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HISTOIRE DU MAGHREB
Unité et diversité du Maghreb avant la prise d’Alger (1830).
INTRODUCTION
Origine du terme « Maghreb »
« Maghreb », terme adopté par les géographes arabes, durant la période classique (débuts de
l’Islam et de l’arabisation).
Notion adoptée de manière non positive. La racine de « Maghreb », c’est « 3jaba », ce qui
signifie « ce qui va vers le coucher », ce qui est « extérieur », « étrange ».
Le Maghreb était avant tout une périphérie. C’est le pays des Berbères. Ils ont une vision à
partir du centre à savoir Damas/Bagdad.
C’est dorénavant une notion réutilisée qui permet de limiter géographiquement une région
délimitée au Nord par la Méditerranée, au Sud par le Sahara, à l’Ouest par l’Océan Atlantique
et à l’Est par la Lybie. Mais il faut savoir que les premiers géographes incluaient l’Egypte.
Khâldun, penseur du 14ème
siècle qui s’est réapproprié cette notion.
Le retrait du terme « Maghreb » durant la période coloniale
(1830 – 1962) = Période coloniale = d’autres notions qui vont l’emporter : « Berberie »,
« Berberie musulmane », «Afrique du Nord », « Afrique blanche ».
La notion d’ « Afrique du Nord » rappelle la période romaine. Afrique vient du terme
« Africae » qui désignait la province de Carthage. Il y a une volonté de restaurer la période
romaine, on assiste à une période de christianisation.
Le retour du « Maghreb » avec les indépendances
Après les années 50’ et 60’, la notion de Maghreb revient et est utilisée pour ceux qui ont lutté
contre la colonisation, par les historiens nationalistes.
I. Facteurs d’homogénéité du Maghreb : le climat, la langue, les religions
1) Le climat : variations et précipitations
1. Du climat méditerranéen au climat désertique
Le Maghreb se situe globalement à la même latitude, ce qui implique des climats
similaires. Il y a tout de même un partage entre le climat méditerranéen et le climat
désertique, ce qui engendre des variations de précipitations.
2. Le problème des précipitations
Ces différences s’observent dans l’ensemble du Maghreb. Le littoral recouvre plus de 800 mm
de pluie par an. Moins de 200 mm par an sur le Sud. Les périodes de sécheresse peuvent
dépasser 3 à 5 mois. Mais il y a aussi le phénomène inverse. Les sols sont ravagés et il y a des
catastrophes rurales car les terres reçoivent trop de pluie en un coup.
2) Sunnisme et Malékisme
La Maghreb est majoritairement une terre sunnite. Très peu de forme de Chiisme, il y a un cas
d’ibadisme dans la région du Mzab et Djerba. L’Islamisation du Maghreb débute au VIIème
siècle. Elle est lente et se poursuit au 9ème
siècle, voire 12ème
siècle. A ces dates, disparaissent
les dernières communautés chrétiennes endogènes (pas juives).
On a une homogénéité juridique. Appartenance du Maghreb à une Umma. Les Qadis sont des
juristes du droit musulman se rattachant à une école d’interprétation : l’école Malékite. Dans
des cas précis, chacune des écoles peut avoir sa marge d’interprétation. C’est un droit très
concret (droit des successions, esclavage).
L’empire Ottoman suivait l’école Hanafite. Dans les zones rurales, le droit musulman ne
rayonne pas. Chez les Berbères, on a ce qu’on appelle le « 3urf », un droit différent, local,
dans le Maghreb d’avant 1830.
3) Terres de berbérophones et d’arabophones
C’est un gros problème historiographique. Historiquement on peut dire qu’il y a des
arabophones et des berbérophones. Certaines personnes se disent 100% arabes, d’autres
encore se disent « Sharif » (Shurafâ) c'est-à-dire les descendants d’Idrîs de la maison du
Prophète.
Les berbères sont présents en minorité en Tunisie et en Libye, du côté de Djerba et de Tripoli.
En Algérie nous avons la Kabylie et les Aurès. Au Maroc les Berbères sont majoritaires et
divers. Les Souss parlent le Tachelhite, c’est le Grand Atlas/Anti-Atlas. Le petit Atlas parle
Amazigh et concerne le Rif.
La période coloniale est une période arabisante et d’urbanisation du Maghreb. C’est en ville
qu’on peut passer du Berbère à l’Arabe.
II. Les populations
1) Une population réduite, mal répartie
1. Un faible peuplement
Avant 1830 [estimation d’après Valensi] (avant la prise d’Alger) : on a une population très
limitée en nombre, une faible densité et une faible croissance démographique. La province de
Tunisie compte 1 million d’habitants, celle d’Alger 3 millions et celle du Sultanat du Maghreb
Al Aqsa 5 millions.
2. Une répartition inégale de la population
Valensi, qui était un marxiste anticolonialiste, parlait de pays « vide d’hommes ». On a une
densité plus forte dans les montagnes que sur les plaines et le littoral, c’est un lieu de refuge.
Les plaines n’attiraient pas la population.
On peut expliquer ce déséquilibre de population par deux raisons majeures :
- Géographique : les plaines ne sont pas très accueillantes, en raison des précipitations
elles sont difficiles à travailler pour l’agriculteur mais aussi ce sont des régions de
paludisme (maladies liées aux zones marécageuses, qui peuvent être inondées).
- Historique : les littoraux sont mal défendus, notamment jusqu’au milieu du 19me
siècle, ils peuvent être attaqués par des corsaires européens ou des aventuriers
musulmans. Quand la ville n’est pas fortifiée, on a donc intérêt à s’éloigner de ces
régions là. Il y a des populations qui quittent les zones rurales pour les plaines
littorales tout de même à cette même époque.
3. Une faible croissance démographique
Il n’y a pas de document d’archive là aussi mais on estime qu’on est dans une société
d’ancien régime. Dans ces sociétés d’ancien régime, la population ne peut pas connaitre
de forte croissance, tôt ou tard elle bute sur un problème de ressources naturelles : le
Maghreb au 19ème siècle tout comme à l’époque moderne, à des périodes régulières, ce
Maghreb doit affronté les disettes (difficulté dans l’économie rurale, parce que la récolte
n’est pas suffisante, les prix augmentent, notamment ceux du blé qui est l’essentiel de la
nourriture et cette cherté du blé causent des difficulté pour s’alimenter et cela cause des
effets sur la population avec une mortalité en hausse).
On a des disettes plus ou moins fortes qui peuvent aboutir à des famines. On a des famines
fin 19ème siècle au Maroc, et en 1922.
Ce Maghreb doit affronter en plus des vagues d’épidémie, notamment le choléra. La peste
vient du Proche Orient, pour s’abattre en 1920 en France et au Maghreb (au Maroc cela va
jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale). Comment contrôler les déplacements de
populations notamment les mesures de quarantaine ? Ces mesures ont rapidement été mise
en place en Europe qu’au Maghreb.
L’autre caractéristique du Maghreb : le faible taux de citadins. On estime au début du
19ème
siècle, la province de Tunis compte à peu près 20% de citadins, ce qui est
conséquent pour l’époque. Dans la province d’Alger et de même pour le Maroc (à la veille
de la colonisation française du Maroc, avant 1911, on estime le taux d’urbanisation du
Maroc à 10% mais qu’est ce qu’on définit comme une ville, à partir de quel nombre
d’habitants ? La majorité de la population au Maroc est rurale).
2) Une minorité de citadins
1. Lieux de commerce, de l’autorité et de l’enseignement religieux
Les villes restent les lieux du commerce et de l’enseignement religieux. Les grands marchés,
notamment pour les produits les plus rares mais aussi les foires sont installés dans les villes
majeures du Maghreb. Ce sont aussi des lieux fondés par l’Autorité politique. Deux grandes
Mosquées, pour Tunis, la Zitouna et la Qarawiyyin pour Fès. Elles font le droit et la foi, mais
aussi des lieux importants dans la mesure où on y forme des pensées nationalistes au moment
de la colonisation.
2. Élites religieuses et notables
Les villes accueillent les élites religieux et les notables. Un habitant de Fès pourra se sentir
plus proche de Damas qu’un habitant des régions rurales environnantes. Ces élites
communiquent entre villes, on a deux formes d’élites :
- « 3âlim », «3oulamâ » : ce sont des gens qui ont le savoir, qu’on définira comme
religieux mais qui est absolu à leurs yeux.
- « sharîf », « shurafâ » : ce sont des familles qui se disent descendants du Prophète.
Certaines lignées sont de pures inventions alors que d’autres sont avérées. Ce n’est pas
comparables à la noblesse européenne, ils bonifieront simplement de privilèges, le fait
de payer moins d’impôt.
- « baldî » : c’est quelqu’un qui a une trace dans la ville, on le distingue d’un étranger
qui n’est pas de la ville. Les zones de propriété foncière sont autour des grandes
villes.
3) Une agriculture de subsistance
1. Les faiblesses de l’agriculture au Maghreb
C’est une agriculture qui ne fait pas beaucoup de profit, qui fait vivre les gens à la mesure de
leur nécessité, il ne faut pas la qualifier de pauvre mais elle n’engendre pas beaucoup de
richesse : ce trait caractérise l’ensemble du Maghreb. Pourquoi ? Parce que les sols sont
fragiles, du fait du climat, de l’absence de précipitations ou de l’excès de précipitation, les
terres peuvent être ravagées.
D’autre part il y a l’argument des techniques européennes. Le Maghreb ne connait pas la
charrue mais l’araire.
L’autre fait, dans beaucoup de régions européennes, on a l’assolement triennal. On partage le
terrain en trois, on laisse une partie pour la culture hivernale, une autre pour le printemps et on
laisse la troisième se reposer entre temps, c'est-à-dire la partie en jachère.
On gagne moins avec un assolement biennal car la partie en jachère repose trop longtemps et
donc moins de productivité.
2. Une agriculture qui s’adapte aux ressources locales
La roue aurait disparue depuis l’antiquité ? On utilise certes des animaux de trait mais il faut
faire attention à ce type d’argumentation, il faut surtout voir ce type d’agriculture comme une
agriculture qui s’adapte au milieu, il s’agit de tirer partie des ressources. L’un des faits le plus
important c’est la maitrise de l’eau, à cette époque là, il y a des techniques d’irrigation assez
fortes notamment valorisées par les Andalous mais aussi des techniques de conservation à
savoir des greniers fortifiés, c’est le cas dans les Aurès avec les « guelaa »mais aussi dans le
Sud du Maroc avec le système des « agadir ». On arrive à faire avec peu malgré tout. Mais
l’objectif d’un paysan pendant la période moderne c’est d’être son propre maître, avoir
suffisamment de terres et avoir de quoi la travailler, même s’il y a une capacité collectif, on
cherche à avoir sa propre exploitation individuelle (bien « 3arsh » (collectif)/ bien « milk »).
Le monde rural et le monde urbain ne sont pas des mondes qui s’opposent mais qui n’ont pas
beaucoup en commun.
III. Les tribus, les confréries, les minorités, les relations hommes/femmes
1) Populations tribales, confréries
1. Définition de la tribu
Le terme tribu pose problème pour les historiens de l’Ouest mais pas au Maghreb, on l’utilise
toujours étant donné qu’on le retrouve dans les sources : « qabîla /qabâ’il » (arabe littéral),
« 3arch » (Est du Maghreb), « taqbilt » (berbère marocain).
Qu’est-ce qui définit l’appartenance à une tribu ? Une tribu est un groupement d’hommes et
de femmes qui vit de l’économie agricole et pastorale et se définit par une ascendance
commune, un fondateur de lignée qui est commun (ce fondateur peut très bien être le fruit
d’un mythe). C’est généralement un ancêtre du côté du père.
2. L’ennemi de mon ennemi est mon ami
On divise les tribus par fractions. La théorie de la segmentarité : on explique une grande partie
de l’histoire maghrébine par ce qui se passe entre « segments » : on a donc pas besoin d’une
force extérieure, d’un Etat arbitre : l’histoire maghrébine aurait été constamment gérée de la
sorte et le seul qui aurait pu jouer l’arbitre, c’est une autorité religieuse locale. Mais en réalité
cette vision des choses n’est pas très historique dans la mesure où il y a des moments distincts
où l’Etat a une plus grande emprise et d’autres moins.
3. Aux origines des tribus
Les anthropologues ont souvent pensé que les tribus ont toujours été présentes au Maghreb et
qu’elles ont perdu leur place progressivement avec l’affirmation d’un Etat central (Robert
Montagne et Guelmer).
Certains historiens démontreront que les tribus s’affirment quand l’Etat est affaibli, l’Etat
pour eux serait toujours là mais ce sont les tribus qui reviennent lorsque l’Etat s’affaiblit
(théorie défendu par un historien marocain Muhammad Laroui).
Aucune de ces visions n’est satisfaisante, car la vision de Laroui est tout de même très
nationaliste.
On estime aussi que certaines tribus sont alliées à l’Etat, on parle de tribus Makhzen (notion
davantage importante au Maroc qu’ailleurs : « ghazana » c’est là où on stock et c’est devenu
le symbole du trésor de l’Etat, certains diront que ce sont les alliés de l’Etat).
On opposera « Makhzen » à « Sîba » (fait référence au cheval sauvage, non bridé) : c’est
quelqu’un qui ne veut pas forcement la tutelle de l’Etat, qui va lutter ou négocier face à cette
force de l’Etat, c’est un phénomène très ancré au Maroc. Une tribu Makhzen a intérêt à être
du côté de l’Etat car elle peut s’être vu promettre des terres pour l’élevage ou l’agriculture en
échange elle va servir l’Etat (en cas de guerre notamment) ou encore des impôts qu’ils ne
paieront pas ou moins que les autres.
Les tribus Makhzen disparaissent avec la colonisation puisque toutes les tribus sont
désarmées.
Dans le cas du Maroc, on sait que ce sont eux qui ont l’armée, ils ont le monopole légitime de
la violence, ils ont l’armée et les finances mais on peut se dérober à leur contrôle. Les tribus
Sîba peuvent se retirer du champ de l’obéissance.
2) Confréries et zaouïas
1. Définitions
Les confréries (« Tarîqa » s’attachant à la « ma’rifa (connaissance aimante de Dieu) »: qui
adorent Dieu ensemble : le terme vient de la notion de chemin et de mode de vie : c’est une
manière d’être mieux et d’aller vers une proximité avec Dieu. Au Maghreb elles sont très
spécifiques et liées à des lieux où sont inhumées des personnalités exemplaires.
Au Maghreb les confréries sont liées à des « zaouïas » (lieux de vénération de personnes très
respectées).
Les rîtes : récitations des paroles qui ont été rédigées par des fondateurs de la confrérie. Le
mouvement est très ancien, il est lié à la formation de forteresses et ce qui nous importe, c’est
qu’on a des confréries répandues dans l’ensemble du Maghreb et nées au Maghreb.
2. Étapes de formation en Afrique du Nord
L’une des confréries religieuses les plus importantes : née au Sud du Maghreb, c’est celle de
la « shâdiliyya ». La « rahmâniyya » s’est répandue à partir de la Kabylie, à la fin du 18ème
siècle elle s’’étend sur l’ensemble de la province d’Alger et de Tunis. Elle a des influences
égyptiennes.
La « tijânîya » elle naît dans le Sud de l’Algérie et se répand au Maghreb dans l’Afrique de
l’Ouest.
3. Les oulémas et les confréries
On a l’habitude d’opposer confrérie et savoir religieux : c’est né avec le conformisme
religieux : cette distinction les gens de l’époque ne la faisait pas.
3) Minorités
On retrouve les Noirs, les Andalous, les Turcs et les Juifs.
1. Minorité religieuse : les Juifs
Les juifs concernent 3 à 7% : c’est à la fois une composante autochtone, les « toshavim »
(présence millénaire) qu’on pourra également trouver en zone rurale et de l’autre ce qu’on
appelle les juifs d’Espagne, les « megorashim » (expulsés à la fin du 15ème
siècle par les
Catholiques mais aussi les Juifs d’Espagne qui se sont rendus en Italie, à Livourne : ville
complètement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale. Une ville qui a une histoire
particulière, à partir des années 1560 /70 ; on met en place un port sans frais. Ces juifs
d’Espagne, du Portugal ce sont les « granas de Livourne » (juifs Livournais minoritaires) mais
importants pour l’histoire du Maghreb car ils permettent le commerce entre Tunis, Alger et
l’Italie et Marseille et l’Italie.
Ces deux groupes tendent à vouloir s’éviter. Ces juifs appartiennent à tous les groupes
sociaux et à tous les niveaux, des commerçants mais aussi des proches des Sultans et des
Deys. Les juifs étaient souvent colporteurs étant donné qu’ils ne sont pas considérés comme
des « hommes entiers ».
Soit c’est un mode d’exclusion ou de protection. Globalement on essaye de regrouper les Juifs
et les Sultans comme les Deys de Tunis et Alger peuvent s’avérer comme des protecteurs. Le
statut juridique est souvent mis en valeur, en théorie il est très restrictif, selon le droit
musulman et en particulier l’interprétation Malékite, les Juifs peuvent pratiquer leur religion
contre l’acquittement d’une taxe et ils sont astreints à des rites, ils doivent théoriquement
enlevées leurs chaussures près d’une mosquée, ne pas porter des armes, ni monter à cheval, ne
pas avoir de rapports intimes avec les musulmanes.
On pourra dire également qu’il y a des pratiques religieuses communes, la culture de saints
communs par exemple le culte Sidi Rahda à Oujda au Maroc, la pratique commune de la
musique andalouse, et enfin la cuisine qui peut être partagée (les règles alimentaires sont plus
restrictives dans la religion juive).
Quartiers juifs : « mellah » au Maroc et « haras » en Tunisie et en Algérie.
2. Noirs
Minorités qui ont un statut d’esclave et les groupes qui ont un statut d’affranchi, qui ne sont
plus juridiquement des esclaves, qui ont été libérés. On a aussi des descendants d’affranchis
(ils demeurent distincts du reste de la population).
3. Andalous : expulsion d’Espagne en 1609
Il faut préciser leur présence au 16ème
siècle, présence plus importante numériquement après
1609 qui correspond à l’expulsion officielle d’Espagne de ces populations andalouses, en
Espagne on les qualifie de Morisques (qui sont des catholiques, mais on leur reprochera d’être
des faux catholiques, des musulmans en secret). Une bonne partie s‘installe au Maghreb,
notamment à Tétouan. Dans le nord de la province de Tunis qui fut également andalouse.
Jusqu’au 18ème
siècle on distingue des familles andalouses, au 19ème
siècle ça demeure plus
délicat.
4. Les Turcs
Ce sont des populations qui sont venues avec les occupations ottomanes qui arrivent à partir
de 1518 pour la province d’Alger, 1551 pour Tripoli, 1574 jusqu’en 1981 pour Tunis. Les
populations de soldats turcs dont le nombre est très limitées, autour de 10 000 dans la
province d’Alger, et laissent une descendance, des« Kuloghlu », Kouloughli, (Kulo = esclave
et Ghlu = fils.) qui sont les enfants faits avec des femmes locales.
4) Hommes et femmes au Maghreb
1. Depuis la préhistoire : Germaine Tillion, le Harem et les cousins
On a une domination très nette des hommes sur les femmes. Caractère qu’on retrouve dans
d’autres sociétés du monde méditerranéen.
Une des premières explications est de faire dater cette domination des temps de la Préhistoire.
C’est avancé par une ethnologue du Maghreb, Germaine Tillion. Elle est présente dans
l’Algérie coloniale dans les années 30’. C’est au moment où les populations commencent à
pratiquer l’agriculture et à se sédentariser. Cela les amène à s’installer dans un lieu précis et à
ce moment là, ces gens vont limiter leurs relations de famille, ils vont se replier d’une certaine
manière. Et en se repliant, ils vont éviter les alliances patrimoniales avec des étrangers, ces
dernières se feront au sein d’un même groupe de famille.
La sédentarisation aurait abouti à un repli des familles, et à un mariage entre cousins, qu’on
appelle aussi le « mariage arabe ».
2. L’éducation
Le deuxième type d’explication c’est l’éducation. On rappelle les règles constantes de la
pudeur et on a démontré que cette éducation est transmise par les femmes mûres qui vont
contrôler l’attitude des plus jeunes, qu’on appelle aussi des matrones. Cette explication par
l’éducation, c’est une domination des ainés, entre générations (Cf. Rivet page 76).
Pour introduire un peu plus de fluidité face à ces explications, on a apporté une autre
explication.
3. Femmes des villes et des campagnes au XIXème siècle
Au 19ème
siècle, les femmes ne laissent pas de trace, on va dès lors chercher au niveau des
tribunaux et on constatera que les femmes des villes ont une capacité d’action qui est notable
(Constantine au 19ème
siècle). Elles savent utiliser la justice musulmane pour défendre leurs
héritages ou encore pour rédiger un contrat de mariage qui ne soit pas trop contre leur intérêt.
Ce sont en générale les femmes des élites, qui possèdent un certain nombre de biens.
Les femmes qui ont moins de patrimoine en ville ont des positions plus fragiles, notamment
en cas de répudiation.
En somme, ce que les historiens essaient de démontrer, certes il y a une domination masculine
sur les femmes mais il faut nuancer, il y a des femmes privilégiées et d’autres plus modestes,
plus fragiles. En zone rurale, les femmes à qui on assigne des tâches très rudes, cela leur
permet néanmoins de sortir et de se déplacer. On a donc une position différente des femmes
en fonction du statut social et du milieu géographique
IV. Les facteurs de division du Maghreb
1) Les parties du Maghreb
Les divisions politiques et géographiques
Maghrib al Aqsâ = le plus lointain = le Maghreb le plus éloigné, qui correspond au Maroc
Ifriqiya = Maghreb plus à l’Est
Al-Wâsita = Maghreb intermédiaire/ Ibn Khaldoun parle de « Maghreb Médiant ».
Durant l’Empire Ottoman, On distingue la province de Tripoli, d’Alger et de Tunis. Il n’y a
pas de frontière nette établie, quelques tracés au Nord.
Période antique/romaine : distinction entre l’Afrique proconsulaire, la Maurétanie tingitane et
la Numidie et la Maurétanie césarienne.
2) Les localismes
1. Les différents types de localisme
Les communautés rurales, dans le Maghreb du début du 18ème
siècle, elles peuvent être
coupées les unes des autres.
Les tribus morcellent également le Maghreb, les distinctions entre villes et campagnes. Il y a
une idée de communauté entre les habitants des villes du monde musulman.
Cela a un impact sur la manière de composer le nom arabe. Une des composantes du nom
arabe : Ism. La Nisba (lieu dont on est originaire soit par la naissance soit par l’attachement à
tel ou tel âge). La Nisba varie en fonction de la région là où on est. Le NaQab correspond au
« surnom ».
2. Les facteurs de localisme
1er
facteur de morcellement? La question des transports, de la difficulté de communication
entre les espaces maghrébins. On circule sur des pistes tracées, en cas d’intempérie la
communication est bloquée. Il y a très peu de ponts, ce qui constitue un facteur de blocage.
2ème
facteur : la méfiance à l’égard de l’Etat : certaines communautés ont davantage intérêt à
rester autonomes qu’à obéir à un État central (période précoloniale).
3ème
facteur : la relation à l’islam constitue le troisième facteur de morcellement. On a
différentes manières de vivre l’Islam : différences entre un habitant de la ville qui aura
beaucoup lu sur la matière et un croyant en zone rurale qui s’intéresse davantage et qui
connait mieux Dieu grâce à la Zaouïa. Les uns et les autres ne se jettent pas la pierre. A cette
époque là au début du 19ème
siècle, il n’y a pas d’Islam populaire. On a également la prise en
compte d’un droit coutumier dans le droit musulman. Pendant la période coloniale cela posera
des problèmes. Le droit coutumier correspond à la prise en compte des coutumes locales. En
termes d’héritage des filles, dans certaines coutumes berbères les filles sont complètement
exclues de l’héritage. Cet aménagement avec l’islam ne sera pas perçu comme une
contradiction.
La conquête du Maghreb par les Ottomans et ses conséquences extérieures
XVIème
– XIXème
siècles
Les Ottomans sont une dynastie musulmane qui naît en Anatolie et qui a pour descendance
Uthmân.
L’émergence se situe au 12ème
et 13ème
siècle. 1453 : c’est la prise de Constantinople qui
devient ensuite Istanbul.
I. Le Maghreb : enjeu d’un affrontement entre Ottomans et Espagnols.
1) Les ambitions espagnoles
La monarchie d’Espagne qui est composé de plusieurs Royaumes se présente comme le bras
armé de la Papauté. Puissance catholique, qui justement par rattachement au catholicisme, a
expulsé les Juifs d’Espagne en 1492 et au cours du 16ème
siècle provoque la conversion des
musulmans qui étaient restés en Espagne.
1492 : découverte de l’Amérique : puissance catholique qui s’appuie sur des richesses
provenant de cette découverte.
Les Espagnols veulent tout d’abord lutter contre musulmans. C’est une lutte religieuse.
Au 16ème
siècle, l’idée c’est de ne pas créer d’espace intermédiaire qui mettrait en danger la
partie méditerranéenne de l’Espagne. Pour l’Espagne, le contrôle des îles est important car
elles permettent des relais en termes de navigation maritimes.
Il y a cette volonté de maintenir et d’accroitre la position en Méditerranée. Oran à partir de
1509 restera espagnole jusqu’au 18ème
siècle. On a d’autres cas, Ceuta et Melina.
2) Les intérêts ottomans au Maghreb
Les sultans ottomans se présentent comme des défenseurs de l’Islam et après l’effondrement
du califat Abbasside au 13ème
siècle, les ennemis sont extérieurs, européens et chrétiens mais
aussi internes, contre les chiites.
Le Maghreb est une suite logique de la poussée ottomane, après la prise de Constantinople en
1453, les Ottomans contrôlent l’Egypte et la Syrie à partir de 1517. L’Empire Ottoman se
rapproche ainsi des zones d’intérêts espagnoles. Et le conflit entre Espagnols Catholiques et
Ottomans Musulmans va faire l’objet d’un affrontement localisé au centre de la Méditerranée,
des années 1510 aux 1570 (l’affrontement va se faire dans l’aire grecque, dans le détroit de
Sicile).
II. L’occupation ottomane du Maghreb
1) Première étape : le pays d’Alger, 1518
1. Les liens entre les corsaires musulmans et l’occupation ottomane
Les Ottomans ne voulaient pas d’Alger à la base, ils n’ont pas envoyé d’expéditions militaires
pour la conquérir. A cette époque il n’y a pas d’autorité étatique forte, Alger est un lieu où
certains aventuriers s’installent notamment des chefs corsaires. Ce ne sont pas des pirates.
2. L’aventure des frères Barberousse, Aruj et Khayr al-Dîn.
A la mort de son frère, il va demander à Istanbul son aide militaire et en échange de cette aide
militaire il va reconnaitre leur autorité sur Alger.
En 1518, il reçoit le titre de Gouverneur ottoman contre l’arrivée de Soldats turcs à Alger. En
1533, Khayr al-Dîn cède son titre et devient commandant de la flotte ottomane.
3. Le danger de l’expansion ottomane à Alger pour les Espagnols
La dynastie des Habsbourgs : la branche espagnole et la branche autrichienne.
En 1519 : vienne est assiégé par les Ottomans. A partir des années 1520 le Maghreb devient
un enjeu d’affrontement entre Espagnols et Ottomans.
2) Deuxième étape : Tripoli « de Barbarie », 1551
Ils ont lâché Tripoli pour la confier en 1530 pour la confier aux Chevaliers de Maltes. Ils sont
chargés d’occuper Tripoli et de la maintenir sous protection contre les Ottomans. En 1551, les
Ottomans prennent Tripoli. (AVANT Jérusalem, Chypre, Malte.)
3) Troisième étape : Tunis, 1574
Plusieurs tentatives Ottomanes à Tunis se soldant par des échecs. A Tunis il y avait un Etat
qui était fort pendant la période médiévale, l’Etat des Sultans hafsides. Ces Sultans ont vu leur
pouvoir s’effondrer progressivement au 16ème
siècle, et ils nouent des alliances avec les
Espagnols.
En 1574, Tunis tombe enfin entre les mains des Ottomans par les troupes de Sinan Pacha.
4) Le Maghreb occidental : une influence ottomane entre 1576 et 1581
Ceuta devient portugaise en 1415 avant de devenir espagnole et Melilla en 1427 occupée par
les Espagnols. Il y a une tradition de lutte contre les Portugais acquise au Maroc, et les Sultans
marocains se disent être meilleurs que les Sultans Ottomans, voire des Shurafa « descendants
du prophète ».
Entre 1576 et 1581, le Sultan qui arrive au pouvoir au Maroc, le Saadien Abd al-Malik, il
accède au trône par l’appui d’Istanbul. Il a participé à la prise de Tunis aux côtés des
Ottomans. La bataille des Trois Rois en 1578 : Meurt le Saadien Abd al-Malik meurt un
souverain déchu marocain qui s’appuyait sur un roi Portugais (roi assez illuminé qui pensait
que c’était le bon moment pour défaire les musulmans).
L’influence ottomane va décroître à partir de 1578, surtout 1581.
III. Le Maghreb : une marge et un front maritime de l’Empire ottoman
A partir de 1570, il n’y aura plus de combats directs entre Espagnols et Ottomans, ce sera le
Maghreb qui servira de front de l’Empire Ottoman.
Les provinces ottomanes du Maghreb vont servir pour affaiblir, énerver les Espagnols. La
course est une activité maritime qui est une perpétuation de la guerre avec d’autres moyens :
ils utilisent des corsaires du Maghreb pour s’attaquer aux navires Espagnols ou ses alliés.
La guerre n’est plus directe entre l’Empire ottoman et l’Espagne, mais c’est une guerre
indirecte puisque le Maghreb est utilisé comme base d’attaque contre les Espagnols ou les
ennemis des Ottomans
1) L’utilisation de la course dans le Maghreb ottoman
La course est une activité maritime contrôlée par un Etat et dirigée contre une puissance
ennemie. Les corsaires sont maghrébins, ils ont l’autorisation des gouverneurs ottomans pour
lutter contre les Espagnols, les Italiens et les Autrichiens.
La course est également une activité religieuse, elle est envisagée comme une guerre sainte du
côté des musulmans. Les corsaires sont des combattants de la foi. Du point de vue chrétien, on
peut assimiler ces guerres religieuses aux croisades.
C’est aussi une activité commerciale. Livourne est le grand port où on vend les marchandises
razziées par les musulmans.
L’ordre des chevaliers de Malte et l’ordre de Saint-Etienne mènent la lutte contre les
musulmans. Mais cette activité est provisoire dans l’année, on exerce généralement la course
l’été lorsque la navigation est plus facile ou bien en hiver pour surprendre l’ennemi. C’est une
activité fragile car on n’est pas sûr d’en retirer un bénéfice. L’activité étant très hasardeuse, il
est possible de revenir à vide malgré l’investissement apporté (navires etc.)
La course est un phénomène qui a longtemps passionné le monde, le Maghreb étant vu
comme un nid de pirates.
2) Quatre grandes périodes de la Course au Maghreb
1. Apogée : trois dernières décennies du XVIème siècle, première moitié du XVIIème
siècle
C’est à cette période qu’on recense le plus de prisonniers chrétiens.
2. Reculs et reprises : à partir des années 1630 et au cours du XVIII siècle
Cette variation est due à plusieurs raisons :
- On investit plus dans l’agriculture que dans la navigation.
- L’Europe se défend mieux face aux corsaires maghrébins.
- La Méditerranée est de moins en moins le centre des échanges : les échanges
économiques se font avant tout dans l’atlantique.
3. Reprise de l’activité corsaire : des années 1790 à 1815
En 1789 la France est républicaine, elle entre en guerre en 1793 contre les puissances
monarchiques d’Europe. Les puissances maritimes en Méditerranée, française et
britanniques, sont donc moins présentes. L’activité corsaire se déploie en 1793 du côté
Maghrébin.
En 1798 : expédition de Bonaparte en Egypte mais avant cela, il passe par Malte et ravage
l’ordre des chevaliers de Malte. En réalité ces chevaliers posent problème pour les
révolutionnaires : ils sont pour l’ordre monarchique : c’est une force catholique, monarchique
et aristocratique. Il met fin définitivement à une puissance ennemie des États maghrébins.
A partir de 1806 jusqu’en 1811, une partie des Maghrébins investissent dans des bateaux de
commerce qui arrivent à Marseille ou à Livourne. Les Marseillais comme les Livournais
acceptaient le commerce des Maghrébins mais ne souhaitaient pas qu’ils aient leur propre
navire car ils ne voulaient pas de concurrence. Les marseillais vont empêcher le retour des
navires maghrébins. Il y a un retour de la course maghrébine à partir de 1815 jusqu’en 1820.
4. Déclin définitif de la course : de 1815 aux années 1820
La course maritime disparait avec l’intervention européenne, et l’expédition militaire.
3) Un commerce maghrébin de plus en plus dominé par les Européens
1. Un commerce déséquilibré et des commerçants européens mieux organisés
Les populations au Maghreb exportent avant tout des matières premières et reçoivent des
produits finis.
Les Etats européens se défendent beaucoup mieux et défendent beaucoup mieux leurs intérêts
que les provinces ottomanes du Maghreb. Parce qu’ils ont des consuls qui vont baisser les
droits de douanes, ils vont protester s’il y a un problème avec un marchand. Les marchands
maghrébins sont représentés par Istanbul normalement (puisque les provinces du Maghreb ne
sont pas des puissances étatiques).
L’administration du Maghreb à l’époque ottomane du début du XVIème siècle aux
années 1830
I. L’emprise des soldats ottomans sur la province d’Alger
La province d’Alger est la première province ottomane au Maghreb. Les forces ottomanes à
Alger s’estiment supérieures aux autres provinces ottomanes
C’est la seule province ottomane où il n’y a pas eu contestation locale de 1518 jusqu’à 1830.
1) La force de l’armée des janissaires à Alger
1. Une force étrangère issue du centre de l’Empire ottoman
C’est une force « étrangère » issu du centre de l’Empire ottoman : les janissaires viennent
génération après génération des régions les plus pauvres d’Anatolie. Ils parlent turc entre eux,
vivent dans des casernes sauf quand ils se marient. Ce qui les distingue de la population
locale, c’est que le droit qu’ils appliquent c’est l’interprétation hanéfite. Ils ne veulent pas que
dans les rangs militaires. On ne recrute pas d’autochtones. Leurs enfants qu’ils auront eu avec
des femmes locales, sont appelés « Kuloghlu ». (Kulo = esclave et Ghlu = fils.). Il y a des
distinctions à conserver au sein des armées.
2. L’influence des janissaires à Alger
1588 : les janissaires parviennent à déterminer le choix des gouverneurs qui viennent
d’Istanbul. Comme c’est une province ottomane, le gouverneur est nommé par Istanbul pour
deux ou trois ans. Ces provinces sont plus indépendantes que la Syrie et autres.
A partir de 1671 : les janissaires choisissent à la tête de la province d’Alger leur chef qu’on
appelle le Dey, qui est en général l’ainé dans les corps des janissaires. C’est un chef pour
Alger et toute sa province.
A partir de 1671 ne cessent de se succéder des Dey qui ont parfois des origines tout à fait
modestes.
2) Les limites du pouvoir turc dans la province d’Alger
Ce pouvoir est instable. De 1671 à 1830 il y a 28 Dey qui exercent le pouvoir. Mais la moitié
d’entre eux sont renversés par des émeutes et assassinés par les janissaires eux-mêmes.
Le pouvoir ottoman ne domine pas tout le territoire. Ce pouvoir est avant tout limité au nord,
aux villes au littoral. On sait très mal ce qu’il se passe en dehors des villes.
3) La prise en compte de l’autorité locale
1. La mahalla ou camp fiscal
La « mahalla » c’est le déplacement d’une expédition militaire dans le pays pour montrer sa
puissance et récupérer les impôts, qui seront en majorité des denrées qui seront consommés en
chemin (on comprend dès lors que l’intérêt est surtout de se montrer).
On fiscalisera les paysans sédentaires qui eux rapporteront des richesses.
2. Quatre « sous-provinces »
Dar al Sultan à Alger et les trois autres Beylik : Beylik de l’Ouest, Beylik de Titteri et Beylik
de Constantine
Bey = monsieur en turc, c’est un titre. Dans les provinces ottomanes c’est un lieutenant, un
adjoint du Dey. Le Dey a donc plusieurs Bey à son service.
3. L’intégration à la société locale
La province n’est pas gouverné qu’à partir d’Alger, la gestion est aussi locale, le
gouvernement ottoman est aussi proche des gouvernements des grandes villes, notamment à
Constantine.
II. La fondation de dynasties de gouverneurs à Tunis et Tripoli
1) Les beys mouradites puis husaynides à Tunis
1. En 1591, les janissaires au pouvoir à Tunis
Le pacha envoyé par Istanbul est éclipsé par les janissaires à Tunis : ce sont les janissaires qui
placent à la tête de la province le Dey.
2. En 1631, la première dynastie de gouverneurs, les Mouradites (issu de Mûrad al-
Qûrsû, le Corse)
A partir de 1631, le Dey est à son tour éclipsé par un de ses adjoints, officiers, le Bey. C’est le
Bey qui récoltent les impôts dans le pays, il a donc la force financière et soumet les tribus
d’intérieur.
En 1631, le fondateur de la dynastie des Mouradites, obtient d’Istanbul le titre de Pacha et
transmet son titre de Bey à son fils Hammuda.
Arrive ensuite une deuxième dynastie
3. A partir de 1705, la dynastie des beys husaynides (issu de Husayn b. ‘Alî)
C’est une dynastie qui va gouverner de 1705 jusqu’en 1857. Le Pays de Tunis enfante souvent
des dynasties car c’est un pays plus facile à contrôler, pays plus réduit, pays citadin.
Les deux fondateurs de dynastie : on a des pouvoirs étrangers à la province qui s’installent et
s’enracinent.
2) Une évolution similaire à Tripoli
1. En 1609, les janissaires au pouvoir à Tripoli : les janissaires désignent un dey
Une évolution similaire par rapport à Tunis.
En 1609, les janissaires prennent le pouvoir à Tripoli et désignent un Dey qui se place à leur
tête comme ça a été le cas auparavant à Tunis. 18 ans après Tunis et 62 ans avant Alger.
Dans le cas de Tripoli le territoire est vaste et c’est la distinction avec Alger et Tunis, il faut
un certain temps pour contrôler l’ensemble du territoire, par exemple la Cyrénaïque, qui n’est
en fait contrôlée par les Ottomans, milieu du 17ème
siècle
2. En 1711, la première dynastie de gouverneurs, les Qaramanli
A leur tour les Deys sont remplacés par une dynastie de gouverneurs
Tout comme à Tunis, les Deys sont remplacés à leurs positions par des gouverneurs qu’on
appelle les Beys et qui fondent une dynastie en 1711, la dynastie des Qaramanli (venant du
nord de l’Anatolie ») qui ne disparaitra qu’en 1835.
Les dynasties qui s’installent au Maghreb viennent de régions hors du Maghreb. Ce constat
est important car cela va les amener à devoir enraciner leur pouvoir. Si vous établissez une
dynastie il faut avoir des liens avec la société et si vous demeurez hors de la société, le
pouvoir sera fragile. Comment se lier à la société ? Par le mariage en premier lieu, notamment
avec les femmes des tribus : ces alliances seront pratiquées par la dynastie des Qaramanli à
Tripoli mais beaucoup moins à Tunis.
Quelle est l’inconvénient de ces alliances ? En tant que gouverneur on a accès aux impôts et
on peut confisquer des terres notamment aux tribus rebelles, parfois pour des motifs
arbitraires, on accumule donc des richesses mais on ne peut en profiter éternellement, on
transmet donc ces richesses aux descendants mais ces derniers ont des liens avec les tribus : le
risque est donc le partage des richesses qui entraine des divisions entre le pouvoir et les tribus
et qui risque donc de créer des divisions au sein du pays.
Comment donc nouer avec la société sans passer par les alliances : on achète des esclaves, on
les arabise et on les éduque. L’esclave oubliera sa famille d’origine. Il grandit chez vous et il
vous est redevable. A l’âge de la puberté on l’allie avec l’un de nos enfants naturels.
L’esclave non affranchi n’hérite pas, l’esclave affranchi hérite et peut léguer une partie de ses
biens.
III. Sultanat du Maghreb occidental
1) Les sources d’autorité des sultans marocains
Des racines plus profondes. Ce pouvoir est un pouvoir dynastique et avec une dynastie qui
s’établit à partir des années 1660 avec la dynastie 3alaouite et qui est confirmée à chaque
nouveau règne par la bay3a (« serment d’allégeance d’une autorité ». On a aussi des Bay3a à
Tunis. Cette cérémonie de reconnaissance est organisée en deux phases pour deux types de
population.
- Bay3a 3âmma : l’ensemble, communauté des mortels, qui reconnait un sultan
- Bay3a Khâssa : la reconnaissance de l’élite : le baise main et le sultan sera désigné par
un Sénac, le jour de la mort du souverain.
Ces bay3a peuvent être cassées par des révoltes.
L’enracinement des sultans du Maroc tient à cette force dynastique mais c’est aussi lié au fait
qu’ils aient plusieurs types de pouvoirs : un pouvoir par la force, la « sultâ » c’est l’autorité
d’État, il faut ajouter à ça une aura religieuse, un rayonnement, la « baraka » : cette notion
nous parait secondaire. Hasan ayant échappé deux fois à un attentat.
Le sultan du Maroc s’appuie sur plusieurs forces tribales comme d’ailleurs les tribus dans les
provinces ottomanes, il s’appuie sur les tribus « guich » ou « makhzen », ce sont des tribus
qui soutiennent l’Etat contre des privilèges fiscaux ou des terres.
Autre type de tribu, tribu fictive : les « 3abîd al-bukhârî » : ensemble de noirs au service du
Sultan : à partir du milieu du 17ème
siècle les sultans s’appuient sur un corps d’esclaves venant
d’Afrique de l’Ouest ou venant de l’intérieur du Maroc qui ont la peau noire.
2) Les limites de l’autorité des sultans marocains
Les tribus « guich » sont turbulentes, les tribus « makhzen » ne sont pas tjs obéissantes tout
comme les « 3abid-al-bukhârî ».
A la mort de Moulay sma3in (1672 – 1727), une série de luttes de prétendants à la succession
entre 1727 et 1735 : les 3abid deviennent une force politique.
Le Sultan du Maroc doit composer avec les Oulémas, les savants religieux, quand il établit
une loi. L’autorité religieuse et politique n’est plus en discussion, les Oulémas de la ville de
Fès qui s’opposent au sultan.
Les sultans du Maroc doivent passer de ville en ville, de Fès à Meknès et à Marrakech, c’est
un pouvoir itinérant afin d’assurer sa légitimité. Généralement ils se déplacent dans ce
triangle qui est la partie contrôlée par le sultan, ils se déplacent sur les routes du sultan. Mais
ce n’est pas propre au Maroc, à Tunis c’est le dauphin ou le successeur qui se déplace.
LE MAGHREB AU TEMPS DES REFORMES OTTOMANES :
DES ANNÉES 1830 AU DÉBUT DU XXème
SIÈCLE
Les tanzîmât : les réformes ottomanes : à l’époque, réformer signifie remettre les choses dans
l’ordre, c’est le fait de réorganiser. Lancées à Istanbul dans les années 1820 pour se terminer
dans les années 1870. Au Maghreb cela concerne Tunis et Tripoli, le principe de ces réformes
c’est la mise en place d’armées modernes à l’européenne, la mise en place d’une nouvelle
fiscalité et de nouvelles institutions de justice. Le Maroc sera également concerné par ces
réformes concernant l’armée et la fiscalité qui sont un choix propre des sultans : c’est une
période de profonde adaptation au monde moderne. L’Algérie est sous colonisation française,
on traitera cette partie plus tard.
I. Les causes des réformes
1) Le choc de la prise d’Alger (1830) et des autres défaites militaires
1. 1830 : la prise d’Alger
C’est un choc dans l’ensemble du Maghreb qui provoque la stupeur parmi les croyants, les
sujets des gouverneurs ottomans et aussi au Maroc. Au niveau de ceux qui gouvernent, au
niveau des Deys de Tunis c’est un soulagement car c’est la fin du pouvoir des Deys d’Alger
contre lesquels ils ont combattu.
Au Maroc les Sultans sont très gênés par solidarité mais aussi parce que les populations de la
région de Tlemcen, jusqu’à Médéa réclament l’intervention des sultans du Maroc. A Tripoli
en 1835, la Tripolitaine et l’ensemble de la Province est repris en main par Istanbul, c’est la
fin de la dynastie des Beys Qaramanlî et Tripoli est gouverné par un gouverneur venant
directement d’Istanbul. Au même moment ils envisagent le même jeu pour Tunis.
Les Beys à Tunis parviennent tout de même à se défendre. En 1833 et 1834 la France décide
de s’installer à Alger, l’occupation est définitive. Les Ottomans ne parviennent pas à Tunis.
2. 1844, Isly, défaite des Marocains face aux Français
La bataille d’Isly : c’est une bataille qui s’explique par le soutien des Sultans du Maroc à
l’Emir Abdelkader qui à cette époque tentait encore de résister aux Français à partir de
l’Ouest de l’Algérie. Les Français ne veulent plus que les Marocains soutiennent cet effort de
résistance. Pour la première fois en 3 siècles, l’armée des Sultans du Maroc ne parvient pas à
défendre le territoire. Ce n’est pas une défaite qui va porter à conséquence, la frontière se
dessine entre l’Algérie française et le sultanat mais pas en défaveur du Maroc. C’est une
défaite importante qui montre l’affaiblissement technique et militaire du Maroc. Elle est
d’autant plus une défaite, Tanger et Essaouira sont bombardés par les Français.
3. 1860 : la prise de Tétouan par les Espagnols.
Pourquoi les Espagnols s’emparent-ils de Tétouan ? Car ils veulent étendre leur pouvoir
autour de Ceuta (territoire contrôlé par les Espagnols). Un conflit s’engage autour de
l’agrandissement du territoire et s’emparent de Tétouan où ils transforment la Mosquée en
Cathédrale. Les Marocains doivent payer une très lourde indemnité de guerre. Les Espagnols
acceptent de quitter Tétouan en échange de cette indemnité estimée à 2,5 la valeur du trésor
public marocain de l’époque. Ce trésor est très limité par rapport au trésor d’un pays européen
de l’époque. La moitié de cette indemnité sera gagée sur les recettes douanières marocaines
qui permettent le remboursement de ces indemnités. Ça plombe le budget et surtout rend le
Maroc dépendant des Français et des Espagnols.
2) La mainmise européenne sur les ressources locales
Il y a plusieurs moyens de prendre le contrôle des ressources locales.
1. Le contrôle du commerce
L’objectif des puissances européennes, même quand elles sont rivales, est de contrôler les
droits de douanes et plus généralement de retirer tout capacité d’action sur le terrain
économique aux mains des gouverneurs ottomans et des sultans des marocains : il s’agit donc
d’affaiblir toute autorité économique locale.
Un des premiers actes est de mettre fin aux monopoles :
- le cas à Tunis en 1830 : les consuls de France obtiennent des Beys de Tunis qu’ils ne
contrôlent plus l’achat et la vente d’huile d’olive dans tout le pays. Chaque
commerçant peut aller vers un producteur d’huile et acheter sa production. Les Beys
étaient avant des intermédiaires et pouvaient faire des bénéfices.
- Le cas du Maroc en 1856 : l’Angleterre signe un Traité, un accord diplomatique avec
le Maroc qui fin aux monopoles des sultans sur certains produits commerciaux. Sauf
sur le tabac et les armes. Ce traité établit la liberté de commerce entre les Etats
britanniques et le Maroc. Y’a très peu de maisons de commerce en Angleterre
contrairement à l’inverse. Si on accorde la liberté de commerce aux Anglais, cela
signifie que les autres puissances européennes vont aussi la réclamer et dès lors, le
marché marocain se retrouve totalement ouvert. Les marges d’action des Sultans pour
contrôler leur économie diminuent considérablement.
2. Le contrôle des sujets européens : les protégés européens
A partir des années 1830, des sujets du Sultan du Maroc et aussi des Beys de Tunis et de
Tripoli, qu’ils soient musulmans ou juifs font des démarches auprès des consulats
européens pour demander à être protégés et pour demander une carte de protégé. Protéger
de quoi et de qui ? De « l’arbitraire du pouvoir local » : les protégés sont des
commerciaux locaux qui servent d’intermédiaires entre les commerciaux européens et les
producteurs locaux, les agents du gouvernement, des administrations locales mais aussi
des espions. Quand on est protégé, on est plus obligé de payer des impôts au Sultan ou
gouverneurs. On étend les privilèges du Consul à l’ensemble de la population et on est
plus poursuivi par la justice locale.
Ça réduit l’autorité politique. Et ceux qui peuvent payé des impôts ne sont plus protégés.
Ya des protégés à qui on retire la carte car ils ont commis des crimes et d’autres qui
n’obéissent pas.