Histoire du droit 2010

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HISTOIRE DU DROIT ET DES INSTITUTIONS DEPUIS 1789Mthodologie juridique: deux parties, deux sous-parties, pas de conclusion. Cours mis au fur et mesure sur l'ENT. Premire partie 1789-1799: priode rvolutionnaire Deuxime partie 1899-1814: priode napolonienne Bibliographie: Dominique CHAGNOLLAUD Histoire constitutionnelle et politique de la France (1789-1958) . Jean-Jacques CHEVALLIER Histoire des institutions et des rgimes politiques de la France de 1789 1958 . Jacques ELLUL Histoire des institutions Tome 5 (19me sicle). Marcel MORABITO Histoire constitutionnelle de la France de 1789 1958 . Romuald SZRAMKIEWICZ et Jacques BOUINEAU Histoire des institutions de 1750 1914 . TIMBAL et Andr CASTALDO Histoire des institutions publiques et des faits sociaux . Jacques GODECHOT Les constitutions de la France depuis 1789 (ouvrage qui dite toutes les constitutions et l'auteur explique et rsume les constitutions).

INTRODUCTION: LA FRANCE PR RVOLUTIONNAIRE DE 1789Cette introduction traitera des traditions politiques et mergences de tensions sociales.

Section 1: La tradition monarchique du pouvoirPar dfinition, une monarchie est un rgime politique dans lequel le chef d'Etat, roi ou empereur, est dsign par l'hrdit. En France, la stabilit de la dynastie rgnante des captiens durait depuis 800 ans. Sachant que le fondateur de cette dynastie, Hugues Capet (940-996 duc des Francs puis roi des Francs. Premier souverain de la dynastie captienne qui durera de 987 1848 avec une interruption lors de la Rvolution franaise et du Premier Empire), avait rgn depuis 987. Le mode de gouvernement de la France jusqu'en 1792 tait la monarchie. En 1789, elle tait une monarchie dite absolue de droit divin au caractre sacr et paternel. 1 La monarchie absolue de droit divin Elle ne doit pas tre confondue avec un rgime tyrannique car, en pratique, de nombreuses limites taient imposes au pouvoir du roi de France. A) La thorie monarchique Comprendre comment les rois concevaient eux mmes leur pouvoir, leur tat d'esprit, comprendre quelle a t l'ducation du dernier roi, Louis XVI. 1. Le caractre pur ou absolu de la monarchie La thorie de la monarchie absolue, qui est aussi appele la monarchie pure, fut dgage en France partir des ides d'un juriste du 16me sicle, Jean Bodin. En 1576, il a publi une oeuvre majeure, les Six livres de la Rpublique . Cette oeuvre est majeure car il proposa une dfinition gnrale de la souverainet notamment sachant que pour Bodin, elle se dfinie comme une puissance perptuelle et absolue. Perptuelle car elle ne disparat pas la mort du chef de l'Etat, elle se transmet de manire continue son successeur. Elle est absolue en ce sens que le pouvoir souverain n'a pas de restriction. Il s'agit d'un pouvoir sans limite qui s'impose tous. Partant de cette dfinition, une thorie du pouvoir royal a t dgage et cette thorie en a tir deux caractres de l'autorit suprme du souverain. Deux caractres selon lesquels l'autorit du roi se veut une et impartageable en France. D'une part l'autorit du roi se veut une en ce sens que le roi dtient entre ses mains tous les pouvoirs, il n'y a pas de sparation des pouvoirs entre le lgislatif, l'excutif et le judiciaire mais bien au contraire il y a une concentration des pouvoirs. Le pouvoir absolu est donc caractris par la confusion des pouvoirs qui veut que le roi dispose seul de tous les pouvoirs. Louis XIV avait crit dans ses mmoires toute puissance, toute autorit rside dans la main du roi . Cela veut dire qu'il considre qu'aucun attribut de la souverainet ne lui vient manquer. Selon une expression de Jean Bodin, la principale marque de la souverainet est le pouvoir lgislatif, c'est dire celui d'laborer les lois. C'est important car cette poque, l'opinion commune tait convaincue de la supriorit de la fonction lgislative. Et donc ce pouvoir tait l'expression de la puissance suprme dont tous les autres pouvoirs dcoulent. Et donc au del du pouvoir lgislatif, le roi disposait de tous les pouvoirs comme le pouvoir de justice, le pouvoir militaire (dcider guerre ou paix), le pouvoir fiscal (faire payer les impts), le pouvoir de battre monnaie (le pouvoir de fabriquer et de mettre en circulation la monnaie).

D'autre part l'autorit du roi tait impartageable en ce sens qu'en thorie le roi de France gouverne seul. Il ne partage son autorit avec personne et avec aucun organe. Il n'y a en dehors de lui que des organes consultatifs. Donc concrtement cela signifie que le roi est habilit dcider en dernier ressort dans tous les domaines, donc dtenir le dernier mot et sa dcision s'impose tous. En ralit, le roi est assist par de nombreux agents mais tous, y compris les magistrats, n'exercent leur pouvoir en droit que par dlgation. En ce sens que la justice ou toute affaire est rendue au nom du roi. Une formule clbre de Louis XV montre bien la pense des rois et la faon de raffirmer la pense monarchique pour bien faire comprendre la conception du pouvoir. Il a dfini luimme la doctrine de l'absolutisme monarchique de droit divin dans le discours qu'il prononce, le 3 mars 1766, pour rappeler l'obissance la plus vnrable juridiction du royaume, le Parlement de Paris. Il affirma donc avec vigueur c'est en ma personne seule que rside la puissance souveraine , c'est moi seul qu'appartient le pouvoir lgislatif, sans dpendance et sans partage , l'ordre public tout entier mane de moi ou encore les intrts de la nation sont ncessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains . Jusqu' la runion des Etats gnraux, Louis XVI restera fidle la mme doctrine. Sous l'Ancien rgime, la monarchie absolue (ou pure) est un rgime politique dans lequel le monarque concentre entre ses mains tous les pouvoirs et gouverne sans aucun contrle. Sa capacit agir tait indpendante puisque le pouvoir du monarque ne supporte aucune opposition. Il n'y a en dehors de lui que des organes consultatifs. 2. Le caractre divin de la monarchie Il s'agit d'une doctrine qui repose sur l'ide que le monarque ne tient son pouvoir que de Dieu. Selon la conception chrtienne du pouvoir, tout pouvoir vient de Dieu ou en d'autres termes, l'origine du pouvoir est en Dieu. Dieu en confie seulement l'exercice aux hommes, donc les gouvernants. Une double question s'est pose savoir: Dieu confie-t-il le pouvoir au peuple qui ensuite choisit qui devra exercer l'autorit ? OU Dieu confie-t-il directement au gouvernant le pouvoir au roi sans l'intermdiaire du peuple ? La doctrine de la monarchie de droit divin repose sur l'ide que le roi a reu tous les pouvoirs directement de Dieu et sans intermdiaire. Cette doctrine nie donc tout rle de transmission de l'autorit souveraine par le peuple. Cette doctrine a t expose la fin du 17me sicle par l'vque franais Bossuet (1627-1704 homme d'Eglise, prdicateur et crivain franais). Les partisans de l'absolutisme, dont Bossuet, rompaient avec une tradition qui tait rpandue depuis le Moyen-Age jusqu' la fin du 17me sicle qui est celle de la thorie scolastique. Selon cette thorie, toute autorit vient de Dieu mais par l'intermdiaire du peuple. C'est le peuple qui, historiquement et dans son intrt, a dcid que la souverainet devait tre exerce par un roi. Aussi, traditionnellement en France, la monarchie justifiait sa lgitimit d'autorit par le fait que le peuple aurait choisi les rois pour exercer le pouvoir. En consquence de cette thorie scolastique, si un roi exerce le pouvoir dans son propre intrt, ce n'est plus un roi mais un tyran et ds lors la charge du pouvoir peut retourner au peuple. Au contraire, la thorie de droit divin justifie l'absence de contrle et de sanction populaire sur la royaut. Le roi ne tient son pouvoir que de Dieu, en consquence le roi n'est responsable que devant Dieu, il est irresponsable devant les hommes. C'est donc Dieu seul que le roi doit rendre des comptes. Cette thorie du droit divin justifie aussi l'absence de limitation et de partage des pouvoirs du roi. Le roi, recevant son pouvoir directement de Dieu, il ne doit exister aucun corps ou institution intermdiaire entre le roi et le peuple.

C'est le roi qui tablit le pont direct entre Dieu et les sujets du royaume. Cette doctrine du caractre divin de la monarchie est reconnue comme le stade suprme de la thorie de l'absolutisme puisqu'elle explique non seulement pourquoi le souverain est seul titulaire lgitime de tous les pouvoirs mais aussi pourquoi il ne subit aucun contrle. Le roi possde donc tous les pouvoirs, reus directement de Dieu, et exprime tous les droits et les intrts de la nation , car ils sont ncessairement unis avec les siens. Si la thorie de l'absolutisme monarchique de droit divin est ainsi rappele avec une extrme rigueur entre 1766 et 1789, la pratique administrative est beaucoup plus nuance. B) La pratique du pouvoir La conception doctrinale de l'absolutisme ne doit pas tre confondue avec l'ide qu'il n'y ai pas eu de limites relles du pouvoir du roi. Sans doute des lments favorables l'absolutisme sont-ils indniables et srement les plus visibles; des lments dfavorables, nombreux, divers, consquences d'une longue histoire, sont peut-tre plus importants au 18me sicle. En effet, l'absolutisme tait tempr non seulement par des rgles de conduite gouvernementales mais aussi par des institutions qui limitaient dans la ralit, dans l'excution les pouvoirs du roi. 1. Le gouvernement grand conseil En 1766, Louis XV avait affirm la formule c'est en ma personne seule que rside la puissance souveraine, dont le caractre propre est l'esprit de conseil, de justice et de raison . Dans cette formule, le roi rappelle bien sr la thorie absolutiste savoir que le roi est toujours cens dcider seul et en dernier ressort. Il rappelle aussi une habitude prise ds le dbut de la monarchie captienne, celle pour le roi de consulter les conseils. Car en fait, l'absolutisme tait tempr par la pratique du gouvernement grand conseil. Cette pratique tait issue d'une tradition fodale, ne au Moyen-Age. Elle est ne d'un devoir de conseil que le roi a toujours attendu de ses vassaux et de ses sujets. Le conseil tat considr comme un devoir et non comme un droit envers le roi. Deux institutions traditionnelles furent issues de la pratique du gouvernement grand conseil: les tats gnraux; les parlements. En premier lieu, les tats gnraux. Ils seront convoqus et de l partira la rvolution politique de 1789. Etats gnraux: nom donn une assemble compose des reprsentants des trois ordres du royaume, savoir le clerg, la noblesse et le tiers-tat. Cette assemble n'tait pas permanente, elle tait convoque irrgulirement par le roi selon sa seule initiative. De mme, le roi prononait la clture de la runion de l'assemble et cela lorsqu'il le jugeait utile. Cette assemble tait donc convoque par le roi pour lui demander un conseil ou une aide financire. Mais c'est le souverain qui dcidait des thmes sur lesquels les dputs allaient dlibrer. Les dputs n'avaient que des pouvoirs consultatifs, cela veut dire que le roi tait libre ou non de suivre leurs avis. De manire traditionnelle en France, les tats gnraux taient sollicits dans le domaine fiscal sachant que les impts nouveaux ou l'augmentation d'un impt n'taient tabli qu'aprs consultation des tats gnraux. Aussi, en 1789, la crise financire du royaume expliquera alors leur runion, cela pour que le roi consente de nouveaux impts. Les tats gnraux taient toujours rests une assemble non permanente puisque l'initiative

royale tait toujours la source de leur convocation. Louis XVI avait dclar l'ide de former les tats gnraux * perptuels et subversive de la monarchie. Cela souligne combien l'exercice du pouvoir absolu doit tre indpendant et libre et non restreint par des institutions et des groupes sociaux. En fait, les tats gnraux n'avaient plus t convoqu en France depuis 1614. Cette institution avait donc profondment dclin mme sil elle n'avait pas disparue. Ce sont donc des assembles exceptionnelles convoques par le roi de France pour traiter d'une crise politique, en gnral une guerre ou une question diplomatique et dcider d'une aide militaire ou fiscale. Vritables assembles des reprsentants des peuples du royaume, fondes sur le principe fondamental selon lequel ils ne sont pas des peuples tributaires, mais libres, et qu'aucune contribution ne peut tre exige d'eux sans leur consentement, elles n'avaient aucun rle lgislatif ou juridictionnel comme les parlements et ne doivent pas tre confondues avec eux. Les tats gnraux n'tant plus convoqus, les parlements considraient alors qu'il leur revenait le soin d'exprimer les voeux de la population. Car d'autre part il existait une autre institution ct des tats gnraux qui sont les parlements. Comme le rappelle Louis XV, le pouvoir lgislatif sans dpendance et sans partage appartient au roi; pourtant le souverain lui-mme a charg certaines autorits, spcialement le chancelier et les cours de justice, de procder la vrification technique des actes les plus graves. Les parlements se prsentaient donc sous l'Ancien rgime comme la seule institution capable de modrer le pouvoir absolu. Les parlements taient ce que l'on appelle des cours de justice. Ils avaient donc des attributions judiciaires et cela en ayant reu du roi dlgation de la justice. Les cours jugeaient au nom du roi en rendant la justice en dernier ressort. Mais les parlements dtenaient aussi la prrogative de l'enregistrement des lois (c'est dire copier sur des registres). Une loi prpare sous forme d'ordonnance ou d'dit royal devait tre enregistre pour entrer en vigueur. Cet enregistrement quivalait la publication au journal officiel aujourd'hui, cela parce que l'enregistrement rend la loi excutoire. Toutefois, les parlements (de Paris et de provinces) pouvaient s'y opposer car en vertu de la tradition du devoir de conseil, les parlements avaient pris l'habitude d'adresser au roi des remontrances, c'est dire des observations sur les ordonnances et les dits royaux destines amliorer la forme du texte ou rappeler au respect des principes gnraux du droit. Ces remontrances indiquaient les raisons pour lesquelles il n'tait pas opportun d'effectuer en l'tat l'enregistrement. Or, en attendant la rponse du roi ses observations, la formalit de l'enregistrement tait suspendue. Au dbut du 18me sicle, les remontrances taient si systmatiques qu'elles provoquaient des blocages lgislatifs importants. En fait, les remontrances taient devenues un moyen d'opposition politique. En s'opposant systmatiquement l'enregistrement, les parlements voulaient faire valoir leur pouvoir et leur fonction lgislative et politique. Ils se posaient en corps intermdiaire , c'est une expression qui dsigne un organe s'interposant entre le roi et la nation. Ils considraient avoir l'entire libert d'accepter ou de refuser les textes lgislatifs. Les parlements souhaitaient ainsi rduire le pouvoir lgislatif du roi un pouvoir de proposition. Ils dvelopprent une thorie d'aprs laquelle ils reprsentaient la nation toute entire comme supplant des tats gnraux. Selon eux, le roi devait gouverner grand conseil et cela en consultant les reprsentants de la nation par le biais des tats gnraux. Mais dfaut de runion des tats gnraux, un droit de reprsentation leur tait confi. Les parlements se prsentrent alors comme la seule institution ou corps intermdiaire capable de limiter le pouvoir royal absolu. Comme on avait affaire des oppositions de thorie et de revendication de pouvoir, il

arrivait parfois que les rois doivent absolument reprciser la place de la monarchie en France. Louis XV a du raffirmer au Parlement le fonctionnement que doit avoir la France et s'est clairement oppos cette thse du corps intermdiaire. Il a dit avec fermet en 1766 que la volont royale, une fois claire, doit prvaloir, les cours doivent s'incliner. En 1766, le roi affirmait que la magistrature ne forme point un corps ni un ordre spar des trois ordres du royaume. Les magistrats sont les officiers chargs du devoir vraiment royal de rendre la justice mes yeux, fonction qui les attache ma personne . Cela signifiait clairement que le roi et pour le roi la souverainet lgislative du monarque ne devait pas tre partage. Elle est bien absolue, elle est sans partage. Enfin, en droit, pour obtenir la soumission, le roi a d parfois suspendre la dlgation de pouvoir qu'il a donn ses juridictions et venir au parlement, procder lui-mme, dans la sance solennelle appele lit de justice, l'enregistrement des ordonnances. En effet, il tait prvu que le roi puisse donner l'ordre aux parlements d'enregistrer les ordonnances malgr leur opposition. Et cela en tenant un lit de justice . C'est une sance solennelle en la prsence du roi au Parlement o le roi y exprime sa volont de lgislateur. Cela veut dire que sur place, le roi ordonne de procder l'enregistrement et le Parlement est oblig d'enregistrer les actes royaux. Ce crmonial de lit de justice est l'un des symboles du pouvoir absolu puisque le roi a le dernier mot. L'opposition systmatique des parlements ne fut pas trangre la chute de la monarchie puisque en fait, cause d'une crise financire, Louis XVI souhaitait obtenir des sources financires supplmentaires. Et pour embarrasser le roi, les parlements firent prvaloir le principe de consentement l'impt par les seuls tats gnraux et ils firent campagne pour la convocation des tats gnraux. L'ouverture des tats gnraux le 5 mai 1789 entrainera la chute de la monarchie traditionnelle. Cependant, il n'existait pas que ces freins institutionnels. 2. Les rgles de conduite du roi trs chrtien Le titre officiel du roi de France tait celui de roi trs chrtien . Mais plus qu'un titre, le monarque devait gouverner en prince chrtien. Cela signifie sous l'Ancien rgime que le roi devait honorer les principes de morale politique au travers du respect de la loi divine et du respect du droit naturel. Aussi d'une part, l'absolutisme tait tempr par le respect de la loi divine. Donc dans tous les textes solennels en France, les rois se qualifiaient de roi par la grce de Dieu. De manire humble, il reconnaissaient ainsi tenir leur pouvoir de Dieu, ils reconnaissaient n'tre qu'un ministre de Dieu, c'est dire un serviteur de Dieu et de sa loi. Ils devaient donc observer les prceptes chrtiens de l'ancien et du nouveau testament. Ils devaient ainsi favoriser le bien et combattre le mal, dvelopper la justice ou encore assurer la paix. C'est ce que l'on appelle le frein de la religion car le roi devait rendre devant Dieu de sa gestion du royaume. L'autorit absolu du roi est tempr par le respect du droit naturel. Sachant que le droit naturel est le nom donn aux rgles juridiques communes tous les homme o qu'ils vivent et quelle que soit l'poque. Par exemple, il y a le respect de la proprit qui est un droit naturel jug fondamental et inviolable. Au 18me sicle, le roi se devait donc de respecter la proprit de ses sujets. Il ne devait donc pas effectuer de confiscations arbitraires comme le ferait un tyran. En fait, le mtier de roi exigeait que le roi gouverne dans l'intrt gnral car comme il l'avait promis, des la crmonie du sacre il devait servir le bien commun. Les rois avaient donc une vritable conscience professionnelle.

2 La monarchie sacre et paternelle Le rgime politique tait organis autour du pouvoir du roi et la personne du roi bnficiait d'un rel attachement de ses sujets. Ils le considraient comme l'lu de Dieu et le pre du peuple. A) La monarchie sacre La monarchie est sacre en ce sens que le sacre confre la personne du roi un caractre quasi religieux. Le sacre, qui est une crmonie religieuse, magnifiait le roi comme l'lu de Dieu. Mais le sacre ne fait pas accder le roi au trne. On dit qu'il est confirmatif. Il confirme le roi en place parce que celui qui devient roi de France l'est immdiatement la mort de son prdcesseur, d'o la maxime Le roi est mort, vive le roi! . En France, il existe une autre maxime plus juridique qui dit la mort saisie le vif . C'est pour bien souligner que aussitt que le roi est mort, le nouveau roi est saisie du gouvernement du royaume. Le nouveau roi tait dsign en vertu des lois fondamentales. Ces lois fondamentales pour le royaume de France sont des rgles de nature coutumire qui taient suprieures au roi et elles servaient la France de Constitution non crite. Les lois fondamentales contenaient principalement les lois de succession. Et donc les lois de succession dterminaient que la transmission du pouvoir se faisait par hrdit avec un ordre de ce que l'on appelle primogniture (c'est l'ain qui devient roi, que ce soit l'ain des fils ou des petit fils si les fils sont morts) et en vertu de la loi de masculinit (de mle en mle) aussi appele la loi salique (cette loi excluait les femmes et les successions par les descendances fminines). Le principe de catholicit du roi tait aussi reconnu comme loi fondamentale. Ces lois dterminaient donc qui tait le nouveau roi ds la mort du successeur. C'est pour a que l'on dit que le sacre, n'tant que confirmatif, ne faisait que confirmait le sacre au nom du peuple comme autorit lgitime. Le peuple cette poque tait trs croyant et il restait attach cette belle crmonie du sacre qui se droulait dans la cathdrale de Reims. Durant cette crmonie, le roi prtait une srie de serments, c'tait donc en sorte une srie d'engagements entre le roi et son peuple pris devant Dieu. Le roi s'engageait notamment engager la paix et la justice au peuple du royaume ou de protger les biens de l'Eglise et les membres du clerg. Lors de cette crmonie, le roi tait galement couronn mais toute l'originalit du sacre reposait sur une onction d'huile sainte, symbole de l'origine divine du pouvoir. L'archevque de Reims appliquait sur quelques parties du corps du roi quelques gouttes d'une huile sainte dtes miraculeuse. Et le prestige du sacre franais venait justement de cette huile sainte et miraculeuse qui datait dit-on du baptme de Clovis (1496). Car en fait un mythe s'tait transform en croyance, enracin. Le mythe prtendait que, pour le baptme de Clovis, une petite fiole d'huile aurait t apport du ciel par une colombe. En fait, elle contenait une liqueur qui tait de couleur rouge et l'aide d'une aiguille dore, une petite goutte tait prleve. C'est important car le roi de France tait la seule personne au monde recevoir sur son corps cette huile miraculeuse. Cela montre que cette huile pntre dans une seule personne. Aussi donc, aux yeux des sujets, il incarnait l'lu de Dieu. Cet aspect du sacre doublait la lgitimit juridique du roi issue des lois fondamentales en une lgitimit religieuse. Le sacre faisait du roi un tre part, un homme intouchable. A cette poque, le roi dtenait encore en sa personne ce caractre sacr.

B) La monarchie paternelle Elle est paternelle en ce sens que le roi doit pourvoir aux besoins de son peuple et notamment des plus faibles. On prenait en compte le modle des pres qui doivent pourvoir aux besoins de tous leurs enfants. La conception d'une monarchie paternelle signifiait que le roi tait bien le chef de tous ses sujets et pas seulement de quelques privilgis. Mais cela tait aussi compris en ce sens que le roi devait gouverner modrment l'image d'un pre doux et aimant. Il devait particulirement modrer le prlvement des impts et ne pas accabler le peuple. L'image du roi paternel qui tait vhicule tait trs importante car un peuple se soumet naturellement l'autorit d'un roi aim. L'autorit ne doit pas se transmettre par la peur mais par le respect donc li par l'attachement. La France restait profondment monarchique en 1789 avec un attachement rel des sujets envers le roi et sa famille. Il existait aussi une grande familiarit entre le roi et ses sujets, les sujets tant associs la vie familiale de la maison de France donc ils avaient connaissance des mariages, des naissances, des anniversaires, des maladies, etc. Il y avait donc une vritable association. En effet, le roi tait un homme public et donc il se pliait aux rituels de la Cour, comme par exemple aux crmonies du lever, du diner ou du coucher du roi. Au del mme des doctrines juridiques, il y a de vritables rapports affectifs des sujets envers la dynastie royale. L'obissance et le loyalisme des sujets repose sur ces rapports de paternalisme.

Section 2: La tradition organique du royaumeLa structure de la socit compose en ordres et en corps comportait de multiples privilges, c'est dire des statuts particuliers. Ces privilges taient synonyme de franchise, d'exemption, d'immunit ou encore de monopole. Le roi tait le pre du peuple, le chef de tous les sujets et pas seulement des privilgis. Mais le roi s'tait toujours attach respecter les droits de ses sujets et donc leurs privilges. Car il entendait respecter les droits accords par les rois prcdents. Les privilges remontaient souvent l'poque mdivale, on disait qu'une coutume immmoriale (= trs ancienne) fondait juridiquement leur existence. Pourtant, selon une majorit de la population du 18me sicle, de nombreux privilges ne se justifiaient plus et surtout ceux des autres. Ils taient critiqus dans l'ensemble et particulirement ceux de leurs voisins. On va voir comment cette priode pr rvolutionnaire tmoigne d'mergence de tensions sociales dans les ordres et les corps de la socit. Les frustrations sociales vont conduire la volont de crer une nouvelle organisation sociale plus galitaire. 1 La division en ordres et en corps de la socit Au sens strict du terme, l'ordre dsigne la distinction tripartite de la socit entre le clerg, la noblesse et le tiers-tat. Mais au sens plus large, on voit aussi que l'ordre dsigne aussi dans les textes l'ensemble des corps ou des communauts qui composaient la socit. A) La division en ordres et leurs privilges La socit d'Ancien rgime tait reprsente de manire fractionne, par ordres, et non pas de manire unitaire dans le royaume. 1. La division tripartite des ordres Une structure hirarchise de la socit franaise de l'Ancien rgime distinguait trois ordres: le clerg, qui est le premier ordre du royaume; la noblesse, qui est le second; le tiers-tat, qui est le troisime et dernier. Cette hirarchie juridique des ordres tait issue d'une ancienne distinction fonctionnelle de la socit mdivale. Il s'agissait d'une distinction tripartite fonde sur le mode de vie de chacun. On affirmait que, dans la socit, chacun avait sa fonction. Il y avaient des hommes qui prient, des hommes qui combattent et des hommes qui travaillent. On distinguait donc rigoureusement: les clercs (ou membres du clerg) dont la fonction tait de prier et ils veillaient par leurs prires au salut des mes de toute la socit; les nobles dont la fonction tait de combattre et donc ils assuraient par les armes la protection de toute la socit; les plus humbles, ceux qui travaillent de leurs mains pour nourrir tous les autres. En 1789, la population franaise tait de 26 millions d'habitants. Sur ces 26 millions, les membres du clerg sont valus au nombre de 130 000 personnes, la noblesse a environ 350 000 (voire 400 000) personnes et le tiers-tat formait le reste. L'ordre ne dsignait pas seulement une fonction sociale mais aussi un statut juridique particulier. Ce sont les privilges.

2. Les privilges des ordres Au sens tymologique du terme, le mot privilge vient du latin privata lex qui signifie loi particulire. Il dsigne un statut particulier ou drogatoire par opposition au statut de droit commun. Parmi les privilges des membres du clerg il existe: un privilge de juridiction: les tribunaux ecclsiastiques (que l'on appelle encore les officialits). Ils jugent les causes qui concernent les membres du clerg; un privilge fiscal sachant que le clerg tait exempt de la fiscalit de droit commun (il ne payait pas les impts royaux). Ils touchaient par ailleurs la dme, c'est dire une fraction d'en principe 10% des rcoltes des paysans. Elle tait destine permettre l'Eglise d'assurer les frais de l'exercice du culte chrtien mais encore d'assurer les frais pour notamment les malades dans les hospices. les clercs taient exempts du service militaire. Les nobles jouissent galement de privilges: un privilge de juridiction (comme les clercs); un privilge fiscal (comme les clercs); ils jouissent aussi de nombreux privilges honorifiques auxquels ils sont trs attachs comme par exemple leurs titres (prince, marquis, etc.) ou encore le port de l'pe ou d'avoir les premiers bancs rservs l'Eglise, etc. ils jouissent aussi de privilges professionnels puisque de nombreux emplois leur t rservs. Par exemple, les hauts grades de l'arme ne pouvaient tre occups que par des nobles. En revanche, les nobles ne pouvaient pas se livrer des professions considres comme incompatibles avec la noblesse. C'est dire en principe toutes celles lies un travail manuel ou une profession commerciale. Et cela au risque de perdre la noblesse. C'tait donc les roturiers qui effectuaient les activits industrielles, commerciales ou domestiques. Le Tiers-tat englobait tous ceux qui ne sont ni clercs ni nobles, c'est dire en nombre la quasi totalit des habitants. Et par opposition aux deux ordres, il tait un ordre non privilgi puisque leurs membres ne bnficiaient d'aucun statut particulier. Ils taient soumis au droit commun du royaume. Ainsi, la socit d'Ancien rgime avait donc une structure ingalitaire puisque les deux premiers ordres constituaient des ordres privilgis. Mais les privilges ne se limitaient pas aux ordres. B) La division en corps et ses privilges La socit d'Ancien rgime tait compose d'un nombre infini de collectivits qui souhaitaient toutes conserver leurs privilges. 1. La multitude de corps et de privilges Un corps dsignait une collectivit reconnue par les pouvoirs comme une personne juridique dote de droits et d'obligations. Ce n'tait pas les individus qui taient reconnus en tant que tel, c'tait le groupe, le corps, qui on donnait collectivement des privilges. Les corps taient trs nombreux dans la socit comme les hpitaux, les universits, les villes (elles taient dotes de statut propre en matire fiscale, administrative ou de justice). Ainsi, un grand nombre des membres du tiers-tat tait des privilgis mais non pas cause de leur appartenance un ordre mais en raison de leur appartenance un corps qui, lui, tait dot de privilges collectifs.

2. L'exemple des corps de mtiers Les corporations ou communauts d'art et de mtiers sont des exemples de privilges collectifs. Les corporations se rencontraient dans les villes sachant que c'est le nom donn un groupement de nature artisanale organis par des rglements pour l'exercice d'une profession. Elle groupait dans un cadre strict les artisans exerant une mme profession dans une mme ville. Par exemple, les boulangers, les poissonniers, les ptissiers se regroupaient aux mmes endroits. Chaque mtier organis en corps tait dot d'un statut juridique reconnu par les pouvoirs publics. Ce statut pouvait varier d'une ville une autre. Mais deux caractristiques taient communes tous les corps de mtiers urbains: D'une part leur rglementation. Elle tait minutieuse, chaque corporation tait dote d'un statut qui rglementait en dtail les conditions d'accs la profession et les conditions de travail (ex: les salaires). Ce statut rglementait aussi les conditions de fabrication et de vente des produits. Cette rglementation avait pour but d'assurer au client la qualit de la production, cela par une formation professionnelle et un contrle des produits. Mais elle tait devenue un moyen de dfendre leur monopole professionnel en vitant toute concurrence. Les procds de fabrication tant fixs, les autres professions ne devaient pas empiter sur leur monopole de fabrication. Les procs taient nombreux entre les corporations de mtiers voisins mais distinctes (ex: procs des rtisseurs contre les bouchers). Cela cre des tensions car chacun veut conserver son monopole de vente. D'autre part leur organisation hirarchise. Un systme comme celui l distinguait chaque membre professionnel avec en bas les apprentis (la dure de l'apprentissage tait fixe par les rglements), puis d'apprenti on devenait compagnon (= salaris) et ensuite pour devenir matre d'une corporation (= patron) et pouvoir s'tablir son compte, les conditions d'accs la maitrise taient doubles: l'une tait l'obligation du chef d'oeuvre (cela consistait passer un examen d'aptitude professionnelle devant les chefs de la corporation) et l'autre condition consistait payer un droit de matrise, c'est dire une taxe verse l'Etat. Aucun artisan ne pouvait exercer un mtier sans tre membre d'une organisation professionnelle. Il devait faire partie de ce corps, en accepter les rgles et sa hirarchie. 2 L'mergence de tensions sociales Des frustrations existaient l'intrieur de chaque ordre et pas seulement l'encontre des membres d'un ordre diffrent. A) Les aigreurs d'une lite sociale: la bourgeoisie Les membres du tiers-tat reprsentaient plus de 96% des habitants du royaume. Mais dans cet ordre, il existait de trs grandes diffrences sociales. Cela en raison des divers modes de vie ou des diffrentes fortunes des personnes. On distingue: d'un ct le haut Tiers-tat, c'est dire la bourgeoisie; de l'autre le bas Tiers-tat, c'est dire le monde paysan et ouvrier. Les bourgeois taient aiss et souvent trs instruits, on trouvait les membres des professions librales (comme les mdecins ou les avocats), des rentiers propritaires terriens ou encore des ngociants et des artisans. Ils taient en qute de promotion sociale et de reconnaissance politique qu'il n'obtenaient plus sous les rgnes de Louis XV et Louis XVI.

1. Le blocage des promotions sociales L'ambition des classes les plus riches du tiers-tat tait d'accder la noblesse et ses privilges. Or, la noblesse se transmettait en principe par le sang. Mais il existait deux moyens pour un roturier d'acqurir la noblesse: soit par l'anoblissement; soit par l'exercice de certaines fonctions dites anoblissantes. Il existait environ 4000 charges anoblissantes. Ex: la charge municipale de maire ou celle de membre des parlements. Sous le rgne de Louis XIV, de trs nombreux bourgeois avaient t anoblis mais ce n'tait plus le cas sous les rgnes de Louis XV et Louis XVI. L'ascension sociale des bourgeois tait donc arrte par le blocage des voies d'accs la noblesse. Pour les quelques centaines de bourgeois rcemment anoblis, ils subissaient ce moment l le mpris de l'ancienne noblesse qui se montrait arrogante en rappelant que la vraie noblesse se confre hrditairement par le sang. Ces conditions d'humiliation sont facteur d'irritation et de revendication pour une partie de la bourgeoisie. On s'aperoit que, plus que jamais, la bourgeoisie aspirait une socit nouvelle qui substituerait le mrite la naissance. 2. Le besoin d'une reconnaissance politique Lorsque le roi runissait les tats gnraux, la bourgeoisie tait pleinement associe l'action gouvernementale. Elle jouait un rle politique majeur puisqu'elle monopolisait tous les siges des dputs du tiers-tat. Or, la mise en sommeil des tats gnraux depuis 1614 privait la bourgeoisie de toute expression politique alors que matriellement sa russite sociale tait brillante. En janvier 1789, une brochure pamphltaire intitule Qu'est-ce que le tiers-tat? fit apparition et dbutait par ces trois phrases: Qu'est-ce que le tiers-tat? Tout. Qu'a-t-il tait jusqu' prsent dans l'ordre politique? Rien. Que demande-t-il? A y devenir quelque chose . Cette brochure a t crite par l'abb Sieys et cet ecclsiastique y exprimait parfaitement cette frustration de la bourgeoisie de ne pas pouvoir s'exprimer politiquement alors qu'elle a port la russite conomique du pays par son travail. Ces rancoeurs annonaient la crise institutionnelle qui aura lieu quelques mois aprs. La bourgeoisie va alors devenir une classe contestataire de l'ordre tabli et de ses privilges. B) Les aigreurs des plus humbles 1. Les paysans Sous l'Ancien rgime, le rgime juridique de la terre reposait sur des rgles anciennes issues de la socit fodale. Selon l'ancien droit: non seulement les paysans devaient payer des redevances foncires aux propritaires d'origine, c'est dire qu'ils payaient toujours une sorte de loyer annuel de la terre; mais ils payaient aussi des droits seigneuriaux, comme par exemple les banalits (= redevances payes pour l'utilisation obligatoire du four, du moulin ou du pressoir du domaine seigneurial). Dans le rgime juridique de l'poque des terres, les seigneurs avaient des quipements collectifs et personne d'autre n'avait le droit de les possder. Si les paysans voulait les utiliser, ils devaient payer. C'tait une sorte de monopole conomique (moulin pour la farine, four ensuite pour cuire le pain). Les paysans, en rgle gnrale, arrivaient peine faire vivre leur famille grce leurs exploitations et ils souhaitaient voir l'abolition de ces droits. Or, depuis la seconde moiti

du 18me sicle, on assistait un mouvement que l'on a dit de raction seigneuriale parce que la petite noblesse provinciale recherchait avec vigueur le paiement de ses droits. Cette noblesse provinciale vivait souvent pauvrement sur ses terres de ses revenus fonciers et des droits seigneuriaux. Elle tait justement d'autant plus attache ses droits qu'elle tait peu fortune. Non seulement le paiement des droits seigneuriaux furent exigs plus strictement date fixe et en entamant des poursuites contre les paysans retardataires. Mais encore, ces droits qui tombaient parfois en dsutude furent parfois remis en vigueur. Ainsi s'explique une haine qui tait visible la fin de l'Ancien rgime entre les paysans et cette noblesse provinciale. 2. Les compagnons Dans les villes, ils se montrent de plus en plus frustrs face la petite bourgeoisie forme par les maitres des corporations. Ils leur reprochaient le cloisonnement de leur profession. Car au 18me sicle, le passage entre compagnon et maitre tait ferm car il tait devenu hrditaire. L'accs la maitrise ne se faisait plus au mrite par la ralisation du chef d'oeuvre, elle se faisait par la naissance puisque en effet, les maitres n'taient plus que les fils ou les gendres des maitres des corporations. Ce cloisonnement professionnel cre un malaise dans le monde des salaris ouvriers. 3. Le bas clerg Au sein mme de l'ordre privilgi de l'ordre du clerg, une impression de crise prvt galement car l'ordre du clerg rvle aussi une absence d'unit sociale entre ses membres. Le clerg a t en fait coup en deux par une barrire sociale: D'un ct le haut clerg regroupant les archevques, vques et abbs, leur recrutement tait aristocratique en ce sens qu'ils taient issus des rangs de la noblesse. Ils cumulaient les dignits et les revenus en vivant dans l'opulence. D'un autre ct le bas clerg, regroupant les curs et les prtres, ils taient souvent d'origine bourgeoise mais ils vivaient dans des conditions prcaires avec des revenus mdiocres d'o les rancoeurs entre les membres de cet ordre. Une partie du clerg jouera un rle important sous la Rvolution et cela plus prcisment lorsque les membres du bas clerg rejoindront ceux du tiers-tat pour modifier la socit.

PARTIE 1: LA PRIODE RVOLUTIONNAIRE (1789-1799)Elle s'tend de l'ouverture des tats gnraux le 5 mai 1789 au coup d'tat de Napolon du 18 brumaire, c'est dire du 9 novembre 1799.

CHAPITRE 1: Un essai de monarchie constitutionnelleUne monarchie constitutionnelle est le nom donn un rgime politique dans lequel l'autorit du roi est limite par une Constitution. Ce sera le rgime politique de la France de 1789 1792. C'est dire qu'avec la Rvolution de 1789 on assiste une remise en cause de la monarchie absolue traditionnelle cela dans le but d'instaurer ct de pouvoirs rels du roi des contrepoids institutionnels et un nouvel quilibre des pouvoirs. Dans ces annes l, ce n'est pas encore le rgime monarchique qui est remis en cause mais sa nature absolue, les franais taient encore trs attachs au roi et donc la monarchie.

Section 1: La rvolution politique: des Etats gnraux la ConstituanteEn quelques mois seulement le principe de la souverainet royale et absolue sera rejet. Rejet entre la sance d'ouverture des tats gnraux du 5 mai 1789 et la proclamation de l'assemble constituante du 9 juillet 1789. 1 La transformation des Etats gnraux en Assemble nationale Les dputs des tats gnraux, donc les trois ordres du royaume, ont t convoqu par le roi Versailles. Sachant que la situation financire de l'Etat tait catastrophique en raison des dpenses de la Cour mais surtout des dpenses de guerre. La guerre d'indpendance des USA s'tait avre ruineuse pour l'Etat. Aussi, la ncessit de lever des impts supplmentaires explique donc cette convocation des tats gnraux par le roi. A) La sance d'ouverture des Etats gnraux le 5 mai 1789 A Versailles le 5 mai 1789, la sance des tats gnraux s'ouvre alors que les tats gnraux n'avaient pas t runis depuis 175 ans. La sance s'ouvre par une sance solennelle. 1. Le dcor de crmonie La sance d'ouverture se droule Versailles dans la grande salle de l'htel des Menus Plaisirs. Les 1200 dputs des trois ordres y sont installs, chaque costume de crmonie souligne la distinction des membres des trois ordres et provoque des mcontentements au sein du tiers-tat. L'austrit vestimentaire du troisime ordre est vcue pour beaucoup comme une humiliation, surtout avec le contraste frappant des nobles vtus avec clat. Au fond de la salle se trouve le roi sur un trne lev pour que tout le monde le voit, la reine aussi est l mais en revanche le dauphin, c'est dire le fils ain du roi, n'est pas l car il est trop malade pour tre prsent. Le roi prend la parole et prononce un discours banal recommandant l'amour entre ses sujets puis le thme de la runion est rappel, savoir le besoin de combler le dficit et pour cela il convient de mieux rpartir l'impt entre tous.

Ensuite le directeur gnral des finances Jacques Necker prend galement la parole et durant trois heures, il expose la situation financire dficitaire. La sance semble bien se drouler et les deux ordres privilgis semblent disposs abandonner leurs privilges fiscaux donc le roi lve la sance d'ouverture. Mais l'assistance est due parce que un problme prsent dans tous les esprits n'avait pas t rsolu dans les discours, c'est celui du mode de fonctionnement des dlibrations. 2. Le problme du vote par tte ou du vote par ordre En 1788, sur les conseils de Necker, le roi avait accept de doubler le chiffre des reprsentants du Tiers-tat. C'est ce que l'on appelle la rgle du doublement du Tiers . Le but avait t que les dputs du Tiers fussent gaux en nombre aux reprsentants des ordres privilgis. Le Tiers-tat aurait 600 dputs, soit autant que les deux premiers des ordres runis, avec 300 pour le clerg et 300 pour la noblesse. De plus, en janvier 1789, Sieys avait publi sa brochure qui avait fait un succs dans laquelle il soulevait le fait que le Tiers-tat tait tout , c'est dire la quasi totalit des habitants. Il soulevait aussi le fait qu'il esprait obtenir un vrai droit de reprsentation politique aux tats gnraux. Ce 5 mai 1789, les reprsentants du Tiers taient exclusivement des bourgeois et en trs grande majorit des juristes, cela voulait dire qu'ils connaissaient le droit et ses rgles et ils taient des orateurs suffisamment capables de s'exprimer en public. Dans ces reprsentants, il y avait titre exceptionnel trois ecclsiastiques, dont Sieys qui tait un lu du Tiers-tat, et aussi 11 taient des nobles, dont le comte de Mirabeau. Car les rgles lectorales n'taient pas prcises sur les condition d'ligibilit des dputs du Tiers-tat. Dans ce contexte l, tous les membres du Tiers veulent savoir le mode de fonctionnement des dlibrations des tats gnraux. Faut-il voter par ordre ou par tte? Devait-on continuer voter par ordre et donc par tradition? Sachant que, lors des prcdents tats gnraux, le vote se faisait par ordre et la majorit. Les votes avaient donc lieu sparment au sein de chaque ordre, c'est dire que chaque dput dtenait une voix mais au sein de son ordre. Chaque ordre se prononait dans le sens de sa majorit. Aussi donc le Tiers-tat n'avait qu'une voix sur les trois. Le Tiers perdait souvent un contre deux. L'esprance du Tiers tait que l'on vote par tte selon le principe qu'un homme est gal une voix. Ils ne devaient pas tre spars au moment des dlibrations mais runis en une assemble dlibrative. Face un vote global, les nombreux dputs du Tiers obtenaient des chances de l'emporter. Le problme c'est que la rgle du doublement du Tiers n'avait de sens que si on adoptait le vote par tte. Sinon pourquoi augmenter le nombre des reprsentants du Tiers? Aussi, en ce 5 mais 1789, les dputs du Tiers s'attendaient enfin obtenir un poids politique grce au vote par tte. Mais ce problme du vote ne ft pas tranch par le roi lors de la sance d'ouverture. B) La dclaration de l'Assemble nationale le 17 juin 1789 Le problme de la rgle du vote sera au centre de tous les malentendus et il va conduire ce que le Tiers se dclare Assemble nationale, c'est dire le reprsentant de la nation toute entire. 1. L'Assemble nationale issue des Etats gnraux Chaque ordre devait se runir sparment en trois salles distinctes mais les dputs du Tiers-tat refusaient, ils voulaient que cette vrification des pouvoirs (c'est dire la vrification du mode d'lection des dputs) se fasse en commun et ils demandrent que les autres ordres les rejoignent dans la grande salle des Menus Plaisirs. Ceux ci qui refusrent mais ce refus n'altre en rien la dtermination du Tiers. Les dputs dcidrent

alors d'attendre la runion des autres ordres parce qu'ils taient dcids obtenir immdiatement le vote par tte, ce qui supposait des dlibrations communes. Ils vont attendre durant plus d'un mois, tout en invitant rgulirement les deux autres ordres se runir dans la salle commune. La situation semble bloque et les esprits s'chauffaient de jour en jour. Le 10 juin 1789, les vnements se prcipitrent lorsque l'abb Sieys affirme qu'il est temps d'agir et selon lui il fallait prsent signifier autoritairement mais pour la dernire fois aux autres ordres de la rejoindre. Ils adressent alors une ultime invitation au clerg et la noblesse. Et en l'absence de ractions, le Tiers devait vrifier seul les pouvoirs de tous les dputs. Quelques membres du clerg rejoignent le Tiers-tat et quelques jours plus tard, Sieys reprend la parole cette fois pour proposer de constituer une Assemble nationale. 2. La proclamation de l'Assemble nationale une et indivise Sieys revendiquait l'norme supriorit numrique des dputs prsents dans la salle. L'argument du nombre ne concernait pas le nombre des dputs des tats gnraux, c'est dire les 600 du Tiers. Mais il soulignait le nombre de reprsentants de la population du pays en affirmant que le Tiers reprsentait lui seul 96% de la population disait-il. En l'absence de quelques dputs du clerg ou de la noblesse, cela ne modifiait pas cette situation. Situation pour lui d'avoir prsente une Assemble lgitime car reprsentant dj presque la totalit de la population du territoire. D'o la composition de Sieys de proclamer l'Assemble de nationale, c'est dire reprsentante de la nation entire. Cette Assemble esprait toujours runir en son sein tous les dputs. En effet, les absents, soit la noblesse et la majeure partie du clerg, sont certes toujours pris, le 17 juin encore, de rejoindre les dputs dont les pouvoirs ont t vrifis, mais dans une Assemble o les distinctions d'ordres n'auront plus droit de cit. A l'initiative de Sieys, le 17 juin 1789 la proposition de transformer les Etats gnraux en une Assemble nationale fut mise au vote. Cette proposition fut adopte la majorit, par 491 voix contre 90. Ce vote conclut cependant une discussion hsitante quant la dsignation retenir. Ces hsitations soulignent la claire prise de conscience de cette nouvelle Assemble quant au changement capital qu'elle est sur le point d'oprer. L'Assemble nationale est alors proclame. La dclaration sur la constitution de l'Assemble du 17 juin 1789, en affirmant avec vigueur le principe de souverainet nationale, ouvre la voie un nouveau droit public. L'unit nationale, ralise sous l'hgmonie du Tiers-tat, revt un caractre amplement rvolutionnaire. L'Assemble fait d'ailleurs immdiatement acte de souverainet en prenant des dispositions qui prolongent la dclaration et visent rgler le conflit fiscal (elle autorise provisoirement la leve de tous les impts). En effet, sa premire dcision fut de s'attribuer aussitt le pouvoir fiscal. Elle dcide aussi de se nommer pour prsident le doyen et astronome Jean-Sylvain Bailly. Le 17 juin peut tre considr comme vritable moment fondateur de la Rvolution, en ce qu'il ouvre de nouveaux horizons politiques, annonant d'une part un transfert de souverainet du roi l'Assemble, marquant d'autre part l'avnement de la conception rvolutionnaire de la reprsentation: Rvolution parce qu'on va vers un transfert de souverainet. En effet, la souverainet nationale a dtruit la souverainet royale et la monarchie absolue car les dputs ont dclar que le titulaire unique de la souverainet n'tait plus le roi mais la nation. D'ailleurs, l'antriorit de la nation sur le roi est un thme majeur de la littrature prrvolutionnaire. Pour eux, la nature mme de la souverainet n'est pas modifie, elle est

toujours absolue, une et indivisible, elle dtient tous les pouvoirs et n'est soumise aucune limite. Mais si la nature ne change pas, c'est son titulaire qui change: donc la nation. Cela va compltement l'encontre des pouvoirs des Etats gnraux qui eux ne jouaient qu'un rle de conseil. L, l'Assemble s'attribue des pouvoirs de dcision que personne ne pourra contester. La dclaration accorde l'Assemble, et elle seule, le pouvoir d'interprter et de prsenter la volont gnrale de la nation . A prsent, les dputs nationaux ne souhaitent plus attendre pour lgifrer afin de rformer la France. Ils le montrent en s'emparant immdiatement du vote de l'impt. Il est clair que cette prise de souverainet s'effectue l'encontre du roi. Par cette phrase: Il ne peut exister entre le trne et cette Assemble aucun veto, aucun pouvoir ngatif , on pressent d'emble une cohabitation pour le moins problmatique. Un bras de fer s'engage en effet immdiatement entre le roi et l'Assemble (cf. La dclaration royale). Autre rvolution en fondant le systme reprsentatif national, c'est l'avnement de la conception moderne de la reprsentation. Les dputs de l'Assemble nationale deviennent donc des reprsentants de la nation toute entire et leurs votes la majorit permet de dgager la volont gnrale nationale. Ce systme abolissait donc compltement et totalement la socit d'ordres et les tats gnraux puisque les dputs des tats gnraux reprsentaient des ordres distincts, fragments mais pas une nation unie et homogne. Selon la conception traditionnelle, les dputs des tats gnraux ne faisaient qu'excuter les ordres des lecteurs de leur circonscription. Ils taient strictement lis par leur mandat dit impratif, c'est dire lis par des directives des lecteurs contenus dans les cahiers de dolances. Mais dans la conception rvolutionnaire, leur mandat devient reprsentatif, les dputs sont reprsentants de la nation toute entire, ils peuvent s'exprimer librement sur tous les sujets. Pour Sieys, et il l'affirme dans un extrait de la dclaration, la reprsentation, unitaire, a une vocation fondamentalement rvolutionnaire: la destruction de la structure politique ternaire d'Ancien rgime. 2 De l'Assemble nationale la Constituante Pendant ces vnements, l'absence du roi est expliqu par la mort de son fils an, le dauphin. Cet enfant de 7 ans tait atteint de la tuberculose. Or, ds le lendemain de l'ouverture des tats gnraux, il tait l'agonie et le roi et la reine savent qu'il va mourir et ils passent leur temps son chevet. Le 4 juin, le fils an meurt et c'est son frre de 4 ans, Louis-Charles, qui portera dsormais le titre de dauphin. C'est lui qui sera le futur Louis XVII. On est dans une situation o le roi aurait t absorb par ce chagrin et cette douleur n'a fait qu'augmenter ses incertitudes et il parat hsiter entre la conciliation et la fermet. Lorsqu'il va agir, il est dj trop tard, la rvolution tait dj en marche. A) Le serment du Jeu de Paume et la victoire du Tiers-tat 1. Le serment du Jeu de Paume le 20 juin 1789 Effet immdiat de la dclaration du 17 juin. Les membres du Tiers-tat sont rejoint ds le 19 juin par la majorit des membres du clerg et quelques dputs de la noblesse. Quant au roi, il annonce qu'une sance royale se tiendra le 23 juin dans la grande salle des Menus Plaisirs, salle qu'occupe prcisment l'Assemble nationale et le roi fera alors connatre ses volonts. Sous prtexte de devoir prparer la grande salle pour la sance royale, elle est ferme. Aussi, le 20 juin, les dputs trouvent leur salle de runion ferme et ils se runissent alors dans une salle proche, la salle du Jeu de Paume. Et peine l'Assemble s'est-elle dclare nationale qu'elle dfinit sa tche: Appele fixer la constitution du royaume,

oprer la rgnration de l'ordre public, et maintenir les vrais principes de la monarchie , elle jure par le serment du Jeu de Paume de rester runie, de ne jamais se sparer, c'est dire de rester unis jusqu' l'tablissement d'une Constitution crite. Les dputs se dclarent responsables les uns devant les autres de la rdaction de la constitution, par la foi de ce serment mutuel. Selon la formule mme du serment, la constitution sera tablie et affermie sur des fondements solides . Par ce serment, l'Assemble nationale s'est donc fixe pour mission principale de rdiger une Constitution. 2. La dclaration royale et les capitulations du roi La sance royale du 23 juin qui tente d'endiguer le mouvement tait autant redoute qu'attendue: Redoute pour les uns car on craignait la volont du roi de dissoudre l'Assemble; Attendue pour les autres car on attendait le rtablissement de l'autorit de la monarchie absolue. Le contexte de cette sance royale est tendu sachant que le 21 juin, le roi avait ordonn que plusieurs rgiments se rapprochent de Versailles. La sance royale va s'ouvrir en l'absence trs remarque de Necker et Louis XVI va lire une dclaration en employant un ton de fermet. Mais dans son discours, le roi annonce pourtant un programme de rformes multiples: Il accepte le vote priodique des impts devant les Etats gnraux; Il souhaite aussi au plus vite l'introduction de l'galit fiscale; Il entend aussi garantir les liberts individuelles et notamment la libert de la presse; Mais il ne lche rien sur la structure politique du royaume, il affirme schement le maintien des structures sociales et politiques traditionnelles. La volont du roi est claire et ferme: Il dclare nulles, c'est dire sans aucune valeur juridique, toutes les dlibrations prises par les dputs de l'ordre du Tiers Etat les 17 et 20 juin. Il veut le maintien de la distinction des trois ordres et que les trois ordres sigent en chambres spares. Il rejette le vote par tte. Le roi prononce sa volont avec une formule autoritaire qui rappelle le lit de justice. Il rappelle d'ailleurs dans son discours qu'il est l'unique dtenteur de l'autorit suprme. Ce ton ferme fait alors compltement oublier l'adoucissement de certaines dclarations puisque le roi a cependant accord le doublement du Tiers et accept des dlibrations communes si les dputs l'estiment ncessaire. Aprs son discours, la sance est leve et le roi ordonne aux dputs de sortir et de se rendre ds le lendemain dans des chambres spares. Le roi se retire, suivi des dputs de la noblesse et du clerg. Mais les dputs du Tiers-Etat restent immobiles et silencieux. Le maitre de crmonie leur rappelle alors les ordres du roi de se retirer et l, Mirabeau riposte en disant: Allez dire votre matre que nous sommes ici par la volont du peuple et nous n'en sortirons que par la puissance des baonnettes . C'est ce que l'on appelle le refus d'obissance de Mirabeau . Alors lorsque le roi apprendra ce refus de sortir, Louis XVI aurait dit: ils veulent rester? Et bien, qu'ils restent . Cela a t vu comme sa premire capitulation. Sa seconde capitulation interviendra quatre jours plus tard sous la pression d'une agitation populaire Paris. Le roi cde finalement le 27 juin, il se rsout alors la fusion des trois ordres en une Assemble unique, il donne l'ordre au clerg et la noblesse de se joindre au Tiers-Etat. L'Assemble nationale sort alors victorieuse et en profite pour se dclarer Assemble nationale constituante le 9 juillet 1789.

B) L'Assemble nationale constituante La rvolution politique est donc tablie le 9 juillet 1789 avec l'affirmation du pouvoir constituant de l'Assemble. 1. Le pouvoir constituant de l'Assemble Le 9 juillet, Sieys prsente un premier rapport o sont poses des questions capitales sur l'tendue du pouvoir monarchique, les formes de la reprsentation, l'opportunit de faire prcder la constitution d'une Dclaration des droits. Le mme jour, l'Assemble se dclare Constituante. Le rgime politique de l'Assemble constituante est tabli le 9 juillet 1789. La distinction essentielle entre le pouvoir constituant et le pouvoir constitu s'tablit alors. Le pouvoir constituant est le pouvoir qualifi pour tablir ou pour modifier une constitution. Il mane exclusivement de la nation souveraine et ce pouvoir constituant relve sans partage de l'Assemble nationale. En revanche les pouvoirs constitus sont les pouvoirs excutifs, lgislatifs ou judiciaires dtermins dans le cadre d'une Constitution. En d'autres termes, la constitution dtermine qui exercera les pouvoirs lgislatifs, excutifs et judiciaires. Le roi sera prsent mais il ne sera qu'un seul des pouvoirs constitus. 2. La priode de faits Trs tt, les agitations parisiennes ont jou un grand rle dans ce rgime politique. La royaut avait fait rassembler des troupes autour de Paris, ce qui avait fait craindre la rpression. Le 11 juillet, le roi avait renvoy Necker dont il n'avait pas apprci l'absence lors de la sance royale. Ds le lendemain, la nouvelle se rpand et embrase Paris. Les agitations populaires se multiplient jusqu' la prise de la Bastille le 14 juillet. Cet vnement est trs vite devenu un symbole, le symbole de l'mancipation collective d'un peuple. Les consquences pratiques sont aussi immdiates avec l'annonce royale du retrait des troupes et le rappel de Necker. On voit une Rvolution vraiment triomphante. Le mme jour, l'Assemble constituante dbute la prparation de la nouvelle Constitution. Or, la prparation de la premire Constitution crite de la France durera deux ans, cela jusqu'en septembre 1791. C'est pourquoi on dit que de juillet 1789 septembre 1791, la Constituante sera une Assemble de fait, cela en absence de Constitution crite qui fonde les pouvoirs, elle fournit une oeuvre lgislative trs importante.

Section 2: Le nouvel ordre social et politique de 1789Les constituants restaient encore profondment monarchiques. Donc en 1789, la nouvelle socit ne s'est pas construite contre le roi mais les rvoltes populaires vont entrainer la destruction de l'Ancien rgime et aussi l'dification d'une socit nouvelle plus galitaire. 1 La remise en cause de l'ordre social traditionnel Les constituants furent trs influencs par la philosophie des Lumires et aussi par les meutes sociales. Sachant que la condamnation de la socit traditionnelle tait alors gnrale. A) La condamnation philosophique par la raison Le courant rationaliste amenait rechercher la justification de l'ordre tabli. Sachant que le rationaliste considre qu'au nom de la raison, il convient de remettre en cause les structures existantes. Mais cela lorsqu'elles sont fondes uniquement sur la tradition et qu'elles ne sont plus justifies par la ralit du moment. Donc pour les rationalistes, ce qui est cru et toujours enseign n'est pas forcment exacte. A l'poque, l'une des discussions tait surtout en matire des privilges: le fondement de leur anciennet n'tait plus une justification en soi. Pour qu'un statut drogatoire persiste, encore fallait-il qu'il soit fond en raison. Au Moyen-Age, les privilges se justifiaient pleinement en raison des ralits de l'poque. Par exemple, le privilge fiscal de la noblesse tait justifi par la dfense militaire du royaume assure par les nobles. On considrait finalement qu'ils payaient l'impt mais du sang (en combattant). Mais ce privilge fiscal ne se justifiait plus au 18me sicle puisque l'arme royale tait depuis longtemps permanente et qu'elle assurait la protection des sujets. Ds lors, l'poque, il y avait le sentiment que ce privilge fiscal n'avait plus raison d'tre. Le rationalisme condamnait donc les privilges anciens. B) La nuit du 4 aot 1789 Cette nuit historique se situe dans le contexte que l'on appelle la Grande Peur . Ds le 20 juillet 1789, des rumeurs annoncent un complot aristocratique. Les nobles envisageraient de mettre fin l'Assemble et de renforcer leurs droits seigneuriaux. Ils chercheraient se venger sur les paysans avec l'aide d'une arme de brigands et d'trangers. On parle de massacre et de combats (ils sont compltement imaginaires mais on en parle). De l, une peur irrationnelle et incontrle se rpand dans les campagnes et donc entre le 20 juillet et le 6 aot 1789, les paysans de toute la France comment s'armer. Puis la panique devient rvolution car ils pillent ensuite les chteaux et brlent leurs archives, ils brlent les terriers, c'est dire les registres consignants les droits seigneuriaux. Dans l'ensemble il y a peu de morts mais il y a une peur collective. L'assemble constituante est elle-mme inquite et elle dcide de ne pas s'engager dans la voie rpressive. Pour calmer les violences populaires, les dputs proposent de voter l'abolition des droits seigneuriaux. Dans cette nuit du 4 au 5 aot, les dputs s'engagent dans une euphorie gnrale supprimer toute une srie de privilges et de droits seigneuriaux. Puis les dcrets dfinitifs seront rdigs entre le 5 et le 11 aot 1789.

1. L'abolition des privilges L'abolition des privilges est rest un fort symbole de cette nuit du 4 aot. Il s'agissait d'abord d'abolir les ingalits traditionnelles qui apparaissaient inacceptables. Il s'agissait aussi de fonder la nouvelle socit sur l'galit naturelle. C'est ainsi que l'Assemble constituante vota la suppression de la dme et la fin des privilges fiscaux. Le dcret annonce ainsi une galit de tous devant l'impt. Sont galement supprims les privilges des provinces et des villes avec leurs franchises et le dcret annonce un droit commun applicable tous les franais sur tout le territoire unifi. Sont supprims encore les privilges professionnels lis au critre de la naissance et le dcret annonce l'galit d'admission devant les emplois. Quelle que soit galement la religion, les emplois ne sont plus rservs aux seuls catholiques, ils sont aussi accessibles aux protestants et aux juifs. De plus, le libre accs aux professions judiciaires s'est doubl de l'instauration de la gratuit de la justice pour tous. Ainsi cette fameuse nuit du 4 aot remet en cause toute la structure corporative du royaume, son tissu de dpendances et de privilges. A sa place, les constituants ftent l'avnement de l'individu moderne, autonome, gal ses semblables. La nuit du 4 aot fait apparatre la conception moderne de l'individu dtenteur de droits gaux ses semblables. 2. L'abolition du rgime fodal L'abolition des droits fodaux n'a pas t totale en 1789 car les dputs vont distinguer entre les droits abolis sans ddommagements et ceux abolis mais sous condition d'tre rachets. Distinction entre droits seigneuriaux (issus d'une usurpation de la puissance publique), supprims sans indemnit, et droits fodaux (drivant d'un contrat d'infodation), dclars rachetables. Il faudra attendre la Convention pour que soit pos un principe absolu, avec la suppression, le 17 juillet 1793, de tous ces droits et l'ordre de brler tous les titres sous peine de cinq annes de fer. D'un ct, les droits pesant sur les personnes sont abolis sans contrepartie financire. Par exemple, les droits de pages sont abolis, les banalits, etc. En revanche, les droits pesants sur les terres ont t aboli sous condition d'un rachat. Le paysan devait toujours verser une redevance au propritaire d'origine, c'est dire une sorte de loyer annuel de la terre. Il devait aussi lui payer un droit de transfert de la terre s'il la louait, la donnait ou l'changeait. L'ensemble de ces droits furent dclars rachetables au nom du respect de la proprit prive. Pour les constituants, le fondement de ces droits dcoulait la base d'un contrat de concession de terre et donc ils taient l'objet d'une proprit lgitime. L la dception sera trs grande du ct du monde paysan puisque les rachat de ces droits tait onreux et donc impraticable. Alors les paysans eurent le sentiment d'avoir t dup. En revanche, ces mesures rassuraient les possdants des terres, qu'ils soient nobles ou bourgeois. Ces mesures satisfaisaient en fait totalement les intrts mmes des membres de l'assemble constituante compose majoritairement de propritaires fonciers. La proprit foncire fut donc trs protge et le droit de proprit en gnral sera consacr comme un droit inviolable et sacr par la Dclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Cette nuit du 4 aot annonait des principes qui seront ensuite affirms dans la DDHC.

2 La Dclaration des droits de l'Homme et du Citoyen Dans ce nouveau contexte social, il apparat urgent de repenser le politique. Le travail constituant se dgage ds lors inluctablement de tout ancrage historique pour s'orienter dans une voie rsolument novatrice. Cette direction est le jour mme confirme par l'Assemble, celle-ci dcidant que la constitution serait prcde d'une Dclaration des droits. Elle optait pour l'ide d'une constitution nouvelle, qui dcoulerait des principes fondamentaux poss par la Dclaration. Les seules causes des malheurs publics sont l'ignorance, l'oubli ou le mpris des droits de l'homme et c'est contre cet oubli que les constituants dcident de dclarer les droits de l'Homme au mois d'aot 1789. Elle fut conue comme un prambule la future Constitution et ce texte fut approuv en assemble le 26 aot 1789. C'est un texte trs court compos lui mme d'un prambule et de 17 articles. Le rapport de supriorit de la Dclaration par rapport la loi est tranger en 1789 du fait mme de l'absence de toute instance de contrle de la loi. Mais, en raison de son antriorit par rapport la constitution, la Dclaration fixe celle-ci un cadre juridique qui dtermine son orientation. Il s'agit d'un texte inachev qui a t rdig dans l'urgence et avec dsordre. En effet, les dputs prvoyaient en fait d'ajouter des articles aprs l'adoption de la Constitution et ils envisageaient aussi de revoir ce moment l le classement de l'ensemble du texte. Mais la Dclaration ne sera plus modifie et c'est pourquoi l'ordre des articles n'est pas toujours logique. A) L'esprit fondateur de la Dclaration La ncessit premire pour les reprsentants de la nation tait d'asseoir leur lgitimit. C'est pourquoi, rejetant toute rfrence l'histoire, ils entreprirent de remonter aux premiers principes de la socit pour s'appuyer sur leur autorit. Il s'agissait de recomposer la socit existante. La proccupation primordiale des constituants tait donc fondatrice. Le besoin est tel de lgitimer l'action rvolutionnaire que les constituants font confluer vers la Dclaration des influences diverses, voire contradictoires: thoriciens du droit naturel, Locke, Montesquieu, Rousseau, physiocrates. Selon l'esprit trs philosophique et donc fondateur de cette Dclaration, on est homme par nature et citoyen dans un Etat social. 1. La conception des droits de l'Homme La philosophie des droits de l'homme repose sur la doctrine des droits naturels. L'ide est que l'tre humain possde par nature des droits inalinables comme la libert ou l'galit. Ces droits existent dans l'tat de nature, c'est dire avant mme l'tablissement d'une socit politique d'un Etat. Ce n'est donc pas une autorit tatique qui confre ces droits mais ces droits sont dits naturels car ils sont inhrents sa nature humaine. Aussi, ces droits existant dj, la Dclaration de 1789 ne les cre pas, elles les reconnat, elle les dclare. D'o son nom: c'est une dclaration, c'est dire un texte dclaratif et non constitutif de droits. 2. La conception des droits du Citoyen Il s'agit de droits rsultant de son tat social. Jusqu'en 1789, le concept de citoyennet tait ignor en France, il n'y avait que des sujets soumis l'autorit de la monarchie absolue. Sous l'Ancien rgime, les sujets du roi formaient le peuple sur lequel le roi exerait son autorit. Or en 1789, les constituants furent trs influencs par les ides de Rousseau et principalement par son livre publi en 1762 et intitul Du contrat social .

Sa thorie du contrat social expliquait le passage de l'tat de nature celui d'un corps politique, donc d'une socit. Rousseau affirmait que chaque individu avait librement formul son consentement pour vivre en socit dans un pacte social. Et ce pacte social pass entre hommes libres avait fond la socit politique. C'est donc par l'existence initiale d'un contrat social que se cre une socit. L'homme devient alors citoyen. Selon Rousseau, l'homme perd sa libert naturelle mais il acquiert sa libert civile. Dans son oeuvre, le mot citoyen apparat comme celui qui est titulaire de droits. Rousseau y affirme que tout membre du corps politique a des droits en tant que citoyen et des devoirs en tant que sujet. Mais les constituants prfraient liminer de leur vocabulaire le terme de sujet car il rappelait trop l'ide d'une soumission des sujets l'autorit du monarque absolu. Selon la DDHC, il n'y a donc plus de sujets dans l'ordre politique, on est homme par nature et citoyen dans un Etat social. La Dclaration nonce un ensemble de droits de l'Homme et du Citoyen mais sans discerner systmatiquement ce qui relve de l'un ou de l'autre. B) La protection des droits individuels La Dclaration affirme que la mission essentielle de l'Etat consiste maintenir les droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Cela veut dire que non seulement un Etat doit les reconnatre mais sa finalit est surtout de garantir les droits individuels tels que la libert, l'galit ou la proprit. 1. La libert et le droit la sret La Dclaration de 1789 reconnat la libert comme un principe, c'est dire comme une rgle gnrale applicable tous les individus. La libert est le thme quantitativement le mieux reprsent. Selon l'article 4, la libert consiste pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas autrui. Etre libre, c'est pour individu ne pas subir de contraintes et notamment venant de l'Etat. Seules deux limites sont poses: autrui, c'est dire le respect de la libert de l'autre; la loi, tout ce qui n'est pas interdit par la loi est permis. Au del mme du principe, une srie de liberts individuelles est reconnue dans la Dclaration. La Dclaration consacre ainsi: la libert d'opinion, c'est dire la libert de pense et la libert d'avoir une opinion donc religieuse. L'article 10 dispose que Nul ne doit tre inquit pour ses opinions, mme religieuses, pourvu qu'elles ne troublent pas l'ordre public . La libert du culte se trouve comprise, de manire seulement indirecte, dans la libert de pense, et sous rserve. Cela rvle de srieux tiraillements entre dputs qui manifeste un compromis entre chrtiens et distes (le disme est le croyance en l'existence d'un Dieu en dehors de toute religion); la libert d'expression, c'est dire la libert de parler, d'crire ou encore d'imprimer (comme la libert de la presse, un des droits les plus prcieux de l'homme (art. 11), mais avec certaines limites); la libert de dplacement, c'est dire la libert d'aller et de venir. le droit de proprit, droit inviolable et sacr, l'expropriation tant toutefois possible si l'utilit publique le requiert (art. 17). Ces liberts individuelles sont garanties par un droit la sret et ces garanties sont poses par les articles 7 9, qui seront repris par le Code pnal et le Code de procdure criminelle. La sret individuelle est la garantie contre les dtentions arbitraires, les

arrestations et les condamnations. La sret individuelle se traduit par trois principes judiciaires: le principe de la lgalit des dlits et des peines, c'est dire qu'il faut donc une loi pour pouvoir accuser et arrter un individu; le principe de la non rtroactivit de la loi, c'est dire qu'un individu ne peut tre puni qu'en vertu d'une loi dont il a pu avoir connaissance au moment du dlit; le principe de la prsomption d'innocence de l'accus, l'article 9 de la Dclaration dispose que tout homme est prsum innocent jusqu' ce qu'il est t dclar coupable . Ces ides sont empruntes tant la philosophie anglaise qu'au clbre criminaliste italien Beccaria (dans Des dlits et des peines, il fonde le droit pnal moderne et se signale notamment en dveloppant la toute premire argumentation contre la peine de mort). Ces garanties condamnaient ouvertement les abus de l'Ancien rgime en matire d'arrestations et de dtentions arbitraires. Dans cette nouvelle socit il existe prsent une nouvelle protection de chacun et mme contre un Etat tout puissant. 2. L'galit Avec l'galit, le discours tenu est peut-tre moins solennel, mais il est en tout cas plus concret. La Dclaration de 1789 reconnat une galit civile, c'est dire des droits garantis tous. Parmi les galits civiles, la Dclaration reconnat et proclame: l'galit judiciaire, c'est dire l'galit de tous devant la loi. La loi est la mme pour tous, soit qu'elle protge, soit qu'elle punisse , elle s'impose sans distinction et dans les mmes termes tous. l'galit fiscale, c'est dire l'galit de tous devant l'impt proclam l'article 13 qui rappelle que les ingalits d'Ancien Rgime taient vivement ressenties; l'galit d'accs aux emplois publics, la vnalit des offices est condamne: Tous les citoyens sont galement admissibles toutes les dignits, places et emplois publics ; l'galit devant la protection due par l'Etat. Ainsi donc, les constituants ont proclam une galit civile ne pas confondre avec une galit politique sachant que le droit de vote n'est pas encore universel et il sera longtemps refus aux femmes, aux domestiques et aux pauvres. 3. La proprit La proprit est reconnue comme un droit naturel et l'Etat doit, au mme titre que la libert, faire respecter ce droit sachant que l'on considre les biens comme formant la continuit de la personne. Ce n'est pas une ide nouvelle puisque l'Eglise avait toujours condamn moralement l'atteinte aux personnes, comme celle des biens. Cette protection particulire n'est pas tonnante puisque les constituants taient des possdants et donc en l'occurrence des propritaires fonciers. Le principe ici proclam est que l'on ne peut priver personne de sa proprit mais titre d'exception, l'expropriation est possible mais elle est limite au cas d'utilit publique et sous condition d'une indemnit quitable. La Dclaration de 1789 s'inscrivait directement dans la philosophie du droit naturel avec l'ide que l'tre humain possde par nature des droits qui doivent tre reconnus et protgs par l'Etat. Toute socit politique qui violerait ces droits sera donc illgitime. Article 16: Toute socit dans laquelle la garantie des droits n'est pas assure, ni la sparation des pouvoirs dtermine, n'a point de constitution .

C) Les principes constitutionnels 1. Le principe de la souverainet nationale Le principe de toute souverainet rside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorit qui n'en mane expressment (art. 3). La fonction de cet article est stratgique. Il s'agit de juridiciser le 17 juin, de mettre le droit en accord avec le fait rvolutionnaire. En posant le principe que toute souverainet rside par essence dans la nation, le texte confirme l'absence de despote (sans quoi il serait luimme souverain) et la ncessit, en consquence, d'une sparation des pouvoirs. Mais il rvle la difficult des constituants dfinir l'amnagement entre le nouvel ordre politique et l'hritage de l'Ancien Rgime. En effet, on parle du principe de souverainet afin de distinguer celui-ci de son exercice, dont on entend laisser le roi dpositaire. Toutefois, c'est la deuxime partie de l'article qui ralise le changement le plus important en dsignant implicitement les titulaires de cet exercice (corps ou individu). Elle indique que le roi, au mme titre que l'Assemble, ne peut avoir d'autre lgitimit que celle qui mane de la nation. L'article 3 propose donc, non pas l'abandon de l'ancien univers hirarchique, mais son ramnagement dans un sens dmocratique. Ce principe de souverainet nationale laisse apparatre l'influence directe des ides de Sieys. En effet, selon Sieys, la souverainet appartient la nation, il ne conoit pas une souverainet royale appartenant au monarque comme sous l'Ancien rgime, il ne conoit pas non plus une souverainet populaire, c'est dire celle appartenant au peuple assembl comme le pensait Rousseau. La souverainet est dite nationale et l'article 3 en dispose clairement. A cette poque, la nation est conue comme une collectivit distincte des individus qui composent la socit. C'est un tre juridique abstrait, une personne morale et non pas une personne physique. La nation est une reprsentation intellectuelle, donc une thorie juridique. L'intrt de cette conception est qu'elle permet d'affirmer le principe de la reprsentation. La nation tant un tre abstrait, elle ne peut pas exprimer sa volont par elle-mme. Cela signifie qu'elle doit ncessairement tre reprsente par des personnes physiques bien relles, comme par exemple le roi ou les dputs de l'assemble. Ces reprsentants de la nation permettent alors d'exprimer la volont de la nation. Selon cette conception, lorsque les reprsentants expriment une dcision, c'est donc comme si la nation l'avait ordonn. Et sachant que la nation est seule titulaire de la souverainet mais elle a dlgu l'exercice de sa souverainet des reprsentants. Cette conception de Sieys de la souverainet nationale s'oppose la conception de la souverainet populaire de Rousseau. Pour Rousseau, la souverainet appartient selon son expression au peuple assembl en corps , c'est dire l'ensemble des citoyens assembls par le contrat social. Le souverain n'est donc pas une personne comme un roi mais bien une collectivit de l'ensemble des citoyens de la socit. Ce peuple assembl est donc le souverain et chaque citoyen dtient une fraction de la souverainet. La consquence c'est que pour lui, chaque citoyen doit pouvoir prendre part l'exercice de la souverainet et donc dtenir un droit de vote. Alors Rousseau refuse tout systme reprsentatif, il est partisan du vote des lois par le peuple lui-mme, soit directement par la voie d'un rfrendum soit indirectement en lisant des dputs au suffrage universel. Mais le dput n'est pas un reprsentant, il est un mandataire de ses lecteurs conformment au mandat impratif. Donc les dputs lus expriment la volont prcise de leurs lecteurs. Dans ces deux conceptions, la souverainet n'est plus personnelle comme dans la souverainet royale absolue. Elle n'appartient pas la seule personne du roi mais elle est conue comme une collectivit, le peuple assembl pour Rousseau ou la nation reprsente pour Sieys.

2. La souverainet de la loi: expression de la volont gnrale La loi est l'expression de la volont gnrale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs reprsentants, sa formation (art. 6). Dans cet article, on voit apparatre l'influence directe de Rousseau. L'affirmation de la premire partie de l'article est, dans l'esprit de ce philosophe, le meilleur rempart contre l'arbitraire. Pour Rousseau et l'article 6, la loi est l'expression de la volont gnrale. L'ide est que l'origine de la loi rside dans la volont de la collectivit. Mais la volont gnrale ne doit pas tre confondue avec la volont de tous. Il s'agit de la volont de la collectivit qui a t dgage par la voix de la majorit. La minorit doit alors s'incliner devant la volont du plus grand nombre. La philosophie de Rousseau c'est que le citoyen doit vouloir l'intrt gnral contre son intrt particulier. Il doit accepter le vote de la majorit comme le vote meilleur pour la collectivit. Il doit donc accepter que la loi tablie la majorit est aussi la sienne. L'article 6 traduit donc cette idologie que l'on appelle l'idologie de la soumission de chacun une loi . Il traduit aussi l'ide de la souverainet de la loi puisqu'il ne doit pas y avoir d'autorit suprieure elle, tous doivent s'y soumettre y compris le roi. Pour Rousseau, les lois doivent tre votes par le peuple lui-mme, c'est le peuple qui est le lgislateur. Pour Sieys, les loi doivent tre labores par les reprsentants de la nation. Ce sont donc eux qui expriment la volont gnrale de la nation. Finalement l'article 6 de la Dclaration reprend ces deux penses et dispose que tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement (Rousseau) ou par leur reprsentant (Sieys) la formation de la loi . 3. Le principe de la sparation des pouvoirs Toute socit dans laquelle la garantie des droits n'est pas assure, ni la sparation des pouvoirs dtermine, n'a point de constitution (art. 16). Le principe de la sparation des pouvoirs est formul par Montesquieu en 1748 et cela dans son ouvrage intitul De l'esprit des lois . Son objectif visait empcher les abus de pouvoirs et la formation de gouvernement despotique. Alors Montesquieu avait tudi les rgimes politiques anciens et contemporains. Et il avait constat que tous les titulaires uniques d'un pouvoir tendaient en abuser en ne respectant pas les liberts individuelles. Or, Montesquieu avait trouv le moyen de concilier un gouvernement monarchique avec les liberts de chacun. Pour former un gouvernement modr, le moyen tait la balance des pouvoirs synonyme de ce que l'on appelle la sparation des pouvoirs. Cette thorie repose sur trois ides concordantes: L'exercice du pouvoir ne doit plus tre concentr dans les mmes mains comme dans l'absolutisme traditionnel. Trois pouvoirs sont distingus et confis des organes distincts: le pouvoir lgislatif est confi des assembles reprsentatives et Montesquieu souhaitait le modle anglais de deux assembles, l'une issue du peuple et l'autre de l'aristocratie. le pouvoir excutif est confi un chef d'Etat et en l'espce, un monarque. le pouvoir judiciaire est confi des magistrats. A chaque pouvoir correspond une fonction. La fonction ou comptence lgislative consiste faire des lois, c'est dire les discuter et les voter. La fonction excutive consiste assurer l'excution de ces mmes lois. La fonction judiciaire qui consiste juger, c'est dire qu'elle assure le rglement des litiges et

la rpression des violations du droit. Les pouvoirs politiques, qui sont le pouvoir lgislatif et le pouvoir excutif, doivent pouvoir se faire mutuellement contrepoids, c'est dire se contrler mutuellement. Selon la formule de Montesquieu, pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que le pouvoir arrte le pouvoir. Il s'agit ici de l'ide de la balance des pouvoirs entre l'excutif et le lgislatif. Il faut que tout pouvoir politique puisse s'opposer l'action de l'autre et cela pour l'empcher de commettre des abus de pouvoir. Par exemple, la fonction lgislative des assembles doit pouvoir tre empche par le roi. Le roi doit pouvoir refuser l'application d'une loi vote. Autre exemple: la fonction excutive doit pouvoir tre surveille par les assembles. Les ministres du roi doivent tre sanctionns politiquement s'ils n'assurent pas correctement l'application d'une loi. Aussi, pour Montesquieu, il ne doit pas y avoir de pouvoirs totalement spars, que ce soit dans leurs fonctions ou dans leur indpendance. Et cela justement pour qu'ils puissent se contrler mutuellement. Le principe de la sparation des pouvoirs fut trs rpandu au 18me sicle partir des ides de Montesquieu. Montesquieu ne remettait pas en cause le principe monarchique en considrant le roi comme le chef de l'Etat. Et comme Montesquieu, l'opinion commune et les constituants restaient acquis la monarchie. Le sicle des Lumires ragissait ici contre l'absolutisme et contre donc la confusion des pouvoirs. En effet, l'article 16 formule une proposition qui dit qu'un gouvernement despotique est un gouvernement sans constitution, c'est dire sans rpartition des comptences ou, sans sparation des pouvoirs. Le despote peut en effet tout moment modifier le contenu des rgles en vigueur comme la manire de les tablir. Le despotisme est donc l'absence de toute rgle permanente, non seulement pour l'Etat, mais aussi pour la socit. C'est pourquoi une socit sans sparation des pouvoirs n'a pas de constitution. Quant au choix du verbe dterminer , il signifie simplement qu'il faut dterminer une rpartition quelle qu'elle soit. Faut-il opter pour un systme d'quilibre des organes amnag au sein de la fonction lgislative (Montesquieu) ou pour une constitution assurant la subordination de l'Excutif (Rousseau) ? La question n'est pas tranche. Le texte reste donc modr quant ses applications pratiques. Il s'agit d'tablir un pouvoir nouveau l'intrieur de l'ancien pouvoir, de concilier l'instauration de la lgitimit nationale avec le respect de la personne royale. 3 L'organisation politique de septembre 1789 Ds 1789, les constituants vont voter des articles constitutionnels qui seront intgrs dans la constitution de 1791. Au cours de leur dlibration, des dbats politiques vont mettre en vidence des divergences d'opinions parmi les constituants. A) Les dbats d'opinion sur la nature du rgime Une nette divergence d'ides a oppos d'un cot les monarchiens et de l'autre les patriotes. 1. La position des monarchiens Ils taient des modrs adeptes de Montesquieu et, comme Montesquieu, ils taient partisans d'une monarchie modre inspire du rgime anglais de l'poque. Les institutions anglaises prsentaient l'avantage de possder un quilibre des pouvoirs. Le

pouvoir lgislatif tait confi deux assembles: l'une est la Chambre des communes qui tait issue du peuple; l'autre est la Chambre des Lords qui reprsentait l'aristocratie avec des membres hrditaires. Mais le roi participait aussi pleinement au pouvoir lgislatif et cela grce son droit de veto absolu. Le veto royal absolu est le droit royal de refuser qu'un texte de loi vot par les chambres lgislatives soit mis en application. Il s'agit donc d'un pouvoir fort faisant contrepoids au pouvoir des assembles. Mais de manire quilibre, le pouvoir excutif du roi tait contrl par les deux chambres. Ce rgime anglais avait donc inspir Montesquieu et les Monarchiens. Il 'sagit avant tout de limiter le pouvoir car Mounier, l'image de Montesquieu, estime seule valable la limitation du pouvoir par un pouvoir de mme niveau, car le pouvoir suprieur ne saurait tre un arbitre. Seule la constitution anglaise autorise la limitation souhaite, d'o son inspiration par les Monarchiens. Les Monarchiens souhaitaient modrer le pouvoir absolu du roi par un autre pouvoir, en l'occurrence par un contrle de deux chambres. Ils taient donc partisans du bicamralisme l'anglaise. Ils voulaient toutefois conserver Louis XVI un pouvoir fort et notamment dans le domaine lgislatif. Ils taient donc partisans de lui accorder ce droit de veto absolu. Le bicamralisme et le veto absolu font ainsi figure de limites idales. 2. La position des patriotes Ils souhaitaient une reprsentation nationale, unitaire et une subordination de l'autorit royale. Ils taient partisans du monocamralisme, c'est dire partisans d'une assemble lgislative unique reprsentative de la nation. Ils souhaitaient galement une hirarchisation des pouvoirs et non pas un quilibre des pouvoirs. En effet, l'excutif et le lgislatif ne devaient pas avoir le mme niveau et conformment aux ides de Rousseau, le pouvoir devait tre hirarchis avec une subordination de l'excutif du roi au lgislatif exerc par l'assemble. Les patriotes ne voulaient pas d'un veto absolu du roi qui reprsentait pour eux le risque de rendre le pouvoir lgislatif et donc la souverainet au roi. Mais ils taient diviss sur le degr de subordination de l'excutif. L'opinion majoritaire des patriotes souhaitait consentir au roi un simple veto suspensif. En d'autres termes, le roi pourrait s'opposer l'application d'une loi mais seulement durant une dure limite. Toutefois une opinion trs minoritaire tait hostile toute forme de veto. Parmi eux, mergent trois noms: ceux de Lanjuinais, de Sieys et de Robespierre. Ces patriotes l voulaient une subordination totale de l'excutif au lgislatif. Pour eux, aucun moment la volont du seul roi ne devait pouvoir paralyser la volont gnrale de l'assemble. B) Le systme vot en septembre 1789 Le mois de septembre 1789 et l'adoption de l'unit du Corps lgislatif et du veto suspensif marquent la victoire des ides des patriotes et la dfaite des ides des Monarchiens. 1. L'adoption du monocamralisme, l'unit du Corps lgislatif Le 10 septembre 1789, les constituants votent majoritairement, par 490 voix sur 701, en faveur d'une Chambre lgislative unique. Cette dcision a t prise car: D'une part, ils ont vot pour une unit de l'organe du pouvoir lgislatif au nom de l'unit de la nation. La nation et donc la souverainet nationale ne sont pas divisibles et on croit alors fortement au symbole de l'unit de sa reprsentation en une seule assemble. Il serait politiquement nocif de scinder le pouvoir lgislatif car

il n'y a pas de pluralit de souverains. La volont de la nation ne peut tre qu'une. D'autre part, ce vote est davantage un rejet du bicamralisme et du modle anglais. En effet, les constituants ont craint la restauration des privilges et de la division en ordres puisque en Angleterre, la Chambre des lords tait une assemble aristocratique. Aussi, en France, cette Chambre ne manquerait pas de recrer des privilges. La division du pouvoir lgislatif traduit ainsi en Angleterre une division sociale. Quel serait donc en France l'intrt d'une telle division, sinon de faire revivre la division en ordres de la socit ? La ngation du bicamralisme se double ici d'une ncessaire subordination de l'autorit royale. La dcision fut donc prise que dans la fu