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I.F mag N#7

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French free cultural magazine. About contemporary art, design, fashion, music, poesy... Distributed in 10 000 copies in France, Switzerland, Belgium & Canada.

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L’EDITOO7 / Pour ce septième numéro, une thématique s’imposait à grands

coups de gun et de cigüe. Loin des sept merveilles du monde, des sept

nains, des sept péchés capitaux, des sept jours de la semaine, des sept

mers, des sept archanges de Dieu, des sept rayons de la couronne de

la statue de la Liberté, des sept ans de malheur, des sept branches du

chandelier, des sept chakras, des sept têtes de la bête de l’Apocalypse,

nous avons enfilé nos bottes de sept lieues et nous sommes laissés

guider par quelques hautes instructions.

Notre mission : éditer un numéro 007, diffusé gratuitement dans l’hexa-

gone et les contrées francophones mitoyennes, avec pour thème de

prédilection : Agent double. Après une synchronisation parfaite de nos

montres et un p’tit cocktail Molotov sans glace, notre tendance

schizophréne a révélé l’espion qui sommeillait en nous. Le poil lus-

tré, la chemise repassée, les lobes parfumés, nous vous proposons

de vous montrer notre côté amicalement vôtre opposant volontiers

le Dandy au trendy, l’Aston Martin à la Corvette, ou encore la Chatte

Mathilde Carré à la courtisane Mata Hari. Tout est affaire de style.

I APPROUVE

L’EDITOO7 / Pour ce septième numéro, une thématique s’imposait à grands

coups de gun et de cigüe. Loin des sept merveilles du monde, des sept

nains, des sept péchés capitaux, des sept jours de la semaine, des sept

mers, des sept archanges de Dieu, des sept rayons de la couronne de

la statue de la Liberté, des sept ans de malheur, des sept branches du

chandelier, des sept chakras, des sept têtes de la bête de l’Apocalypse,

nous avons enfilé nos bottes de sept lieues et nous sommes laissés

guider par quelques hautes instructions.

Notre mission : éditer un numéro 007, diffusé gratuitement dans l’hexa-

gone et les contrées francophones mitoyennes, avec pour thème de

prédilection : Agent double. Après une synchronisation parfaite de nos

montres et un p’tit cocktail Molotov sans glace, notre tendance

schizophréne a révélé l’espion qui sommeillait en nous. Le poil lus-

tré, la chemise repassée, les lobes parfumés, nous vous proposons

de vous montrer notre côté amicalement vôtre opposant volontiers

le Dandy au trendy, l’Aston Martin à la Corvette, ou encore la Chatte

Mathilde Carré à la courtisane Mata Hari. Tout est affaire de style.

Ne cherchez plus la doublure parfaite, vous l’avez entre vos mains,

néanmoins, ce cahier culturel ne s’autodétruira pas dans quelques

secondes (hé non !), vous pourrez même le garder précieusement, voire

en collectionner chacun des numéros. Comme à nôtre habitude, nous

vous avons concocté une petite décoction d’articles, de chroniques,

interviews et portfolio qui - c’est une promesse - ne reviendront ni sur

le cas Nabila, ni sur toute autre actu. digne de ce nom !

IF mag est une revue culturelle gratuite, semestrielle et thématique,

diffusée à 10 000 ex. Elle est initiée, portée et réalisée par la Brigade A4

+ sa petite bande d’électrons libres sans lesquelles elle ne serait pas.

DESIGN_/

©David Coste

AGENT DOUBLE / DOUBLE JE

Pool design studio / S.T.Q.T.V.M, Souviens toi que tu vas mourir,.

Studio Gvesner / lampe PHANTOMENAL III

Joao Sabino / Nut Biter ©Jo

aoSabi

no

©gvesner

©BenjaminLeDu

©alfredoDanteVallessi

par

Sylvain Bouyer

PRESIDENT/ /

Ah ! Ce monde de la transparence où l’on fuit l’opacité, où tout est visible et ne sera plus jamais invisible. Il faut dire ce que l’on est, ce que l’on fait. Jamais caché, mais toujours discret, jouer de cette fausse humilité, stérile, faire disparaître les signes, effacer les traces. Quelles histoires aurons nous à raconter ? Quelles seront ces choses qui dépassent, ces indices éparses de notre existence, ceux qui enchantent nos vies et déchantent aussi ! Ceux qui sont les acteurs de notre quotidien, et deviennent les initiateurs obscurs de nos devenirs. Il n’y a plus de corps, complexes, il n’y a plus de structures im-plicites, où est passée la forme cachée des choses ? Tout se voit et tout doit être vu, tout se dit et tout doit être su. Malheur aux prétendants qui n’auraient pu afficher patte blanche ou prouver leur innocence ! C’est l’ordre politique, l’ordre des choses, plus rien n’existe tortueux, tout doit être et demeurera immaculé, pur, imperturbable, stable, inerte …

Il faut croire que l’on se méfie du vide et que le meil-leur moyen d’y échapper reste encore de le devancer. Plus vite apprivoisé et plus vite oublié. C’est le vide par profusion, foisonnement du tout et de son contraire, le « temps-danse » sur une réalité sans idée, une actualité sans virtualité. « Un vide plein » qui regorge d’informations de surfaces, sans fond, d’activités répétitives, mécaniques, de faux mou-vements. L’illusion d’une complexité maîtrisée qui n’est en fait qu’un grand manque d’idée.Dans un repli organique désespéré, on tente de se rac-crocher, de trouver du sens. Tout ce qu’on nous offre, c’est du vide, de la morale et des images prémâchées ! Du conformisme pour nous rassurer et pour oublier ne serait-ce qu’un instant et pourquoi pas plus longtemps cette réalité. C’est du désengagement. A force de vider nos espaces de vie, de purifier nos environnements on prend le risque de perdre le goût des choses et même des choses simples. On se retrouve impuissant face à ce mur de la transparence. On perd le bonheur d’être là, ici et maintenant, simplement parce que ça n’a plus de sens, parce qu’on nous le fait savoir en nous imposant le toujours mieux ailleurs. Il n’y a plus de prise. Ces espaces diffus nous incitent à faire de nos vies et de nos corps des images, qui jamais ne nous permettrons de durer, sinon pour quelques exceptions sous la forme d’images persistantes, comme ces icônes auréolées.

Rui Pereira and Ryosuke Fukusad / furniture tasting

Oops Home / Calf & Half

©fred

On détruit nos « savoir-faire » parce qu’il nous suffit de « faire-savoir ». On perd la matière à raconter, on perd la mémoire. Si créer c’est résister, alors résister au vide de la transparence c’est créer de l’ambiguïté, s’immiscer, offrir et provoquer des brèches, laisser et refuser l’imposé. C’est imaginer et partager, autoriser le flou, remettre du cœur à l’ouvrage, du rire dans nos vies, du vivant dans notre réa-lité. Il s’agit bien de répondre à une question : sommes-nous encore capables de transformer ce réel ? Sommes-nous encore capables de ré-enchanter nos vies ? Puisqu’il faut vivre avec son temps, rien ne nous empêche de tenter le détournement. Pour s’amuser un peu et puis pourquoi pas à chaque instant ! Cela nous permettra de reprendre les choses en main, de saisir un peu mieux notre quotidien. Cela peut paraître dérisoire, mais tout est une question de point de vue. Il ne nous manque que des endroits pour le vivre, des objets pour le réaliser. Au détour d’une biennale Stéphanoise, et au cœur d’une œuvre elle-même, l’exposition ‘Vous voulez rire’ de Ben-jamin Girard nous redonne le goût des choses. Enfin, on prend le temps. On prend le temps de se poser des ques-tions sur nos vies, tout en s’amusant ! Installés pour l’occa-sion dans les dédales monolithiques de l’église Le Corbu-sier à Firminy, des objets nous donnent envie. Une belle envie de raconter des histoires, drôles, bizarres… mais des histoires !

Oops Home / Mustachifier

©fred

DESIGN_/

4

Juliette porte une bague «diamant» en porcelaine Violaine Ulmer, 90 € et des ciseaux «hay», la petite papeterie française 14 €.

Défense

Juliette porte une bague «diamant» en porcelaine Violaine Ulmer, 90 € et des ciseaux «hay», la petite papeterie française 14 €.

attaque

attaque

attaque

attaque

attaque

attaque

Iris Legendre

©irisLegendre

9

«Je n’ai pas de postulat idéologique. Je bidouille,

je bricole en permanence. Il n’y a pas de démarche

de ma part, de convaincre les gens que j’ai raison

et que c’est super ce que je fais. A notre époque, il

y a une peur latente de l’échec. Je ne me contrains

pas à faire des choses qui ne me tentent pas. En cas

d’échec, il n’y a aucune raison de s’eff ondrer. Les

gens s’autocensurent avec ce� e peur immatérielle,

comme une autorité qui plane. Il y a eu le World

Trade Center qui était annonciateur de ce� e peur,

matérialisée par l’image mais qui n’existe pas

vraiment d’un point de vue concret. Ces tours se

sont eff ondrées, mais tu rentres chez toi, foncièrement

rien n’a changé. Il n’y a personne qui t’a� end pour

t’égorger. C’est plus une projec� on pornographique

de la peur, qui est répé� � ve, présente, et qui te

pousse à avoir peur d’avoir peur.

C’est la caricature de ce qui nous arrive, mais c’est

déjà présent dans le quo� dien, par rapport à la crise

et à la jeunesse. Ce� e société a peur de sa jeunesse,

et c’est le premier symptôme de sa maladie, elle

fantasme un truc sur les jeunes qui sont violents, qui

violent des meufs dans des caves.

Qu’est-ce qu’on nous montre des musulmans et

de l’Islam ? Il y a des millions de musulmans, mais

qu’est-ce qu’on voit ? On voit des mecs qui se font

sauter, qui égorgent les journalistes. Les musulmans

ennemis, avec les yeux crevés et des sales gueules.

La pression collec� ve est ultra effi cace et rapide. La

haine qu’il y a eu des juifs pour arriver à l’holocauste,

ça a pris des siècles. Comment c’est possible d’arri-

ver à ce stade de condamna� on ? A l’époque il était

de bon ton d’être an� sémite, dans les années 30,

l’aff aire Dreyfus tout ces machins… tu te demandes

comment on peut arriver à condi� onner les foules. Le

Rwanda, le Cambodge, ça me fascine, ça ne cesse

pas de me ques� onner. Comment un mec se réveille

un jour et va découper son voisin à la mache� e ?

C’est ce mécanisme de propagande qui est fou.

Aujourd’hui il est diff érent, on nous off re la bonne

conscience an� -raciste, écologique qui permet

d’évacuer toutes nos pulsions.

Mon boulot parle de ça en fait. Ce problème de

diriger une idée. Avant c’était simple, il y avait le

bloc de l’est, le bloc de l’ouest, les idées étaient

claires, il y avait la gauche, la droite. Maintenant, c’est un

bordel sans nom. J’ai mis des années à comprendre

ce qui m’énervais et que je devais m’intégrer dans ce

système pervers. Je ne suis pas un intellectuel au sens

Sartrien. Je ne suis pas Baudrillard quand je cri� que

la société de consomma� on, moi je suis né dedans,

j’ai été contaminé, je n’ai pas son regard extérieur.

D’où l’ironie dans ce que je propose, vu que je ne

me mets pas à part. Au contraire, je donne ce que

j’ai reçu et je n’ai pas peur de dire que j’ai éprouvé

du plaisir. C’est compliqué ce truc, parce que ça

demande du temps. Quand je parle de temps, c’est

le temps d’arriver à intégrer les idées inconscientes

que j’avais, les formuler, les comprendre et à travers

elles, comprendre qui je suis, et ne surtout pas être

un donneur de leçon.

Je n’ai pas envie de donner un point fi nal mais au

contraire, d’ouvrir tout en permanence. Accepter

que t’es un animal mais que t’as une conscience,

donc t’es pas vraiment un animal.

Quand tu lis Dostoievski, et la complexité de ses

personnages, tu comprends que tu n’es qu’un pauvre

con. Il a réussi à dire qu’à la fois un mec est bien et

naze, et en fait c’est qui ce mec, c’est moi. Qu’est-ce

qu’on est d’autres que des pauvres cons qui se pro-

je� ent. On court tous derrière ce qu’on voudrait

être. On scénarise nos vies, on a une vision hyper

héroïque du genre humain, on pense que le méchant

va perdre à la fi n parce qu’on a tous vu Disney.

TchussWinshluss

Ben et Fred, nos reporters sans fron� ères, a poussé pour nous, les portes du fes� val

d’Angoulême. Entre deux pages de lecture Bdesque, il a croisé les chemins de Jon

McNaught, Benoît Preteseille et de Winshluss, avec lequel il a pu échanger deux trois

banalités… A� en� on, concentré de bonne humeur !

Maintenant, t’es en permanente représenta� on avec

les réseaux sociaux, t’as plus le temps d’avoir de

jardins secrets, d’imaginaire. C’est en train de

disparaître. Quand tu fais disparaître l’imaginaire,

tu fais disparaître l’utopie, et quand tu fais disparaître

l’utopie, tu fais disparaître le poli� que. L’imaginaire

c’est aussi une pensée poli� que, vu que tu arrives

à analyser ce qui se passe et à rêver au meilleur. Ce

qui reste, ce sont les gens qui se réfugient de manière

pulsionnelle dans des niches comme le bio, qui sont

confortables parce qu’elles ne touchent à rien de

grave. Je n’ai pas une vision romanesque

à la Jaurès. Ce qui m’intéresse,

c’est l’individu, pas la masse

« France ». Je ne parle que

de gens que je connais. Les gens

que je touche, sont des gens que je

connais. La plus grande honnêteté c’est

de parler de toi et de ce que tu connais.

Au delà du cercle de l’inconnu, tu t’arrêtes

parce que ça devient indécent. Les gens

qui te touchent en li� érature ou autres,

ce sont les gens qui parlent bien d’eux. J’ai fait ce

choix de parler aux gens, donc je m’accorde pour

avoir une forme lisible. Je ne suis pas ce qu’on peut

appeler un ar� ste névrosé. Je viens d’un monde

prolo, pas vraiment ésotérique. Je suis plus a� aché

aux gens que lorsque j’étais jeune. Des gens avec

lesquels je devrais ne rien avoir à faire, parce que

pas du même milieu, me séduisent. Rencontrer

des gens, des personnalités, ça permet de t’oxygéner

vachement. Travailler avec les gens implique l’idée

d’une porte ouverte, je ne veux pas imposer ma

vision. J’aime être surpris par les autres.

Être révolu� onnaire à notre époque, c’est prendre

son temps, ne pas être effi cace. L’acte révolu� onnaire,

c’est juste l’envie de se dire « je veux faire comme

ça », et de le faire. Si tu ne le fais pas, t’es un con,

parce que la sa� sfac� on que tu en re� res, pendant

l’eff ort est immense. Le but m’intéresse moins que

le parcours, c’est pour ça que j’en suis où j’en suis.

Je n’ai jamais amor� le succès. Je me lance dans

des entreprises périlleuses, et je me fous du résultat.

Ca c’est contre-culture. Ce qui m’étonne, c’est de

ne pas fi nir par me fa� guer et vouloir amor� r,

mais je suis de plus en plus en colère et énervé.

J’ai accumulé des connaissances, et j’arrive à viser

dans la tête du coup. En ayant acquis la technique,

c’est une forme de renouveau. L’effi cacité remplace

l’énergie. Le drame, c’est qu’on sait qu’on va vers le

pire. Je parle à des gens qui le savent déjà.

Le capitalisme est un problème systémique. TINA.

There is no alterna� ve. Mais

les mecs sont allés sur la Lune,

je pense qu’on peut trouver

une alterna� ve entre le Kolkhoze et

Wall Street. On se dirige peu à peu

vers la dispari� on de la classe moyenne

et à un moment, le pauvre pète tout

puisqu’il n’a plus rien à perdre.

Le poli� que a disparu, il est juste dans la

communica� on. On a déjà eu une guerre

mondiale, ensuite on a eu Regan et Tatcher qui

con� nuent de laminer tout. La crise a commencé

en 33. Liberté, Egalité, Fraternité, quelle vaste

fumisterie. Je reproche pas aux mecs d’avoir des

tunes, mais qu’on arrête de dire qu’on a tous la

même chance. Moi j’ai eu la chance d’être blanc.

Des potes arabes j’en ai eu plein, mais la chance

qu’ils ont eu, c’est celle d’aller en taule ou d’aller

vers la religion. On leur a enlevé la dignité. Mais t’as

quoi comme choix ? Tu crois que les mecs ils vont

lire Proust ?

J’ai illustré des contes et j’ai fait ma version de la

pe� te fi lle aux allume� es, ce conte m’a trauma� sé

quand j’étais gosse. Elle a un bidon d’essence et

elle fout le feu à la ville le soir de Noël. Mais c’est

comme ça que ça doit se terminer. C’est la violence

de la société. Comment ça peut se terminer autrement ?

On demande aux gens d’être civiques alors qu’ils

se comportent comme des porcs avec eux. On

Etre revolutionnaire a notre Epoque

c est prendre son temps ne pas etre efficace

© Winshluss

«Je n’ai pas de postulat idéologique. Je bidouille,

je bricole en permanence. Il n’y a pas de démarche

de ma part, de convaincre les gens que j’ai raison

et que c’est super ce que je fais. A notre époque, il

y a une peur latente de l’échec. Je ne me contrains

pas à faire des choses qui ne me tentent pas. En cas

d’échec, il n’y a aucune raison de s’eff ondrer. Les

gens s’autocensurent avec ce� e peur immatérielle,

comme une autorité qui plane. Il y a eu le World

Trade Center qui était annonciateur de ce� e peur,

matérialisée par l’image mais qui n’existe pas

vraiment d’un point de vue concret. Ces tours se

sont eff ondrées, mais tu rentres chez toi, foncièrement

rien n’a changé. Il n’y a personne qui t’a� end pour

t’égorger. C’est plus une projec� on pornographique

de la peur, qui est répé� � ve, présente, et qui te

pousse à avoir peur d’avoir peur.

C’est la caricature de ce qui nous arrive, mais c’est

déjà présent dans le quo� dien, par rapport à la crise

et à la jeunesse. Ce� e société a peur de sa jeunesse,

et c’est le premier symptôme de sa maladie, elle

fantasme un truc sur les jeunes qui sont violents, qui

violent des meufs dans des caves.

Qu’est-ce qu’on nous montre des musulmans et

de l’Islam ? Il y a des millions de musulmans, mais

qu’est-ce qu’on voit ? On voit des mecs qui se font

sauter, qui égorgent les journalistes. Les musulmans

ennemis, avec les yeux crevés et des sales gueules.

La pression collec� ve est ultra effi cace et rapide. La

haine qu’il y a eu des juifs pour arriver à l’holocauste,

ça a pris des siècles. Comment c’est possible d’arri-

ver à ce stade de condamna� on ? A l’époque il était

de bon ton d’être an� sémite, dans les années 30,

l’aff aire Dreyfus tout ces machins… tu te demandes

comment on peut arriver à condi� onner les foules. Le

Rwanda, le Cambodge, ça me fascine, ça ne cesse

pas de me ques� onner. Comment un mec se réveille

un jour et va découper son voisin à la mache� e ?

C’est ce mécanisme de propagande qui est fou.

Aujourd’hui il est diff érent, on nous off re la bonne

conscience an� -raciste, écologique qui permet

d’évacuer toutes nos pulsions.

Mon boulot parle de ça en fait. Ce problème de

diriger une idée. Avant c’était simple, il y avait le

bloc de l’est, le bloc de l’ouest, les idées étaient

claires, il y avait la gauche, la droite. Maintenant, c’est un

bordel sans nom. J’ai mis des années à comprendre

ce qui m’énervais et que je devais m’intégrer dans ce

système pervers. Je ne suis pas un intellectuel au sens

Sartrien. Je ne suis pas Baudrillard quand je cri� que

la société de consomma� on, moi je suis né dedans,

j’ai été contaminé, je n’ai pas son regard extérieur.

D’où l’ironie dans ce que je propose, vu que je ne

me mets pas à part. Au contraire, je donne ce que

j’ai reçu et je n’ai pas peur de dire que j’ai éprouvé

du plaisir. C’est compliqué ce truc, parce que ça

demande du temps. Quand je parle de temps, c’est

le temps d’arriver à intégrer les idées inconscientes

que j’avais, les formuler, les comprendre et à travers

elles, comprendre qui je suis, et ne surtout pas être

un donneur de leçon.

Je n’ai pas envie de donner un point fi nal mais au

contraire, d’ouvrir tout en permanence. Accepter

que t’es un animal mais que t’as une conscience,

donc t’es pas vraiment un animal.

Quand tu lis Dostoievski, et la complexité de ses

personnages, tu comprends que tu n’es qu’un pauvre

con. Il a réussi à dire qu’à la fois un mec est bien et

naze, et en fait c’est qui ce mec, c’est moi. Qu’est-ce

qu’on est d’autres que des pauvres cons qui se pro-

je� ent. On court tous derrière ce qu’on voudrait

être. On scénarise nos vies, on a une vision hyper

héroïque du genre humain, on pense que le méchant

va perdre à la fi n parce qu’on a tous vu Disney.

TchussWinshluss

Ben et Fred, nos reporters sans fron� ères, a poussé pour nous, les portes du fes� val

d’Angoulême. Entre deux pages de lecture Bdesque, il a croisé les chemins de Jon

McNaught, Benoît Preteseille et de Winshluss, avec lequel il a pu échanger deux trois

banalités… A� en� on, concentré de bonne humeur !

Maintenant, t’es en permanente représenta� on avec

les réseaux sociaux, t’as plus le temps d’avoir de

jardins secrets, d’imaginaire. C’est en train de

disparaître. Quand tu fais disparaître l’imaginaire,

tu fais disparaître l’utopie, et quand tu fais disparaître

l’utopie, tu fais disparaître le poli� que. L’imaginaire

c’est aussi une pensée poli� que, vu que tu arrives

à analyser ce qui se passe et à rêver au meilleur. Ce

qui reste, ce sont les gens qui se réfugient de manière

pulsionnelle dans des niches comme le bio, qui sont

confortables parce qu’elles ne touchent à rien de

grave. Je n’ai pas une vision romanesque

à la Jaurès. Ce qui m’intéresse,

c’est l’individu, pas la masse

« France ». Je ne parle que

de gens que je connais. Les gens

que je touche, sont des gens que je

connais. La plus grande honnêteté c’est

de parler de toi et de ce que tu connais.

Au delà du cercle de l’inconnu, tu t’arrêtes

parce que ça devient indécent. Les gens

qui te touchent en li� érature ou autres,

ce sont les gens qui parlent bien d’eux. J’ai fait ce

choix de parler aux gens, donc je m’accorde pour

avoir une forme lisible. Je ne suis pas ce qu’on peut

appeler un ar� ste névrosé. Je viens d’un monde

prolo, pas vraiment ésotérique. Je suis plus a� aché

aux gens que lorsque j’étais jeune. Des gens avec

lesquels je devrais ne rien avoir à faire, parce que

pas du même milieu, me séduisent. Rencontrer

des gens, des personnalités, ça permet de t’oxygéner

vachement. Travailler avec les gens implique l’idée

d’une porte ouverte, je ne veux pas imposer ma

vision. J’aime être surpris par les autres.

Être révolu� onnaire à notre époque, c’est prendre

son temps, ne pas être effi cace. L’acte révolu� onnaire,

c’est juste l’envie de se dire « je veux faire comme

ça », et de le faire. Si tu ne le fais pas, t’es un con,

parce que la sa� sfac� on que tu en re� res, pendant

l’eff ort est immense. Le but m’intéresse moins que

le parcours, c’est pour ça que j’en suis où j’en suis.

Je n’ai jamais amor� le succès. Je me lance dans

des entreprises périlleuses, et je me fous du résultat.

Ca c’est contre-culture. Ce qui m’étonne, c’est de

ne pas fi nir par me fa� guer et vouloir amor� r,

mais je suis de plus en plus en colère et énervé.

J’ai accumulé des connaissances, et j’arrive à viser

dans la tête du coup. En ayant acquis la technique,

c’est une forme de renouveau. L’effi cacité remplace

l’énergie. Le drame, c’est qu’on sait qu’on va vers le

pire. Je parle à des gens qui le savent déjà.

Le capitalisme est un problème systémique. TINA.

There is no alterna� ve. Mais

les mecs sont allés sur la Lune,

je pense qu’on peut trouver

une alterna� ve entre le Kolkhoze et

Wall Street. On se dirige peu à peu

vers la dispari� on de la classe moyenne

et à un moment, le pauvre pète tout

puisqu’il n’a plus rien à perdre.

Le poli� que a disparu, il est juste dans la

communica� on. On a déjà eu une guerre

mondiale, ensuite on a eu Regan et Tatcher qui

con� nuent de laminer tout. La crise a commencé

en 33. Liberté, Egalité, Fraternité, quelle vaste

fumisterie. Je reproche pas aux mecs d’avoir des

tunes, mais qu’on arrête de dire qu’on a tous la

même chance. Moi j’ai eu la chance d’être blanc.

Des potes arabes j’en ai eu plein, mais la chance

qu’ils ont eu, c’est celle d’aller en taule ou d’aller

vers la religion. On leur a enlevé la dignité. Mais t’as

quoi comme choix ? Tu crois que les mecs ils vont

lire Proust ?

J’ai illustré des contes et j’ai fait ma version de la

pe� te fi lle aux allume� es, ce conte m’a trauma� sé

quand j’étais gosse. Elle a un bidon d’essence et

elle fout le feu à la ville le soir de Noël. Mais c’est

comme ça que ça doit se terminer. C’est la violence

de la société. Comment ça peut se terminer autrement ?

On demande aux gens d’être civiques alors qu’ils

se comportent comme des porcs avec eux. On

Etre revolutionnaire a notre Epoque

c est prendre son temps ne pas etre efficace

© Winshluss

Propos recueillis par Benjamin Böhle Roitelet et Frédéric Mascaras lors du Fes� val Interna� onal de la BD d’Angoulême 2013.

Winshluss en 2, 3 mots.

Né en 1970 à La Rochelle. Nom iden� taire : Vincent Paronnaud. Trait : acéré. Propos : noir et cynique. Première publica� on : Les aventures de Miguel, 1995.

Il travaille dés 1997 pour les revues Jade, Ferraille,

Hopital Brut et collabore avec les albigeois Les

Reguins marteaux, Cizo pour l’Associa� on, et

les montpelliérains de Six pieds sous terre.

Dix ans plus tard, il reçoit le Prix du Jury du Fes� val

de Cannes, aux côtés de Marjane Satrapi pour

Persépolis, et gagne 2 Césars en 2008, Meilleur

premier fi lm et Meilleure adapta� on, et une

nomina� on aux Oscars 2008 dans la catégorie

Meilleur fi lm d’anima� on. En 2009, il reçoit le

Fauve d’Or, Prix du meilleur album au Fes� val

Interna� onal de la BD d’Angoulême pour son

Pinocchio. Il expose actuellement jusqu’au 10

novembre 2013, à la Galerie des Jouets du Musée

des Arts Décora� fs de Paris : Winshluss, un

monde merveilleux.

© Winshluss

© Winshluss

leur demande d’être serviles,

pas civiques. Prendre Hitler et

en faire un démoniaque, c’est une

erreur, c’est l’humaniser et se rendre

compte qu’il est au centre d’une névrose

na� onale. Au moment x, il y a le peuple allemand qui

a été nourri par une haine protestante. Et après est

arrivée en France ce� e jalousie, ce� e haine, mais tout

le monde ne s’est pas comporté comme des porcs.

C’est ça de se demander ce qu’est l’humain, comme la

chanson de JJ Goldmann, qu’est-ce que j’aurais fait ?

L’enjeu, c’est juste de se ques� onner plutôt que de

balancer des lieux communs en permanence. Je veux

pas tomber dans le « tous pourris », mais en France,

on n’a jamais tué le Roi, on est dans une société très

aristocra� que. Ca fonc� onne par cercles, et après ce

sont des passe-droits. Tu regardes B. Tapis, le mec

se bat toute sa vie, il a sa place et il ferme la porte à

double tour. Le système de Bonaparte c’est juste une

autre formule de royauté. On te vend une idée d’une

société où tout le monde a ses chances. Je pense

qu’aux moments des mouvements sociaux, de Jaurès,

Blum, les actes poli� ques forts comme les congés

payés, ça existait vraiment. Mais maintenant, depuis

l’aboli� on de la peine de mort, il n’y a plus d’actes

poli� ques. Un acte poli� que, c’est être contre nature

par rapport à un contexte donné ».

© Winshluss

Un indice : dans la famille des instruments à vent, je de-mande le Père tout puissant. Top. Composé de tuyaux alimentés par une soufflerie, accordé suivant une gamme, je donne du son grâce aux facteurs, professionnels qui m’imaginent, me construisent, m’entretiennent, m’accordent, me réparent, me restaurent. On me joue via un clavier et un pédalier. Je suis de genre masculin au singulier, mais je partage avec les mots amour et délice, la particularité de pouvoir être masculin ou féminin au pluriel. Je suis, je suis ?

L’orgue, un instrument de musique que l’on assomme de cli-chés et que nous écartons de notre quotidien. Pourtant à sa création au II° siècle, il était complètement intégré aux évènements de la vie en société. De son nom originel hydraulos (car fonctionnant par pression hydraulique), il est tout de suite adopté par ses contemporains, et se lie à la danse, aux combats de luttes, aux banquets, aux ar-mées, et évidemment à l’orchestre. L’orgue a su s’adapter au fil des siècles à la musique et aux évolutions technolo-giques de chaque époque, ainsi qu’aux cultures des pays où il se trouvait. « L’orgue est vivant ». Et c’est à Toulouse, capitale européenne de l’orgue, que se déroule chaque année depuis 1996 : le Festival international Toulouse les Orgues. Dans une ville qui compte une trentaine d’orgues dont neuf classés monuments historiques, le festival permet

Montrez-moi cet orgue que je ne saurai voir.

©Pat

rick

Gali

bert

©Pat

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Gali

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de découvrir ou de redécouvrir un patri-moine reconnu dans le monde entier. Ve-nez contempler , disséminés à travers la ville l’orgue symphonique de la basilique Saint-Sernin, l’orgue italien de la chapelle Sainte-Anne, l’orgue baroque allemand du musée des Augustins ou l’orgue clas-sique français de Saint-Pierre des Char-treux. V° siècles de musique peuvent ainsi être joués.

La force de ce festival est de savoir faire vivre l’orgue de façon contemporaine en s’ouvrant au grand public et en pro-posant des spectacles où se mêlent la musique, la danse, le théâtre, le cinéma...

La 18e édition du Festival met égale-ment en avant les jeunes talents avec un temps fort : le 11e concours international d’orgue Xavier Darasse. Organisé tous les 3 ans, il offre la possibilité à 12 can-didats issus de la scène internationale actuelle, de défendre devant le public leur projet musical.

Dans cette volonté d’ouverture, l’asso-ciation Toulouse les Orgues a mis au point des orgues démontables et trans-portables, afin d’amener cet instrument dans les écoles, les hôpitaux, auprès de publics fragilisés...

L’orgue met tous les sens en émoi : le corps tout entier est percuté par le jeu de vibrations quasi ésotérique que l’on confère volontiers à l’instrument. L’orgue c’est éprouvant. L’orgue c’est épatant. L’orgue c’est stimulant ! En point d’orgue filez tous admirer ces chefs d’œuvre du-rant le «Festival International Toulouse les Orgues», et à tous moments.

Du 09 au 20 octobre à Toulouse. Le site de l’association Toulouse les Orgues / www.toulouse-les-orgues.org

©Thoma

sGuillin

CECI EST

L’ARTICLE NUMERIQUE

EN NUMERIQUE.

NUMERIQUE_/Damien Tenenbaum

Cyril Conton

télécharger l’illustration de Tobegote

en fond d’écran sur /

ifmagazine.fr

©Tobegote

Espionne est un métier moulé. Je parle de la combinaison

bien sûr! Ce genre de caprice vestimentaire vous interdit

l’absortion de denrée de base comme : les pâtes,

le nutella, les cacahuètes grillées et tout ce qui fait

que le monde chante et danse. La combinaison, c’est

esthétiquement impactant, mais fort peu adapté à des

conditions extrêmes telles que la pluie au mois de Juin

( pour nos lecteurs étrangers, se référer à Météo France

sur la période Mars / Juin 2013 ). Dans un soucis

de santé publique, je m’attaquerai donc à la tenue

de survie d’une espionne évoluant dans un milieu

aquatique : combat main à main avec un requin,

course poursuite dans un hors-board doré... ou de nous,

pauvres mortels amis du parapluie toujours.

Mon expertise : le néoprène

Le néoprène / est un polymère fabriqué à partir du

monomère chloroprène / est la matière de référence des

plongeurs frileux / est la nouvelle matière à la mode.

Sorti de son contexte sportico-aqueux, le néoprène

a envahi les podiums. Nicolas Ghesquière, alors direc-

teur de création de la maison de couture Balenciaga,

fut le premier à exploiter cette matière structurante

et à composer des silhouettes radicales et guerrières :

du néoprène enchassé entre deux tissus chatoyants

formant un écrin doux et architecturé. Chanel, Marc

Jacobs intégrèrent également cette «nouvelle» matière

à leur collection. Démocratisé par les désigners, adoubé

par le monde de la mode, le néoprène envahit peu à

peu les rayons de Zara, d’H & M et d’Others stories, le

nouveau venu, qui le travaille sous forme d’accessoires :

pochettes et sacs colorés parfaits pour tous ceux qui

n’ont pas de double identité.

WETWETWET

WETWETWET

par

Nolwenn

DURAND

©Chane

l

©AlbaPrat

Boy / Chanel

Alba Prat / Synthetic Ocean

Mode _/

Pour les espionnes amenées à se

camoufler régulièrement (à chaque

emploi ses contraintes). Alba Prat,

designeuse espagnole, a imaginé

pour sa collection Synthetic Ocean,

des carapaces néoprénées,

pensées pour un monde marin

poussé à l’évolution face à une

pollution de plus en plus importante,

où les créatures intégreraient les

déchets plastiques à leur enveloppes.

Tout juste lauréate du Prix du Public

du H&M Design Award 2013 et

travaillant sur une collection intitulée

Syn Chron, la designeuses retranscrit

des sons, tels que ses battements de

coeurs graphiquement sur le textile.

Gageons que cette tête chercheuse

sera glamouriser le monde des agents

secrets.

Fort de tous ces conseils, ne reste

plus qu’à accessoiriser. Comme je ne

vous l’apprend pas, une espionne à

comme son homologue masculin des

gadgets indispensables : rouge à

lèvres microphone, élastique chou-

chou boomerang à mémoire de

forme... Je vous propose la classique

minaudière, si vous n’avez pas de

James à pendre à votre bras, le boy

de Chanel, fera l’affaire, mais pas

celle de votre banquier. A 1000 €

minimum le boitier en plexi : la classe

ça n’a pas de prix.

Immortel !

bonhomme immortel, être invincible…à Manille en course poursuite,

à chevaucher les grosses cylindrées,à l’assaut des empires ennemis !

à Canton, les yeux ténébreux, regard pugnaceà esquiver les missiles à tête chercheuse

sans se plaindre d’un torticolis, d’anémie, ni lumbago à l’horizon…

il ne démord pas l’enragé !ne se détourne pas de son devoir d’infiltré,

de ses fonctions d’indestructible…un héros têtu ce voyageur aguerri !

sur les talons des terroristes,sans vergogne contre mauvaise graine,

coups de lattes aux têtes brulées, balayette manchette sur mégalos, judas…

pas de capitulation plutôt la mise en bière ! se défend comme un lion, affronte sans frisson ;assomme efficacement, fracture lapidairement,

lacère férocement, étrangle élégamment…

©FaustineJacquot

en Sibérie, les chaussures cirées, favoris poivre et sel,il escalade avec aisance les parois d’un ravin insondable ;

gardant son sang froid éternel, son flegme anglais…le costume trois pièce, brushing impeccable !

en Amazonie, il nage avec ardeur contre les courants parmi les piranhas, les dents Colgate dans la mangrove …

le nœud pap, muscle saillant… pas de dérobade !il garde son arrogance facile, réactivité fulgurante,

il désarme ses ennemis sans détour, inflexible à toutes les saisons !à exécuter les missions coûte que coûte, à sermonner malfaisance…

à la Saint-Valentin il plante du Mao, à la Saint-Jean il scalpe du con,à la Toussaint botte le cul d’la pègre, du foutu traître…

sous la brise cinglante, la raie bien centrée,dans un incendie dévastateur, le teint de pêche !

ligoté, brimé, torturé, la peau exfoliée…une ombre discrète, pas de mine défaite !

à Pondichéry, il apprivoise d’la féline en nuisette ;domestique scorpions, vipères, divas en pagaille !

se débrouille en patois Maori, en yiddish… il traduit le latin,dans les poches boussoles, passeports, dirhams, livres, roubles…

couteau suisse dans le caleçon, la sangle dans la chaussette,oreillettes intégrées dans le blaireau à barbe,

parachute camouflé dans les boutons de manchette…non affolé, l’œil net, le geste sûr, la parole nette !

à l’aube de chaque jour, double agent est un dieu…don de mimétisme, d’ubiquité, omnipotent, omniscient,testostérones d’Hercule, phéromones de prédateur,

hormones de crâneur béni, double agent n’a pas fini d’être immortel !

Nicolas Savignat

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I.F MAG LOVEs / /_/ /_

EN VITRINE _ EMMANUELLE MASON

Nous avons offert notre vitrine à une plasticienne française: Emmanuelle Mason. Le deal, nous : un espace, un thème / le hors-champ. Elle : du talent et une œuvre « le chant du cygne », exposée 3 mois dans la vitrine de notre atelier. Depuis quelques années, on note un retour en force du dessin dans les pra-tiques plastiques contemporaines que les artistes, comme Emmanuelle Mason se réapproprient. Elle l’expérimente au moyen du multimédias : le geste dessiné se numérise et se sculpte. On dessine sur le support papier comme dans l’espace, si bien qu’on ne différencie plus trop le dessin de la sculpture. Pour nous, elle pousse encore plus loin la frontière entre la 2° et la 3° dimension, en faisant d’une matière réelle et animale, une image figée : une taxidermie.

Peux-tu nous résumer ton travail en trois mots clés ?

Animalité, Mort, Transfiguration, …

A l’ère du numérique, dessin/sculpture: même combat?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un combat, mais d’une évolution naturelle de l’histoire de l’art. Je fais partie d’une génération qui a eu envie de reprendre le pinceau et le burin, après une période « d’anti-art », c’est-à-dire d’art sans artefact. Tout est une question de ce qu’on a « digéré » ou pas des révolu-tions artistiques du 20e siècle. Ainsi, je pense qu’on peut être plus ringard en faisant une œuvre à grand renfort de code et de capteurs qu’en dessinant…

Pourquoi des animaux morts : un pen-chant fétichiste ?

Le chant du Cygne n’est pas une idole, elle n’est le signe d’aucune puissance extra-mondaine, même pas de l’âme de la bête. En revanche, elle est la peau, la chair et l’os d’un animal qui a été un jour, justement, animé, plein du souffle vital, et qui l’a expiré. Quand je tra-vaille sur les animaux, je travaille aussi sur l’homme, sur notre propre mort, notre

chair, notre devenir viande. Deleuze dira, à propos de Bacon, que « la viande est la zone commune de l’homme et de la bête ».

Le « chant du cygne » fait grincer les dents de certains publics. Quelle est ta part de provo-cation assumée ?

Très sincèrement, lorsque vous m’avez fait part de réactions vives à propos du Chant du Cygne, je ne m’y attendais pas ! Je trouve que la dinde sous cellophane achetée à Carre-four et rôtie à Noël est plus violente et plus choquante que cette sculpture.

Cette oeuvre a-t-elle fini de te faire aimer la viande ?

Cela fait plusieurs années que j’ai du mal à trouver des justifications à manger de la viande. Je continuais à manger un peu de viande, achetée à des petits producteurs lo-caux, y trouvant une justification de continuer. En tannant la peau de l’oie, je suis devenue complètement végétarienne !

Tu enseignes les arts plastiques. Ta double ac-tivité fait-elle évoluer ta pratique artistique ?

La plupart des conseils que je donne à mes étudiants, je ne les suis pas moi même ! Je ne sais pas si l’enseignement fait évoluer ma pra-tique artistique, j’ai plutôt l’impression que je

«Ce

travail

est

la c

ontinuité

naturelle

de m

es d

essins.

Je cherche à créer des

émotions contraires chez le spec-

tateur,

qui

est

à la

fois horrifié par

cette

présenta-

tion crue d’une

dépouille

animale, mais qui

est

aussi

fasciné

par

la beauté,

la finesse

des

plumes,

les

jeux

de lumières dans le ra

mage, la silhouette élégante de la

bête,

dont on hésite à

penser si elle tombe

ou si elle

s’envole,

suspendue

entre

deux monde

finalement.

Il me

semble que

je réitèr

e le geste

millénaire de l’homme

qui

peint

la silhouette de sa proie

sur

la paroi

de sa

caverne.»

Le champ du cygne

mets la même sincérité dans mes deux métiers, et j’investis les deux d’une dimension humaine et militante. Lorsque je suis artiste, je pose un regard esthétique, mais aussi acerbe, critique et actif sur le monde, et c’est ce même regard que j’aide mes étudiants à activer.

Le thème animalier est très en vogue. Ton partenaire idéal : Picard, Spanghero, Ikea, Findus ?

C’est sûr que chez Spanghero, je trouverais certaine-ment beaucoup de « matière première » à mes dessins ! Beurk…

Envisages-tu de taxidermer ton animal de compagnie ?

Mon chat peut être pas, mais j’ai la fâcheuse habitude de faire se momifier les oiseaux qu’il me ramène pour les dessiner ensuite !

La thématique de ce IF numéro 007: agent double. Plutôt Sean ou Roger ?

Sean, of course !

Dernière frivolité ?

Je me suis faite offrir un Ipad pour mon anniversaire…

En vitrine _/©BrigadeA4

MA MAîTRESSE

MA MAîTRESSE

« Woody Allen is James Bond. Peter Sellers is James Bond. Ursula Andress is James Bond. Orson Welles is James Bond. David Niven is James Bond… Casino Royale is too much for one James Bond » scandait la bande annonce de la parodie de 007 de 1967. Si tout le monde est un James Bond en puissance, je ne me suis pas encore transfor-mée en Ursula Andress pendant mon sommeil, alors je rêve éveillée, me répétant cette fameuse tirade bien connue « my name is Bond, James Bond » pour m’en persuader. Je m’interroge : mais quelle est donc la panoplie idéale de l’agent double ? Plutôt la face de Mike Myers binocles à la mon-ture noire + brushing sur chevelure acajou, ou la plastique de Timothy Dalton dans un smoking sombre bien cintré à fort contraste avec le sourire émail diamant ? Le premier offre l’avantage d’être insoupçonnable, le second, insoutenable. Mais quand on ne penche pas vraiment du côté du Lord, le mieux reste de se dissimuler sous de la belle carrosserie. Si vous n’avez pas de bolide garé sous vos fenêtres, optez pour la formule 01 version tuning des pauvres telle que l’a conçu Florian Jenett, ou préférez le bois au carton en vous payant une belle Lincoln Continental année 2011, signée Pascal Rivet.Après avoir bombé le torse et roulé des méca-niques, vous pourrez facilement semer les méchants qui vous coursent, en empruntant une des tran-chées de Michael McGillis. Pensés pour vous repérez hors des sentiers battus, le land artiste recouvre de peinture fluorescente des rondins de bois, disposés les uns sur les autres, en deux rangées qui se font face. Parfaitement empilés jusqu’à hauteur d’épaule, le rondin vous protège, mais vous risquez malgré tout d’être vu. Alors,

Gun baby gun

ART CONTEMPORAIN _/

©Lau

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Duth

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©Mat

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Schm

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©TomPuckey

©MickaelMcGillis

Christelle Familiari

Mathias Schmied

Tom Puckey

Mickael McGillis

à défaut d’avoir le talent d’un Liu Bolin, vous optez pour des cagoules de camouflage. Celles dont il est question, présentent l’avantage d’être doubles elles aussi, conçues par paire vu qu’un James Bond qui se respecte, a forcement une horde de libidineuses prostrées devant sa porte. Le prétexte est tout trouvé pour s’offrir le travail au crochet de Christelle Familiari : une cagoule pour « en-palais » langoureusement son ou sa partenaire ni vu ni connu ; si plus d’affinitées, le slip à pénétration incognito (choisi au hasard dans sa collection d’objets en laine) fera l’affaire.Si malgré toutes ces précautions, des photos compromettantes venaient à circuler, ne faites aucune « proposition qui ne pourrait être refu-sée » à votre maître chanteur. Le mieux, reste de s’adresser à Mathias Schmied, alias les bons tuyaux ! Le roi de la destruction de preuves compromettantes. Ses photos de pin-up effilées par bandes dans sa série Background, ou encore grattées, peinturlurées, flouées (Hypnotic girls, Pin-up skulls, Pin-up text), ont de quoi faire tressaillir Dodo la Saumure. Pour les cas extrêmes, votre animal de compagnie peut lui aussi profiter du droit à l’anonymat diploma-tique en se faisant flouter le portrait par Isobel Wood. Par peur de représailles, vous estimez devoir quitter le territoire. Vous pouvez toujours faire du pied à Alfredo Jaar, qui avait réuni un million de passeports finlandais en 95 pour One million finish passeports afin de dénon-cer la politique restrictive des flux migratoires. Sinon, plan B, ne prenez pas le risque de vous faire repérer et enfilez un des costumes miroir de Josiah McElheny réalisés pour le white cube, Interactions of the abstract body. Cinq structures qui combinent cèdre et vitrines en verre, montées sur des supports métalliques. A échelle humaine, ils se portent comme des accessoires. Soyez assuré que ce ne sera pas vous qui attirerez l’attention. Ainsi accoutré, vous serez parfait pour com-pléter les décors de faux-semblants pensés par Julie Brusley pour ses Cartes postales. Un décor naturel type prairie champêtre, dans lequel elle dispose un décorum artificiel donnant l’illusion du vrai. Désormais prévenus, ne vous étonnez pas de croiser le regard d’une vache immobile au détour d’une escapade fugitive.

ART CONTEMPORAIN _/

Mathias Schmied

Isobel Wood

Julie Brusley

©Iso

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Mais dans ce monde factice à la Truman show, pourrait bien débarquer l’une des espionnes de Thom Puckey, spécialement formées pour tuer. L’arme au poing, ces sculptures de femmes quasi nues aux allures d’héroïnes de jeux vidéo, reprennent les codes des statues an-tiques en marbre. Le contraste entre les formes classiques et la vulgarité des postures est saisissant. Les armes sont braquées sur vous, pas d’autre issue possible que l’affrontement. Pour gagner le combat qui s’annonce d’ores et déjà hostile, rien de tel que de passer en revue toute l’artillerie moderne. Commencez par appréhender les différents modèles via l’Arsenal en papier de Sarah Frost, exposé au P.P.O.W de New-York en 2011. Ensuite, comblez vos lacunes en matière de sports de combat en vous entraînant sur les mannequins de l’américaine Claire Oswalt. Sa série Peril in perfection met en scène des personnages qui vont au clash. Sculptés, leurs membres articulés sont composés de bois et de graphite. Entre jeu de domination et de soumission, cette petite mise en bouche vous donnera une certaine assurance et l’air conquérant. Vous serez fin prêt pour l’instal-lation hight security (Abra-Cadabra Home Security) de Megan Whitmarsch, en feutrine et fils de couleur. Top chrono, c’est le moment de choisir la couleur du fil à couper. Si la rou-lette russe a bien tourné pour vous mais que vous sortez sérieusement amoché de cette folle cavale, vous pourrez toujours appuyer sur la gâchette afin de stopper toutes les souffrances. Les guns mister freeze de Florian Jenett (Freeze revisited) sont aussi efficaces qu’un steak sur les hématomes, c’est artistique-ment prouvé. Après ça, il ne vous restera plus que la voix de la postérité.

par

Aude FOURNIE/ /

©HugoGlendinning

©SarahFrost

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Pascal Rivet

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Mais où sont donc passés les bijoux de la Couronne ? C’est un fait : Sc

otland Yard

n’est plus dans le coup et sa royale altesse n’a qu’à bien se tenir : la pop made in

England n’est plus. Mais où a-t-elle filé ? Leakée, relookée, re-masterisée, la pop s’est

fait la malle en version worldwide. Sur nos jolies côtes, elle se la joue «Yeah Yeah 2.0»

et post-surf, elle se conjugue à nouveau en français. Il y

a deux ans, la Femme avait

ouvert la brèche. Aujourd’hui, «les voiles» appartiennent à Granville, formation

Caenaise qui a réussi, avec «Le slow» à se glisser dans no

s baladeurs fétiches.

Deux félins les suiv

ent de très près : «Bengale» et «Fa

uve». Marines et naïves, ces

ballades néo-rétros nous rappellent la belle époque des Filles et des Garçons.

C’est donc en marinière que se dessine cette nouvelle pop à la française. Un brin

surannée, elle n’en demeure pas moins solaire, enthousiaste et fraîche.

Un peu plus haut, en Laponie, la

pop flirte. Furieuse et décomplexée, elle batifole avec

le rock et l’électro. Le trio K-X-P en est l’un des meilleurs ambassadeurs. Le

ur second

opus «II», signe 40 minutes de chamanisme dark disco, se référant tantôt à des sons

scandinaves (non sans rappeler Efterklang) qu’aux morceaux chorales d’Arcade Fire.

Pour se rapprocher de la pop Anglaise, il faudra se donner rendez vous à Reykjavik.

Là bas, la musique sucrée de Retro Stefson suffit à produire la quantité journalière

de luminosité nécessaire. Idéale contre les petits coups de blues. Mais revenons en

Angleterre. Londres sait tout de même se faire remarquer. A la manière de The XX, Von-

delpark propose une dream pop aérienne minimaliste & mélo convoquant influences

r ’n’b et électro. Mais la grande noblesse nous vient du Sud

, à Brighton avec Tropics.

Ce jeune multi-instrumentiste

produit une chill-wave délicate et complexe dont le

maître mot est Finesse. U

ne force tranquille, d’allure azur mais à l’esprit ouragan.

TRESORS DE GUERRE.

PAR Julien Roche

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MUSIQUE _/

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AU REVOIR

©irisLegendre

Direction artistique / graphisme & photographie / coordination :

Brigade A4

Nolwenn Durand & Aude Fournié / [email protected]

Ont collaboré à ce numéro :

Justine Ricaud, Juliette carrera, paul bousquet, Damien Tenenbaum, Sylvain Bouyer, Julien Roche,

NICOLAS SAVIGNAT, victor galarraga, BENJAMIN bohle-ROITELET,

frederic mascaras, emmanuelle mason, winshluss, Nina Sarradin, toulouse les orgues, cyril conton

& flore ,

illustrateurs : IRIS LEGENDRE P 9 & P 32, TOBEGOTE PAGE CENTRALE, faustine jacquot p 21

Merci à tous nos collaborateurs :

à Nicolas Lecomte pour l’imprimerie Relief Doc qui se plie en quatre pour

cette parution, à tous nos bénévoles et nos bienfaiteurs.