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1 Synthèse du rapport de la Cour des comptes sur l’évaluation de la gestion du contentieux de l’Etat A travers le Dahir du 15 joumada II 1372 (02 mars 1953) portant réorganisation de lagence judiciaire de l’Etat chérifien, le législateur a confié exclusivement à ce qu’on appelle aujourd’hui « l’Agent Judiciaire du Royaume » la fonction de représentation de l’Etat et de la défense judiciaire de ses intérêts dans les affaires où l’Etat, ses offices et ses autres établissements publics sont des parties défenderesses dans des procès tendant à déclarer ces personnes publiques débitrices à l’égard d’autrui. Toutefois, ledit dahir a exclu de ses compétences les affaires relatives aux impôts et aux domaines de l’Etat. Par ailleurs, l’article 515 du code de procédure civile promulgué par le Dahir n° 1.74.447 du 11 Ramadan 1394 (28 septembre 1974) tel que modifié et complété, a prévu de son côté, que les procès sont intentés contre : - l'Etat, en la personne du Chef du gouvernement à charge par lui de se faire représenter par le ministre compétent s'il y a lieu ; - le Trésor, en la personne du trésorier général ; - les collectivités locales, en la personne du gouverneur en ce qui concerne les préfectures et provinces et en la personne du président du conseil communal en ce qui concerne les communes ; - les établissements publics, en la personne de leur représentant légal. Toutefois, et indépendamment de ces dispositions, certains textes juridiques particuliers ont confié la qualité de la représentation des intérêts de l’Etat en justice, et partant , de sa défense judiciaire, à d’autres administrations. C’est le cas pour : - le ministre de l’équipement, en ce qui concerne le Domaine Public de l’Etat ; - le directeur des domaines de l’Etat, pour le Domaine Privé de l’Etat ; - le haut-commissaire des Eaux et Forêts, s’agissant des Eaux et Forêts ; - le ministre des Habous et des Affaires Islamiques, pour les Habous ; - le directeur général des impôts, en matière d’impôts. Ainsi, et en raison de la multiplicité des administrations en charge de la défense judiciaire de l’Etat, la Cour s’est limitée à l’évaluation de la gestion du contentieux de l’Etat effectuée par l’Agence Judiciaire du Royaume (A.J.R. ou l’Agence) du fait de sa compétence d’ordre général en la matière, la direction du domaine concernant le domaine privé de l’Etat, la direction générale des impôts, pour ce qui est du contentieux fiscal, l’administration des douanes et des impôts indirects, pour le contentieux douanier, et par la trésorerie générale du Royaume pour ce qui est du contentieux de recouvrement. La Cour a ainsi relevé un certain nombre d’observations résumées comme suit : I- La stratégie de gestion du contentieux de l’Etat La stratégie de la gestion du contentieux de l’Etat se base sur trois niveaux essentiels qui sont la prévention du contentieux, les solutions alternatives pour le règlement du contentieux, et la gestion du contentieux judiciaire.

I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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Page 1: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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Synthèse du rapport de la Cour des comptes sur l’évaluation de la gestion du contentieux de l’Etat

A travers le Dahir du 15 joumada II 1372 (02 mars 1953) portant réorganisation de l’agence

judiciaire de l’Etat chérifien, le législateur a confié exclusivement à ce qu’on appelle

aujourd’hui « l’Agent Judiciaire du Royaume » la fonction de représentation de l’Etat et de la

défense judiciaire de ses intérêts dans les affaires où l’Etat, ses offices et ses autres

établissements publics sont des parties défenderesses dans des procès tendant à déclarer ces

personnes publiques débitrices à l’égard d’autrui. Toutefois, ledit dahir a exclu de ses

compétences les affaires relatives aux impôts et aux domaines de l’Etat.

Par ailleurs, l’article 515 du code de procédure civile promulgué par le Dahir n° 1.74.447 du

11 Ramadan 1394 (28 septembre 1974) tel que modifié et complété, a prévu de son côté, que

les procès sont intentés contre :

- l'Etat, en la personne du Chef du gouvernement à charge par lui de se faire représenter

par le ministre compétent s'il y a lieu ;

- le Trésor, en la personne du trésorier général ;

- les collectivités locales, en la personne du gouverneur en ce qui concerne les

préfectures et provinces et en la personne du président du conseil communal en ce qui

concerne les communes ;

- les établissements publics, en la personne de leur représentant légal.

Toutefois, et indépendamment de ces dispositions, certains textes juridiques particuliers ont

confié la qualité de la représentation des intérêts de l’Etat en justice, et partant, de sa défense

judiciaire, à d’autres administrations. C’est le cas pour :

- le ministre de l’équipement, en ce qui concerne le Domaine Public de l’Etat ;

- le directeur des domaines de l’Etat, pour le Domaine Privé de l’Etat ;

- le haut-commissaire des Eaux et Forêts, s’agissant des Eaux et Forêts ;

- le ministre des Habous et des Affaires Islamiques, pour les Habous ;

- le directeur général des impôts, en matière d’impôts.

Ainsi, et en raison de la multiplicité des administrations en charge de la défense judiciaire de

l’Etat, la Cour s’est limitée à l’évaluation de la gestion du contentieux de l’Etat effectuée par

l’Agence Judiciaire du Royaume (A.J.R. ou l’Agence) du fait de sa compétence d’ordre

général en la matière, la direction du domaine concernant le domaine privé de l’Etat, la

direction générale des impôts, pour ce qui est du contentieux fiscal, l’administration des

douanes et des impôts indirects, pour le contentieux douanier, et par la trésorerie générale du

Royaume pour ce qui est du contentieux de recouvrement.

La Cour a ainsi relevé un certain nombre d’observations résumées comme suit :

I- La stratégie de gestion du contentieux de l’Etat

La stratégie de la gestion du contentieux de l’Etat se base sur trois niveaux essentiels qui sont

la prévention du contentieux, les solutions alternatives pour le règlement du contentieux, et la

gestion du contentieux judiciaire.

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1- La prévention du contentieux

a. Absence d’un texte juridique pour l’encadrement des consultations juridiques

L’importance des consultations juridiques en matière de prévention des risques juridiques

apparaît essentiellement en matière d’identification des alternatives juridiques disponibles et

applicables à chaque cas ou chaque affaire, et dans l’évaluation des risques avant toute action

ou prise de décision. Cette importance apparaît également à travers le pouvoir de prodiguer

des conseils efficients en vue d’assister l’administration concernée dans la prise de la bonne

décision et l’intervention au moment opportun pour éviter tout problème ou complication, et

ainsi, préserver les droits par le biais des moyens administratifs et légaux.

Cependant, l’avis de l’Agence reste consultatif et non contraignant pour l’administration. Plus

encore, ce rôle consultatif est assuré par l’A.J.R. en l’absence de tout texte juridique lui

conférant expressément la possibilité d’exercer cette mission, sachant que ce genre de

consultations peut, parfois, exiger un investissement important en temps et en effort, en plus

de la nécessité de maîtrise et de recours répétitif à un bon nombre de textes juridiques et aux

cas de jurisprudence.

b. Faiblesse au niveau du rôle de sensibilisation à la prévention contre les risques

juridiques

L’Agence procède à l’émission d’un certain nombre de notes, d’articles et d’études ayant trait

à la matière civile, commerciale, pénale, et administrative et à toute autre problématique

juridique liée au contentieux impliquant les administrations publiques. L’A.J.R. organise

également des campagnes de sensibilisation au rôle préventif des risques juridiques.

Cependant, la Cour a constaté qu’à l’exception de certaines études qui ont été publiées au

niveau du rapport annuel de l’Agence, les autres parutions et contributions ainsi que les

campagnes de sensibilisation encadrées par l’A.J.R. demeurent insuffisantes en comparaison

avec le volume du contentieux qu’elle gère. De ce fait, ces études et contributions ne sont ni

exploitées ni diffusées à l’ensemble des intervenants dans le domaine du contentieux de l’Etat

et des établissements publics.

c. Les solutions alternatives du contentieux judiciaire : Le non recours par l’Agence

judicaire du Royaume à la procédure de conciliation

Si la Cour a pris note du recours de la direction générale des impôts et de l’administration des

douanes et des impôts indirects à la procédure de conciliation, elle a, toutefois, relevé une

insuffisance importante dans ce domaine au niveau de l’Agence judicaire du Royaume.

Il y a lieu de rappeler que les dispositions du Dahir du 02 mars 1953 portant réorganisation de

la fonction d’agent judiciaire du Royaume prévoient la possibilité de recours à la procédure de

conciliation, dans le cadre du comité du contentieux prévu par l’article 4 du Dahir précité et

qui énonce que « l’agent judiciaire ne peut transiger qu’après avis conforme d’un comité de

contentieux réuni à la diligence du directeur des finances ».

Il va sans dire que le recours, par l’Etat, à la procédure de conciliation est censé être

systématique dans tous les procès où sa responsabilité est établie. Or, et après consultation des

travaux du comité du contentieux, la Cour a relevé que cette procédure n’est suivie qu’à titre

exceptionnel.

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2- La gestion du contentieux judiciaire de l’Etat

a- La stratégie de la défense des intérêts de l’Etat

En plus de l’Agence judiciaire du Royaume qui est habilitée à défendre les intérêts de l’Etat,

l’article 34 du code de procédure civile dispose que l’administration est valablement

représentée en justice par un de ses fonctionnaires ayant reçu délégation à cet effet.

De plus, l’administration peut se faire assister par un avocat si bon lui semble. En effet,

l’article 31 de la loi n° 28-08 règlementant la profession d’avocat dispose que lorsqu’il s’agit

de l’Etat et des administrations publiques, le recours à l’assistance d’un avocat est facultatif.

Il ressort, de ce qui précède, que la mission de défense des intérêts de l’Etat peut être

effectuée selon l’un des trois niveaux suivants :

- Un fonctionnaire de l’administration ayant reçu délégation pour représenter

l’administration en justice ;

- Un avocat pour défendre, en justice, les intérêts de l’administration ;

- L’agent judiciaire du Royaume.

Le suivi des dossiers de contentieux judiciaire au niveau de l’Agence judiciaire du Royaume,

a permis de constater que la liberté laissée à chaque administration pour le choix des moyens

de la défense de ses intérêts a montré certaines limites en matière d’encadrement,

d’orientation et de détermination de ces moyens, à même d’assurer un taux élevé d’affaires

gagnées. Dans ce contexte, les affaires de l’Etat restent éparpillées entre les trois parties sus-

indiquées, ce qui ne permet pas d’uniformiser la vision en la matière et de mettre en

place une stratégie claire de l’Etat dans ce domaine.

Il y a lieu de signaler que le législateur, en exigeant l’introduction de l’agent judiciaire dans

toutes les affaires intentées contre l’Etat et tendant à le déclarer débiteur, visait un double

objectif : d’abord, informer l’agent judiciaire de tous les cas de contentieux judiciaire du

Royaume et ensuite lui permettre d’engager toutes les démarches nécessaires à la préservation

des deniers publics.

Toutefois, et si le premier objectif peut être réalisé par l’introduction de l’agent judiciaire dans

toutes les affaires, l’atteinte du deuxième objectif n’est pas évidente en raison de l’obligation

législative exigeant, qu’au préalable, l’agent judiciaire doit être mandaté par l’administration

concernée.

b- Le recours à l’assistance des avocats

Comme indiqué, le recours à l’assistance d’un avocat reste facultatif pour l’administration.

Cependant, pour l’Agence judiciaire du Royaume qui ne dispose pas de moyens et

d’attributions nécessaires à l’élaboration et au pilotage d’une stratégie de la défense des

intérêts de l’Etat, cette possibilité de recourir aux avocats soulève les deux remarques

suivantes :

- Elle peut être à l’origine d’un affaiblissement de la stratégie de la défense des intérêts

de l’Etat, dans la mesure où le recours à l’A.J.R se fait, parfois, à des stades avancés

de la procédure, notamment en phase de pourvoi en cassation ;

- Le recours direct de l’administration aux services des avocats se traduit, parfois, par

des coûts financiers importants. L’Agence, de par son expérience acquise auprès des

tribunaux et son expertise en matière de procédures judiciaires, peut rationnaliser les

montants des honoraires en comparaison avec les autres administrations.

c. Le positionnement de l'Agence entre les entités de l'Etat

Page 4: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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Au vu des expériences de certains pays en matière de gestion du contentieux judiciaire de

l’Etat, plusieurs modèles sont à retenir. Leur dénominateur commun consiste, dans la majorité

des cas, en l’attribution des missions de représentation judiciaire de l'Etat et de sa défense

judiciaire à une instance spécifique. La différence entre ces diverses expériences réside

principalement dans le positionnement de cet organisme dans le système administratif de

l'Etat. Dans ce cadre quatre modèles peuvent être distingués :

- Ministère des Finances (France) ;

- Ministère de la Justice (Espagne et Egypte) ;

- Premier ministre (Italie) ;

- Réseau des services juridiques (Angleterre).

Pour l'Agence judiciaire du Royaume du Maroc, et en raison de l'héritage historique résultant

de certaines attributions initiales mises à sa charge, le législateur l’a rattaché au Ministère des

Finances, conformément à l’article 1 du Dahir de 1953 portant réorganisation de l’Agence qui

dispose que l'Agent judiciaire est « placé sous l'autorité du Directeur des Finances».

Si l’on prend en compte la diversité, la complexité des affaires en contentieux où l’Agence

représente l’Etat (affaires administratives, civiles, pénales ...) et la présence en permanence de

cette instance dans les tribunaux afin de défendre les intérêts des différentes administrations

publiques, on peut considérer que son positionnement actuel au sein de l’administration

comme Direction au sein du Ministère des Finances ne la qualifie pas pour exercer

convenablement une mission aussi sensible que la défense de l’Etat.

Page 5: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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II- Diagnostic du contentieux de l'Etat

A cet égard, plusieurs observations ont été enregistrées dont les plus importantes se présentent

comme suit :

1. Evolution du nombre de procès intentés contre l'Etat

A travers la consultation des statistiques relatives au contentieux judiciaire de l'Etat, il ressort

que la moyenne annuelle des affaires enregistrées devant les tribunaux entre 2008 et 2012 est

de l’ordre de 30.000. Toutefois, il y a lieu de noter que les statistiques relatives à la Direction

du domaine de l'État et de la Trésorerie Générale du Royaume ne sont pas exhaustives ; la

Cour a relevé la difficulté de ces deux entités à arrêter le nombre de leurs procès respectifs.

Le tableau suivant illustre l'évolution du nombre de dossiers objet de contentieux par

Direction entre 2008 et 2013.

Evolution du nombre de dossiers du contentieux de l’Etat entre 2008 et 2013

Année 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Agence judicaire du Royaume 10.993 12.880 13.756 11.364 11.940 218121

Administration des douanes 15.456 13.223 10.418 Non disponible

Direction générale des impôts 2.157 2.297 2.621 Non disponible

Direction des domaines de l’Etat 015 861 812 2261 Non disponible

Trésorerie générale du Royaume

(TGR) *4.251 *3.266 Non disponible

Total 10.993 13.400 31.737 13.456 29.414

*Selon la TGR, ces statistiques ne contiennent pas celles relatives aux directions de Rabat et Casablanca.

2. Types de procès intentés contre l’Etat

Le contentieux de l’Etat se caractérise par sa diversité et c’est l’Agence judiciaire qui se

charge de la défense dans la majorité des types de contentieux de l'État, à l'exception de celui

dont la gestion est confiée à la Direction des domaines de l'État, la Direction générale des

impôts, l'Administration générale des douanes et des impôts indirects ou la Trésorerie

Générale du Royaume et ce, lorsque le contentieux concerne leurs domaines de compétence

respectifs.

Il a été constaté que près de la moitié des affaires en contentieux déposées à l’encontre de

l'Etat concernent la responsabilité de l'État et le recours en annulation.

a. Procès intentés contre l'État en matière de voie de fait

En raison de l’absence de la programmation et de la détermination précise des besoins de

l'Etat en foncier, l’administration procède à la réquisition de propriétés d’autrui pour

l’implantation de ses projets. Or, cette mainmise se fait par voie de fait en dehors de la

procédure d’acquisition à l’amiable ou de la procédure d’expropriation prévues par la loi.

Cette pratique engendre de nombreux cas de contentieux et de jugements à l’encontre de

l’Etat portant sur des montants considérables qui pénalisent sa trésorerie.

Page 6: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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Les jugements et arrêts rendus, ainsi que les montants jugés dans le cadre des affaires de voie

de fait entre 2006 et 2013 se présentent comme suit :

Nombre de jugements et montants correspondants jugés à l’encontre

de l’Etat, concernant la voie de fait, durant la période 2006-2013

Année Nombre de jugements et arrêts Montant enjoints

(En DH)

6002 28021 01185128162255

6002 28211 06082128212255

6002 28128 81681518805255

6002 28511 11181258101255

6030 058 0585858130255

6033 28106 00080818152255

6036 18210 2800585008101255

6031 28112 18581858805281

Total 300022 ,0,6002220262412

Source : Agence judiciaire du Royaume.

Il ressort de ce tableau que les montants objets des jugements rendus dans le cadre des affaires

de voie de fait sont très importants ; la moyenne annuelle dépasse les 550 millions de dirhams.

Les départements ministériels les plus concernés par les affaires de voie de fait sont les

ministères en charge de l'éducation, de l’équipement et de l’intérieur.

Et quand l'administration ne respecte pas la procédure d'expropriation telle qu’elle est prévue

par la loi n° 81-07, l’Etat est contraint d’indemniser doublement pour le même foncier :

- La première indemnité concerne le dédommagement du propriétaire du foncier

conséquent à l’interdiction d’exploiter sa propriété ;

- La seconde indemnité concerne la valeur de la propriété réquisitionnée, évaluée dans

le cadre des règles de droit commun en matière d'indemnisation, et ce sans bénéficier

des normes et privilèges conférés par la loi à l’administration dans le cadre de l’article

20 de la loi sur l'expropriation.

Ainsi, dans chaque dossier de voie de fait, deux types de pertes sont supportées par l'État :

- La première perte concerne la différence entre le montant retenu pour indemnisation

de la réquisition, encadré par les règles de droit commun relatives à l’indemnisation, et

celui qui pouvait être appliqué en prenant en compte les privilèges conférés par

l’article 20 de la loi sur l'expropriation ;

- La deuxième perte est liée à l’indemnisation pour privation de l'exploitation entre la

date de mainmise sur la propriété et la date du jugement.

Page 7: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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b. Contentieux entre l'Etat (Domaine privé) et les administrations et établissements

publics

La Cour a constaté, à travers la consultation des dossiers de contentieux relatifs aux propriétés

privées de l'Etat (Domaine privé), des litiges judiciaires entre administrations ou

établissements publics et qui consistent, dans la majorité des cas, en l'occupation illégale du

domaine privé de l'Etat par certaines administrations et établissements publics.

Pour remédier à cette situation, il y a eu publication d’une circulaire du Premier ministre

n°4/2002 en date du 27 Mars 2002 exhortant les ministères, les établissements publics et les

collectivités territoriales d’abandonner ce type de pratiques et d’œuvrer pour la résolution des

différends entre ces organismes publics par le biais de négociations et de compromis, afin de

parvenir à des solutions consensuelles et éviter, ainsi, le recours aux tribunaux. En cas de

dissension, l’action est portée devant le Premier ministre, pour arbitrage, afin de faire

converger les positions des parties concernées et trancher, le cas échéant, de façon définitive

les affaires contentieuses.

Cependant, et en dépit de la publication de cette circulaire, ces affaires en contentieux

demeurent encore récurrentes entre les parties susmentionnées. L’application de cette

circulaire s’est heurtée à des difficultés d’ordre pratique, notamment l'absence de mécanismes

d’arbitrage par le chef de gouvernement. La Cour des comptes a enregistré quelques

d’initiatives de règlement à l’amiable, qui malgré leur efficacité, restent, somme toute,

limitées.

3. Sort des affaires constituant le contentieux de l’Etat

L’examen de la gestion du contentieux de l'Etat, au niveau des cinq directions concernées par

cette mission, a permis de relever que ces dernières ne disposent pas de données et de

statistiques exactes sur la suite réservée au contentieux judiciaire qui les concernent.

a. Concernant l’Agence judiciaire du Royaume

Il a été constaté que les statistiques fournies par l'Agence concernant le contentieux judiciaire

qu’elle gère, manquent de précision, d'exhaustivité et de mise à jour en ce qui concerne les

suites réservées à ces cas de litiges. Ces statistiques se présentent comme suit :

Arrêts et jugements concernant l’Agence judiciaire du Royaume

rendus entre 2009 et 2013

Année Montant jugés à l’encontre de

l’Etat (En DH)

Montants demandés (En DH)

6002 12088118638251 61086618086261

6030 8182318051223 16281038118222

6033 10281328821201 03886108065262

6036 1118386863280 1813680118212222

6031 15082118058210 2880180168123282

Total 3012702120727421 ,022207,,0622422

Source : Agence judiciaire du Royaume

Page 8: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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Concernant les taux des arrêts et jugements rendus contre ou en faveur de l’Etat, par rapport

au nombre total de jugements, ils se répartissent comme suit :

Taux des arrêts concernant l’Agence judiciaire

du Royaume rendus entre 2009 et 2013

Année Taux des arrêts en faveur

de l’Etat

Taux des arrêts contre l’Etat

6002 20% ,0%

6030 27% 7%

6033 26% 12%

6036 20% ,0%

6031 20% ,0%

Total 22%* 11%*

Source : Agence judiciaire du Royaume

* Moyenne des taux des arrêts rendus durant les 5 années.

A la lecture de ces tableaux, il ressort que le taux des jugements en faveur de l'Agence, par

rapport au nombre total de jugement, dépasse les deux tiers.

Les montants jugés à l’encontre de l’Etat, au cours de cette période, ont dépassé 1,3 milliards

de dirhams. La différence entre les montants jugés en faveur de l’Etat et ceux jugés à son

encontre est plus de trois milliards six cents millions de dirhams.

En l'absence d'un mécanisme permettant de suivre les procès impliquant des personnes de

droit public, et donc de connaître le nombre des affaires et le volume des montants jugés et

leur répercussion sur le trésor public, les attributions confiées à l'Agence judiciaire du

Royaume demeurent insuffisantes pour cerner l’étendue et le sort du contentieux judiciaire de

l’Etat.

b. Au niveau des autres directions

Concernant les quatre autres directions, et étant donné qu’elles ont déconcentré les opérations

liées à la gestion du contentieux, elles ne disposent pas, au niveau central, de données leur

permettant de suivre et de contrôler la gestion des dossiers en contentieux. De plus, suite à la

visite de certaines représentations régionales de ces directions, il a été constaté une

insuffisance liée à la mise à jour des données concernant le sort réservé aux dossiers du

contentieux gérés à leur niveau.

Concernant la direction des domaines de l'Etat et la direction générale des impôts, elles

ont fourni des statistiques relatives à leur contentieux judiciaire. Toutefois, ces statistiques

sont entachées de plusieurs insuffisances imputables, selon les responsables de

l’administration centrale, à la non actualisation, par les directions régionales, de leurs données

conformément à l’avancement des procédures judiciaires relatives aux dossiers en

contentieux. Ainsi, et en l'absence de ces données, il n’est pas possible de connaître le sort de

ces cas de contentieux judiciaire.

En ce qui concerne la Trésorerie Générale du Royaume (TGR), elle a présenté des données

sur le sort des contentieux judiciaires gérés au niveau de ses représentations régionales.

Toutefois, ces données ne comprennent pas celles relatives au sort des dossiers gérés au

Page 9: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

9

niveau des trésoreries régionales de Rabat et de Casablanca. Le tableau suivant présente les

statistiques relatives aux jugements rendus en matière de recouvrement des créances

publiques durant la période allant de 2009 à juin 2014 :

Jugements relatifs au recouvrement des créances publiques

durant la période 2009-2014

Source : Trésorerie Générale du Royaume

S’agissant de l'administration des douanes et impôts indirects, l'administration centrale ne

dispose pas de statistiques concernant le nombre de dossiers contentieux enregistrés dans les

tribunaux. Elle n’a, non plus, communiqué à la Cour aucune donnée à propos du déroulement

de ces affaires. Néanmoins, et en raison de la force probante accordée par le législateur aux

procès-verbaux établis par les inspecteurs des douanes, la majeure partie des jugements

relatifs aux infractions douanières sont rendus en faveur de cette administration.

Il y a lieu de rappeler qu’une bonne gestion du contentieux judiciaire de l'Etat requiert la

disponibilité d’une base de données à même de permettre la maîtrise du déroulement des

dossiers contentieux, ainsi que le sort qui leur a été réservé.

4. Exécution des jugements rendus à l’encontre de l'État

L’examen de l’exécution des jugements et décisions rendus à l’encontre des administrations

publiques a permis de constater que, dans les cas où l’administration refuse d’exécuter les

jugements pour une raison quelconque, les parties demanderesses recourent aux mesures

d’exécution coercitives, conformément aux dispositions du code de la procédure civile, et ce,

par le biais de la saisie sur les comptes de l’administration auprès des comptables publics.

Cependant, et du fait que lesdits comptables ne disposent que de crédits budgétaires insérés

dans les budgets des administrations concernées et non de fonds sous forme de comptes

courants, de liquidité ou d’actifs, ils ont toujours établi des déclarations négatives précisant

qu’ils ne disposent pas de fonds pouvant faire l’objet de saisie.

Cette déclaration négative étant considérée comme un refus d’exécution de la part de la

trésorerie générale ou des comptables publics, les demandeurs d’exécution requièrent de faire

application des mesures d’exécution forcée à l’encontre de la trésorerie générale. Cette

situation a, récemment, conduit les demandeurs à recourir à de nouveaux types de mesures

coercitives telles que la demande de saisie sur les fonds de la trésorerie générale déposés à

Bank al Maghrib (BAM).

La Cour des comptes a pris note de la réponse favorable aux demandes de saisie adressées à

BAM. En effet, BAM a procédé à la saisie exécutoire sur le compte courant de la trésorerie

générale et sur celui de l’Agence bancaire centrale relevant de la trésorerie générale, sachant

que le compte courant de cette agence comprend des comptes appartenant à des personnes

physiques et morales ouverts au niveau des agences bancaires de la trésorerie générale.

A signaler que plus de 100 dossiers d’avis à tiers détenteurs (ATD) ont été ouverts à

l’encontre de la trésorerie générale dont le montant total a atteint 331.380.835,11 DH ; ce

montant inclut également les intérêts dus au retard dans l’exécution des jugements rendus.

Jugements à l’encontre de la TGR Jugements en faveur de la TGR

Montant Part dans le total des

jugements

Montant Part dans le total des

jugements

662020300214,2 17% 707032,0122426 27%

Page 10: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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III. Contraintes liées à la gestion du contentieux

Il s’agit de contraintes d’ordre juridique et d’autres relatives à la relation entre les

administrations publiques objet du contentieux et l'Agence judiciaire du Royaume, ainsi que

des contraintes au niveau des tribunaux.

1. Contraintes d’ordre juridique

La loi régissant l'Agence judiciaire du Royaume a été adoptée en 1953, comme indiqué ci-

dessus, et n'a pas été modifiée depuis lors.

Selon ce texte, l’agent judiciaire du Royaume est dénommé "Agent Judiciaire ». Cette

dénomination se trouve, aujourd’hui, dépassée au vu de ce qui a été consacré par le législateur

dans le cadre des autres lois, notamment la loi sur la procédure pénale qui emploie la

dénomination "Agent Judiciaire du Royaume" au niveau de ses articles 3, 37, 95, 351 et 540.

De plus, la désignation de l'agent judiciaire du Royaume en personne au lieu de l’Agence

judiciaire du Royaume en tant qu’institution, pose des problèmes aux cadres de l'Agence

judiciaire du Royaume qui doivent obtenir une délégation de signature préalablement à

l’exercice des missions de représentation juridique de l’Etat et sa défense devant les

tribunaux.

En outre, le dahir de 1953 comprend plusieurs dénominations officielles telles que "le

directeur financier" et " le conseiller juridique de la protection" qui sont devenues obsolètes.

De même, le dahir de 1953 a dévolu un ensemble de compétences à l'agent judiciaire du

Royaume dont certaines d’entre elles ont été abandonnées notamment les missions de

recouvrement et ce, suite à la circulaire n ° 1306 IGF du ministre des Finances, publiée en

1970. En vertu de cette circulaire, la mission de recouvrement a été transférée au trésorier

général du Royaume, sans que les dispositions du dahir susvisé ne soient modifiées.

2. Absence d’immunité pour les cadres de l’administration assurant la

mission de défense de l’Etat

L'article 58 de la loi réglementant la profession d’avocat dispose que celui-ci « (….) ne peut

être interrogé sur le contenu de ses plaidoiries ou de ses mémoires, de ce qui relève du droit

de la défense". Le même article ajoute que "l’avocat ne peut être arrêté à cause de

diffamations ou injures ou insultes à l’occasion de l’exercice de sa profession".

L'article 60 de la même loi dispose également que " L’injure, la diffamation et la menace d’un

avocat lors ou à l’occasion de l’exercice de sa profession, sont punies conformément aux

dispositions de l’article 263 du code pénal.".

Cette immunité, ainsi que d'autres garanties associées à l'appartenance à l’ordre des avocats et

leur autorité syndicale, font défaut pour les cadres et personnels des ministères en charge de

défendre les intérêts de l'Etat et du Trésor.

Page 11: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

11

3. Insuffisances dans la relation entre l'agent judiciaire du Royaume et

les administrations publiques

La Cour a enregistré dans ce contexte, les observations suivantes :

- Des insuffisances dans la définition des relations entre l'agent judiciaire et les

administrations qu’il représente devant les tribunaux: Bien que le dahir de 1953

ait prévu les attributions de base conférées à l'agent judiciaire du Royaume, il n’a pas

précisé la relation devant lier l’administration concernée par le contentieux et l’agent

judiciaire, hormis la formalité de mandatement de ce dernier par cette même

administration, tel qu’il est exigé par ledit dahir;

- Non obligation des administrations de fournir à l'agent judiciaire du Royaume les

éléments constitutifs du dossier du contentieux : la lecture des dispositions du dahir

de 1953 révèle que le législateur n'a pas imposé aux administrations concernées par le

contentieux de produire à l'agent judiciaire du Royaume les éléments de réponse en

mesure d’assurer leur défense, alors même qu’il est partie intégrante du contentieux tel

que exigé par la loi. Il a été constaté, à partir des dossiers de contentieux gérés par

l'agent judiciaire du Royaume, la vulnérabilité de la défense due notamment à

l’indisponibilité des éléments à même de renforcer sa position ;

- Caractère excessif des recours en appel : Les responsables de l’Agence judiciaire du

Royaume ont assuré que cette pratique est due aux sollicitations des administrations

concernées de recourir à des appels, même injustifiés, en plus du défaut chez l'agent

judiciaire du royaume d’un pouvoir discrétionnaire quant au recours à l’appel ou son

abandon s’il estime que cela ne peut que prolonger inutilement le contentieux.

4. Difficultés dans la relation avec les tribunaux

Les responsables des directions visitées ont confirmé l’existence d’un ensemble d'obstacles

qui entravent la gestion optimale du contentieux judiciaire, en particulier dans leurs relations

avec les tribunaux.

Il convient de noter à ce niveau que le ministre de la Justice, dans sa circulaire n ° 963 en date

du 11 mai 1984, avait exhorté les tribunaux à faciliter les missions des cadres et du personnel

de l'Agence judiciaire du Royaume en matière de suivi des affaires de l'Etat. Cependant,

certains de ces fonctionnaires ont déclaré que cette circulaire a rarement été respectée et que

son actualisation n’a jamais été effectuée.

Ils ont par ailleurs affirmé que, lors de l’exercice de leurs fonctions de défense des intérêts de

l'Etat, les cadres des directions sus-indiquées ne sont pas traités selon les mêmes règles

réservées aux avocats, ce qui se répercute négativement sur leur moral et donc sur l'efficacité

et la performance de leurs interventions.

Page 12: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

12

IV. Résumé des recommandations de la Cour des comptes

relatives à l'Agence judiciaire du Royaume

A partir des constatations relevées lors de l'évaluation de l'expérience de l'Agence judiciaire

du Royaume, et afin que celle-ci puisse assurer le rôle qui lui revient, à l’instar de ses

homologues dans certains pays avancés dans ce domaine, il est nécessaire de revoir le cadre

juridique de l’organisation des fonctions et structures de l'Agence en conformité avec la

diversité qui caractérise le contentieux judiciaire et les risques qui peuvent être générés en

conséquence. Pour cela, la Cour des comptes recommande ce qui suit :

1. Au niveau de la nature et du statut de l'Agence judiciaire Royaume

L’évolution du rôle de l’Etat, de ses domaines d’intervention et de la diversité des moyens

juridiques utilisés, rend nécessaire l’élargissement des compétences de l’Agence judiciaire du

Royaume pour couvrir, en plus de la gestion du contentieux en cours, d’autres missions de

prévention et de conseil à même d’éviter le déclenchement du contentieux (notamment

lorsque la position juridique de l’Etat est faible). De ce fait, l’élargissement souhaité des

compétences de l’Agence impose de redéfinir son statut institutionnel et de revoir son

positionnement en vue de lui garantir l’indépendance nécessaire dans l’exercice de ses

attributions, et ce, en coordination étroite avec le ministère des finances et le secrétariat

général du gouvernement.

Il est à noter, comme précédemment avancé dans ce rapport, que les modèles retenus dans les

différentes expériences étrangères, rattachent généralement l’organisme chargé de la gestion

du contentieux de l’Etat au pouvoir exécutif. Toutefois, ces modèles diffèrent quant à l’organe

gouvernemental de rattachement. Il peut être le chef du gouvernement (expérience italienne),

ou le ministère de la justice (organisation espagnole ou égyptienne) ou encore le ministère des

finances (organisation française). Le Royaume-uni se distingue, quant à lui, par l’adoption

d’un réseau national des services juridiques, formé des conseillers juridiques affectés aux

différents ministères, sans que ce réseau, dans son ensemble, soit rattaché à un département

quelconque.

2. Au niveau des attributions de l'Agence judiciaire du Royaume

La Cour propose d'étendre les attributions de l’Agence afin de lui permettre d’entreprendre la

gestion du contentieux de l’Etat dans de meilleures conditions, et ainsi surmonter les obstacles

et contraintes recensées dans ce cadre. Les attributions préconisées peuvent être résumées,

selon les étapes suivies par le contentieux, comme suit :

a. Avant le déclenchement du contentieux (rôle préventif)

- Le pouvoir de fournir des avis sur des questions juridiques et administratives, en

vue de prendre les mesures préventives avant le déclenchement du contentieux. Pour

ce, l'Agence doit disposer d’une base de données pour différents types de

jurisprudences et diverses études juridiques liées au contentieux en cours, afin de la

mettre à la disposition des administrations.

- Le pouvoir d'exprimer un avis sur les contrats conclus par les administrations

publiques : ce pouvoir dont disposent des organismes similaires dans les pays

développés permettrait de renforcer la position juridique des administrations,

notamment pour les contrats ayant une importance financière, ceux présentant des

difficultés techniques ou pour les contrats internationaux. Ceci est de nature à éviter

les risques qui peuvent être générés par des imprécisions quant à la formulation des

termes de ces contrats.

Page 13: I- La stratégie de gestion du contentieux de l'Etat

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b. Lors du déclenchement du contentieux

- Accorder à l’Agence judiciaire du Royaume une délégation légale pour

représenter l'Etat et assurer sa défense devant les tribunaux et devant les

instances d'arbitrage nationales et internationales, de manière à surmonter la

situation actuelle dans laquelle l'Agence est tenue d'obtenir un mandat des

administrations concernées par le contentieux avant son déclenchement.

- Accorder à l’Agence le pouvoir de recours aux avocats après concertation avec

les administrations concernées. Ceci trouve sa justification dans le fait que l’Agence,

en vertu de ses attributions, devrait disposer d’une base de données relative aux

avocats, en fonction de leurs spécialités et leurs expériences, et que cette concertation

permettra d’effectuer de faire le choix approprié en fonction de la nature du

contentieux.

c. Après le déclenchement du contentieux

- Accorder à l'Agence le pouvoir d'examiner la pertinence du recours à l’appel : De

par son expérience en matière de gestion du contentieux judiciaire qui lui octroie la

capacité d’apprécier à sa juste valeur l’utilité et l’efficacité des recours en appel, et de

préférence en coordination avec le département des finances et le département

concerné assisté par les conseillers juridiques du Secrétariat général du gouvernement

mis à sa disposition.

- Le droit du recourir directement à la procédure amiable : En effet, le fait de

recourir directement à cette procédure permet d’éviter à l’administration la

dilapidation des moyens matériels et humains, qui pourraient provenir de la longueur

des délais d’instruction du contentieux, ainsi que les risques qui peuvent être générés

en conséquence. Elle doit à cet effet, coordonner son action avec le département

concerné, le ministère des finances et le secrétariat général du gouvernement.

3. Au niveau de la restructuration de l'Agence judiciaire du Royaume

Parmi les insuffisances les plus importantes relevées par la Cour des comptes dans la gestion

du contentieux de l’Etat, il y a le manque de coordination entre l'Agence et les administrations

dont elle assure la défense devant les tribunaux. Dans ce sens, il est recommandé que

l’Agence assure la mission de coordination avec les ministères concernés, et du suivi des

dossiers et des procédures qui les concernent.

Quant aux domaines exclus actuellement des compétences de l'Agence, et compte tenu des

particularités de leurs procédures propres et de l'importance des expériences accumulées par

ces administrations en matière de contentieux, il est souhaitable de procéder à la création d'un

réseau englobant tous les autres intervenants (Trésorerie Générale du Royaume, Direction des

impôts, Direction des domaines de l’Etat, Administration des douanes, ...) afin d’assurer une

meilleure coordination dans la défense des intérêts de l'Etat.

4. En ce qui concerne les ressources humaines de l'Agence

Dans ce domaine, la Cour recommande la création d’un corps spécifique des cadres de

l’Agence bénéficiant d’un statut particulier, et ce en raison de la nature des missions qui leur

seront dévolues et qui consistent en l’assistance, le conseil et l’expertise juridique, en plus de

la défense juridique de l'Etat devant les tribunaux du Royaume et devant les instances

d'arbitrage nationales et internationales. Ces cadres doivent jouir, pour l’exercice de leurs

fonctions, des mêmes garanties dont disposent les avocats.

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Ce corps doit bénéficier d’un statut moral et financier encourageant et être renforcé par des

spécialistes hautement qualifiés dans diverses spécialités juridiques, tout en mettant l’accent

sur la formation continue de ses cadres comme il est d’usage dans ce domaine au niveau des

pays développés.