevaient quelque chose sitôt ils étaient fouillés par
les gardes de la prison qui confisquaient tout, même l’amour apporté…
Le présent travail vise à rendre hommage à ces militants marocains, français, belges, néerlandais,
allemands, suisses et espagnols, tout en saluant l’action des hommes et femmes de l’ombre qui ont
constitué une véritable force organisatrice militante.
1
Introduction
On ne peut s’empêcher de penser à deux choses lorsqu’on évoque la répression politique au Maroc :
les années de plomb d’Hassan II* et « Notre Ami le Roi » de Gilles Perrault*. Ces deux idées résument très
bien la séquence choisie pour l’étude du CLCRM de Belgique entre 1972 et 1995. Toutefois, ces deux
idées recouvrent quelque chose de plus profond, quelque chose de plus vaste qu’il convient observer de
plus près.
L’histoire du CLCRM de Belgique s’inscrivait dans une triple histoire : l’histoire du Maroc,
l’histoire de la Belgique et l’histoire des Mouvements de Solidarité Internationaux. Du coup, l’équation
doit s’adapter dès lors que nous parlerons des CLCRM d’Europe. Pourquoi avoir choisi ce sujet ? Je pense
qu’étudier l’histoire du CLCRM de Belgique est, d’une part , un facteur permettant la compréhension
du contexte politique mondial durant la période 1970-1990, et, d’autre part le moyen de montrer que
CLCRM fut un élément essentiel à la connaissance des mouvements de solidarité en Belgique à cette
même é p o q u e . En d’autres termes, le CLCRM est un mouvement citoyen né d’un mariage des mondes
politiques, syndicaux et associatifs belges et marocains. L’un ne va pas sans l’autre. L’union de ces
deux mondes regardait vers un même point : la répression politique au Maroc.
Ce mémoire tend, d’abord, à clarifier l’évolution des partis politiques au Maroc. Pourquoi choisir ce
point de départ ? Les militants marocains ayant participé aux CLCRM appartenaient à ces partis politiques
marocains. Il est à mon sens, pour la bonne compréhension, primordial de définir la politique marocaine
depuis l’indépendance. L’entreprise n’est pas aisée, il faut fournir aux lecteurs les repères historiques de
l’histoire politique marocaine depuis 1956.
Comprendre la politique marocaine contemporaine revient à cibler les origines du système
politique marocain, qui remonte à plusieurs siècles, pour ensuite t e n t e r d ’ étudier minutieusement les
événements politiques survenus au Maroc depuis 1956. Il s’agira ici d’étudier la nature du système
politique marocain. Cependant, une autre question pourrait surgir aussi : quel est le lien entre l’Histoire du
système politique marocain et le CLCRM ? Nous verrons dans cette étude, les circonstances qui ont
amené les oppositions marocaines à entrer en contact avec le monde militant européen, et plus
particulièrement belge dans notre cas. On conçoit dès lors, que l’histoire des CLCRM de Belgique s’inscrit
dans l’histoire des CLCRM européens. Les activités des CLCRM de Belgique se distinguent des CLCRM
d’Europe. Un autre objectif de ce mémoire sera de distinguer les activités du CLCRM de Belgique de
celles des comités d’Europe. En d’autres termes, il s’agira, en plus, de définir les buts communs aux
CLCRM, de dégager la plus-value du CLCRM de Belgique. L’analyse du CLCRM de Belgique, et surtout
de celui de Bruxelles, implique un rebondissement entre ses activités propres et ses activités menées
avec les autres CLCRM. Une nouvelle question peut nous venir à l’esprit : comment agissait concrètement
CLCRM de Belgique ? Nous verrons, dans la présente étude, que le CLCRM n’était pas une association
2
fermée sur elle- même mais bien une communauté de militants belges et marocains orientés, voire
impliqués, dans d’autres associations. Le CLCRM de Belgique s’était entouré de plusieurs mouvements et
syndicats belges, marocains et internationaux qui lui permettaient d’agir aussi rapidement qu’efficacement.
La chronologie du CLCRM de Belgique est donc parallèle à une certaine chronologie politique
marocaine. Cependant, avoir choisi comme point de départ l’année 1972 répond aussi au fait que le
CLCRM en Belgique a trouvé un terrain favorable à ses activités. En effet, nous verrons que les membres
belges actifs au comité répondaient à un profil du moins intéressé sinon hostile à la dictature politique
d’Hassan II*. La découverte de la répression politique au Maroc par les membres belges va être un
incitant supplémentaire favorable au resserrement des liens avec les militants marocains. En plus, la
création des CLCRM, dont ceux de Belgique, faisait suite à d’importants faits politiques et mouvements
sociaux : les accords bilatéraux entre la Belgique et le Maroc sur le transfert d’une main d’œuvre
marocaine vers le territoire belge en 1964, la systématisation des arrestations et des enlèvements des
opposants marocains entre 1965 et 1974, la grève des ouvrières de la FN d’Herstal, en Belgique, en 1966,
les événements de mai 1968 qui ont été largement à l’origine du premier CLCRM à Paris, et enfin,
les activités de certains mouvements associatifs marocains en France, en Belgique, aux Pays-Bas et
en RFA dès le début des années 1970.
On comprend aisément que la période étudiée soit juxtaposée à tout cet ensemble de circonstances
favorables à la naissance des CLCRM et à ses activités. Tout au long de cette étude, certains noms propres
seront notés d’un astérisque. Ces noms seront repris dans un glossaire qui proposera une notice
biographique des membres du CLCRM de Bruxelles et de certaines personnes des mondes politique et
syndical marocains et européens.
Enfin, l’étude du CLCRM de Belgique présente un intérêt d’autant plus grand qu’il importe de ne
pas tomber dans le piège de l’isolement. Autrement dit, l’ultime objectif de ce mémoire est de conjuguer
tous les grands points énoncés plus hauts pour ressortir tous les enjeux dans lesquels se situe le CLCRM de
Belgique. La présente étude va s’articuler en quatre chapitres. Le premier chapitre expose la méthodologie
élaborée au cours de ce travail. Le second chapitre présente les éléments qui doivent permettre aux lecteurs
de saisir le système politique marocain avec, en plus, les origines et les méthodes de la répression politique
au Maroc. Le troisième chapitre est, en quelque sorte, le chapitre qui fait le trait d’union entre le deuxième
chapitre et le quatrième chapitre. Ce chapitre raconte le phénomène de l’exil politique. Et enfin, le
quatrième chapitre analyse les origines, les activités, les publications et le bilan du CLCRM de Belgique. Il
est opportun de préciser que le principal CLCRM étudié au cours de ce mémoire est celui de Bruxelles
3
Chapitre I : Méthodologie
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de présenter la méthodologie utilisée pour cette
étude. Dans ce travail, je mentionnerai plusieurs sources dont le contenu mérite un examen préalable. En
effet, l’étude articule l’histoire politique du Maroc contemporain, le phénomène de l’exil politique
marocain et les Comités de Lutte contre la Répression au Maroc. De ce dernier point, nous développerons
davantage le fonctionnement interne du Comité bruxellois qui est le sujet proprement dit de la présente
étude.
Ceci nous amène à développer l’heuristique effectuée pour ce travail. La collecte des sources nous
indique une articulation entre une bibliographie (dont une esquisse était déjà proposée pour le travail
préparatoire au mémoire) et des archives dépouillées dans des centres de documentation et chez des
particuliers. Mentionnons, enfin, le recours à des sources orales.
a. La bibliographie.
L’éventail des lectures proposées depuis le travail préparatoire au mémoire s’est considérablement
élargi. A partir des ouvrages généraux relatifs à l’histoire politique du Maroc, nous avons été amenés à
consulter des revues et des ouvrages plus spécialisés sur la politique marocaine. Ces travaux spécialisés
sont utiles dans la mesure où ils expliquent, directement ou indirectement, l’émergence des CLCRM en
Europe. Ensuite, l’historien se doit de privilégier les sources de première main. Dans cette optique, une
consultation du Bulletin officiel du Royaume du Maroc était indispensable. Ce bulletin est l’équivalent du
Moniteur belge. Tous les textes législatifs marocains sont publiés dans ce bulletin depuis 1912, aussi il
apparait nécessaire, voire indispensable, d’enquêter sur le contenu de certaines lois relatives à la vie
politique marocaine. Ces lois, citées dans la présente étude, sont, pour l’essentiel, des textes législatifs sur
la gestion du pouvoir royal, les partis politiques et l’appareil sécuritaire au Maroc.
Nous découvrirons à travers cette étude que l’un des objectifs des CLCRM, dont celui du bureau
bruxellois, était d’interpeller l’opinion publique. Ces interpellations quant à la répression politique au
Maroc, se caractérisaient par des questions parlementaires en Belgique. Il apparaît donc opportun de
consulter les Annales Parlementaires de Belgique et plus particulièrement les questions parlementaires. Ces
dernières constituent une source d’informations importante pour la compréhension des activités du
CCRM de Bruxelles.
Outre les études sur l’histoire du Maroc contemporain, la bibliographie est complétée par des
contributions spécialisées sur l’histoire de l’immigration marocaine en Europe et des témoignages écrits.
Compte tenu des interpellations parlementaires en Belgique, le CCRM de Bruxelles faisait prendre
connaissance de ses activités à travers la presse. Il est donc utile de consulter les journaux qui ont fait écho
4
aux activités des CLCRM. Parmi les journaux, nous citons : Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur,
L’Humanité, La Cité, Le Drapeau Rouge, Le Soir, La Dernière Heure et Het Laatste Nieuws2.
Nous posons ici une modeste base méthodologique pour l’étude du comité bruxellois. L’enquête
nous a conduit progressivement à investiguer dans les centres de documentation ayant des archives sur le
CCRM de Bruxelles. En voici l’état des lieux.
b. Les centres de documentation.
Nous relevons, dans ce point, l’enquête et la consultation des archives relatives au CCRM de
Bruxelles dans les centres de documentation. Parmi ceux-ci, figure le Centre d'Études et de Documentation
Guerre et Sociétés contemporaines (CEGES). Ce centre de documentation inclut le Fonds Pierre Le
Grève*. Ce Fonds d’archives a été capital pour ce travail. En effet, la plupart des archives relatives à la
gestion interne du CCRM de Bruxelles est contenue dans le Fonds Pierre Le Grève*. Le versement de
l’ensemble des archives de Pierre Le Grève* a été effectué par Louise Lacharon* en 20043. Les archives
ont été inventoriées au CEGES l’année suivante par M. Mombeek.
Les archives relatives au CCRM de Bruxelles et au Maroc sont réparties en dix boîtes, chacune
comportant en moyenne 15 à 50 liasses. Ces liasses reprennent une documentation aussi riche que variée
dont :
- Une importante correspondance entre Pierre Le Grève* et des ressortissants, étudiants et opposants
marocains.
- Une importante correspondance entre Pierre Le Grève* et les partis politiques, les mouvements
citoyens et les mouvements associatifs marocains.
- Une importante correspondance relative à des échanges entre les CLCRM de Belgique et d’Europe.
- La presque totalité des numéros de « Maroc Répression », bulletin d’information du CCRM de
Bruxelles, et quelques numéros de « Maroc Répression » édités par le CLCRM de Paris.
- Une documentation relative à la CGSP secteur Enseignement portant sur l’exercice du culte
islamique en Belgique.
Après le CEGES, mon investigation m’a conduit au Centre des Archives communistes en Belgique
(CARCOB). Dans ce centre de documentation se trouve le Fonds Jacques Moins*. Jacques Moins* a fait
partie du comité que nous étudierons. Ces archives, partiellement inventoriées, contiennent essentiellement
de la documentation relative à la Fondation Joseph Jacquemotte, de la correspondance avec l’Union des
Avocats Belges et des éléments du PCB. Le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle (CBAI) contient de
la documentation intéressante sur l’histoire de l’immigration marocaine. L’enquête nous a permis de
recouper certaines sources avec celles de particuliers comme nous le verrons plus loin. Parmi ces sources,
nous relevons des études sur l’implantation des Marocains en Belgique et quelques contributions sur les
2 La plupart de ces journaux sont classés par collection à l’Université Libre de Bruxelles. 3 Interview de Louise Lacharon le 7 février 2013.
5
vétérans marocains de la Seconde Guerre Mondiale. Cependant, une contribution publiée par les
Amicales de Belgique doit retenir notre attention. Le phénomène des Amicales de Travailleurs et
Commerçants Marocains a été un élément déclencheur à la création du CCRM de Bruxelles. Ce point
sera davantage examiné dans le troisième chapitre.
Revenons à notre heuristique ; une prise de contact avec le Centre d’Animation et de Recherche en
Histoire Ouvrière et Populaire (CARHOP) a été réalisée. Ce centre contient de la documentation relative au
Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC). Nous avons pris connaissance du Fonds Robert D’Hondt et des
archives du MOC, section La Louvière. Ces Fonds sont situés au dépôt du CARHOP à Braine-le-Comte.
Cependant, si ces Fonds contiennent des archives fondamentales sur la gestion interne du MOC et de la
CSC en général (PV de réunions, assemblées générales, activités avec les jeunesses sportives, etc…), ils
présentent un faible intérêt quant à l’étude du CCRM de Belgique.
La découverte des relations que le CCRM de Bruxelles entretenait avec le MRAX et la FGTB m’a
poussé à enquêter sur la possibilité de consulter des archives à ce sujet. Les archives du MRAX sont aussi
au CEGES mais ne seront seulement accessibles que cette année. Quant à la documentation de la FGTB,
aucune archive qui pourrait nous intéresser n’est à signaler. Notons aussi que les activités passées entre le
CCRM et les JSB offriraient une perspective de compréhension supplémentaire quant aux activités des
CCRM de Bruxelles. Les archives des JSB sont détenues par l’Institut liégeois d’Histoire sociale (ILHS).
Pourtant, bien qu’un contact ait été établi avec l’ILHS, aucune suite ne nous a été donnée quant l’existence
d’une documentation commune entre les deux associations.
Enfin, nous découvrirons aussi, par cette étude, que le CCRM de Belgique a participé à des
missions juridiques et médicales. Ces missions ont é té accomplies avec l’aide d’ONG parmi lesquelles
: l’Association des Juristes Belges Démocrates, la Ligue Belge des Droits de l’Homme et Amnesty
International.
Au final, nous serions tentés d’envisager une enquête plus large sur la documentation relative au
CCRM de Bruxelles à partir des archives des partis politiques belges et des ONG. Ce serait une entreprise
louable, mais un délai doit être respecté. L’approfondissement de l’heuristique pourrait faire l’objet d’une
prolongation ultérieure à cette présente étude4.
Accessoirement, nous pouvons signaler les Fonds inventoriés par Génériques. Génériques est une
association française qui a pour objectif de préserver, sauvegarder et valoriser l’histoire de
l’immigration en France et en Europe. L’association possède des Fonds d’archives consacrés à
certains mouvements associatifs marocains, dont l’AMF et l’ATMF. Qui plus est, Génériques
conserve de la documentation relative aux activités des CLCRM de France. La consultation de ces
documents permettrait de mieux cerner le vaste « puzzle » des CLCRM d’Europe.
4 Des indications sur cette documentation sont signalées dans : P.VAN DEN EECKHOUT et G. VANTHEMSCHE (dir.),
Bronnen voor de studie van het hedendaagse België 19e-21e Eeuw, Bruxelles, Commission Royale d’Histoire, 2009.
6
Au regard des archives et de la documentation relatives au CCRM de Bruxelles accessibles dans les
centres de documentation, une enquête auprès de certains particuliers nous a pe rmis de mieux dégager
les enjeux du CCRM à travers ses activités.
c. Les archives des particuliers.
Ce point n’est pas dénué d’intérêt car ces archives nous permettent de compléter la documentation
conservée par Pierre Le Grève* au CEGES. L’accès à ces archives complète ainsi la documentation
générale produite par le CCRM de Bruxelles. Ma campagne de collecte relative aux archives du CCRM
m’a permis de recueillir des archives personnelles auprès de trois personnes :
- Mohamed El Baroudi* : Mohamed El Baroudi* a gardé une documentation non négligeable relative
aux activités associatives et militantes marocaines en Belgique. Dans cette documentation, il y a des
PV de réunions, des communiqués, des journaux et des notes personnelles. Cette documentation
provient des activités du RDM, de l’UNEM et du CCRM de Bruxelles. Comme pour Pierre Le
Grève*, le dépouillement des archives de Mohamed El Baroudi* nous permettra d’avoir des
indications supplémentaires sur les origines de la création du CCRM de Bruxelles. Les archives
conservées par Mohamed El Baroudi* sont essentiellement réparties dans des boîtes et fardes non
classées. Situées dans sa bibliothèque, elles n’ont pas encore fait l’objet d’un classement rigoureux.
La rédaction de ce mémoire a permis le début du dépouillement de ses archives. La constitution
d’un Fonds d’archives sera dès lors envisagée.
- Louise Lacharon* : Nous avons pu obtenir quelques archives de Louise Lacharon*, membre
incontournable du CCRM de Bruxelles. Ces pièces d’archives concernent essentiellement
l’organisation des distributions des tracts et affiches du CCRM de Bruxelles.
- Colette Moulaert* : Le Docteur Colette Moulaert* a participé aux activités des CCRM de
Charleroi et d e Bruxelles. Elle fut notamment mandatée par la Ligue Belge des Droits de
l’Homme pour une mission médicale à Marrakech le 12 septembre 1984. Ma rencontre avec
Colette Moulaert*a permis l’accès à ses archives réunies dans un dossier intitulé : Maroc 84’.
Ce dossier contient le rapport de la mission à laquelle elle a participé. En plus, le dossier contient
de la documentation sur l’état des hôpitaux au Maroc dans les années 1980 et des témoignages
recueillis par les proches des détenus du groupe « 84 ». Ce groupe sera observé plus amplement
dans une partie consacrée à cet effet.
- Le groupe de Charleroi : Ce groupe constituait, avec Ernest Glinne*, la base du CCRM de
Charleroi qui sera brièvement observé dans cette étude. J’ai eu l’occasion de rencontrer le
groupe dit de Charleroi, le 1er avril 2014. Ce groupe est constitué, en partie, d’un ancien
étudiant de l’UNEM devenu sociologue : Mohamed Ouslikh et d’anciens membres de la JOC
devenus médecins, à savoir Jacques Van Damne et Jacques Charles. Ces deux médecins ont
7
participé à la première mission médicale partie de Belgique5. Le groupe de Charleroi m’a confirmé
l’existence des archives relatives à la gestion interne du CCRM de Charleroi.
Malheureusement, Jacqueline Gilbert, la détentrice de ces archives, est de santé fragile et je n’ai
pu obtenir une entrevue avec l’intéressée6.
d. Les sources orales.
Contrairement aux sources écrites, les sources orales doivent être l’objet d’une critique rigoureuse.
J’ai été amené au cours de cette enquête à collecter des témoignages oraux. Au vu du nombre des membres
adhérents au CCRM de Bruxelles, la priorité des témoignages oraux a été donnée aux éléments les plus
actifs quant au fonctionnement interne et externe du CCRM de Bruxelles.
Les récits impliquaient une préparation préalable à partir d’un questionnaire qui se devait d'être le plus
rigoureux et le plus neutre possible.
Pour l’essentiel, les questions portaient sur :
- Une présentation biographique de l’intéressé(e).
- Les circonstances qui ont amené l’intéressé(é) à connaître, voire à intégrer le CCRM.
- Le fonctionnement interne du CCRM.
- Les rapports entre les CLCRM en Europe.
- Les liens entre le CCRM et les mouvements de l’opposition marocaine.
- Les résultats obtenus.
Ces témoignages m’ont permis d’obtenir quelques informations supplémentaires sur des activités
ponctuelles organisées par le CCRM de Bruxelles. Néanmoins, j’ai découvert que le récit proposé par
certains intervenants pouvait présenter plusieurs lacunes. Ces lacunes relèvent principalement de :
- L’indisponibilité : Si nous avons pu rencontrer plusieurs personnes ressources dans le cadre d’un
témoigne oral, il était plus difficile d’entrer contact avec d’autres personnes sources parmi
lesquelles des membres du CLCRM de Paris en relation avec les CCRM de Belgique et des
militants marocains dont certains, alors prisonniers, étaient en contact avec les CLCRM.
- L’oubli : Il ne paraissait pas évident à l’interlocuteur de fournir un récit suivi d’un point de vue
historique. Ainsi, par exemple, certaines personnes me présentaient le CCRM de ses premières et de
ses dernières années (début 1977, césure, début 1990). Rares étaient les intervenants capables de
nous proposer un récit qui correspondait aux sources écrites.
- L’anachronisme : Le CLCRM de Paris n’est pas celui de Bruxelles. Bien que les deux comités
se soient fixé des objectifs communs, chacun des deux disposait de son propre mode de
fonctionnement. Souvent, des dates et faits énoncés par des intervenants ne concordaient pas du tout
5 Cependant cette mission n’a pu aboutir. L’équipe médicale a été refoulée de la frontière marocaine. 6 Interview de Mohamed Ouslikh, de Jacques Van Damne et Jacques Charles le 1er avril 2014.
8
avec les sources écrites. Certains intervenants me confirmant leur adhésion au CLCRM mais
ignoraient l’existence d’un CCRM à Bruxelles. Qui plus est, le travail effectué par le CCRM
de Bruxelles a été une somme des travaux réalisés par ses membres adhérents et plus
particulièrement par ses membres actifs. Dès lors, le CCRM bruxellois n’est pas une simple branche
« exécutive » du CLCRM de Paris, comme le pensaient certains intervenants.
- Le « mensonge » : Il nous est arrivé de rencontrer des intervenants qui adaptaient leur récit durant
l’entretien. Par conséquent, j’ai pu observer que ces personnes ressources « exagéraient »
démesurément leur rôle réel ou supposé au sein du CCRM. Ce dernier point a accru ma vigilance
quant à la collecte des témoignages oraux.
Chapitre II : Chronologie de la politique marocaine
A. Le Camp du Palais
Etudier l’histoire des Comités de Lutte contre la Répression au Maroc, dont la section bruxelloise
nécessite, de prime abord, d’analyser la nature du système politique marocain. En effet, ce dernier est
qualifié de bicéphale, étant représenté par le roi, d’une part, et par le Makhzen, d’autre part. Il est, dès lors,
opportun, dans ce chapitre, de survoler l’histoire du système politique marocain précolonial jusqu’à la veille
de l’indépendance. Ensuite, tenter de comprendre les acteurs du pouvoir politique au Maroc en mettant
en relief les fonctions du Palais, du Makhzen et des partis politiques. Et enfin, il importe de saisir la
naissance et le développement de l’appareil sécuritaire au Maroc.
a.1 Le Roi
Anciennement sultan, le roi est le souverain de tout le territoire qui répond à la beia7. Source de
toutes légitimités, il est le farouche symbole unificateur de toutes les régions, qu’elles soient arabophones
ou berbérophones ; il est le commandant de toutes les forces armées terrestres et navales. Il dispose des
personnes de confiance (Wasif), qui bénéficient de sa confiance (tiqa). Il dispose d’un pouvoir d’exception
qui ne peut être remis en question, mais bien être accordé à un nombre restreint d’agents d’autorité.
7 La beia répond dans la politique marocaine, à une logique de soumission politique au souverain. En opposition de la siba, qui
répond à une logique de non-participation voire de révolte envers le souverain.
9
Ces derniers sont élevés à un statut d’exception (Ahl Al Khassa), à l’inverse de la plèbe relevant d’un
statut de droit commun (Ahl Al Amma)8.
Le roi est un maître (Moulay) qui n’interpelle ses sujets qu’en termes de serviteurs (Khuddam).
Ilsymbolise depuis plusieurs siècles l’idée du souverain-capitale, et par conséquent, plus que dans la ville, la
réalité du chef-lieu réside dans la cour royale. Il représente la communauté des croyants par son titre d’Amir
Al Mouminine et, en ce sens, puise son pouvoir d’un droit divin9. Il dispose d’un droit de coercition (qama’)
en cas de révolte. Il octroie la Grâce (Aman), émet des décrets (dahirs) qui font office de lois aussitôt
prononcés10. Le roi personnifie, dans une société où le sentiment religieux reste très vif, le saint- patron de
tout le pays. La littérature hagiographique lui prête des pouvoirs de thaumaturgie et de fertilité (baraka)11. Il
constitue le point de convergence de toutes les requêtes et intérêts formulés par le Makhzen et par extension
de toute la population. Après 1956, le roi demeure le Président du Parlement et du Gouvernement, ce qui lui
permet de faire et défaire les majorités parlementaires et de décider ainsi des référendums. Enfin, il assumera
après l’indépendance la fonction de Président de la Cour Constitutionnelle et des Chambres
Professionnelles12.
a.2 Le Makhzen
Le Makhzen est segmenté en 3 parties, l’armée, la notabilité et le clergé. Chacune des fonctions
n’est pas juridiquement établie, dès lors, à défaut d’un système politique basé sur un mécanisme de contrôle
des pouvoirs, les agents d’autorité adoptent un pouvoir de supplémentation sur fond de droit de coercition
royale (droit de ban : qama’). Les agents d’autorité constituent le Makhzen.
Par « agent d’autorité », entendons les personnes investies d’un pouvoir par le roi, suivant la
logique de la proclamation par l’élite (beia). Avec la beia, l’investiture est effectuée suivant l’influence
d’une famille makhzénienne auprès de la cour royale.
Le pouvoir se façonne selon l’influence des grandes familles, ainsi par exemple, les familles Iraqi,
Amrâni et Idrissi jouèrent un rôle majeur dans l’apport et la gestion du haut fonctionnariat d’Etat. Cette
influence permet l’exercice d’un droit de monopole dans différents secteurs de la vie politique, économique
et sociale au Maroc.
Apparu sous la dynastie Almoravide (1056-1147) vers la fin du 11e siècle de notre ère, le Makhzen
a connu plusieurs phases d’évolution. Il a surtout servi de grenier central directement tenu par le souverain,
par opposition à « l’Agadir », terme berbère désignant un grenier local. Etymologiquement, le terme arabe
8 A. LAROUI, Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain (1830-1912), Paris, François Maspero, Coll. Textes à
l’Appui, 1977, pp. 108-111. 9 H. RACHIK et M. SGHIR JANJAR, Légitimation politique et sacralité royale, in Les Cahiers Bleus, N°18, 2012. J.
WATERBURY, Le Commandeur des Croyants. La monarchie marocaine et son élite, Paris, Presses Universitaires de France, 1975. 10 P. DECROUX, Le souverain du Maroc, législateur, in Revue de l’Occident musulmans et de la Méditerranée, N°3, 1967, pp. 31-
37. 11 Sur ce sujet voir E. LEVI-PROVENCAL, Historiens des Chorfas – la fondation de Fès, Paris, Maisonneuve & Larose, 2001. 12 Voir les Constitutions du Maroc de 1962, 1970, 1972 et les réformes constitutionnelles de 1980, 1992 et 1996. A. ENHAILI, Une
transition politique verrouillé, in Confluences Méditerranée, N°31, 1999, pp. 59-75.
10
« Makhzen » désigne le lieu de concentration des impôts en nature et des biens matériels13. Plus
généralement, il désigne le lieu de thésaurisation de tous les revenus financiers de l’Etat, qu’ils soient issus
des impôts légaux, des dons et offrandes (hadiya) mais aussi des butins de guerre (ghazzu).
Sous les Almohades (1130-1269), le Makhzen prend une connotation plus politique. En effet, il
devient le lieu d’apprentissage du pouvoir et de la servilité14. Ces lieux d’apprentissage sont pour la plupart
situés dans les ailes des palais. On désigne par le terme Dar Al Makhzen, les parties du Palais consacrées à
l’instruction d’une institution d’Etat. Les souverains almohades déléguaient au prince issu de la famille
royale la gestion du pouvoir au sein du Makhzen. Ce dernier était assisté dans son apprentissage par un
cheikh issu d’une tribu alliée du souverain. Ce creuset institutionnel fut gardé et développé dans les
anciennes possessions almohades à Tlemcen (Algérie) et à Tunis (Tunisie). On définit dès lors le Makhzen
comme un concept institutionnel spécifique à l'Afrique du Nord : au Maroc, à l’Algérie et à la Tunisie15.
A l’avènement des Mérinides (1269-1465) et des Wattassides (1465-1556), le Makhzen subit
plusieurs transformations, notamment par l’apport culturel des institutions de l’Espagne musulmane16. Des
nouvelles fonctions sont créées en même temps qu’elles deviennent permanentes ; elles sont souvent
représentées par des « bureaux » tenus par des « ministres » (Wazirs) qui sont eux-mêmes assistés par des
secrétaires (Kuttabs). La répartition se fait en différents bureaux, par exemple, un bureau de décision
royale (Wazira Al Tafwidd), un bureau d’exécution des décisions royales (Wazira Al Tanfid), un bureau
chargé des dépenses publiques (Wazira Al Qahraman) etc.17… C’est à cette période que le Makhzen
devient véritablement le socle des institutions. Longtemps basée sur un système de recrutement tribal,
l’armée commence aussi à être une institution permanente, tantôt par le mercenariat, tantôt par
l’esclavagisme.
Sous les Sâadiens (1525-1659), d’importantes réformes dans la judicature18 ont lieu, cependant
qu’une certaine « turquisation » s’effectue dans le gouvernorat, comme l’introduction des pachas dans les
villes et l’idée d’organiser la cour royale à l’image du Diwan ottoman. On comprend donc que le système
politique central hérité par les Alaouites (régnant au Maroc depuis 1666) s’est consolidé pendant
plusieurs siècles en assurant aux nouveaux dynastes une superstructure permettant de se régénérer en cas
de crise politique. L’histoire du Maroc a connu plusieurs crises politiques cependant que le Makhzen n’a
jamais été sérieusement inquiété dans ses bases19.
13 M. KABLY, A propos du Makhzen des origines : cheminement fondateur et contour cérémonial, Londres, The Maghreb Review,
N°30, 2005, pp. 2-23. 14 CH-A. JULIEN, Histoire de l’Afrique du Nord : Des origines à 1830, Paris, Grande Bibliothèque de Payot, 1994, pp. 437-481. 15 G. MARCAIS, Le Makhzen des Beni Abdel-Wad, rois de Tlemcen, Alger, Mélanges d’histoire et d’archéologie de l’Occident
musulman, Vol.1, pp. 51-57. B BRUNSCHWIG, La Berbérie orientale sous les Hafsides : des origines à la fin du 15e siècle, Paris,
Adrien Maisonneuve, 1940. 16 Voir E. LEVI-PROVENCAL, Histoire de l’Espagne Musulmane, 3 vol., Paris, Maisonneuve & Larose, 1950. 17 A. KHANEBOUBI, Les Institutions gouvernementales sous les Mérinides (1258-1465), Paris, L’Harmattan, 2009, pp. 70-93. 18 B. HARAKAT, Le Makhzen Sa’adien, in Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, N°15, 1973, pp. 43-60. 19 P. PASCON et M. ENNAJI, Le Makhzen et le Sous Al Aqsa, la correspondance politique de la maison d’Illigh (1821-1894),
Paris-Rabat, Editions du CNRS-Toubkal, 1988.
11
De 1880 jusqu’en 1912 - sans oublier l’Acte d’Algésiras de 1907 conférant à la ville de Tanger un
statut diplomatique international – le Protectorat espagnol, exercé par le Haut-Commissaire basé à Tétouan
et le Protectorat français, exercé par le Résident Général à Fès, apportent de sensibles modifications au
Makhzen traditionnel. Ainsi la Résidence Générale : « sauvegardera la situation religieuse, le respect et le
prestige traditionnel du Sultan, l’exercice de la religion musulmane et des institutions religieuses (…). Il
comportera l’organisation d’un Makhzen chérifien réformé20. » Ces aménagements sont surtout territoriaux
avec la création des régions, des provinces, des préfectures, des circonscriptions, des arrondissements et des
communes. Mais les changements sont aussi institutionnels avec la création des ministères permanents tels
le Ministère de la Justice, de l’Intérieur, des Services de la Sécurité Publique et des Habous, par exemple21.
Suivant les nouveaux découpages territoriaux de cette époque et des nouvelles charges, les administrations
donnent un caractère plus permanent au Makhzen sans pour autant revoir en profondeur les
mécanismes de supplémentation. Le système politique marocain est organisé depuis l’indépendance
par la superposition d’un système traditionnel et d’un système hérité du Protectorat. Quelles sont les
compétences du Makhzen ?
Comme il a été vu précédemment, le Makhzen désigne à la fois la bureaucratie, l’armée et les
finances d’Etat au sens strict du terme. Le personnel du Makhzen est recruté parmi les princes issus de la
famille royale, la bureaucratie urbaine et la seigneurie rurale. Ce personnel désigné constitue les agents
d’autorités du Makhzen qui doivent remettre la beia au roi.
Cette beia incarne le fondement « constitutionnel » du Maroc. En effet, elle évoque à la fois : la
cérémonie d’investiture du roi, qui correspond à la « Joyeuse entrée » que le roi accorde à ses obligés, et la
relation féodo-vassalique entre le souverain et le Makhzen, ainsi que, par extension, le contrat social entre
le souverain et le peuple. Pour traduire la beia marocaine dans le langage juridique belge, on peut dire
qu’elle constitue une fusion des sources non écrites par les Principes généraux du droit et de la coutume,
ainsi que les sources auxiliaires par la jurisprudence et la doctrine22. Cette fusion se situe au sommet des
normes constitutionnelles, car, à défaut de disposer d’une logique des mécanismes de contrôle, le pouvoir
constitue un état de fait au Maroc.
Les agents d’autorités relevant de l’Assemblée des notables (Majlis Al ‘Ayan) sont directement
nommés par le roi ; ils peuvent se subdiviser en trois catégories, dont les représentations se font au niveau
(inter)national, régional-provincial et local.
Au niveau (inter)national, le na’ib23 désigne le substitut du roi. Ponctuellement désigné par le
monarque, le na’ib est envoyé auprès des délégations étrangères ; il était assisté – pendant la période
20 Article 1 du Traité du Protectorat, Fès le 30 mars 1912, in E. ROUARD DE CARD, Traités et accords concernant le Protectorat
de la France au Maroc, Paris, Pedone & Gamber, 1914, p. 86. 21 J. BRIGNON et al., Histoire du Maroc, Casablanca, Hatier, 1974, pp. 341-350. D. RIVET, Lyautey et l’institution du protectorat
français au Maroc, 1912-1925, Paris, L’Harmattan, 3 vol., 2000. 22 O. CORTEN et A. SCHAUS, Le droit comme idéologie : Introduction critique au droit belge, Bruxelles, Presses de l’Université
Libre de Bruxelles (2e édition), 2000, pp. 112-116 23 M. EL MANSOUR, Dans le secret des premiers diplomates, in Zamane, N°37, pp. 68-71
12
protectorale - dans sa tâche par un mendoub, sorte de missi dominici interne au territoire. En guise
d’exemple, l’ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris, Si Kaddour Ben Ghabrit24 incarnait le na’ib de
Mohamed V. A l'instar de Abdelkhalaq Torrès*, fils du pacha de Tanger, et qui était le mendoub du même
monarque et fondateur de l’un des premiers partis politiques du Maroc : le Parti des Réformes Nationales.
A partir de 1960, Hassan II aura coutume d’envoyer un na’ib quand il s’agira d’ouvrir des pourparlers avec
l’opposition comme c’était le cas d’Ahmed Réda Guédira* avec les partis de gauche ou bien le rôle de
Moulay Ali Alaoui envoyé par Hassan II auprès de Mehdi Ben Barka* lors de son exil en Suisse.
Les walis, les amils, khalifas et les pachas se situent au niveau de la notabilité régionale et
provinciale.
Dans l’Ancien Maroc, jusqu’en 195625, les walis assuraient la gouvernance des provinces
éloignées. Actuellement, ils cumulent, avec les amils, les pouvoirs du gouvernorat urbain, de la
préfecture au niveau régional, provincial et du commissariat d’arrondissement. Ces agents d’autorité
contrôlent et coordonnent les corps de police détachés dans les arrondissements. Les amils, établis dans les
villes, étaient chargés de collecter les impôts. Le khalifa désigne le concept de « lieutenant-successeur ». Le
khalifa au Maroc représentait donc le prince héritier du roi26. Dès 1956, cette tâche est reconvertie en
gouverneur supplétif par rapport au wali.
Au niveau de la notabilité locale urbaine, il reste les moqqadems. Ces derniers jouaient dans
l’Ancien Maroc, un rôle dans les confréries religieuses (zaouias) et représentaient un préposé à la sécurité
publique27. Suivant le type de confrérie, ils appartenaient à une classe d’initiés ou de maîtres spirituels et
géraient les biens de mainmortes (habous) des confréries. Après l’indépendance, en plus de son rôle
religieux, le moqqadem incarne un rôle d'agent de quartier qui exerce l'autorité avec le maire de la ville.
Aussi, le nombre de moqqadems varie en fonction des quartiers dans les villes.
Au regard de la gestion politique urbaine, il existe, bien entendu, une gestion politique régionale
rurale, dont la subdivision des agents d'autorité reste semblable mais dont les fonctions et les dénominations
diffèrent. Les agents d'autorité ruraux sont : les caïds, les caïds moumtazz et les cheikhs. Dans une société
segmentée sur la famille - le clan - la tribu, les caïds assuraient à la fois le commandement d’une
unité militaire et la représentation d’une tribu auprès du Makhzen28. Son pouvoir est considéré comme une
pièce maîtresse dans l'échiquier politique marocain. Avec les réformes territoriales, le caïd dirige un «
caïdat », qui regroupe les circonscriptions et les communes urbaines et rurales.
24 Si Kaddour Ben Ghabrit (1868-1954) fut le premier Recteur de la Mosquée de Paris. Formé à l’école arabe-française puis à la
médersa de Tlemcen, Ben Ghabrit devient successivement conseiller en législature musulmane en Algérie (1892), drogman et sera
surtout sollicité par le sultan Mohamed V pour négocier la paix avec les tribus rebelles au Maroc. 25 A. KHANEBOUBI, op. cit., pp. 135-142. A. LAROUI, op. cit., pp. 160-167. 26 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 21 janvier 1976, N°3299, Arrêté du ministre des affaires administrative, secrétaire
général du gouvernement n°454-75 du 27 hija 1395(30 décembre 1975) relatif à la classification des fonctionnaires pour
l’attribution des indemnités de déplacements. 27 M. ABITBOL, Histoire du Maroc, Paris, Perrin, 2009, pp. 241-244&293-306. Sur le rôle de la zaouia voir G. DRAGUE,
Esquisse d’Histoire religieuse du Maroc, Paris, Peyronnet, 1951. I. BEN-AMI, Culte des saints et pèlerinages judéo-musulmans au
Maroc, Maisonneuve & Larose, 1990. 28 A. KHANEBOUBI, op. cit., pp. 371-375. A. LAROUI, op. cit., 160-163. B. SIMOU, Les réformes militaires au Maroc de 1844 à
1912, Rabat, Publication de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 1995.
13
Le caïd représentait jusqu’à l’établissement des institutions civiles françaises et espagnoles, l’agent
d’autorité chargé du recrutement militaire dans sa tribu pour le souverain durant ses expéditions. A chaque
tribu, son caïd. En plus du commandement militaire, les caïds étaient chargés avec le cadi de faire respecter
tantôt le droit coutumier de la tribu, tantôt la coutume sacrée d’Etat (chari’a).
Bien que l’armée fût réorganisée sur le modèle français depuis 1956, les caïds n’en gardent pas
moins une prérogative dans la gestion des détachements armés et des corps de polices. Jusqu’au début des
années 1980, la société marocaine reste largement rurale, si bien que contrôler la campagne revient à
contrôler tout le Maroc. Les caïds représentent une pièce maîtresse entre le Makhzen et la tribu locale car
ce sont par ces agents d’autorité que le Ministère de l’Intérieur communique directement.
Pour alléger son travail, le caïd agit en tandem avec le caïd mumtazz dont les fonctions sont fort
apparentées aux fonctions du khalifa. Le caïd mumtazz, sorte de caïd supplétif, contrôle avec le caïd les
circonscriptions urbaines et rurales29.
Le titre de cheikh (amghar en région berbérophone) représente dans la société marocaine l’idée du
patriarcat. Il personnifie le doyen d’une famille ou le chef, d’un clan, d’une corporation de métier (amins)
ou encore d’une confrérie religieuse. Sa fonction comme agent d’autorité donne lieu au contrôle des
agglomérations villageoises sédentaires (dshars), semi-nomades (douars) et des collectivités agricoles
(jma’a)30.
Avec la notabilité d’ordre administratif, le Makhzen s'accorde un pouvoir clérical. Ces agents
d’autorité et gardiens de la tradition religieuse et du droit d’interprétation des Textes Sacrés se répartissent
en plusieurs catégories parmi lesquelles : les cadis, les oulémas, les khatibs et les faquihs. Il est important
de préciser que la fusion du système traditionnel avec le système protectoral va sensiblement confondre les
rôles des différents acteurs cléricaux. C’est ainsi, par exemple, que les cadis conservent encore de nos jours
d’importantes prérogatives dans la juridiction civile et religieuse par exemple.
Les cadis, au Maroc précolonial, avaient des pouvoirs dans la judicature civile mais contrôlait aussi
le muhtasib. Ce dernier était un préposé de la police des marchés et contrôlait la qualité des marchandises.
Actuellement, les cadis tranchent notamment dans les affaires relatives au mariage, au décès, aux litiges et
à l’héritage et sont capables de délivrer le sceau royal pour l’octroi d’une terre de concession (Iqta’) par
l’intermédiaire d’un notaire (‘adl).
Les oulémas disposent d’un rôle central dans la vie religieuse. Longtemps répartis entre légalistes et
contestataires, les oulémas avaient jusqu’en 1961, une capacité de critique envers le roi. O rganisés en
Conseil sous forme de colloque à la Qaraouiyyine de Fès, les oulémas pouvaient adresser des remontrances
29 B. CUBERTAFOND, Pour comprendre la vie politique au Maroc, Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 52-73. R. LEVEAU, Le Fellah
marocain Défenseur du Trône, Paris, Presses de la FNSP, 1985. 30 Guide Juridique des Collectivités Locales, Publication du Ministère de l’Intérieur du Royaume du Maroc, Tome 1-2, Rabat, 2010,
pp. 49-96. Par ailleurs, cet ouvrage contient des indications sur les compétences des agents d’autorité.
14
(nasiha)31 au roi qui incarne, à leurs yeux, moins un monarque temporel qu’un imam tenu de respecter la
coutume sacrée (chari’a). Au-delà de cette prérogative, ils pouvaient émettre des avis et des doctrines
juridiques (fatwas). Les faquih avaient un rôle important dans l’enseignement élémentaire (msid) jusqu’à
l’introduction de l’instruction municipale. Les khatibs représentaient l’une des sources principales de
communication dans l’Ancien Maroc. En effet, c’étaient les khatibs qui prononçaient le sermon du
vendredi (khutba) et qui informaient les fidèles sur la vie politique du pays, en lisant du haut de leur chaire
les circulaires (manshurs) rédigées par le monarque32. Actuellement, les rôles des faquihs et khatibs
se limitent davantage à un enseignement rudimentaire du culte islamique dans les écoles coraniques.
B. Les Partis Politiques au Maroc : 1927-1983
En marge du pouvoir palatial et makhzénien, le système politique a intégré le phénomène partisan
en son sein. Les partis politiques apparaissent au sein de la société marocaine dès la fin des années 1920.
Dans un premier temps, les partis ne composaient pas avec les corps sociaux très influents, notamment les
confréries religieuses. Ces dernières se consacrent d’une part à la vie religieuse et sociale à travers le culte
des saints et l’exercice de la charité, mais d’autre part elles exercent, dans un cadre primaire, d’une forme
d'organisation, dont les principes et les valeurs véhiculées sont forts proches de ceux des futurs syndicats.
Il s'agit d'organiser des offrandes, d'établir une solidarité entre les membres affiliés et de nourrir l’idée
(toute primitive encore) de constituer un certain contrepoids envers la seigneurie rurale et, plus tard,
contre les colons européens.
Evoluant en marge des corps de métier et des confréries, les partis politiques marocains ont
traversé plusieurs générations et il serait intéressant de décrypter – du moins pour les partis qui l’ont faite –
la formulation d’une doctrine politique.
L’évolution des partis politiques peut se subdiviser en cinq séquences : la formation des premiers
mouvements régionaux (1927-1934), l’émergence du Mouvement National (1934-1943), l’émergence des
partis « traditionnels » (1943-1959), la confrontation entre le Palais et les partis politiques (1959-1965) et
les partis politiques face à la question du Sahara occidental (1965-1983).
b.1 L’émergence d’une conscience partisane : 1927-1934
Au lendemain de la Guerre du Rif 33(1919-1926), des groupes sociaux appartenant pour la plupart à
la bureaucratie urbaine s'employèrent à la constitution des premiers partis politiques. Plusieurs partis
locaux virent le jour mais nous en retiendrons deux. Le Parti des Réformes Nationales (PRN), dans la zone
espagnole, et le Parti de l’Unité Marocaine dans la zone française (PUM). Ces deux partis sont nés entre
31 Sur ce point voir J. BERQUE, Ulémas, fondateurs insurgés du Maghreb, XVIIe siècle, Paris, Sindbad-Actes Sud (2e édition),
1998. E. TEREM, Redefening Islamic Tradition : Legal Interpretation as a Medium for Innovation in the Making of Modern
Morocco, Leiden, Brill, Islamic Law and Society, N°20, 2013, pp.425-475. 32 A. LAROUI., op. cit., pp. 98-104. 33 V. COURCELLES-LABROUSSE et N. MARMIE, La guerre du Rif : (1921-1926), Paris, Point, Coll. Histoire, 2009.
15
1927 et 192834. Les fondateurs respectifs de ces deux partis, à savoir Abdelkhalaq Torrès* et
Mohamed Mekki Naciri*, ont tenté de concevoir une doctrine politique fortement inspirée des idées
réunissant le panarabisme et le panislamisme. Ces doctrines politiques sont alors largement diffusées
par les courants réformistes en pays musulmans dont le Mouvement des Frères Musulmans en Egypte et
plus particulièrement en la personne du penseur réformiste libanais réfugié en Suisse, Chakib Al
Arslane35. Notons aussi que ces premiers partis se dotèrent d’un journal.
Cependant, si la société marocaine se compose d’un nombre important de corps sociaux et d’une
importante classe paysanne, les premiers partis politiques n’arriveront jamais à articuler toutes les classes
sociales. Ainsi, les groupes du PRN et du PUM ont été condamnés à se limiter dans leur zone d’influence.
En outre, le fonctionnement interne des premières générations des partis ne connaît pas non plus de
système électoral, et ce phénomène persistera jusqu’au premier gouvernement intérimaire. Autrement dit,
on intègre le parti selon une logique de cooptation.
b.2 Emergence du Mouvement National : 1934-1943
Avec la pacification totale de la résistance armée par les troupes d’occupation françaises, les
mouvements politiques régionaux prennent une nouvelle direction. En effet, le fameux dahir berbère du 16
mai 193036 fournit le prétexte inespéré aux groupes politiques d’alors pour manifester leur mécontentement
vis-à-vis de la Résidence. Cette grogne abouti en 1934 à une première organisation nationaliste marocaine :
le Comité d’Action et de Lutte Marocain37(CALM). Parallèlement au CALM, les premières écoles
nationalistes émergent au sein de l’espace social marocain. Ces écoles devaient organiser un contrepoids
politique à l’instruction dispensée dans les écoles coloniales.
Mais très vite des mesures répressives prises par la Résidence à l’encontre du CALM poussent de
nouveaux groupes d’individus, toujours issus d’une bourgeoisie citadine arabophone à constituer un
nouveau parti mieux structuré que le PRN et le PUM. Il s’agit du Parti National38(PN) mis sur pied par
Mohamed Lyazidi, Ahmed Mekouar*, Mohamed Laghzaoui*, Ahmed Balafrej*, ainsi que l’alim (singulier
d’oulémas) Allal El Fassi*. Ce parti ne présente pas une différence notable par rapport aux PRN et PUM, si
ce n’est une volonté de structurer un bureau central appuyé par une jeunesse du parti répartie dans tout le
34 R. REZETTE, Les Partis Politiques Marocains, Paris, Armand Colin, Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences Politiques
Coll : Partis et Elections, N°70, pp. 104-129. J. WOLF, Les secrets du Maroc espagnol : l’épopée d’Abd-El-Khaleq Torrès 1910-
1907, Bruxelles-Rabat, Balland-Eddif, 1994. 35 Chakib Arsalane (1869-1946) est né d’une famille druze du Liban méridional. Figure du nationalisme arabe et du réformisme
islamique, il fut successivement député au Parlement turc au Hauran (Syrie 1913-1918). Installé à Genève depuis 1921, il a créé
neuf ans plus tard la revue « La Nation arabe » et a milité pour l’unité arabe. Il décéda au Brésil. 36 J. LUCCIONI, L’élaboration du dahir berbère du 16 mai 1930, in Revue de l’Occident musulman de la Méditerranée, N°38, pp.
75-81. 37 J. BRIGNON et al., Histoire du Maroc, op. cit., pp. 393. M. LAHBABI, Le Gouvernement marocain à l’Aube du XXème siècle,
Casablanca, Imprimeries Maghrébines, 1975. G. OVED, La gauche française et le nationalisme marocain, Paris, L’Harmattan,
Vol.1, 1984. 38 R. REZETTE, op. cit., pp. 269-284.
16
pays (mossyirs)39. Le mossyir influencera considérablement le fonctionnement des futurs partis politiques.
L’activité essentielle de cet agent est d’offrir aux membres d’une cellule du parti, des cours
d’alphabétisation en langue arabe et de commenter les journaux du parti. Le mossyir est donc un lettré,
instrument de l’éducation politique et de l’alphabétisation. En plus de l’interdiction du CALM et du PN, la
Métropole ordonne à la Résidence d’interdire toutes les organisations politiques nationalistes marocaines,
d’une part, et les cellules des sections internationales ouvrières et communistes 40(SFIO et SFIC), d’autre
part.
Comme conséquence de cette première effervescence politique, un mouvement syndical commence à
se constituer. En effet, le phénomène syndical est issu de la volonté des nouvelles classes sociales
marocaines de s’organiser. Cette nouvelle classe sociale, largement représentée par un prolétariat issu
d’un exode rural entamé depuis le début des années 1930, a commencé à s'élaborer avec la classe
moyenne européenne transplantée au Maroc. Ces premiers regroupements syndicaux de la CGT sont
essentiellement composés par des associations professionnelles d’enseignants, de cheminots, de
travailleurs postaux et routiers. Si le phénomène syndical à ses débuts était largement un fait européen,
des anciens corps de métier marocains intègrent progressivement la logique syndicale dans leur
fonctionnement. Néanmoins, comme pour faire avorter l’émergence d’un mouvement syndical
puissant, un dahir du 24 juin 193841ordonné par le Résident Général Charles Noguès interdit à tous les
Marocains d’adhérer aux mouvements syndicaux.
b.3 Les Partis politiques, quelle gauche pour quelle droite ? : 1943-1959
Après les expériences du Front populaire en France et l’instauration du régime franquiste en
Espagne (1936-1939), les premiers groupes syndicaux installés au Maroc constituaient des unions
syndicales départementales. Elles étaient composées d’une classe moyenne et d’un prolétariat européen
(français, italien et espagnol). De ces unions syndicales départementales va naître l’Union Générale des
Syndicats Confédérés du Maroc (UGSCM). Mais, comme l’explique une enquête collective sur la vie
dans les bidonvilles au Maroc, la réalité de la classe prolétaire marocaine vivant dans des conditions
déplorables, dépasse le cadre syndical proposé par l’UGSCM42.
L’UGSCM a dès lors fait place à une centrale syndicale ouvrière dont la majorité des cadres est
marocaine. C’est l’Union Marocaine du Travail (UMT). L’UMT jouera un rôle central dans les
mobilisations des masses ouvrières depuis son Congrès constitutif semi-clandestin tenu le 20 mars 195543.
Répartie en plusieurs sections ouvrières, cette centrale syndicale va, en plus des cheminots et routiers,
39 R. REZETTE, cit., pp. 293-294. 40 A. AYACHE, Le Mouvement Syndical au Maroc, Paris, L’Harmattan, Tome 1, 1982, pp. 31-58. 41 A. AYACHE, cit., pp. 250-253. 42 R. MONTAGNE (dir.), Naissance du prolétariat marocain : Enquête collective (1948-150), Paris, Cahiers de l’Afrique et de
l’Asie, 1954, pp. 154-155. 43 M. MONJIB, La monarchie marocaine et la lutte pour le pouvoir : 1955-1965, Paris, L’Harmattan, 1992, pp. 82.
17
puiser sa force au sein des dockers et mineurs répartis principalement à Casablanca, Rabat, Oujda,
Khouribga et Marrakech. Parmi les personnalités marquantes de ce syndicat, nous citons Mahjoub Ben
Seddik* et Abdallah Ibrahim*. Alors que les troupes américaines débarquent à Casablanca, le Parti
Communiste Marocain (PCM) voit le jour en juillet 194344. Ce parti va représenter le principal rival
politique du futur parti de l’Istiqlal. Le PCM est mis en place par un groupe de personnes lié aux sections
internationales communistes dont Léon-René Sultan et Ali Yata*. Parmi les figures de proue du PCM
citons Abraham Serfaty*. Le PCM est issu du Parti Communiste Français (PCF). Le PCM s'organise en
bureau central, en cellules avec une jeunesse du parti ; un système de cotisation permanent est mis en
place45.
Le 11 janvier 1944, le groupe d’Allal El Fassi* constitue le parti de l’Istiqlal (PI) à vocation
nationale, dont la doctrine est reprise en 14 points et exprime une pensée réformiste sans pour autant
rompre avec l’Ordre traditionnel établi46. Les principales revendications sont l’indépendance du pays et le
rétablissement de la monarchie au Maroc. Le PI va essentiellement être un parti constitué des cadres, de la
bourgeoisie citadine et de la classe moyenne naissante. Jusqu’à la veille de l’indépendance, le PI va essayer
d’avoir le monopole politique et ambitionner d’être un « Parti-Nation » à l’image du FLN en Algérie, du
Néo-Destour en Tunisie, du Wafd en Egypte ou encore du Parti Congrès en Inde.
Entre 1946 et 1948, c'est la naissance du Parti Démocratique de l’Indépendance47(PDI). Ses
partisans sont issus, comme le PI, d’une bourgeoise citadine, intellectuelle et volontiers francophile. Le
parti est marqué par une doctrine politique libérale et davantage laïcisante que le PI. Membre fondateur du
PDI, Hassan Ouazzani* est un intellectuel formé à la Sorbonne, qui devient un rival de taille au
za’im (leader charismatique en arabe) qu’est Allal El Fassi. Le PDI peut égaler le PI en termes de légitimité
politique car les militants fondateurs du PDI ont participé dès les années 1930 à la création du Mouvement
National ; il peut ainsi saper toute tentative d’hégémonie de la part du PI.
Dans ce contexte politique national majoré par certains événements internationaux tels l’assassinat
du syndicaliste tunisien Farhad Hachad et l'accession du nouveau régime des officiers libres en Egypte
depuis 1952, des manifestations commencent à s’intensifier contre la présence militaire et civile française.
Des émeutes éclatent contre le Résident Général les 7 et 8 décembre 1952 et conjointement, des actions
armées sont dirigées par une Armée de Libération Nationale marocaine naissante (ALM). L’ALM est
constituée essentiellement par des membres de la résistance armée rurale et urbaine née depuis le début
du Protectorat. Comme la branche armée du PCM, le Croissant Noir, l’ALM organise des attaques contre
des civils européens et des soldats français, mais aussi contre les membres de l’extrême droite française
44 R. REZETTE, op. cit., pp. 162. 45 Par exemple, pour le PCM, les membres affiliés payaient entre 5 et 60 francs. Cette cotisation dépendait des revenus (chômeurs,
femmes non salariées, salariés de moins de 2000 frs à plus de 6000 frs) in R. REZETTE, cit., pp. 337. 46 Manifeste du Parti de l’Istiqlal le 11 janvier 1944. 47 R. REZETTE, op. cit., pp. 356-361.
18
notamment ceux de « Présence Française »48. Ces attaques s’ordonnaient en réponse aux manifestations
qu’organisaient « Présence Française » où les quartiers des commerçants marocains étaient pris à partie.
A partir de 1953, un nouveau tournant politique est pris. Cette séquence marque une phase de ce
que l’historiographie française appelle le conflit Résidence-Palais. Que s’est-il passé ? Le roi Mohamed V
devait compter avec le Mouvement National de plus en plus important, et supportait de moins en moins le
poids politique du Résident Général qui cherchait à disséminer le pouvoir royal entre les mains de certains
agents d’autorité du Makhzen. Le comportement frondeur du pacha Thami El Glaoui, originaire d’une
famille de Grand Caïd, vis-à-vis de Mohamed V répondait parfaitement à ce rapport de forces instauré par
le Résident Général. Dès lors, suite au refus de contresigner les décisions du Résident, la famille royale
est exilée à Antsirabé, à Madagascar. Entre-temps, un cousin de Mohamed V, Mohamed Ben Arafa (1953-
1955) est installé comme nouveau roi aux ordres de la Résidence.
Dès 1954, les événements pour l’indépendance en Algérie obligent le Résident Général à calmer la
situation au Maroc ; les partis politiques marocains avec le Résident Général Gilbert Granval et le ministre
des Affaires Etrangères français Edgar Faure, établissent des compromis à l’amiable qui sont formalisés par
les accords d’Aix-Les-Bains en août 1955, de Celle-Saint-Cloud et le retour de la famille royale de
Madagascar les 6 et 16 novembre de la même année, conférant au Maroc un statut « d’indépendance dans
l’interdépendance ». Le terme « d’interdépendance » a suscité des confusions entre les deux parties,
cependant qu’Edgar Faure y voyait « l’enchevêtrement » d’intérêts économiques de la France au Maroc49.
Le retour du roi sur son trône est aussi négocié par les partis politiques marocains avec la condition sine
qua non de doter le Maroc d’une Constitution.
De mars à octobre 1956, le Gouvernement de Transition récupère progressivement les anciennes
zones territoriales françaises, espagnoles et Tanger. Une souveraineté territoriale retrouvée, des chantiers
politiques, économiques et sociaux s’imposent. Les Gouvernements intérimaires assurés par le Colonel
M’barek Bekkaï50(du 7 décembre 1955 au 3 décembre 1956) sont marqués par le maintien des effectifs
militaires français sur le territoire pour autant que les ouvriers et les paysans continuent à vivre dans les
mêmes conditions que sous le Protectorat, voire même celles qui prévalaient avant 1912.
A la suite des événements de Suez et l’Union Nationale des Etudiants du Maroc (UNEM) a tenu son
Congrès constitutif à Rabat, en 195651. Héritière de l’Association des Etudiants Musulmans Nord-
Africains52, L’UNEM devient la centrale syndicale étudiante la plus importante au Maroc. Elle
doit son importance à sa jeune élite, instruite et cultivée, permettant la formation des nouveaux cadres
48 M. MONJIB, op. cit., pp. 85. J. BRIGNON et al., Histoire du Maroc, op. cit., pp. 403-404. L. CERYCH, Européens et
Marocains, 1930-1956 : Sociologie d’une décolonisation, Brugge, Collège d’Europe, 1964. 49 A. DE LAUBADERE, Le statut international du Maroc depuis 1955, in Annuaire français de droit international, Vol.2, 1956, pp.
144-145. 50 J-C. SANTUCCI, Chroniques politiques marocaines : les Gouvernements Marocains depuis l’indépendance jusqu’au 31
décembre 1970, Paris, Editions du CNRS, 1982, p. 246. 51 M. MONJIB, op. cit., p. 88. 52 P. LE PAUTREMAT, La politique musulmane de la France au XXe siècle : de l’Hexagone aux terres d’Islam. Espoirs, réussites,
échecs. Paris, Maisonneuve & Larose, 2003, pp. 288-326. L’AEMNA a vu le jour en novembre 1927.
19
nationaux. L’UNEM, plus que l’UMT, est composée d’une jeunesse désireuse du changement. C’est par
ailleurs au sein de l’UNEM, que Mehdi Ben Barka* dispose d’une certaine attention et d’une première base
pour élaborer une nouvelle perspective politique, économique et sociale. Le Mouvement Etudiant
représenté par l’UNEM va jouer un rôle central dans la politisation des universitaires et lycéens marocains
au Maroc et à l’étranger. Qui plus est, l’UNEM jouait le rôle capital d’une tribune pour l’opposition, dès
lors qu’elle était interdite par le Palais. Face aux demandes des partis politiques souhaitant un plan
quadriennal (1954-1957) 53 destiné à doter le Maroc d’une économie industrielle et d’un Plan
d’Enseignement, le Palais élude la situation et consolide ses positions en cherchant à gagner du temps.
b.4 Le face-à-face entre le Palais et les Partis politiques : 1959-1965
Depuis les gouvernements de M’barek Bekkaï, deux gouvernements se succèdent entre 1956 et
1960 : le premier de tendance droite istiqlalienne (PI du 3 décembre 1956 au 12 mai 1958) et le second de
tendance gauche syndicale (UMT du 24 décembre 1958 au 27 mai 1960). Durant ces années, un premier
« bras de fer » s'engage entre le Palais et les partis politiques.
Alors que les plus importants partis et syndicats (PI, PDI, PCM, UMT et UNEM) se réunissent en
un premier Front de Partis coalisés (Koutlah Al Watanyya), depuis 1956, le Palais s'efforce de consolider
ses positions sur le champ politique. Dès 1958, par l’intermédiaire des plus importants caïds du pays
(tel Mahjoub Ahardane* et Lahcen Lyoussi*), le palais crée un « club » politique réunissant une large
frange de la seigneurie féodale, traditionnelle mais peu patriote, en opposition au Front des Partis coalisés.
Ce « club » de féodaux inaugure son propre parti en 1957 : le Mouvement Populaire (MP). Le MP
se donne une doctrine politique « plus sociale, plus proche de la paysannerie et plus impliquée dans la
cause berbérophile ». Ce mouvement a pour réelle tâche d'enfreindre toute tentative des partis politiques
visant à pouvoir traiter d’égal à égal avec le Palais. Pour ce faire, le MP va tenter de s’appuyer sur les plus
importants éléments du PI et du PDI pour consolider la position du Makhzen et, in fine, du Palais. Mais très
vite, les deux ténors du Front des Partis coalisés, devenu entre-temps le Front de l’Istiqlal (FI), à savoir
Allal El Fassi* et Mehdi Ben Barka*, s'emploient à renforcer les pouvoirs du Parlement en instaurant le
Conseil National Consultatif (CNC) le 3 août 195654.
C’est la première et réelle expérience parlementaire dans l’histoire contemporaine du Maroc où les
partis politiques demandent des comptes au roi sur la situation générale du pays jusqu’à l’avènement
d’Hassan II. En février 1958, le Maroc est secoué par une opération militaire organisée par une coalition
militaire franco-espagnole contre l’ALM et le FLN dans une zone située entre le futur Sahara occidental et
la Mauritanie. L’ALM et le FLN porteurs d’un projet de Maghreb Uni des Peuples déchantèrent après
l’opération « Ouragan-Ecouvillon », face aux forces armées franco-espagnoles.
53 M. BENHLAL, Politique des barrages et problèmes de la modernisation rurale dans le Maghreb, in Annuaire de l'Afrique du
Nord, Centre national de la recherche scientifique; Centre de recherches et d'études sur les sociétés méditerrannéenes
(CRESM)(éds.), Paris, Editions du CNRS, Vol. 14, 1976, pp. 261-273. 54 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 17 août 1956, N°2286, Dahir n°1-56-179 du 25 hija 1375 (3 août 1956) portant
institution d’un Conseil national consultatif auprès de sa Majesté. M. MONJIB, op. cit., pp. 91-95.
20
Durant le mois de janvier 1959, de graves révoltes paysannes se déroulent dans la région du Rif et
dans tout le nord du Maroc. Ces révoltes sont, d'une part, en rapport avec la décolonisation brutale
de l’Espagne, mais aussi causées par une conjoncture de sous-développement dans cette partie du pays.
En effet, l'absence d’infrastructure, l'appauvrissement de la population, il semble que le pouvoir marocain
pense déjà à faire sortir cette main-d’œuvre désœuvrée vers l’Europe…
Toujours sur fond d’une latente crise économique, le FI programme deux plans économiques : un
plan biennal pour 1958-1959 et un plan quinquennal pour 1960-1964, qui doivent résorber les échecs du
premier plan (1954-1957), tout en engrangeant des réformes agraires afin d'endiguer les exodes ruraux qui
sont de plus en plus massifs. A cette même période, l’aile gauche du FI en la personne de Mehdi Ben
Barka* travaille sur le projet de la « Route de l’Unité »55. Les promesses vis-à-vis de ces réformes sont
toujours reportées par le Palais.
Le 7 septembre 1959 émane du FI, l’Union Nationale des Forces Populaires56(UNFP). Ce parti
formé autour de Mehdi Ben Barka*, Abderrahmane El Youssoufi* et Abderrahim Bouabid*, s’est doté
d’abord d'une ligne politique proche du socialisme des pays du bloc soviétique, puis du socialisme
apparenté au modèle « baâthiste » égyptien, mais in fine, le socialisme de l’UNFP s’apparentera aux pays
des non-alignés comme la Yougoslavie, l’Inde, l’Indonésie, l’Algérie et Cuba. L’UNFP cherche un encrage
au sein de l’artisanat et de la petite bourgeoisie commerçante citadine et rurale. L’UNFP travaille donc sur
la constitution d’une bourgeoisie nationale capable de doter le pays d’une économie industrielle. Cette
démarche complète l’implantation de l’UMT dans la classe ouvrière et de l’UNEM au sein des étudiants.
A la suite des pressions policières exercées sur les partis politiques et des fortes oppositions au
Parlement, le Palais renvoie le Gouvernement à la majorité syndicale UMT. Le 27 mai 1960 est inauguré le
premier Gouvernement Royal dans lequel le roi est Président et le prince héritier Vice-président57. Cette
inauguration permet au monarque de remanier à sa guise les majorités gouvernementales jusqu’en 1972. A
partir de cette date, le monarque organisera ses propres « majorités », ses propres « oppositions », ses
propres « référendums », etc…
C'est le second « bras de fer » entre le Palais et les partis. Le 3 mars 1961, Hassan II* devient roi, il
coupe l’herbe sous le pied de l’UNFP entrée dans l’opposition et dont la politique s’axait principalement
sur les conditions de vie des paysans, des ouvriers et des étudiants. Mehdi Ben Barka* résumait en 1962
dans son discours de l’Option Révolutionnaire la situation sociale et politique du Maroc : « Une grande
bourgeoisie qui a abdiqué ses prétentions politiques et associe son sort à celui de la semi-féodalité. Une
classe ouvrière qui est la force révolutionnaire par excellence et qui doit poser en termes clairs les
relations de ses tâches syndicales et de ses buts politiques. Une moyenne et petite bourgeoisie mécontente
55 M. BEN BARKA, Vers la construction d’une société nouvelle, Discours devant les cadres du parti de l’Istiqlal de Tétouan, 31
juillet 1958.
56 P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l’indépendance, Paris, La Découverte (3e édition), Coll. Repères, 2010, pp. 26-31. M.
MONJIB, op. cit., p. 169. 57 M. MONJIB, cit., pp. 221.
21
et potentiellement révolutionnaire mais hésitant à reprendre la lutte pour achever la libération nationale.
Une masse paysanne de petits fellahs et khamès sans terre qui a besoin d’une claire vision de ces tâches et
d’un cadre pour organiser son action propre auprès de la classe ouvrière58».
Depuis 1956, les promesses faites par le monarque de doter le pays d’une Constitution élaborée par
une Assemblée constituante n’avaient toujours pas été honorées. Ainsi le 2 juin 1961, Hassan II*
promulgue sa Loi Fondamentale59. Cette Loi Fondamentale représentait une sorte de charte
fondamentale palliant la carence constitutionnelle du pays. Ainsi, tous les aspects de la vie politique,
économique, sociale et culturelle du pays, étaient déjà anticipés.
Le monarque cherchait par la Loi à garder le pouvoir législatif et judiciaire en renforçant l’efficacité
du dahir et en reléguant au second plan toutes promulgations et propositions ultérieures des partis
politiques. Le monarque jette les bases de son pouvoir absolu et sacré. Ces fondements sacrés sont les
suivants : le statut inviolable de la monarchie, l’Islam comme religion d’Etat et l’intégrité territoriale.
Ensuite, par cette loi, le roi cherche à isoler les partis politiques dans les différents secteurs publics. Pour ce
faire, il réorganise les sharifs en congrégations (naqibs)60. Les sharifs représentent au Maroc, ce que le
sociologue Henri Mendras appelle une société intermédiaire61. Il s’agit d’un corps social reliant
l’autorité royale et le Makhzen d’une part et le reste de la société d’autre part. Dans l’ancien Maroc,
les sharifs, comme les confréries religieuses ou les corps de métier, représentaient tantôt un contrepoids,
tantôt un gage de légitimité pour le pouvoir central. Au Maroc, les sharifs sont répartis en différents
ordres parmi lesquels : les sharifs relevant d’une ascendance royale, souvent rentiers. Les sharifs ne
relevant pas d’une ascendance royale mais d’un saint personnage et enfin les sharifs ayant acquis un savoir
ou un capital matériel suffisant pour pouvoir concourir au titre. Dans tous les cas, l’ascendance
prophétique est invoquée. L’existence de ce corps social est étroitement liée au système des privilèges dans
la politique marocaine. Depuis le 16e siècle, l’authenticité des sharifs était confirmée par un acte (Ijâza)
statuant quant à leur prestige.
Depuis la Loi Fondamentale, leur réorganisation a pour but de distiller la culture « makhzénienne »
au sein de la population. Par culture « makhzénienne », entendons une culture qui doit constamment faire
l’apologie du monarque. De ce fait, ces naquibs doivent supplanter les partis politiques et investir tous les
lieux publics importants au pays comme : les foires annuelles (moussems), les établissements scolaires et
les administrations civiles. Le monarque reste, ainsi, l’éternel pilier absolu du système politique. Après la
Loi Fondamentale, Hassan II met en place le 7 décembre 1962 la première Constitution dans laquelle il
s'octroie des pouvoirs exorbitants, tout en limitant ceux du CNC62. Ainsi, la figure du roi reste
58 M. BEN BARKA, Option révolutionnaire au Maroc, Rapport au secrétariat de l’UNFP avant le 2e Congrès, Rabat, le 1er mai
1962, pp. 13. 59 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9 juin 1961, N°2745, Dahir n° 1-61-167 du 17 hija 1380 (2 juin 1961) portant Loi
fondamentale pour le Royaume du Maroc. 60 M. MONJIB, op. cit., pp. 339-340. 61 H. MENDRAS, Les sociétés paysannes, Paris, Folio, Coll. Histoire, 1995. 62 L. FOUGERE, La constitution marocaine du 7 décembre 1962 , in Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre national de la
recherche scientifique(éds.), Paris, Editions du CNRS, Vol.1, 1964, pp. 155-165.
22
inviolable et sacrée. Il préside le Conseil des Ministres et peut adresser des messages au Parlement, à la
Nation sans qu’il ne puisse y avoir un quelconque débat sur le contenu de ces messages.
L’appel au boycott des élections législatives du 17 mai 1963 par l’UNFP63, pousse Hassan II* a
d’abord canaliser l’opposition. Cette tâche est assurée par son plus important conseiller (Wasif) Ahmed
Réda Guédira*. Ce dernier a mis à jour le MP en créant un « Front de Défense des Institutions
Constitutionnelles » (FDIC) et un « Parti Social-Démocrate »(PSD) pour rallier le FI, entre 1963 et 196464.
En plus du FDIC et du PSD, Ahmed Réda Guédira* divise le bloc de la gauche et favorise un nouveau
Mouvement syndical : l’Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM) et un Mouvement d’étudiants:
l’Union Générale des Etudiants du Maroc (UGEM). Ces deux syndicats de droite sont rattachés au PI65.
Les arrestations et procès arbitraires déferlent contre l’UNFP, l’UMT, l’UNEM et l’ALM, alors que
ce quatuor réfléchit à la construction d’un Gouvernement d’Union Nationale capable de tenir la dragée
haute au Palais. En octobre 1963, éclate la Guerre des Sables entre le Maroc et l’Algérie. Cette guerre
trouve son origine sur un désaccord frontalier entre les deux pays, et va permettre à Hassan II* de tenter de
revivifier un certain nationalisme mais sans succès.
L’UNFP, devenu principal parti de l’opposition, tient tête à Hassan II*. Ce dernier mène un coup de
filet cinglant à son encontre avec plusieurs milliers d’enlèvements le 16 juillet 1963. Toute la commission
de travail du parti est arrêtée. Depuis ce coup dur porté contre « la bête noire » du Palais, l’engrenage
répressif monte d’un cran. Les principaux dirigeants de l’UNFP et de l’ALM sont condamnés lors du
premier grand procès politique de Rabat tenu le 14 mars 1964. Le 7 août, le Général Mohamed Oufkir* a
mis en branle le pays contre un dissident armé Mohamed Agouliz* alias « Cheikh Al Arab » (le Chef des
Arabes) appartenant à l’ALM66. Après cette victorieuse opération, Mohamed Oufkir* devient ministre de
l’Intérieur le 20 août 1964.
Le 23 mars 1965, le Ministère de l’Enseignement publie une circulaire limitant l’âge d’intégration
scolaire. Indignée par cette mesure, l’opposition appelle à la manifestation. Toute la population de
Casablanca manifeste son mécontentement contre cette décision mais aussi contre le régime dans son
entièreté. En réponse Hassan II* fait appel à l’armée pour soumettre les manifestants. Le bilan s’élèverait à
plusieurs centaines de morts et milliers de blessés. Lors de son discours du 29 mars 1965, Hassan II*
cherche à casser l’influence de la gauche politique naissante dans le corps de l’Enseignement : « Il n’y a
pas de danger aussi grave pour l’État que celui d’un prétendu intellectuel. Il aurait mieux valu que vous
soyez tous des illettrés (…). Je vous mets à nouveau en garde contre une éducation désorientée de cette
génération future que devront épargner l’indiscipline et l’anarchie. (Il faut) décourager les trublions et
préserver l’intangibilité de nos traditions, de nos tempéraments et de notre équilibre67. »
63 AT TAHRIR, Hebdomadaire de l’UNFP section des étudiants de Paris, N°6, du 7 mai 1963, pp. 2-4. 64 M. MONJIB, op. cit., pp. 305-319. 65 M. MONJIB, cit., p. 192. J-C. SANTUCCI, op. cit., p. 260. 66 M. BENNOUNA, Héros dans gloire : Echec d’une révolution 1963-1973, Casablanca, Tarik Editions, 2002, pp. 68-71. 67 Y. BELAL, Le cheikh et le calife : sociologie religieuse de l’islam politique au Maroc, Lyon, ENS Editions, 2011, p. 86.
23
Le 7 juin 1965 à 20h30, Hassan II* proclame l’Etat d’Exception68. Le 29 octobre de la même année,
Mehdi Ben Barka*, leader de l’opposition marocaine et figure de la Tricontinentale, est enlevé à Paris. Sa
disparition monte à nouveau d’un degré l'engrenage répressif au Maroc.
b.5 Vers un nouveau consensus politique, la question du Sahara occidental : 1965-1983
Privé de son leader, l’UNFP fonctionne au ralenti, cependant qu’une nouvelle génération
d’opposition se constitue. Les procès pour « complot contre la personne royale » ou pour « atteinte à la
Sûreté de l’Etat » n’en cessent pas pour autant. Avec les procès de Rabat et de Marrakech, en 1964, 1969 et
1971, des nouvelles vagues d’arrestations et d’enlèvements se produisent contre l’UNFP, le PCM (interdit
en 1968) mais aussi contre la nouvelle gauche marocaine naissante69. Comme pour davantage
accentuer la pression sur les mouvements d’oppositions par son pouvoir personnel, Hassan II* promulgue
successivement deux nouvelles Constitutions péremptoires, le 24 juillet 1970 et le 15 mars 197270.
A l’instar du nouveau Parti Communiste Marocain, le Parti de la Libération et du Socialisme - PLS
qui sera interdit en 1974 pour faire place au Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) - l’UNFP connaît une
scission interne entre 1972 et 1975. L’UNFP est divisé en deux bureaux, l’un à Rabat repris par l’UMT et
l’autre à Casablanca repris par l’Union Socialiste des Forces Populaires(USFP) naissante. L’USFP a tenu
son Congrès constitutif entre le 10 et le 12 janvier 197571. Le parti a comme membres fondateurs
Abderrahmane El Youssoufi*, Abderrahim Bouabid* et Omar Benjelloun*, avec une doctrine qui se veut la
plus fidèle au socialisme « Ben Barkiste ».
Parallèlement à l’USFP, une nouvelle centrale syndicale voit le jour, c'est la Confédération
Démocratique du Travail (CDT). La CDT prendra le relais de l’UMT en termes de mobilisation syndicale.
La mise sur pied de l’USFP justifie qu'une nouvelle opposition officieuse se profile depuis la fin des années
1960. Il s’agit d’une part des Mouvements des Frontistes (Ilal Amam), du 23 Mars72, et des mouvements
religieux tels le Mouvement Justice et Bel Agir73 (Al Adl Wal Ihsan). Conjointement à cette conjonction de
la nouvelle opposition naissante, la première association culturelle berbère voit le jour en novembre 1967.
Initialement répartis dans un « Groupe A » et un « Groupe B », la nouvelle jeunesse des Frontistes
et du 23 Mars se revendique d’une doctrine léniniste-marxiste et n’a jamais été reconnue par le Palais.
Alors qu’Ilal Amam est né du PLS, le Mouvement 23 Mars est surtout issu de l’UNFP. Ces deux
mouvements sont nés des échecs de la politique de l’Enseignement. En effet, entre le 3 et le 11 mars
1970, alors qu’Hassan II* procédait à un remaniement gouvernemental et levait l’Etat d’exception, il
68 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9 juin 1965, Décret royal n°136-65 du 7 safar (7 juin 1965) proclamant l’état
d’exception. 69 Maroc Répression : Le Maroc des Procès, bulletin mensuel du CLCRM de Paris, Paris, N°39, 1977, pp. 11-14. 70 L’article 23 du deuxième titre relatif à la royauté des Constitutions de 1970 et 1972, confère au roi un statut d’inviolabilité et de
sacralité. 71 P. VERMEREN, op. cit., p. 69. 72 P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l’indépendance, cit., pp. 54-57. D. LE SAOUT et M. ROLLINDE (dir.), Emeutes et
mouvements sociaux au Maghreb : Perspective comparée, Paris, Karthala, Coll. Hommes et Sociétés, 1999, pp. 201-231. 73 M. ABITBOL, op. cit., pp. 590-591.
24
organisait en même temps un colloque dans la ville d’Ifrane (ville située au Moyen-Atlas)74. Ce colloque
a réuni les représentants des plus importants partis politiques et a traité la question de l’Enseignement
National. Une réorientation générale dans le contenu du programme y a été décidée.
Désormais toutes les disciplines vont être enseignées en arabe. Cette brutale décision a généré une
importante fracture dans les différentes étapes du cursus scolaire. Cette rupture au niveau de
l’enseignement est à rapprocher d’une rupture politique dans la gauche marocaine. D’Ilal Amam et du
Mouvement du 23 Mars émergent deux nouveaux syndicats durant le mois de mars 197275 : il s’agit du
Syndicat National des Lycéens (SNL) et c e l u i des Enseignants (SNE). La nouvelle gauche marocaine
naît dans un contexte culturel bouillonnant. Des revues très critiques à l’égard du pouvoir telles Souffles
ou Lâmalif vont être les porte-paroles d’une volonté de changement radical76.
Une nouvelle donne majeure s’insère dans l’échiquier politique marocain. C'est la question du
Sahara occidental. Les origines du conflit trouvent plusieurs explications, cependant les principaux motifs
de cette affaire peuvent se résumer aux points suivants : son apparition soudaine dans la vie politique 20
ans après l’indépendance et les deux tentatives de coups d’Etat. Cette question permet de revigorer un
sentiment nationaliste quelque peu émoussé par les déceptions socio-économiques de ces 20 dernières
années. Les politiques économiques établies de 1965 à 1977 ne pouvaient aboutir à des résultats concrets,
car les terres spoliées par les anciens colons et industries étrangères n’ont jamais été restituées aux
fellahs et aux khamès (paysans et métayers) ni dans leur intégralité ni dans leur qualité. En plus, le Palais et
le Makhzen s’accaparent des meilleures terres dès 1973 dans le cadre de la « maroquinisation des terres ».
L’affaire du Sahara occidental intervient sans conteste après deux tentatives de Coup d’Etat par l’armée
contre le roi Hassan II* : le premier le 10 juillet 1971 et le second le 7 août 1972.
L’ALM était définitivement liquidée par les FAR, durant l’été 1973, alors qu’elle projetait une vaste
offensive dans l’Anti-Atlas77. Politiquement, Hassan II* doit composer avec un deuxième FI. Ce deuxième
FI réunissait le PI, l’UMT, le PCM, l’UNFP très affaibli par les multiples coups de filet et procès à son
encontre, et l’USFP naissante. Cependant, en 1974, il prépare l’opinion nationale - et internationale - à la
construction d’un « Grand Maroc ». En utilisant à sa guise les partis politiques (USFP, PCM, PI et UMT)
comme outil de lobbying78, le roi est en quête d'une nouvelle formule de « consensus national » autour de
la récupération des « territoires perdus » et cherche à redorer sa légitimité ternie auprès du FI. Seule,
l’UNEM refuse d’adhérer au FI et vote une motion lors de son XVe Congrès tenu entre le 11 et le 18
74L’UNEM : Dossier Syndical, UNEM section Bruxelles-Charleroi, Bruxelles, N°8, 1985, p. 4. 75 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM section Bruxelles : Manifeste
du Syndicat National des Lycéens du 23 mars 1972.P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l’indépendance, op. cit., pp. 62-70 .
A. ADAM, Chronique sociale et culturelle Maroc, in Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre national de la recherche scientifique;
Centre de recherches et d'études sur les sociétés méditerrannéenes (CRESM)(éds.), Paris, Editions du CNRS, 1977, Vol.15, pp. 516-
526. 76 K. SEFRIOUI, La revue Souffles 1966-1973 : Espoirs de révolution culturelle au Maroc, Casablanca, Editions du Sirocco, 2013.
Voir aussi Z. DAOUD, Les Années Lamalif, 1958-1988 : Trente ans de journalisme au Maroc, Casablanca, Tarik Edition-Senso
Unico, 2007. 77 M. BENNOUNA, op. cit., pp. 233-294. 78 J-C. SANTUCCI, op. cit., pp.88-106.
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août 1972. Cette motion expose des positions ouvertement radicales vis-à-vis du régime79. En guise de
réponse, Hassan II* interdira l’UNEM le 17 janvier 1973 et ordonna sa dissolution 7 jours plus tard.
L’UNFP section Rabat sera aussi interdite le 2 avril 197380.
Le projet du « Grand Maroc » fait suite aux retraits des forces armées espagnoles dans la zone Sud
(actuelle province de la Rio de Oro et de la Saquia El Hamra). Entre-temps, un mouvement de résistance
s’est déjà constitué dès le 10 mai 1973 contre l’Espagne81. Il s’agit du Front POLISARIO (Frente Popular
de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro). Cette résistance va représenter une opposition
supplémentaire au régime d’Hassan II*. Mais ce dernier précipite son projet par sa célèbre « Marche
Verte » survenue le 6 novembre 1975. Le commandement militaire est assuré par le Général Ahmed
Dlimi*, nouvel homme fort d’Hassan II* après le Général Oufkir*. Désormais la question du Sahara
occidental, comme celle du statut de la monarchie et de la religion d’Etat, est imposée par le Palais comme
une nouvelle ligne rouge que la classe politique ne doit pas transgresser.
Cette marche réunit près de 350.000 civils encadrés par 20.000 soldats des Forces Armées Royales
(FAR) au départ de Marrakech82, capitale pour la circonstance, vers la zone Sud. Face à l’euphorie
populaire, le Maroc participe au traité tripartite de Madrid le 14 novembre 1975 avec l’Espagne et la
Mauritanie. Après la mort du caudillo Franco 6 jours plus tard, le Maroc examine un accord à l’amiable
avec la Mauritanie pour diviser les territoires occupés jusqu’en 197983. A cette date, le Maroc se retrouve
face-à-face avec l’Algérie qui soutient le POLISARIO. Depuis février 1976, le POLISARIO, au Sahara
occidental, proclame la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) et suivant les principes
d’autodétermination garantis par l’Organisation des Nations Unies (ONU), la RASD exprime, encore de
nos jours, sa volonté de souveraineté sur le Sahara occidental. Entre-temps, l’économie nationale
marocaine doit s’aligner sur les directives du Fonds Monétaire International (FMI) et répondre aux
impératifs d'un réajustement structurel.
Face à une classe politique affaiblie ou propice à la compromission, le Palais resserre ses
positionsen composant de toutes pièces de nouveaux partis politiques. Depuis 1972, le conseiller et
beau-frère d’Hassan II*, Ahmed Osman*, ainsi que le nouvel homme fort du régime Driss Basri*,
mettent en place plusieurs Gouvernements. Ces Gouvernements verront la naissance de plusieurs
partis et syndicats de tendance « droites populaires », à savoir : le Mouvement Populaire Démocratique et
Constitutionnel (MPDC né d’une scission du MP déjà en 1967), le Parti de l’Action (PA fondé en 1974),
79 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM Section Bruxelles : Motions
adoptées par l’UNEM lors de son XVe Congrès. P. VERMEREN, op. cit., p. 61. 80 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 4 avril 1973, N°3153, Décret n°2-73-172 du 27 safar 1393 (2 avril 1973) portant
suspension du groupement politique dit « l’Union nationale des forces populaires – branche de Rabat ». 81 Les Fondements Juridiques et Institutionnels de la République Arabe Sahraouie Démocratique, Actes du Colloque international
de juristes tenu à l’Assemblée Nationale, Paris, L’Harmattan, les 20 et 21 octobre 1984, p. 47. P. VERMEREN, op. cit., pp. 67. 82 W. RUF, Sahara Occidental : un conflit sans solution ? , in Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre national de la recherche
scientifique; Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM)(éds.), Paris, CNRS Editions, 2004,
Vol.40, pp. 123-140. J-C SANTUCCI, op. cit., pp. 92. 83 R. WEEWSTEEN, La question du Sahara occidental 1978-1979 , in Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre de recherches et
d'études sur les sociétés méditerrannéenes (CRESM)(éds.), Paris, Editions du CNRS, 1980, Vol.18, pp. 415-442.
26
le Parti Libéral Progressiste (PLP fondé en novembre 1974), le Rassemblement des Indépendants (RNI
fondé entre 1977-1978), le Parti Démocratique Constitutionnel (PDC né d’une scission du PDI et d’une
coalition avec le FDIC en 1970), le Parti National Démocrate (PND né d’une scission du RNI en juin
1982), l’Union Nationale des Etudiants Démocrates (UNED fondé en juillet 1982) et l’Union
Constitutionnelle (UC fondée en mars 1983)84. Ces partis politiques doivent pouvoir assurer une «
majorité parlementaire légitime » au Palais85. Les fraudes électorales sont régulières. La population
marocaine comprend un taux d’analphabétisme élevé et, pour pouvoir voter, le régime assigne à chaque
parti une couleur. Par exemple, lors des élections législatives du 3 juin 1977, l’USFP avait des bulletins
jaunes. Or, dans maintes circonscriptions, dont Rabat, les candidats du RNI avaient fait imprimer leur
bulletin sur papier jaune aussi86…
Avec une classe paysanne stagnant dans une pauvreté matérielle et dont l'état d’illettrisme est
étendu, un prolétariat frustré de ne pouvoir se développer en une solide classe moyenne et un mouvement
d’étudiants interdit d’accès à une instruction de qualité, le Maroc présente plusieurs fractures sociales qui
ne cesseront de s’accentuer. Le monarque chérifien garde, cependant, la mainmise sur toutes les
institutions civiles et militaires. Nonobstant cette situation, avec la brutale hausse des prix des matières
de première nécessité, le souverain n'a pu anticiper une nouvelle révolte d’envergure à Casablanca le 21
juin 1981 qui s’étendra dans tout le nord du Maroc jusqu’en 198487. Ce sont les fameuses émeutes «
de la faim ». Simultanément à l’application du Plan d’ajustement structurel, le Général Dlimi* meurt
dans un accident sur la route de Marrakech le 25 janvier 198388. La disparition du Général annonce la
montée du troisième homme fort du régime d’Hassan II* : Driss Basri*.
La gauche marocaine accueille aussi deux nouveaux partis : l’Organisation de l’Action
Démocratique et Populaire (OADP fondé en 1983) née du Mouvement 23 Mars, et le Parti de l’Avant-
Garde Socialiste et Démocratique (PADS fondé en mai 1983) né de l’USFP. Après 1983, l’espace politique
marocain ne verra plus la naissance d’importants partis politiques. Les partis politiques qui émergeront
ultérieurement seront essentiellement des partis issus de plusieurs composantes politiques des mouvements
politiques que nous avons jusqu’ici examinés.
D'une main le monarque canalise, de l'autre il active la machine répressive contre les partis, les
syndicats et les mouvements d’étudiants, cherchant ainsi à faire taire toute opposition. En outre, si les
crises internes des partis politiques étaient favorisées par le Palais, elles étaient aussi le fruit d’un
désaccord structurel entre les cadres et la base des partis89. Alors qu’Amnesty International et la presse
internationale francophone commencent à s’inquiéter de la recrudescence des violations des Droits de
84 J-C. SANTUCI, op. cit., pp. 255-260. 85J-C. SANTUCCI, Le multipartisme marocain entre contraintes d’un « pluralisme contrôlé » et les dilemmes d’un «
pluripartisme autoritaire, in Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, N°111-112, 2006, pp. 63-118. 86 G. PERRAULT, Notre Ami le Roi, Paris, Gallimard, Coll. Au Vif du Sujet, 1990, p. 248. 87 Ces événements seront étudiés à travers les activités des CLCRM et plus particulièrement du CLCRM de Bruxelles. 88 P. VERMEREN, op. cit., p. 83. 89 Sur ce sujet voir CH. DAURE-SERFATY, Rencontre avec le Maroc, Paris, La Découverte, Coll. Essais, 1993.
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l’Homme au Maroc, les Comités de Lutte contre la Répression en France ont déjà fait état des premières
victimes des procès arbitraires90.
C. L’appareil sécuritaire au Maroc
L’appareil sécuritaire au Maroc s’est organisé dès l’indépendance. Mieux structuré que les partis
politiques, les syndicats et les mouvements d’étudiants, le système sécuritaire se présente en hiérarchie -
comme la notabilité et le clergé du Makhzen – dans laquelle chaque organe agit en étroite collaboration
avec le bureau de l’Etat-Major, lui-même en relation avec les Ministères de l’Intérieur, de la Défense et le
Cabinet Royal. C’est à partir de ce puissant appareil sécuritaire que le souverain peut appliquer son autorité
sur l’ensemble du territoire.
c.1 Les Forces Armées Royales.
Les FAR sont instituées officiellement le 25 juin 195691. Le prince héritier Hassan en est le chef
d’Etat-Major et Mohamed V le Commandant Suprême. Elles comptent 15.000 hommes en armes dont un
tiers provenant de l’ALM, mais dont les cadres sont exclus de l’Etat-Major et doivent se contenter de
grades subalternes, quand leur silence n’était pas acheté.
La classe politique est mise à l’écart lors de la constitution des FAR. En revanche, les officiers
français jouent le rôle essentiel dans la mise sur pied de l’armée royale. Satisfait de cet encadrement,
Mohamed V a même tenu ces propos à l’égard des officiers français : « Le défilé auquel nous venons
d’assister est votre œuvre, vous avez pris une part active à sa préparation. Je vous en remercie, vous avez
servi le Maroc votre pays et la France, notre alliée 92». Les FAR servent surtout comme garde prétorienne
au Palais. Cette garde prétorienne assure au roi le pouvoir exécutif et permettra, à terme, d’assurer au
monarque les moyens de sa répression politique.
Les FAR désignent le corps national organisé dans le lequel le monarque avait entièrement
confiance jusqu’aux tentatives des coups d’Etat. Exclusivement encadrées par des officiers des armées
coloniales françaises et espagnoles, elles sont chargées de la sécurité personnelle du roi dès 1959. En guise
d’exemple, citons le Général Mohamed Oufkir*, vétéran de la Seconde Guerre Mondiale (campagne
d’Italie en 1944) et du Viêt-Nam (1947), ensuite, les Généraux Benhammou Kettani et Mohamed
Medbouh issus de l’armée française, et enfin, le Maréchal Mohamed Ameziane, ancien Gouverneur-
général des Îles Canaries de l’Espagne franquiste.
En 1958, les effectifs des FAR s’élèvent déjà à 27.000 hommes. Des régiments entiers ayant servi
dans les armées coloniales passent avec armes et bagages aux FAR. « Dieu, Patrie, Roi » est la devise
90 Rapports d’Amnesty International de 1972 à 1977. Le Nouvel Observateur du 6 juin 1977 et 16 janvier 1978. Le Monde des 21
août 1963, 13 juillet-9 août 1971 et 3 mars 1972. En outre, Le Monde a été interdit plusieurs fois au Maroc pour une durée
indéterminée. Le journal a été censuré, notamment, à cause d’une publicité faite par les CLCRM, Le Monde du 27 janvier 1977. 91 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 20 juillet 1956, N°2282, Dahir n°1-56-138 du 16 kaada 1375 (25 juin 1956) portant
création des Forces armées royales. 92 M. MONJIB, op. cit., p. 65.
28
officielle. Jouissant d’importants avantages matériels, l’armée royale n'est pas en contact avec le monde
politique. Par ailleurs, la répartition budgétaire octroyée aux FAR a été sujet de discorde entre l’aile gauche
du FI (PCM, UMT, UNEM et future UNFP) et le Palais. Les FAR constituent un gage de confiance dans
les cénacles militaires français qui voient dans le jeune prince héritier du Trône, maîtrisant par ailleurs
parfaitement la langue de Molière, l’espoir incarné de l’avenir de la France au Maroc.
La Gendarmerie Royale est mise sur place le 29 avril 195793. Elle bénéficie d’une situation analogue
à celle des FAR. Les FAR et la Gendarmerie sont annexées directement au Cabinet Royal et se trouve ainsi
sous la direction du tandem Oufkir-Prince Hassan*.
Les FAR ont établi une première base militaro-policière solide dans laquelle se développent : la
Sûreté Nationale, la Gendarmerie Royale, les Forces Auxiliaires, les Services Secrets et les Brigades
Spéciales. Cette Force Publique permet au souverain les moyens de sa répression contre les forces vives de
la Nation communément et contre les espoirs intellectuels en particulier.
c.2 Les polices politiques
Issue des Services de Renseignements Généraux français au Maroc et des FAR, la première Sûreté
Nationale voit le jour le 16 mai 1956 sous l’égide de l’istiqlalien Mohamed Laghzaoui*94. La Sûreté
Nationale, appelée aussi la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), avait pour principale
mission d'éliminer les cadres de l’ALM les plus opposés aux FAR, parmi lesquels Abbas Messaâdi*.
Composée d’anciens membres ralliés de l’ALM, la police politique de Laghzaoui* ne dispose cependant
toujours pas d’un solide réseau d’informateurs.
Vers septembre 1960 et avec la montée en puissance du Général Mohamed Oufkir*,
l’administration policière secrète est réorganisée en un bureau centralisé : il s’agit du CAB1 qui dispose de
deux grands services distincts, le premier central situé dans la capitale, Rabat et le second régional
disséminé dans tout le pays. Le service central est composé de 6 départements indépendants mais
complémentaires dont le département de la contre-subversion et le département du contre-espionnage. Le
département de la contre-subversion a pour mission de neutraliser les partis politiques, les syndicats et les
mouvements d’étudiants, de plus, il participe clandestinement aux enlèvements, aux séquestrations, aux
tortures et aux disparitions.
Suivant le contexte de Guerre Froide généralement et de Maccarthysme plus particulièrement, les
Etats-Unis procurent une aide précieuse au Maroc dans la construction de son appareil sécuritaire. Par
conséquent, le CAB1 devient plus efficace dans sa lutte contre la subversion politique interne au territoire
mais aussi plus performant dans sa lutte contre le « péril rouge ». Les collaborateurs américains dépêchés
93 Bulletin officiel Royaume du Maroc du 17 mai 1957, N°2325, Dahir n°1-57-059 du 28 ramadan 1376 (29 avril 1957) sur la
gendarmerie. 94 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 25 mai 1956, N°2274, Dahir n°1-56-115 du 5 chaoual 1375 (16 mai 1956) relatif à la
direction générale de la sûreté nationale.
29
par l’Etat-Major des Etats-Unis sont assignés à la tête du département contre-subversion95. Le département
de la contre-subversion a développé dès 1965, un grand réseau d’information couvrant tout le territoire,
tandis que le département contre-espionnage collectait les renseignements et la documentation auprès des
ambassades, des consulats, dans les médias, auprès des personnalités étrangères et dans les lieux
publics96.
Du début des années 1960 jusqu’à l’enlèvement de Mehdi Ben Barka*à Paris, le CAB1 dispose des
services de plusieurs réseaux d’information composés de 2000 sources. L’information est fournie par
l’indicateur à son agent-traitant qui recoupe l’information. Une fois les informations recoupées, un rapport est
remis au Ministère de l’Intérieur. Le rapport se doit d'être bref et concis, comme en témoigne l’exemple de ce
rapport émis par le caïd du 3e arrondissement urbain pour le Ministère de l’Intérieur97:
Ministère
del’Intérieur
Préfecture de
Casablanca
N°402/AB/FR
Casablanca, le 28
septembre 1962 Le Caïd
chef du 3e arrdt urbain
Casa
blanca A Monsieur le Directeur des
Affaires Générales
Rabat
S/C de la voie hiérarchique
Objet : réunion secrète du bureau U.N.F.P.-Casa.
D’après les informations recueillies auprès des milieux proches des militants de la gauche, il paraît que les
membres du bureau U.N.F.P. de Casablanca auraient tenu une réunion secrète il y a quelques jours pour
discuter des choses urgentes du parti. La réunion a été longue car elle a duré quelques heures sous la
présidence d’Abdallah Ibrahim ou Mâati Bouabid
Vu et transmis sous le
N°1200/S.A.R. Le gouverneur
de Casablanca
95 A. BOUKHARI, Le Secret : Ben Barka et le Maroc. Un ancien agent des services spéciaux parle, Paris, Michel Laffont, 2002,
pp. 19-49. Attention les deux ouvrages d’Ahmed Boukhari doivent cependant être pris avec beaucoup de précaution car si l’auteur
procure des informations intéressantes sur le fonctionnement de la police politique marocaine, il ne propose pas toujours une
méthodologie rigoureuse quant à la qualité de ces informations données. 96 A. BOUKHARI, Raisons d’Etats : Tout sur l’affaire Ben Barka et d’autres crimes politiques au Maroc, Casablanca,
Maghrébines, 2005, pp. 57-61 & 296-300. P. VERMEREN, op. cit., p 63. 97 A. BOUKHARI, Le Secret : Ben Barka et le Maroc. Un ancien agent des services spéciaux parle, op. cit., pp. 71-72.
30
Sur les 2000 sources d’informations du CAB1, 200 sont utilisées dans le contre-espionnage et
1800 pour la contre-subversion. Parmi ces 1800 sources d’information de la contre-subversion, un grand
nombre de responsables des partis, des syndicats et des bureaux d’étudiants y collabore, notamment
d’importants cadres de l’UNFP et de l’UNEM… Soucieux de mieux contrôler la classe politique et après
le « suicide » du Général Oufkir* survenu après le coup d’Etat du Boeing Royal du 7 août 1972, le
régime va démanteler le CAB1 et diviser l’appareil des Services Secrets en créant, le 12 janvier 197398, la
Direction Générale de l’Etude et de la Documentation (DGED), et vers fin mars99, la Direction de la
Sûreté Nationale (DST). Entre-temps, un nouveau corps d’armée voit le jour le 22 février 1973 : les
Forces Auxiliaires100.
La DST et la DGED sont à leurs origines tenus par le tout puissant ministre de l’Intérieur et
professeur de Droit Driss Basri*. La DST et la DGED comprendront un effectif respectif de 9000
policiers et de 3000 policiers101. Cette augmentation des effectifs policiers justifie la volonté du
souverain de diminuer le pouvoir de l’armée au détriment des corps de police.
Hassan II* met en place un Etat policier. Tout le Makhzen et l’appareil sécuritaire se mobilisent
quand il s’agit de traquer les groupes d’opposition politique ou armée. Très présente dans les lieux publics
et les universités, la police cherche le plus possible à réprimer toute tentative de manifestation. Un
témoignage recueilli par l’UNEM, adressé au CLCRM de Paris, faisait état des incidents susci tés par
les forces de l’ordre à l’encontre des étudiants grévistes au Lycée Mohamed V à Marrakech, le lundi 12
mars 1973 : « Au matin, ils étaient dans le lycée. Les forces de l’ordre très menaçantes étaient à
l’extérieur. Des jets de pierre sont partis, les CMI (Compagnies Mobiles d’Intervention) ont balancé de
gros parpaings dans la cour. Les élèves se sont barricadés à l’intérieur ; à un moment un moghrezin
(policier) venu de l’extérieur pour chercher sa fille est entré. La porte a été entrebaillée : A ce moment
une pierre - semble-t-il – est partie de la cour vers les flics. Ceux-ci se sont rués sur les portes, ils ont
défoncé la petite porte à côté de la grande et ont commencé la chasse. Certains élèves se sont
réfugiés dans la salle des profs où les moghrizins sont arrivés, faisant jouer la culasse de leur
mitraillette. Les profs ont cru qu’ils allaient tirer, des femmes se sont mises à crier. Un prof s’est avancé
vers les CMI pour leur demander de se calmer. Il a été copieusement rossé. Après quoi, un inspecteur, ou
un commissaire en civil est venu leur demander de quitter la salle des profs. Ils ont pourchassé les élèves
partout. Notamment les petits et les filles qui courent moins vite. Certains s’étaient sauvés au 1er étage
et accrochés aux corniches. Ils leur ont tapé sur les doigts, pour leur faire lâcher prise. Une fille est
tombée du 1er étage, elle a la colonne vertébrale atteinte, a perdu l’usage des 2 bras. Il y a eu, d’après
98 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 31 janvier 1973, N°3144, Dahir portant loi n°1-73-8 du 7 hija 1392 (12 janvier1973)
relatif à la création d’une Direction générale d’études et de documentation. 99 A. BOUKHARI, Raisons d’Etats : Tout sur l’affaire Ben Barka et d’autres crimes politiques au Maroc, op. cit., p. 300. 100 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 11 avril 1973, N°3154, Dahir portant loi n°1-72-524 du 18 moharram 1393 (22
février 1973) relatif à l’organisation générale des forces auxiliaires. 101 A. BOUKHARI, Raisons d’Etats : Tout sur l’affaire Ben Barka et d’autres crimes politiques au Maroc, op. cit., p. 324.
31
tous les recoupements 2 morts : un garçon de 1er année et une fille de 2e année. Il semble qu’ils soient
morts sur place ; ils ont été enterrés tout de suite. Il y a eu 40 traumatismes crâniens et des blessures
de toutes sortes. Il y avait du sang en beaucoup d’endroits (…)102».
Type d’affiche de recherche: un appel d’arrestation de 1975 à l’encontre de Houcine El Manouzi membre103.
Avec un puissant appareil sécuritaire, le régime s’est activé à multiplier les prisons et les
centres de détention. Ces lieux de “non droits” dans lesquels sont entassés plusieurs centaines (voire
milliers) de prisonniers politiques, sont des endroits où le régime cherche à briser chez les détenus
toute tentative de contester, de s’opposer aux abus de ce même régime, mais aussi à briser tout espoir de
lutte.
c.3 Les lieux de détentions et tortures au Maroc.
Depuis 1956, le système carcéral au Maroc se divise en plusieurs catégories. Nous avons
des prisons, des centres de détentions, des postes fixes (PF) et des bagnes (ou centre secrets). Les
prisons contenaient des prisonniers de droit commun et d’opinion. Réparties dans plusieurs villes telles
Kénitra, Fès, Casablanca, Marrakech, Rabat et Ouarzazate, ces prisons accueillaient les détenus
parfois préalablement torturés dans les centres de détentions ou les commissariats. Comme tortures
102 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°344, Documents relatifs au mouvement étudiant, UNEM : Lettre de
l’UNEM section Marrakech envoyée aux CLCRM daté du 19 mars 1973. 103 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°274, Correspondance et interventions au profit de ressortissants Marocains
– confidentiel : Affiche de recherche d’Houcine El Manouzi datée du 13 juillet 1975.
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fréquentes dans les centres de détention104, il y avait : l’isolement, la violence psychologique, le
passage à tabac, le viol « direct » des gardiens et « indirect » par l’introduction d’une bouteille dans
l’anus, la falaqua qui consiste à battre le détenu sur la plante des pieds, l’étouffement qui consiste à
introduire un chiffon souillé d’urine ou d’excréments dans la bouche du détenu, la méthode de « l’avion
» qui consiste à suspendre le détenu et le battre sur les poignets, le corps ou la plante des pieds, la
chaise du « Perroquet » qui consiste à suspendre le détenu, les mains et les pieds attachés devant le
corps et la tête tombant en arrière.
Parmi les premiers témoignages des tortures, le Comité de Paris a pris connaissance du cas
d’Evelyne Serfaty*, sœur d’Abraham Serfaty*. Dans la lettre qu’elle adressa au Comité, elle raconte son
calvaire passé au Commissariat de Casablanca entre le 26 septembre et le 4 octobre 1972 : « (…) Je suis
introduite dans un autre bureau où se trouvent plusieurs policiers. Mon sac est entièrement vidé devant
moi. Les questions et les gifles pleuvent. Puis on m’oblige à enlever ma jupe et mes chaussures. On
m’attache les chevilles et les poignées ensemble avec les chiffons et des cordes. On fait passer entre eux
une barre de fer que l’on pose entre deux tables. C’est là la torture du « perchoir au perroquet » déjà
décrite par mon frère. On me pose un bandeau sur les yeux, un chiffon sur la bouche. On verse de l’eau sur
le chiffon en me disant que si je ne parle pas on ajoutera de la javel à l’eau. C’est l’étouffement, une
sensation horrible. Je suis toujours sur « le perchoir », mais c’est le supplice de l’électricité, dans les
oreilles, dans le sexe, puis on m’enroule des fils autour des orteils et ce sont de terribles décharges dans
tout le corps. « C’est rien me dit-on, tu verras quand on te fera ça aux seins ». (…) Entre deux tortures, les
policiers me saisissent par les cheveux, me secouent, me giflent, me disent en arabe « Parle, parle ! ». Je
ne parlerai pas de leurs injures, ce serait trop long. Cette fois-ci, on m’attache les chevilles et les poignées
à une corde. Je n’étais plus en mesure de distinguer où était suspendue cette corde. Je sais que je tourne et
qu’à chaque tour, on m’appuie fortement sur la colonne vertébrale aux creux des reins. J’ai l’impression
que mes vertèbres vont se briser d’un moment à l’autre. C’est atroce. Je suis par terre, grelottante,
claquants des dents. Un de mes tortionnaires me fait mettre ma jupe « pour que j’aie moins froid » ! (…)
On me laisse tranquille un moment. Puis les policiers reviennent et me disent : « Puisque tu ne veux pas
parler, on va aller chercher tes parents et les amener ici. Ils subiront le même sort que toi. (…) La nuit
tombe. Les deux policiers qui prennent la relève me font marcher dans le couloir de plus en plus vite en
levant et en abaissant les bras. Les deux suivants me font rester debout jusque 6 heures du matin. On me
permet alors de m’asseoir, sur le sol, le dos contre le mur. (…) Un policier passe la tête par la porte et dit
en ricanant : « Ce soir, Tribunal nocturne ! ». Vers 20 heures, les deux policiers préposés à ma garde se
partagent le travail, l’un téléphone en disant : « Tu la veux, oui d’accord, on ne bouge pas ». L’autre
traine des chaises, des bancs à grand tapage dans le bureau d’en face que je ne peux voir. A minuit, la
mise en scène est terminée, mais la lumière reste encore allumée jusqu’à 6 heures du matin. (…) Je suis
104 I. LAYER, Amnesty International : La liberté d’expression et les Droits de l’Homme, l’exemple du Maroc, Mémoire en
Journalisme, sous la direction de Jean-Jacques Jespers, Bruxelles, PUB, 1995, pp. 53-55.
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relâchée vers 16 heures. Les policiers me donnent l’ordre de rentrer à Casablanca sans voir personne à
Rabat. Je ne sais comment j’ai pu conduite ma voiture jusqu’à Casablanca (100 Km de Rabat) (…)105. »
Evelyne Serfaty est morte deux ans plus tard des suites d’une violente hépatite106.
L’expérience au centre de détention Derb Moulay Chérif à Casablanca nous est aussi racontée par
Jaouad Mdidech, ancien membre frontiste entre 1973 et 1977: « Trois heures s’étaient écoulées. On cria
mon numéro : « 122 ! » Je bondis de ma place comme un fou et mon cœur aussi, qui se mit à battre la
chamade, à se rompre. On me conduisit directement dans la salle de torture. D’entrée de jeu, on passa à la
position du Perroquet, dont j’avais beaucoup entendu parler. On me fit asseoir sur le sol toujours bandeau
aux yeux, on me plia les genoux jusqu’à ce qu’ils touchent ma poitrine, comme on fait dans une posture
yoga. A l’aide d’une ficelle, on me lia les mains aux pieds. Et hop ! On me souleva et déposa sur une table
à l’aide d’une tringle métallique qu’on avait glissée sous les genoux. On commença à me fouetter la plante
des pieds. Des coups secs qui me firent crier. (…). Car le plus atroce ne vint que quelques minutes plus
tard, lorsque je sentis une main ouvrir ma bouche, s’employant à garder mes mâchoires ouvertes, et une
autre me verser des jets d’eau à l’intérieur de la bouche. Je sentis deux doigts me boucher les deux fosses
nasales, pour couper toute respiration. De l’eau versée dans la bouche que je ne pouvais avaler (…).
Combien dura l’épreuve ? Aucune idée. En tout cas, jusqu’à que je sentisse mes os craquer à l’intérieur de
ma chair (…)107».
Les centres de détention étaient donc surtout utilisés pour les tortures. Les points fixes (PF) aussi,
mais à la différence des centres de tortures, les détenus ne devaient jamais réapparaître dans la vie
publique. Le Maroc de Hassan II* a connu au total 5 PF108.
En complément des centres de détentions et des PF, il y a les bagnes secrets. Les bagnes secrets,
toujours dans une logique de séquestration, étaient l’expression de la vengeance royale la plus aboutie.
Répartis dans différentes places au Maroc, les bagnes secrets, plus que les points fixes ne devaient jamais
être connus de l’opinion publique nationale et internationale. Entre 1973 et 1990, les CLCRM ont recensé
cinq bagnes secrets : Tazmamart. Kelaât M’gouna, Bir Jdid, Tamattaght et Agadez109.
Tazmamart se situe entre Midelt et la région du Tafilalet. Ancienne forteresse de l’armée française,
elle a été récupérée pour y séquestrer le plus secrètement possible des détenus non pas condamnés pour
motifs politiques mais plus directement pour atteinte à la personne du roi. Parmi ces détenus, ils y avaient
les mutins des deux coups d’Etat, mais aussi des personnes qui ont fait partie du cénacle royal comme les
Frères Bourequat ou bien la famille Oufkir110.
105 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°328, Appels à la libération des détenus, Abraham Serfaty : Lettre d’Evelyne
Serfaty adressée au CLCRM de Paris datée du 16 octobre 1972. 106 CH. DAURE-SERFATY, Lettre du Maroc, Paris, Stock, 2000, p. 31. 107 J. MDIDECH, La chambre noire ou Derb Moulay Chérif, Casablanca, Eddif, 2001, pp. 60-61. 108 A. BOUKHARI, Raisons d’Etats : Tout sur l’affaire Ben Barka et d’autres crimes politiques, op. cit., pp. 268-270. 109 Une carte du Maroc est reprise en annexe. 110 A ces sujets voir A. ALI BOUREQUAT, Tazmamart : Dix-huit ans de solitudes, Paris, Michel Lafon, 1993. R. MIDHAT
BOUREQUAT, Mort vivant, Paris, Pygmalion, 2000. Le bagne de Tazmamart sera plus détaillé à travers les activités des CLCRM à
travers cette étude.
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Nous avons tenté, à travers le deuxième chapitre, de décortiquer le système politique marocain.
Fusion d’un système traditionnel multiséculaire avec le système des institutions permanentes héritées du
Protectorat, le système politique contemporain marocain a été très vite concentré entre les mains d’un
groupe de personnes au lendemain de l’indépendance.
En bref, le pouvoir au Maroc est représenté par le roi, les agents d’autorités du Makhzen, les fidèles
acquis au roi de la classe politique et l’Etat-Major. Ces acteurs politiques tiennent fermement tous les
secteurs clés de l’Etat en plus d’avoir marginalisé le Mouvement National. La politique du Palais vis-à-vis
de toutes les oppositions peut se résumer aux points suivants : liquider physiquement les éléments les plus
irréductibles. Arrêter, censurer, séquestrer et torturer les « têtes dures ». Effrayer par la délation et la
menace les hésitants. Octroyer des privilèges aux éléments mous et opportunistes.
Qu’elles soient d’ordre politique, armées ou intégrées au cercle royal, les oppositions, dès lors
qu’elles cherchent à remettre en cause le pouvoir absolu du monarque ou à entamer son prestige,
subissent les foudres de ce dernier. Si, par exemple, en Belgique le roi agit sous le « contreseing » des
ministres, au Maroc ce sont les ministres qui agissent sous le « contreseing » royal111.
Chapitre III : L’exil politique
Outre les procès expéditifs du régime marocain à l’encontre des oppositions à l’intérieur du pays,
l’appareil répressif fonctionnait aussi à l’extérieur du pays. Plusieurs arrestations, enlèvements et
démantèlements eurent lieu contre les cellules des oppositions marocaines. Plusieurs militants de l’UNFP,
de l’ALM, des mutins des FAR, voire des militants marocains ne relevant pas des partis politiques
marocains furent arrêtés en Algérie, à Gibraltar, en Tunisie, en Lybie, mais aussi en Belgique, en France et
aux Pays-Bas entre 1970 et 1974. Dans ce chapitre, nous examinerons par quelques exemples les motifs des
opposants à quitter le Maroc. Puis, nous étudierons le phénomène des Amicales de Travailleurs et
Commerçants Marocains. Et enfin, nous survolerons les plus importants mouvements syndicaux marocains
en Europe passés dans l’opposition politique. Avec l’histoire politique du Maroc contemporain, ce chapitre
est capital dans la mesure où ces trois points permettront la compréhension des origines et activités des
CLCRM généralement, et du CCRM de Bruxelles particulièrement.
a. Du Maghreb vers l’Europe : fuir le despotisme d’Hassan II.
Parmi les militants relevant essentiellement de l’UNFP, il y avait Mohamed Ajar. Militant de
l’UNFP, il fut condamné à mort par contumace au procès de Rabat en mars 1964. Il fut arrêté à Madrid en
janvier 1970 et livré après 15 jours à Rabat. Ahmed Benjelloun* alors lui aussi membre de l’UNFP et
arrêté à Madrid au même moment subit un interrogatoire musclé de la part de la police politique de Franco.
111 Article 106 du Titre III de la Constitution belge. Article 29 du Titre II des Constitutions du Royaume du Maroc du 7 décembre
1962, du 24 juillet 1970 et du 15 mars 1972.
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Présenté comme « dangereux communiste proche des frontistes catalans » par des espions marocains
auprès de la police espagnole, il fut immédiatement pris à partie par le commissaire lui montrant des photos
compromettantes à son égard et face au silence de l’accusé, il lui tenait ces quelques mots: « On va
t’envoyer chez Oufkir, il saura te faire parler, lui !112 ». Le premier dossier constitué par Me Alain
Martinet pour le CLRM de Paris dresse un premier bilan des arrestations effectuées dans les rangs de
l’UNFP113.
Ce dossier cite les cas de Merzak El Yazid et de Brahim Lachgar. Merzak El Yazid fut ouvrier
ancien membre du FLN algérien, il rentra dans l’UNFP et sera enlevé en plein territoire algérien. Brahim
Lachgar était ouvrier militant de l’UNFP. Il fut enlevé en Lybie en août 1974 et acheminé par le Sahara
jusqu’au Maroc. Comme plusieurs victimes d’enlèvement, son sort reste inconnu… Jaaouani El Mokhtar
était paysan et militant de l’UNFP. Il fut condamné à mort par contumace en janvier 1974. Enlevé sur le
territoire algérien aussi, il sera détenu au centre de détention de Derb Moulay Chérif à Casablanca.
Parmi les mutins de l’armée, il y avait le Lieutenant-Colonel Amokrane et le Sous-lieutenant
Midaoui, impliqués dans la tentative du coup d’Etat d’août 1972. Ils se sont réfugiés à Gibraltar et ont
demandé l’asile politique à la Belgique. Ils seront livrés le jour suivant à Rabat. Puis, nous avons Houcine
El Manouzi*, mécanicien à la SABENA en Belgique et membre de la Confédération des Syndicats
Chrétiens (CSC). Il fut militant de l’UNFP et membre de l’ALM. Condamné à mort par contumace au
procès de Marrakech du 14 juin 1971, il fut enlevé à Tunis et livré à Rabat en 1972. Evadé du PF2 le 13
juillet 1975, il sera repris une semaine plus tard. Le sort d’Houcine El Manouzi reste inconnu. Il y avait le
cas de Mohamed Ramsis. Commissaire de police et militant de l’UNFP, il a demandé l’asile politique en
Algérie et sera placé en garde à vue pendant une semaine par la police algérienne. Il est livré à Rabat suite à
son inculpation au procès de Marrakech en 1971. Condamné à 20 ans de réclusion, il sera finalement libéré
en novembre 1977.
A Paris, le président de l’Association des Marocains de France (AMF) Arsala Idir Ben Miloud a
reçu une convocation du Ministère de l’Intérieur datée du 26 mars 1974. Le motif invoqué était le
suivant114: « Activités politiques sur le territoire français ». La participation du président à une
manifestation organisée par l’AMF, le 9 février précédent, a fourni le prétexte de son arrestation par la
police. Déjà depuis 1971, le président de l’AMF a été sommé par la police française, lors de plusieurs
interrogatoires, de signer des déclarations préfabriquées soulignant qu’il portait atteinte à « la neutralité
politique en France ». Le refus d’Arsala Idir Ben Miloud de céder à ces intimidations est suivi d’un refus de
la part de la préfecture de police du 6e arrondissement de Paris, et ce pendant trois ans, de procurer au
président une carte de séjour, l’exposant ainsi à un risque momentané d’expulsion.
112 M. BENNOUNA, op. cit., p. 122. Par ailleurs, « Franco a fourni au pouvoir royal (marocain) les éléments d’un complot contre
l’opposition marocaine », écrit L’Humanité du 3 juin 1971. 113 A. MARTINET, Dossier adressé au CLCRM de Paris relatif les procès et arrestations au Maroc, Paris, 1974, pp. 8-23. 114 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Communiqué de
l’AMF daté du 10 avril 1974.
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En ce qui concerne les Pays-Bas, Ikhiche Houcine ouvrier et militant de l’UNFP, a été arrêté au
Maroc en juillet 1972 et a été condamné à 30 ans de réclusion au procès de Kénitra du 25 juin au 30 août
1973. Le motif invoqué était son appartenance au parti115.
Enfin à Bruxelles, entre le 25 et le 26 décembre 1974, deux policiers marocains assistés d’un
collaborateur du Consul marocain à Bruxelles sont sortis d’une Renault 16 de couleur blanche et ont tenté
d’enlever un militant marocain de l’opposition au Boulevard Maurice Lemonnier. La victime, par ses cris, a
pu alerter un chauffeur de taxi et ainsi mettre ses assaillants en fuite. Cependant, le militant, sévèrement
battu, a dû être transporté à l’hôpital de Schaerbeek116.
b. Les Amicales des Travailleurs et Commerçants Marocains.
A partir de 1973, le régime marocain va chercher à « encadrer » ses ressortissants. Pour ce faire, il
mettra en place les Amicales des Travailleurs et Commerçants (Al Widadiyyat). L’organisation des
Amicales relevait du Ministère de l’Emploi et du Travail au Maroc117. Ce dernier maintenait les contacts
avec les Amicales par l’intermédiaire des ambassades et consulats. Les Amicales avaient pour tâche
d’interdire toute tentative de syndicalisation au sein des communautés marocaines et plus largement
d’interdire aux Marocains de participer à la vie publique du pays d’accueil, en se posant comme les
interlocuteurs incontournables118.
Elles pouvaient prendre plusieurs formes parmi lesquelles : des syndicats de travailleurs ou de
commerçants, des ASBL ou encore des comités « patriotiques ».
Les Amicales sont d’abord apparues en France depuis leur Congrès constitutif tenu à Rabat durant
le mois d’août 1973. Officiellement, les Amicales se présentent comme des associations soucieuses du
dialogue interculturel entres les Marocains et les autochtones. Ainsi, en France : « L’Amicale a pour but la
défense, l’assistance morale et matérielle de ses adhérents ainsi que le resserrement des liens de
l’ensemble de la colonie marocaine119. »
Les Amicales de Belgique ont tenu leur Congrès constitutif à Tanger, en mars 1975120. Elles
justifient leur présence par des motifs humanitaires et culturels : « Ces Amicales ont été constituées dans un
but d’ordre social et humanitaire, visant surtout l’aide et l’assistance aux travailleurs et commerçants
marocains dans leurs problèmes et difficultés journalières dans le pays d’accueil (…).C’est dans cet esprit
115 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine policière,
décembre 1977, p. 24. 116 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des ouvriers et
commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p.7. 117 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, p. 4. 118 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles-Paris-Amsterdam, 1975, p. 27. 119 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Avis aux
Travailleurs et Commerçants de la circonscription consulaire de Paris daté de 1974. 120 « 24h00 au Maroc – Tanger : Congrès constitutif de la Fédération des Amicales des Travailleurs marocains en Belgique », Le
Matin du Maroc du 30 mars 1975.
37
que des manifestations en vue de promouvoir les contacts avec la population belge, sont souvent
organisées par nos Amicales, malgré les faibles moyens dont nous disposons, à la fois pour les Belges et
pour les immigrés des autres nationalités, afin d’amener chacun de nous à une meilleure compréhension
de l’autre à travers ses coutumes, son mode de vie et sa civilisation et enfin, en vue de l’établissement de
relations véritablement fraternelles et d’une réelle solidarité121». Les Amicales sont apparues dans un
contexte de crise économique galopante au Maroc ; aussi, elles devaient encourager les ressortissants
marocains en Europe à investir leurs capitaux au Maroc. Cet encouragement se traduisait par plusieurs
exonérations et privilèges parmi lesquels122: une facilité pour le rapatriement des corps de ressortissants
marocains, une souscription auprès de certaines banques, dont la Banque Populaire du Maroc (Bank
Chaâbi), des avantages pour l’achat des terrains au Maroc, une prime de transfert pour l’envoi d’argent au
Maroc, des facilités dans l’accueil aux postes-frontière mais aussi en ce qui concerne des formalités
douanières, et enfin, des avantages exclusifs en matière de réglementations concernant les soins de santé et
les allocations familiales pour les familles des ressortissants au Maroc. Implantées en France, en Belgique,
mais aussi aux Pays-Bas et en RFA, les Amicales n’hésiteront pas à organiser des pressions sur les ouvriers
marocains syndiqués voire à utiliser la violence physique. Les pressions des Amicales pouvaient se traduire
de la façon suivante : menacer les ressortissants marocains récalcitrants d’expulsion au Maroc.
Les Amicales cherchaient à obtenir un maximum d’informations sur les ressortissants marocains en
investissant les lieux publics fréquentés par les Marocains comme les cafés, les mosquées, les boucheries
etc… Les Amicales investissent les milieux syndicaux, professionnels employant un grand nombre de
Marocains, mais aussi les centres d’accueil sociaux des communes à forte implantation marocaine123. En ce
sens, les Amicales jouent un rôle fort similaire à celui des naquibs vu plus haut pour le Maroc.
Dans divers pays européens, Les Amicales ont organisé plusieurs confrontations physiques contre
des ouvriers marocains manifestant leur droit à se syndiquer. Jouant parfois de leurs relations avec le
patronat et avec certains syndicats français, les Amicales décident aussi si un ouvrier marocain syndiqué
peut ou non être engagé comme l’illustre l’exemple de l’usine Peugeot de Sochaux où Houari Ahmed,
alors délégué de la Confédération Générale du Travail (CGT), s’est vu refuser sa demande d’embauche. Il a
été, en outre, arrêté en août 1973 à Ceuta. Détenu pendant 74 jours aux commissariats de Maârif et d’Aïn
Sebâa au poste du 2e bureau de police à Casablanca, il y subira des tortures124. Quant à la RFA125, El
121 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Dossier constitué par les Amicales des Travailleurs et Commerçants Marocains
en Belgique : En réponse à la conférence de presse tenue par certaines organisations belges, Bruxelles, Maison Internationale de la
Presse, Le 8 décembre 1976, p. 5. 122 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp. 22-26. 123 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp. 13-14. 124 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Brochure de la CGT
« Révélation sur la CFT - La police marocaine apparait » le 15 mars 1974. L’Unité, Hebdomadaire du Parti socialiste, N°103,
du 22 au 28 mars 1974. 125 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, p. 6.
38
Ouazzani Ahmed est aussi arrêté en 1972 au Maroc. Les motifs de son arrestation étaient justifiés par
son appartenance à l’UNFP, mais aussi à l’Union des Travailleurs Marocains d’Allemagne (MAB). Il
a été condamné à 20 ans de réclusion. Les Amicales étaient utilisées parfois comme jaunes par le
patronat pour casser les mouvements de grève. Ainsi, en janvier 1974, les Amicales ont tenté de briser la
grève aux Câbles de Lyon à Gennevilliers en ranimant d’anciens conflits entre les ouvriers grévistes
marocains et portugais126.
Le 15 novembre 1974, L’Humanité publiait une enquête relative à la relation entre le patronat
français et les Amicales marocaines. Dans cette enquête, le journal rapportait une conversation intervenue
le 8 octobre entre Mohamed Chahbounia, candidat marocain CGT aux élections du syndicat, et le
Consul général marocain à Paris, Idriss El Felah : « Il (le Consul général marocain) m’a reçu en disant
: vous savez pourquoi vous êtes ici. Vous êtes devenu un politicien, savez-vous que la CGT appartient au
Parti communiste ? Pensez à votre famille. Je vous prie de quitter les rangs de la CGT, sinon un jour, la
police viendra vous prendre à domicile et vous serez transféré en prison au Maroc. Je crois que tu as
bien compris. Va-t’en et, si mes services de renseignement m’informent une deuxième fois, ce sera
pour toi l’enfer127». Le 1er mai 1975, à Düsseldorf, éclata une grosse rixe entre les Amicales assistées du
Consul général de la ville et de l’ambassadeur marocain à Bonn, et des ouvriers marocains syndiqués
à la Deutscher Gewerkschaftsbund. Le slogan utilisé par les ouvriers marocains de la DGB était le suivant
: « les ouvriers marocains se joignent à leurs camarades allemands, soutien des ouvriers marocains
d’Allemagne à leurs camarades au Maroc, pour la démocratie et la justice, contre la dictature et le
fascisme au Maroc !128».
Le 20 juin 1976, à Amsterdam, le domicile d’un membre du KMAN a subi une effraction de la part
des Amicales129. Ces derniers ont volé des listes d’adresses des membres du KMAN, du comité d’aide au
KMAN et plusieurs adresses de Marocains en séjour illégal. Aucun objet de valeur (bijoux et installation de
musique) n’a été enlevé. Plus tard, en 1979, la section bruxelloise de l’UNEM a pris connaissance d’un
communiqué publié par les Amicales de Bruxelles. Ce communiqué dresse une liste de militants marocains
considérés comme « Traîtres à la patrie ». Ce type de communiqué, écrit en français et en arabe, devait
jeter le discrédit sur l’opposition syndicale marocaine et avoir un effet dissuasif envers les sympathisants
de cette opposition.
Communiqué du« Comité Exécutif pour la Défense de la Patrie » 130
126Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine
policière, décembre 1977, p. 25. 127 « SIMCA-CHRYSLER – A visage découvert la dictature du patronat », L’Humanité du 15 novembre 1974. 128 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des ouvriers et
commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p. 5. 129 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp. 10-11. 130 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM section Bruxelles :
Communiqué du Comité Exécutif de la Défense pour la Patrie daté de 1979.
39
c. Syndicalisme et opposition marocaine en Europe.
La délation organisée des Amicales va être, en grande partie, à l’origine de la création et de la
consolidation des mouvements d’opposition marocains à l’étranger parmi lesquels : l’Association des
Marocains en France (AMF) qui deviendra l’Association des Travailleurs Marocains de France (ATMF),
le Regroupement Démocratique Marocain (RDM) en Belgique, l’Association des Travailleurs Marocains
en Hollande (KMAN) aux Pays-Bas et l’Union des Travailleurs Marocains d’Allemagne (MAB) en RFA.
Ces mouvements associatifs vont entrer en contact avec les différentes sections de l’UNEM et des CLCRM
réparties dans les différents pays européens. Suivant l’implantation des Marocains dans le paysage
syndical européen131, le terreau du militantisme généralement européen s’est trouvé bouleversé par des
contacts, des idées et le partage d’un idéal de justice commun. Les CLCRM en Europe représentent ce
mariage des idéaux entre les mouvements politiques marocains d’une part, et les associations, les partis et
les syndicats européens d’autre part.
131 Sur ce sujet voir H. BOUSETTA, Immigration, post-immigration politics and the political mobilisation of ethnic
minorities : A comparative case-study of Moroccans in four European cities, for the obtention of the degree of « Doctor in de
Sociale Wetenschappen », Director of research and supervisor Prof. dr. Marc Swyngedouw, Leuven, Katholieke Universiteit
Brussel, 2000-2001.
40
En France, l’Association des Marocains de France (AMF) est active dès l955 afin de soutenir
l’indépendance du Maroc ainsi que la défense des droits des immigrés marocains en France. L’AMF est
reconnue comme une association d’utilité publique en 1961132. Comme l’UNEM, l’AMF est née de
l’Association des Etudiants Musulmans Nord-Africains. Depuis 1961, l’AMF est en relation avec les
cadres de l’UNFP en France. De cette nouvelle relation, les statuts de l’AMF précisent qu’elle a pour buts
de : « grouper les Marocains établis en France en vue de renforcer leurs relations mutuelles, de maintenir
et sauvegarder l’amitié traditionnelle entre le peuple français et le peuple marocain133. »
Dans les années 1960-1970, elle fournit essentiellement un soutien pratique à ses adhérents au
moyen d’un Fonds de Solidarité et d’aide au logement. Par la suite, ses actions s’étendent à d’autres
régions par le biais de sections locales. Suite à une scission interne du mouvement en 1975, une nouvelle
association est créée : l’Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF). L’ATMF était plus
impliquée dans l’opposition politique marocaine et entretenait des liens avec les sections de l’UNEM.
Faisant suite à la signature des conventions bilatérales entre la Belgique et le Maroc relatives à
l’occupation de travailleurs marocains le 17 février 1964134, le mouvement syndical marocain en
Belgique a pris une trajectoire fort similaire à celle de la France. Les ouvriers marocains furent surtout
employés dans la construction, la métallurgie et la mine135. Vers 1972, comme en France, est créé un
Fonds de Solidarité136 (Soundouq Attadhamoun). Ce Fonds devait rapatrier au Maroc les corps des
ouvriers marocains décédés par accident au travail.
Entre le 31 octobre 1974 et le 12 octobre 1975 est créé à Bruxelles le Regroupement Démocratique
Marocain (RDM)137. Le RDM, dont les locaux étaient situés à la rue des Croisades puis à la rue Traversière
à Saint-Josse-Ten-Noode, va aussi jouer un rôle d’alphabétisation et favoriser une conscience politique
sur les événements au Maroc au sein de la communauté immigrée marocaine jusqu’en 1992.
Principalement représenté à Bruxelles, le RDM s’est donné comme tâche : d’établir le lien culturel entre le
Maroc et les familles immigrées marocaines, de dénoncer les activités des Amicales, de coordonner les
activités politiques et culturelles des Marocains en Belgique, en France, aux Pays-Bas et en Allemagne
(RFA) une fois par an, et enfin, de travailler à l’alphabétisation des ouvriers marocains138.
132 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Communiqué de
l’AMF – Activités et objectifs de l’AMF. 133 Idem 134 A. FRENNET-DE KEYSER, La convention belgo-marocaine du 17 février 1964 relative à l’occupation de travailleurs
marocains en Belgique, CRISP, N°1803, 2003. 135 K. AZZOUZ, Les mineurs marocains en Belgique dans les années 60 : Cas étudiés à travers l’exemple liégeois, Mémoire en
Histoire Contemporaine, sous la direction d’Anne Morelli, Bruxelles, PUB, 2001-2002, pp. 55-74. 136 A. FRENNET-DE KEYSER, Histoire du Regroupement Démocratique Marocain, Bruxelles, Carhima asbl, 2011, p. 2. 137 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Regroupement Démocratique
Marocain – Programme : Documents réunis par Mimoun Sastane, 2004-2005, pp. 2-4. 138 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Regroupement Démocratique
Marocain – Programme : Documents réunis par Mimoun Sastane, Bruxelles-Anvers, 2004-2005, pp. 4-11.
41
Aux Pays-Bas et en Allemagne (ancienne RFA), des mouvements associatifs marocains s’étaient
aussi constitués139. De 1975 jusqu’en 1995, le Komitee Marokkaanse Arbeiders Nederlands (KMAN) était
basé à Amsterdam. Du KMAN est né un CLCRM à Amsterdam. Quant à la Marokkanisher Arbeiterbund
(MAB), elle fut active dès 1972 et était basée à Düsseldorf. Le MAB a participé à la constitution d’un
CLCRM à Bonn durant le mois de novembre 1977140. Les objectifs du KMAN et du MAB étaient
similaires à ceux de l’AMF et du RDM.
Chapitre IV : Les Comités de Lutte contre la Répression au Maroc
Alors que la répression bat son plein au Maroc, l’idée de constituer une caisse de résonance en-
dehors du pays en faveur des détenus d’opinions, fit son chemin. Profitant d’une forte présence
communautaire maghrébine généralement et marocaine plus particulièrement en Belgique, les Comités de
Lutte contre la Répression sont directement nés d’une demande formulée par les militants marocains.
Durant l’été 1970, un projet d’un Comité de Lutte contre la Répression au Maroc était né au Maroc. Cet
embryon de CLCRM regroupait cinq associations : l’UNEM, l’Union Nationale des Ingénieurs du Maroc,
l’Association des Jeunes Avocats, l’Union des Ecrivains du Maroc et le Syndicat National de
l’Enseignement Supérieur. Mais ce projet a été tout de suite interdit par le régime141.
Deux ans plus tard, entre février et mars 1972, le premier Comité de Lutte contre la Répression voit
le jour à Paris. A la demande des militants marocains provenant des plus importants mouvements
politiques de gauche vus plus haut, le bureau de Paris apparaîtra comme la première expérimentation en
termes de dénonciation de la répression au Maroc.
A. Le Comité de Paris : Comité pionnier 1972
Suivant le contexte de la puissante répression politique au Maroc et à l’étranger, le Comité de Paris
s’activait à constituer des dossiers sur les détenus politiques au Maroc.
Au sein du Comité parisien, émergeront deux noms incontournables : il s’agit de François Della
Sudda et de Christine Jouvain – Daure-Serfaty*. Directeur de publication de la revue Souffle depuis sa
censure au Maroc en 1972142, François Della Sudda poursuivra sa tâche dans l’édition des bulletins
d’informations. Très impliquée dans la lutte contre la répression au Maroc, Christine Jouvain - Daure-
Serfaty* multipliera ses contacts avec l’AMF, l’Association des Travailleurs Marocains de France
(ATMF), mais aussi avec Amnesty International et la Ligue des Droits de l’Homme, par l’intermédiaire de
l’avocat Alain Martinet, pour organiser les premières missions juridiques au Maroc. Ces missions avaient
139 I. VAN DER VALK, in N. OUALI (dir.), Trajectoires et dynamiques migratoires de l’immigration marocaine de Belgique,
Bruxelles, Bruylant, Coll. Carrefours, N°4, 2004, pp. 339-347. 140 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°407, Les CLCRM – Comptes rendus et documents internes : Bilan des
activités du MAB envoyé au CCRM de Bruxelles daté du 7 mars 1979. 141 K. SEFRIOUI, La revue Souffles 1966-1973 : Espoirs de révolution culturelle au Maroc, op. cit., pp. 396-397. 142 F. DELLA SUDDA (dir.), Souffles : revue culturelle arabe du Maghreb, Paris, N°2 et N°3, octobre 1973-avril 1974.
42
pour but d’observer la bonne marche des procès dans les tribunaux en veillant aux respects des
dispositions constitutionnelles du régime marocain et internationales relatives aux droits de l’Homme.
a.1 Les objectifs du Comité
Les objectifs du Comité de Paris sont formalisés en 18 points et énoncent en substance les
dispositions suivantes143: informer sur la répression au Maroc, soutenir matériellement les victimes,
assurer leur défense par l’envoi de missions juridiques et médicales, populariser les luttes du Peuple
marocain contre la répression et pour l’obtention des libertés fondamentales. Ces informations sur la
répression sont transmises à la presse, reprises dans un bulletin ; elles sont assemblées dans des dossiers
qui sont envoyés aux organisations internationales (tel l’ONU, la Croix-Rouge, etc…) et aux représentants
politiques français.
a.2 Les premiers rapports du Comité : 1972-1976.
Au Maroc, alors que la défense des détenus politiques était assurée par les avocats Abderrahim
Bouabid* et Abderrahim Berrada, le Comité parisien a pu établir des chiffres sur les procès politiques
depuis 1964144. Un premier bilan fait le constat, entre 1970 et 1974, que 1000 membres des FAR impliqués
de près ou de loin dans les deux coups d’Etat furent traduits en justice en janvier 1972 ; que la même
année, 220 membres des Forces aériennes furent arrêtés et jugés à Kénitra au mois de novembre. 11
accusés furent condamnés à mort et 8 condamnations à 20 ans de réclusion furent prononcées. Avec
l’interdiction de l’UNEM le 17 janvier 1973, plusieurs membres du SNL ont été détenus jusqu’en 1976.
En mars 1973, plus de 2000 personnes étaient arrêtées, quelquefois par familles entières. Une
soixantaine de militants Frontistes (Ilal Amam), professeurs, étudiants et lycéens avaient été arrêtés.
Torturés pendant de nombreux mois, ils furent traduits devant le tribunal de Casablanca pour « atteinte à la
Sûreté de l’Etat » mais en réalité pour délit d’opinion. En septembre 1973, 159 personnes sont traduites
devant le tribunal militaire de Kénitra. A l’issue de ce procès, il y eut 16 condamnations à mort à l’encontre
des militants de l’UNFP et d’anciens membres de l’ALM. Ces 16 condamnés seront tous exécutés le
1er novembre 1973 et 7 autres condamnés militaires exécutés en août 1974. Entre septembre 1973 et août
1974, 72 personnes étaient maintenues en détention. Le motif de ces arrestations était justifié par leur
appartenance à l’UNFP, alors interdite. Il y a eu 24 condamnations à la réclusion perpétuelle par
contumace dont : Abdelaziz Menebhi - frère de Saïda Menebhi* qui mourra des suites d’une grève de la
faim dans la prison politique de Kénitra le 11 décembre 1977 – et Abdelwahed Belkbir. Ces deux
personnes étant respectivement président et vice- président de l’UNEM. Abdellatif Zeroual*, arrêté en
novembre 1974, est décédé à la suite des tortures subies. Le militant communiste et frontiste Abraham
143 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°401, ASCLCRM – Statuts de l’association : Statuts du CLCRM de Paris.
Les statuts sont repris en annexe. 144 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°402, ASCLCRM – Communiqués : Communiqué interne relatif au rapport
émis par le CLCRM de Paris daté de 1977, pp. 1-5.
43
Serfaty* est arrêté aussi en novembre 1974. 20 condamnations à 15 ans de réclusions sont aussi
signalées par le Comité de Paris. Cette succession de procès aboutit à une amnistie de plusieurs membres
de l’UNFP qui étaient condamnés au procès de Kénitra de septembre 1973. Mais entre-temps, 200
sympathisants frontistes sont arrêtés en novembre 1974.
Malgré la répression politique féroce du régime, cette première mission juridique était un succès.
Elle dénonçait une féroce purge dans l’armée et une répression généralisée contre les partis de gauche au
Maroc. En conséquence de cette réussite, de nouveaux bureaux des Comités verront le jour en France. Ces
nouveaux bureaux permanents sont apparus à Lille, Brest, Rouen, Nantes, Anger, Dijon, Strasbourg,
Besançon et Grenoble. En marge de ces comités permanents, des bureaux de « réserve » à Saint-Florent,
Perpignan, Nancy et Avignon devaient être activés en cas d’une soudaine dissolution d’un bureau
permanent145.
B. Les Comités contre la Répression en Belgique : de Charleroi à Bruxelles 1973-1995
B.1 La composition des comités
La constitution des CCRM en Belgique a trouvé un cadre favorable par l’implantation d’une
première cellule de l’UNEM à Bruxelles au mois de novembre 1965146. Le bureau bruxellois de l’UNEM
avait son siège à l’Université Libre de Bruxelles. Qui plus est, la solidarité syndicale entre des jeunes
étudiants marocains de l’UNEM et des membres des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes (JOC) à Charleroi a
largement contribué à la naissance d’un bureau permanent du CCRM dans la même ville, durant la moitié
de l’année 1973147. Durant la même année, le CCRM de Charleroi et la section bruxelloise de l’UNEM ont
organisé, avec le Cercle du Libre Examen, à l’Université Libre de Bruxelles, une conférence relative à
l’interdiction de l’UNEM au Maroc et au huitième anniversaire des événements du 23 mars 1965. Ces trois
organisations ont convié Marcel Liebman*, un représentant d’Amnesty International et Pierre Le Grève*
à prendre la parole148.
b.1.2 Le comité de Charleroi
Le CCRM de Charleroi est donc très lié à la JOC mais aussi aux Jeunesses Socialistes et
Communistes Belges (JSB et JCB) et à des mineurs marocains, dont certains faisaient partie de l’UNFP149.
Parmi les membres qui joueront un rôle fondamental dans la gestion du CCRM de Charleroi et, plus tard,
145 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°406, les CLCRM – Listes et organigrammes : Liste des comités en Europe
datée de 1980. 146 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion internes de l’UNEM section Bruxelles :
Communiqué de l’UNEM section Bruxelles relatif à l’enlèvement de Mehdi Ben Barka à Paris, daté du 11 novembre 1965. 147 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°407, les CLCRM – Comptes rendus et documents internes : Bilan des
activités du comité de Charleroi lors de la coordination des 25 et 26 octobre 1980.Informations données par le sociologue
Mohamed Ouslikh, et les médecins Jacques Van Damnes et Jacques Charles. Interview du 1er avril 2014. 148 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°344, Documents relatifs au mouvement étudiant : UNEM : Conférence-
débat organisé par l’UNEM et le Cercle du Libre Examen du vendredi 22 mars 1973. 149 Interview de Mohamed Ouslikh le 26 février 2014.
44
dans la création du bureau bruxellois figure sans conteste Ernest Glinne*. Ernest Glinne*, socialiste
de gauche, fut membre du Mouvement Wallon et successivement député de l’arrondissement administratif
de Charleroi, bourgmestre de Courcelles, Ministre du Travail et de l’Emploi et député européen du
Parti Socialiste entre 1961 et 1994. Sa solidarité envers les Mouvements de Libération Nationaux dans le
Tiers- Monde l’avait conduit à soutenir la création du CCRM à Charleroi.
b.1.3 Le comité de Bruxelles
En 1976, à Bruxelles, et suite à la création du bureau carolorégien, une autre personne très
impliquée dans la solidarité internationale faisait parler d’elle dans le monde politique belge : il
s’agissait de Pierre Le Grève*.Vétéran de la guerre (1940-1945), Pierre Le Grève* fut professeur de
morale laïque, trotskiste anti-stalinien et membre actif du Parti Communiste International pendant plus de
25 ans. Depuis 1954, Pierre Le Grève* s’est investi dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et créa
en 1958, le Comité pour la Paix en Algérie. Par ailleurs, son implication dans la libération du peuple
algérien fut telle que l’Organisation Armée Secrète manqua de l’assassiner par colis piégé150.
Parlementaire et membre de la Centrale Générale des Services Publiques (CGSP) secteur
Enseignement, il participa à la création de plusieurs comités de soutien aux pays du Tiers-Monde dont : le
Comité contre le colonialisme et l’apartheid en Afrique du Sud (1964), le Comité National Viêtnam (1967),
le Comité de soutien aux ressortissants chiliens (1974), et, plus tard, le Comité pour le Respect des Droits
de l’Homme et de la Démocratie au Rwanda (1994).
Ami d’Ernest Glinne*, Pierre Le Grève s’est mobilisé en faveur de plusieurs ressortissants de pays
dictatoriaux. Parmi ces ressortissants, citons pour l’année 1970, le cas d’Oliveira Vital recherché par le
régime autoritaire de Salazar au Portugal151. Oliveira Vital, ne pouvant obtenir sa carte de séjour, était
maintenu dans une situation de clandestinité. Après avoir mis sur pied un Comité de soutien en faveur des
opposants politiques espagnols en 1965, Pierre Le Grève* intervint en faveur de plusieurs opposants
politiques espagnols auprès du Ministère de la Justice belge. Ces opposants, réfugiés auprès du Haut-
Commissariat de l’ONU, étaient impliqués dans le procès du Front de Libération de la Catalogne, le 25
mai 1972152. Il s’agit de Cervera- Hurtado, Romeu-Holler, Dicon-Ballaguer, Garcia-Sole et Jordi-Soriano
Rubio. Homme des comités et internationaliste infatigable, Pierre Le Grève* commença à s’intéresser au
Maroc à travers les rencontres de plusieurs ouvriers et étudiants marocains vers la fin des années 1960.
Pierre Le Grève* est intervenu en faveur de plusieurs ressortissants marocains menacés d’expulsion153.
150 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°128, Algérie : La résistance par les textes, Témoignages de tortures
pratiquées en France par les autorités nationales. 151 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°69, Correspondance générale pour les années 1970 à 1972 : Intervention
en faveur d’Oliveira Vital le 24 avril 1970. 152 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°70, Correspondance générale pour les années 1973 à 1976 : Intervention
auprès du groupe des Frontistes de Catalogne le 3 février 1973. 153 La correspondance de Pierre Le Grève avec Abderkam Tahar et avec l’ouvrier Mohamed El Moussaoui quant aux
renouvellements des permis de travail est significative à cet égard. CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°254 et
n°255, Correspondance de Pierre Le Grève avec Abderkam Tahar en 1969 et Mohamed El Moussaoui en 1972.
45
Mais paradoxalement, ces premiers contacts politiques marocains se sont effectués à travers…les
réseaux du FLN algérien154. Dans ces réseaux figurait un groupe d’hommes politiques belges forts proches
du FLN tels : l’ancien Bourgmestre de Saint-Josse-Ten-Noode Guy Cudell* et l’avocat au barreau de
Bruxelles Serge Moureaux*. Il y a aussi une raison supplémentaire à cette rencontre des militants
marocains avec Pierre Le Grève*, c’est que, déjà depuis 1963, le parti de l’UNFP disposait de plusieurs
stations-radios en Algérie. Et, au nom d’une solidarité militante entre l’UNFP et le FLN, l’Algérie, avant le
coup d’Etat du Colonel Houari Boumédiene de 1965, servait de terre d’exil à l’opposition marocaine et
inversement155.
b.1.3.1 Rencontres à la CGSP
A la suite ces événements que prennent contact, entre autres, Mohamed El Baroudi* et Pierre Le
Grève*, tous les deux alors membres de la CGSP secteur Enseignement. Mohamed El Baroudi* était
depuis le début des années 1960 membre de l’UNFP. Ayant quitté le Maroc à la suite de la rafle du 16
juillet 1963 à l’encontre de son parti, il s’exila en Algérie. Depuis 1963, dans le cadre de la mission confiée
par le parti, Mohamed El Baroudi*devait participer à la consolidation des mouvements syndicaux des
ouvriers marocains en France dont l’AMF. En 1966, il finira par s’installer en Belgique. Depuis son
installation en Belgique, Mohamed El Baroudi*, fort d’une expérience politique déjà acquise au Maroc, va
s’employer à comprendre le paysage politique européen. Pour ce faire, il multiplie ses contacts au sein de la
CGSP, mais aussi de la CSC et de la FGTB. Cette prise de connaissance du paysage syndical belge va être
suivie d’une recherche d’une méthode de travail. Les recherches bibliographiques répétées sur l’histoire du
Maroc à l’Albertine vont pousser Mohamed El Baroudi* à mieux situer l’enjeu du Maroc vis-à-vis de
l’Europe mais aussi sur l’échiquier politique international. Il fallait aussi compter avec une forte
implantation des immigrés marocains à Bruxelles. De plus, Mohamed El Baroudi* était attentif aux idées et
savoir-faire des autres mouvements politiques, des autres syndicats et des autres Mouvements de Libération
du Tiers-Monde. Ainsi, de 1966 jusqu’en 1972, Mohamed El Baroudi* va progressivement se doter d’une
méthode de travail. Cette méthode ne sera pas sans influence plus tard dans le CCRM de Bruxelles, car il
s’agira d’abord de faire comprendre à la partie belge du Comité, l’actualité politique, économique, sociale
et culturelle du Maroc.
De la CGSP secteur Enseignement est aussi issue une femme pourvue d’une rigoureuse méthode de
travail, il s’agit de Louise Lacharon*. Licenciée en philologie romane, Louise Lacharon* est
écrivaine retraitée et fut anciennement enseignante au niveau « régendat ». Longtemps présidente de la
CGSP secteur Enseignement, elle va être la véritable cheville ouvrière du bureau bruxellois du CCRM
où elle passera beaucoup de temps à lire, corriger, envoyer les communiqués et les PV des réunions entre
les bureaux des CCRM et les administrations publiques.
154 P. LE GREVE, Souvenirs d’un marxiste anti-stalinien, Bruxelles, Seconde Carnets de route, 1996, pp. 217-221. 155 De 1959 jusqu’à 1965, l’UNFP avait établi des stations radios à Alger.
46
b.1.3.2 De la CGSP aux mouvements associatifs belges
Comme à Charleroi, le futur bureau bruxellois a été le fait de jeunes étudiants belges issus de la
FGTB mais aussi du Mouvement Chrétien pour la Paix (MCP), d’OXFAM-Belgique et de la Coordination
Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD). Parmi ces jeunes, figuraient Philippe Doucet*,
alors fraîchement diplômé en architecture et sa femme Annie Crolop* enseignante et membre de la
FGTB156. Annie Crolop* dispensait, alors, des cours d’alphabétisation dès 1967, dans les locaux de la
FGTB au 43 rue de Suède dans la commune de Saint-Gilles. Ces cours dispensés aux immigrés espagnols,
marocains et turcs ont aboutis, à la naissance du Collectif Alpha en 1971157.
Philippe Doucet a joué un rôle de « secrétaire-adjoint » au sein du Comité, où il passera beaucoup
de temps à rédiger les bulletins d’informations et les communiqués pour les coordinations des comités sur
lesquels nous reviendrons plus loin. Avec Pierre Le Grève*, Mohamed El Baroudi* et Louise Lacharon*,
Philippe Doucet* s’est attaché à concentrer les informations sur la répression politique au Maroc reçues des
autres Comités, dont celui de Paris. Il rédigeait, par ailleurs, les comptes rendus des réunions. En plus du
jeune couple, il y avait Pierre Galand* alors jeune économiste et membre fondateur d’OXFAM-Belgique et
du CNAPD. Pierre Galand a fortement participé au travail de terrain du CCRM durant les premières années
de son existence158.
Mais de brusques événements vont précipiter la création du CCRM bruxellois. Parmi ceux-ci :
l’agression physique de militants marocains par les Amicales lors d’un meeting à la Madeleine organisé par
le RDM et la FGTB en décembre 1975159. Cette agression des Amicales fut une réponse à une
manifestation organisée par des ouvriers marocains à Anvers, exigeant la dissolution des Amicales, le 2
février 1975160. Ensuite vint l’expulsion de Christine Jouvain*, future épouse d’Abraham Serfaty*, par les
autorités marocaines durant l’été 1976161 et enfin, la perquisition musclée d’une Brigade de Surveillance et
de Recherche au domicile de Mohamed El Baroudi* le 16 juin 1977162. La BSR avait été informée par
des policiers marocains de la présence de Mohamed El Baroudi*sur le territoire belge. Cet incident fut
porté à la connaissance de Serge Moureaux* qui, comme en témoigne une lettre écrite à Pierre Le Grève : «
156A. LEDUC (dir.), Mohamed El Baroudi : un « Fil Rouge » de 40 ans d’immigration marocaine à Bruxelles, Bruxelles, CFS asbl,
N°7-8, 2007, pp. 40-50. Interview de Philippe Doucet et Annie Crolop le12 avril 2014. 157 A. LEDUC (dir.), Fil rouge. En quête de sens…, Bruxelles, Les Cahiers du Fil Rouge, CFS asbl, N°1, 2005-2006, pp. 4-5. 158 Interview de Pierre Galand le 26 mars 2014. 159 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué du CCRM relatif
au meeting du 10 février 1978 à 20h00 à la salle de la Madeleine 160 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités
des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des ouvriers et
commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p. 11. 161 CH. DAURE-SERFATY, Lettre du Maroc, op. cit., p. 34. 162 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°71, Correspondance générale pour l’année 1977 : Communiqué relatif à la
perquisition effectuée par la BSR au domicile de Mohamed El Baroudi du 16 juin 1977.
47
ne pouvait tolérer le contrôle des opposants marocains par certains éléments de la police belge
collaborant avec la police marocaine163».
b.1.3.3 Des mouvements associatifs belges aux représentants politiques belges
Face à ces événements précipités et fort de ses relations politiques, Pierre Le Grève* a contacté
plusieurs représentants politiques importants, ainsi que des représentants de la société civile belge pour
organiser une réunion visant à la création dans un premier temps d’un « Comité de Soutien et de Défense
des Marocains Démocrates »164. Mais, au vu de la situation urgente, il ne fallait pas trop tergiverser sur
la nécessité d’être totalement original vis-à-vis des travaux effectués par les comités de France et de
Charleroi. Par conséquent, les membres de cette réunion ont maintenu les grandes lignes directrices des
comités déjà existants en France. Lors de cette réunion, étaient présents bien sûr le premier « noyau dur
» composé des personnes mentionnées plus haut mais aussi de membres du Parti Communiste Belge
(PCB), du Parti Social-Chrétien (PSC), du Rassemblement Wallon (RW), des Fédéralistes Démocrates
Francophones (FDF), et du Parti Socialiste Belge (PSB).
Les premiers partis politiques belges à avoir apporté le premier élan du CCRM étaient le PSC-CVP,
le PSB-PCB et le RW. Ce soutien est fort représentatif de la composition du Gouvernement Tindemans
(CVP du 25 avril 1974 au 11 octobre 1978)165. Etaient donc présents Léo Tindemans*, en personne,
membre de la Christelijke Volkspartij (CVP devenu CD&V) devenu Premier ministre et succédant à
Edmond Leburton (PSB). Ensuite, Jacques Moins* avocat au barreau de Bruxelles, président alors du
PCB166, membre actif de la Fondation Joseph Jacquemotte et très impliqué dans les activités
culturelles des associations des communautés immigrées167. Aux côtés de Jacques Moins*, se trouvait son
homologue flamand du Kommunistische Partij van België (KPB) Louis Van Geyt*. On notait aussi la
présence d’Yves de Wasseige* représentant du RW. Etaient aussi présents, du futur Parti ECOLO (fondé
en 1980), Xavier Winkel* et José Daras*. Serge Moureaux* représentait la tendance FDF. Chez les
socialistes enfin étaient présents à cette réunion, Willy Burgeon*, député de 1971 à 1995 et Roger
Lallemand*, sénateur entre 1979 et 1999. Avec les représentants politiques, des figures de la société civile
belge s’étaient aussi montrées dont François Rigaux*, ancien juriste et professeur à l’Université Catholique
de Louvain (UCL), François Houtart*, fondateur du Centre Tricontinental (CETRI) situé dans la même
ville, ainsi que Paulette Pierson- Mathy, juriste, professeur à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et
spécialiste de l’Afrique du Sud. Toutefois, il fallait distinguer les membres actifs du Comité d’avec les
163 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre adressée au CCRM par
Serge Moureaux sur la perquisition au domicile de Mohamed El Baroudi et la complicité des polices belges et marocaine, datée du
29 février 1980. 164 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°71, Correspondance générale pour l’année 1977 : PV d’une réunion passée
entre Pierre Le Grève et plusieurs responsables politiques belges, daté du 27 juin 1977. 165 CRISP, Documents Politiques, Gouvernements Fédéraux depuis 1944 : Gouvernements Léo Tindemans I, II, III, IV. 166 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Jacques Moins à
Pierre Le Grève confirmant son adhésion au CCRM datée du 24 juin 1977. 167 CARCOB – Archives Communiste (Bruxelles), Fonds Jacques Moins, Boîte N°7, Liasse n°3, Notes personnelles de Jacques
Moins relatives à sa participation à la Fondation Joseph Jacquemotte, non datées.
48
membres prête-noms, car la participation de chaque membre se faisait en fonction de ses disponibilités et
de son emploi du temps. Les membres prête-noms permettaient aussi au Comité de disposer d’un premier
capital de sympathie et d’une certaine protection.
En date du 23 juin 1977, à la suite d’une importante réunion, était né à Bruxelles un Comité de
Lutte contre la Répression au Maroc. Repris à l’adresse sise 8 avenue du Furet 1170 Bruxelles, le bureau
bruxellois nouvellement né ne sera pas tout de suite effectif. En effet, en fonction du capital humain et
matériel rendu accessible par les membres adhérents du bureau bruxellois, il fallait faire connaître
l’existence du Comité contre la Répression au Maroc au grand public. Aussi, le CCRM a activé ses
contacts dans le monde syndical pour l’organisation d’un premier meeting le 10 février 1978 dans la salle
de la Madeleine168.
Le CCRM va contacter à cet effet la JOC, le MCP, le Mouvement contre le Racisme,
l’Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX) en la personne d’Yvonne Jospa*, la JCB, l’Union Belge pour la
Défense et pour la Paix (UBDP), le Mouvement pour l’autogestion socialiste, le PSB, le Collectif des
Avocats, l’Ecole d’alphabétisation de Mons-Borinage et la Ligue Internationale pour le Droit à la
Libération des Peuples169. Ces mouvements ont soutenu l’initiative de ce meeting fondateur tout en
s’engageant à distribuer des tracts ou à poser des affiches en faveur du CCRM170. Le meeting a eu un
retentissement considérable auprès d’un public fort nombreux, et de cet événement, le CCRM a tiré une
première leçon dans un compte rendu qui reprend les grandes lignes de Paris tout en l’adaptant à la
situation belge. Une esquisse des objectifs du CCRM de Bruxelles est énoncée en ces quelques termes :
« (…) Que le Comité contre la Répression à Bruxelles soutient les démocrates marocains. (…) Que le
Comité contre la Répression à Bruxelles va relayer les travaux du Comité de Paris. (…) Que le Comité
contre la Répression dénonce la présence de la police marocaine à travers les actes d’intimidations et de
violences perpétrés par les Amicales (…)171. »
B.2 Le fonctionnement du comité bruxellois.
Depuis la réunion fondatrice et ce premier meeting, le CCRM de Bruxelles dispose d’un capital de
soutien auprès de plusieurs syndicats et mouvements associatifs. Mais faute d’une structure formelle au
sein du Comité, les membres réfléchiront à l’écriture d’une plateforme pour le Comité. Néanmoins,
comment éviter de tomber dans une redondance organisationnelle par rapport à Paris – qui garde la
prééminence sur tous les autres comités – tout en maintenant une certaine souplesse dans la gestion interne
168 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué du CCRM relatif
au meeting du 10 février 1978 à 20h00 à la salle de la Madeleine. 169 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM à la JOC, le
MCP, le MRAX, la JSB, l’UBDP, le Mouvement de l’autogestion socialiste, l’Ecole d’Alphabétisation de Mons-Borinage entre
novembre et décembre 1977. 170 Ainsi, la JOC s’est engagée à distribuer 250 tracts et à poser 20 affiches. Il y a aussi le cas de l’Association Belgo-Immigrés qui
s’est engagé à verser 300 FB à poser 10 affiches au profit du CCRM de Bruxelles. 171 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Compte-rendu du CCRM sur le
meeting du 10 février 1978 daté du 12 février 1978.
49
du Comité ? Bien que la question du Sahara occidental ne se posait pas au moment de la naissance du
comité de Paris, comment permettre au comité bruxellois (et même carolorégien) de gérer cette question
politique au moment où la répression du régime marocain s’abat aussi sur les Sahraouis ?
Comment harmoniser le fonctionnement du CCRM de Bruxelles avec celui des mouvements associatifs
marocains sans trop de heurts ? Comment faciliter un travail commun entre tous les membres du Comité
selon le degré de connaissance – voire d’expérience – quant à la politique marocaine ? Comment faire
front commun contre la répression politique au Maroc et contre les Amicales sur le territoire belge ?
b.2.1 Le modèle bruxellois : membres délibératifs et membres consultatifs
Dans un objectif de réponse à ces questions, le CCRM de Bruxelles a tenu une réunion le 27
novembre 1978. De cette réunion, les membres présents ont formalisé une charte qui s’inscrit dans l’esprit
du CLCRM, tout en se différenciant du « style français ».
Plusieurs idées ont été proposées quant au fonctionnement du comité, émanant des membres actifs,
parmi lesquelles: « Parvenir à porter l’action du Comité Contre la Répression au Maroc (CCRM) au
niveau d’un débat politique de fond, grâce à un ouvrage suffisamment documenté et rigoureux (…). Montrer
le lien entre l’impérialisme et l’immigration. S’axer plus spécialement sur les relations entre la Belgique
et le Maroc pour nous éviter d’aborder en profondeur d’autres problèmes trop difficiles, et aussi parce que
le sujet est presque le seul susceptible d’avoir un écho politique important dans notre pays. Le dossier
pourrait servir de base à d’autres actions comme les conférences (de presse ou non). Il est nécessaire que
nous commencions nous-mêmes par connaître l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur le Maroc, pour
mieux situer le cadre général de notre étude (…). Elle se basera sur une grille d’analyse, reprenant les
sujets importants à traiter (…)172. »
Il y a donc une volonté de la part des membres du CCRM de connaître en profondeur la réalité
politique marocaine et de pouvoir mettre en corrélation cette réalité avec la Belgique et plus
particulièrement avec l’immigration marocaine. Les grilles de lecture pouvaient être l’objet d’un séminaire
où chaque membre présenterait un compte rendu critique d’un ouvrage d’actualité traitant de la thématique
du Maroc. Le débat se poursuit et est conclu par les points suivants dans la plateforme173:
172 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°390, CCRM – Notes sur la répression : PV de la réunion du CCRM de
Bruxelles du lundi 27 novembre 1978 relatif aux plans d’actions du CCRM de Bruxelles et de l’écriture d’une plateforme. 173 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°390, CCRM – Note sur la répression : Plateforme du CCRM daté du 27
novembre 1978.
50
La présidence du comité national s’assume à tour de rôle.
- Une organisation régionale ou comité régional est pris en considération à partir du moment
où il compte 3 personnes et adhère à la plateforme.
- Le comité national est composé de délégués des comités régionaux à voix délibératives (belges)
et à voix consultatives (représentants d’organisations marocaines). La représentation entre
les comités régionaux existants est paritaire.
- Le rôle du comité national est d’arrêter les grandes lignes d’action et de décider des actions
importantes à entreprendre à un niveau national. Les comités régionaux appliquent chacun
ces lignes d’action selon les modalités propres à leur comité et participent aux actions
nationales.
- Chaque comité régional décide et organise ses propres activités dans les lignes d’action
précisées par le comité national.
Les cotisations sont déterminées par chaque comité pour les activités propres à chaque
comité. Le financement de chaque activité nationale
Nous constatons que le CCRM de Bruxelles s’adapte en fonction de la logique politique fédérale.
Nous voyons aussi une nécessité de montrer le lien entre l’impérialisme et l’immigration qui est en rapport
avec les objectifs de certains mouvements associatifs marocains comme le Regroupement Démocratique
Marocain. En se démarquant du « style français », le Comité bruxellois marque le coup en distinguant en
son sein les membres délibératifs et les membres consultatifs. Bien que le Comité bruxellois fût tenu
d’informer régulièrement le Comité parisien, la distinction des membres délibératifs par rapport aux
membres consultatifs va être fondamentale dans la gestion interne du Comité, car elle va permettre une
coopération entre les membres belges et marocains, appartenances politiques et syndicales confondues,
sans, théoriquement, permettre une quelconque situation conflictuelle174.
Autrement dit, on ne mélange pas, par exemple, la répression envers le peuple marocain avec la
répression envers le peuple sahraoui. De cette idée naîtra en parallèle au CCRM, un Comité de Soutien au
Peuple Sahraoui pour dénoncer la répression du régime marocain envers les détenus sahraouis. Le Comité
de Soutien au Peuple Sahraoui, au vu de l’importance de la question saharienne dans la politique
marocaine, a organisé plusieurs meetings sur la situation des détenus sahraouis, non sans problème, comme
en attestent ces quelques lignes du communiqué publié par le CCRM en soutien au Comité de Soutien au
Peuple Sahraoui et au RDM: « Le Comité contre la Répression au Maroc a constaté que les Amicales,
instrument du régime despotique installé au Maroc, s’engagent dans une nouvelle phase offensive contre
les organisations opposées à ce régime. Le 12 novembre, par des manœuvres violentes, elles ont empêché
la tenue du meeting du Comité belge de Soutien au Peuple Sahraoui. Sous la conduite de leur président
accompagné d’autres responsables, elles ont tenté de renouveler l’opération le 15 décembre contre la fête
174 Par ailleurs Philippe Doucet mettait l’accent, à cet effet, sur le rôle des membres délibératifs et consultatifs in A. LEDUC (dir.),
Mohamed El Baroudi : Un « Fil Rouge » de 40 ans d’immigration marocaine à Bruxelles, op. cit., pp. 76-79.
51
d’anniversaire célébrée par le Regroupement démocratique marocain. Le rapport de force ne leur étant
pas favorable, elles (les Amicales) ont eu recours à une pseudo-alerte à la bombe qui eut pour résultat de
faire évacuer la salle pendant quelques dizaines de minutes. Le Comité fait appel à l’opinion démocratique
pour qu’elle s’oppose à l’escalade déclenchée contre la liberté de réunion et d’expression175. »
Le Comité contre la Répression au Maroc ne doit pas, non plus, servir de lieu où les
énergies seraient canalisées pour les débats contradictoires déjà très présents au sein des mouvements
associatifs belges et marocains. L’objectif principal du Comité est de concentrer les efforts pour dénoncer
les abus du régime marocain envers le Peuple marocain et ses immigrations. Ceci dit, il s’agit là de
règles bien théoriques… Les conflits pouvaient parfois dégénérer entre les différents CCRM. L’orage
pouvait parfois gronder entre les Comités de Bruxelles, de Charleroi, de France et plus tard de Liège sur
les méthodes de travail interne quand ce n’était pas sur les grandes questions de la politique marocaine176.
Ces conflits ont même bloqué une proposition de réunion des comités de Charleroi et de Bruxelles tous
les lundis à 19h00, voire d’une tentative de fusion des deux comités177. Les tensions entre les CCRM de
Belgique et les mouvements associatifs marocains étaient aussi perceptibles comme en témoigne une
lettre où le CCRM de Bruxelles accuse le RDM « d’avoir une influence prédominante sur ses membres
consultatifs178. »
Sitôt créé, le jeune Comité bruxellois fut contacté par le Comité carolorégien qui avait déjà
presque 5 ans d’expérience. Les membres du Comité carolorégien ont proposé aux membres du Comité
bruxellois une rencontre commune pour trouver une méthode optimale de coordination avec les
mouvements marocains d’opposition179. Ces derniers ont proposé de nommer un représentant au sein du
Comité contre la Répression de Bruxelles. Ce représentant serait le porte-parole des mouvements
marocains d’opposition au sein du Comité.
Malgré cette disposition, Pierre Le Grève* reconnaissait la difficulté supplémentaire de réunir les
membres d’Ilal Amam et du 23 Mars quand il ne s’agissait pas des pros ou anti-Sahara occidental au sein
du Comité180.
La coopération belgo-marocaine au sein du Comité allait déboucher sur la distinction entre les
membres délibératifs et les membres consultatifs. En effet, les membres délibératifs devaient se charger de
la diffusion des informations préalablement recueillies par les membres consultatifs. Les membres
175 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°340, Le mouvement étudiant, RDM – communiqués et notes internes :
Communiqué du CCRM dénonçant les actes des Amicales daté de 1979. 176 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de Charleroi
pour les membres du comité carolorégien sur des propos vifs échangés avec le CCRM de Bruxelles, datée du 30 septembre 1978. 177 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de Bruxelles
aux membres du comité bruxellois sur un projet de fusion avec le comité de Charleroi datée du 15 février 1978. 178 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM au RDM
datée du 28 novembre 1981. 179 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM de Charleroi
au CCRM de Bruxelles proposant une coordination avec les mouvements marocains, datées du 24 novembre et du 12 décembre
1977. 180 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Pierre Le Grève au
RDM datée du 19 mars 1981.
52
délibératifs, majoritairement belges, concentraient les informations en dressant des listes de détenus
politiques toutes opinions confondues. Une fois la liste dressée, les membres délibératifs constituaient des
groupes de détenus suivant leur appartenance politique, l’année de leur arrestation et – dans la mesure du
possible - leur sentence. Les Comités ont établi, en moyenne pour chaque année, une liste des différents
détenus répartis dans toutes les prisons au Maroc. On parlera, donc, des détenus du groupe « 77 », du
groupe « 83 », du groupe « 84 », du groupe « 86 », du groupe « 89 », etc…
Les informations seront ensuite communiquées aux membres adhérents et sympathisants du
CCRM dans la classe politique belge dans le but d’interpeller la presse, la classe politique et, in fine,
l’opinion publique sur la situation au Maroc. Avec les groupes des détenus, il n’était pas rare non plus que
le CCRM mette ponctuellement en place un comité de soutien pour un prisonnier particulier. Ainsi
plusieurs comités de soutien ont été dressés en faveur d’Abraham Serfaty*, du poète militant Abdellatif
Laâbi*, du militant frontiste Abdallah Zaâzaâ et du syndicaliste Noubir Amaoui* ou encore du secrétaire
général de l’USFP Abderrahim Bouabid* arrêté pour avoir été l’avocat des inculpés du procès des
Frontistes en 1979. Ces comités de soutien écrivaient une pétition et récoltaient un maximum de signatures.
Les membres consultatifs, principalement marocains, devaient se charger de collecter des informations sur
les détenus d’opinion, leur nombre dans les prisons politiques et la situation matérielle des familles des
détenus. Cette tâche représentait un travail à la fois difficile et dangereux. Difficile parce que le
recensement des détenus d’opinions demandait du temps et d’importantes ressources humaines: il fallait
prendre méticuleusement contact avec les familles des détenus. Dangereux, car les membres consultatifs
devaient agir dans la plus grande discrétion. Pour rappel, nous avions vu que les polices marocaines
investissaient une énergie importante dans la politique répressive généralement et plus particulièrement
dans la délation à l’intérieur même des mouvements d’opposition.
Fonctionnement interne et externe du CCRM de Bruxelles.
53
Le CCRM de Bruxelles a pu, à cet effet, prendre connaissance des conditions de détention des
prisonniers politiques par des lettres généralement écrites par la famille ou par des proches. Ce premier
travail de recensement des lettres va être capital pour la collecte des sources de première main sur les
conditions carcérales au Maroc181. Il n’était pas rare que quelques membres consultatifs prenaient
connaissance régulièrement des événements politiques au Maroc. Cette méthode était plus rapide, il
s’agissait de lire lapresse des partis politiques marocains, d’en faire un compte rendu daté et de le
communiquer aux membres délibératifs. Les premières années du CCRM bruxellois ont été caractéristiques
de cette méthode de travail.
181 Voir les annexes.
Alimentation de la caisse du
CCRM
Fournissent des Dons financiers +
Cotisation du réseau de solidarité et des
membres actifs du CCRM
Editent les bulletins, tracts et
affiches + Cotisation des missions
Génèrent des Membres
Sympathisants au CCRM
Informent l'opinion
publique et politique
Membres délibératifs (Belges) traitent les informations sur les
détenus en constituant des dossiers
Membres consultatifs
(Marocains) rassemblent les
informations sur les détenus et leurs
familles
Coordonnent le travail avec
d'autres sections des C.C.R.M en
Europe
Informent l'opinion publique par la presse et le monde politique
Coordonnent le travail avec les
syndicats belges et es associations
marocaines
Coordonnent le travail avec les
mouvements de solidarité
internationaux
54
Un compte rendu écrit par Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le Grève182
AL MOHARRIR (Organe de presse de l’USFP) 13/12/1980
« Communiqué de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme sur l’arrestation du bâtonnier Benameur et
des membres des familles des prisonniers politiques : mercredi 10/12/80 Me Benameur a été arrêté dans son
cabinet à Rabat et conduit à un commissariat de cette ville. Le même jour des parents de prisonniers
politiques (Madad, Saber, Titi, Habchi, Khalil) ont également été arrêtés. Il est à signaler que les arrestations
ont eu lieu le jour du 32e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, jour à l’occasion
duquel l’Association a publié ce communiqué y réitérant sa revendication pressante de libérer tous les
prisonniers politiques, le retour des exilés et réfugiés et le respect des droits et des libertés des citoyens.
L’Association s’est adressée aux autorités intéressées pour connaître les raisons de cette arrestation, mais n’a
reçu aucune réponse. L’AMDH tout en protestant contre ses arrestations qu’elle considère arbitraires, réaffirme
sa décision de continuer la lutte pour imposer le respect des droits et des libertés de l’homme et revendique la
libération immédiate de Me Benameur et des femmes arrêtées et de mettre fin à ces pratiques qui vont à
l’encontre de la loi et qui démontrent la continuité des responsables à porter atteinte aux principes élémentaires
de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi qu’aux lois marocaines elles-mêmes. »
b.2.2 La Gestion financière et le réseau de solidarité syndicale
Au niveau de la gestion financière, le Comité fonctionnait grâce à trois types de subventions. Le
premier type de subvention relevait d’une cotisation régulière des membres adhérents et de la vente des
articles produits par le Comité, dont des bulletins d’informations. Les bulletins d’informations reprenaient
les actions du Comité bruxellois (et des comités d’Europe), la situation répressive au Maroc et
parfois publiaient des témoignages des détenus. Ces témoignages étaient souvent repris dans des lettres
des familles des détenus ; c’était également le cas de poésies ou de dessins : comme les poésies
d’Abdellatif Zeroual*, dont l’extrait suivant sera repris dans chaque couverture des bulletins
d’informations des CCRM de Belgique183:
Me voici, tombant sur la place
Je porte mon cœur comme une fleur rouge Qui goutte à goutte se vide de son sang
Me voici nu, rampant parmi les morts
Je rassemble la force en moi Pour saisir le drapeau déchiré
J’attise avec mon sang L’étincelle ardente parmi les cendres Me voici,
payant le prix du sacrifice
Bénis ma mort, ô mon amour
182 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion internes du CCRM de Bruxelles : Compte-
rendu de Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le Grève daté du 13 décembre 1980. Retrouvé aussi in CEGES, Fonds Pierre Le
Grève, AA 1936, Liasse n°315, Détenus-les grèves de la faim : Compte rendu de Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le Grève
daté du 13 décembre 1980. 183 A. ZEROUAL, Le Martyr, 1973.
55
Le second type de subvention provenait d’une cotisation de fidélité faite par l’ensemble des
syndicats et associations solidaires au CCRM. C e « Bloc syndical » représentait tous les syndicats et
mouvements associatifs proches du CCRM, dont les associations belges mentionnées plus haut mais aussi
la FGTB, la CSC, le tandem RDM- UNEM et des ONG telles : la Ligue Belge des Droits de
l’Homme, Amnesty International ou encore l’Association des Juristes Belges Démocrates. La solidarité
syndical permettait une résonance favorable aux activités du CCRM, cependant qu’il permettait au
Comité de conserver son autonomie. Le premier rapport financier à l’assemblée du CCRM daté du 23
décembre 1977 nous donne quelques indications sur l’alimentation de la caisse184:
Le troisième type de subvention, qui était de loin le plus important, était effectué par les dons des
sympathisants fort nombreux185… La caisse du Comité servait ensuite à envoyer des fonds aux familles des
détenus politiques au Maroc. Par exemple, les Comités de Charleroi et de Bruxelles ont organisé une vaste
collecte au profit des familles des détenus des mouvements d’extrême gauche arrêtés après les rafles de
1977. Ces sommes collectées par les Comités furent, parfois, impressionnantes : Paris a pu réunir 40.000
FF, Charleroi 140.000 FB et Bruxelles 270.000 FB186.
Organisation du Comité Bruxellois avec les syndicats et associations belge, marocaines et
internationales.
184 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°395, Finances : Rapport financier à l’assemblée du 23 décembre 1977. 185 Les carnets financiers conservés par Pierre Le Grève nous fournissent plusieurs dons de particuliers de 1983 jusqu’en 1996. Voir
les annexes. 186 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de Bruxelles
aux CCRM de Charleroi et Liège sur l’organisation d’une collecte expérimentale en faveur des détenus politiques au Maroc, daté
du 14 octobre 1978.
Rapport financier à l’assemblée du 23/12/77.
109 membres ayant payé une cotisation, soit une rentrée de 31.930 Fr, ce qui donne une
moyenne de 292 Fr par cotisation et cela tout à fait spontanément. A cette entrée normale il
faut ajouter une entrée extraordinaire : le montant recueilli par le ménage Doucet-Crolop et
représentatif des fleurs qui auraient pu leur être offertes à l’occasion de leur mariage, soit
17.000 Fr. Rentrée totale : 48.930 Fr. Nos dépenses (Impression de l’Appel, du papier à en-
tête, location de la salle du Helder, expéditions de convocation) se sont élevée à 8.127 Fr.
Notre avoir actuel est, dès lors, de 40.803 Fr. Notons que sur les 45 signataires, 39 n’ont pas
versé de cotisation et ne sont donc pas repris, bien que régulièrement convoqués, parmi les
membres en règle.
Mais nous tenons à leur signature…..
56
Avec la collecte pour les détenus, la caisse servait à organiser des missions juridiques et
médicales au Maroc, à payer l’édition des tracts, des affiches, des bulletins d’adhésion et d’informations.
Pendant les premières années du CCRM, l’adhésion se faisait par l’écho que le réseau de solidarité
syndicale diffusait au bénéfice du Comité. Ainsi, lorsqu’un sympathisant désirait adhérer et/ou soutenir
financièrement le Comité, il devait écrire à l’adresse du Comité en exposant sa demande. Après avoir
pris connaissance de la demande, le Comité renvoyait au demandeur une confirmation ; celui-ci était
repris alors dans une liste des sympathisants.
Type de bulletin d’adhésion proposé par le CCRM de Bruxelles187
187 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°399, CCRM – Membres : Adhésion d’un nouveau membre au CCRM de
Bruxelles.
SYMPATHISANTS
CCRM BRUXELLES
Réseau de solidarité
Membres délibératifs de la CGSP secteur Enseignement
+
Membres consultatifs de la CGSP secteur Enseignement et des mouvements d'opposition marocaine
+
Un représentant des mouvements d'oppositions marocains
FGTB-CSCS
RDM-UNEM
CLCRM d'Europe
Comité de Soutien au Peuple Sahraoui
Mouvements d'étudiants étrangers
Représentants des partis politiques belges
JOC-MOC
MRAX
MCP
OXFAM-CNAPD
ONG : Amnesty, Ligue des Droits de l'Homme, Association des Juristes Belges Démocrates
Rentrent en contact avec le comité via la solidarité syndicale
+
Envoient des dons par virements bancaires
+
Font connaître les travaux du Comité contre la Répression au Maroc
57
Demande d’autorisation d’une collecte publique en faveur des détenus politiques marocains : 28-29 octobre
1978188
188 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°385, CCRM – Appel et campagne d’adhésion : Demande d’autorisation
d’une collecte publique en faveur des détenus politiques marocains : 28-29 octobre 1978.
58
B.3 Activités et publications.
Une fois les tracts et les affiches tirés, ils faisaient l’objet d’une distribution méthodique. Pour
ce faire, le CCRM contactait les bourgmestres et agences de publicité pour avoir une autorisation
d’affichage. Nous pouvons avoir une idée de cette méthode par ce plan de distribution élaboré par Louise
Lacharon189:
Communes Affichage
Bruxelles-Villes 60 panneaux d’affichage
Anderlecht 40 panneaux d’affichage
Auderghem 10 panneaux d’affichage
Berchem-Sainte-Agathe 10 panneaux d’affichage
Etterbeek 10 panneaux d’affichage
Forest 15 panneaux d’affichage
Ixelles 5 panneaux d’affichage
Saint-Gilles 5 panneaux d’affichage
Saint-Josse-Ten-Noode 14 panneaux d’affichage
Schaerbeek 20 panneaux d’affichage
Uccle 20 panneaux d’affichage
Molenbeek 20 panneaux d’affichage
Watermael-Boitsfort 9 panneaux d’affichage
189 Archives Personnelles de Louise Lacharon, Documents relatifs à la gestion interne du CCRM de Bruxelles : Plan d’affichage
public, daté de 1982.
59
Woluwe Saint-Lambert 10 panneaux d’affichage
Woluwe Saint-Pierre 5 panneaux d’affichage
Cependant, il n’était pas rare que certaines agences se plaignent auprès duCCRM à cause des «
affichages intempestifs ». L’exemple d’une plainte émise par la RTT contre le CCRM de Bruxelles le 28
septembre 1981 était, à cet égard, significatif190. La première affiche éditée par le CCRM de Belgique
apparaît sur les murs de Bruxelles, de Charleroi et de Liège. Elle oppose le Maroc coloré et ensoleillé des
touristes au Maroc des Marocains qui ne se rangent pas parmi les bénéficiaires du régime marocain. Elle
n’est pas seulement destinée à faire méditer ceux qui y vont valoriser leurs devises fortes, mais à faire
savoir aux autorités marocaines que le Comité de Bruxelles existe et qu’il serait maladroit de leur part
de s’attaquer, comme ce fut le cas des années précédentes, aux travailleurs qui profitent des vacances pour
rentrer au pays et visiter leur famille.
Exemple d’une demande d’autorisation d’affichage du 30 octobre 1979191
190 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Plainte de la RTT datée du 28
septembre 1981. 191 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°385, CCRM – Appel et campagne d’adhésion : d’une demande
d’autorisation d’affichage du 30 octobre 1979.
60
Première affiche du Maroc des touristes et de la répression éditée par le CCRM
de Bruxelles entre 1978-1979192
Une fois les affiches posées et l’appel lancé, les manifestations partaient de la commune de Saint-
Josse (zone nord) pour culminer à la Place Rogier et aboutir près de la Gare du Midi. Cette trajectoire sera
toujours empruntée en raison de la proximité du CCRM avec les locaux des syndicats belges et des
mouvements associatifs marocains. Par ailleurs, l’implication des bourgmestres de Bruxelles-Ville et de
Saint-Josse dans les activités du Comité bruxellois facilitèrent le bon déroulement de la mobilisation
organisée.
b.3.1 Du second rapport de Paris aux premières coordinations européennes : 1977-1979.
Tandis que le CCRM de Bruxelles commençait sérieusement à s’impliquer dans la contestation
contre les abus du régime marocain, les Comités de France publiaient un second rapport sur la situation des
détenus et sur les procès politiques envers les mouvements des gauches marocaines. L’année 1977 a
192 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°385, CCRM – Appel et campagne d’adhésion : Affiche « Le Maroc des
Touristes et de la Répression datée de 1978.
61
marqué un coup dur contre les mouvements d’extrême gauche marocains, la plupart des cadres d’Ilal
Amam et du Mouvement 23 Mars ont été arrêtés. A la suite de ce large coup de filet, les Comités de
France et de Belgique ont participé à une nouvelle mission juridique193.
Cette mission juridique était composée des :
Maîtres Henri Leclerc, Alain Martinet et Margaut du Barreau de Paris.
Maître Yves Baudelot envoyé par l’Association Internationale des Juristes Démocrates.
Maître Hoss mandaté par Amnesty International.
Maître Majdalani, avocat de l’Organisation pour la Libération Palestinienne.
Maître Pascal envoyé par la Fédération des Juristes Démocrates Français.
Maître Vandrockenbruck envoyé par la Fédération des Juristes Démocrates Belges.
Maître Franceline Lepany avocate au Barreau de Paris
Docteur Jean-Paul Vernant, Chef de Clinique-Assistant.
Les avocats de la Défense ont été dépêchés pour le célèbre procès des frontistes du 3 au 19
janvier 1977 à Casablanca. Pour 105 détenus libérés à la suite d’un non-lieu dans la semaine précédente,
il restait 178 inculpés avec 39 condamnations par contumace. Les 178 inculpés représentait le groupe «
77 ». La mission juridique dresse son rapport sur base des constats suivants194:
Les violations de la défense : les avocats constatent que si les inculpés sont informés au hasard des
interrogatoires des chefs d’inculpation retenus contre eux, l’acte d’accusation lui-même ne sera jamais lu, de
sorte que ni les accusés, ni leurs défenseurs ne savent véritablement de quoi on les accuse. L’ordre des
interrogatoires n’est pas donné, tous les avocats doivent rester présents en permanence s’ils ne veulent
pas manquer l’interrogatoire de leur client. Les avocats se voient interdire de poser des questions à un
inculpé qui ne serait pas celui dont ils assurent la défense.
L’atmosphère du procès : elle est tendue et violente dès les premières heures, du fait du président de la
Cour d’Appel, qui n’admet pas que les inculpés s’expriment et, en particulier, qu’ils assurent leur défense
politique. Coupant la parole, frappant violemment sur la table, renvoyant les inculpés sur le moindre
prétexte, il est responsable des incidents qui vont très vite éclater et devenir de plus en plus dramatiques.
Les principaux incidents ont été : la minute de silence demandée à la mémoire d’Abdellatif Zeroual* par
un détenu et observée par tous les détenus, les avocats et les familles. Le président évacue la salle et
interrompt la séance. Avec l’évacuation de la salle, les inculpés ont affirmé le droit à l’autodétermination
du Peuple sahraoui et décident alors de prendre en main leur propre lutte dans la salle en entreprenant une
grève de la faim illimitée, en refusant de répondre aux interrogatoires et en demandant à leurs avocats de se
taire. Tout cela vise à de dénoncer la mascarade du procès et à démolir la façade démocratique que le pouvoir
prétend maintenir par cette parodie de justice. Les inculpés adoptaient diverses attitudes envers le juge
193 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, mars-avril, 1980, pp. 2-5. 194 A. MARTINET et al., Mission juridique internationale : Rapport sur la situation des Frontistes, Casablanca, janvier 1977, pp.
4-12.
62
par l’ironie, par la violence ou le mépris. A cet égard, l’opposant frontiste Abdellah Zaâzaâ, victime de la
falaqa, se déchausse brusquement et montre son pied mutilé affreusement par les tortures subies deux ans
plus tôt. D’autres inculpés lancent des mots d’ordre contre le régime « qui exploite le Peuple marocain » et
pour « la république démocratique et populaire marocaine ». Enfin, trois des inculpés sont intervenus pour
affirmer leur accord sur le principe de la marocanité du Sahara, tout en dénonçant les accords de Madrid qui
prévoyaient le partage entre la Mauritanie et le Maroc.
Les relations des détenus avec leur famille : les familles se sont vues refuser toute possibilité de visiter les
détenus grévistes qu’ils soient détenus à la prison ou à l’hôpital. Inquiètes sur la situation des leurs, elles
ont fait le siège des prisons et hôpitaux en espérant que l’administration adoucirait sa position. Elles ont
également été réclamé indulgence et informations au Ministère de la Justice, mais en vain. Les familles se
sont alors réunies à la mosquée de Rabat d’où elles ont été expulsées à deux reprises par la police qui les a
gardées plusieurs heures dans ses locaux.
Le verdict : il a été rendu « à la sauvette » dans la nuit du 14 au 15 février, après 9 heures de lecture des
attendus, les avocats ayant été prévenus au dernier moment par téléphone. Les inculpés, qui avaient attendu
toute la nuit, ont accueilli les peines par des chants révolutionnaires, jusqu’à ce qu’on les ramène en prison.
Les sentences prononcées lors du verdict portaient sur 44 condamnations à la détention perpétuelle dont 39
par contumace, 21 condamnations à 30 ans de prison, 44 condamnations à 20 ans de prison, 45
condamnations à 10 ans de prison, 19 condamnations à 5 ans de prison et 3 condamnations à 5 ans avec
sursis.
Pendant le déroulement du procès, les premiers témoignages directs sur les conditions de détention
des détenus d’opinion commencèrent à être portés à la connaissance des Comités. Ces premiers témoignages
ont révélé la brutalité de la vie carcérale au Maroc, comme le montre « Rahal ». Durant le procès des
Frontistes, « Rahal » confirmait la présence d’une BS dans une pièce proche du Tribunal. Cette BS
suivait minute par minute le procès et torturait les inculpés que le juge envoyait…195
Le récit carcéral a été rendu public par les Comités de Lutte contre la Répression de Belgique et des
Pays-Bas. Les dessins de « Rahal » sont sortis feuille par feuille de la prison de Kénitra pour arriver, non
sans péripéties, au Comité de Paris. Ce dernier a contacté les bureaux de Charleroi et de Bruxelles pour la
traduction la bande dessinée : « Dans les entrailles de ma patrie ». Après que les Comités contre la Répression
aient regroupé tous les dessins de « Rahal », les comités belges ont traduit la bande dessinée en arabe et en
français. Ces tâches ont été respectivement déléguées aux bureaux carolorégien et bruxellois196.
195 RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de la détention politique au Maroc, Paris-Bruxelles-Amsterdam, les
CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980, p. 28 196 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : PV de la coordination des
CLCRM à Rouen : traduction de la bande dessinée par les CCRM de Bruxelles et Charleroi, daté du 29 mars 1981.
63
Couverture de la bande dessinée «Dans les entrailles de ma patrie »197
Ce témoignage inédit nous fournit plusieurs renseignements sur la vie quotidienne dans le centre de
détention de Derb Moulay Chérif à Casablanca et à la prison de Kénitra, parmi lesquels: « A l’intérieur
de l’étroite cellule, 4 à 5 détenus sont installés. Deux vieilles couvertures en guise de lit, une troisième pour
se couvrir. Ils doivent demeurer dans cet état, les mains attachées, couchés en permanence sur ce lit
infect, grouillant de vermine : poux, puces, punaises et ce durant tout le temps qu’ils passeront dans le lieu
secret de détention (des années parfois) à l’exception de l’heure des repas et quand on leur permet de se
rendre aux toilettes. Le « Hadj » (surnom que les gardiens se donnent pour ne pas être reconnus) : sa
mission surveiller les détenus et à leur interdire le moindre mouvement. Parler est considéré ici comme
un crime et son auteur est flagellé par le Hadj. (…). Une autre mission du Hadj consiste également à
provoquer les détenus, à leur mener la vie dure pour que règne une atmosphère de malaise et de terreur
psychologique, ceci en plus des cris de tortures qui retentissent dans les coins du quartier et à cause
197 Couverture de la bande dessinée RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de la détention politique au Maroc,
Paris-Bruxelles-Amsterdam, les CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980.
64
desquels il devient impossible de s’endormir ou de se reposer. On en arrive à désirer être torturé
plutôt que d’entendre quelqu’un d’autre subir la torture198 ».
Pour exercer une pression supplémentaire sur les détenus, leurs familles faisaient souvent l’objet
d’une perquisition brutale, d’intimidation, d’interrogatoires musclés sinon d’arrestation avec les détenus.
« Rahal » poursuit : « (…) Et lorsque la méthode de la terreur combinée aux opérations de charme ne
réussit pas à faire parler le militant, vient alors le rôle de la torture avec ses différents formes et ses
différents degrés… une serpillère sur le nez et la bouche, trempée dans du savon, du grésyl, de
l’urine et des excréments. Bastonnade sur la plante des pieds. Electrochocs, mégots allumés écrasés sur
le mamelon…Deuxième degré de torture connu sous le nom de « perchoir à perroquet ». La séance de
torture peut se poursuivre pendant des heures, jusqu’à la perte de conscience totale. Après cela, on
passe à un degré supérieur. D’autres genres de tortures…il faut reconnaître en toute objectivité que la
réaction marocaine fait preuve d’inventivité au moins dans ce domaine : la victime est enroulée dans une
couverture de la tête jusqu’aux pieds de manière à ne laisser aucun interstice pour qu’elle puisse
respirer. Elle est solidement attachée à un banc. Les tortionnaires la rouent de coups. Le procédé est
une des formes de tortures les plus dures. On peut facilement étouffer ainsi. Les deux pieds meurtris à
cause des coups sont plongés dans une baignoire remplie d’eau salée et très chaude. Le chien dressé qui
lacère avec ses crocs et ses griffes le dos endoloris de la victime…Après cela, le prisonnier est transporté
au local de détention gardé par des policiers qui se font appeler « Hadj » afin que le détenu ne connaisse
pas leur véritable identité (…)199».
Parallèlement à la publication de la bande dessinée, les CLCRM de France et de Belgique ont réuni
les textes et poésies de la militante Saïda Menebhi* morte des suites d’une grève de la faim le 11 décembre
1977. L’œuvre a été publiée en décembre 1978 dans le cadre du premier anniversaire de la mort de
l’auteure200. Le CLCRM d’Amsterdam a travaillé à la traduction en néerlandais de cet ouvrage deux ans
plus tard201.
Un rapport médical publié entre 1979 et 1980 par les CCRM de Paris, Charleroi et Bruxelles, a pu
mettre en exergue la précarité matérielle et sanitaire dans laquelle sont maintenus les détenus. Le rapport
parle de l’hygiène des détenus dans différentes prisons marocaines: « Les prisonniers sont entassés comme
des sardines : six mètres sur trois suffisent à caser une centaine de personnes. Chacune d’elles a, pour
s’allonger, à peu près 1,70 mètre de long sur 25 cm de large. Un tel espace l’oblige à dormir sur le côté, et
à ne pas bouger de la nuit (…). A Laâlou (Rabat), étant donnée la faiblesse du moteur de la pompe et la
petite capacité du réservoir de retenue, le premier étage est seulement pourvu en eau de 22 h à 6 h. A Fès,
la prison est alimentée par des citernes, alors que l’eau de l’Atlas coule à flots dans toute la ville. D’autre
198 RAHAL, cit., pp. 8-10. 199 RAHAL, cit., pp. 4-8. 200 S. MENEBHI, Poèmes-lettres-écrits de prison, Paris-Bruxelles, les CLCRM de Paris et Bruxelles, décembre 1978. 201 S. MENEBHI, Gedichten en brieven uit de gevangenis en een opstel over de prostituées in Marokko, Rotterdam, CLCRM
d’Amsterdam, 1980.
65
part, la « douche » est si mal entretenue et si peu équipée, qu’on ne peut s’empêcher de penser à celles
d’Auschwitz : trois prisonniers s’y relaient alors qu’une poire lance un mince filet d’eau tiède. La petite
salle de 4 mètres de côté, renferme jusqu’à 30 prisonniers. De même, les chambres sont très rarement
lavées, le plus souvent une fois par mois ou à l’annonce de la visite d’une commission d’inspection, mais
surtout lors d’une délégation comprenant un visiteur étranger. Quant au service public d’hygiène, il est
persona non grata (…). Tel fut le triste exemple d’aout 1979 ; lors d’une épidémie de choléra à Meknès : 4
malades furent transportés à l’hôpital, mais vu le retard de la mesure, 2 d’entre eux succombèrent
faute d’avoir bénéficié de soins assez tôt (…). De plus, rien n’est prévu pour chasser l’éternelle colonie de
rats dont le nombre atteint parfois le double de celui des prisonniers. Ces bestioles manifestent
constamment leur présence de sorte que chacun doit leur donner une part de sa gamelle afin d’éviter que
la nuit, ils descendent de leurs gouttières et viennent fouiller et se servir eux-mêmes dans les paniers des
prisonniers. Il existe d’autres bestioles, en effet les poux et les punaises cohabitent avec les détenus.»
Des maladies en tous genres apparaissaient dont : « les maladies de la peau très répandues,
particulièrement la galle ainsi que diverses sortes de champignons épidermiques. Dans la prison de
Casablanca, les galleux sont mis en quarantaine durant la période de détention ou de la maladie. Or, les
galleux vivant ensemble et les désinfectants étant rares, le germe de la galle demeure. Par ailleurs, il est
rare qu’un prisonnier quitte la citadelle sans s’être fait arracher quelques dents, à cause de caries ou de
maladies des gencives. Ici, le mal de dent n’est jamais soigné, on se contente de les arracher dès la
première plainte à l’infirmier ou au chef du quartier. La séance d’extraction des dents ayant eu lieu une
fois par semaine, on peut observer une file d’attente devant le dentiste (souvent simple mécanicien-
dentiste). Toute opération médicale est réduite à un simple travail à la chaîne : l’infirmier, lors des
injections, passe de patient à patient sans prendre la peine de changer d’aiguille.(…) La nourriture
joue un rôle important dans l’apparition des maladies dentaires mais aussi et surtout dans les maladies de
l’estomac, des intestins et du rectum (très répandues dans les prisons marocaines) et touchant en
premier lieu les prisonniers condamnés à de lourdes peines. »
Outre les maladies et des conditions d’hygiène quasi inexistantes, le rapport dénonçait aussi la
qualité médiocre de l’alimentation destinée aux détenus. Qui plus est, les moyens de traiter les maladies
étaient dérisoires : « Féculents et riz mal cuits se relayent jour après jour. A chaque marmite, quelques
kilos de légumes bouillis accompagnés d’une ou deux louchées d’huile, viennent cacher le « bêton de
pitance » qu’ils surmontent (…). Lorsque le prisonnier s’est plaint à plusieurs reprises au chef du
quartier, il est entassé avec ses camarades pour être présenté à l’infirmer qui lui donnera du charbon
de bois, s’il se plaint de spasme ou de colique, c’est bien une forte purge. Dans un deuxième stade,
malgré plusieurs prises de ces médicaments, le patient peut être transporté à l’hôpital ou à l’infirmerie en
état de crise. Dans ce cas, on lui administre une injection de baraljine qui a pour effet presque immédiat
d’arrêter les douleurs, lesquelles ne tardent pas à revenir quelques heures plus tard. Dans un troisième
stade, on attend que la victime ait subi plusieurs crises pour l’inscrire enfin sur une liste qui lui permettra
66
d’être conduit à la consultation hebdomadaire du médecin. On peut s’étonner de l’existence d’une liste
d’attente puisque, grosso modo, il n’y a qu’un médecin pour 1500 prisonniers (notamment à Casablanca,
Rabat et Kénitra),en regard de la moyenne nationale d’un médecin pour 1000 patients (…)202. »
Avec l’accroissement des informations relatives à la répression au Maroc, les Comités de Lutte
contre la Répression vont chercher à mieux structurer leurs travaux. Ils feront connaître des bilans
d’activités durant les coordinations. Ces coordinations annuelles avaient pour objectif de dresser un bilan
des activités de tous les Comités, tous pays confondus, tout en décidant des futurs plans d’actions.
b.3.2 Les premières activités du Comité de Lutte contre la Répression de Bruxelles : 1977-1983
Les années comprises entre 1977 et 1983 ont représenté, pour le CCRM, une première
période d’intense activité. Né d’un terreau syndical extrêmement fertile, le CCRM de Bruxelles a
bénéficié d’une conjoncture relativement favorable au sein de la classe politique belge. Mobilisation,
interpellation parlementaire et association de référence sur la répression au Maroc, le CCRM commence à
multiplier ses participations aux missions juridiques et médicales au moment où la répression politique
connait une croissance spectaculaire au Maroc. Cependant, cette séquence chronologique a été aussi agitée
que difficile pour le CCRM, en effet, les Comités devaient, véritablement, jouer le rôle d’une presse sur les
événements politiques au Maroc.
Depuis décembre 1977203, le CCRM de Bruxelles a dressé son premier bilan sur les événements
politiques au Maroc. Le CCRM disposait déjà de 450 sympathisants. Face à un nombre croissant
d’adhérents, le CCRM de Bruxelles et le CCRM de Charleroi cherchèrent, dès lors, à provoquer des
sursauts de conscience parmi leurs membres adhérents en lançant un premier bulletin d’information.
Jusqu’au début de l’année 1978, les CCRM belges avertissaient de leurs actions par des communiqués. Les
CCRM de Belgique relayaient les bulletins d’information du CLCRM de Paris intitulés « Maroc
Répression ». Le contenu de « Maroc Répression » était réparti en trois chapitres : une chronologie
reprenant les dates les plus marquantes de la vie politique au Maroc (accords diplomatiques entre le Maroc
et les pays étrangers, les procès politiques et rafles), les actions auxquelles le CLCRM a participé
(renseignements obtenus sur la répression politique, correspondances avec les familles des détenus, et
parfois la correspondance entretenue avec des représentants politiques belges et marocains), ainsi qu’une
annexe qui reprend des témoignages des détenus politiques et des observateurs internationaux.
Dans un souci d’une meilleure efficacité, la première édition du bulletin d’information des CCRM
de Bruxelles et de Charleroi va regrouper sous forme de compte rendu les actions passées des deux
comités. Les bulletins d’information des CCRM de Belgique reprenaient dans l’intégralité le contenu du
CLCRM de Paris en l’augmentant de ses propres activités. Avec le bilan des premières missions juridiques
202 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°392, Activités depuis le meeting de la Madeleine, Mission CCRM : Rapport
médical sur la description de la vie carcérale au Maroc daté de 1980, pp. 2-8. 203 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°402, ASCLCRM – Communiqués : Assemblée générale du CCRM de
Bruxelles datée du 24 janvier 1978.
67
émis par Paris, le premier bulletin publié p a r l e CCRM de Bruxelles a relevé trois actions: la
campagne de « séduction » entamée par les autorités marocaines en direction des responsables belges en
vue d’accréditer un prétendu cours nouveau vers la démocratisation ; la menace d’extradition qui pesait sur
le ressortissant marocain Ben Ayich ; la nécessité d’ouvrir sur certaines réalités du régime marocain, les
yeux des touristes qui se ruent vers le soleil d’Afrique du Nord.
Premier bulletin des CCRM de Belgique : « Réalités Marocaines » paru en mars-avril 1978204
Le CCRM de Bruxelles fut informé sur la question de la campagne de « séduction » des autorités
marocaines par une lettre revêtue de la mention « personnelle » et adressée par Ernest Davister, alors
Président de la FGTB de Charleroi, au ministre de l’Emploi et du Travail, Guy Spitaels (PSB). Cette lettre
faisait allusion à une tentative d’approche des autorités marocaines auprès de certains opposants marocains
via Guy Spitaels. Le régime marocain cherchait, en plus, à faire les yeux doux à ses ressortissants en
Belgique. Un extrait de cette lettre est fort révélateur à cet égard: « Le responsable de ce groupe (de
militants marocains) me dit avoir rencontré l’Ambassadeur du Maroc qui lui a confirmé cette tendance, en
attirant son attention sur la nécessité pour les immigrés acquis aux conceptions démocratiques, de rentrer
chez eux, afin d’accélérer le processus de démocratisation en cours. Il se fait que cet Ambassadeur a cité
votre nom (celui de Guy Spitaels) en évoquant les bonnes relations qu’il entretient avec vous et la haute
estime en laquelle il vous tient. Dès lors, et voici ma demande, ne vous serait-il pas possible de provoquer
204 Couverture du premier bulletin du CCRM de Bruxelles, in Maroc Répression : Bulletin d’information de Bruxelles, organe
bimestriel, mars-avril 1978.
68
une entrevue avec l’Ambassadeur, si courte soit-elle, à laquelle vous participeriez, ainsi que moi-même,
accompagné de deux représentants du groupe d’immigrés précité ? 205».
Après l’échec du régime marocain qui n’a pas réussi à obliger ses ressortissants à renouveler leur
passeport au Maroc entre 1978 et 1980 – grâce à une mobilisation commune des CCRM bruxellois et
carolorégien, du RDM, de la FGTB et de la CSC - et dans le but de redorer son image auprès du monde
politique européen dans le contexte du conflit saharien, le régime marocain cherchait par tous les moyens à
gagner l’opinion internationale en sa faveur206.
Le rapprochement inopiné, par exemple, de l’ancien premier ministre Edmond Leburton (PSB,
Gouvernement du 26 janvier 1973 au 19 janvier 1974), avec le régime marocain n’avait pas échappé à
l’attention du CCRM. Edmond Leburton affirmait à l’issue d’un voyage au Maroc : « Que ce pays était
entré dans la voie de la démocratie et que sa monarchie « constitutionnelle » présentait beaucoup
d’analogies avec la monarchie belge207». Ces propos, appuyés par le Président du Sénat Robert
Vanderkerckhove, visaient en outre, au resserrement des liens de coopération entre les deux pays.
Conjointement à ce voyage diplomatique, le ministre marocain du Travail, Mohamed Bouamoud, effectua
une visite en catimini en Belgique208. Ce voyage est significatif car, rappelons-le, la présidence
officielle des Amicales est assurée par le ministre du Travail et de l’Emploi Professionnel. Alerté par le
CCRM de Charleroi, Ernest Glinne* a posé une question écrite aux ministres du Travail et des Affaires
Etrangères sur l’objet de l’entretien que le ministre marocain a eu avec son homologue belge, à savoir,
sur la raison du caractère mystérieux de cette visite et sur un éventuel voyage du monarque chérifien en
Belgique…
A Bruxelles, le CCRM respectait sa devise dans sa lutte contre les Amicales et prêtait main forte
aux mouvements d’opposition marocains. En 1980, éclatait l’affaire Abdallah Dougna. Cet assistant social
était engagé par la commune de Bruxelles-Ville, via l’ASBL « Aide aux familles bruxelloises »209.
Abdallah Dougna avait été choisi comme assistant social traducteur entre les familles d’immigrés
marocains et les autorités communales. Selon la CGSP secteur Enseignement210, Abdallah Dougna aurait
été le traducteur principal auprès de plusieurs familles d’immigrés marocains en même temps qu’il
fournissait des informations sur ces familles aux polices belge et…marocaine. Méfiant sur la présence
policière marocaine en Belgique, Hervé Brouhon, sympathisant du CCRM - qui deviendra bourgmestre
de la ville de Bruxelles entre 1983 et 1993 – avertit le CCRM de Bruxelles qui fit ébruiter cette affaire en
205 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, cit., p. 4. 206 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°340, RDM-Regroupement Démocratique Marocain, RDM-Communiqués et
notes internes : Communiqué du Regroupement Démocratique Marocain daté du 16 mars 1980. 207 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°388, CCRM-Communiqués de presse : Communiqué du CCRM dénonçant
les propos d’Edmond Leburton et de Robert Vanderkerckhove daté du 2 mai 1978. 208 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°72, Correspondance générale pour l’année 1978 : Lettre d’Ernest Glinne au
CCRM de Bruxelles relative à la visite mystérieuse du ministre du Travail marocain, datée du 1er juin 1978.
209 Le Soir du 1er février 1980. 210 La Dernière Heure du 20 janvier 1980.
69
démontrant que l’assistant social n’était en réalité qu’un agent travaillant pour le compte des polices belge
et marocaine. Face au tapage médiatique provoqué par le CCRM, et malgré la réponse du « Conseil
Consultatif des Bruxellois n’ayant pas la Nationalité Belge », lequel affirmait que le rôle de Monsieur
Dougna se situait au seul niveau de collaborateur de la police belge, l’assistant social a dû démissionner de
son poste211.
b.3.3 La mission juridique André Tremblay et les émeutes du 21 juin 1981.
À partir de 1977, le régime marocain a changé ses priorités économiques internationales en
s’ouvrant au libre-échange. Ce libre-échange s’est essentiellement construit sur une importante exportation
des produits nationaux vers l’Europe et les Etats-Unis.
Toutefois, aucune disposition politique ne fut prise pour permettre aux classes sociales désœuvrées
de pouvoir suivre ce nouveau programme économique. Le 28 mai 1981, le Gouvernement marocain a
ordonné l’augmentation subite des prix des denrées de base (dont certains allaient jusqu’à augmenter de
75%). Les premiers résultats provoquèrent la colère de la population. Entre le 8 et le 17 juin 1981, l’UMT
et la CDT ont lancé un ultimatum au Gouvernement en vue de réduire les prix des denrées de base. Le
résultat fut partiellement obtenu, le Gouvernement a diminué de 50 % les augmentations des produits.
Conjointement, des émeutes ont déjà éclaté et le CCRM de Bruxelles a pris connaissance de l’arrestation de
668 militants de la CDT, surtout dans les campagnes et chez les mineurs dont ceux des mines de charbon
de Jerrada212. Le brasier a sérieusement été déclenché lorsque l’UNEM, le Syndicat National des Moyens
et Petits Commerçants et les Syndicats Nationaux des Enseignements Secondaire et Supérieur avaient
rejoint l’appel à la grève générale de l’UMT et la CDT. Le régime faisait face à une forte opposition
syndicale. Les garnisons locales de la Gendarmerie Royale et des Forces Auxiliaires débordées, Hassan
II* a dû démobiliser une partie des FAR du Sahara pour écraser la fronde sociale.
Cette répression militaire était accompagnée de plusieurs arrestations et condamnations. Cette sanction
royale a culminé lors des émeutes du 21 juin à Casablanca. Informés de ces événements, les CLCRM
de France et de Belgique ont voulu marquer leur solidarité envers les grévistes.
Au mois de juillet 1981, les CCRM de Belgique, par l’intermédiaire de l’Association des Juristes
Belges Démocrates (AJBD), ont participé à la mission juridique Tremblay. Cette mission fit suite à la
mission juridique des Frontistes vue plus haut. Maître André Tremblay est professeur à la Faculté de Droit
de l’Université de Montréal et avocat au Barreau de la même ville. À son initiative, soutenue par les
CLCRM et par Amnesty International, notamment, maître André Tremblay s’est rendu au Maroc durant
l’été 1981. La mission juridique a duré du 1er juillet au 16 juillet 1981. Celle-ci permit le constat de
plusieurs arrestations des membres de l’USFP et d’un regain répressif à l’encontre des partis de l’extrême
211 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°346, Contrôle des opposants marocains en Belgique, Un assistant social à
Bruxelles : Communiqué de presse du Conseil Consultatif des Bruxellois n’ayant pas la Nationalité Belge, daté du 8 février 1980. 212 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°351, Association Belge des Juristes Démocrate : Communiqué du CCRM de
Bruxelles à l’AJBD sur les arrestations des membres de la CDT, non daté.
70
gauche (Ilal Amam et 23 mars)213. Le bulletin mensuel de CLCRM de Paris de décembre 1978 publiait déjà
une lettre aux congressistes de l’USFP dénonçant les arrestations à l’égard de ce dernier : « Au moment
où votre troisième congrès s’ouvre à Rabat, nous tenons à vous faire parvenir le texte de l’appel lancé par
tous les Comités de Lutte contre la Répression au Maroc pour la libération de tous les prisonniers
politiques marocains. (…) Ces droits sont bafoués, dans les locaux de la police, dans les prisons, où les
condamnés des procès de 1973, ceux de Casablanca de 1977 ont été particulièrement maltraités, où
Abraham Serfaty est maintenu dans l’isolement depuis plus de 4 ans. La nécessité et l’urgence d’une
campagne en leur faveur ne font point de doute. Une telle campagne atteindra d’autant mieux son
objectif qu’elle sera répercutée de l’intérieur même du Maroc. Dans sa situation politique actuelle, vous
pouvez, à la fois, être entendus, voire écoutés des autorités gouvernementales, et en appeler à l’opinion
du peuple marocain214 (…) ». Maître André Tremblay s’est rendu comme observateur au procès de Rabat
intenté contre 81 membres actifs de l’USFP et de la CDT. Sur les 81 inculpés par la Chambre Criminelle de
la Cour d’appel de Rabat, 21 personnes du parti et du syndicat ont été condamnées à 18 mois
d’emprisonnement ferme et 26 autres personnes à 4 mois de détention. 13 personnes ont été condamnées
à 6 mois avec sursis et 21 personnes ont été acquittées.
Alors que Maître Tremblay se rendait à Casablanca, il fut rejoint par deux avocats français, Maître
Jean-Pierre Mignard et Maître Yves Kleniec. Maître Mignard, avocat à la Cour d’Appel de Paris, fut
mandaté par l’Association Internationale des Juristes Démocrates (cette dernière en relation avec le CCRM
de Bruxelles). Maître Kleniec, avocat à la Cour d’Aix-en-Provence, fut aussi mandaté par l’Association
Internationale des Juristes Démocrates mais également par la CGT.
Ensemble, les trois avocats prirent connaissance du nombre des victimes et des vastes coups de filet.
Les avocats ont mené leur enquête auprès de l’USFP, de la CDT et des autorités officielles. Parmi les
personnes arrêtées, plusieurs personnes faisaient parties de l’USFP, de la CDT mais aussi de plusieurs
syndicats locaux tel le Syndicat National des Petits Commerçants dont le secrétaire général Moustaghafi
Abdallah a été considéré, avec Noubir Amaoui*, par les autorités marocaines comme l’un des responsables
de l’appel à la grève générale dans tout le Maroc. Les rafles étaient impressionnantes, les avocats ont
signalé entre 6000 et 8000 arrestations dans tout le pays215. Certains journaux étaient proscrits dont : Al
Moharrir (« Libération » journal de l’USFP) et Al Bayane (« Communiqué » journal du PPS) et Al
Dimouqratiya Al Oummaliya (« La Démocratie ouvrière » journal de la CDT).13 personnes sur 66
membres de la Commission administrative nationale de l’USFP ont été arrêtées216.
Les avocats ont cependant noté que le chiffre des victimes de la rafle était considérablement revu à
la baisse par le premier ministre et ministre de la Justice, Maâti Bouabid* (UC du 29 mars 1979 au 30
novembre 1983). Celui-ci annonçait, en effet, qu’il n’y avait pas plus de 2000 détenus politiques dans tout
213 A. TREMBLAY, Rapport sur les arrestations et condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca, juillet 1981, pp. 15-23. 214 Maroc Répression, Bulletin mensuel du CLCRM de Paris, N°8 bis, décembre 1978, p. 14. 215 J-P. MIGNARD, Rapport sur les arrestations et condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca, 9 juillet 1981, p. 3. 216 Y. KLENIEC, Rapport sur les arrestations et condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca, 15 juillet 1981, pp. 5-7
71
le pays, dont 930 auraient été relâchés faute de preuve. Entre le 10 et le 15 juillet 1981, les avocats
recoupèrent leurs informations et constatèrent que si le Gouvernement ne dénombrait que 67 morts, les
syndicats et partis de l’opposition comptaient 641 morts217. Les cadavres n’étaient pas rendus aux familles,
et furent transportés par la police et les militaires dans un lieu inconnu. Tous obsèques publics étaient
interdits, les autorités évitèrent le plus possible l’organisation des funérailles susceptibles de dégénérer en
manifestation218.
Alors que le Gouvernement marocain affirmait ne pas avoir utilisé l’armée, l’opposition
confirmait que l’armée avait ouvert le feu sur les manifestants. En outre, l e s a v o c a t s m a n d a t é s
o n t d r e s s é une impressionnante liste, dressée par les avocats, faisait état du nombre des arrestations
et des condamnations. Ces peines étaient principalement infligées aux membres de la CDT et de l’USFP.
A la suite des événements découlant des mouvements de grèves, le CCRM de Bruxelles avec l’aide de la
Ligue Belge des Droits de l’Homme, a organisé une manifestation le 27 novembre 1981 pour dénoncer les
procès expéditifs au Maroc, dont celui des ouvriers et mineurs grévistes arrêtés depuis le 21 juin 1981.
Tract distribué : Appel à manifester pour le 27 novembre 1981219
Après avoir pris connaissance du deuxième rapport de Paris et au lendemain de la
mystérieusedisparition d’Abderrahim Charahbili Harouchi, étudiant marocain domicilié à Mons220, le
217 Y. KLENIEC, cit., p. 8. 218 AFP du 24 juin 1981 à 15h38. 219 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°361, Mission Tremblay – juillet 1981 : Appel à la manifestation du 27
novembre 1981.
72
Comité de Bruxelles informa par lettre les députés liégeois Claude Dejardin*(PSB) et Joseph Fiévez* (RW)
quant à la situation politique au Maroc. Vers 1980, ces députés avaient mis sur pied à Liège, un Comité
contre la Répression. Le CCRM de Liège complète le noyau d’un CCRM établit à Anvers quelques mois
plus tôt221.
A cet effet et prévenu de la féroce répression, Claude Dejardin* a interpellé le ministre du
Commerce Extérieur d’alors, Robert Urbain (PSB), sur le transport de « mystérieuses pièces de rechange
pour divers appareils » dans divers pays du Tiers-Monde dont le Maroc222. En décembre de la même année,
Henri Simonet (PRL), alors bourgmestre d’Anderlecht et ministre d’Etat, a promis d’écrire à son
homologue marocain M’hammed Boucetta (secrétaire général du PI). Déjà averti par le CCRM sur la
situation des frontistes condamnés, Henri Simonet multiplia les promesses d’intervention en faveur de ces
derniers, mais ce fut sans succès. Henri Simonet feignit alors d’oublier que le pouvoir de grâce ne relève
pas du premier ministre au Maroc223. Un an plus tard, les CCRM de Bruxelles et de Liège s’étaient
directement adressés au premier ministre Maâti Bouabid*en c qui concerne sur la situation du détenu
Ahmed Herzenni, mais sans succès224.
Alors que les informations sur les détenus politiques affluaient à Paris pour être ensuite retransmises
vers les bureaux des Comités de Bruxelles et de Charleroi, le cas d’un détenu retint, sur le moment, une
attention toute particulière des deux Comités belges. Il s’agissait d’Abdellatif Derkaoui. Abdellatif
Derkaoui était un enseignant à Rabat et fut condamné dans la prison de Kénitra à une peine de 30 années en
1972. Ce détenu a raconté son séjour carcéral par des dessins. Profitant d’une rare occasion de démontrer
les conditions de détention iconographiquement, une exposition des œuvres d’Abdellatif Derkaoui a été
décidée par les CLCRM initialement au cours de l’année 1982 à Marseille. Après un premier succès dans le
Midi de la France, les CCRM de Belgique ont organisé l’exposition des œuvres de Derkaoui entre janvier
et mars 1983. Cette exposition s’est tenue dans le cadre d’un colloque intitulé « Poésie et Libertés »225.
L’événement a eu lieu le 27 janvier 1983 dans les locaux du Centre Socio-culturel des Immigrés à
Bruxelles226. L’exposition de Charleroi a réuni 400 personnes le dernier jour227. Enfin, du 16 au 25 mars à
Liège dans les locaux de la FGTB où la régionale UBDP, la commission « Immigrés de la FGTB et
l’association « Solidarité arabe » participèrent à l’organisation235. Des dessins, ainsi que des poésies
d’autres détenus, relatent la vie quotidienne dans les prisons marocaines et plus particulièrement
220 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Serge D’agostino à
Pierre Le Grève relative sur la détention d’Abderrahim Charahbili Harouchi datée du 14 juillet 1980. 221 Interview de Mimoune Sastane le 3 avril 2014. 222 Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire 1980-1981, Séance du mercredi 19 novembre 1980 : Interpellation de
Claude Dejardin relative à l’exportation des armes belges, pp. 289-290. 223 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre d’Henri Simonet à
M’hammed Boucetta datée du 8 janvier 1980. 224 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Claude Dejardin à
Maâti Bouabid sur le cas d’Ahmed Herzenni datée du 28 avril 1982. 225 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué relatif au
colloque « Poésie et Libertés » daté du 13 décembre 1980. 226 La Cité du 20 janvier 1983. Le Drapeau Rouge du 20 janvier 1983. 227 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°407, les CLCRM – Comptes rendus et documents internes : Bilans des
activités du CCRM de Charleroi datés du 19 et 20 mars 1983.
73
l’expérience carcérale d’Abdellatif Derkaoui. Le coût total de cette exposition en Belgique s’est élevé au
montant de 48.318 FB228.
Quelques dessins d’Abdellatif Derkaoui229
La fin du quatrième Gouvernement de Léo Tindemans* a marqué l’enchaînement de plusieurs
Gouvernements en Belgique. Du deuxième Gouvernement Van Den Boeynants (PSC du 20 octobre au 18
décembre 1978) aux neufs Gouvernements Martens* (CVP du 3 avril 1979 au 25 novembre 1991), un
nouveau clivage va être pris par le CCRM. Cette politique portée à l’encontre des immigrées en général et
228 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°316, les œuvres d’Abdellatif Derkaoui : Lettre du CCRM de Bruxelles
adressée à la Régionale UBDP de Liège, la Commission « Immigrés » FGTB et Solidarité Arabe, datée du 4 mars 1983. 229 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°406, les CLCRM – Liste et organigrammes : Bilan financier de
l’organisation de l’exposition Abdellatif Derkaoui de mars 1983.
74
des Marocains plus particulièrement, s’est traduite par un nouveau durcissement quant à la politique de la
naturalisation.
Parallèlement aux mesures Stoléru-Bonnet en France230, le gouvernement néerlandais231 définit, au
début des années 1980, une politique migratoire en deux volets : une politique restrictive d’immigration,
accompagnée d’une politique d’intégration qui présentait les immigrés comme des « populations à
problèmes ». Ces orientations politiques dans le contexte économique difficile, ont poussé le KMAN a
adopter une position défensive en traitant au mieux les thèmes tels que la montée du racisme, la défense des
Droits de l’Homme au Maroc, la politique d’éducation et la défense des droits socio-économiques,
politiques et légaux des immigrés.
En Belgique, certaines communes bruxelloises agissaient même de façon totalement autonome dans
l’acceptation ou non des élèves marocains dans leurs écoles. A cet égard, la politique de l’ancien
Bourgmestre FDF de Schaerbeek, Roger Nols* et de son homologue libéral d’Anderlecht Henri Simonet
vis-à-vis des résidents marocains de leur commune reste significative. Ces deux bourgmestres ont
délibérément arrêté les inscriptions dans leur commune de certains ressortissants étrangers dont les
ressortissants turcs et marocains. Ainsi, le RDM condamnait dans un communiqué232 la décision brutale de
Roger Nols* de supprimer 10 écoles primaires dès le 1er septembre 1983. Ces écoles étaient
majoritairement fréquentées par des enfants marocains et turcs. Le comportement politique de Roger Nols*
fut même à l’origine d’une scission interne où l’aile gauche du parti - principalement représenté par Serge
Moureaux* et François Martou (vice-président national du MOC) - prit ses distances vis-à-vis du
Bourgmestre233.
Très peu porté sur les travaux du CCRM, Jean Gol* (PRL devenu MR et participation aux
Gouvernements Martens* du 17 décembre 1981 au 14 octobre 1985) refusa plusieurs fois d’intercéder en
faveur des détenus politiques au Maroc. Il alla même jusqu’à supprimer, non sans la passiveté de
l’Ambassadeur marocain de Bruxelles, le droit aux étudiants marocains d’obtenir leur bourse. En effet, le
Gouvernement marocain a adopté la décision de faire interdire une bourse d’étude aux étudiants
marocains à l’étranger participant à des grèves, depuis le 18 février 1980234. Qui plus est, Jean Gol* a
favorisé l’expulsion de certains ressortissants marocains résidant sur le territoire belge235.
230 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°316, les œuvres d’Abdellatif Derkaoui : Dessins d’Abdellatif Derkaoui, non
datés. 231 La loi dite Stoléru, du nom du Secrétaire d'État chargé de l'immigration Lionel Stoléru (1978-1981), était un projet de loi qui
encourageait le retour des immigrés dans leurs pays d'origine et diminuer de moitié leur nombre en France. La loi Bonnet du10
janvier 1980, du nom du ministre de l’Intérieur Christian Bonnet (30 mars 1977 au 22 mai1981), réprimera l'immigration
clandestine et rendra plus difficiles l'entrée et le séjour des étrangers en France. I. VAN DER VALK, in N. OUALI (dir.), op. cit., p.
347. 232 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Communiqué du RDM daté
du 13 février 1983. 233 P. WYNANTS, Bruxellois d’origine extra-européenne. Représentation politique au FDF (1964-2014), in La Revue Nouvelle,
novembre 2013, p. 70. 234 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM section Bruxelles :
Communiqué de presse de l’UNEM sections Bruxelles-Liège-Mons daté du 4 mars 1980. 235 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM de Bruxelles
à Jean Gol relatives à l’expulsion du ressortissant marocain Koub Saïd datées des 25 mai et 4 juin 1982.
75
Ce nouveau tournant politique déçut fortement les membres du CCRM, si bien que Jacques Moins*
adressa une longue réponse relative à cette politique sécuritaire aux différents présidents des partis
politiques. Dans cette réponse, Jacques Moins* voulait attirer l’attention sur le fait que: « (…) le quart de la
population est composé d’immigrés et un enfant sur deux qui naît dans la région bruxelloise est non belge.
Les différences culturelles, les traditions et le mode de vie divers engendrent souvent l’incompréhension,
parfois l’hostilité et même la haine (…). Bruxelles est appelé à devenir une ville pluriculturelle. Si le
Mammouth de Jean Gol a accouché d’une souris, les opérations « coup de poing » accompagnées de
contrôle d’identité et d’interrogatoires contribuent le plus souvent à augmenter le sentiment d’insécurité et
d’inquiétude. (…) Rétablir la sécurité, c’est avant tout assurer un bon environnement, un aménagement
urbain qui tienne compte des exigences de la vie en ville (…)236. »
L’avènement du Gouvernement Martens-Gol* a aussi coïncidé avec l’enseignement du culte
islamique – déjà reconnu depuis 1974 – mais rendu effectif à partir de 1983. Ce nouveau phénomène sera
observé non sans intérêt par le Comité bruxellois à travers la CGSP secteur Enseignement. L’enseignement
du culte islamique relevait d’une grande part de la responsabilité des pays d’origine, ainsi, le Maroc
fournissait ses propres professeurs de religion islamique dans les établissements scolaires bruxellois.
Une première alerte a été donnée le 25 février 1983. Une circulaire publiée par la CGSP secteur
Enseignement, annonçait la visite de l’ancien premier ministre marocain Dr. Azzedine Laraki (premier
ministre du 8 octobre 1969 au 12 octobre 1970), devenu par après ministre de l’Education Nationale du 12
octobre 1977 au 30 septembre 1986. Cette circulaire stipulait : « Qu’un accord serait intervenu afin de
permettre aux élèves marocains de nos écoles d’apprendre l’arabe dans les établissements d’enseignement
primaire, les cours étant prodigués par des professeurs de Rabat237. »
Le 7 juin, inquiet d’une absence d’encadrement de ces professeurs, Claude Dejardin* posa la
question suivante au ministre de l’Education André Bertouille (MR): « La presse a fait récemment état
d’un accord intervenu entre le gouverneur marocain et votre ministère concernant un échange
d’enseignants. De quoi s’agit-il exactement et quels sont les termes exacts, notamment en ce qui concerne
la scolarisation des enfants immigrés d’origine marocaine résidant en Belgique. Serait-il exact que ces
enfants auraient à choisir, à Bruxelles, entre les cours d’arabe et de néerlandais ? Quelles seraient alors
les conséquences légales d’un tel choix en matière d’homologation du diplôme, par exemple ? A cette
occasion, ne pensez-vous pas qu’il soit délicat de favoriser l’intrusion dans nos écoles d’enseignants
désignés par un régime peu respectueux des droits de l’homme et que les nationaux concernés considèrent
le plus souvent comme des policiers déguisés en professeurs ? ». A cette large question conjuguant
scolarisation des enfants marocains et cours dispensés par des professeurs venus du Maroc, le ministre ne
s’en tiendra qu’à l’aspect formel de l’accord entre les deux pays en insistant sur le fait que : « le
236 CARCOB, Archives Communistes de Bruxelles, Fonds Jacques Moins, Boîte N°2, Liasse n°6, Dossier sécurité Belgique :
Communiqué relatif à la montée de l’insécurité sociale à Bruxelles daté de 1982. 237 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°46, Enseignement de la religion islamique – circulaires : Circulaire de la
CGSP Enseignement datée du 25 février 1983.
76
Gouvernement du Maroc a souhaité que les jeunes Marocains vivant en Belgique ne soient pas coupés
définitivement de leur pays d’origine et que l’on puisse organiser à leur bénéfice, dans nos écoles et
pour ceux qui le désirent, certaines activités culturelles spécifiques : cours de langue arabe et de culture
islamique238». Cependant, si le ministre souligna les dispositions expérimentales sur les cours de langue
arabe et de culture islamique, il évita soigneusement de se prononcer sur l’homologation des élèves qui
auraient éventuellement à choisir entre le néerlandais et l’arabe, ni sur le possible « déguisement des
policiers en professeurs venus du Maroc ».
A la question désormais ouverte sur l’enseignement du culte islamique, la RTBF annonçait
quelques mois plus tard une information qui allait mobiliser des nouveaux efforts du CCRM. Le mardi 18
octobre 1983 à 7h20, la RTBF annonçait dans son point de l’actualité u n e visite prochaine d’Hassan
II* en Europe. « (…) Avec une certaine discrétion (c’est une visite de travail), les Européens reçoivent,
mine de rien, un hôte de marque : le roi Hassan II du Maroc. Il arrive cet après-midi. Il rencontrera
ses hôtes belges : le roi, le premier ministre, le ministre des relations extérieures. Mais l’essentiel de son
séjour sera consacré à des discussions économiques avec des représentants de la Communauté
européenne239. »
N’ayant pu venir visiter les Institutions Européennes en Belgique déjà depuis la Marche Verte de
1975, et, c o m p t e t e n u d ’ une vive opposition exprimée par les mouvements associatifs marocains
en Europe, la visite éclair du ministre Bouamoud de 1978 avait bien pour objectif de renseigner le
monarque chérifien sur l’état des lieux politique et d e m es u r e r les forces syndicales belges et
marocaines. Qui plus est, le monarque chérifien voulait être l’intermédiaire exclusif entre les
ressortissants marocains à l’étranger et les autorités des pays d’accueil. Les motifs de la visite d’Hassan
II* étaient justifiés par trois points : des préférences commerciales pour les produits industriels
méditerranéens sur les marchés européens et diverses concessions dans le domaine agricole, un volet
financier sous forme de dons et de prêts de la banque européenne d’investissement, ainsi qu’un volet
social accordant certaines garanties aux travailleurs méditerranéens établis en Europe. Toutefois, le journal
Le Soir rappelait que le pouvoir législatif continuait à être exercé par Hassan II*240.
Pour le reste, le déficit de la balance commerciale du Maroc dans ses échanges avec l’Europe se
montait, au début des années 1980, à 518 millions de dollars. La situation financière du pays n’a cessé de
s’aggraver depuis plusieurs années. Depuis le réajustement structurel ordonné par le Fonds Monétaire
International (FMI), le Maroc a dû augmenter de près de 70 % ses importations de céréales.
Dans un contexte de démographie galopante, l’Etat doit entretenir en permanence une armée de
238 Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire 1982-1983, Bulletin des questions et réponses n°36 du 12 juillet 1983,
Question orale posée par Claude Dejardin à André Bertouille. 239 RTBF Edition du mardi 18 octobre 1983 à 7h20. 240 Le Soir du 18 octobre 1983.
77
200.000 hommes dévorant 40 % du budget national241. On conçoit dès lors que les dossiers économiques
sont assez importants pour qu’Hassan II* se fasse le commis voyageur de marque. D’autant que sa visite
suit l’axe de ses principaux partenaires : Washington, Paris et Bruxelles. Entre-temps, le roi du Maroc a
pris en charge tous les pouvoirs législatifs du Parlement. Des élections étaient prévues mais Hassan II*
annonçait un report pour cause d’un référendum établissant si le Sahara occidental devait être marocain
ou indépendant. Le dossier du Sahara était bloqué depuis le sommet de Nairobi réuni en 1981 et les
élections marocaines n’eurent pas lieu non plus.
Les observateurs les plus positivement neutres parlent de démocratie contrôlée, alors que les CCRM
et certaines ONG comme Amnesty International et la Ligue des Droits de l’Homme rappellent les morts
survenus depuis les manifestations du 23 mars 1965 et les récentes condamnations expéditives depuis les
procès à l’encontre de l’ALM, des partis de gauche de l’UNFP, du PCM (PLS) et de la future USFP entre
1968 et 1974, en passant par le procès des Frontistes de 1977 et les rafles à l’encontre des grévistes
depuis le 21 juin 1981.
L’épineux dossier des Droits de l’Homme au Maroc a surtout, donc, été épinglé par les CCRM, et
lorsqu’Hassan II* est venu en Belgique pour rencontrer les ministres Wilfried Martens* et Jean Gol* au
sein de la Commission européenne, il ira jusqu’à affirmer, dans le cadre de la politique en matière de lutte
contre la clandestinité en général et contre l’arrivée des travailleurs marocains en Belgique plus
particulièrement, que: « Ceux-là (les travailleurs marocains), s’ils se sont bien conduits ou s’ils ont bien
travaillé, s’ils ont fait ce qu’ils ont fait, devraient à mon avis être confirmés dans leur travail et dans leur
situation. Il ne faudrait plus les appeler des clandestins. Disons que ce sont des gens qui ne sont pas à jour
par rapport à la législation communale et non par rapport à la législation entre Etats242».
Mais entretemps, un texte communiqué à la presse le jour même de la visite du roi à la Commission
mentionnait: « qu’un petit groupe de fonctionnaires de la Communauté européenne, mis au courant par
les rapports des ONG et des CCRM et conscient de la grave situation des Droits de l’Homme au Maroc, a
tenu à faire connaître au monarque, en brandissant sur son passage une pancarte exigeant la liberté pour
tous les prisonniers politiques, sa profonde réprobation. Les prisonniers politiques, qui ont, pour
beaucoup, connu la torture, sont détenus, parfois depuis plus de 10 ans, pour avoir seulement exercé leur
droit à la liberté d’expression et d’association qui est garanti par la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme, à laquelle le Maroc, Etat membre de l’ONU, souscrit en principe243».
Un geste symbolique venait directement d’être posé à l’encontre du roi Hassan II* dans une
Institution Européenne. Néanmoins, cette action visant à une sensibilisation quant à la situation politique au
241 Syndicats, organe de presse de la FGTB, N°43, le 22 octobre 1983. Interview d’Abderrahmane Cherradi par Anne Quinet, RTBF
Edition du mercredi 19 octobre 1983 à 19h00. La Dernière Heure du 20 octobre 1983. La Libre Belgique du 20 octobre 1983. Le
Monde du 26 octobre 1983. 242 Interview d’Hassan II par Jean-Charles Dekeyser, RTL-TV Edition du 19 octobre 1983 à 19h15. 243 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°422, Roi Hassan II – Visite en Belgique : Texte communiqué à la presse le
19 octobre 1983.
78
Maroc n’aurait pu aboutir s’il n’y avait pas eu préalablement plusieurs réunions de coordination entre les
Comités de toute l’Europe.
b.3.4 Les relations entre les CLCRM en Europe: coordinations et bilans d’activités 1977-1983.
Depuis la première coordination proposée par le Comité de Paris le 17 octobre 1977, les comités,
bien qu’autonomes les uns p a r r ap po r t aux autres, doivent proposer une méthode de synchronisation
de leurs travaux une fois par an244. Lors de cette première coordination, le Comité de Paris a proposé le
déroulement de la réunion extraordinaire, entre le samedi 15 et le dimanche 16 octobre, en vue d’échanger
les informations sur les activités des comités, les informations sur le Maroc avec un compte rendu des
relations avec les organisations marocaines (entendons les associations des Droits de l’Homme au
Maroc, mais surtout les mouvements associatifs marocains en Europe plus impliqués dans la lutte contre la
répression au Maroc). Les coordinations étaient au début, et suivant la disponibilité des membres des
CLCRM, tantôt annuelles, tantôt semestrielles voire même trimestrielles. Lors des coordinations, les
CLCRM formaient pour l’occasion l’Association des Comités de Lutte contre la Répression au Maroc. Suite
à cette première réunion de coordination, les comités ont décidé que chaque projet devait être suivi d’une
commission de travail. Selon la disponibilité des membres des différents comités, une confirmation devait
être faite par lettre. De la deuxième coordination du 5 février 1978 à la coordination du 17-18 mars
1979, cinq CLCRM venus de France et de Belgique ont dénoncé auprès de l’opinion publique
l’intervention du Gouvernement Giscard aux côtés du régime marocain, dans sa politique de répression,
d’impérialisme au Maroc et dans toute l’Afrique245.
Nous avions vu aussi que les CCRM ont marqué leur solidarité par la participation d’une mission
juridique d’envergure pour les grévistes de la faim arrêtés depuis octobre 1977. En ce sens, les CCRM
soutenaient l’initiative des grévistes qui maintenaient leur action vis-à-vis du régime en réclamant un statut
écrit pour les détenus politiques. C’était mettre Hassan II* au pied du mur, car s’il acceptait d’octroyer le
statut de détenus politiques, ce serait tacitement reconnaître le délit d’opinion. Or, selon le monarque, il
n’existait pas de détenu d’opinion mais seulement des hors-la-loi: « Pour ce qui est des prisonniers
politiques, il n’y en a pas chez nous. Il y a des prisonniers d’éthique. (…) Un homme qui sort de la loi
n’est plus un prisonnier politique. (…) Mais ceux-là ne sont pas des prisonniers, ils sont des hors-la-
loi246.»
244 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan de la coordination
du 15 au 17 octobre 1977. 245 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilans de la coordination
des CLCRM daté du 14 octobre 1979. 246 Interview d’Hassan II sur Europe 1 du 21 novembre 1976.
79
Organigramme des CLCRM en Europe247
Les CLCRM d’Europe se contactaient par lettre, mais prévenaient directement Paris dès lors qu’ils
voulaient publier des informations. Durant l e s bilans des coordinations, chaque comité était tenu
d’envoyer un rapport à Paris. Les informations sur les activités varient selon chaque comité. Ainsi, nous
pouvons retracer la trajectoire de plusieurs comités en Europe suivant leurs activités. Bien que le Comité de
Paris représente le comité central, la Belgique, les Pays-Bas, la RFA structuraient leur CCRM autour d’un
Comité intermédiaire avec Paris. L’abondante correspondance entre les comités permet de dégager cinq
comités intermédiaires entre Paris et les sections locales : Charleroi, Nîmes, Rouen, Grenoble et Avignon.
247CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°406, Les CLCRM : Listes et organigrammes : Les sections des CLCRM en
Europe. Organigramme daté de 1980.
Bruxelles
Liège
Lillle
Amsterdam
Dusseldörf
Toulouse
Limoges
Angers
Amiens
Dijon
Besançon
Lausanne
Lyon
Nice
Marseille
Aix-En-
Provence
80
A partir de 1982, chaque comité en Europe se dotera d’un numéro de téléphone d’urgence qui devait
strictement rester confidentiel.
Entre décembre 1978 et février 1979, le Comité de Dijon248 a tenu régulièrement à organiser le
dépôt de la presse du comité dans deux librairies dijonnaises. Ce comité a participé au Collectif SOS-
REFOULEMENT local et est rentré en contact avec l’Association des Marocains de France (AMF) pour
décider des axes de travail entre les deux associations. Étroitement lié aussi à l’UNEM, le Comité de Dijon
a organisé le 12 décembre 1978 une soirée de projection-débat sur l’oppression de la femme au Maghreb.
Une centaine de personnes y ont participé, dont quelques femmes immigrées qui prirent la parole. En
janvier 1979, le Comité de Dijon a marqué sa solidarité avec l’UNEM, dans laquelle un meeting fut
organisé pour exiger la légalité effective de l’UNEM et de ses responsables militants.
Cette solidarité s’est concrétisée par le lancement d’une campagne pour la libération des détenus
politiques via l’envoi de 150 lettres à des sympathisants et personnalités de la région. Le mois suivant, le
CCRM de Dijon s’est joint au Comité contre la Répression en Amérique Latine et à l’Association Médicale
Franco-Palestinienne dans le cadre d’un colloque intitulé « 10 jours contre l’impérialisme ». Durant tout le
colloque, se sont tenues une table de presse et l’exposition d’une série de panneaux sur le travail des petites
filles dans les fabriques de tapis, sur l’exploitation touristique et les implantations d’entreprises françaises
au Maroc. S’en sont suivies une projection d’un film sur la lutte du peuple sahraoui et la tenue d’un débat
sur le rôle du gouvernement français dans la région, puis l’organisation d’une soirée ayant pour thème
« la Coopération au Maroc ». Ces derniers événements ont constitué les deux interventions
spécifiques du Comité dijonnais. Des enseignants et des étudiants marocains ont débattu sur les
implications aux niveaux culturels et techniques et sur la finalité réelle de la coopération.
A Besançon249, le Comité a participé à la création d’un comité de défense des étudiants étrangers :
dix étudiants étrangers – dont six marocains – étaient menacés d’expulsion après le refus de leur inscription
en faculté. Le CCRM de Besançon a informé Paris et a soutenu l’inscription de ces 6 étudiants marocains
au Centre Linguistique Appliqué. Le CCRM de Besançon s’investissait dans l’organisation d’un travail en
rapport avec l’enfance immigrée, dont les enfants des ouvriers marocains. Le Comité de Besançon a
participé à un débat sur la répression que subissent les travailleurs marocains sur une Radio libre locale.
Le Comité d’Angers a tenu, pour sa part, une réunion toutes les trois semaines. Durant ces réunions
tenues avec la section locale de l’UNEM, il eut quelques nouveaux participants et chaque membre versa
une cotisation de 10 FF250. Durant le mois de novembre 1978, les membres du CCRM d’ Angers ont
exposé des panneaux sur la « situation actuelle au Maroc » dans les restaurants universitaires. En décembre,
le Comité a organisé le premier anniversaire de la mort de Saïda Menebehi*et a proposé une table ronde sur
248 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Dijon entre fin 1978 et début 1979. 249 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Besançon entre novembre 1978 et février 1979. 250 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM d’Angers entre novembre 1978 et janvier 1979.
81
la situation des femmes au Maroc. Entre temps, un étudiant marocain nouvellement arrivé mais inscrit
tardivement en droit s’est vu refuser sa carte de séjour. Le Comité et l’UNEM ont été à l’initiative d’un
collectif local contre l’expulsion regroupant les organisations étudiantes, humanitaires, syndicales et
politiques. Une délégation au rectorat conduite par le vice-président du bureau des Etudiants de
l’Université d’Angers a obtenu une dérogation permettant à l’étudiant marocain d’avoir sa carte de séjour.
Le 24 janvier 1979, le Comité a distribué publiquement des tracts et une pétition pour la libération des
détenus politiques en particulier celle des responsables et militants de l’UNEM. Parallèlement, le CCRM
d’Angers déplore des pratiques « peu démocratiques » au sein de l’UNEM. Le Comité signale aussi la
lenteur des informations diffusées par les bulletins du Comité de Paris.
A Lausanne, le Comité Suisse contre la Répression au Maroc s’est constitué dès le 15 avril 1978251.
Ce Comité constitue une caisse de résonnance supplémentaire pour les CLCRM de France, de Belgique et
des Pays-Bas. Malgré une faible présence marocaine en Suisse, le Comité lausannois est surtout composé
de professeurs d’université et de citoyens suisses. Ces derniers proviennent de Lausanne même, Genève,
Neuchâtel et Zürich. Appuyé par des avocats, le CCRM de Lausanne se consacrera à dénoncer la répression
politique au Maroc, à informer sur les revendications populaires au Maroc et à saisir les
organisations internationales siégeant à Genève. Le Comité de Lausanne était en étroite relation avec le
Comité de Grenoble. Il participera activement à la coordination des CLCRM de Strasbourg en 1985
comme nous le verrons plus loin.
D’octobre 1978 à mars 1979, le Comité lillois a mené une campagne en faveur du Comité de
Défense des Etudiants Etrangers252. Ce comité avait décidé de bloquer les inscriptions à l’Université de
Lille pour protester contre les arrêtés d’expulsion. Le CCRM de Lille a aussi dressé une commission qui
étudie les conditions de vie et de recrutement des mineurs marocains travaillant dans les charbonnages du
Nord. Des contacts réguliers se maintiennent avec la section lilloise de l’UNEM et ce dernier prend 10
abonnements au bulletin du Comité. Contrairement à Angers, les membres du CCRM de Lille ne
parvenaient pas à se réunir régulièrement. Le Comité rapportait, accessoirement, une anecdote selon
laquelle la chienne d’Hassan II* malade avait été transportée par avion à Nice pour y être opérée. L’animal
était escorté d’un colonel…
Durant la troisième coordination des CLCRM qui s’est tenue les 25 et 26 octobre 1980 à
Charleroi253, le Comité carolorégien a participé avec Paris, Lille et Dijon à une collecte avec le soutien
supplémentaire d’une organisation néerlandaise « la Campagne épiscopale de Carême ». La recette était
déposée sur un compte ouvert depuis 1976, et destinée uniquement à la solidarité financière à l’égard des
prisonniers et de leurs familles. A cette occasion, les sommes reçues sont destinées : aux bibliothèques des
251 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Lausanne daté du 19 avril 1978. 252 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Lilles d’octobre 1978 à mars 1979. 253 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Rapport de la
coordination de l’ASCLCRM des 25 et 26 octobre 1980.
82
prisonniers politiques, pour un montant de 11.500 florins, soit 24.381 FF. La coordination des Comités a
demandé à l’AMDH (censurée au Maroc) de fixer l’inventaire des besoins en revues, ouvrages, matériel
pédagogique, appareils audio-visuels et cours par correspondance, destinés aux prisonniers politiques et à
leurs familles, pour un montant de 33.000 florins, soit 69.381 FF. La coordination des CLCRM a décidé
d’envoyer 100 FF par mois, pendant douze mois à 50 prisonniers que les CLCRM estimaient être les
plus démunis.
Entre septembre 1981 et janvier 1982, le Comité lillois a organisé, en association avec l’UNEM, la
Ligue des Droits de l’Homme et le Collectif Français-Immigrés de Villeneuve-d’Ascq, une conférence sur
la situation économique, sociale et politique au Maroc. Cette conférence à laquelle ont assisté près de 110
personnes a été suivie de l’envoi de cartes postales au Consulat du Maroc pour réclamer la libération des
détenus politiques254. Par ailleurs, une manifestation organisée par l’UNEM le 16 décembre 1981 a
abouti à l’occupation des locaux du Consulat pendant trois heures. Cette manifestation faisait suite à
l’occupation de l’ambassade du Maroc par une septantaine d’étudiants de l’UNEM, laquelle eut lieu à
Bruxelles le 6 mars 1980255.
A Grenoble256, le CCRM a présenté aux représentants du comité de Paris ses actions pour l’année
1978 jusqu’au mois de juin 1979. Parmi les activités accomplies, le CCRM grenoblois a participé à un
meeting de soutien aux insurgés de Gafsa (ville située au Sud de la Tunisie). Le Comité a participé à une
table de presse sur le campus universitaire, aux distributions d’un tract dénonçant le caractère « gaussé »
d’une exposition sur le Haut Atlas au Musée de la ville. Le Comité de Grenoble s’est associé au Comité de
Dijon à propos d’un colloque sur l’impérialisme, au cours duquel le CCRM grenoblois a présenté un
exposé sur l’impérialisme exercé par la France sur les pays du Tiers-Monde. Néanmoins, le Comité a
cherché à créer le débat lors d’une conférence à propos du poète militant Abdellatif Laâbi*. Ce débat devait
permettre une confrontation entre les Marocains toutes tendances politiques confondues, mais ne fut pas un
succès. Alors que le Comité cherchait à réunir les différents points de vue des Marocains, il signalait un
ralentissement voire une cassure du travail à cause de la majorité des partisans communistes du PPS, de
l’UNEM et de l’USFP à propos de l’affaire du Sahara, d’une part, et, d’autre part, à cause des
sympathisants d’Ilal Amam et du 23 Mars qui n’auraient pas encouragé la bonne marche du débat.
Ailleurs qu’à Bruxelles aussi, les tensions entre les différentes tendances politiques marocaines étaient
perceptibles ; en outre, le CCRM de Grenoble redoutait fortement les membres « passagers » en son
sein et doublait sa vigilance à l’égard des auditeurs marocains.
254 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Lille entre septembre 1981 et janvier 1982. 255 Le Drapeau rouge du 7 mars 1980. 256 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Grenoble des 17 et 18 mars 1979.
83
En mars 1981, le CCRM de Rouen participe à la réalisation de la BD de « Rahal » en organisant
une collecte de fonds257. Cette collecte devait aussi permettre, quatre mois plus tard, l’impression
d’une brochure intitulée « Casablanca juin 1981 » en collaboration avec Paris. Déjà, deux ans plus tôt, le
Comité de Rouen a émis le constat suivant : « le travail doit se développer avec la participation du plus
grand nombre de Marocains258». En outre, le Comité de Rouen a participé activement au moussem
qu’organisent les associations des travailleurs marocains en Europe en mai 1981.
Un appel à une coordination des CLCRM pour le 28 et 29 mars 1981.
Appel proposé par le Comité de Rouen259
257 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Compte-rendu de la
coordination des CLCRM passée à Rouen les 28 et 29 mars 1981. 258 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Rouen en mars 1979. 259 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Appel d’une coordination
proposé par le CLCRM de Rouen daté du 11 février 1981.
84
Retour sur le Comité de Dijon. En effet, alors que le colloque sur l’impérialisme avait été un
succès, le CCRM dijonnais a pris connaissance du fait qu’une Foire Gastronomique allait se tenir dans la
ville260. Au même moment éclatait les émeutes à Casablanca et le Comité n’a pas manqué d’envoyer un
télégramme au ministre des Affaires Extérieures Claude Cheysson261. Cette foire était organisée par les
instances officielles marocaines, et, par deux fois, a été annulée. La première avait eu lieu à Caen et la
seconde à Rouen. Ces deux villes disposaient d’une section locale du CCRM, mais l’ambassadeur marocain
cherchait à avoir le soutien de la mairie et des commerçants locaux pour l’organisation de la foire. Qui
plus est, l’ambassadeur cherchait à jumeler la ville avec Meknès. Alerté, le CCRM dijonnais a lancé un
appel qui fut rejoint entre autres par : l’AMF, Artisans du Monde, Libre Pensée, le Parti Communiste
Français (PCF), le Parti Socialiste Français, le Parti Socialiste Unifié (PSU), l’UNEM et le Club Solidarité
Carnot. Ce collectif a organisé derechef un meeting auquel participèrent un membre d’une délégation de
l’Internationale Socialiste au Maroc et Christine Jouvin Daure-Serfaty*. Le bilan de ce meeting sensibilisa
le public et la Foire Gastronomique ne put se tenir.
A Brest262, le Comité a participé entre avril et septembre 1982 à la présentation d’un montage
d’une interview d’Hassan II*. Le CCRM a organisé une soirée avec projection du film « l’Attentat » et
essayait de tenir une table de presse hebdomadaire régulière.
Le Comité strasbourgeois a tenu un programme d’activités intense entre janvier et juin 1982263. Du
14 au 25 janvier, le Comité a distribué un dépliant intitulé « le Maroc touristique » à l’occasion de la
projection du film « L’envoûtement du Sud marocain ». Le 1er février, le Comité organise une rencontre
avec l’Association Catholique pour l’Abolition de la Torture (ACAT) et envoie un communiqué à trois
journaux alsaciens264 dénonçant la visite d’Hassan II* en France. Le 12 février, le Comité organise une
soirée culturelle où sont invités des chanteurs marocains et turcs. Le 23 février, le Comité fut convié à
exposer la situation du Maroc dans le cadre de la semaine panafricaine qui traitait du thème des Droits de
l’Homme en Afrique. Le 2 mars, le Comité a participé à un meeting avec des représentants de l’USFP à
propos de l’arrestation du secrétaire général du parti Abderrahim Bouabid*. Une table de vente a été
aménagée et le CCRM a fait une intervention sur les derniers évènements en rapport avec la répression.
Du 4 avril au 22 juin, le Comité a organisé un concert pour le groupe marocain Nass El Ghiwane265 et a
distribué des tracts avec la section locale de l’UNEM. Le CCRM a exposé plusieurs panneaux et a procuré
des informations dans le cadre d’une interview donnée à une étudiante en journalisme à l’Institut
260 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Communiqué : Foire
gastronomique de Dijon – Une action unitaire réussie du 21 novembre 1981. 261 Claude Cheysson (1920-2012) fut un haut fonctionnaire et homme politique français. Il a été commissaire européen chargé des
relations avec les pays en voie de développement (1973-1981) et ministre des Relations extérieures (1981-1984). 262 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Brest daté de 1982-1983. 263 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
CLCRM de Strasbourg daté du 22 juin 1982. 264 Ces journaux sont : Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Nouvel Alsacien, L’Alsace. 265 Nass El Ghiwane fut l’un des groupes musicaux les plus importants au Maroc. Ce groupe musicale est né à la fin des années
1960 et puisait dans les répertoires populaires avec un intérêt de l’actualité sociale et politique marocaine.
85
Universitaire Technologique de la ville sur la situation politique au Maroc. Enfin, une fois par semaine,
un membre du Comité a diffusé sur Radio Bienvenue (radio libre de Strasbourg) les dernières
informations en rapport avec la répression au Maroc.
A Amsterdam, le Comité local et le KMAN étaient intimement liés. Entre le 21 juin 1980 et le 6
janvier 1982266, les deux associations ont fait des communiqués de presse concernant les événements de
Casablanca. Le 25 juin, le Comité a organisé une manifestation de protestation devant l’ambassade
marocaine à La Haye et a remis à l’ambassadeur une pétition appuyée par la Fédération des Syndicats
Hollandais (FNV) et les Syndicats Nationaux Chrétiens (CNV). Trois jours plus tard, une nouvelle
manifestation a été organisée et a réuni 900 personnes. Fort de ce succès, le CCRM d’Amsterdam a réuni
plusieurs représentants des organisations syndicales, politiques et ecclésiastiques de tout le pays. Au niveau
local, le CCRM d’Amsterdam collabore avec la section locale du KMAN d’Eindhoven et l’association
humanitaire Emmaüs. Ensemble, ils dénoncent les activités des Amicales à Maastricht, n o t a m m en t
l’agression au couteau commise par leur président et ses collaborateurs à l’égard de certains militants du
KMAN. Les organisations syndicales néerlandaises proches du CCRM d’Amsterdam, ont organisé à
Rotterdam une soirée suivie d’une table ronde avec des représentants d’Amnesty International.
Les CLCRM en Europe cherchent le plus possible à investir l’espace public, s’agissant de la
répression politique au Maroc. Cet investissement se caractérise par des distributions publiques de tracts,
ainsi que par une implication dans l’enceinte universitaire où, d’une part, les CLCRM défendent les droits
des étudiants étrangers et, d’autre part, ils sensibilisent les étudiants du campus sur la vie politique au
Maroc sous une perspective d’une solidarité internationale. Par ailleurs, les CLCRM distribuent leur
bulletin d’information dans des librairies et travaillent à gagner l’opinion publique en leur faveur par des
interventions radiophoniques sur la répression politique au Maroc. L’examen de ces premières
coordinations permet d’affirmer que les CLCRM ont parfois maille à partir avec les problèmes internes
des mouvements associatifs marocains.
La coordination des CLCRM organisée à Rouen établissait une meilleure disposition des travaux
des sections locales, dressait les premières recettes et harmonisait le plus possible le fonctionnement
entre les CLCRM. A l’issue des activités portées par les CLCRM en Europe, une nouvelle association née
des CLCRM voyait le jour en France durant les deux premières coordinations européennes267:
l’Association des Parents et Amis des Disparus au Maroc (APADM). Cette association va compléter
le travail des CLCRM en dressant des listes des victimes collatérales de la répression au Maroc, tout
en centralisant davantage les listes des détenus dressées par les CLCRM. Ainsi, l’APADM publiait un
premier communiqué daté d’août 1983. Ce communiqué fut signé par 97 détenus politiques de la prison
centrale de Kénitra. Ces détenus du groupe « 83 » étaient pour la plupart des juges, des avocats, des
journalistes dont certains appartenaient à l’USFP et l’AMDH. Ce communiqué : « appelle l’ensemble des
266 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du
KMAN et du CLCRM d’Amsterdam du 7 janvier 1982. 267 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°378, APADM – Communiqués : Communiqué de l’APADM du 15 mai 1983.
86
organisations démocratiques et l’opinion publique humanitaire à exprimer sa solidarité et son soutien à
ces familles pour obtenir des éclaircissements sur le sort réservé à leurs enfants disparus depuis plus de six
mois et obtenir leur délivrance des lieux de détention secrète, à savoir les griffes de la répression et des
contraintes inhumaines268. »
Pendant la coordination des 24 et 25 octobre 1982 qui s’est déroulée à Paris269, le comité central a
demandé à chaque comité actif de lui fournir une liste de personnes susceptibles de s’abonner. Le Comité
de Paris signale la condamnation de 21 détenus en janvier 1982. Une libération est signalée, celle d’Hakima
Nagi (détenue alors enceinte) contrairement au détenu Seghir qui aurait dû sortir avec un groupe de détenus
de la prison de Meknès mais qui a finalement été transféré à la prison de Kénitra. Par contre, au pénitencier
de Settat, les lycéens déclenchent une grève de la faim. Le CLCRM de Paris prend connaissance, entre
temps, d’un voyage du Président François Mitterrand* au Maroc270. Les informations sur les détenus
filtrent au compte- goutte271. La date du voyage est encore imprécise et laisse espérer une campagne
de libération des détenus politiques. Paris propose plusieurs actions parmi lesquelles : une demande
d’entrevue d’une délégation des avocats qui sont allés au Maroc dans le cadre des deux missions juridiques
organisées en 1979 et 1981, le lancement d’une pétition, que chaque comité enverrait le plus rapidement
possible à l’Elysée et à l’Ambassadeur du Maroc en France. La priorité, pour cette pétition, sera de
rechercher des signatures de personnes connues.
Le 22 mai 1982272, le Comité de Paris prend conscience des problèmes de communication existant
entre les différentes sections des CLCRM dans le reste de l’Europe. Paris envisage, dès lors, d’adresser une
« Lettre du Comité de Paris aux autres comités » chaque mois avec l’envoi du bulletin d’information.
La circulation des informations se fait alors par trois moyens : par l’utilisation exceptionnelle d’un numéro
de téléphone en utilisant l’organigramme « d’urgence » que le Comité lillois a envoyé à chaque comité et
qui permet ainsi une liaison rapide ; ensuite, par l’utilisation plus habituelle du répondeur-enregistreur. Ce
système permet de recevoir les dernières nouvelles sur la répression au Maroc, de connaître les activités des
comités et d’enregistrer les messages relevés deux fois par jour. Le troisième moyen réside dans les
informations échangées entre les différents comités qui complètent le service répondeur-enregistreur.
Depuis 1979, les comités de Lille, Paris, Dijon, Rouen, Caen et Angers ont suivi les grandes lignes
de la politique marocaine en observant : les accords de Paix intervenus le 5 août 1979, entre la Mauritanie
et le POLISARIO, la visite d’une commission sénatoriale américaine dans les territoires occupés par le
Maroc au Sahara occidental et le bilan politique de la gauche marocaine où le PPS est de plus en plus isolé
devant l’USFP qui se présente comme la seule alternative gouvernementale au Maroc. Quant à
268 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°378, APADM – Communiqués : Communiqué des 97 détenus politiques de
la prison centrale de Kénitra daté d’août 1983. 269 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Pétition proposé par le
CLCRM de Paris lors de la coordination de Paris des 24 et 25 octobre 1982. 270 Idem 271 Cette situation empêcha le CCRM de Bruxelles de pouvoir publier son bulletin d’information. 272 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Proposition de Paris aux
sections locales des CLCRM d’amélioration de la communication des informations datée du 22 mai 1982.
87
l’UNEM, elle tenait son XVIe Congrès entre le 31 août et le 5 septembre 1979 et peinait à se relever des
troubles internes. Ainsi, les CLCRM et quelques partis de la gauche marocaine (USFP, Ilal Amam,
23 Mars et l’UNEM) ont convenu de maintenir la collaboration mutuelle là où les comités représentent un
lieu de rencontre entre toutes les organisations marocaines. Les CLCRM ne font pas d’exclusivité dans
leur soutien aux organisations politiques marocaines d’opposition. Les comités maintiennent la nécessité
d’élargir le soutien à la lutte du peuple marocain, à toutes les forces progressistes dans le monde, et le
besoin d’une alliance de toutes les forces marocaines d’opposition contre la répression.
Les différents bilans des CLCRM envoyés à Paris ont permis une synthèse des travaux des comités
reprise dans une commission interne aux CLCRM. Cette commission établit les conditions pour être agréé
CLCRM. Les conditions sont les suivantes273:
Les conditions d’adhésion aux CLCRM exigent, en plus, un maintien des activités locales, un
versement de la cotisation et une présence au moins à une coordination dans l’année. Les conditions de
participation à une coordination établissent qu’un membre doit faire partie d’un comité reconnu et que, s’il
vient pour la première fois à une coordination, le membre doit être mandaté par écrit par son comité. La
participation à une première coordination se fait à titre d’observateur ; par la suite, la participation
est plénière.
La commission du travail était suivie d’une commission matérielle. Cette commission faisait état de
la vente de la BD de « Rahal », des bulletins d’information et des tirages des brochures. Au début de
l’année 1983, les comités de Bruxelles, de Charleroi, de Lille, de Rouen, d’Amsterdam et de Paris ont
rendu compte de leur recette274:
273 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°402, ASCLCRM – Communiqués : Synthèse du travail des CLCRM. La
commission de fonctionnement datée de 1982-1983. 274 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°402, ASCLCRM – Communiqués : Synthèse du travail des CLCRM. La
commission matérielle datée de 1982-1983.
Bruxelles 24648
Charleroi 9148
- Avoir accepté la plateforme des CLCRM ;
- Avoir engagé des activités localement ;
- Avoir reçu la visite ou la caution morale
d’un CLCRM déjà existant ;
- Verser une cotisation annuelle d’un
minimum de 100 Frs ;
- Chaque membre doit verser une cotisation
au comité local d’un montant à définir par
chaque comité.
88
Cette recette va servir, en partie, à financer la mission médicale Brutsaert partie de Belgique au
Maroc durant le mois de septembre 1984.
b.3.5 La mission médicale Brutsaert-Moulaert et le Groupe « 84 » de Marrakech : 1984
Après les émeutes du 21 juin 1981, le Maroc va être secoué par de nouveaux mouvements de
grève d’étudiants dans tout le pays. Ces grèves, suivies d’importantes manifestations dans tout le Nord du
pays, témoignent d’un désespoir grandissant au sein de la jeunesse marocaine qui souffre d’un taux de
chômage énorme.
Depuis la visite du président François Mitterrand* le 29 janvier 1983, le phénomène des « diplômés
chômeurs » ne cesse de prendre une allure inquiétante275. Ces universitaires sans emploi grossissent le rang
des désœuvrés sociaux et organisent chaque année une manifestation exigeant un travail digne de leur
qualification. Par ailleurs, cette fracture systématique entre les secteurs de l’enseignement et l’emploi est
symptomatique de la nature même du système politique marocain. En effet, les meilleurs postes sont
réservés aux familles makhzéniennes les plus influentes du pays276.
Le régime cherche à casser le mouvement étudiant et ira même jusqu’à interdire certains cursus
universitaires comme en témoigne l’exemple de la fermeture de la Faculté de Sociologie d’Abdelkébir
Khatibi et Paul Pascon depuis 1968277. La répression à l’encontre des étudiants se traduit par la mise en
place d’une police spéciale chargée de surveiller les activités de ces derniers : les « AWAKS ». Cette
police des universités patrouillait régulièrement dans les enceintes universitaires et allait même jusqu’à
investir les auditoires dans le but de surveiller le contenu des cours dispensés278.
Les années 1980 marquent aussi, au Maroc, l’apparition des mouvements islamistes dans l’espace
public. Le phénomène islamiste puisera progressivement sa légitimité parmi les catégories sociales les plus
démunies, au moment où la gauche marocaine sonne son ralliement à la monarchie. Si ce ralliement
275 M. BADIMON EMPERADOR, Diplômés chômeurs au Maroc : dynamiques de pérennisation d’une action collective plurielle,
in L’Année du Maghreb, N°3, 2007, pp. 297-311. 276 P. VERMEREN, De quels ingénieurs parle-t-on ? Situation et trajectoires des ingénieurs des grandes écoles. Le cas du Maroc,
in Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, N°101-102, 2003, pp. 247-264. 277 P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l’indépendance, op. cit., p. 62. 278 UNEM section Bruxelles-Charleroi, Dossier Syndical, op. cit., p. 30.
Lille 3542
Rouen 1473
Hollande 7457
Paris 7000
Total 53268 Fr
89
pouvait se caractériser par l’adhésion au « consensus national » qui oblige l’acceptation inconditionnelle
des statuts sacrés de la monarchie, de l’Islam comme religion d’Etat et de la marocanité du Sahara
occidental, il n’était pas rare non plus que des opposants et des détenus politiques adressent et signent
une lettre-type au roi demandant sa grâce. Ces lettres d’amnistie étaient parfois reproduites telles quelles
par la presse marocaine279.
« Majesté, que Dieu perpétue Votre règne et le glorifie. Nous
adressons notre présente lettre à l’Auguste Personne de Votre
Majesté dans l’espoir de bénéficier de Sa généreuse grâce, Sa
magnanimité et Sa bienveillance paternelle.(…) Depuis le jour
où le combat de la Glorieuse Famille Royale Alaouite a été
couronné par l’indépendance du pays, Mohamed V, que Dieu
l’ait dans Sa Sainte Miséricorde, a opté pour le régime de la
monarchie constitutionnelle. Votre Majesté a suivi ce chemin
et a eu le mérite de concrétiser une conception philosophique,
déterminer le cadre constitutionnel pour l’instauration de la
démocratie dans la société marocaine et de veiller sur sa
continuité et sa stabilité. (…) Lorsque furent réunies les
conditions historiques pour la récupération du Sahara, le génie
politique de Votre Majesté s’est manifesté par l’idée de la
Marche Verte, resteront liées à l’Auguste Personne de Votre
Majesté dans la mémoire de toutes les générations de Votre
peuple et témoigneront à jamais de Votre génie. »
L’année 1984 marque une montée vertigineuse des grèves de la faim. Ces événements sociaux sont
essentiellement dus aux contrecoups de la politique libérale entamée depuis 1977. La jeunesse ne cesse de
manifester son mécontentement au régime à Marrakech, à Tétouan, à Nador et dans tout le Rif entre le 4 et
le 19 janvier 1984. Les CLCRM de France ont relevé près de 2000 arrestations entre le 19 et le 21 janvier.
Les arrestations ont principalement visé des avocats, des lycéens et des enseignants. Ces arrestations sont
signalées dans les villes suivantes280:
Marrakech 900 arrestations
Nador 500 arrestations
Fès 300 arrestations
Agadir 250 arrestations
Beni Mellal 100 arrestations
279 G. PERRAULT, op. cit., pp. 318-319. 280Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, janvier-février, 1984, p. 6.
90
Ces chiffres des CLCRM contrastent fortement avec ceux donnés par certains partis politiques
marocains tels : l’USFP qui annonce une centaine d’arrestations parmi les lycéens de la jeunesse
USFP, le PPS qui annonce des dizaines d’arrestations dont deux membres de son comité central et
l’OADP qui annonce seulement 24 arrestations dans ses rangs281.
Dans son discours du 22 janvier 1984, Hassan II* prend un ton particulièrement ferme envers les
manifestants en leur imputant l’entière responsabilité des troubles sociaux : « En vérité, il y a lieu
d’imputer cet état des choses soit aux enfants, soit à un ramassis de truands. Ceux-ci se trouvent à
Nador, à Al Hoceima, à Tétouan, à Ksar Kébir. Ces truands désœuvrés qui vivent de la contrebande et du
pillage et qui ont utilisé à Marrakech, comme c’est le cas pour tous les perturbateurs, les enfants qu’ils
ont placés au- devant des manifestations sachant qu’il est difficile pour la police de s’attaquer à eux.
On peut vous annoncer que ces truands ont été emprisonnés. De leur côté, les enfants, étudiants et élèves
doivent savoir que c’est à cause d’eux que le coût de la vie a augmenté. (…) Je m’adresse à ces jeunes
enfants qui sont manipulés par les autres pour leur dire qu’ils cessent de se livrer au petit jeu.
D’ailleurs, l’ordre a été donné pour qu’ils soient sanctionnés au même titre que les adultes. Je dis
également aux enseignants qu’ils sont connus et que ce sont eux qui entendent déclencher la grève et
manifester dans la rue. Parmi les professeurs nombreux sont ceux qui ont été renvoyés et ont ensuite
réintégré leurs postes. Certains d’entre eux ont regagné leur poste en dépit des peines de prison qu’ils ont
regretté leurs actes, nous avons décidé alors leur réintégration. Les enseignants doivent savoir qu’à
l’avenir, ils seront sanctionnés selon les dispositions de la loi en vigueur sous le Protectorat et
reconduites à l’Indépendance. Quiconque répandrait des rumeurs mensongères ou commettrait des
actions de nature à troubler l’ordre public sera sévèrement sanctionné282».
La révolte sociale enflamme le pays, au moment où Roland Dumas283, alors chargé des
relations européennes, s’est rendu en visite officielle au Maroc les 10 et 11 août 1984, afin de confirmer au
monarque que la France défendrait les intérêts du Maroc au sein de la CEE dans le cas de l’élargissement
de la communauté à l’Espagne et au Portugal. Deux jours plus tard, Hassan II* et le Colonel Mouammar
Kadhafi signent le traité d’Oujda qui préconise une union approuvée à « 99,7 % par le peuple marocain et à
l’unanimité par le Congrès du peuple libyen». Cependant, les détenus politiques de la prison centrale de Kénitra
dénonçaient leurs conditions et marquaient leurs solidarités envers 300 étudiants arrêtés à Oujda284.
Le CCRM de Bruxelles a pris, entre-temps, connaissance de plusieurs groupes de jeunes détenus
dans les prisons de Marrakech, Safi et Essaouira : il s’agit du groupe « 84 ». A l’inverse des groupes
précédents de détenu, ce groupe relevait d’une particularité dans la mesure où tous ses membres étaient
âgés, au moment des faits, de 20 à 29 ans. Le groupe « 84 » ne comprenait pas, en son sein, d’éléments
281 Maroc Répression, cit, p. 4.
282 Jeune Afrique du 1er février 1984. 283 Roland Dumas (né en 1922), est un avocat et homme politique français. Proche de François Mitterrand, il a été notamment
ministre des Relations extérieures de 1984 à 1986 et des Affaires étrangères de 1988 à 1993. Il a ensuite présidé le Conseil
constitutionnel de 1995 à 2000. 284 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, juillet-août, 1984, pp. 3-10.
91
ayant déjà un important passé politique ou syndical. Le 1er mai 1984 marquait le soutien d’un rare courage
des mères des détenus du groupe « 84 » qui sont sorties manifester pour exiger la libération de leurs enfants
à Marrakech.
Le bulletin du CLCRM de septembre 1984 publiait aussi le verdict des premiers procès contre 71
islamistes, dont le fameux procès dit des « islamiques » qui eut lieu entre le 30 et le 31 juillet 1984 : 13
peines capitales (dont 7 par contumace), 34 peines à perpétuité (dont 13 par contumace), 8 peines de 20 ans
de prison, 9 peines de 10 ans de prison et 7 peines de 4 ans de prison. Suivant le verdict de ce procès, les
CLCRM signalaient de nombreux licenciements dans les secteurs privé et public.
Ainsi, depuis le 7 mai 1984285, 460 ouvriers de l’usine Berliet-Maroc ont été licenciés. Les
travailleurs accusaient la direction d’avoir monté de faux dossiers pour accréditer la thèse de la fermeture
de l’usine et d’avoir mis les 460 ouvriers au chômage sans préavis, ni indemnités. 120 ouvriers de la
Société Chérifienne d’Electricité à Casablanca ont été expulsés alors que 140 ouvriers de l’Africaine de
Construction Métallique réclamaient la réouverture de l’usine fermée depuis le 1er juillet 1983. A Tétouan,
la Société de Textile TICSNOR a expulsé 120 ouvriers et a fermé ses portes le 12 avril 1984. Cette mesure
a provoqué la colère des travailleurs qui ont occupé l’usine, mais très vite ils en furent délogés par les
forces de l’ordre. Le 31 mai, les employés du grand Hôtel Nfis à Marrakech ont mené une journée de grève
de solidarité avec une employée expulsée arbitrairement. En guise de réponse à leur revendication, le
patron de l’établissement a renvoyé 55 travailleurs.
Plus tard, le 2 août 1984286, 133 travailleurs ont été licenciés à la suite de la fermeture de la société
coopérative agricole SECAM à Kénitra. 137 ouvriers de l’usine d’emballage A.B.C. d’Agadir ont été
licenciés, sans préavis, ni indemnités, alors que le personnel de l’Office Chérifien des Exportations a
dénoncé la décision de mettre le secteur de la conserverie entre les mains de sociétés privées. 1700
infirmières de la Santé Publique n’ont pas été rémunérées depuis juillet 1983 alors que 2000 autres ont été
licenciées. Les droits syndicaux sont de plus en plus grignotés comme en témoigne le cas des ouvriers des
boulangeries à Nador qui travaillent jusqu’à 16 heures par jour. Comme en 1977, le monarque organise des
élections législatives le 14 septembre 1984. Ces élections se déroulent alors que le pays est
économiquement au bord de la faillite et est socialement très agité. Ilal Amam, principal mouvement de la
gauche opposé à Hassan II*, signalait 2000 prisonniers politiques dans tout le Maroc287. Alors que le
Comité bruxellois relayait ces chiffres de licenciement établis par Paris, un communiqué de presse qui
avait appelé à une manifestation de solidarité organisée à Bruxelles le 29 janvier 1984 : « Suite à la
répression sanglante du mouvement social au Maroc, la manifestation organisée en quatre jours par
le Comité Contre la Répression au Maroc a réuni ce 29 janvier dans le centre de Bruxelles de 3000
285 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, septembre, mars-avril, 1985, pp. 2-5. 286 Maroc Répression, cit., p. 6. 287 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM section Bruxelles :
Communiqué de l’organisation Ilal Amam à propos des derniers développements dans les prisons au Maroc, daté du 7 septembre
1984.
92
à 4000 travailleurs marocains de toutes opinions, soutenus par des Belges. La manifestation a prouvé que
l’immense majorité de l’opinion marocaine en Belgique est foncièrement hostile au régime dictatorial et
sanguinaire qui sévit au Maroc. Le C.C.R.M. rappelle que si les manifestations populaires ont cessé, la
répression continue selon les méthodes habituelles – enlèvements, tortures, procès expéditifs – d’autant
plus furieusement que l’information internationale est empêchée288».
Manifestation organisée par le CCRM de Bruxelles. Bruxelles, le 29 janvier 1984289
Le 30 août 1984, le président du PCB-KPB Louis Van Geyt*, appuyé par le président de la FGTB
André Van den Broucke* et le sénateur Yves de Wasseige*, avait envoyé une lettre à Léo Tindemans*
devenu ministre des Affaires Etrangères après sa primature ministérielle. Au-delà de leur appartenance
commune au CCRM de Bruxelles, le président du PCB met le ministre devant ses responsabilités : « La
mort de deux étudiants qui faisaient la grève de la faim depuis le 4 juillet avec plusieurs dizaines d’autres
détenus politiques emprisonnés au Maroc suscite une émotion d’autant plus vive que de nouveaux décès
sont à craindre. Les relations que notre pays entretient avec le Maroc et les liens créés par la présence
d’une importante communauté marocaine en Belgique m’amènent à vous demander d’intervenir auprès du
288 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Communiqué du CCRM
de Bruxelles daté du 29 janvier 1984. 289 Photo de la manifestation organisée par le CCRM de Bruxelles en faveur des victimes des arrestations au Maroc, in Maroc : un
trône qui tremble sur ses bases, Publication de la Ligue Anti-Impérialiste, Bruxelles, février 1986, p. 27.
93
gouvernement de Rabat pour que l’on reconnaisse à ces jeunes gens arrêtés à la suite des émeutes de la
faim de janvier dernier le statut et les droits généralement reconnus aux prisonniers politiques et qu’ils
puissent ainsi mettre fin à leur mouvement290. » Léo Tindemans* répondait qu’il continuait à « suivre avec
une très grande attention l’évolution de cette affaire » et d’ajouter : « Notre Ambassade à Rabat a du reste
été chargée de me tenir régulièrement informé des développements de celle-ci291. »
Au Maroc, les principales revendications des jeunes du groupe « 84 » étaient292: l’amélioration des
conditions de détention par l’arrêt des tortures et l’apport de soins aux détenus torturés ou malades. Un
droit pour les étudiants incarcérés de poursuivre leurs études et de passer leurs examens avec un droit
d’accès aux journaux et aux livres, et une suppression des restrictions au droit de visite accordé aux
familles des détenus.
Pendant les préparatifs de la mission médicale, le CCRM de Bruxelles a contacté plusieurs communes
bruxelloise en vue d’organiser une collecte publique en faveur du groupe « 84 ». Cette collecte devait
compléter les recettes obtenues depuis 1983. Seules les communes de Bruxelles-Ville, Saint-Josse- Ten-
Noode et Etterbeek ont donné une suite favorable à la demande du CCRM de Bruxelles. Les communes
d’Anderlecht et de Molenbeek ont refusé d’accorder une autorisation au CCRM en raison de la foire
annuelle et du « caractère nettement politique de l’activité projetée », voire du risque « de distribution
d’imprimés contenant des offenses envers la personne d’un Souverain étranger »293. La collecte a eu lieu les
15 et 16 septembre et a permis au Comité de récolter un supplément de 15.100 FB de divers souscripteurs,
dont 10.000 FB de la CGSP secteur Enseignement de Bruxelles. 2400 FB ont directement été envoyés à 28
grévistes de la faim du groupe « 84 »294.
Les CLCRM de France ont de leur côté fait écho au cas de ce groupe, ainsi, le journal Libération du 3
septembre 1984 a consacré une page entière aux jeunes du groupe « 84 ».
290 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Lettre de Louis Van Geyt
adressée à Léo Tindemans datée du 30 août 1984. 291 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Lettre de Léo Tindemans
adressée à Pierre Le Grève datée de septembre 1984. 292 L’UNEM : Dossier Syndical, Organe de presse de l’UNEM section Bruxelles, Bruxelles, 26 septembre 1984, pp. 1-2. 293 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Communiqué interne du
CCRM de Bruxelles daté du 15 septembre 1984. 294 Idem
94
Les détenus du « groupe » 84. Les deux principaux portraits représentent, de gauche à droite, Moustapha
Belhouari et Boubkeur Moulay Douraïdi tous deux morts d’une grève de la faim les 28 et 29 août 1984295
295 Libération du 3 septembre 1984.
95
Demande d’une autorisation et recettes obtenues du CCRM de Bruxelles d’une collecte publique en faveur
du groupe « 84 »296
La mission médicale a fait l’objet d’une minutieuse préparation297. Les Docteurs Moulaert*et
Brutsaert ont introduit auprès de l’Ambassade du Maroc en Belgique une demande officielle de visa avec
comme demande : Mission professionnelle – médicale et humanitaire. Une fois les visas accordés, les deux
médecins ont contacté la Ligue Belge pour la Défense des Droits de l’Homme. Cette dernière a adressé
quatre télégrammes : le premier à l’Ambassade de Belgique, le second au Ministère de la Justice, le
troisième au Ministère de la Santé et le quatrième au Ministère de l’Intérieur à Rabat.
Il s’agit donc d’informer officiellement deux médecins belges. La mission médicale a duré une
semaine, du 12 au 19 septembre 1984. Une fois sur place, les deux médecins ont dressé un plan de travail
qui consiste à rencontrer les détenus et grévistes de la faim dont treize personnes à l’Hôpital La Mamounia
à Marrakech, six à l’Hôpital Mohamed V à Safi et neuf à l’Hôpital Sidi Mohamed Ben Abdallah à
296 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Demande d’une
autorisation suive des recettes du CCRM de Bruxelles d’une collecte publique en faveur du groupe « 84 » datée du 18 septembre
1984. 297 L’UNEM : Dossier Syndical, Organe de presse de l’UNEM section Bruxelles, Bruxelles, 26 septembre 1984, pp. 2-3.
96
Essaouira. Ensuite, les médecins belges ont rencontré les médecins marocains responsables et réanimateurs
des trois hôpitaux mentionnés. Puis, une rencontre avec les avocats des détenus et l’AMDH a été effectuée
pour, finalement, rencontrer les familles des détenus.
Cependant, les médecins belges furent obligés de rencontrer préalablement le pacha de Marrakech,
le Gouverneur (amil) de la région et le ministre de la Justice Moulay Mustapha Belarbi Alaoui. Les
médecins belges décrivaient leur méthode de travail dans le rapport. Ainsi, ils confirmaient qu’ils avaient
retranscrit le plus fidèlement possible les actions et conversations tenues avec les médecins marocains, les
membres de l’AMDH et les parents des détenus du groupe « 84 ». C’est suivant ce plan de travail que les
Docteurs Brutsaert et Moulaert* ont essayé de réaliser leur mission ; néanmoins plusieurs obstacles ont
été signalés parmi lesquels298:
- L’impossibilité sur place d’obtenir les autorisations officielles ;
- Des difficultés constantes à établir des communications téléphoniques ou télex avec l’Ambassade
de Belgique ou les autorités marocaines compétentes ;
- Une surveillance et des filatures policières constantes dès l’arrivée des médecins au Maroc ;
- Une priorité absolue de ne compromettre qui que ce soit par la mission.
Dès le premier jour, le 12 septembre, les médecins belges signalent des difficultés à obtenir les
autorisations officielles pour rencontrer les détenus dans les hôpitaux, ainsi que des difficultés à obtenir des
communications avec l’ambassade et les autorités locales. Le lendemain à 12h30, les médecins belges ont
téléphoné au Docteur (chirurgien-pédiatrique) El Kabach exerçant à l’Hôpital La Mamounia. Un rendez-
vous fut fixé à 15h00, le Docteur El Kabach reçut les deux médecins belges et leur recommanda vivement
de ne rien dire par téléphone et de ne pas parler avec la Ligue des Droits de l’Homme. Bien que le Docteur
El Kabach ait cherché à rassurer les médecins belges, ces derniers ont rappelé au médecin marocain que
sur les 36 détenus grévistes répartis dans les trois hôpitaux, deux étaient morts des suites de cette grève
de la faim. En plus, les détenus étaient enchaînés sur leur lit d’hôpital par des menottes et des liens aux
pieds et qu’ils portaient des trous de brûlures sur le corps. Ce dernier point a été confirmé par les avocats
des détenus. Après avoir entendu ces informations, le Docteur El Kabach adopta un ton plus prudent : «
Je dépends du Ministère de la Santé. J’ai une double responsabilité. Je suis médecin et fonctionnaire. Je
ne veux pas d’histoires ni avec la police, ni avec La Ligue des Droits de l’Homme. (…)299».
Le vendredi 14 septembre300, les médecins belges se sont rendus à l’Hôpital Mohamed V dans la
ville de Safi où étaient détenus neuf grévistes. C’est dans cet hôpital qu’est décédé le 29 août 1984 un
des jeunes du groupe « 84 » : Mustapha Belhouari. Arrivés à 15h00, les médecins belges rencontrent le
médecin responsable le Docteur Chakib. Le Docteur Chakib cherche à dissuader les médecins belges de se
rendre à Essaouira, qui est l’ultime destination de l’équipe médicale belge. Enfin, au grand étonnement des
298 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, Rapport médical sur les grévistes du groupe « 84 », Bruxelles, 19 septembre 1984, pp. 4-
5. Interview de Colette Moulaert le 3 mai 2014. 299 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, cit., p. 7. 300 Idem
97
médecins belges, le Docteur Chakib nie le fait que Mustapha Belhouari et Boubker Moulay Douraïdi soient
morts d’une grève de la faim.
Le samedi 15 septembre 1984, les médecins belges se rendent à l’Hôpital Sidi Mohamed Ben
Abdallah dans la ville d’Essaouira après 4 heures de voyage en bus. A leur arrivée à 10h00, une infirmière
invite les médecins à revenir le lundi car le médecin-directeur n’était pas là. Les médecins belges se rendent
alors au standard pour téléphoner au médecin-chef. La réponse est immédiate. Durant l’entretien
téléphonique, le Docteur Colette Moulaert* demande au médecin-chef de l’hôpital une entrevue. Ce dernier
refuse en prétextant qu’il n’a pas d’autorisation. Une minute plus tard, le médecin-chef rappelle le standard,
revient sur sa décision et désire rencontrer les médecins belges. Ces derniers rencontrent le médecin-chef
inquiet, sinon paniqué. Se voulant être rassurant, le médecin-chef affirme que « les prisonniers vont très
bien ». Le Docteur Colette Moulaert* demande des explications sur les symptômes de diabète que
présentait un détenu. En effet, Jamal Benyoub avait un taux de glycémie dépassant 200mg / %. Le Docteur
marocain répond qu’il ne s’agit pas de diabète mais « d’acétone de jeune ! ». Le bref entretien se
termine par la question cruciale sur les circonstances du décès de Boubker Moulay Douraïdi et
Mustapha Belhouari. La réponse fut pareille à celles des deux précédents médecins marocains : « Nous ne
savons pas ! 301».
Entre le 18 et le 19 septembre 1984302, les médecins belges ont rencontré un membre de
L’Association Marocaine des Droits de l’Homme (qui a demandé qu’on ne cite pas son nom). Pendant cette
rencontre, les médecins belges ont appris que les deux morts des suites de la grève de la faim ont refusé de
manger, de prendre des médicaments. Pour les détenus du groupe « 84 » qui ont cessé la grève, ils
recouvrent leur santé avec beaucoup de difficultés, des séquelles, des paralysies des membres et des
troubles de la vue. Les médecins belges ont téléphoné aux familles du groupe « 84 ». Contrairement au cas
des médecin-chefs des hôpitaux, un rendez-vous est immédiatement obtenu. Les informations que les
familles des détenus ont fournies aux médecins belges contrastent fortement avec les maigres
renseignements obtenus des médecins marocains.
Tout d’abord, les médecins belges ont appris que l’Hôpital Sidi Mohamed Ben Abdallah à
Essaouira ne dispose pas d’un équipement sanitaire adéquat : la nourriture est très mal adaptée et on ne
prend pas la température des patients. Les autorités ont, de plus, expulsé un médecin français qui voulait
s’occuper des grévistes. Ensuite, les Docteurs Brutsaert et Moulaert*ont appris avec effroi que le
Docteur Chakib, médecin-chef de l’Hôpital Mohamed V à Safi, était aussi agent de la DST. Il n’a
donné aucun traitement avant le premier décès, cependant qu’une équipe médicale comprenant le Docteur
Réda et le Docteur Moutawakil était venue de Casablanca et Rabat pour donner des soins et transférer les
détenus les plus faibles vers Marrakech. Dans cette dernière ville, il apparait que le Docteur El Kabach a
maintenu une situation plus calme dans l’hôpital. Le médecin restait en contact avec les détenus et les
301 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, cit., pp. 9-10. 302 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, cit., pp. 10-14.
98
familles. Dans l’hôpital, les policiers ne rentraient pas dans les chambres mais demeuraient dans les
couloirs et devant les fenêtres.
Les médecins belges ont rencontré les parents des deux grévistes morts. Le père de Mustapha
Belhouari témoigne des motifs et des sévices subis par son fils. Mustapha Belhouari était président de
l’UNEM, section Marrakech, et recherché depuis 1981. Une dizaine de policiers font irruption dans le foyer
familial après les émeutes de janvier 1984. Après avoir fouillé toute la maison, les policiers arrêtent le frère
de Mustapha, Abdallah, le torturent pour qu’il avoue où s’était caché Mustapha. Le 23 janvier 1984, la
police a arrêté le père et la mère de Mustapha Belhouari ; il a dû se rendre sous la menace de torturer ses
parents. Entre le 23 janvier et le 29 mai 1984, Mustapha Belhouari a été transféré au centre de détention
Derb Moulay Cherif. Au Derb Moulay Cherif, Mustapha a subi, pendant près de deux mois, plusieurs
tortures dont : les punaises dans les lèvres, les électrodes dans les oreilles, l’anus et les testicules. Les
pièces seront ensuite chauffées à blanc. La suspension des pieds de la victime en l’air sera suivie d’un
viol par des animaux entraînés à cet effet. La rencontre des médecins belges avec les grévistes de la faim du
groupe « 84 » de la prison civile de Marrakech avait permis au CCRM de Bruxelles de dresser une liste
reprenant les noms, les professions et les condamnations des grévistes303.
Après cette mission médicale, le CCRM de Bruxelles avec l’aide de son réseau de s olidarité,
publiera en février 1986 un dossier complet dédié aux grèves survenues en 1984. Ce dossier a été publié
dans le quatrième numéro de la Ligue Anti-Impérialiste ; il reprend des extraits du rapport médical
Brutsaert-Moulaert suivi des témoignages et extraits de lettres des familles des détenus du groupe « 84 »304.
Hassan II* vivait sa vingt-quatrième année de règne, la répression politique aussi. A l’heure où le
monarque organisait le mariage fastueux de sa fille, la princesse Meriem, à Fès, le régime des tortures
s’intensifiait envers les détenus. Les procédures restent forts similaires : rechercher le suspect, faire
pression sur ce dernier à travers ses proches, incarcérer le suspect qui devient accusé et le torturer suivant
son degré d’implication dans la politique.
b.3.6 Du colloque des CLCRM organisé à Paris, à l’affaire Albert Raes : 1985-1989
Le succès de la mission médicale Brutsaert-Moulaert a permis la tenue d’une coordination entre le 6
et le 7 octobre 1984 à Amsterdam305. Cette coordination faisait le point sur les informations relatives à la
situation au Maroc et à la situation interne des comités. Ainsi, le Comité parisien a réitéré sa volonté de
centraliser les informations des comités locaux en vue de les diffuser dans la presse. Cependant, les
CLCRM signalaient la difficulté grandissante quant à la collecte des informations au Maroc et à leur
vérification. Dans un souci d’efficacité, les CLCRM devaient envoyer une fiche supplémentaire de
renseignements à Paris. Cette fiche devait indiquer si une initiative locale était prise par un CLCRM. Cette
initiative relevait souvent d’un projet de réunion, de meeting ou du lancement d’une pétition. Le succès
303 Voir les annexes. 304 Voir les annexes. 305 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°405, les CLCRM – Communiqués de presse : Bilan de la coordination des
CLCRM tenue à Amsterdam daté du 8 octobre 1984.
99
des activités des CLCRM de la France, de Belgique et des Pays-Bas a été aussi à l’origine de la création
d’un nouveau mouvement citoyen pour la défense des Droits de l’Homme. Il s’agit de l’Association
de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (ASHDOM)306. L’ASHDOM a été créée en France durant
l’année 1984 par des militants marocains en exil. Comme l’APADM, elle publiait des rapports sur les
atteintes aux droits de l’Homme au Maroc et donnait ponctuellement toute information qui lui parvenait sur
les différentes formes de répression dont le régime marocain était responsable. De son côté, le CCRM de
Bruxelles publiait dans « Maroc Répression » de janvier 1985 l’ensemble des licenciements intervenus en
1984 en énonçant les conditions déplorables subies par les ouvriers agricoles de la région de Beni
Mellal307. Ces derniers percevaient 300 dirhams (à peu près 30 euros) par mois, travaillaient jusqu’à 10
heures par jour, pouvaient être expulsés s’ils revendiquaient leurs droits et étaient dirigés par un
contremaître usant parfois de la violence physique. Des grèves sont entamées par les détenus de la prison
civile de Tanger entre le 28 décembre 1984 et le 5 janvier 1985 pour protester contre leurs mauvaises
conditions de détention. Entre le 11 et le 18 janvier, 25 prisonniers politiques de la prison de Laâlou à
Rabat ont protesté contre les mesures inhumaines subies dans les hôpitaux. Ces derniers ont été menacés
d’être privés de soins.
Parallèlement à ces faits, le bulletin annonçait des rafles et enlèvements à l’encontre des étudiants.
Parmi ceux-ci, il y avait : Mustapha Trachli, instituteur stagiaire, Anouar Jouhari, étudiant à la Faculté des
Lettres de Rabat, et Haydour Mellali qui était aussi étudiant à la même faculté universitaire. Ces trois
personnes furent arrêtées le 14 janvier 1984. Le militant Sebbar est condamné, à la suite des événements de
janvier 1984, à 10 mois de prison. Sa peine purgée, il a subi de nouveaux interrogatoires et a été présenté
au Tribunal de Tétouan le 12 décembre 1984. Sebbar a été condamné à 30 ans d’emprisonnement par
contumace alors qu’il était détenu. Par ailleurs, le CCRM dénonçait l’enlèvement de Mohamed Rafik
depuis juin 1981. Ce dernier était étudiant à Montpellier et responsable de la section locale de l’UNEM. Sa
soudaine libération révélait ses tortures subies. Toutes ses dents sont cassées et il souffre de troubles de
mémoire dus à une blessure profonde à la tête. D’autres libérations soudaines sont signalées, ainsi Lahbib
Ballouk et Fouad Abdelmoumni sont soudainement réapparus. Le premier, disparu depuis 1973 et le
second en 1976. Les CLCRM de France et de Bruxelles, avec la collaboration de l’APADM, ont publié une
lettre ouverte écrite par la mère d’un étudiant marocain porté disparu depuis le 2 février 1983 : « Monsieur
le Ministre (marocain de la Justice) J’ai l’honneur de vous rappeler que mon fils NHILI Abderrazak, enlevé
depuis le 2 février 1983, alors qu’il n’était âgé que de 17 ans, est toujours disparu. Ainsi il totalise 3
années de disparition. Je vous rappelle que nous étions en contact avec lui pendant les premiers mois de sa
détention, alors qu’il était gardé à vue au commissariat de police de Maarif à Casablanca, et nous avons
appris qu’il avait été conduit plus tard dans un autre centre de détention secrète. Depuis lors, on est coupé
306 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°383, ASHDOM-CLCRM – Coordination : Rapport des activités des
CLCRM daté d’octobre et novembre 1984. 307 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, novembre-décembre, 1985, pp. 2-6.
100
de toute nouvelle le concernant, à part les rumeurs qui laissent entendre qu’il est séquestré au centre
de détention secrète de Derb Moulay Cherif dans un état inhumain308. »
Le 22 janvier 1986, la question de l’enseignement du culte islamique est de nouveau l’objet d’une
interpellation parlementaire en Belgique. Jean-François Vaes (ECOLO) pose la question suivante à André
Damseaux (MR) alors ministre de l’Education Nationale sous le sixième Gouvernement Martens (du 28
novembre 1985 au 19 octobre 1987) : « (…) Le journal La Cité nous apprend dans son édition du 15
novembre 1985 que « le bureau exécutif du Centre islamique et culturel de Belgique (est) composé des
ambassadeurs d’Arabie Saoudite, du Niger, du Maroc et de l’Iran » et que « dans les nominations (de
professeurs de religion musulmane), dans l’organisation de l’enseignement et dans les programmes,
l’intégrisme transparait très largement. (…) Cette situation prête à l’inquiétude, car des cours de religion
islamique ainsi conçus ne favorisent aucunement l’intégration en Belgique des jeunes étrangers qui
souvent sont nés chez nous (…). De plus, ces cours mettent à mal tout le travail d’intégration et de respect
mutuel proposé par des associations socioculturelles (et ceci dans le respect mutuel des cultures, celle
d’accueil et celle d’origine) qui travaillent dans les milieux immigrés. (…) Enfin, l’honorable ministre
peut-il me faire savoir si la mise sur pied d’une cellule visant à la sélection des professeurs de
religion islamique au sein de son administration n’apporterait pas une première solution à ce problème
important, et pour la nomination des professeurs et pour l’organisation et les programmes de cet
enseignement ?309(…) ». André Damseaux, contrairement à son prédécesseur André Bertouille, reconnait
un flou juridique en la matière et propose une gestion du culte islamique à travers une instance
interlocutrice : « (…) L’arrêté royal du 3 mai 1978 « portant organisation des comités chargés de la
gestion du temporel des communautés islamiques reconnues » n’a pas été suivi des mesures d’exécution
prévues en son article 18. Un interlocuteur étant indispensable pour les désignations des professeurs de
religion, le directeur du Centre islamique et culturel de Belgique310(…). »
A partir de 1984, les comités d’Europe ont changé de stratégie en termes d’interpellation de
l’opinion publique sur la répression au Maroc. En plus d’informer par la presse, les manifestations
publiques et la constitution des dossiers, les CLCRM ont convenu, lors de la coordination du 8 au 10 mars
1985 à Paris311, qu’il fallait désormais régulièrement interpeller les Institutions Européennes quant à la
situation politique au Maroc. Le choix était porté sur Strasbourg. A cet effet, les CLCRM, l’APADM et
l’ASDHOM ont organisé une conférence dans le Parlement Européen le 12 novembre 1986312. Cette
conférence d’information intitulée « Le Maroc Etat de Non Droit » a été l’objet d’une préparation
308 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°377, APADM – Appel : Communiqué des parents des détenus du groupe
« 83 » publié par l’APADM et les CLCRM daté d’août 1983. 309 Annales Parlementaires de Belgique, Sénat séance du 22 janvier 1986, Bulletin des questions et réponses n°30 du 6 mai 1986,
Question posée par Jean-François Vaes à André Damseaux sur la nomination des professeurs de cours de religion islamique, pp.
977-978. 310 Idem 311 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°405, les CLCRM – Communiqués de presse : Rapport de la coordination
des CLCRM du 8 au 10 mars 1985. 312 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM – Notes sur la répression : Note sur la
présentation de conférence tenue à Strasbourg le 12 novembre 1986.
101
conséquente qui a nécessité trois rencontres avec les parlementaires européens des groupes communistes et
Arc-en-Ciel entre mars et juillet 1986. C’est l’Organisation néerlandaise pour la Coopération Internationale
de Développement (NOVIB) qui a apporté son concours. Parmi les associations marocaines, il y avait
l’ATMF, le KMAN et l’UNEM. Enfin, étaient présents les CLCRM de Paris, de Strasbourg, d e Brest, de
Grenoble, de Nancy et d’Amsterdam. Le bureau bruxellois ne pouvant assister à cette rencontre, ce
furent les CCRM de Charleroi et de Liège qui représentèrent la Belgique. La conférence s’est
déroulée en trois temps313:
- L’audition des témoins de la répression au Maroc : qui réunissait des victimes de la répression,
des proches des disparus et des observateurs judiciaires et médicaux. A cet effet, un message
du professeur Minkowski* a été lu aux parlementaires. Le contenu de cette dépêche dénonçait les
conditions déplorables des grévistes de la faim arrêtés depuis 1984, reprenant une grève en
août 1985.
- L’exposition de diverses analyses : qui regroupaient les arguments émis par l’Amiral Antoine
Sanguinetti*, membre du Comité central de la Ligue Française des Droits de l’Homme, une analyse
minutieuse des textes législatifs de la Constitution marocaine par un ancien président de
l’ASDHOM : Maître Driss Anwar et la présentation d’Alain Moreau, membre du CCRM de Liège,
quant aux atteintes aux Droits de l’Homme au Maroc et aux pressions des Amicales exercées à
l’encontre des travailleurs marocains émigrés en Europe. Le dossier constitué par le CCRM de
Liège faisait état de 300 à 400 disparus au Maroc314.
- Le bilan de la conférence : où plusieurs décisions ont été prises parmi lesquelles : une diffusion
des notes de synthèse à tous les parlementaires, une publication des « actes » de la conférence et la
constitution d’un intergroupe sur le problème des Droits de l’Homme au Maroc.
Mises au courant de cette activité, les Amicales intentèrent plusieurs agressions physiques contre
des militants marocains du KMAN. Ainsi, un communiqué de l’ASHDOM daté du 14 mars 1987
dénonçait les attaques à coups de barres de fer et de couteaux commis par les Amicales envers le président
et envers un membre du KMAN sept jours plus tôt315.
La réussite de cette conférence a obligé Hassan II à annuler sa visite officielle prévue le mois
suivant. Le succès de cette rencontre a permis aux CLCRM d’organiser une nouvelle réunion dans la ville
même le 9 avril 1987316. Durant ce second colloque, les CLCRM ont décidé de faire connaître
publiquement l’existence du bagne secret de Tazmamart. Les CLCRM avaient déjà pris connaissance de
l’existence de ce bagne sept ans plus tôt comme en témoignait cette lettre d’un détenu anonyme parvenue
313 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°410, ASCLCRM – Rapport de la conférence de Strasbourg : Compte rendu
de la conférence tenue à Strasbourg le 12 novembre 1986. 314 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM – Notes sur la répression : Rapport sur
les disparus présenté par le CCRM de Liège lors de la conférence de Strasbourg daté du 12 novembre 1986. 315 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°381, ASHDOM-APADM-CLCRM – Communiqué de presse : Communiqué
de l’ASHDOM relatif aux activités des Amicales daté du 14 mars 1987. 316 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°384, ASHDOM-APADM-CLCRM – A propos de la journée des disparus au
Maroc. Notes et correspondance 1987 : Rapport sur la « journée des disparus au Maroc » tenue à Strasbourg le 9 avril 1987.
102
au CLCRM de Paris le 12 juillet 1980 : « Je ne trouve pas de mots, ni d’expression pour décrire la
situation de quelques misérables souffrant parmi les humains. Car depuis la venue d’Adam sur terre,
on a vu de rares exemples. Une mort horrible que nous ingurgitons goutte à goutte. Depuis notre entrée
dans un trou noir, nous ne sommes pas sortis un seul jour au soleil…La faim, l’obscurité, la saleté,…la
solitude…les maladies…le manque de soins ; la routine, le manque d’air, le désespoir ? Résultat,
presque le quart de nos camarades sont morts dans les pires conditions. Le prisonnier gémit en
solitaire, puis s’éteint petit à petit, sans trouver quelqu’un pour lui porter un verre d’eau, dans un amas
de détritus (…)317. »
Aucune forme de vie ne devait sortir de ce sinistre lieu. Les détenus du bagne étaient, comme le dira
plus tard Gilles Perrault* dans « Notre Ami le Roi » : « des « Anihommes » un peu plus que des rats, un
peu moins que des hommes318». Rien n’était mis à disposition pour les prisonniers. La « vie en caverne »
prenait tout son sens à Tazmamart. A cet égard, un second témoignage nous donne un éclairage sur les
conditions de détention du bagne à travers ces quelques lignes d’une lettre écrite le 5 août 1980 : « (…) Ce
sont des cellules de 4m² sans air et sans lumière : elles sont nauséabondes : les toilettes mal conçues et
sans chasse d’eau se trouvent dans un coin. Il n’y a pas de fenêtre. Un trou dans le plafond laisse filtrer
une lumière blafarde : pauvre reflet ! Il y a un double plafond en tôles ondulées, qui nous permet de
distinguer dans la morne continuité la nuit et le jour. Véritables fournaises en été, elles se transforment en
chambres froides l’hiver (8mois). L’ameublement se réduit à un broc, une assiette et un pot déformés en
plastic. Deux couvertures rongées par les mites, étalées sur un « sommier » de pierres constituent la literie
du prisonnier que partagent les punaises et les cafards, maîtres incontestés des lieux. Les scorpions
prolifèrent. Les serpents viennent quelquefois chasser les rats dans le couloir au grand amusement des
geôliers (…). La nourriture se compte invariablement d’un verre de café noir, fade et froid et d’un demi-
pain souvent rassis, sinon pourri (ration journalière) pour le petit déjeuner. En guise de déjeuner ils
distribuent au petit bonheur la chance et en vitesse (l’odeur les irrite) de l’eau de vaisselle qu’ils appellent
potage dans laquelle nagent quelques légumineuses. Même cérémonie le soir, un bol de pâtes alimentaires
mélangées au reste de repas de midi. (…) L’eau est insuffisante et rationnée : un broc de 5 litres par jour.
(…) Toute conversation est presque impossible : la disposition des cachots l’interdit et le brouhaha des
autres voix transforme le bâtiment en véritable foire. Le seul refuge qui lui reste est la prière et la
prostration. Le Coran fut d’un grand soutien tout au long de notre séjour. Le prisonnier est habillé en
haillons, les pieds nus ; ses cheveux et sa barbe qui n’ont pas vu le coiffeur depuis plusieurs années lui
donnent l’aspect non rassurant d’un clochard authentique. Les pluies de l’automne transforment la plupart
des cellules en mare, puis en marécages. (…) Un camarade qui avait une excellente santé nous informe
qu’il saignait abondamment du nez ; plus tard, il nous fit savoir que ses jambes commencent à ne plus le
supporter. Livré à lui-même, il ne pouvait plus venir prendre sa nourriture à la porte et faisait ses besoins
317 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°310, Les détenus de la prison de Tazmamart : Lettre d’un détenu de
Tazmamart datée du 12 juillet 1980. 318 G. PERRAULT, op. cit., p. 277.
103
dans ses haillons. (…) La paralysie partielle commença et devint totale : plus tard, le délire du camarade
nous fit partager avec lui des nuits cauchemardesques. (…) Un transfert inopiné de quelques camarades à
l’autre bâtiment nous apprit qu’à cette date ils avaient déjà 6 morts319(…). »
En 1987, une nouvelle affaire a été étudiée par les CLCRM : la famille Oufkir. La famille du
général Mohamed Oufkir* a dû payer la félonie de ce dernier lors du deuxième coup d’Etat intenté contre
Hassan II*. Depuis fin décembre 1972 jusqu’en 1987, la femme et les enfants de l’ancien général ont été
successivement internés dans plusieurs résidences isolées situées dans le sud-est marocain320. En avril
1987, la famille Oufkir a pu prendre contact avec les avocats Georges Kiejman* et Bernard Dartevelle. Ces
deux avocats vont, à partir du 15 janvier 1988, plaider le cas de la famille Oufkir auprès de l’opinion
internationale321.
Les collectes organisées par le CCRM de Bruxelles au profit des détenus politiques permettent des
résultats concrets tels l’exemple de cette lettre écrite par le détenu de la prison civile de Tanger, Saïd
Karaoui, au CCRM de Bruxelles, datée du 24 août 1987: « Cher ami : j’ai appris aujourd’hui que vous
m’avez envoyé une somme d’argent, il y a à peu près deux mois. J’étais pendant ce moment à la
prison civile de Tétouan où je passe régulièrement mes examens. Je me suis inscris à la Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines à Tétouan. Après mon retour, l’administration ne m’a pas informé. C’est
seulement aujourd’hui, et par hasard, que j’ai fait connaissance de votre nom. Je suis allé à la cantine
avec un de mes camarades qui voulait demander certaines choses…Lorsque le cantinier ouvrit le registre
pour inscrire les demandes, je découvris que j’avais moi aussi un compte que j’ignorais. J’ai demandé
alors le nom de l’envoyeur et ainsi j’ai obtenu votre adresse. Cher ami : j’apprécie votre geste de
solidarité et de sympathie envers ma personne, je vous dois reconnaissance et respect, je vous salue de tout
mon cœur322. » « Maroc Répression » d’octobre 1988 a dressé un récapitulatif des principales grèves au
Maroc. Pour éviter les scénarii de 1981 et 1984, le régime marocain cherchait le plus possible à
atomiser les mouvements de grèves.
319 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°310, Les détenus de la prison de Tazmamart : Lettre d’un détenu datée du 5
août 1980. 320 M. OUFKIR et M. FITOUSSI, La Prisonnière, Paris, Grasset, 1999, pp. 121-227. 321 A. KIEJMAN et B. DARTEVELLE, Le Livre blanc sur les Droits de l’Homme au Maroc, Paris, Publication de la Ligue des
Droits de l’Homme, 1989. 322 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°307, Les détenus de la prison de Tanger : Lettre de Saïd Karaoui adressée
au CCRM de Bruxelles datée du 24 août 1987.
104
Quelques revendications ouvrières menées entre le 1er mai 1987 et le 1er mai 1988323
Usine ou
entrepris
e
Ville Nature de la lutte
menée
Dates ou périodes Causes et
revendications SOGIER Casablanca 72h de grève
renouvelables
12, 13 et 14 mai 1987
Réintégration des
travailleurs licenciés.
Versement des salaires.
PUITS DE TOUIT Casablanca Grève illimitée A partir du 10 mai
1987
Mettre un terme aux
agissements et aux
sanctions arbitraires de
la direction.
Titularisation des
ouvriers qui exercent
depuis 6 ou 7 ans.
Augmentation de la
prime de l’Aïd Al
Adha. Octroi de
chaussures de sécurité
4 fois par an.
ICOM Salé Grève illimitée A partir de mai 1987 Réduction de l’horaire
de travail.
AJOUR ATLAS (fabrique de briques)
Azrou (Atlas) Grève illimitée A partir du 19 juin
1987
Protestation contre les
pratiques répressives
de la Direction
MOULINS NAJAH Rachidia Manifestation des
ouvriers
28 juin 1987 Versement des salaires
des 3 derniers mois.
SOFAQUIS - Grève illimitée A partir du 3 juillet
1987
Respect des libertés
syndicales.
Réintégration des
salariés licenciés.
Installation d’une
infirmerie. Versement
des congés payés.
TEMSA Tétouan Grève en guise
d’avertissement
25 août 1987
renouvelable du 3 au
10 septembre 1987
Pour la sauvegarde des
acquis suivants :
ancienneté, prime de
panier, heures
supplémentaires,
protection sociale,
indemnisation des fêtes
nationales et
religieuses.
Lors des deux conférences de l’ASCLCRM organisées à Strasbourg, une réunion de coordination
est décidée à Genève le 15 et 16 octobre 1988324. Les CLCRM de Paris, Grenoble, Strasbourg, Limoges,
Amsterdam et de Belgique ont saisi la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU sur la question des
grévistes de la faim au Maroc. Durant cette coordination, le CLCRM de Paris proposait aux autres comités
présents de réunir tous les CLCRM d’Europe en vue de les organiser en une ONG. Par conséquent, devenir
une ONG permettrait aux CLCRM de faire partie de plusieurs réseaux humanitaires. Cette idée était
323 Maroc Répression, Bulletin mensuel du CLCRM de Paris, N°31, septembre-octobre 1988, pp. 3-4. Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM de Bruxelles, avril-mai, 1989, pp. 5-7. 324 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM – Notes sur la répression au Maroc :
Rapport de la coordination de Genève daté du 15 et 16 octobre 1988
105
soutenue par SOS – Torture, qui, fort d’un soutien de plusieurs milliers d’ONG, a proposé aux CLCRM
d’établir une collaboration commune pour le cas du Maroc. La proposition est restée lettre morte car
transformer les CLCRM en une ONG aurait demandé du temps et de l’argent.
Parallèlement à la coordination de Genève, le Parlement Européen de Strasbourg a voté une résolution sur le
non-respect des Droits de l’Homme au Maroc, laquelle exprima325 :
- Une inquiétude de la permanence du non-respect des droits des prisonniers politiques dans
les prisons marocaines et des atteintes à leur intégrité physique ;
- Une demande au gouvernement marocain et au roi Hassan II de renoncer à appliquer la
peine de mort et de prononcer l’abolition de la peine capitale ;
- L’obligation pour le gouvernement marocain d’accéder aux demandes, justifiées sur le
plan des droits de l’Homme, visant à améliorer les conditions de détention en reconnaissant aux prisonniers
le droit de recevoir la visite de leur famille, le droit de se consacrer à l’étude et à la lecture des journaux ;
- La demande au Président du Parlement européen et à la Commission de faire connaître
aux autorités marocaines ses préoccupations et son souci de voir le Maroc mettre en pratique ses
engagements en matière des droits de l’Homme ;
- La demande aux Ministres des Affaires étrangères réunis dans le cadre de la coopération
politique d’effectuer une démarche humanitaire d’urgence en faveur des grévistes de la faim de Marrakech ;
- La mission confiée à son Président de transmettre la résolution au Conseil, à la Commission et au
Gouvernement marocain.
Entre le 13 le 18 janvier 1989, le CCRM de Bruxelles participait à l’organisation de sa dernière mission
juridique. Cette mission a été conduite par Me Monique Weyl, avocate au barreau de Paris et impliquée
dans la situation des mineurs grévistes au Maroc326. Cette mission juridique s’est déroulée dans la mine
charbonnière de Jerada. Jerada est une ville située au Maroc oriental et est l’une des villes minières les plus
importantes du pays. Les conditions de travail n’en sont pas moins déplorables : absence de sécurité,
dépoussiérage et climatisation inexistantes. En outre, les mineurs doivent payer leur équipement sans
bénéficier de logements salubres : absence de douches au puits et promiscuité favorisant la tuberculose et la
pneumonie. Les licenciements et arrestations abusifs dans les rangs des mineurs ont poussé ces
derniers à émettre plusieurs revendications parmi lesquelles327:
- Une amélioration des salaires, du matériel et de la sécurité ;
- Une indemnisation des maladies professionnelles et des accidents de travail ;
325 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°357, Parlement Européen – Documents de séances 1987-1989 : Résolution
adoptée par le Parlement Européen de Strasbourg relative aux violations des Droits de l’Homme au Maroc d’octobre 1988. 326 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°362, Mission du Centre International des Droits Syndicaux – Mission
juridique Monique Weyl du 13 au 18 janvier 1989 au Maroc. 327 M. WEYL, Rapport sur la situation des mineurs gréviste de Jerrada, Oujda, 18 janvier 1989, pp. 18-24.
106
- Le respect de leur dignité et le droit aux logements décents ;
Bien que le régime se montre sourd à ces réclamations, les mineurs ont déclenché une première
grève d’avertissement de trois jours. Trois délégués à la sécurité ont été frappés d’une mesure de
suspension de trois mois parce qu’ils avaient participé à la grève. Cette mesure de suspension a été à
l’origine d’une deuxième grève d’avertissement fixée du 7 au 12 décembre 1988. Cependant, la reprise du
travail le 26 décembre a amené une escalade de violence à l’encontre des mineurs où dix d’entre eux ont
été poursuivis pour agression envers la maîtrise et quatre autres mineurs poursuivis pour distributions de
tracts.
En novembre 1988, le CCRM de Bruxelles publiait un communiqué sur la condamnation à mort de
certains détenus islamistes arrêtés depuis le procès « des islamiques » en juillet 1984328. Ce communiqué
signalait les incarcérations d’Ahmed Chaib, 24 ans, lycéen, et d’Ahmed Chahid, 37 ans, employé
municipal, dans la prison de Laâlou. Les deux condamnés furent pendant plusieurs mois isolés dans des
cachots, ligotés à un anneau fixé au mur, et quotidiennement battus et flagellés. Quelques mois plus tard, le
régime essoufflait l’UNEM par une série d’arrestation dont celle d’Abdelhak Chbada. Abdelhak
Chbada était étudiant et militant de l’UNEM329. Arrêté une première fois en 1983, il fut de nouveau
recherché en 1984 et incarcéré une deuxième fois en octobre 1988 à Casablanca pour « avoir incité à
troubler l’ordre public ». Durant son incarcération, il a entamé une grève de la faim. Il succomba le 19
août 1989, au bout de son soixante-quatrième jour de grève dans la prison de Laâlou à Rabat.
Le journal officiel marocain Le Matin du Sahara annonçait dans son édition du 4 mars 1989 la
décoration de l’administrateur général de la Sûreté de l’Etat belge d’alors, Albert Raes, des mains d’Hassan
II*330. Cette décoration faisait suite à la Fête du Trône, anniversaire de l’intronisation du monarque, et était
le grand Solidarité du Ouissam Alaouite. Cette décoration représente la distinction la plus élevée dans la
hiérarchie militaire marocaine et est octroyée pour service rendu au roi du Maroc. Sitôt informé, le CCRM
de Bruxelles a contacté Serge Moureaux*, Willy Burgeon*, Léo Tindemans* et José Daras* pour clarifier
les motifs de cette décoration331.
José Daras* (ECOLO) s’est saisi de cette affaire et a posé une question orale à Melchior (père)
Wathelet (PSC), vice-Premier ministre et ministre de la Justice et des Classes moyennes, le 21 avril 1989 :«
A la lecture du journal marocain Le Matin du Sahara du 4 mars 1989, je découvre que l’administrateur
général de la Sûreté de l’Etat a été décoré du grand Solidarité du Ouissam Alaouite. Il s’agit d’une
décoration extrêmement importante et généralement octroyée pour services rendus. Le ministre peut-il me
328 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°388, CCRM - Communiqué de presse : Communiqué du CCRM de
Bruxelles faisant le bilan des détenus politiques au Maroc daté de novembre 1988. 329 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°411, ASCLCRM – Notes diverses : Compte rendu consacré au détenu
Abdelhak Chbada daté de septembre 1989. 330 Le Matin du Sahara du 4 mars 1989. 331 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°421, Quelques dossiers particuliers – Affaire Raes-Administrateur Général
de la Sûreté belge-Dossier constitué par le CCRM de Bruxelles : Lettres de Pierre Le Grève envoyées à Serge Moureaux, Willy
Burgeon, Léo Tindemans et José Daras relatives à la décoration d’Albert Raes datées du 16 au 31 mars 1989.
107
dire pour quels services rendus par notre Sûreté ce haut fonctionnaire a été décoré ?332». Ce à quoi le
ministre répond : « Il est exact, comme l’a découvert l’honorable membre dans le journal Le Matin du
Sahara du 4 mars 1989, que l’administrateur-directeur général de la Sûreté publique a été honoré d’une
distinction marocaine. Celle-ci lui a été remise, en présence notamment de Son Excellence l’Ambassadeur
de Belgique, par Sa Majesté le Roi Hassan II sans que les raisons qui avaient motivé sa décision ne soient
exprimées. Il n’a pas été question de services rendus333. » Dans ses mémoires, Hassan II* a avoué qu’il
traitait directement avec les patrons des services de renseignements des états étrangers et qu’il les recevait
chaque année lors de la Fête du Trône334.
C. Bilans et résultats obtenus.
Au vu de l’impressionnant travail effectué par les CLCRM, dont celui de Bruxelles, que pouvons-
nous dresser comme bilan ? Pouvons-nous dire que les objectifs auxquels tendait le CCRM de Bruxelles
ont été atteints ? Les premiers constats sont sans aucun doute positifs. Les saisies des Institutions
Européennes ont favorisé la naissance d’une nouvelle association des Droits de l’Homme le 10 décembre
1988335: l’Organisation Marocaine des Droits de L’Homme. Deux ans plus tard, et suite aux relations déjà
établies avec le CLCRM de Paris, Gilles Perrault* prenait contact avec Pierre Le Grève* pour organiser un
meeting sur son ouvrage « Notre Ami Le Roi »336.
Cet ouvrage a littéralement levé le tabou sur la répression politique au Maroc, si bien qu’il est
interdit au Maroc depuis sa parution. « Notre Ami Le Roi » propose un récit en deux parties : une première
partie consacrée à la politique marocaine depuis l’indépendance, et une seconde partie sur la mise au pas du
Mouvement National par le monarque, suivie de la répression politique dont il a été aussi traité dans cette
présente étude. Actuellement, « Notre Ami Le Roi » représente une première synthèse sur la répression
politique au Maroc. Celle-ci énonce brièvement les activités des CLCRM.
Affiche de la conférence organisée par le CCRM de Bruxelles relative au livre de Gilles Perrault
« Notre Ami le Roi »337
332 Annales Parlementaires de Belgique, Chambre, Bulletin des questions et réponses n°217 du 21 avril 1989. Question écrite posée
par José Daras au ministre de la Justice Melchior Wathelet portant sur la décoration par le Maroc de l’Administrateur général, p.
5784. 333 Idem 334 HASSAN II, Mémoire d’un Roi : Entretiens avec Eric Laurent, Paris, Plon, 1993, p. 228. 335 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°365, OMDH – Assemblée constitutive : déclaration du bureau central de
l’OMDH de Rabat daté du 10 décembre 1988. 336 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, CCRM – Correspondances diverses de 1977 à 1994 : Lettre de Pierre
Le Grève à Gilles Perrault datée du 30 septembre 1990. 337 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1991, p. 1.
108
Gilles Perrault* confirmait sa disponibilité en Belgique pour le 14 février 1991. Le CCRM de
Bruxelles en profita pour louer la salle de La Madeleine338. Parallèlement à ce meeting, une nouvelle
association des Droits de l’Homme vit le jour en Belgique : l’Association des Marocains en Belgique pour
la Défense des Droits de l’Homme. Inquiet de son image, Hassan II* cherchait à rallier le plus possible
l’opinion internationale en sa faveur. Pour se faire, il a mis sur pied sa « propre » instance des Droits
de l’Homme le 20 avril 1990339: le Comité Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH). En même
temps, il levait l’interdiction de l’AMDH. Alors que les derniers mouvements de grève étaient réprimés à
Tanger, Kénitra et Fès entre le 9 et le 31 décembre de la même année, le monarque organisait un cessez-le-
feu avec le POLISARIO340. La signature du cessez- le-feu eut lieu le 6 septembre 1991. Peu de temps
après, Hassan II* libérait plusieurs détenus politiques de Kénitra et du bagne de Tazmamart. Parmi les
prisonniers et bagnards il y avait : Abraham Serfaty*, le lieutenant M’barek Touil et le capitaine Salah
338 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°81, Correspondance générale pour l’année 1991 : Lettre du CCRM de
Bruxelles adressée à Freddy Thielemans datée du 2 février 1991. 339 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 2 mai 1990, N°4044, Dahir n° 1-90-12 du 24 ramadan 1410 (20 avril 1990) relatif au
Conseil Consultatif des Droits de l’Homme 340 D. LE SAOUT et M. ROLLINDE (dir.), op. cit., pp. 127-137. P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l’indépendance, op.
cit., pp. 88-96.
109
Hachchad. Ce dernier écrira son témoignage dans le bagne de Tazmamart341. Toutefois, il s’agissait
d’une campagne de libération mesurée. L’ASCLCRM recensait encore en avril 1992, 817 détenus
politiques342.
Au vu des travaux soutenus relatifs à la dénonciation de la répression politique au Maroc,
nous pouvons mettre en évidence une certaine typologie dressée par les CLCRM décrivant
l’exercice de la répression politique au Maroc. Ainsi un tableau récapitulatif nous permettrait de suivre
l’évolution chronologique des arrestations dans les rangs des mouvements politiques marocains et
leurs principales revendications :
Période Mouvements politiques
visés
Principales revendications
1960-1973 - UNFP - UMT
- PCM
- ALM
- UNEM
- PI
Constitution et Gouvernement
Populaire. Constitutionnalisation
de la monarchie. Industrialisation
du secteur économique.
Nationalisation des entreprises.
Meilleur distribution des richesses
nationales. Etablissement d’un
Plan d’Enseignement. Droits
culturels.
1973-1979 - USFP - PLS
- Ilal Amam
- 23 Mars
- CDT
- UNEM
- POLISARIO
Constitution et Gouvernement
Populaire. Polarisation entre une
volonté d’une monarchie
constitutionnelle et le
républicanisme. Meilleur
distribution des richesses
nationales. Meilleur partage des
terres agricoles. Droit à
l’enseignement de qualité. Droits
syndicaux. Droit à
l’autodétermination du peuple
sahraoui.
1979-1984 - USFP - UNEM
- Ilal Amam
- 23 Mars
- CDT
- OADP
- PADS
- Syndicats des
Commerçants locaux
- POLISARIO
Droit à l’enseignement de qualité.
Droit aux prisonniers politiques
de poursuivre l’enseignement.
Meilleur distribution des richesses
nationales. Diminution des prix
imposés par le Gouvernement.
Droits syndicaux. Droit à
l’autodétermination du peuple
sahraoui.
341 A. SERHANE, Les Emmurés de Tazmamart : Mémoires de Salah et Aïda Hachad, Casablanca, Tarik Editions, Coll.
Témoignages, 2004. 342 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°408, les CLCRM – Coordination européenne (7/8.121992) : Communiqué
du CLCRM de Lausanne daté du 4 avril 1992.
110
1984-1995 - UNEM - CDT
- AMDH
- Mouvements islamistes :
jeunesses islamiques et
Justice et Bienfaisance
- POLISARIO
Droit à l’enseignement de qualité.
Droit aux prisonniers politiques
de poursuivre l’enseignement.
Droit au Travail. Droits
syndicaux. Justice sociale.
Reconnaissance des Droits de
l’Homme. Droit à
l’autodétermination du peuple
sahraoui.
Le CCRM de Bruxelles a participé à une dernière mission juridique avec quelques éléments du
CLCRM de Paris entre le 29 janvier et le 5 février 1992. Cette mission a été davantage une rencontre avec
des membres de l’AMDH et de la toute jeune OMDH. Alors que le monarque montrait des gages
d’assouplissement du système politique, le compte rendu déplorait que : « la répression continue à tous
les niveaux et surtout envers les travailleurs, les paysans, les syndicalistes, les étudiants (…). Rien n’a
changé dans les facteurs déterminants du système répressif : ni les raisons profondes, ni les exécutants, ni
l’absence de véritables garanties pour le respect des droits de l’homme. Les événements et les
méthodes déjà connus peuvent donc se répéter à l’avenir343(…). » Les organisations marocaines des
Droits de l’Homme ajoutaient aussi qu’ : « il n’existe aucun état de droit au Maroc. Des décisions
judiciaires ne sont souvent pas appliquées par les walis (pour la délivrance de passeports par exemple)
ou par les chefs d’entreprises, même publiques, lorsqu’elles sont favorables aux salariés. Les droits de la
défense sont quasi inexistants, aucune sanction ne peut être prise à l’encontre des responsables
d’atteintes aux droits de l’homme et les associations de défense sont constamment menacées344(…). » Par
ailleurs, un rapport établi par les CLCRM lors d’une coordination organisée à Rouen entre le 7 et le 8
novembre 1992 stipulait que : « des pratiques de collaboration entre polices Françaises/Européennes et
Marocaines sont évidentes (les accords de shengen vont dans ce sens)345. » En deux ans, Hassan II* a
procédé à une nouvelle action politique dans laquelle il présentait, le 21 août 1992, une nouvelle
révision constitutionnelle et a décidé d’octroyer sa Grâce envers les détenus politiques et les exilés
marocains le 7 juillet 1994346. Entre temps le Maroc organisait le sommet du GATT (Accord général sur
les tarifs douaniers et le commerce) en avril de la même année.
Se sachant malade, Hassan II* voulait aussi permettre une transition en faveur du prince héritier
Mohamed dans les meilleures conditions. Des grandes figures de la dissidence marocaine décidaient de
rentrer tel Mohamed Basri*, revenu au pays en juin 1995 après 30 ans d’exil. La révision
constitutionnelle octroyée par le roi cherchait aussi à définitivement à avoir les partis de gauche à ses
343 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°364, Missions du CLCRM au Maroc : Rapport établi par les CLCRM,
l’AMDH et l’OMDH lors de la mission d’observation juridique passée entre le 29 janvier et le 5 février 1992, pp. 2-4. 344 Idem 345 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°82, Correspondance générale pour l’année 1992 : Communiqué du CLCRM
de Lausanne relatif aux détenus politiques du Maroc daté du 12 avril 1992. 346 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°405, les CLCRM – Communiqué de presse : Discours d’Hassan II relatif à
la Grâce du 7 juillet 1994.
111
côtés en vue de former un nouveau gouvernement dit « Gouvernement de l’Alternance ». La nouvelle
Constitution adoptée le 13 septembre 1996 a été plébiscitée par « 99,56% » des voix et allait permettre
l’installation de ce Gouvernement de tendance gauche USFP le 14 mars 1998. Ce gouvernement plaçait à
sa tête une autre figure de l’opposition marocaine : Abderrahmane El Youssoufi*.
« Maroc Répression » de mai 1994 signalait la candidature du Maroc à la vice-présidence de la
Commission Internationale des Droits de l’Homme déposée en mars 1993347. Le bulletin annonçait
une question posée par le député Xavier Winckel* (ECOLO) relative à la position prise par la Belgique
par rapport à une éventuelle vice-présidence assumée par le Maroc. Une question similaire a été posée
par Raymonde Dury* (PSB). Le bulletin annonçait aussi la préparation d’un dossier économique sur le
Maroc, mais celle-ci ne s’est pas concrétisée. Durant les deux dernières coordinations, au Havre et à
Bruxelles, les 17 et 18 décembre 1993 et le 30 mai 1994, le CCRM de Bruxelles s’était surtout consacré
aux cas des détenus de Tazmamart. Les derniers fonds du Comité bruxellois ont été liquidés à cet effet348.
Un ultime appel à une coordination des CLCRM fut proposé par le CCRM de Bruxelles en vue d’établir le
compte rendu des activités pour l’année 1994, mais sans suite349.
Ceci nous amène à énoncer, avec les constats positifs, des constats moins favorables quant aux
réalisations des buts poursuivis par le CCRM de Bruxelles. Nous avons vu tout au long de cette étude que la
performance du CCRM de Bruxelles réalisée dans ces activités était due, d’une part, à son
fonctionnement interne et, d’autre part, à son réseau de solidarité syndicale qui l’assistait. A partir de 1991,
les dissensions parmi les membres consultatifs se manifestaient au grand jour comme en témoigne cette lettre
écrite le 20 janvier par un membre consultatif demandant la suspension de la collaboration du RDM avec le
CCRM de Bruxelles: « Les membres du RDM considèrent que le marchandage de certains partenaires
dans les dernières réunions du CCRM de Bruxelles sur les positions de leur association, le RDM, est une
atteinte grave à la liberté d’opinion et, en même temps, un chantage qu’ils n’acceptent ni ne taisent. Tant
que dure l’absence du minimum de clarté des relations au sein du CCRM de Bruxelles, ce qui perpétue le
climat de tension dans ses réunions, ils sont convaincus de l’impossibilité de toute clarification ou
rectification en son sein. Ils appellent les concernés par ces pratiques à revoir leurs attitudes négatives à
l’égard de la liberté d’opinion et également à se débarrasser de toute manœuvre visant l’exclusion de
l’opinion différente. Ceci afin de servir l’unique objet qui justifie l’existence d’un CCRM et qui constitue la
base des relations en son sein, à savoir la lutte contre la répression au Maroc.350 »
Cette crise complétait une implosion interne des sections locales de l’UNEM en Europe. Nous
avions vu que l’UNEM était l’un des principaux mouvements du réseau de solidarité du CCRM de Bruxelles.
A la veille de son XVIe Congrès, le Conseil Fédéral de l’UNEM-Europe s’était tenu à Paris entre le 23 347 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, avril-mai, 1994, pp. 2-5. 348 M. BENTALEB (dir.), Les passeurs de la mémoire sociale 1964-2004 : 40 ans de présence marocaine en Belgique, Bruxelles ASBL Jeunesse Maghrébine - Ministère de la Culture et de l’Audiovisuelle de la Communauté française, 2008, p. 54. 349 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°85, Correspondance générale pour l’année 1995 : Lettre du CCRM de
Bruxelles adressée à l’ASCLRM datée du 26 mars 1995. 350 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du représentant du
RDM adressée au CCRM de Bruxelles datée du 20 janvier 1991.
112
et le 26 décembre 1979. Etaient présentes 51 sections, dont 25 non reconnues par le Bureau Fédéral. Ce
schisme interne résultait d’une mésentente relative à la possibilité ou non d’établir une alliance avec la
monarchie marocaine sur la question saharienne. Parmi les sections « excommuniées » par le Bureau
Fédéral se trouvait la section bruxelloise, ce dernier : « a exprimé courageusement ses positions anti-
Unanimité Nationale, anti-alliance avec le pouvoir anti-national, a eu droit à toutes les attaques
haineuses de la part du B.F et de ses alliés, mais il a eu le soutien de la part de la majorité des militants
présents au C.F qui ont longuement applaudi le délégué légal de notre section351. »
Le retrait des mouvements politiques et syndicaux marocains ne permettait plus au CCRM de
Bruxelles de continuer son travail avec la même flexibilité. Qui plus est, la Grâce royale du 7 juillet 1994
finissait par marquer un frein dans l’opposition des gauches marocaines. Ce frein de la gauche
permettait aux mouvements islamistes de mieux investir l’espace social et politique marocain.
Au sein du Comité bruxellois, les membres délibératifs ne pouvaient plus s’investir aussi
énergiquement, comme ce fut le cas depuis 1977. Le couple Doucet-Crolop* s’était retiré du CCRM depuis
la coordination de mai 1994. Louise Lacharon* quittait le Comité Exécutif de la CGSP secteur
Enseignement la même année, et Pierre Le Grève* s’investissait dans les événements du Rwanda et de
l’Algérie. En outre, Pierre Le Grève* commençait la rédaction de ses mémoires. Certains membres
belges actifs du comité relevant des partis politiques n’étaient plus en mesure d’assister aux réunions du
CCRM. Ernest Glinne* laissait entendre dans une lettre adressée à Pierre Le Grève* qu’il souffrait de
problèmes de santé352. A l’instar des mouvements marocains, les relations orageuses entre certains
éléments des syndicats belges et le CCRM de Bruxelles éclataient au grand jour. Une brève allusion à
une mésentente passée entre Albert Faust* et Pierre Le Grève* faisait état des méthodes « dirigistes » des
deux personnages353. Plus généralement, le premier Gouvernement de Jean-Luc Dehaene (CVP du 7 mars
1992 au 23 juin 1995) ne disposait plus en son sein des personnages politiques sensibles à la répression
politique au Maroc.
L’histoire du CLCRM de Bruxelles et plus largement des CLCRM de Belgique a été courte mais
intense. Le Comité bruxellois s’est engagé dans plusieurs batailles menant à la lutte contre la répression
politique au Maroc, contre les agissements des Amicales et, dans une moindre mesure, à un meilleur
contrôle du dispositif du culte islamique en Belgique. En analysant les origines et les activités d u
C LC R M d e Br u x e l l e s par les contacts qui existaient entre le monde militant marocain et européen –
belge dans notre cas – une question devait être omniprésente dans l’esprit du lecteur : qu’en est-il de la
démocratie actuellement au Maroc ?
351 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM section Bruxelles : Rapport
du Conseil Fédéral de l’UNEM daté du 14 janvier 1980. 352 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°85, Correspondance générale pour l’année 1995 : Lettre d’Ernest Glinne
adressée à Pierre Le Grève datée de septembre 1994. 353 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°84, Correspondance générale pour l’année 1994 : Lettre de Michel
Devaivre adressée à Pierre Le Grève datée du 27 août 1994.
113
Conclusion
La fin des activités du CCRM de Bruxelles marquait, comme vu plus haut, une phase
d’assouplissement relative d’Hassan II*. Le CCRM de Bruxelles tenait sa dernière coordination le 30 mai
1994, le monarque chérifien mourrait le 23 juillet 1999. L’avènement du nouveau roi, Mohamed VI, a
marqué des espoirs nationaux : relâchement du contrôle de la presse, restructuration de l’appareil
sécuritaire par le renvoi de Driss Basri* et de la quasi-totalité des officiers supérieurs ayant servi sous
Hassan II*. Une volonté d’intégrer la berbérité dans la culture nationale en créant par dahir l’Institut de la
Recherche sur la Culture Amazigh (IRCAM)354. Et enfin, la réforme du Code de la Famille (Moudâwwana)
qui permettait une sensible amélioration du statut des femmes marocaines. En marge de ces grands
chantiers politiques, des chantiers économiques ont été entamés : des voies ferrées, une transition
progressive de l’économie agricole vers une économie industrielle et la construction du grand port Tanger
MED entre 2008 et 2012355.
Ces premiers gages d’ouverture, intervenus entre 1999 et 2004, furent suivis d’une procédure où le
monarque a favorisé des commissions d’enquêtes sur les victimes des années de plomb d’Hassan II*. Il est
à noter que la dénonciation systématique de la dictature d’Hassan II* par les CLCRM a obligé la monarchie
marocaine à jouer le jeu des Droits de l’Homme au Maroc. En ce sens, le CCDH, devenu le Conseil
National des Droits de l’Homme (CNDH) assisté de l’Instance Equité et Réconciliation (IER) a émis
plusieurs rapports à l’attention du roi quant à l’indemnisation des victimes des années de répression. Entre
2004 et 2013, les deux instances ont indemnisé 26.063 victimes pour une enveloppe budgétaire de
1.804.702.899,80 dirhams (approximativement 180 millions d’euros)356.
Cependant, depuis les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, un premier tournant a été pris par le
nouveau monarque. Les premières condamnations tombent à l’encontre de certains journalistes jugés trop
critiques envers le système politique. Parmi ces journalistes figure Ali L’mrabet. Ce journaliste a été
condamné le 17 juin 2003 par la Cour d’Appel de Rabat pour ses publications satiriques envers le roi dans
son journal Demain (Doumane version arabophone)357. Condamné à trois ans de prison ferme avec une
amende de 20.000 dirhams, il est depuis sa libération interdit d’exercer son métier de journaliste au Maroc.
Depuis l’avènement de Mohamed VI, un autre journal a témoigné de cette fragile liberté d’expression
tolérée par le régime : Le Journal Hebdo. Le Journal Hebdo a vu le jour le 17 novembre 1997. Ce
journal d’investigation a traité des sujets aussi divers que pertinents touchant à la fois la monarchie, le
Makhzen, la question du Sahara occidental, le conflit israélo-palestinien, des enquêtes sur l’impact de la
354 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 1er novembre 2001, N°4948, Dahir n°1-01-299 du 29 rajab al khaïr 1422 (17 octobre
2001) portant sur l’Institut Royal de la Culture Amazighe. 355 D. MENSCHAERT, Maroc : quatre champs de batailles pour la démocratie, Bruxelles, PAC, in Les Cahiers de l’Education
Permanente, N°43, 2013, pp. 51-57. 356 Rapport du CNDH présenté au Parlement du Royaume du Maroc, juin 2014, p. 16 357 FIDH, Communiqué relatif à la confirmation en appel de la condamnation d’Ali L’mrabet : une atteinte grave à la liberté
d’expression, 17 juin 2003.
114
religion dans la société marocaine, le budget de l’Etat etc… Sur la base d’un certain succès, une version
arabophone voyait aussi le jour : Assahifa. Un autre journal suivait une voie similaire au Journal :
Le Telquel. Néanmoins, le Journal Hebdo et Assahifa allaient connaître plusieurs problèmes
judiciaires à partir du 14 février 2002 sous le deuxième Gouvernement USFP d’Abderrahmane El
Youssoufi*. De lourdes amendes ont été infligées au Journal allant de 700.000 à 3.000.000 de dirhams358.
Au final, le Journal a été saisi en février 2010359.
Depuis les élections législatives du 7 septembre 2007, le monarque a usé des mêmes stratégies que
son prédécesseur. Alors que le PJD, parti islamiste né d’une fusion entre les jeunesses islamiques et le
MPDC en 1996, était en tête des voix, le régime l’écartait pour octroyer la majorité au PI360. En février
2009, Mohamed VI chargeait l’un de ses plus importants conseillers (Wasif), Fouad Ali El Himma, de créer
un « parti pivot » à l’image des « droites populaires » nées sous Hassan II*. Ce nouveau « parti pivot » est
le Parti Authenticité et Modernité (PAM) et représente une certaine mise à jour du RNI et de l’UC.
Cependant, malgré le jeu électoral, le taux d’abstention ne cesse de croître. Ainsi des élections législatives
de 2002 à celles de 2007, 70 % des électeurs disposant de leur carte de vote n’ont pas participé au
scrutin361.
A partir de 2009, un nouveau tournant plus dur est pris par le régime. Du point de vue économique,
le roi tient tous les secteurs à travers sa propre holding : la Société Nationale d’Investissement. Plus que
sous Hassan II*, Mohamed VI fait main basse sur l’économie nationale décidant ainsi des priorités en
matière d’investissements. Cette toute puissance économique ne parvient, cependant, pas à engager le pays
dans une croissance économique. La paupérisation s’accentue. Le contrôle du secteur économique est
accompagné d’une forte unanimité politique à son égard. En effet, depuis son accession au trône
jusqu’en 2011, le souverain n’a pas eu affaire à une forte opposition au sein des partis politiques
traditionnels. Quelques mouvements politiques sont cependant marginalisés par le régime : le mouvement
islamiste Justice et Bienfaisance et la Voie Démocratique (Annahj Addimocrati). Ce dernier parti politique
est né vers 1994 et regroupe des éléments de l’extrême gauche. Cette unanimité politique est complétée
d’une restructuration du système sécuritaire. Depuis 2005, le souverain a placé ses hommes de confiance
dans l’Etat-Major, la DST et la DGED362. Les espoirs suscités par le nouveau souverain deviennent plus
mitigés. Plusieurs rapports de certaines ONG pointent une recrudescence de la répression politique et un
maintien de la systématisation des tortures. Les tortures exercées sous les années de plomb d’Hassan II*
sont restées quasi-intactes, en guise d’exemple : la violence physique, les agressions sexuelles et les
menaces à l’encontre de la famille du détenu s’appliquent toujours. Ces cas de tortures et de maltraitance
358 Le Journal, N°286 du 20 au 26 janvier 2007, pp. 24-25.
359 Rue 89 du 1er février 2010. 360 L. ZAKI (dir.), Terrains de campagne au Maroc : les élections législatives de 2007, Paris, Karthala, 2009, pp. 73-97. 361 J-L. PIERMAY, Maroc 2007. Les élections législatives du 7 septembre, in Echo Géo - Sur le Vif, N°2, le 13 novembre 2007. 362 A. AMAR, Mohamed VI le grand malentendu : Dix ans de règne dans l’ombre d’Hassan II, Paris, Calmann-Lévy, 2009, pp.
197-203.
115
ont été signalés par Amnesty International363. Ces séances de torture commises par des agents de la DST
ont surtout visé les militants des Droits de l’Homme, les sympathisants sahraouis du POLISARIO et les
détenus islamistes. Human Right Watch signalait dans un communiqué l’iniquité des procès et les aveux
arrachés de force lors des interrogatoires. Les policiers obligent l’inculpé à signer des déclarations sous la
torture364.
Par ailleurs, les observateurs étrangers ont noté une recrudescence des violences policières à Sidi
Ifni, ville située dans l’extrême sud marocain, le 7 juin 2008365. En automne 2010, les troupes marocaines
procédaient à un démantèlement de force d’un camp de réfugiés sahraouis à Gdeim Izik, ville située dans
les territoires sahariens que réclame le Maroc depuis 1975366. Le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) et l’AMDH publièrent chacun un rapport sur la situation économique, la liberté
d’expression et l’accès au savoir. Sur 187 pays, le PNUD classe le Maroc à la 130e place, entre le
Nicaragua et le Guatemala367. La position du Maroc contraste avec la richesse personnelle du monarque,
s’élevant à près de 2,5 milliards de dollars368 . Quant à l’AMDH, elle soulignait certes l’iniquité des procès,
mais aussi les multiples violations des libertés économiques, du droit à la santé, du droit à l’éducation et
des droits des migrants369. Sur ce dernier point, Médecin Sans Frontières section Maroc dénonçait dans son
dernier rapport les violences systématiques commises par les forces armées et la police marocaine
contre les migrants subsahariens. Entre 2011 et 2012, MSF signalait 1100 victimes subsahariennes
ayant subi des fractures aux bras, aux jambes et sur le crâne370. L’inertie des autorités marocaines a été
l’origine du départ définitif de MSF. En octobre 2013, la presse d’investigation électronique marocaine
Lakome est censurée371.
Depuis l’immolation de Mohamed Bouazizi en Tunisie le 4 janvier 2011, le monde arabe a été
secoué par plusieurs révoltes et révolutions. Il s’agit « du Printemps arabe ». Ces mouvements
protestataires avaient précipité la fin du régime de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et d’Hosni
Moubarak en Egypte. Au Maroc, l’influence des mouvements protestataires des autres pays arabes a permis
la naissance du Mouvement 20 Février. Ce mouvement, né le 20 février 2011, rassemblait tous les
segments de la société marocaine et exigeait la liberté, la justice et la dignité. Quelques semaines plus tard,
avec l’objectif d’endiguer un puissant mouvement social, Mohamed VI promulgue une nouvelle
Constitution le 9 mars.
Comme les constitutions adoptées sous le règne d’Hassan II*, la Constitution du 9 mars 2011 a été
octroyée sous l’influence d’une pression sociale montante. Seulement, il s’agit d’une Constitution écartant
363 Rapport d’Amnesty International, 2006, pp. 187-188. Rapport d’Amnesty International, 2012, pp. 290-291. 364 Maroc-Sahara occidental : Aveux contestés, procès contestables, Communiqué d’Human Right Watch, 21 juin 2013. 365 Rapport d’ATTAC concernant les événements de Sidi Ifni, 1er juillet 2008. 366 Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental, Publication du Conseil de Sécurité des Nations
Unies, 8 avril 2013. 367 Rapport sur le développement humain en 2011, Publication du PNUD, 2010-2011, p. 144. 368 Le Courrier International du 11 juillet 2009. 369 Rapport annuel sur les violations des Droits Humain au Maroc en 2010, Publication de l’AMDH, juin 2011, pp. 20-39. 370 Rapport sur les migrants subsahariens en situation irrégulière au Maroc, Publication d’MSF, mars 2013, p. 35. 371 La liberté de la presse : le Maroc derrière l’Algérie et la Lybie, Communiqué de Reporters Sans Frontières, 20 octobre 2013.
116
toute initiative émanant d’une Assemblée Constituante. Ainsi, la nouvelle constitution ne distingue toujours
pas formellement les pouvoirs législatifs et exécutifs372. La nouvelle constitution laisse espérer un
assouplissement du pouvoir judiciaire bien que le roi reste le garant du pouvoir judiciaire. La campagne du
référendum du « oui » (sous-entendu « oui pour la nouvelle Constitution ») n’a duré qu’une semaine : du
21 au 30 juin 2011373. Le Mouvement 20 Février organisait, depuis sa création, plusieurs manifestations
tous les dimanches dans diverses villes et localités au Maroc. Le slogan du Mouvement devient plus
frontal : « Mamfakinch ! (On ne lâche rien !) ». Néanmoins, si la société civile marocaine s’est montrée
réactive par des manifestations et des comités locaux, le mouvement peine à montrer des revendications
politiques adaptées à la situation du pays.
Si le Mouvement du 25 janvier 1959 avait annoncé la naissance de l’UNFP et que les mouvements
des lycéens et universitaires, nés des événements du 23 mars 1965, avaient annoncé la naissance des partis
d’extrême gauche entre 1968 et 1972, le Mouvement 20 Février, âgé de quatre ans, ne laisse toujours pas
entrevoir la naissance d’un courant politique fort. Cette faiblesse trouve certainement ses origines dans les
conséquences de la répression politique du règne d’Hassan II*. Ces conséquences peuvent se résumer aux
points suivants : une forte fragmentation de la société marocaine, la démission des partis politiques, le
renforcement du Makhzen et de l’appareil sécuritaire, un écart grandissant entre la classe politique et la
jeunesse des partis, et surtout un divorce politique entre les courants laïques et religieux des partis. Comme
le notait un ancien militant communiste marocain, Raymond Benhaïm : « Plus de cinquante ans ont été
nécessaires pour que nous viennent le Printemps arabe et l’éveil et l’émancipation des sociétés arabes et
musulmanes du Maroc à l’Indonésie. Plus de cinquante années de dictatures, d’autoritarisme,
d’humiliations, et aussi le retard accumulé en termes de modernisation sociale et de modernisation
technique : nous avons payé très cher le prix du rejet de l’alliance entre nationalistes et marxistes au
début des années 1960374. »
En Belgique, la fin des CLCRM n’a pas laissé place à un mouvement citoyen de même envergure. Il
y a, actuellement, des comités de soutien au profit de certains détenus parmi lesquels : Abdelkader Belliraj
(arrêté au Maroc depuis 2008), Ali Aaras (arrêté en Espagne et extradé au Maroc depuis 2009) et Zakaria
Moumni (arrêté au Maroc en 2010, relâché mais ayant subi des tortures). Les deux premiers sont
ressortissants belges, alors que le troisième est français. Entre 2011 et 2012, le Comité des familles des
prisonniers européens au Maroc voyait le jour. Plus tard, l’ASHDOM annonçait dans son point
hebdomadaire plusieurs arrestations de militants du Mouvement 20 Février dans différentes villes du
Maroc375.
372 Voir les statuts de la royauté, du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et des rapports entre ces deux derniers in la Constitution
du Royaume du Maroc du 29 juillet 2011, de l’article 41 à l’article 106. 373 Slate Afrique du 2 juillet 2011. 374 K. SEFRIOUI, op. cit., p. 403. 375 Point Hebdomadaire sur la campagne de parrainage des prisonniers d’opinion au Maroc, publication de l’ASHDOM, N°52, 30
janvier 2014.
117
L’observation du Maroc actuel peut susciter plusieurs interrogations. Pouvons-nous parler de
légitimité politique consubstantielle de la monarchie marocaine, alors que nous avons vu, à travers cette
étude, l’évolution d’une vive opposition politique à son égard ? Dans un pays où le système politique
innove avec du vieux, pouvons-nous parler de modernité alors que de graves problèmes sociaux, culturels,
et économiques sont gelés sinon accentués depuis 1956 ? Comment pouvons-nous parler de démocratie
naissante dans un pays où l’initiative d’Etat appartient exclusivement au monarque ? Qui plus est, comment
pouvons-nous parler de démocratie lorsque les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires n’exercent pas
les contrôles qui, normalement, leur incombent ? Pendant combien de temps le régime marocain va-t-il
empêcher la circulation des idées et des savoirs dans sa société, à l’heure des réseaux sociaux et de la
mondialisation ?
Toutes ces interrogations mériteraient une étude plus approfondie. Les contributions ultérieures sur
la répression politique au Maroc vont devoir élargir leur heuristique et leur méthode de travail, au vu de
l’impressionnante quantité de publications, de rapports des ONG, des centres de recherche scientifique, des
mouvements citoyens et politiques au Maroc et à l’étranger. En tout cas une chose est sûre, la démocratie et
les Droits de l’Homme ont encore un très long chemin à parcourir au Maroc.
118
Sources et bibliographie
A. Sources
A.1 Sources non publiées
a.1.1 Archives des particuliers
- Archives Personnelles de Louise Lacharon, Documents relatifs à la gestion interne du CCRM de
Bruxelles : Plan d’affichage public, daté de 1982.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Dossier constitué par les Amicales des Travailleurs
et Commerçants Marocains en Belgique : En réponse à la conférence de presse tenue par certaines
organisations belges, Bruxelles, Maison Internationale de la Presse, Le 8 décembre 1976, 35 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion internes du CCRM
de Bruxelles : Compte- rendu de Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le Grève daté du 13
décembre 1980.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM :
Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et
Commerçants Marocains, Bruxelles-Paris-Amsterdam, 1975, 35 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM :
Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et
Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des ouvriers et commerçants en Europe, Paris,
octobre 1975, 18 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM :
Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et
Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, 19 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM :
Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et
Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine policière, décembre 1977, 27 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM :
Communiqué du RDM daté du 13 février 1983.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM :
Regroupement Démocratique Marocain – Programme : Documents réunis par Mimoun Sastane,
2004-2005, 24 p.
119
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion internes de l’UNEM
section Bruxelles : Communiqué de l’UNEM section Bruxelles relatif à l’enlèvement de Mehdi Ben
Barka à Paris, daté du 11 novembre 1965.
- Archives personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM
section Bruxelles : Manifeste du Syndicat National des Lycéens du 23 mars 1972.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM
Section Bruxelles : Motions adoptées par l’UNEM lors de son XVe Congrès.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM
section Bruxelles : Communiqué du Comité Exécutif de la Défense pour la Patrie daté de 1979.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM
section Bruxelles : Rapport du Conseil Fédéral de l’UNEM daté du 14 janvier 1980.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM
section Bruxelles : Communiqué de presse de l’UNEM sections Bruxelles-Liège-Mons daté du 4
mars 1980.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l’UNEM
section Bruxelles : Communiqué de l’organisation Ilal Amam à propos des derniers développements
dans les prisons au Maroc, daté du 7 septembre 1984.
a.1.2 Interviews
- Interview de Colette Moulaert le 3 mai 2014.
- Interview de Jacques Charles le 1er avril 2014.
- Interview de Jacques Van Damne le 1er avril 2014.
- Interview de Louise Lacharon le 7 février 2013.
- Interview de Mimoune Sastane le 3 avril 2014.
- Interview de Mohamed Ouslikh le 26 février 2014 et le 1er avril 2014.
- Interview de Philippe Doucet et Annie Crolop le 12 avril 2014.
- Interview de Pierre Galand le 26 mars 2014.
a.1.3 Communiqués et rapports
- Rapport sur Tazmamart, Publication des CLCRM et de l’ASHDOM, Paris, 1989, 12 p.
- BRUTSAERT, P. et MOULAERT, C., Rapport médical sur les grévistes du groupe « 84 »,
Bruxelles, 19 septembre 1984, 37 p.
120
- KLENIEC, Y., Rapport sur les arrestations et condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca, 15
juillet 1981, 36 p.
- MARTINET, A., Dossier adressé au CLCRM de Paris relatif les procès et arrestations au Maroc,
Paris, 1974, 37 p.
- MARTINET, A., et al., Mission juridique internationale : Rapport sur la situation des Frontistes,
Casablanca, janvier 1977, 45 p.
- MIGNARD, J-P., Rapport sur les arrestations et condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca,
9 juillet 1981, 12 p.
- TREMBLAY, A., Rapport sur les arrestations et condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca,
juillet 1981, 13 p.
- WEYL, M., Rapport sur la situation des mineurs gréviste de Jerrada, Oujda, 18 janvier 1989, 37 p.
A.2 Sources publiées
a.2.1 Archives des particuliers
- CARCOB Archives Communiste (Bruxelles), Fonds Jacques Moins
- Boîte N°2, Liasse n°6, Dossier sécurité Belgique : Communiqué relatif à la montée de l’insécurité
sociale à Bruxelles daté de 1982.
- Boîte N°7, Liasse n°3, Notes personnelles de Jacques Moins relatives à sa participation à la
Fondation Joseph Jacquemotte, non datées.
- CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA1936
- Liasse n°46, Enseignement de la religion islamique – circulaires : Circulaire de la CGSP Enseignement datée
du 25 février 1983.
- Liasse n°69, Correspondance générale pour les années 1970 à 1972 : Intervention en faveur d’Oliveira Vital
le 24 avril 1970.
- Liasse n°70, Correspondance générale pour les années 1973 à 1976 : Intervention auprès du groupe des
Frontistes de Catalogne le 3 février 1973.
- Liasse n°71, Correspondance générale pour l’année 1977 : Communiqué relatif à la perquisition effectuée
par la BSR au domicile de Mohamed El Baroudi du 16 juin 1977.
- Liasse n°71, Correspondance générale pour l’année 1977 : PV d’une réunion passée entre Pierre Le Grève et
plusieurs responsables politiques belges, daté du 27 juin 1977.
- Liasse n°72, Correspondance générale pour l’année 1978 : Lettre d’Ernest Glinne au CCRM de Bruxelles
relative à la visite mystérieuse du ministre du Travail marocain, datée du 1er juin 1978.
121
- Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Communiqué du CCRM de Bruxelles daté du 29
janvier 1984.
- Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Lettre de Louis Van Geyt adressée à Léo
Tindemans datée du 30 août 1984.
- CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Lettre
de Léo Tindemans adressée à Pierre Le Grève datée de septembre 1984.
- Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Communiqué interne du CCRM de Bruxelles daté
du 15 septembre 1984.
- Liasse n°77, Correspondance générale pour l’année 1984 : Demande d’une autorisation suive des recettes du
CCRM de Bruxelles d’une collecte publique en faveur du groupe « 84 » datée du 18 septembre 1984.
- Liasse n°81, Correspondance générale pour l’année 1991 : Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à Freddy
Thielemans datée du 2 février 1991.
- Liasse n°82, Correspondance générale pour l’année 1992 : Communiqué du CLCRM de Lausanne relatif aux
détenus politiques du Maroc daté du 12 avril 1992.
- Liasse n°84, Correspondance générale pour l’année 1994 : Lettre de Michel Devaivre adressée à Pierre Le
Grève datée du 27 août 1994.
- Liasse n°85, Correspondance générale pour l’année 1995 : Lettre d’Ernest Glinne adressée à Pierre Le
Grève datée de septembre 1994.
- Liasse n°85, Correspondance générale pour l’année 1995 : Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à
l’ASCLRM datée du 26 mars 1995.
- Liasse n°128, Algérie : La résistance par les textes, Témoignages de tortures pratiquées en France par les
autorités nationales.
- Liasse n°254 et n°255, Correspondance de Pierre Le Grève avec Abderkam Tahar en 1969 et Mohamed El
Moussaoui en 1972.
- Liasse n°274, Correspondance et interventions au profit de ressortissants Marocains – confidentiel : Affiche
de recherche d’Houcine El Manouzi datée du 13 juillet 1975.
- Liasse n°307, Les détenus de la prison de Tanger : Lettre de Saïd Karaoui adressée au CCRM de Bruxelles
datée du 24 août 1987.
- Liasse n°310, Les détenus de la prison de Tazmamart : Lettre d’un détenu de Tazmamart datée du 12 juillet
1980.
- Liasse n°310, Les détenus de la prison de Tazmamart : Lettre d’un détenu datée du 5 août 1980.
- Liasse n°315, Détenus-les grèves de la faim : Compte rendu de Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le
Grève daté du 13 décembre 1980.
- Liasse n°315, Lettres, écrits des détenus : Lettre écrite par des détenus soutenant Mohamed Atlass datée du
25 octobre 1980. Lettre écrite par les détenus politique de la prison centrale de Kénitra datée du 23 novembre
122
1982. Lettre écrite par la mère de Moulay Douraïdi datée du 1er août 1987. Lettre des détenus de la prison de
Laâlou de Rabat confirmant la poursuite d’une grève de la faim datée du 12 juillet 1989.
- Liasse n°316, les œuvres d’Abdellatif Derkaoui : Dessins d’Abdellatif Derkaoui, non datés.
- Liasse n°316, les œuvres d’Abdellatif Derkaoui : Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à la Régionale
UBDP de Liège, la Commission « Immigrés » FGTB et Solidarité Arabe, datée du 4 mars 1983.
- Liasse n°317, Bande dessinée « Dans les entrailles de ma patrie » : Acte de dépôt de la bande dessinée signé
entre Philippe Doucet et la Bibliothèque Royale de Belgique daté du 6 juillet 1981.
- Liasse n°328, Appels à la libération des détenus, Abraham Serfaty : Lettre d’Evelyne Serfaty adressée au
CLCRM de Paris datée du 16 octobre 1972.
- Liasse n°330, Prisonniers libérés-listes : Liste des détenus pour l’année 1972. Liste des détenus pour l’année
1983. Liste des détenus pour l’année 1984. Liste des détenus libérés en 1989.
- Liasse n°340, Le mouvement étudiant, RDM – communiqués et notes internes : Communiqué du CCRM
dénonçant les actes des Amicales daté de 1979.
- Liasse n°340, RDM-Regroupement Démocratique Marocain, RDM-Communiqués et notes internes :
Communiqué du Regroupement Démocratique Marocain daté du 16 mars 1980.
- Liasse n°344, Documents relatifs au mouvement étudiant, UNEM : Lettre de l’UNEM section Marrakech
envoyée aux CLCRM daté du 19 mars 1973.
- Liasse n°344, Documents relatifs au mouvement étudiant : UNEM : Conférence-débat organisé par l’UNEM
et le Cercle du Libre Examen du vendredi 22 mars 1973.
- Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Communiqué de l’AMF – Activités et
objectifs de l’AMF.
- Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Communiqué de l’AMF daté du 10 avril
1974.
- Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Avis aux Travailleurs et Commerçants de
la circonscription consulaire de Paris daté de 1974.
- Liasse n°346, Contrôle des opposants marocains en Belgique, Un assistant social à Bruxelles : Communiqué
de presse du Conseil Consultatif des Bruxellois n’ayant pas la Nationalité Belge, daté du 8 février 1980.
- Liasse n°351, Association Belge des Juristes Démocrate : Communiqué du CCRM de Bruxelles à l’AJBD sur
les arrestations des membres de la CDT, non daté.
- Liasse n°357, Parlement Européen – Documents de séances 1987-1989 : Résolution adoptée par le Parlement
Européen de Strasbourg relative aux violations des Droits de l’Homme au Maroc d’octobre 1988.
- Liasse n°361, Mission Tremblay – juillet 1981 : Appel à la manifestation du 27 novembre 1981.
- Liasse n°362, Mission du Centre International des Droits Syndicaux – Mission juridique Monique Weyl du 13
au 18 janvier 1989 au Maroc.
- Liasse n°364, Missions du CLCRM au Maroc : Rapport établi par les CLCRM, l’AMDH et l’OMDH lors de la
mission d’observation juridique passée entre le 29 janvier et le 5 février 1992, pp. 2-4.
123
- Liasse n°365, OMDH – Assemblée constitutive : déclaration du bureau central de l’OMDH de Rabat daté du
10 décembre 1988.
- Liasse n°377, APADM – Appel : Communiqué des parents des détenus du groupe « 83 » publié par l’APADM
et les CLCRM daté d’août 1983.
- Liasse n°378, APADM – Communiqués : Communiqué de l’APADM du 15 mai 1983.
- Liasse n°378, APADM – Communiqués : Communiqué des 97 détenus politiques de la prison centrale de
Kénitra daté d’août 1983.
- Liasse n°381, ASHDOM-APADM-CLCRM – Communiqué de presse : Communiqué de l’ASHDOM relatif aux
activités des Amicales daté du 14 mars 1987.
- Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM – Notes sur la répression : Note sur la présentation de conférence
tenue à Strasbourg le 12 novembre 1986.
- Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM – Notes sur la répression : Rapport sur les disparus présenté par
le CCRM de Liège lors de la conférence de Strasbourg daté du 12 novembre 1986.
- Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM – Notes sur la répression au Maroc : Rapport de la coordination
de Genève daté du 15 et 16 octobre 1988.
- Liasse n°383, ASHDOM-CLCRM – Coordination : Rapport des activités des CLCRM daté d’octobre et
novembre 1984.
- Liasse n°384, ASHDOM-APADM-CLCRM – A propos de la journée des disparus au Maroc. Notes et
correspondance 1987 : Rapport sur la « journée des disparus au Maroc » tenue à Strasbourg le 9 avril 1987.
- Liasse n°385, CCRM – Appel et campagne d’adhésion : Affiche « Le Maroc des Touristes et de la Répression
datée de 1978.
- Liasse n°385, CCRM – Appel et campagne d’adhésion : d’une demande d’autorisation d’affichage du 30
octobre 1979.
- Liasse n°388, CCRM-Communiqués de presse : Communiqué du CCRM dénonçant les propos d’Edmond
Leburton et de Robert Vanderkerckhove daté du 2 mai 1978.
- Liasse n°388, CCRM - Communiqué de presse : Communiqué du CCRM de Bruxelles faisant le bilan des
détenus politiques au Maroc daté de novembre 1988.
- Liasse n°395, Finances : Rapport financier à l’assemblée du 23 décembre 1977.
- Liasse n°395, CCRM-Finances : Carnet des dons perçus par le CCRM de Bruxelles pour les années
1984,1986 et 1991.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Jacques Moins à Pierre Le Grève confirmant
son adhésion au CCRM datée du 24 juin 1977.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM à la JOC, le MCP, le MRAX, la JSB,
l’UBDP, le Mouvement de l’autogestion socialiste, l’Ecole d’Alphabétisation de Mons-Borinage entre
novembre et décembre 1977.
124
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM de Charleroi au CCRM de Bruxelles
proposant une coordination avec les mouvements marocains, datées du 24 novembre et du 12 décembre 1977.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué du CCRM relatif au meeting du 10 février
1978 à 20h00 à la salle de la Madeleine.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Compte-rendu du CCRM sur le meeting du 10 février
1978 daté du 12 février 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de Bruxelles aux membres du comité
bruxellois sur un projet de fusion avec le comité de Charleroi datée du 15 février 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de Charleroi pour les membres du
comité carolorégien sur des propos vifs échangés avec le CCRM de Bruxelles, datée du 30 septembre 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de Bruxelles aux CCRM de Charleroi
et Liège sur l’organisation d’une collecte expérimentale en faveur des détenus politiques au Maroc, daté du 14
octobre 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre d’Henri Simonet à M’hammed Boucetta datée du
8 janvier 1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre adressée au CCRM par Serge Moureaux sur la
perquisition au domicile de Mohamed El Baroudi et la complicité des polices belges et marocaine, datée du 29
février 1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Serge D’agostino à Pierre Le Grève relative
sur la détention d’Abderrahim Charahbili Harouchi datée du 14 juillet 1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué relatif au colloque « Poésie et Libertés »
daté du 13 décembre 1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Pierre Le Grève au RDM datée du 19 mars
1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : PV de la coordination des CLCRM à Rouen : traduction
de la bande dessinée par les CCRM de Bruxelles et Charleroi, daté du 29 mars 1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Plainte de la RTT datée du 28 septembre 1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM au RDM datée du 28 novembre 1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Claude Dejardin à Maâti Bouabid sur le cas
d’Ahmed Herzenni datée du 28 avril 1982.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM de Bruxelles à Jean Gol relatives à
l’expulsion du ressortissant marocain Koub Saïd datées des 25 mai et 4 juin 1982.
- Liasse n°398, CCRM – Correspondances diverses de 1977 à 1994 : Lettre de Pierre Le Grève à Gilles
Perrault datée du 30 septembre 1990.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du représentant du RDM adressée au CCRM de
Bruxelles datée du 20 janvier 1991.
125
- Liasse n°390, CCRM – Notes sur la répression : PV de la réunion du CCRM de Bruxelles du lundi 27
novembre 1978 relatif aux plans d’actions du CCRM de Bruxelles et de l’écriture d’une plateforme.
- Liasse n°390, CCRM – Note sur la répression : Plateforme du CCRM daté du 27 novembre 1978.
- Liasse n°392, Activités depuis le meeting de la Madeleine, Mission CCRM : Rapport médical sur la
description de la vie carcérale au Maroc daté de 1980, pp. 2-8.
- Liasse n°399, CCRM – Membres : Adhésion d’un nouveau membre au CCRM de Bruxelles.
- Liasse n°401, ASCLCRM-Statuts de l’association : Statuts du CLCRM de Paris, non daté, 3 p.
- Liasse n°402, ASCLCRM – Communiqués : Communiqué interne relatif au rapport émis par le CLCRM de
Paris daté de 1977, pp. 1-5.
- Liasse n°402, ASCLCRM – Communiqués : Assemblée générale du CCRM de Bruxelles datée du 24 janvier
1978.
- Liasse n°402, ASCLCRM – Communiqués : Synthèse du travail des CLCRM. La commission de
fonctionnement datée de 1982-1983.
- Liasse n°405, les CLCRM – Communiqués de presse : Bilan de la coordination des CLCRM tenue à
Amsterdam daté du 8 octobre 1984.
- Liasse n°405, les CLCRM – Communiqués de presse : Rapport de la coordination des CLCRM du 8 au 10
mars 1985.
- Liasse n°405, les CLCRM – Communiqué de presse : Discours d’Hassan II relatif à la Grâce du 7 juillet
1994.
- Liasse n°406, les CLCRM – Listes et organigrammes : Liste des comités en Europe datée de 1980.
- Liasse n°406, Les CLCRM : Listes et organigrammes : Les sections des CLCRM en Europe. Organigramme
daté de 1980.
- Liasse n°406, les CLCRM – Liste et organigrammes : Bilan financier de l’organisation de l’exposition
Abdellatif Derkaoui de mars 1983.
- Liasse n°407, Les CLCRM – Comptes rendus et documents internes : Bilan des activités du MAB envoyé au
CCRM de Bruxelles daté du 7 mars 1979.
- Liasse n°407, les CLCRM – Comptes rendus et documents internes : Bilan des activités du comité de
Charleroi lors de la coordination des 25 et 26 octobre 1980.
- Liasse n°407, les CLCRM – Comptes rendus et documents internes : Bilans des activités du CCRM de
Charleroi datés du 19 et 20 mars 1983.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan de la coordination du 15 au 17 octobre 1977.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lausanne daté du
19 avril 1978.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Dijon entre fin
1978 et début 1979.
126
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM d’Angers entre
novembre 1978 et janvier 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Besançon entre
novembre 1978 et février 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Rouen en mars
1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lilles d’octobre
1978 à mars 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Grenoble des 17
et 18 mars 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilans de la coordination des CLCRM daté du 14
octobre 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Rapport de la coordination de l’ASCLCRM des 25
et 26 octobre 1980.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Appel d’une coordination proposé par le CLCRM
de Rouen daté du 11 février 1981.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Compte-rendu de la coordination des CLCRM
passée à Rouen les 28 et 29 mars 1981.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Communiqué : Foire gastronomique de Dijon –
Une action unitaire réussie du 21 novembre 1981.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lille entre
septembre 1981 et janvier 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du KMAN et du CLCRM
d’Amsterdam du 7 janvier 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Proposition de Paris aux sections locales des
CLCRM d’amélioration de la communication des informations datée du 22 mai 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Strasbourg daté
du 22 juin 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Pétition proposé par le CLCRM de Paris lors de la
coordination de Paris des 24 et 25 octobre 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM – Coordinations européennes : Bilan des activités du CLCRM de Brest daté de
1982-1983.
- Liasse n°408, les CLCRM – Coordination européenne (7/8.121992) : Communiqué du CLCRM de Lausanne
daté du 4 avril 1992.
- Liasse n°410, ASCLCRM – Rapport de la conférence de Strasbourg : Compte rendu de la conférence tenue à
Strasbourg le 12 novembre 1986.
127
- Liasse n°411, ASCLCRM – Notes diverses : Compte rendu consacré au détenu Abdelhak Chbada daté de
septembre 1989.
- Liasse n°421, Quelques dossiers particuliers – Affaire Raes-Administrateur Général de la Sûreté belge-
Dossier constitué par le CCRM de Bruxelles : Lettres de Pierre Le Grève envoyées à Serge Moureaux, Willy
Burgeon, Léo Tindemans et José Daras relatives à la décoration d’Albert Raes datées du 16 au 31 mars 1989.
- Liasse n°422, Roi Hassan II – Visite en Belgique : Texte communiqué à la presse le 19 octobre 1983.
a.2.2 Documents et textes parlementaires
a.2.2.1 Annales parlementaires
- Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire 1980-1981, Séance du mercredi 19 novembre
1980 : Interpellation de Claude Dejardin relative à l’exportation des armes belges, pp. 289-290.
- Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire 1982-1983, Bulletin des questions et réponses
n°36 du 12 juillet 1983, Question orale posée par Claude Dejardin à André Bertouille.
- Annales Parlementaires de Belgique, Sénat séance du 22 janvier 1986, Bulletin des questions et
réponses n°30 du 6 mai 1986, Question posée par Jean-François Vaes à André Damseaux sur la
nomination des professeurs de cours de religion islamique, pp. 977-978.
- Annales Parlementaires de Belgique, Chambre, Bulletin des questions et réponses n°217 du 21 avril
1989. Question écrite posée par José Daras au ministre de la Justice Melchior Wathelet portant sur
la décoration par le Maroc de l’Administrateur général, p. 5784.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 25 mai 1956, N°2274, Dahir n°1-56-115 du 5 chaoual
1375 (16 mai 1956) relatif à la direction générale de la sûreté nationale.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 20 juillet 1956, N°2282, Dahir n°1-56-138 du 16 kaada
1375 (25 juin 1956) portant création des Forces armées royales.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 17 août 1956, N°2286, Dahir n°1-56-179 du 25 hija 1375
(3 août 1956) portant institution d’un Conseil national consultatif auprès de sa Majesté.
- Bulletin officiel Royaume du Maroc du 17 mai 1957, N°2325, Dahir n°1-57-059 du 28 ramadan
1376 (29 avril 1957) sur la gendarmerie.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9 juin 1961, N°2745, Dahir n° 1-61-167 du 17 hija 1380
(2 juin 1961) portant Loi fondamentale pour le Royaume du Maroc.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9 juin 1965, Décret royal n°136-65 du 7 safar (7 juin
1965) proclamant l’état d’exception.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 31 janvier 1973, N°3144, Dahir portant loi n°1-73-8 du 7
hija 1392 (12 janvier1973) relatif à la création d’une Direction générale d’études et de
documentation.
128
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 4 avril 1973, N°3153, Décret n°2-73-172 du 27 safar
1393 (2 avril 1973) portant suspension du groupement politique dit « l’Union nationale des forces
populaires – branche de Rabat ».
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 11 avril 1973, N°3154, Dahir portant loi n°1-72-524 du
18 moharram 1393 (22 février 1973) relatif à l’organisation générale des forces auxiliaires.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 21 janvier 1976, N°3299, Arrêté du ministre des affaires
administrative, secrétaire général du gouvernement n°454-75 du 27 hija 1395(30 décembre 1975)
relatif à la classification des fonctionnaires pour l’attribution des indemnités de déplacements.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 2 mai 1990, N°4044, Dahir n° 1-90-12 du 24 ramadan
1410 (20 avril 1990) relatif au Conseil Consultatif des Droits de l’Homme.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 1er novembre 2001, N°4948, Dahir n°1-01-299 du 29
rajab al khaïr 1422 (17 octobre 2001) portant sur l’Institut Royal de la Culture Amazighe.
- CRISP, Documents Politiques, Gouvernements Fédéraux depuis 1944 : Gouvernements Léo
Tindemans I, II, III, IV.
- Manifeste du Parti de l’Istiqlal le 11 janvier 1944.
a.2.2.2 Constitutions
- Constitution du Royaume de Belgique.
- Constitution du Royaume du Maroc du 7 décembre 1962.
- Constitution du Royaume du Maroc du 24 juillet 1970.
- Constitution du Royaume du Maroc du 15 mars 1972.
- Constitution du Royaume du Maroc du 4 septembre 1992.
- Constitution du Royaume du Maroc du 13 septembre 1996.
- Constitution du Royaume du Maroc du 29 juillet 2011.
a.2.3 Communiqués, journaux, presses et périodiques des associations, partis politiques et syndicats
- AT TAHRIR, Hebdomadaire de l’UNFP section des étudiants de Paris, N°6, du 7 mai 1963.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel, mars-avril 1978.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, septembre-octobre, 1979.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril, 1980.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1980.
129
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, juillet-août, 1981.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre 1981.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1983.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1984.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, juillet-août, 1984.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, septembre-octobre 1984.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril, 1985.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1985
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février 1987.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre 1987.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1987.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, avril-mai, 1989.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1989.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1991.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février (supplément), 1991.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1992.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril 1993.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, 4 mai, 1994.
- Maroc Répression, Bulletin mensuel du CLCRM de Paris, N°8 bis, décembre 1978.
- Maroc Répression, Bulletin mensuel du CLCRM de Paris, N°31, septembre-octobre 1988.
- Maroc Répression : Le Maroc des Procès, Bulletin mensuel du CLCRM de Paris, Paris, N°39, 1977.
- L’UNEM : Dossier Syndical, Organe de presse de l’UNEM section Bruxelles, Bruxelles, 26
septembre 1984.
- L’UNEM : Dossier Syndical, UNEM section Bruxelles-Charleroi, Bruxelles, N°8, 1985.
- L’Unité, Hebdomadaire du Parti socialiste, N°103, du 22 au 28 mars 1974.
- Syndicats, organe de presse de la FGTB, N°43, le 22 octobre 1983.
- BEN BARKA, M., Option révolutionnaire au Maroc, Rapport au secrétariat de l’UNFP avant le 2e
Congrès, Rabat, le 1er mai 1962.
- BEN BARKA, M., Vers la construction d’une société nouvelle, Discours devant les cadres du parti
de l’Istiqlal de Tétouan, 31 juillet 1958.
a.2.4 Interviews
130
- Interview d’Abderrahmane Cherradi par Anne Quinet, RTBF Edition du mercredi 19 octobre 1983 à
19h00.
- Interview d’Hassan II sur Europe 1 du 21 novembre 1976.
- Interview d’Hassan II par Jean-Charles Dekeyser, RTL-TV Edition du 19 octobre 1983 à 19h15.
a.2.5 Journaux, dépêches et presses internationaux
- AFP du 24 juin 1981 à 15h38.
- Jeune Afrique du 1er février 1984.
- La Cité du 20 janvier 1983.
- Le Courrier International du 11 juillet 2009.
- La Dernière Heure du 20 janvier 1980.
- La Dernière Heure du 20 octobre 1983.
- Le Drapeau rouge du 7 mars 1980.
- Le Drapeau Rouge du 20 janvier 1983.
- L’Humanité du 3 juin 1971.
- L’Humanité du 15 novembre 1974.
- Le Journal Hebdo, N°286 du 20 au 26 janvier 2007.
- La Libre Belgique du 20 octobre 1983.
- Le Matin du Maroc du 30 mars 1975.
- Le Matin du Sahara du 4 mars 1989.
- Le Monde du 21 août 1963.
- Le Monde du 13 juillet 1971.
- Le Monde du 9 août 1971.
- Le Monde du 3 mars 1973.
- Le Monde du 27 janvier 1977.
- Le Monde du 26 octobre 1983.
- Le Nouvel Observateur du 6 juin 1977.
- Le Nouvel Observateur du 16 janvier 1978.
- Le Soir du 1er février 1980.
- Le Soir du 18 octobre 1983.
- Libération du 3 septembre 1984.
- RTBF Edition du mardi 18 octobre 1983 à 7h20.
131
- Rue 89 du 1er février 2010.
- Slate Afrique du 2 juillet 2011.
a.2.6 Communiqués et rapports
- Communiqué relatif à la confirmation en appel de la condamnation d’Ali L’mrabet : une atteinte
grave à la liberté d’expression, Communiqué de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme,
17 juin 2003.
- Les Fondements Juridiques et Institutionnels de la République Arabe Sahraouie Démocratique,
Actes du Colloque international de juristes tenu à l’Assemblée Nationale, Paris, L’Harmattan, les 20
et 21 octobre 1984.
- Guide Juridique des Collectivités Locales, Publication du Ministère de l’Intérieur du Royaume du
Maroc, Tome 1-2, Rabat, 2010.
- Maroc-Sahara occidental : Aveux contestés, procès contestables, Communiqué d’Human Right
Watch, 21 juin 2013.
- Point Hebdomadaire sur la campagne de parrainage des prisonniers d’opinion au Maroc,
publication de l’ASHDOM, N°52, 30 janvier 2014
- Rapports d’Amnesty International de 1972 à 1977, 2006 et 2012.
- Rapport annuel sur les violations des Droits Humain au Maroc en 2010, Publication de l’AMDH,
juin 2011.
- Rapport d’ATTAC concernant les événements de Sidi Ifni, 1er juillet 2008.
- Rapport du CNDH présenté au Parlement du Royaume du Maroc, juin 2014.
- Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental, Publication du
Conseil de Sécurité des Nations Unies, 8 avril 2013.
- Rapport sur les migrants subsahariens en situation irrégulière au Maroc, Publication d’MSF, mars
2013.
- Rapport sur le développement humain en 2011, Publication du PNUD, 2010-2011.
- La liberté de la presse : le Maroc derrière l’Algérie et la Lybie, Communiqué de Reporters Sans
Frontières, 20 octobre 2013.
a.2.7 Sources iconographiques
- Couverture de la bande dessinée RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de la détention
politique au Maroc, Paris-Bruxelles-Amsterdam, les CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980.
132
- Photo de la manifestation organisée par le CCRM de Bruxelles en faveur des victimes des
arrestations au Maroc, in Maroc : un trône qui tremble sur ses bases, Publication de la Ligue Anti-
Impérialiste, Bruxelles, février 1986, p. 27.
- Carte du Maroc : Villes et régions économiques, dimension de l’image 1200 X 1138 vu dans :
http://www.carte-du-monde.net/pays-44-carte-regions-economiques-maroc.html (consulté le 15 juin
2015).
a.2.8 Témoignages
- KIEJMAN, A. et DARTEVELLE, B., Le Livre blanc sur les Droits de l’Homme au Maroc, Paris,
Publication de la Ligue des Droits de l’Homme, 1989.
- MENEBHI, S., Poèmes-lettres-écrits de prison, Paris-Bruxelles, les CLCRM de Paris et Bruxelles,
décembre 1978.
- RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de la détention politique au Maroc, Paris-
Bruxelles-Amsterdam, les CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980.
- ZRIKA, A., Rires de l’arbre à palabre, Paris, L’Harmattan, 1982.
B. Bibliographie
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national de la recherche scientifique; Centre de recherches et d'études sur les sociétés
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Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre national de la recherche scientifique; Centre de recherches et
d'études sur les sociétés méditerranéennes (CRESM)(éds.), Paris, Editions du CNRS, Vol. 14, 1976,
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- BENNANI-CHRAÏBI, M., Soumis et rebelles : les jeunes du Maroc, Paris, CNRS Editions, 1994,
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138
Carte du Maroc376
376 Carte du Maroc : Villes et régions économiques, dimension de l’image 1200 X 1138 vu dans : http://www.carte-du-
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139
Glossaire des personnalités
140
ABABOU, M’hamed (1938-disparu en 1971)
Originaire de Taza, M’hamed Ababou fut l’un des plus jeunes officiers supérieurs du Maroc après
l’indépendance. Lieutenant-colonel des FAR, M’hamed Ababou a participé au premier coup d’Etat au
Palais de Skhirat alors qu’Hassan II fêtait son anniversaire avec une importante délégation étrangère le 10
juillet 1971. Le coup d’Etat ayant échoué, M’hamed Ababou a été arrêté et interné au PF2.
AGOULIZ, Mohamed (1927 ?- assassiné en 1964)
Originaire du sud marocain, Mohamed Agouliz fut très tôt dans l’ALM. Surnommé « le Chef des Arabes »,
Mohamed Agouliz multiplia des coups de main contre la police et contre des agents d’autorité du
Makhzen. Recherché par la Sûreté Nationale, Agouliz fut condamné par contumace au procès de Rabat
du 14 mars 1964. Quelques mois plus tard, « le Chef des Arabes » a été impitoyablement traqué et
liquidé par le Général Oufkir à Casablanca le 7 août 1964.
AHARDANE, Mahjoub (né en 1921 ?)
Personnage clé de la politique marocaine contemporaine, Mahjoub Ahardane est l’archétype du seigneur
féodal impliqué dans le Mouvement National. Caïd à la fin des années 1940 dans l’Atlas, il participa à la
fondation du MP en 1957. Mahjoub Ahardane apparait comme un membre influent du Makhzen au sein des
partis politiques de tendance istiqlalienne (PI et PDI). En outre, il collabora dans plusieurs gouvernements
sous Hassan II et devint ministre de la Télécommunication entre 1979 et 1981.
AMAOUI, Noubir (né en 1935)
Natif de la région casablancaise, Noubir Amaoui fut un important personnage du syndicalisme au Maroc.
Entre 1975 et 1978, il consolida la CDT dont il a pris le secrétariat général. Lors des événements de juin
1981, Noubir Amaoui a lancé l’appel à l a grève générale à l’encontre du régime marocain. Arrêté, son
syndicat interdit, les CLCRM plaidèrent fortement en sa faveur en créant un comité de soutien. Noubir
Amaoui fut libéré en 1992.
BALAFREJ, Ahmed (1908-1990)
Originaire d’une famille bourgeoise de Rabat, Ahmed Balafrej entra dans le monde politique dans les
années 1930 et a participé à la construction des premiers partis politiques dont le PN et le PI. Secrétaire
général de ce dernier parti entre 1943 et 1960, il a constitué le premier Gouvernement National après
l’indépendance (PI du 3 décembre 1956 au 12 mai 1958). Son fils, Anis Balafrej (surnommé « Che Mao »),
s’est illustré dans les mouvements d’extrême gauche à partir de 1968.
141
BASRI, Driss (1938-2007)
Natif de Settat, Driss Basri était fils d’un gardien de prison. Commissaire, il gravit rapidement les
échelons du Ministère de l’Intérieur. A partir de 1969, Driss Basri devint commissaire principal de
la DGSN et il consolida l’appareil sécuritaire en créant la DST et la DGED. Professeur de Droit,
Basri est devenu le troisième homme fort du régime d’Hassan II. Basri obtint de ce dernier le
Ministère de l’Intérieur pour vingt ans (1979-1999). A la mort d’Hassan II, il fut limogé par
Mohamed VI.
BASRI, Mohamed (Fqih) (1930-2003)
Mohamed Basri s’est illustré dans l’ALM et a mené des actions contre les autorités françaises
dès 1954. Personnage influent de l’ALM, il entretenait des contacts avec le groupe politique de
Mehdi Ben Barka (UNFP) et d’Abdallah Ibrahim (UMT) et aussi l’UNEM. Condamné dès le procès
de mars 1964, Mohamed Basri organisa des cellules de l’ALM dans les montagnes marocaines.
Entre 1965 et 1973, il fut à l’initiative d’une guérilla contre le régime d’Hassan II. Il rentra au
Maroc en 1995 après 30 ans d’exil.
BEN BARKA, Mehdi (1920- disparu en 1965)
Fils d’un petit commerçant de Rabat, Mehdi Ben Barka fut une figure de proue du Mouvement
National. Ayant participé aux premiers gouvernements nationaux (1956-1960), dont il fut un
temps le ministre de l’Education, Ben Barka favorisa l’émergence de l’UNEM (1956) et créa
l’UNFP en 1959. Figure de proue de l’opposition politique marocaine et du Mouvement des Non-
Alignés, il prit le chemin de l’exil en 1963. Leader charismatique, il fut enlevé par des agents de
la CAB1 devant la brasserie Lipp, à Paris, le 29 octobre 1965. Sa disparition a marqué un
premier schisme dans la gauche marocaine.
BEN SEDDIK, Mahjoub (1922-2010)
Membre fondateur du Mouvement Syndical, Mahjoub Ben Seddik fut cheminot et affilié à la CGT
et plus tard à l’UGSCM. Entre 1948 et 1955, Ben Seddik a fondé la première centrale syndicale
ouvrière marocaine : l’UMT. Il assura le secrétariat général de ce syndicat jusqu’à sa mort.
BENJELLOUN, Omar (1936- assassiné en 1975)
Originaire d’Oujda, Omar Benjelloun fit des études de télécommunication et de droit.
Participant à la création de l’UNFP, Omar Benjelloun faisait partie des membres influents de la
gauche marocaine entre 1959 et 1975. A cette date, il a participé à la fondation de l’USFP dont il
142
dirigea le journal Al Moharrir. Très actif dans l’UNEM et l’UMT, il fut plusieurs fois arrêté et
torturé. Omar Benjelloun fut visé par une première tentative d’assassinat par colis piégé en 1973.
Le 18 décembre 1975, il fut poignardé par des islamistes appartenant aux Jeunesses Islamiques.
Son frère, Ahmed, est resté actif au sein de l’USFP.
BOUABID, Abderrahim (1922-1992)
Natif de Salé, Abderrahim Bouabid fut un acteur du Mouvement National, participant à la
consolidation du PI, de l’UNFP et de l’USFP entre 1944 et 1975. Entre 1956 et 1960, Abderrahim
Bouabid devint successivement ministre de l’Economie, de l’Agriculture et des Finances. Avocat de
formation, il plaida en faveur des frontistes (Ilal Amam), socialistes (USFP), syndicalistes (UMT et
CDT) et journalistes inculpés lors des procès politiques passés entre 1977 et 1983. Il fut secrétaire
général de l’USFP de 1975 à 1992.
BOUABID, Maâti (1927-1996)
Originaire de Casablanca, Maâti Bouabid a participé au Gouvernement d’Abdallah Ibrahim en
devenant ministre de l’Emploi et des Affaires sociales en 1958. A partir de 1977 sous le
Gouvernement Osman, Maâti Bouabid reçu le Ministère de la Justice. Il fut à la tête de trois
gouvernements successifs – tout en gardant le Ministère de la Justice – UC entre le 29 mars 1979 et
le 30 novembre 1983. Durant ses mandats, il renforça les « partis pivots » en vue d’assurer une
meilleure hégémonie royale à l’égard des mouvements de l’opposition.
BURGEON, Willy (né en 1940)
Originaire de La Louvière, Willy Burgeon est licencié en Sciences commerciales et financières.
Enseignant entre 1963 et 1969, il entre a u PSB en 1971. Entre 1971 et 2006, Willy Burgeon
devient député wallon, conseiller communal et échevin de Haine-Saint-Pierre et de Binche. Il
participe à la réunion qui allait consacrer la naissance du CCRM de Bruxelles le 23 juin 1977.
Lorsque le CCRM de Bruxelles organisait ses activités et ses réunions, Willy Burgeon restait
régulièrement informé par Pierre Le Grève.
CROLOP-DOUCET, Annie et Philippe (née en 1944 et né en 1952)
Annie Crolop est enseignante en français. Membre de la FGTB section Bruxelles-Hal-Vilvoorde dès
1966, Annie Crolop a participé à l’élaboration des écoles d’alphabétisation à partir de 1968. Ces
cours étaient dispensés aux immigrés espagnols, turcs et marocains. Entre 1968 et 1976, Annie
Crolop collabora dans diverses formations données par la FGTB, parmi lesquelles : des cours
sur les problèmes des délégués syndicaux, du droit social, des ateliers populaires et une université
143
syndicale. Son mari, Philippe Doucet, est architecte de formation. Actif dans l’alphabétisation
des ouvriers immigrés, Philippe Doucet a été amené à participer à la fondation et à la gestion
interne du CCRM. Ses principales fonctions au sein du comité étaient d’écrire les comptes rendus
des réunions, de rédiger les bulletins d’information et d’écrire les appels aux coordinations pour
les CLCRM.
CUDELL, Guy (1917-1999)
Natif de Bruxelles, Guy Cudell fut un homme politique socialiste. Bourgmestre de Saint-Josse-Ten-
Noode depuis 1953 jusqu’à son décès, Guy Cudell était aussi membre de la Chambre des
Représentants et secrétaire d’Etat aux affaires bruxelloises dans les Gouvernements d’Edmond
Leburton (du 26 janvier 1973 au 19 janvier 1974) et de quelques Gouvernements de Wilfried
Martens. Internationaliste, Guy Cudell a apporté son soutien aux réseaux du FLN durant la guerre
d’Indépendance de l’Algérie (1954-1962). De la cause algérienne, Cudell s’était sensibilisé à celle
des ressortissants marocains fuyant le régime d’Hassan II. En ce sens, il participa fortement aux
activités du CCRM de Bruxelles en disposant pour ce dernier des autorisations de manifestation et
d’affichage public.
DARAS, José (né en 1947)
Natif de Namur, José Daras est géographe de formation. Sensibilisé aux questions sociales et
environnementales, José Daras a participé à la création du parti ECOLO en 1980. Interpellé sur la
répression politique au Maroc, il fut présent lors de la réunion du 23 juin 1977 consacrant la
fondation du CCRM de Bruxelles. Député et ministre wallon entre 1981 et 2004, José Daras s’est
illustré en posant des questions parlementaires quant à la présence policière marocaine en
Belgique et à l’affaire Raes (1989 et 1994).
DAURE, Christine Jouvain-Serfaty (1926-2014)
Christine Daure était la fille d’un physicien, recteur de l’Université de Caen. Professeure
d’histoire et de géographie, elle s’installa au Maroc en 1962. Sensibilisée aux mouvements
d’extrême gauche marocains, elle fut amenée à soutenir les activités de ces derniers (publications,
protection envers les étudiants recherchés etc.). Elle fit connaissance d’Abraham Serfaty alors
arrêté une première fois en 1972 et ne put se marier avec lui qu’en 1986. Christine Jouvain milita
activement pour créer le premier CLCRM à Paris avec François Della Sudda. Au vu des
nombreuses informations relatives aux conditions de détention dans les prisons marocaines,
144
Christine Jouvain a largement contribué à les relayer auprès de Gilles Perrault pour la publication
de « Notre Ami le Roi » en 1991.
De WASSEIGE, Yves (né en 1925)
Originaire de Namur, Yves de Wasseige est diplômé en génie civil des mines et en économie (1950-
1951). Entre 1958 et 1975, de Wasseige travaille comme ingénieur sidérurgique de Hainaut-
Sambre. A partir de 1975, Yves de Wasseige entre de plein pied dans la politique en adhérant au
Mouvement Wallon et obtient le secrétariat général du Rassemblement Wallon en 1980. Il a été, en
outre, plusieurs fois sénateur. Actif dans le Gouvernement Tindemans, Yves de Wasseige participa
à la fondation du CCRM de Bruxelles en 1977.
DEJARDIN, Claude (né en 1938)
Originaire de Liège, Claude Dejardin entre comme agent administratif à l’INR-RTBF.
Régulièrement élu député de l’arrondissement de Liège depuis 1971, Claude Dejardin siège au
Conseil Wallon entre 1980 et 1987. Socialiste et spécialiste de la question de l’immigration en
Belgique au sein du parti, Claude Dejardin a créé un CCRM à Liège vers 1980. Entre 1981 et 1986,
Claude Dejardin a interpellé plusieurs fois le Parlement sur les relations commerciales entre la
Belgique et le Maroc, dont les exportations d’ armes et le contrôle des professeurs de religion
islamique dans les établissements scolaires belges.
DLIMI, Ahmed (1930-1983)
Natif de Sidi Kacem, ville sur la côte atlantique marocaine, Ahmed Dlimi a fait des études dans
l’Ecole Militaire de Casablanca en 1956. Parachutiste, il intégrait les FAR en 1957 et participait
au cabinet du Général Oufkir dont il en devint le directeur-adjoint. Entre 1960 et 1973, le Colonel
Dlimi consolida l’appareil sécuritaire en renforçant le CAB1 et en créant les BS. Après la mort du
Général Oufkir, Ahmed Dlimi fut le deuxième homme fort du régime d’Hassan II en procédant à
une féroce purge dans l’armée et les partis politiques. Depuis la Marche Verte, survenue le 6
novembre 1975, le monarque l’a nommé Commandant en Chef de l’armée marocaine. Le
Commandant en Chef est mort, dans des circonstances mystérieuses, d’un accident sur la route de
Marrakech le 25 janvier 1983.
DURY, Raymonde (née en 1947)
145
Femme politique belge francophone, Raymonde Dury intégra le PSB et fut députée européenne de
1984 à 1998. Raymonde Dury s’est engagée en faveur du CCRM de Bruxelles au début des années
1990.
EL ALAOUI, Hassan (II) (1929-1999)
Fils de Mohamed V, le prince Hassan a fait des études de Droit à Rabat et à Bordeaux où il
obtint un diplôme en 1951. 16e roi de la dynastie alaouite, Hassan II accéda au trône en 1961.
Partisan du pouvoir fort et absolu, Hassan II a été favorable au rapprochement a v e c les Etats-
Unis et l’Europe occidentale durant la Guerre Froide. Privilégiant une économie d’exportation,
Hassan II s’est employé à mettre au pas le Mouvement National en recourant systématiquement à la
force. Hassan II dirigeait le Parlement où il nommait un conseiller. C’est durant son règne
qu’apparut la question du Sahara. Son fils, Mohamed VI, lui a succédé depuis 1999.
EL BAROUDI, Mohamed (1935-2007)
Originaire de la campagne casablancaise, Mohamed El Baroudi a intégré le syndicalisme dès le
début des années 1950. Enseignant des cours d’alphabétisation, Mohamed El Baroudi a participé à
la création de l’UNEM et fut membre de l’UNFP. Fuyant les purges à l’encontre du parti,
Mohamed El Baroudi prit le chemin de l’exil en 1963. Installé en Belgique en 1966, Mohamed El
Baroudi s’est employé à permettre aux immigrés marocains de s’organiser en favorisant les cours
d’alphabétisation et la création du RDM (1975-1992). Entre- temps, il a concouru à la création du
CCRM de Bruxelles et informa régulièrement le comité des événements politiques, sociaux et
économiques du Maroc.
EL FASSI, Allal (1910-1974)
Originaire de Fès, Allal El Fassi était de formation alim. Très influencé par les courants réformistes
musulmans, Allal El Fassi a participé au Mouvement National naissant en 1934. Membre fondateur du
CALM et du PN entre 1934 et 1937, Allal El Fassi a contribué à la naissance du PI le 11 janvier 1944.
À partir des années 1950, il participa à la naissance du FI avec Mehdi Ben Barka. A la suite de
problèmes internes au FI, Allal El Fassi et ses partisans ont maintenu le PI après la naissance de
l’UNFP. Entre 1960 et 1963, Allal El Fassi a occupé le Ministère des affaires islamiques. Il mourut à
Bucarest en 1974.
EL HOUCINE, Manouzi (1943 – disparu en 1975)
146
Originaire de Tafraout, petite ville au sud du Maroc, Houcine El Manouzi fit des études de
mécanique à Casablanca. Engagé comme stagiaire dans la Royal Air Maroc, il est renvoyé pour
activité syndicale. En 1963, Houcine El Manouzi s’est installé à Bruxelles où il a travaillé comme
mécanicien à la SABENA. Il a participé à la syndicalisation des immigrés marocains et à la
fondation des sections arabes de la FGTB et de la CSC à laquelle il fut affilié. Membre de l’UNFP et
de l’ALM, Houcine El Manouzi dut quitter Bruxelles pour des raisons de sécurité. Installé en Lybie
en 1971, El Manouzi fut enlevé une première fois le 1er novembre 1972 à Tunis. Transféré au Maroc,
Houcine El Manouzi a pu s’évader le 13 juillet 1975 du PF2. Il est arrêté par la police sept jours plus
tard. Le CCRM de Bruxelles publiait régulièrement une pétition exigeant sa libération.
EL YOUSSOUFI, Abderrahmane (né en 1924)
Natif de Tanger, Abderrahmane El Youssoufi participe au Mouvement National dès les années
1940. Membre du PI, il a obtenu son diplôme en droit et en sciences politiques en France. Du PI,
Abderrahmane a participé à la constitution de l’UNFP dont il devient un leader avec Mehdi Ben
Barka. Condamné lors de la rafle du 16 juillet 1963 pour deux ans, Abderrahmane El Youssoufi
quitte le Maroc pour la France et y restera 15 ans. Entre-temps, il fut condamné à mort par
contumace. Il collabora à la constitution de l’USFP en 1975 dont il est devenu membre du bureau
politique en 1978. Revenu au Maroc en 1980, il a succédé à Abderrahim Bouabid et devint
secrétaire général de l’USFP de 1992 à 2003. Brièvement exilé volontairement à Cannes entre
1993 et 1995, il fut chargé par Hassan II de constituer un gouvernement d’alternance dans lequel
il fut Premier ministre (1998-2002).
FIEVEZ, Joseph (né en 1936)
Originaire de la province de Namur, Joseph Fiévez est un homme politique belge, militant
wallon et syndicaliste du MOC. A partir de 1970, il intègre le PSC et ensuite le RW.
Successivement député de 1974 à 1977, et de 1979 à 1981, Joseph Fiévez participe à la création du
CCRM de Liège en 1980.
FAUST, Albert (1945-2004)
Syndicaliste actif au sein de la FGTB, Albert Faust a été amené à suivre les activités du
CCRM de Bruxelles à travers la section arabe du syndicat. Mis au courant de la répression
politique au Maroc, il collabora à travers la FGTB à soutenir les activités du CCRM, notamment en
participant à une mission d’observation organisée par la FGTB section Charleroi en 1981.
147
GALAND, Pierre (né en 1940)
Bruxellois, Pierre Galand a fait des études d’économie. Membre du MCP, il lance en 1967 avec
Antoine Allard, dit le Baron Rouge, OXFAM Belgique. En 1975, Pierre Galand participe à la
fondation du CNAPD et s’implique dans la création du CCRM de Bruxelles deux ans plus tard.
Cependant, Pierre Galand a aussi donné son appui au Comité de Soutien au Peuple Sahraoui né
parallèlement au CCRM. Entre 1985 et 1988, il s’investit dans le Comité de Liaison des ONG
européennes avec la Commission européenne tout en luttant contre l’apartheid en Afrique du Sud.
Socialiste, il préside depuis 1986 plusieurs associations parmi lesquelles : l'Association belgo-
palestinienne, l'Organisation mondiale contre la torture – Europe, l'Association belge des Amis du
Monde diplomatique et la fondation Laïcité et Humanisme en Afrique centrale.
GLINNE, Ernest (1931-2009)
Originaire du Hainaut, Ernest Glinne était un socialiste de gauche, membre du Mouvement Wallon
et successivement député de l’arrondissement administratif de Charleroi, bourgmestre de
Courcelles, ministre du Travail et de l’Emploi et député européen du Parti Socialiste entre 1961 et
1994. En 1981, Glinne manquait de peu la présidence du PSB. Internationaliste, il a plaidé pour
plusieurs ressortissants étrangers dont des Chiliens, des Turcs et des Marocains. C’est durant son
mandat ministériel qu’est né le premier CCRM à Charleroi. Impliqué dans les activités des CCRM
de Charleroi et Bruxelles, Ernest Glinne a permis aux CCRM un succès certain. Les contacts qu’il
entretenait avec Le Grève permettaient aux deux CCRM d’agir en synergie. Ernest Glinne a posé
plusieurs questions parlementaires parmi lesquelles une question orale sur les activités des Amicales
marocaines en 1976 et les déplacements discrets du ministre marocain du Travail en 1978.
GOL, Jean (1942-1995)
Né à Hammersmith, Angleterre, Jean Gol fut un homme politique et une figure du libéralisme.
Diplômé en Droit et en sciences juridiques (1964-1969). Fort actif dans le syndicalisme universitaire
et bien qu’il se soit défini comme socialiste, il lutta contre le trotskisme dans le Parti wallon des
Travailleurs. Entre 1971 et 1979, Jean Gol devenait député de Liège, travaillait au rapprochement
entre les libéraux wallons et bruxellois, et créa le PRL dont il fut le premier président jusqu’en 1981.
Entre 1981 et 1985, il fut ministre de la Justice et vice-Premier ministre et participa à plusieurs
gouvernements de coalition avec Wilfried Martens (CVP). Controversé sur la politique migratoire,
Jean Gol travailla à la loi du 28 juin 1984, dite la « loi Gol », relative à l’octroi de la nationalité
belge aux étrangers. Redevenu président du PRL en 1992, Jean Gol s’est éteint brutalement en 1995.
Louis Michel lui succéda à la présidence du parti.
148
GUEDIRA, Ahmed Réda (1922-1995)
Natif de Rabat, Guédira fit des études d’avocat. Devenu imprimeur royal en 1947, Ahmed Réda
Guédira se lia rapidement d’amitié avec Mohamed V, ce qui lui valut le Ministère de l’Information
et du Tourisme. A l’avènement d’Hassan II, Guédira était le plus important Conseiller royal. Entre
1960 et 1964, il travailla à concentrer les partis de droite et de gauche entre les mains du Palais par
le biais du FDIC, de l’UGTM, de l’UGEM et du PSD. Il devint ministre des Affaires Etrangères
en 1965 et vers 1969, il fusionna le FDIC avec le PDI pour donner naissance au PDC.
HOUTART, François (né en 1925)
François Houtart a suivi une formation en philosophie et en théologie au Grand séminaire de
Malines. Il travaillait également avec l'abbé Joseph Cardijn à la JOC. Il est ordonné prêtre en
1949. Professeur de sociologie à l’Université Catholique de Louvain, membre fondateur du Centre
Tricontinental (CETRI) en 1976, François Houtart a pris connaissance de la naissance du CCRM en
1977.
IBRAHIM, Abdallah (1918-2005)
Fils d’un petit commerçant, Abdallah Ibrahim fit des études de théologie et devint alim en 1943.
Actif au sein du Mouvement National, il poursuivit des études à la Sorbonne. Entre 1950 et 1955, il
consolidait le Mouvement syndical et participait à la fondation de l’UMT. En 1956, il devenait
ministre du Travail et des Questions Sociales et, deux ans plus tard, devenait Premier ministre
et ministre des Affaires Etrangères initiant le premier gouvernement de gauche syndical (UMT
du 24 décembre 1958 au 27 mai 1960). Il favorisa la naissance de l’UNFP mais rentra en
désaccord avec le secrétariat général du parti en 1962. Les multiples pressions que son
gouvernement subit de la part du PI, du PDI, des féodaux du Makhzen et du Palais l’ont amené
à être démis de ses fonctions. Il se retira de la vie politique active en devenant le secrétaire général
de l’UNFP après sa scission en 1973.
JOSPA, Yvonne (1910-2000)
Originaire de l’ancienne Bessarabie, région entre l’Ukraine, la Roumanie et d e la Moldavie,
Yvonne Jospa (Have Groisman de son véritable nom) a participé, entre 1933 et 1942, à la création
de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme et au Comité de Défense des Juifs. Epouse d’Hertz
Jospa et communiste, Yvonne Jospa fut assistante sociale et contribua à l’organisation de filières
secrètes pour les brigades internationales de Belgique durant la guerre civile d’Espagne (1936-
1939). Vers 1964, elle créa l’aile belge du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les
149
peuples en fondant le MRAX. En sa qualité de présidente du MRAX, elle fournit une aide
pratique au CCRM de Bruxelles en versant une cotisation et en apposant des affiches au profit du
CCRM.
KIEJMAN, George (né en 1932)
Originaire de Pologne, George Kiejman s’est installé avec sa mère à Paris durant la guerre. Il
poursuivit des études d’avocat à la Sorbonne. Spécialisé dans le Droit public et pénal, George Kiejman
a plaidé en faveur de plusieurs affaires dont les affaires Pierre Goldman (1976), Guy Debord (1977) et
la famille Oufkir (1987). George Kiejman et Bernard Dartevelle ont rendue publique la détention
secrète de la famille Oufkir.
Cette affaire a permis à Gilles Perrault de donner des renseignements supplémentaires sur la répression
politique.
LAÂBI, Abdellatif (né en 1942)
Originaire de Fès, Abdellatif Laâbi est un traducteur, écrivain et poète marocain. Membre du PCM,
Laâbi a créé l’une des revues culturelles et politiques les plus importantes au Maroc en 1966 :
Souffles (Anfas). Il fonda aussi l’Association de Recherche Culturelle et l’Union des Ecrivains
Marocains.
Passé au PLS, Abdellatif Laâbi a participé à la fondation du mouvement Ilal Amam. Arrêté et
torturé en 1973, son cas a été défendu par les CLCRM. Ces derniers ont constitué un comité de
soutien ; grâce à la mobilisation de l’opinion en sa faveur, il fut libéré en 1980.
LACHARON, Louise (née en 1926)
Licenciée en philologie romane, Louise Lacharon fut professeure à l’Ecole normale moyenne
Charles Buls. A partir de 1960, elle milita activement au sein de la CGSP secteur Enseignement
dont elle présida la Commission Exécutive pendant trente ans. Ecrivaine, Louise Lacharon fut la «
numéro 2 » du CCRM de Bruxelles. Ses fonctions au sein du comité ont été principalement d’écrire
les communiqués avec Philippe Doucet, de contacter les membres de la CGSP secteur
Enseignement lorsque le CCRM élaborait une action, de dessiner les affiches, de dresser des plans
d’affichage et de tirer les affiches et les tracts.
LAGHZAOUI, Mohamed (inconnu)
Il existe peu d’informations sur Mohamed Laghzaoui. Les maigres renseignements à son égard
indiquent qu’il fut proche du PI, patron de la DGSN entre 1956 et 1960, membre du FDIC et
150
ministre de l’Industrie Moderne, des Mines, du Tourisme et de l’Artisanat dans le Gouvernement
Hassan II - Bahnini (du 8 juin 1965 au 11 novembre 1967). Lorsqu’il fut patron de la DGSN, il
organisa plusieurs enlèvements et assassinats principalement dans les rangs de l’ALM, de l’UMT,
du PCM et du PDI.
LALLEMAND, Roger (né en 1932)
Natif du Hainaut, Roger Lallemand est licencié en philologie romane et docteur en droit d e
l’Université Libre de Bruxelles. Devenu avocat, il fut sénateur entre 1979 et 1999. Roger Lallemand
fut présent lors de la création du CCRM de Bruxelles. Il s’est illustré dans l’affaire Régis Debray et
dans celle du gynécologue Willy Peers.
LE GREVE, Pierre (1916-2004)
Né dans une famille bourgeoise, Pierre Le Grève fut dès son plus jeune âge interpellé par les
inégalités sociales et les conditions sociales. Etudiant à l’Université Libre de Bruxelles, il adhéra au
marxisme et plus particulièrement au trotskisme. Membre du Parti Communiste International, Le
Grève collabora au journal La Gauche dès 1957. Membre de la CGSP, de la FGTB, député
socialiste et internationaliste, Le Grève multiplia les contacts avec des ressortissants étrangers et
les activités de plusieurs comités. Entre 1954 et 1998, sa solidarité s’exerçait au bénéfice des
ressortissants d’Afrique du Sud, d’Algérie, d’Angola, du Chili, du Zaïre, de l’Espagne, du Kurdistan,
du Maroc, des Îles Maurice, d’Israël-Palestine, de Namibie, du Rwanda, de la Turquie, du Vietnam,
d’Argentine, de Cuba, de la Hongrie, du Pérou, de Tchécoslovaquie, d’Irlande et de l’Uruguay.
Principal membre fondateur du CCRM de Bruxelles, Le Grève a contribué à constituer une caisse
de résonnance en faveur des détenus politiques au Maroc auprès de l’opinion publique belge.
LIEBMAN, Marcel (1929-1986)
Issu d'une famille d'origine juive polonaise, Marcel Liebman fut historien du socialisme et du
communisme. Il a publié de nombreux essais réputés, notamment sur la Révolution russe, le
léninisme et le mouvement ouvrier belge. Il fut aussi un précurseur du dialogue israélo-palestinien.
De 1962 à 1967, il fut rédacteur dans l'hebdomadaire La Gauche et fonda, après 1968, la revue Mai
qui exista jusqu'en 1973.
Professeur à l'Université Libre de Bruxelles, il participa en 1976 à la création de l'Association
Belgo- Palestinienne, avec Naïm Khader et Pierre Galand, et en devint le secrétaire général.
LYOUSSI, Lahcen (1903-1970)
151
Originaire de Sefrou, ville de l’Atlas marocain, Lahcen Lyoussi fut caïd durant le Protectorat de
1926 à 1946. Devenu ministre de l’Intérieur dans le Gouvernement intérimaire (1955-1956), il a
joué un rôle important avec le caïd Addi ou Bihi dans les révoltes rurales survenues dans l’Atlas et
dans le Rif entre 1957 et 1959. Le Colonel Lyoussi, par son titre de caïd, représentait la seigneurie
féodale opposée au PI.
MARTENS, Wilfried (1936-2013)
Originaire de Flandre orientale, Wilfried Martens était un homme politique belge. Docteur en
droit, Wilfried Martens fut actif dans l’association des étudiants flamands et l’association des
catholiques flamands (1958-1962). Travaillant dans les cabinets des Premiers ministres Pierre
Harmel (PSC du 28 juillet 1965 au 11 février 1966) et Paul Van Den Boyenants (PSC du 19
mars1966 au 1er avril 1968), Wilfried Martens devint président du CVP en 1972. Il prit la tête de
neuf gouvernements entre 1979 et 1991. Durant ses mandats, il concrétisa l’existence des Régions
wallonne et flamande.
MEKKI NACIRI, Mohamed (1906-1994)
Né d’une famille prestigieuse de Rabat, Mohamed Mekki Naciri fit des études de littérature et de
philosophie au Caire, de pédagogie à Paris et de droit à Genève. Membre incontournable du
Mouvement National naissant, il a participé à la fondation du CALM et fonda le PUM. Sous son
impulsion, plusieurs écoles arabisantes virent le jour à Tétouan et à Tanger. Membre du CNC, il
participa à la rédaction de la première Constitution de 1962. Professeur de droit islamique à
Rabat et à Fès, il devint le ministre des Affaires Islamiques et de la culture en 1972.
MEKOUAR, Ahmed (1892-1988)
Natif de Fès, Ahmed Mekouar fut une figure du Mouvement National. Ahmed Mekouar
représentait la jeune classe intellectuelle marocaine durant les années 1920. En 1925, il fit
connaissance d’Allal El Fassi dont il se fit le propagateur du réformisme islamique. Il s’opposa
vigoureusement au dahir berbère en 1930 et fut signataire de la charte du PI en 1944. Ahmed
Mekouar participa au CNC jusqu’en 1963, date à laquelle il se retira de la vie politique.
MENEBHI, Saïda (1952-1977)
Native de Marrakech, Saïda Menebhi fut professeure d’anglais et militante au sein de l’UNEM.
Militante féministe, elle fut très active au sein du mouvement Ilal Amam. Arrêtée en 1976 et
condamnée au procès des frontistes de janvier 1977, Saïda Menebhi a subi plusieurs tortures
152
physiques et psychologiques. En guise de protestation contre les autorités, elle entama une grève de
la faim dont elle en succomba le 11 décembre 1977. Durant son incarcération, Saïda Menebhi a
composé plusieurs poésies dont un recueil a été publié par les CLCRM de France et des Pays-Bas.
MESSAÂDI, Abbas (assassiné en 1956)
Originaire du Rif, Abbas Messaâdi fut une figure de l’ALM. Retranché dans les montagnes du Rif,
Abbas Messaâdi n’a jamais voulu déposer les armes au profit du Gouvernement intérimaire.
Alors qu’Abbas Messaâdi entrait en pourparlers avec le groupe politique de Mehdi Ben Barka, il fut
abattu par des policiers relevant de la DGSN de Mohamed Laghzaoui sur la route de Fès.
MINKOWSKI, Alexander (1915-2004)
Alexander Minkowski fut pédiatre français. Proche du CLCRM de Paris, Alexander Minkowski a
participé à plusieurs missions médicales entre 1977 et 1980. Comme prolongement des missions
médicales, Alexander Minkowski a aussi participé au colloque de Strasbourg dans lequel il a
présenté les conditions sanitaires des détenus politiques au Maroc. Il fut membre du conseil régional
d'Île-de-France et du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la
culture de paix et de non-violence durant les années 1980 et 1990.
MITTERRAND, François (1916-1996)
Homme politique français, François Mitterrand fut président de la République entre le 21 mai 1981
et le 17 mai 1995. Premier président socialiste depuis le Front Populaire (1936), François Mitterrand
suscita plusieurs espoirs nationaux. Il abolit la peine de mort, permit la régularisation des étrangers
en situation irrégulière et autorisa l’établissement des radios locales privées. Il visita le Maroc, lors
d’un voyage diplomatique, le 29 janvier 1983. Cette visite s’effectua dans le contexte d’une grave
crise économique et sociale. Suscitant des espoirs dans les partis d’opposions marocains, François
Mitterrand ne cessa pas moins les relations diplomatiques entre la France et le Maroc. Cependant, «
Notre Ami le Roi » de Gilles Perrault a créé un incident diplomatique entre les deux pays. Son
épouse, Danielle Mitterrand, fut sensibilisée à la répression politique au Maroc et apporta une aide
aux CLCRM à travers la Fondation Danielle Mitterrand - France Libertés.
MOINS, Jacques (1930-2011)
Jacques Moins fut avocat honoraire, ancien conseiller d’Agglomération de Bruxelles et de la Ville
de Bruxelles. Spécialisé en droit des sociétés, Jacques Moins était membre du PCB. Il plaida en
faveur des parties civiles dans le drame du Bois-du-Cazier en 1956. Jacques Moins a été à
l’initiative de plusieurs ASBL et était fortement préoccupé par la culture. Présent lors de la réunion
153
constitutive du CCRM, Jacques Moins suivait avec beaucoup d’intérêt les activités de ce dernier.
Président de la Fondation Joseph Jacquemotte entre 1985 et 1989, il fut aussi rédacteur en chef du
Drapeau Rouge et contribua à arrimer l’activisme politique et culturel. De ce fait il a versé une
cotisation régulière au profit du CCRM de Bruxelles.
MOULAERT, Colette (née en 1945)
Native de Bruxelles, Colette Moulaert fit des études de médecine et de pédiatrie à l’Université Libre
de Bruxelles. Ses activités ont porté sur la maltraitance infantile. Elle a participé à plusieurs
missions médicales dans divers pays. Ces pays sont le Burkina Faso, la Palestine-Israël, l’ancienne
Yougoslavie, l’Irak et l’Algérie. En septembre 1984, Colette Moulaert, part son appartenance au
CCRM, a participé à une mission médicale au Maroc. Le rapport de cette mission a permis aux
CCRM de Belgique de plaider en faveur des étudiants marocains grévistes.
MOUREAUX, Serge (né en 1934)
Bruxellois, Serge Moureaux est avocat et docteur en droit. Engagé, il fut responsable permanent du
collectif belge des avocats du Front de libération nationale algérien de 1958 à 1962. Ses relations
avec Guy Cudell et Pierre Le Grève ont amené Serge Moureaux à être un membre actif au sein du
CCRM de Bruxelles. Attentif aux activités des militants marocains en Belgique, Serge Moureaux
participa à la constitution des dossiers sur la répression politique au Maroc dont quelques
informations étaient reprises dans les bulletins d’information du CCRM. Serge Moureaux fut aussi
un homme politique, tendance FDF.
NOLS, Roger (1922-2004)
Natif de la province de Liège, Roger Nols fut un homme politique belge tendance FDF.
Bourgmestre de la commune de Schaerbeek entre 1970 et 1989, Roger Nols fut controversé quant à
sa politique d’enseignement et, plus largement, sur la gestion de sa commune dans laquelle il
interdit l’intégration de sa population d’origine turque et marocaine. Passant du FDF au PRL, il
finit par rejoindre le Front National en 1995.
OSMAN, Ahmed (né en 1930)
Natif d’Oujda, Ahmed Osman fut Premier ministre marocain du 20 novembre 1972 au 29 mars
1979. Fondateur du RNI, Ahmed Osman apparaissait comme l’un des plus importants conseillers
d’Hassan II durant les années 1970. Plusieurs fois ministre d’Etat et ambassadeur aux Etats-Unis, au
154
Canada et au Mexique, il prit la direction du Cabinet royal en 1971. Ahmed Osman a participé au
fractionnement de l’opposition de la gauche en renforçant les « partis pivots ».
OUAZZANI, Mohamed Hassan (1910-1978)
Natif de Fès, Mohamed Hassan Ouazzani a grandi dans une grande famille de propriétaires terriens.
De Rabat à la Sorbonne, Mohamed Hassan Ouazzani fit des études de sciences politiques. Entre
1932 et 1934, il participait à la création des journaux des premiers partis politiques marocains
dont L’Action et L’Opinion Publique. Membre fondateur du PDI, il en fut le secrétaire général
jusqu’en 1970 date à laquelle le PDI devenait le PDC.
OUFKIR, Mohamed (1920-1972)
Natif de Boudenib, ville au sud-est du Maroc, Mohamed Oufkir fut formé au Collège d’Azrou et
compléta sa formation à l’Ecole Militaire de Casablanca. Sous-lieutenant de l’armée française lors
de la Campagne d’Italie en 1944, Mohamed Oufkir fut nommé Aide-de-camp de Mohamed V en
1955. Devenu Général, Mohamed Oufkir a succédé à Mohamed Laghzaoui dans la DGSN et
participa à la création du CAB 1 en 1960. Successivement ministre de l’Intérieur et de la
Défense (1964 et 1971) Mohamed Oufkir fut le premier homme fort du régime d’Hassan II.
S u r o r d r e d ’ H a s s a n I I , M o h a m e d O u f k i r s u p e r v i s a l a r é p r e s s i o n
m i l i t a i r e e n v e r s l e s m a n i f e s t a n t s c a s a b l a n c a i s l o r s d e s é m e u t e s d u 2 3
m a r s 1 9 6 5 . Le Général Oufkir fut en outre impliqué, avec le Colonel Dlimi, à l’enlèvement
de Mehdi Ben Barka le 29 octobre 1965. Impliqué d a n s l e deuxième coup d’Etat du «
Boeing Royal » en 1972, le Général mourut dans d’étranges circonstances dans lesquelles il se serait
« suicidé » en se tirant plusieurs balles dans le dos. En guise de vengeance envers le Général,
Hassan II fit interner sa femme et ses enfants dans divers bagnes entre 1972 et 1989.
PERRAULT, Gilles (né en 1931)
Gilles Perrault (Jacques Peyroles de son véritable nom) est un journaliste et écrivain français.
Devenu avocat après ses études à l ’Institut d’études politiques à Paris, il s’intéressa aux
réseaux de résistance et d’espionnage actifs durant la Seconde Guerre Mondiale. Auteur de
plusieurs romans, Gilles Perrault sympathisa avec les mouvements d’extrême gauche et adhéra
au PCF en 1978. Proche du CLCRM de Paris, Gilles Perrault a été connu par son best-seller
dénonçant la répression politique au Maroc : « Notre Ami Le Roi ». Sollicité pour plusieurs
rencontres organisées par les CLCRM, Gilles Perrault prit la parole lors du meeting organisé par le
CCRM de Bruxelles le 14 février 1991 à la Salle de La Madeleine.
155
RIGAUX, François (1926-2013)
François Rigaux fut professeur à l’Université Catholique de Louvain et juriste international belge.
François Rigaux présida de 1975 à 1979 l'association Belgique-Kampuchéa qui établissait des liens
entre les milieux maoïstes belges et le régime des Khmers rouges au Cambodge. À ce titre, François
Rigaux fut à la tête de la première délégation occidentale à pénétrer au Cambodge en 1978 et
publia à son retour un témoignage détaillé sur la situation du pays.
SANGUINETTI, Antoine (1917-2004)
Natif d’Egypte et d’origine italienne, Antoine Sanguinetti servit dans l’armée française comme
fusilier marin. Proche du gaullisme de gauche puis du PSF, Antoine Sanguinetti devint Major
général de la Marine et vice-amiral d’escadre entre 1972 et 1974. Engagé en faveur des clandestins
et contre la répression politique dans les pays du Tiers Monde, l’amiral Sanguinetti militait
activement dans la Ligue des Droits de l’Homme.
SERFATY, Abraham (1926-2010)
Issu d’une famille juive tangéroise, Abraham Serfaty a fait des études de génie des mines. Militant
communiste dès 1943, il participa à la fondation du PCM. Opposant au Protectorat, Abraham Serfaty
resta actif dans les mouvements d’extrême gauche en participant à la fondation du PLS et d’Ilal
Amam (1968- 1972). Recherché par la police marocaine, il est arrêté une première fois en 1972. A
cette date sa sœur, Evelyne, subit plusieurs sévices au centre de détention Derb Moulay Chérif.
Arrêté une seconde fois et violemment torturé en 1974, il fut condamné au procès des frontistes
et fut incarcéré jusqu’en 1991. Pendant sa détention, il épousa Christine Jouvin. Relâché, la
nationalité marocaine lui a été refusée jusqu’en 1999 pour avoir reconnu l’indépendance du Sahara
occidental. Le cas d’Abraham Serfaty a été défendu par les CLCRM.
TINDEMANS, Léo (1922-2014)
Originaire de la province d’Anvers, Léo Tindemans fut journaliste et homme politique. Entre 1965 et
1976, il fut bourgmestre d'Edegem. Depuis 1961, Léo Tindemans devint député, ministre des
Affaires communautaires flamandes en 1970, puis de l'Agriculture et de la Classe ouvrière (1971-
1973). Membre du CVP, Léo Tindemans devint Premier ministre de quatre gouvernements
successifs (CVP du 25 avril 1974 au 11 octobre 1978). Le CCRM bruxellois naquit durant son
quatrième gouvernement et il demanda régulièrement à Pierre Le Grève des informations sur les
événements politiques au Maroc. Entre 1981 et 1989, Léo Tindemans fut ministre des Affaires
156
Etrangères et suivit avec grand intérêt les manifestations qui ont secoué le Maroc entre 1981 et
1984.
TORRES, Abdelkhalaq (1910-1970)
Fils du pacha de Tanger, Abdelkhalaq Torrès était un leader du Mouvement National dans le
nord du Maroc. Naïb de Mohamed V à Tétouan, il s’était opposé au protectorat espagnol. Torrès
fonda le PRN entre 1927 et 1935. Proche des figures réformistes dont Chakib Al Arsalane,
Abdelkhalaq Torrès s’était aussi rapproché de l’Allemagne hitlérienne. A l’indépendance, il fut
ministre de la Justice sous Mohamed V.
VAN DEN BROUCKE, André (1928-2007)
Natif de Courtrai, André Vanden Broucke était le fils d’un maréchal-ferrant. Après une
formation de tailleur, il obtient ensuite un diplôme d’Assistant social à l’école sociale de Courtrai.
Il commenca à ê t r e a c t i f à l a FGTB nationale en 1951, secteur services entreprises. En 1964,
André Van Den Broucke devint secrétaire national adjoint de la CGSP. Il en fut ensuite président de
1979 à 1982 pour devenir président de l’interprofessionnelle FGTB jusqu’en 1989. Il fut mis au
courant de la répression politique au Maroc dont celle des grèves entamées par les groupes des
étudiants arrêtés en 1984.
VAN GEYT, Louis (né en 1927)
Natif de la province d’Anvers, Louis Van Geyt est un homme politique belge. Figure du
communisme en Belgique, il assura la présidence du KPB de 1972 à 1989. Sensible à la lutte
internationale, il s’associa au CCRM de Bruxelles alors que ce dernier organisait des manifestations
en faveur des événements de 1981 et 1984.
WINKEL, Xavier (né en 1950)
Homme politique belge, Xavier Winkel est membre d’Ecolo. En 1977, il fut un des fondateurs des
Amis de la Terre en Belgique. En 1980, il ouvrit un café-restaurant écologique 'Le Gaspi', qui
devint un endroit de rencontre pour personnes aux idées alternatives. Le parti Ecolo y organisa
maintes réunions. En 1982, il fut le fondateur de la section Ecolo Schaerbeek et fut élu conseiller
communal. Il fut échevin de la culture et des sports de 1990 à 2000. En 1992, en collaboration avec
Pierre Galand, Xavier Winkel a plaidé pour une participation de la Belgique à l’observation des
accords de cessez-le-feu entre le Maroc et le POLISARIO dans la Chambre des Représentants.
157
YATA, Ali (1920-1997)
Né de père algérien et de mère marocaine, Ali Yata a suivi des cours au Lycée Lyautey à
Casablanca. Membre actif du PN, il participa à la fondation du PCM durant le mois de juillet 1943.
En 1945, il prit la tête du parti jusqu’à sa mort, assistant aux multiples scissions du PCM (1943-
1968), du PLS (1968-1974) et du PPS depuis 1974. Incarcéré plusieurs fois sous le protectorat et
sous le régime d’Hassan II, Ali Yata a pris ses distances envers l’USFP et les mouvements
d’extrême gauche où ces derniers ont accusé les communistes de s’être ralliés à la monarchie
marocaine.
ZEROUAL, Abdellatif (1951-1974)
Natif de la province casablancaise, Abdellatif Zeroual fut professeur de philosophie et poète. Membre
actif de l’UNEM, il fut l’un des dirigeants d’Ilal Amam et fut arrêté le 14 novembre 1974 au
Derb Moulay Chérif. Torturé violemment dans le centre de détention, il mourut des suites des
sévices physiques. Les CLCRM lui ont rendu hommage en publiant des extraits de sa poésie «
Le Martyr » dans leur bulletin d’information.
158
Annexes
Finances du CCRM de Bruxelles : Quelques versements consignés dans le cahier des comptes tenu par
Pierre Le Grève entre 1984 et 1986. Référence du compte bancaire du CCRM de Bruxelles377
377 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°395, CCRM-Finances : Carnet des dons perçus par le CCRM de
Bruxelles pour les années 1984,1986 et 1991.
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Quelques lettres des détenus et de leurs familles au Maroc publiés par les CLCRM378
378 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°315, Lettres, écrits des détenus : Lettre écrite par des détenus
soutenant Mohamed Atlass datée du 25 octobre 1980 (1er lettre). Lettre écrite par les détenus politique de la prison
centrale de Kénitra datée du 23 novembre 1982 (2e lettre). Lettre écrite par la mère de Moulay Douraïdi datée du 1er août
1987 (3e lettre). Lettre des détenus de la prison de Laâlou de Rabat confirmant la poursuite d’une grève de la faim datée du
12 juillet 1989 (4e lettre).
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Extraits de la Bande Dessinée « Dans les entrailles de ma patrie ». Acte de dépôt de la bande dessinée
conclu entre Philippe Doucet et la Bibliothèque Royale379
379 RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de la détention politique au Maroc, Paris-Bruxelles-Amsterdam,
les CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980, pp. 5-6 & 42 et 54. CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°317, Bande dessinée « Dans les entrailles de ma patrie » : Acte de dépôt de la bande dessinée signé entre Philippe
Doucet et la Bibliothèque Royale de Belgique daté du 6 juillet 1981.
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Couvertures des numéros de « Maroc Répression » du CCRM de Bruxelles380
380 De gauche à droite et du haut vers le bas : Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, septembre-
octobre, 1979. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril, 1980. Maroc Répression,
Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1980. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, juillet-août, 1981. Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre 1981. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de
Bruxelles, janvier-février, 1983. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1984.
Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, juillet-août, 1984. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du
CCRM de Bruxelles, septembre-octobre 1984. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril,
1985. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1985. Maroc Répression,
Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février 1987. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de
Bruxelles, novembre-décembre 1987. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre,
1987. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, avril-mai, 1989. Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1989. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de
Bruxelles, janvier-février, 1991. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février
(supplément), 1991. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1992. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril 1993. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, 4 mai, 1994.
170
171
Statuts du CLCRM de Paris381
381 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°401, ASCLCRM-Statuts de l’association : Statuts du CLCRM de
Paris, non daté, 3 p.
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Quelques listes des détenus établies par les CLCRM382
382 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°330, Prisonniers libérés-listes : Liste des détenus pour l’année 1972
(1er et 2e liste). Liste des détenus pour l’année 1983 (3e liste). Liste des détenus pour l’année 1984 (4e à la 7e liste). Liste des
détenus libérés en 1989 (8e liste).
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