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Couverture, crédit photo : Marie Joly

II. Le public des musiques actuelles

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Couverture, crédit photo : Marie Joly

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IUT de ToursDépartement Carrières Sociales

La démocratisation des musiques actuelles

Quelle prise en compte des politiques publiques ?

Marie JOLYAnnée 2005 Directrice de mémoire : Anne TAILLANDIER

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Sommaire

Introduction................................................................................6

Les musiques actuelles et leur public.........................................9I. Les musiques actuelles.........................................................9

A. Définition..........................................................................................9B. Les secteurs d’activités..................................................................13C. Les associations reconnues des musiques actuelles......................15

II. Le public des musiques actuelles.......................................17A. Les pratiques culturelles des français............................................17B. La composition du public................................................................22

III. Les enjeux des musiques actuelles....................................26A. La place de la musique dans la société..........................................26B. La construction de l’identité...........................................................27C. La culture jeune.............................................................................29

Les musiques actuelles et les politiques culturelles.................33I. Histoire de la culture en France..........................................33

A. André Malraux et la démocratisation de la Culture........................33B. « L’entre deux Mai » : de Malraux à Lang......................................36C. Jack Lang et la démocratie culturelle.............................................37

II. Les musiques actuelles et l’Etat.........................................41A. La lente prise en compte du rock’n’roll..........................................41B. Les actions et les engagements du Ministère................................43C. Organisation du Ministère et budgets des Musiques actuelles.......46

III. Les collectivités de proximité : les chefs de file des musiques actuelles...............................................................................48

A. La décentralisation de la culture....................................................49B. Les régions.....................................................................................50C. Les politiques culturelles des villes et des départements..............52D. Initiatives et engagements............................................................55

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État des lieux des musiques actuelles......................................60I. La diffusion........................................................................60

A. Le disque et la médiatisation.........................................................61B. Les SMAC........................................................................................63C. Les cafés-concerts..........................................................................66D. Les festivals...................................................................................67

II. La formation, l’accompagnement des pratiques amateurs et la création............................................................................68

A. La formation des musiciens............................................................69B. L’accompagnement des pratiques amateurs.................................71C. La création.....................................................................................72D. Les formations de formateurs........................................................74

Conclusion................................................................................78

Annexes....................................................................................81

Bibliographie.............................................................................87

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Introduction

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IntroductionLe milieu des musiques actuelles est essentiellement associatif. Il existe souvent grâce aux militants passionnés et bénévoles qui se battent continuellement pour permettre aux artistes nouvellement professionnels ou en voie de professionnalisation de pouvoir se produire. Ce milieu, bien que pris en compte de plus en plus par les politiques, a toujours et d’autant plus besoin de l’Etat pour se développer face à la demande du public et pour survivre.

L’aménagement du territoire français en équipements culturels est très important mais le pourcentage des salles diffusant des musiques actuelles n’est encore que très minime et insuffisant en milieu urbain, voire négligeable en milieu rural.Les salles existantes rencontrent, pour bon nombre d’entre elles, des difficultés financières avec des subventions qui diminuent ou disparaissent même, des difficultés de fonctionnement avec des emplois souvent précaires.Les problèmes de diffusion ne se limitent pas à un aménagement médiocre du territoire en salles de concerts mais aussi au refus de plus en plus fréquent des cafés-concerts de produire des groupes suite à l’apparition de lois antibruit très répressives. Le café-concert est un lieu clé d’apprentissage pour les musiciens en voie de professionnalisation, et il permet également une programmation de découverte accessible à un public de proximité.

En terme d’enseignement auprès des artistes et d’aide à la gestion de carrière, le nombre de professionnels est quasi inexistant. Les écoles de musique offrant un enseignement des musiques actuelles : rock, rap, électro,… n’existent pas ou alors en milieu associatif. Les écoles municipales de musique ,les conservatoires régionaux ou nationaux sont en nombre impressionnant sur toute la France, mais leur enseignement reste classique, harmonique ou à la limite « jazz », identique à la formation des professeurs et des directeurs.

La privatisation des médias n’aide pas les artistes débutants à percer dans le milieu professionnel. Une bonne communication médiatique facilite l’accès. Les chaînes de télévision privées ou les radios privées et commerciales diffusent majoritairement des artistes connus du grand public, qui n’ont pas nécessairement besoin de telles publicités ou de diffusions répétitives. Les radios et télévisions associatives assurent le plus important de la programmation. Le service public devrait avoir un rôle plus actif. Mises à part les émissions spécialisées de courte durée ou diffusées à des heures tardives, la promotion de petits artistes est illusoire, à la différence de ceux, promus par les grands labels

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internationaux, qui trouvent toute leur place dans les programmes télévisés ou radiophoniques.

Il me semble qu’aujourd’hui, avec l’évolution de la place occupée par les musiques actuelles dans la société, il convient d’avoir une réflexion réelle sur la place qu’elles occupent, de leur prise en compte; d’analyser la reconnaissance des politiques culturelles afin de permettre un meilleur accès aux musiques actuelles.Voilà l’objet de cette étude.

Pour cela, il est fondamental d’avoir une connaissance concrète du secteur des musiques actuelles en France, de son public et des conséquences qu’elles ont sur la société ; puis une conception générale de la politique culturelle française, de son histoire et de sa reconnaissance dans le domaine des musiques actuelles.

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Les musiques actuelles et leur public

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Les musiques actuelles et leur public

I. Les musiques actuelles

A. Définition

Il convient avant tout de se demander quand est apparu le besoin de regrouper des styles de musique différents (on étudiera lesquels par la suite) sous un même terme : celui de musiques actuelles et/ou musiques amplifiées.« L’expression « musiques actuelles » a connu une forme d’officialisation avec le dispositif Scènes de Musiques Actuelles et la commission nationale des musiques actuelles, ainsi qu’avec la création de l’IRMA (centre d’Information et de Ressources pour les Musiques Actuelles) en 1994. »1

Le dispositif SMAC (Scènes de Musiques Actuelles) représente un label produit par le Ministère de la Culture et de la Communication, pour définir les salles de spectacles répondant à différents critères, en partie celui d’accueillir le public de ces musiques.La Commission Nationale des Musiques Actuelles a été créée en 1998 à la demande de Madame Catherine Trautmann, alors Ministre de la Culture et de la Communication, lors du festival des Transmusicales de Rennes pour réfléchir autour de deux axes fondamentaux non économiques : les conditions de création de l’artiste et les garanties de démocratisation pour les publics afin de définir une politique globale, cohérente et spécifique des musiques actuelles.C’est donc pendant la seconde moitié des années quatre-vingt-dix que le besoin d’amalgamer les musiques sous une même appellation est venu. Mise à part la création de l’IRMA, association loi 1901 créée par des militants de la culture non élus ni politisés, on peut conclure que les termes « musiques actuelles » et/ou « musiques amplifiées » sont d’ordre politique, ministériel.Il est vrai que jusqu’alors, il ne semblait pas nécessaire de parler de musiques actuelles ou de musiques amplifiées pour évoquer le rap, la techno et d’autres musiques, alors qu’un bon nombre de ces genres existait déjà. Ils ne sont pas apparus en même temps que le terme « musiques actuelles ».Il est convenable de préciser avant tout chacun des deux termes qui se prévaut continuellement : « musiques amplifiées » et « musiques actuelles » qui définissent souvent les mêmes styles de musique.

1 Flavie VAN COLEN, Education populaire et musiques amplifiées. INJEP, Marly Le Roy, 2002. p.7.

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Les musiques amplifiées reposent sur un procédé d’amplifications sonores et pour lesquelles la notion de son est très importante voire même plus importante que la notion de note. L’électricité est la base d’un certain nombre de ces musiques, le rock’n’roll n’existe pas sans électricité. Marc Touché, sociologue/chercheur au CNRS, donne la définition des musiques amplifiées la plus courante, la plus utilisée aujourd’hui, qui semble faire référence car elle est présente dans plusieurs ouvrages.« Les musiques amplifiées ne désignent pas un genre musical en particulier, mais se conjuguent au pluriel pour simplifier un ensemble de musiques et de pratiques sociales qui utilisent l’électricité et l’amplification sonore comme élément majeur des créations musicales et des modes de vie (transport, stockage, conditions de pratiques, d’apprentissage…). A la différence des musiques acoustiques qui nécessitent l’appoint ponctuel de sonorisation pour une plus large diffusion, les musiques amplifiées sont créées, jouées à partir de la chaîne technique constituée par les micros et la pré amplification (travail sur les fréquences, les effets sonores…) ainsi que l’amplification et les haut-parleurs. S’y côtoient les musiciens de recherche, les diverses formes de rock’n’roll, rap, jazz rock, jazz, hard rock, funk, reggae, chanson, house music, tous révèlent les dérivés de la culture rock. »1

La qualification des musiques comme amplifiées est due à son aspect esthétique, physique : l’amplification. Ce terme rassemble les musiques utilisant l’électricité dans la conception.

L’expression « musiques actuelles » réunit le jazz, la chanson et les variétés, les musiques traditionnelles (ou musiques du monde) et les musiques amplifiées. Pour être plus explicite, elles désignent les musiques rock, électro, pop, reggae, rap, techno, … Le terme musiques actuelles est alors plus généraliste et passe au-dessus de l’aspect esthétique de la musique. Le contresens est au niveau de la qualification « actuelle », elle désigne la musique selon son aspect temporel, alors que certains des genres ne sont pas récents. Le rock date des années 60. L’expression est d’autant plus dépréciative, elle suppose l’idée de périssable, et elle présume le non passé et le non futur. La signification lexicale du terme est différente du sens ministériel que l’on peut lui donner : les musiques actuelles englobent les musiques d’aujourd’hui, celles qui apparaissent et celles qui évoluent.

Un débat sémantique existe depuis l’apparition de ces deux formules. Les musiques telles que le rock, les musiques électroniques, le rap, le reggae, le jazz… sont difficiles à appréhender, elles changent sans cesse d’un point de vue esthétique comme d’un point de vue sémiologique, les étiquettes sont extrêmement diverses et se conjuguent. Il est difficile pour les acteurs du secteur culturel des musiques actuelles (artistes, professeurs, administrateurs) de donner un nom généraliste à des genres qui existent distinctement. Et quel que soit le terme utilisé, l'apparence 1 Marc TOUCHE, cité par Flavie VAN COLEN, op. cit.. p.7.

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dévalorisante est toujours présente car cette catégorisation ne reconnaît pas les spécificités de chaque courant.Mais le temps d’être pragmatique est apparu en même temps que l’expression, le terme a été défini en partie par le Ministère de la Culture et de la Communication dans le souci de créer une politique adaptée. « A partir du moment où un terme est adopté, et même si on y résiste, le fait est que l’expression s’impose et qu’elle définit des mondes. »1

Les musiques évoquées dans cette étude englobent celles de la « culture jeune », qui « a une histoire, des traditions esthétiques, rythmiques, vestimentaires […] elle touche plus de monde que les seuls jeunes »2. La notion « musiques jeunes » n’est pas exacte non plus car, on le verra plus tard, le public des concerts n’est pas spécifiquement jeune. Ces musiques définissent plus toutes les musiques qui ne sont pas savantes – désignant les musiques classiques, contemporaines… qui sont reproduites à partir d’un « texte » précis : la partition - à l’exception du jazz qui a une place particulière dans les musiques actuelles car il laisse une grande part à l’improvisation. On pourrait également parler des musiques qui sont écoutées debout en concert.« Dans le monde des musiques non savantes, rock, etc., il y a quand même une idée répandue, c’est qu’en gros on est plus dans le registre du fun plutôt que dans celui de l’intello. »3

Marc Touché évoquait précédemment les pratiques sociales générées parallèlement aux pratiques musicales.Le lien social généré lors d’un concert est un aspect important des musiques actuelles. En effet dans la majeure partie des concerts que l’on évoque, non seulement le public est debout mais il s’investit souvent fortement en dansant, dans les free parties la danse est l’élément essentiel de la soirée. « Le rôle de la pulsation dans ces musiques-là consiste à distribuer du plaisir pour le corps de ceux qui le font et de ceux qui y participent »4. Le lien social se crée ainsi entre le groupe qui joue sur scène, le meneur qui est un chanteur bien souvent et l’assemblée.Le caractère social créé par une pratique ou une écoute musicale a toute son importance dans le domaine des musiques actuelles par le monde généré autour de celles ci. Une personne pratiquant un style de musique bien précis aime le partager, le vit individuellement ou collectivement. « Aimer la musique ce n’est donc pas seulement aimer des notes ou des sons, c’est aimer un ensemble qui comprend tout un monde d’objets, de techniques, de lieux et de façon d’être »5. Cette caractéristique est

1 François RIBAC, in Que valent les musiques actuelles ?. Rencontre-débat à l’Olympic à Nantes le 13 octobre 2003.2 Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’administration générale, Bulletin du Département des études et de la prospective, Les publics des concerts des musiques amplifiées, Développement culturel, juin 1998, n°122. p.6.3 François RIBAC, op. cit.. p.8.4 François RIBAC, op. cit.. p.9.5 François RIBAC, op. cit.. p.11.

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d’autant plus marquée chez les personnes s’identifiant à un des nombreux genres de musiques actuelles.

La signification des différentes appellations est quasiment identique, ainsi, pour être pragmatique et aller dans le sens des institutions et du Ministère, j’utiliserai dans ce mémoire, le terme « musiques actuelles ».

Il est important aussi d’évoquer le disque dans les particularités des musiques actuelles. Dans l’histoire de la musique, l’apparition de celui-ci a son importance. Quand un artiste enregistre, il fixe sa musique sur un support. Le disque créé en studio paraît avec les musiques amplifiées. La portée est alors, de faire autre chose qu’une simple photo, recréer une atmosphère qui ne changerait jamais écoute après écoute. Au début de l’histoire du disque, les artistes arrivaient en studio, se produisaient dans les conditions similaires à celles de la scène et repartaient. Aujourd’hui, la spécificité des musiques actuelles telles que le rap, le rock le reggae ou la techno…, est qu’il se passe autre chose dans le studio, qui ressemble plus au cinéma, un travail de montage, de création avec les artistes.

Le domaine des musiques actuelles est fortement hétérogène. Il existe des dizaines et des dizaines de styles différents répertoriés ou non. On voit sur des affiches de concerts les termes définissant les groupes de punk’n’roll, electro-pop, speed punk, drum’n tech, post hardcore, free afro jazz beat, power pop, … autant d’appellations existent que de groupes créés. A l’apparition de nouveaux grands courants, comme le reggae, ceux déjà existants comme le rock ou le jazz, s’en sont emparés, souvent pour le faire connaître et pour que les musiciens de ces genres diversifient leurs pratiques. Ainsi le mélange a créé de nouveaux genres de musiques. Aujourd’hui, les styles s’hybrident, se mélangent. La durée de chacun n’est pas définie. Ils apparaissent comme ils disparaissent, par exemple la musique disco qui est toujours écoutée de nos jours mais qui n’est plus produite.

B. Les secteurs d’activités

Les secteurs d’activités des musiques actuelles sont divers, nous pouvons cela dit les diviser en deux pôles majeurs : un autour du public et un autre autour des artistes. L’un ou l’autre est plus ou moins lucratif pour l’activité financière de l’Etat.

Le pôle créé autour de l’artiste développe diverses activités, celles de la pratique musicale, du disque, du spectacle vivant.La pratique musicale est une activité sociale qui regroupe adultes et enfants et toutes classes socioprofessionnelles confondues. C’est une activité qui associe professionnels de la musique et amateurs. Les

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pratiques sont différentes, nous le verrons dans une prochaine partie de cette étude.Le disque est le support sur lequel un artiste fixe sa création musicale. Le disque est apparu en même temps que l’usage de l’électricité dans la pratique, parallèlement à l’apparition du rock’n’roll et de la guitare électrique. Pour produire un disque, l’artiste passe par un studio d’enregistrement. Aujourd’hui, les pratiques ont beaucoup évolué, « dans le studio on ne fait pas simplement une photo, comme on a longtemps fait avec le classique ou le jazz, on utilise le studio comme un outil de création »1. Le phénomène d’enregistrement a énormément changé ces dernières années, les pratiques sont distinctes, avec l’apparition des home studios, les studios à la maison, l’enregistrement de la musique est devenu plus accessible. Le disque a une place importante dans la société2.Le spectacle vivant fait partie d’une longue réflexion idéologique depuis peu de temps. Ce secteur a connu ces deux dernières années un important développement, avec le changement de statut d’intermittent. Les dates de concerts sont de plus en plus nombreuses afin de permettre à chacun de garder un statut, cependant précaire pour les plus novices et les plus passionnés. L’offre est de plus en plus importante par rapport à la demande du public, et le secteur associatif des musiques actuelles à parfois d’énormes difficultés, entre autres, financières, à survivre. On peut dire aujourd’hui que le spectacle vivant, le concert pour le musicien, vise à deux finalités : la possibilité de se produire en public, ainsi que le moyen d’obtenir un contrat reconnu par l’Etat pour justifier de son statut d’artiste et d’intermittent.

Le pôle d’activités créé autour du public est très ressemblant à celui de l’artiste, mais les enjeux économiques sont totalement différents. Ce secteur est rentable comparé au précédent.Nous pouvons observer depuis des années le développement des secteurs du disque, du spectacle vivant, des médias et des nouvelles technologies, de la prévention auditive et de la toxicomanie, de la vente de produits dérivés parallèle à l’identification sociale.Le marché du disque est sûrement le secteur économique le plus important des musiques actuelles, et également celui de la culture aujourd’hui.La fréquentation des spectacles vivants est liée à l’accroissement de l’offre. La proposition de concerts est de plus en plus importante. Les politiques tarifaires propres aux structures accueillant le public permettent l’accès plus ou moins facile à ces spectacles. Les tarifs les plus intéressants émanent la plupart du temps, des structures aidées financièrement par l’Etat qui encourage la démocratisation culturelle.De nos jours les médias et les nouvelles technologies ont une place conséquente dans la diffusion et la promotion de la culture et de la

1 François RIBAC, in Que valent les musiques actuelles ?. Rencontre-débat à l’Olympic à Nantes le 13 octobre 2003.2 Cf. pôles d’activité créé autour du public.

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musique. Les médias, avec les nombreuses émissions promotrices de culture, présentent un éventail de nouveautés musicales. Des artistes émergent chaque jour ; découverts par des personnalités médiatiques, ils parviennent petit à petit à être reconnus du grand public. Nous examinerons les bienfaits et les méfaits des médias pour une meilleure reconnaissance des artistes, ainsi que les enjeux qu’ils engendrent sur le public. Parallèlement, les années 2000 ont vu émerger les nouvelles technologies : Internet (temple international de la publicité), les lecteurs MP3 et le piratage. Nous nous interrogerons ainsi sur les conséquences de ces nouvelles pratiques et des prises en compte de l’Etat.La santé auditive est souvent évoquée lorsqu’on aborde le sujet des musiques actuelles. La fatigue auditive est de plus en plus courante chez les personnes fréquentant des lieux musicaux (concerts, discothèques…). « Aujourd’hui un jeune sur vingt est atteint d’une déficience auditive dont l’excès de musique peut être un des facteurs. »1. De même, certaines pratiques musicales engendrent des pratiques addictives. Ces aspects des musiques actuelles sont des points forts étudiés et de plus en plus pris en compte par les acteurs du secteur.

Les secteurs d’activités des musiques amplifiées, particulièrement les structures de diffusion, sont souvent régis par des associations créées par des militants et des passionnés de musique. Elles représentent les musiques actuelles auprès de l’Etat.

C. Les associations reconnues des musiques actuelles

Le monde des musiques actuelles est depuis longtemps soutenus par des militants associatifs qui au fur et à mesure des années ont trouvé toute leur place auprès des élus politiques locaux et nationaux. Les structures, la plupart du temps associatives, ont des activités de soutien, d’information et de mise en réseau des acteurs.

1. Le Centre d’Information et de Ressources pour les Musiques Actuelles - IRMA2

L’IRMA est une association loi 1901 créée en 1986 et reconnue par le Ministère de la Culture et de la Communication en 1994. C’est un centre d’information, d’orientation, de conseil et de formation ouvert à tous les acteurs des musiques actuelles. Il est LE lieu d’échange du secteur. L’IRMA met ses ressources au service des particuliers et des professionnels via des entretiens, des réalisations d’études, des conférences, des actions et des conceptions d’outils. Il est soutenu notamment par le Ministère de la Culture, le Ministère de la Jeunesse et des Sports, la SACEM (Société des 1 GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen, 1997, p.89.2 http://www.irma.asso.fr/

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Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique) et l’ADAMI (Société pour l’Administration des Droits des Artistes Musiciens Interprètes).

2. La Fédurok1

La Fédurok, association loi 1901, a été créée en 1994, dans le souci de défendre les salles de musiques actuelles et soutenir celles en construction. La Fédurok associe l’ensemble des acteurs des musiques actuelles. Elle a pour but « d’analyser, définir et corriger […] les freins et les carences juridiques, économiques, politiques et sociaux rencontrés dans le secteur du spectacle vivant »2. Elle est « la principale représentante du « secteur culturel » des musiques actuelles et elle est aussi devenu l’empêcheur de tourner en rond. »3 Elle a une approche très politique du secteur, ce qui la rend légitime face aux pouvoirs publics. Actuellement, cette association s’oriente plus sur l’analyse des lieux et la mise en place d’outils d’observation, l’information, la sensibilisation et la formation des professionnels du secteur et des adhérents, et la construction d’un partenariat avec les organismes professionnels et les structures publiques (fédérations, syndicats…).

3. Les pôles régionaux des musiques actuelles

Les pôles régionaux ont été initiés par la Direction Musique et Danse (DMD) en 1993 et créés dans le souci de favoriser l’échange et la circulation d’informations entre les différents acteurs des musiques actuelles en région et d’inscrire leurs actions dans des dynamiques régionales. Ce sont, pour la grande majorité, des associations loi 1901. Leurs buts premiers sont de sensibiliser les collectivités publiques aux enjeux liés aux musiques actuelles, de favoriser la mise en réseau des partenaires publics, des acteurs associatifs et des musiciens, la formation des professionnels, l’information des acteurs du secteur par le développement et l’harmonisation des outils et la création d’un environnement favorable pour le développement des projets des musiciens. Ils sont présents, également, pour encourager, pour aider à l’évolution des projets artistiques des praticiens amateurs et les soutenir dans leur création. La plupart de ces pôles sont des relais de l’IRMA et fonctionnent similairement à celui-ci dans un contexte régional.

1 La Fédurok. Présentation de la Fédurok. [en ligne]. [réf. de janvier 2005]. Disponible sur Internet : http://www.la-fedurok.org/2 La Fédurok, op. cit.3 Eric FOURREAU, Les familles réconciliées des musiques actuelles. La Scène, juin 2003, n°29, p. 21.

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Ces associations ont des rôles importants et complémentaires. Chacune trouve sa place auprès des musiciens et des collectivités locales. Elles témoignent, aujourd’hui, de la volonté de chacun de lutter pour être mieux reconnu par l’Etat.

II. Le public des musiques actuelles

Le public des musiques actuelles est d’ordre différent. Nous pouvons en effet distinguer le public des concerts et celui des studios de répétition. Dans cette étude, nous considèrerons que le public des musiques actuelles est comparable à la population ayant des pratiques relatives à celles-ci.Ecouter la musique de nos jours est une pratique commune mais pas familière à tous. David Perchirin, maître de conférence à l’Université de Rennes écrit « Ecouter la musique, c’est avant toute chose avoir l’habitude et le temps d’écouter de la musique. »1. Qu’en est-il des pratiques des français vis-à-vis de la musique ? La société a souvent estimé les pratiques musicales comme des pratiques de jeunes. Il est vrai que « les enquêtes récentes sur l’usage du temps libre […] indiquent que les jeunes […] ont plus de loisirs que leurs aînés : dans le domaine du sport ou de l’écoute musicale, de la fréquentation des concerts »2 mais nous confirmerons ultérieurement que les pratiques musicales ne sont pas exclusivement jeunes.

A. Les pratiques culturelles des français

En 1973, suite à une période où le peuple a élaboré un esprit de contestations et de remises en cause de la conception que l’Etat a de la culture, entre autres une critique des intellectuels sur les inégalités des classes résultant du discours de Pierre Bourdieu en 1965 dans son ouvrage Un art moyen, le Ministère va générer sa propre critique en effectuant une enquête statistique sur les pratiques culturelles des français. Il s’avère que les résultats confirment le propos de Bourdieu sur le fait que l’accès à la culture est plus facile pour les privilégiés. Depuis ce premier sondage, une enquête est effectuée tous les huit ans. La dernière, datant de 1997, devient sommairement obsolète en particulier avec l’apparition et la familiarisation des nouvelles technologies telles que la platine CD, Internet ou les lecteurs MP3. Les pratiques culturelles et les analyses relatées dans cette étude retranscrivent cependant la réalité des loisirs des français en 1996.

1 David PERCHIRIN, Les jeunes : pratiques culturelles et engagement collectif. Belfort : 2000. p. 46.2 Olivier DONNAT, L’univers culturel des jeunes. In GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 15.

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Il subsiste deux grandes conceptions sur les pratiques culturelles des français.En 1965, Pierre Bourdieu a développé celle de la légitimité culturelle qui postule une correspondance hiérarchique entre les œuvres et les consommateurs. Selon lui, les classes sociales supérieures sont avantagées à voir des œuvres de haute qualité, ce que Bourdieu baptise la culture cultivée : les œuvres d’art, le théâtre, la musique savante…Joffre Dumazedier a proposé une seconde théorie sur le temps libre. Il a définit comme pratiques culturelles toutes formes de loisirs comme le sport, la télévision, les magazines, la photographie, le cinéma…Après quatre enquêtes, en 1973, 1981, 1989 et 1997, les statistiques diffèrent peu et les résultats sont souvent identiques : « les classes populaires, vont toujours aussi peu au musée, et les classes favorisées « squattent » toujours autant les travées des opéras… »1

On peut donc distinguer deux types de publics, les spectateurs / auditeurs et les praticiens. Leurs pratiques culturelles sont d’ordre plus ou moins étendues.

1. Spectateurs et auditeurs

a) Les goûts musicaux des français2

La chanson et la variété française appartiennent aux genres musicaux les plus écoutés, viennent ensuite les variétés internationales et la musique classique. Nous pouvons remarquer que les principaux styles de musique écoutés font partie de la famille des musiques actuelles : la chanson et les variétés internationales qui souvent s’apparentent à cette catégorie. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le rock de moins en moins est écouté. Olivier Donnat explique cela par l’émergence des nouveaux genres tels que le rap, le hard-rock ou des musiques du monde ; dans le formulaire du Ministère de la Culture, le questionné ne pouvant donner qu’une seule réponse. Si ces nouvelles catégories n’avaient pas été introduites, l’écoute du rock serait sûrement plus conséquente.Les jeunes de 15 à 24 ans préfèrent, quant à eux, les variétés internationales. 70% d’entre eux admettent écouter un genre musical appartenant à la famille des musiques actuelles, en particulier les lycéens. Cela dit le rap est plus apprécié des plus jeunes et des hommes, le rock et le jazz, ils sont plus cités par les étudiants.Dans le domaine des musiques actuelles, le sexe des personnes influe sur le type de musique écouté. Ainsi les femmes sont plus attentives à la

1 Régis MEYRAN, Quels regards sur les pratiques culturelles ? Sciences Humaines, août-septembre 2003, n°141. p. 8.2 Olivier DONNAT, Les pratiques culturelles des français. Paris : la Documentation française, 1998. p. 243.

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chanson et les hommes au rap, au rock et au hard rock. Nous retrouverons des résultats similaires dans le public des concerts.Les goûts musicaux dépendent également de la classe sociale d’appartenance. Les personnes de classes sociales supérieures et diplômées mentionnent à grand nombre l’écoute de la musique classique ou du jazz. « Les classes supérieures diplômées ne se distinguent pas seulement […] par un penchant particulier pour la musique savante, mais aussi par l’éclectisme de leur goût, alors que les classes populaires se définiraient plutôt par des goûts exclusifs. »1.

b) L’équipement musical et fréquence d’écoute des supports musicaux2

Il est aujourd’hui rare qu’un ménage ne possède pas d’équipement pour écouter de la musique dans le foyer. En 1997, trois quarts des français possédaient une chaîne hi-fi, et huit personnes sur dix, un lecteur de CD. Avec l’apparition des nouveaux modes de diffusion musicale, nous pouvons imaginer qu’aujourd’hui, huit ans après, ces chiffres sont supérieurs.Le nombre de disques par foyer environnait les 50 en 1997, mais là encore, nous pouvons croire que le chiffre n’a cessé d’augmenter, en particulier avec l’émergence du graveur de CD et le peer to peer (musique gratuite téléchargeable sur des sites Internet). Similairement à l’écoute, les genres musicaux possédés par les français en supports sont, du plus important au moins important, la chanson française, la musique classique, le rock et les musiques du monde. Les jeunes de 15-19 ans se distinguent là encore avec leur possession incroyable de variétés internationales (78%), de rap (51%), de hard rock (39%). Plus de la moitié des personnes entre 15 et 54 ans possèdent des disques de rock, cela peut s’expliquer par la date de parution de ce genre musical, qui a marqué plusieurs générations, spécialement celle des soixante-huitards.Plus d’un français sur quatre écoute de la musique tous les jours. Parmi ceux-ci, un tiers joue de la musique. L’écoute est liée à la fréquentation des concerts ; les personnes qui affirment écouter la musique tous les jours sont nombreuses à être allées à un concert au cours des douze derniers mois.Ce qui est étonnant, c’est qu’il existe apparemment une liaison entre l’écoute de musique et toutes les pratiques culturelles. « On constate […] que la fréquentation des théâtres ou des salles de cinéma, par exemple, au même titre que la proportion de forts lecteurs de livres, augmente […] avec la fréquence d’écoute musicale. »3

1 Régis MEYRAN, op. cit.. p. 8.2 Olivier DONNAT, op. cit.. p. 99.3 Olivier DONNAT, op. cit.. p. 108.

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c) La radio1

La radio est un média considérablement écouté : jusqu’à 69% des personnes écoutent la radio environ 18 heures par semaine et cette durée moyenne est manifestement semblable pour toutes les catégories socioprofessionnelles. Dans les statistiques, nous pouvons remarquer que les jeunes accordent plus de temps d’écoute à la musique et les plus âgés à l’information. 51% des 15-19 ans et 42% des 20-24 ans affirment l’écouter pour les chansons, les variétés et le rock – donc pour les musiques actuelles.

d) La fréquentation des spectacles vivants

Il est important de considérer les résultats des enquêtes pour la fréquentation des spectacles vivants. Nous distinguons rapidement que sur dix personnes, huit ne sont jamais allées à l’opéra, sept à un concert de musique classique et quatre à une pièce de théâtre jouée par des professionnels ! A l’inverse, les spectacles amateurs ont vu leur public s’élargir, particulièrement avec la fréquentation des jeunes de 15 à 24 ans (27%). Cela dit, la fréquentation des concerts est peu significative, seulement trois français sur dix sont allés à un concert au cours des douze derniers mois.La fête de la musique fait partie des grandes apparitions culturelles et politiques de la fin du 20ème siècle, nous évoquerons son histoire politique et sociale ultérieurement. En ce qui concerne sa fréquentation, elle est sûrement l’activité culturelle la plus pratiquée par les français. 79% des français sont déjà allés à une fête de la musique au cours de leur vie.2

2. Les pratiques amateurs

« On ne saurait réduire le public à ses dimensions de spectateur ou d’auditeur sans oublier qu’une partie des individus qui le compose peut aussi avoir des pratiques musicales. »3

En règle générale, les français pratiquent régulièrement et en grand nombre, des activités culturelles et artistiques ; particulièrement les jeunes. Mais le phénomène n’est pas exclusivement propre à cette génération, même s’ils sont les plus concernés. Il apparaît plusieurs moments de la vie décisifs dans la pratique d’activités en amateur. Nous pouvons percevoir, en effet, un certain nombre d’abandon dès l’instant où 1 Olivier DONNAT, op. cit.. p. 93.2 France. Ministère de la Culture et de la Communication, Statistiques de la culture, chiffres clés 2002/2003. Paris : La Documentation Française, 2003. p. 108.3 Commission Nationale des Musiques Actuelles. Rapport à Catherine Trautmann Ministre de la Culture et de la Communication. Paris, 1998. p. 95.

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les personnes s’installent dans leur vie familiale et / ou leur vie professionnelle, ainsi qu’une reprise de ces activités au moment où ces aspects de la vie s’allègent.Les pratiques sont diverses et variées. Et, au fur et à mesure des années, les français ont tendance à avoir de plus en plus d’activités artistiques, ceci est sûrement dû à l’augmentation du temps de loisirs.1

Nous pouvons tout de même nous apercevoir, qu’après l’usage de l’appareil photo, les français pratiquent beaucoup la musique. Un quart des français savent jouer d’un instrument de musique.  Il est vrai que sur ce nombre important de personnes, plus de la moitié n’en n’ont pas joué depuis plus d’un an. « La proportion d’instrumentistes amateurs en activité s’établit par conséquent à 13% des français. »2 Avec les 4% de chanteurs, nous pouvons estimer qu’en 1997, la proportion de musiciens amateurs, était de 17% de la population. Aussi, il me semble important de préciser que 11% des français ont déjà participé à la fête de la musique en tant qu’amateur. Le nombre de praticiens amateurs est éminent chez les jeunes de 15 à 19 ans (60%) et décline régulièrement dès que l’on dépasse la génération des 25 – 34 ans. Olivier Donnat explique ce nombre important de praticiens est lié aux évolutions de l’éducation musicale, particulièrement à l’école et dans les moments de temps libres. Les modes d’apprentissages divergent selon l’âge et le sexe des personnes. L’école est un lieu de formation largement dominant chez les 15 – 19 ans, comme chez les femmes (39% d’entre elles). Les hommes, quant à eux, déclarent avoir appris le plus souvent seul ou avec des amis.

B. La composition du public

1. Les publics des concerts

Contrairement aux idées reçues, les concerts de musiques actuelles attirent des jeunes issus de milieu urbain, les sondages démontrent une grande diversité des publics, le brassage des générations et des classes sociales. « La fréquentation d’un équipement musiques amplifiées semble davantage motivée par les types de pratiques ou de sorties culturelles que par l’appartenance à une classe d’âge ou à un lieu d’habitat spécifique. »3

La composition du public peut être étudiée selon plusieurs critères : l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle ou la proximité du lieu de concert, mais aussi selon les familles musicales. Les chiffres donnés ultérieurement sont issus d’études effectuées dans plusieurs salles de concerts par le Département des Etudes et de la Prospective en 1998 : le 1 Cf. Annexe A.2 Olivier DONNAT, op. cit.. p. 286.3 Xavier MIGEOT, Publics, pratiquants et politiques publiques. In GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 17.

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Florida à Agen, le Biblo, la Clef, la Clé des Champs dans les Yvelines et la MJC de Montluçon dans l’Allier.80% des spectateurs ont entre 16 et 30 ans, et un tiers a plus de 25 ans, âge auquel nous ne sommes administrativement plus si jeunes ! Au Florida, à Agen, la moyenne d’âge est de 25,4 ans et elle est supérieure à 30 ans dans plus d’un concert sur cinq.En ce qui concerne le sexe des spectateurs, nous distinguons que deux tiers du public, en moyenne, est masculin mais les âges restent identiques.L’étude des catégories socioprofessionnelles des spectateurs montre particulièrement l’hétérogénéité des populations des concerts de musiques actuelles.

Les catégories socioprofessionnelles des spectateurs1

Même si le nombre d’étudiants, d’employés et de professions intermédiaires représente plus de la moitié du public des concerts, les résultats montrent en général la diversité des populations et le mélange des catégories socioprofessionnelles. Les jeunes sont représentés à 46% tout de même dans les concerts. Les variables qui entrent dans le choix individuel d’aller à un concert, écouter, voir, partager avec d’autre personnes des émotions, sont le prix de la place, l’artiste, le lieu du concert ou l’organisateur, mais ces variables dépendent aussi de l’argent disponible, de l’âge, du sexe, de la place de la musique dans l’identité (élément que nous étudierons postérieurement) et de la réticence des parents, notamment chez les jeunes filles.La fréquentation d’une salle de concert dépend aussi de la proximité du public. Les résultats sont différents selon l’implantation de la salle. « Il apparaît que plus une salle est située dans un tissu urbain dense, comme 1 Graphique effectué à partir des données de Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’administration générale, Bulletin du Département des études et de la prospective, Les publics des concerts des musiques amplifiées, Développement culturel, juin 1998, n°122.

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la banlieue parisienne, moins les habitants de la ville d’implantation sont fortement représentés. En revanche, plus la salle est dans une ville centre isolée, plus le public de la salle proviendra de cette ville […] mais aussi de communes plus ou moins éloignées de la ville de référence. »1. Au Florida, la répartition géographique du public est très hétérogène, cette salle représente un équipement culturel central d’un département, voire même d’une région, les publics ont des provenances plus larges que celles de la ville centre ou de son agglomération.Comme évoqué antérieurement, la composition du public dépend aussi du style de musique du concert apprécié. Ainsi, les concerts rock ont un public d’une moyenne d’âge de 25 ans avec 65 à 80% de moins de 26 ans ; les femmes y sont représentées entre 25 et 35% et ce sont les concerts où les catégories socioprofessionnelles sont les plus mélangées. Le hard rock attire un public plus jeune, âgé en moyenne de 20 ans avec tout de même 80% de moins de 26 ans ; nous trouvons peu de femmes (25% au maximum) et les catégories socioprofessionnelles les plus représentées sont les lycéens, les étudiants, nous remarquons aussi une présence marquée des sans-emploi. La famille du hip hop est aussi jeune, 20 ans en moyenne et la quasi-totalité du public a moins de 26 ans ; contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les femmes sont présentes à hauteur d’un tiers mais le brassage social est peu remarquable avec quasiment des lycéens, des étudiants, des employés et des professions intermédiaires. Enfin, nous pouvons considérer le jazz comme la quatrième et dernière grande famille des musiques actuelles. Son public est beaucoup plus âgé, 29 ans en moyenne ; les femmes sont nombreuses (30%) et les cadres moyens et supérieurs représentent la catégorie socioprofessionnelle la plus élevée avec plus de la moitié du public !

Ces chiffres sont singuliers, le public des concerts de musiques actuelles n’est pas uniquement jeune. Les familles les plus anciennes telles que le rock ou le jazz sont apparues dans les années cinquante. Le public a émergé en même temps que les concerts ; et les « fans » de l’époque sont encore souvent amateurs aujourd’hui. Nous pouvons voir qu'à présent, 44% des personnes possèdent des enregistrements de rock (47% des 45-54 ans, 62% des 35-44 ans, 50% des 25-34 ans, 48% des 20-24 ans et 52% des 15-19 ans)2 Le style musical écouté est aussi partagé entre les générations. Nous ne pouvons pas qualifier, aujourd’hui, le public des concerts de musiques actuelles de jeune et urbain. « C’est bien là le cas des musiques amplifiées, qui de leurs espaces particuliers, parfois singuliers participent au brassage des cultures. On s’y mélange plus que dans le public de la musique classique, a fortiori que dans celui de l’opéra… »3

1 Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’administration générale, Bulletin du Département des études et de la prospective, Les publics des concerts des musiques amplifiées, op. cit.. p. 4.2 Olivier DONNAT, op. cit.. p. 104.3 Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’administration générale, Bulletin du Département des études et de la prospective, Les publics des concerts des

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2. Les praticiens amateurs

Les pratiques amateurs dans le domaine de la musique ont été très peu étudiées car elles sont ne prises en compte que depuis très peu de temps par les pouvoirs publics. Les agglomérations s’équipent petit à petit, depuis une dizaine d’années, de studios de répétition pour favoriser ces pratiques.Le groupe d’Etudes des Musiques Amplifiées – le GEMA – a mené en 1997, une enquête auprès des musiciens répétant à la MJC de Montluçon. Les enquêtes sont encore rares, ces résultats seront une base d’exemple et de reconnaissance. Elle a été effectuée auprès de soixante-dix-sept musiciens. « La population des musiciens est, ici, quasiment exclusivement masculine (97%) et jeune (22 ans). Mais il est important de remarquer que les plus de 30 ans représentent tout de même 13% de l’ensemble. La situation matrimoniale est fortement liée à la moyenne d’âge puisque les musiciens sont célibataires à 77% et concubins à 18%. »1 Les catégories socioprofessionnelles sont aussi diverses que dans les concerts, avec une grande proportion de scolaires et d’étudiants (66%), 11% de chômeurs, 20% de classes sociales moyennes et 3% d’ouvriers.Les styles joués dans ces studios sont du nombre de quarante-trois sur soixante-dix-sept musiciens interrogés, ce qui témoigne de la diversité des familles des musiques actuelles. Le rock, énoncé comme précisément « je fais du rock » n’est joué que par 11% des musiciens, ceci est encore sûrement dû aux nombreux genres émergents du rock. Il y a dans ces studios peu de musiciens hip hop car leurs besoins sont spécifiques et le personnel devrait être plus qualifié pour accueillir dans les meilleures conditions ces types de musiciens.La proximité immédiate des musiciens utilisant les studios de répétition garantit de l’utilité de ceux-ci et du besoin important pour les praticiens. A Montluçon, plus de la moitié des musiciens répètent également à l’extérieur, dans des garages ou des caves, notamment ceux qui avaient commencé la musique avant l’apparition de ces studios.

III. Les enjeux des musiques actuelles

musiques amplifiées, op. cit.. p. 4.1 Xavier MIGEOT, Publics, pratiquants et politiques publiques. In GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 20.

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A. La place de la musique dans la société

Aujourd’hui, la musique est constamment présente, dans n’importe quel espace de notre société. On aurait tendance à parler de musicalisation de la société. « L’essor des musiques amplifiées est au cœur du phénomène de musicalisation de la société qui caractérisera, très vraisemblablement, la seconde moitié du vingtième siècle. »1. Désormais, la musique est présente dans tous nos espaces de vie, dans les espaces collectifs comme dans les espaces intimes. Les lieux publics ont vite été investis par la diffusion musicale, spécialement les centres commerciaux, les salons de coiffure, les transports en commun, lors des périodes de fêtes, mêmes les rues de certaines grandes villes sont des lieux de diffusion musicale. Les espaces de vie privée sont eux aussi de plus en plus investis, majoritairement sous l’influence des jeunes. La croissance de taux d’équipement d’appareils d’écoute et de reproduction musicale est fulgurante depuis plusieurs années. Dans la famille, la musique est inlassablement présente dans les voitures, les cuisines, les ateliers ; et même si ce ne sont pas les plus culturelles, les émissions télévisées musicales regroupent la famille autour d’un thème commun ? « Les musiques ont profité de cette expansion […] mais ce sont les musiques amplifiées, privilégiées pas les industries musicales, plus populaires, portées par des idoles qui occupent, de loin, la place principale. »2.Parallèlement à l’investissement permanent des espaces publics et privés par la musique, nous avons pu observer une homogénéisation des pratiques et des consommations culturelles, ainsi qu’une demande entre les milieux ruraux et les milieux urbains.Puis récemment, avec l’émergence des nouvelles technologies électroniques et informatiques, nous voyons apparaître de nouvelles formes de création et de production musicale, mais aussi et surtout de nouvelles formes d’accès à la musique ; sujet très actuel dans le milieu musical.Nous pouvons en conclure que la musique connaît actuellement un phénomène de popularisation, de nationalisation ; elle est présente constamment et partout, elle rythme la vie de chacun et a sûrement beaucoup d’influence sur celle-ci. « Hier la musique s’écoutait, aujourd’hui il est possible de la regarder, à travers des chaînes musicales qui diffusent des modèles de tenues vestimentaires, du hip hop au phénomène lolita. »3

B. La construction de l’identité

1 Marie-Thérèse FRANCOIS-PONCET, Jean-Claude WALLACH, Rapport général de la commission musiques amplifiées. Agen : mars 1999. p. 7.2 Marie-Thérèse FRANCOIS-PONCET, Jean-Claude WALLACH, op. cit.. p. 7.3 Les jeudis de la Sorbonne, Les musiques actuelles. En ligne, réf. du 3 nov. 2004. Disponible sur Internet : www.univ-paris1.fr/recherche/e-publications/jeudis_de_la_sorbonne.

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Depuis plusieurs années, nous pouvons observer un processus de normalisation des concerts avec des pratiques du public et des groupes de musique assagis, transformés.La valeur de la musique a changé et reste différente aux yeux de chacun. François Ribac, musicien, compositeur et auteur d’ouvrages littéraires associe le plaisir d’écouter de la musique aux objets que l’on aime manipuler. Et « le plaisir se module différemment selon les genres musicaux. Donc, on peut chercher à mesurer le plaisir en observant la manière dont les gens aiment la musique mais en aucun cas disqualifier ou déconsidérer un genre en disant simplement que dans tel ou tel genre, il n’y aurait que du faux plaisir. »1. Chaque style de musique possède son type d’auditeur. L’écoute de la musique est de plus en plus liée à d’autres pratiques. François Ribac ajoute à cet effet « aimer la musique ce n’est donc pas seulement aimer des notes ou des sons, c’est aimer un ensemble qui comprend tout un monde d’objets, de techniques (y compris corporelles), de lieux et de façon d’être (ensemble). »2

La période de construction de l’identité sociale chez les jeunes est fortement jointe à celle de la construction de l’identité musicale. Rémi Demange, programmateur de NRJ parle, dans un entretien mené par l’université de Paris Sorbonne, de plusieurs âges de la jeunesse liés à la construction des goûts musicaux. « On est jeune à plusieurs âges, mais pas jeune de la même façon. Il y a des passages radicalement différents entre ces âges, où la musique est consommée de façon radicalement différente. Les adolescents n’ont pas souvent encore leur propre identité musicale, et ils consomment au départ ce que les parents écoutent. Plus tard, au lycée par exemple, la notion de groupe devient très importante, il y a une sorte de mimétisme musical qui se développe à cet âge-là. Puis à 25 ans, on revient souvent vers ses propres goûts musicaux. »3. La réflexion de ce programmateur musical est déterminante. Aujourd’hui, la place de la musique chez les jeunes est un phénomène que l’on ne peut pas ignorer. La musique est désormais la forme artistique la plus utilisée pour se démarquer. Les genres musicaux ont toute leur importance dans la construction mentale de la jeunesse et de l’identité par le style choisi, la tribu, la famille. Mais attention, tous les jeunes n’ont pas des pratiques et des loisirs exclusivement musicaux. Ces pratiques sont souvent liées à la portée qu’ils prêtent à la musique, surtout comme un outil de socialisation.Écouter de la musique, aller à un concert sont aujourd’hui des pratiques autant collectives qu’individuelles. De nos jours, « chacun cherche plus à exprimer sa personnalité, à affirmer ses choix qu’à se référer à un modèle collectif [...] les musiques sont indissociables des profonds changements

1 François RIBAC, in Que valent les musiques actuelles ?, Rencontre-débat à l’Olympic à Nantes le 13 octobre 2003, p. 18/ 19.2 François RIBAC, in Que valent les musiques actuelles ?, Rencontre-débat à l’Olympic à Nantes le 13 octobre 2003. p. 11.3 Les jeudis de la Sorbonne, Les musiques actuelles. En ligne, réf. du 3 nov. 2004. Disponible sur Internet : www.univ-paris1.fr/recherche/e-publications/jeudis_de_la_sorbonne.

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comportementaux. »1. La musique reste un des moyens de se distinguer, de se rapprocher des personnes que l’on fréquente, qui nous sont socialement proches. « Une aspiration à écouter le même type de musique est un moyen de sélection de ses relations. »2. Les pratiques musicales font constamment ressortir le mariage paradoxal de l’individualisation et de la participation collective. On retrouve ce paradoxe aussi bien dans les concerts, auprès du public, que dans les pratiques musicales de groupes. Dans ces pratiques, le partage d’émotions, de sensations est très recherché. Malgré une individualisation très fréquente dans les pratiques, chacun a besoin d’une référence constante aux autres pour justifier ses goûts.

Chez les jeunes en pleine socialisation, en plus d’être une activité plus ou moins collective, la musique permet l’élaboration d’une stratégie de distinction et de reconnaissance. La musique a un sens pour les jeunes qui se rendent dans les concerts. « La signification et l’importance qu’ils prêtent à la musique déterminent pour partie leur façon de vivre et de penser. »3. Les pratiques musicales des jeunes, lorsqu’elles sont conséquentes sont parfois aussi liées à une affirmation d’une apparence, d’un discours ou malheureusement de consommation de toxique. Il convient de se demander si aujourd’hui la musique est devenue un business, si elle influence la mode des jeunes. Il apparaît cependant une résistance.Dans tous les cas, la distinction à un style musical n’est pas un phénomène récent, il s’est développé dans les années cinquante avec l’apparition en masse des médias. Aujourd’hui le phénomène ne peut qu’être amplifié avec la surmultiplication des médias. La distinction physique à un genre musical est existante mais les significations ont beaucoup évolué. « Les signes ne sont plus perçus de manière violente ou dérangeante, mais simplement en tant que signes d’appartenance. Le partage d’un signe fait référence à une culture, une tribu, une famille [...] Les cheveux fushia, les piercings ne correspondent pas forcément à un signe de révolte ou de refus. Ils sont plutôt un signe d’identification. »4

C. La culture jeune

Comme vu précédemment, nous avons tendance à associer les musiques actuelles à un public jeune ; alors que les chiffres démontrent le contraire. Il est vrai que le terme « actuelle » utilisé rappelle le récent, le nouveau et 1 Marie-Thérèse FRANCOIS-PONCET, Jean-Claude WALLACH, Rapport général de la commission musiques amplifiées. Agen : mars 1999. p. 8.2 David PERCHIRIN, Les jeunes : pratiques culturelles et engagement collectif. Belfort : 2000. p. 48.3 David PERCHIRIN, op. cit.. p. 46.4 Les jeudis de la Sorbonne, Les musiques actuelles. En ligne, réf. du 3 nov. 2004. Disponible sur Internet : www.univ-paris1.fr/recherche/e-publications/jeudis_de_la_sorbonne.

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généralement, la mode et l’actualité sont régies et présidées par les jeunes. Il est donc banal, de parler de « culture jeune ». Mais l’utilisation de ce terme est complexe, « la culture jeune » a une histoire, des traditions esthétiques, des habitudes vestimentaires et est initiée par des jeunes. Mais elle touche en fait plus de monde que les seuls jeunes.Les difficultés d’emploi de cette expression « culture jeune » proviennent certainement des difficultés que nous rencontrons pour définir la jeunesse. Les goûts et les comportements culturels des jeunes sont liés à leur position dans le cycle de la vie (élèves, étudiants, célibataires…) ainsi qu’à la nouvelle appartenance générationnelle. En effet, nous distinguons depuis peu une nouvelle génération, celle qui a de grandes facilités à entrer dans l’enseignement supérieur et qui a des difficultés à trouver un emploi. C’est cette génération qui initie la culture jeune et « elle avance en âge [...] elle s’étend progressivement à toutes les catégories sociales et professionnelles. »1. Nous ne pouvons plus faire correspondre la culture jeune à l’univers culturel adolescent car « ce dernier pouvant se prolonger plus ou moins longtemps en fonction des rythmes et des formes d’insertion professionnelle et familiale. »2.Il est vrai que les jeunes se distinguent de leurs aînés sur de nombreux points mais leur univers culturel a tendance à être de plus en plus similaire. Les goûts des jeunes sont moins différents de ceux des adultes, aujourd’hui, que dans les années soixante, soixante-dix. Les parents de notre génération ont eu des pratiques identiques à celles de leurs enfants dans leur jeunesse et ne les ont pas obligatoirement abandonnées.

La culture jeune est issue d’une génération marquée par plusieurs caractéristiques. En premier lieu, en terme de sorties et de rencontres, cette génération préfère les activités qui les sort de chez eux. Ainsi, les moins de 25 ans fréquentent plus les discothèques, les fêtes foraines, les concerts ou les cinémas.Cette génération est aussi imprégnée par l’audiovisuel. « Les foyers où résident des adolescents sont ceux qui atteignent les niveaux d’équipement les plus élevés pour les magnétoscopes, les micro-ordinateurs, les consoles de jeux vidéos et, bien entendu, les platines laser et les baladeurs. »3. L’écoute musicale est probablement la pratique culturelle la plus caractéristique des jeunes.Enfin, nous pouvons noter que cette génération est en pleine construction identitaire, comme étudié dans le paragraphe précédent. La musique fait partie intégrante de cette construction, de cette socialisation.

Pour conclure sur la notion de « culture jeune », nous pouvons dire que l’allongement de la période scolaire, le développement du marché pour la 1 Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’administration générale, Bulletin du Département des études et de la prospective, Les publics des concerts des musiques amplifiées, Développement culturel, juin 1998, n°122. p. 6.2 Olivier DONNAT, L’univers culturel des jeunes. In GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 15.3 Olivier DONNAT, op. cit.. p. 15.

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jeunesse, le renforcement de l’identité des jeunes dans la société ont permis l’émergence de cette nouvelle culture. « Dans les cultures contemporaines occidentales, la notion de jeune correspond moins à une tranche d’âge qu’à une modalité de perception et de réception qui vont bien au-delà de la tranche d’âge adolescente. Ainsi, la notion de musiques actuelles est d’abord associée à une culture jeune qui ne correspond pas forcément à une durée précise en terme de temps. »1

Les pratiques culturelles, des Français ont suivi l’évolution de la culture en France. Le rock et les musiques actuelles ont trouvé toute leur place dans ces pratiques, les dernières enquêtes du Ministère l’ont démontré. Les phénomènes sociaux sont de plus en plus important : développement de l’espace que la musique prend dans la vie quotidienne, identification des jeunes et de plus vieux à des signes distinctifs de genres musicaux.L’Etat ne peut aujourd’hui ignoré ce phénomène de musicalisation de la société. La musique et ces pratiques devient l’objet du service publique. Qu’en est-il de la reconnaissance de ces musiques ? Depuis quand, l’Etat à intégrer une politiques en faveur des musiques actuelles dans sa politique globale de la culture ? Qui prend les initiatives ?Il est convenable d’étudier maintenant comment les politiques publiques ont pris en compte l’évolution des musiques actuelles.

1 Les jeudis de la Sorbonne, Les musiques actuelles. En ligne, réf. du 3 nov. 2004. Disponible sur Internet : www.univ-paris1.fr/recherche/e-publications/jeudis_de_la_sorbonne.

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Les musiques actuelles et les politiques culturelles

I. Histoire de la culture en France

A. André Malraux et la démocratisation de la Culture

1. La création du Ministère

Le Ministère de la Culture a été créé en 1959 avec la 5ème République et portait le nom, à cette époque, de Ministère des Affaires Culturelles.Ce ministère jeune est né de la relation amicale entre le Général De Gaulle, élu Président de la République et André Malraux, alors Ministre Délégué à la présidence du Conseil et chargé de l’Information. Le Général de Gaulle témoigne de cette amitié pour André Malraux et l’influence qu’elle a sur lui dans son œuvre Mémoire d’Espoir « À ma droite, j’ai et j’aurai toujours André Malraux. La présence à mes côtés de cet ami génial, fervent des hautes destinées, me donne l’impression que, par-là, je suis couvert du terre à terre. L’idée que se fait de moi cet incomparable témoin contribue à m’affermir. Je sais que dans le débat, quand le sujet est grave, son fulgurant jugement m’aidera à dissiper les ombres. »1 Cette estime et cette admiration vont conduire le Général de Gaulle a placé son ami à la tête de la gestion de la Culture Française et lui laisser une liberté d’action significative.Alain Peyrefitte, bras droit du général, annonce en juillet 1958 à André Malraux « André, le Général a prévu pour vous de faire quelque chose de grandiose. Mais il faut que nous le précisions ensemble. Il voudrait que vous vous occupiez de la culture. Il voudrait que vous vous occupiez d’art. Il n’y a dans la tradition de la 3ème et de la 4ème république qu’un misérable sous-secrétariat ou secrétariat d’Etat aux Beaux-arts, sans moyens et sans allure. Il faut aller beaucoup plus loin que cela, il faut faire quelque chose qui soit la plus haute fonction de l’Etat. »2

Ainsi le 22 juillet 1959, André Malraux reçoit le titre de Ministre d’Etat chargé des Affaires Culturelles et commence l’histoire des politiques culturelles publiques en France.

1 Général DE GAULLE in Mémoires d’Espoir, 1970, cité par Philippe POIRRIER, L’Etat et la Culture en France au 20ème siècle. Paris : Livre de Poche, 2000. p. 69.2 Alain PEYREFITTE, cité par Philippe POIRRIER, op. cit.. p. 71.

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2. Les missions et les finalités du Ministère des Affaires Culturelles

Le décret du 27 juillet 1959 définit les missions du Ministère chargé des Affaires Culturelles. Il est désormais légitime :

de rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de français,

d’assurer la plus vaste audience au patrimoine culturel français, de favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit qui l’enrichissent.

Les finalités du nouveau ministère sont donc la démocratisation de la culture, la diffusion et la création.Ces trois nouvelles missions de l’Etat sont les premières traces de la revendication démocratique culturelle de la France.De manière plus utopique, André Malraux déclare en 1967 à l’Assemblée Nationale « Il faut bien admettre qu’un jour on aura fait pour la culture ce que Jules Ferry a fait pour l’instruction : la culture sera gratuite. »1

3. Les actions du Ministère

Les actions du Ministère en 1959 ont été diverses et novatrices. Les politiques culturelles existaient encore très peu et les actions n’étaient que minimes. André Malraux a développé un certain nombre d’actions en direction du patrimoine, de la musique, de la danse, du cinéma, du théâtre ou de la création contemporaine. Mais il a surtout développé l’accès à la culture avec la création des Maisons de la Culture.

En terme de patrimoine, André Malraux a désiré mettre en valeur les grands monuments et les quartiers historiques. Sa plus grande opération au sein du ministère fut la réhabilitation des ces monuments et quartiers.André Malraux a également œuvré pour la musique, même si son intervention a été tardive. En 1966, il crée un Service de la Musique sous la tutelle du Bureau des Théâtres, avec à sa tête un Directeur nommé Marcel Landowski. Il donne la priorité à l’enseignement, aide à la diffusion de qualité, soutien la création et met en place des infrastructures régionales comme les orchestres, les conservatoires ou les théâtres lyriques.Une grande avancée est connue dans le cinéma. Le Ministère s’engage à soutenir les jeunes réalisateurs en créant une aide d’avance sur recettes. Cette prise en compte va permettre une plus large émergence du cinéma français et du cinéma d’art et d’essai.Le théâtre, art privilégié des politiques publiques car révélateur de la langue française, va être fortement soutenu, en particulier le Théâtre National Populaire de Jean Vilar, avec une augmentation importante de ses crédits pour des meilleures créations et diffusions.1 André MALRAUX, cité par Philippe POIRRIER, op. cit.. p. 74.

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Pareillement, l’Etat montre sa volonté de soutenir la création contemporaine et les artistes en votant une loi sociale (1964) relative à l’accord d’une assurance maladie, maternité et décès aux artistes. Mais la liste d’artistes sera restreinte et ce droit accessible qu’aux artistes consacrés comme Chagall, Braque ou Giacometti.

L’œuvre la plus remarqué du Ministère Malraux fut les Maisons de la Culture. André Malraux ambitionne de créer ces lieux de l’excellence culturelle, offrant une culture de qualité dès 1966. Dans ces maisons, Malraux va privilégier les mouvements d’avant-gardistes et encourager la rencontre entre l’artiste et le public. La culture promue dans ces équipements provinciaux sera majoritairement celle qui s’élabore à Paris, haut lieu de la création artistique pour le Ministre.Lieux de sacralisation de l’art et de la culture élitiste, les Maisons de la Culture vont vite connaître l’échec ! Les collectivités locales freinent le développement de celles-ci car l’Etat se désengage financièrement et elles deviennent trop chères.

Même si André Malraux a eu un rôle fondateur, sa politique a été fortement contestée. La démocratisation culturelle n’a pas abouti. A la fin des années soixante, la culture n’était majoritairement accessible qu’aux nantis. « Les premières recherches qualitatives, menées dès le milieu de la décennie, démontrent l’échec relatif de la démocratisation culturelle [...] : seul un public cultivé, issu le plus souvent des classes moyennes, bénéficie de cette offre culturelle d’excellence. »1

B. « L’entre deux Mai » : de Malraux à Lang

La période politique qui a éclairée la France entre les ministères Malraux et Lang a été nommée l’Entre deux Mai.

En 1971, le Ministre chargé des Affaires Culturelles est Jacques Duhamel. Sa politique est différente de celle de Malraux mais vient dans la continuité : il souhaite insérer la culture dans la vie quotidienne de la société. Ces grands objectifs sont d’aiguiser la sensibilité des enfants aux œuvres d’art et d’aller au devant des publics adultes. Suite à l’échec des Maisons de la Culture et à l’analyse qui a pu être faite, le Ministère a de nouvelles directives : la Culture doit associer le Ministère de la Culture et les collectivités territoriales (locales, municipalités et associations), c’est alors une première approche du rapport transversal des politiques publiques dans le domaine de la culture (elle sera de plus en plus développée avec la décentralisation2).

1 Philippe POIRRIER, op. cit.. p. 102.2 Cf. Partie 2, III, A : La décentralisation de la culture.

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En ce qui concerne la gestion du patrimoine, opération menée à grande échelle par André Malraux, Jacques Duhamel, met en place une nouvelle idéologie qui va réduire les frais du ministère en terme de réhabilitation, et ces fonds pourront servir à d’autres investissements. Il dit d’ailleurs pendant son mandat « Plutôt sauver pour cinquante ans mille monuments publics et privés que cinquante grands palais pour mille ans. »1

Le mandat de Jacques Duhamel ne durera que deux ans. Il quittera le Ministère en 1973.

Cette époque est imprégnée du court mandat de Georges Pompidou (décédé en 1974). Il a soutenu fortement l’art contemporain et en mettant en place le chantier du Centre de création d’art contemporain de Beaubourg, aujourd’hui Centre Georges Pompidou. Ce centre va d’ailleurs ponctionner le budget de la culture.

La période de l’Entre deux Mai est aussi fortement marquée par de grandes controverses. En effet, un esprit de contestation et de remise en cause de la conception que l’Etat a de la culture se met en place, parallèlement à la sortie de l’ouvrage de Bourdieu en 1965 « Un art moyen ». Dans cette œuvre littéraire, Bourdieu classe les champs esthétiques selon trois catégories et transcrit une classification sociale. La culture n’est accessible qu’aux privilégiés. Ce discours va avoir une forte emprise sur les milieux intellectuels. Pour générer sa propre critique, le Ministère va enquêter, pour la première fois, sur les pratiques culturelles des français. Les résultats vont confirmer la théorie de Bourdieu. Suite à cette enquête, les intellectuels mettront en avant l’existence d’un « non public », celui qui est délaissé par la culture officielle et les inégalités culturelles entre les classes sociales et entres les lieux (Paris / province, rural / urbain). Vient alors la nécessité d’une reconnaissance d’un pluralisme culturel et de l’élargissement de la notion de culture au-delà de la culture savante.2

Les gauchistes prendront le relais et développeront une culture des classes dominées, une contre-culture. Le Parti Socialiste (PS) se distinguera des autres avec un projet culturel innovant : la culture pour tous par tous, dans lequel il reconnaît la potentialité culturelle de chaque individu. En 1977, le PS remporte les élections municipales en grande partie.Les villes deviendront les terrains d’expérimentation du projet culturel socialiste et assureront la plus grande partie des dépenses de la Culture. En effet, entre 1963 et 1978, les dépenses culturelles des municipalités sont multipliées par 18 ! Les villes centres d’agglomérations dépensent le plus avec leurs nombreux équipements et leur offre d’animation

1 Jacques DUHAMEL, cité par Augustin GERARD, Les politiques culturelles d’André Malraux à Jack Lang. In CNFPT, Institutions et vie culturelle. Paris : La documentation française, 1996. p. 15.2 Apparition du concept de Joffre Dumazedier sur les pratiques culturelles, vu dans la Partie 1, II, A : Les pratiques culturelles des français.

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multiforme. Cette réussite encouragera la population à porter la gauche au pouvoir lors des élections présidentielles de 1981.Les politiques locales et nationales divergent et un ministère non déconcentré a des difficultés pour mener une politique globale sur l’ensemble du territoire. En 1977 est voté le décret sur la création des Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC), services décentralisés du Ministère de la Culture en région. C’est le début de la décentralisation culturelle.

Pierre Cabanne, critique d’art, dresse un bilan de l’Entre deux Mai « Malraux avait fait de la culture le luxe d’un Etat fondé sur le prestige ; ce prestige s’est délité et le luxe s’est rétréci jusqu’au trompe-l’œil. »1

C. Jack Lang et la démocratie culturelle

L’arrivée de la Gauche au pouvoir sera un grand tournant pour la culture en France. Le 17 novembre 1981, à l’Assemblée Nationale, Jack Lang déclare « Les Français ont franchi la frontière qui sépare la nuit de la lumière »2 en évoquant la culture.Avant de décrire les missions de ce premier Ministère de la Culture de Gauche, il est nécessaire de revenir sur l’histoire de Jack Lang, qui a promut la nouvelle politique.Jack Lang, étudiant puis professeur en droit, crée le Festival international du théâtre universitaire à Nancy avec son ami Edouard Guibert en 1963. Il est alors mendésiste et a lutté contre la guerre d’Algérie. Sous le ministère Duhamel, il est directeur du Théâtre de Chaillaud et ce n’est seulement qu’en 1977 qu’il adhère au Parti Socialiste. En 1979, au congrès socialiste de Metz, il devient Délégué national à la Culture et porte le projet de la culture pour tous par tous. Enfin, en 1981, il est nommé Ministre de la Culture.

Contrairement au Général De Gaulle, François Mitterrand s’intéresse fortement à la culture. Il est passionné et interviendra dans les décisions auprès de Jack Lang pendant toute la durée de son mandat. Malgré un écart d’âge important entre les deux hommes, des carrières et une vie politique différentes, François Mitterrand apprécie Lang car il a l’art de mobiliser les gens par une mise en scène théâtrale de la politique.

1. Les missions du nouveau Ministère

Le décret du 10 mai 1982 définit les nouvelles missions du Ministère de la Culture. Ainsi, il est réglementaire :1 Pierre CABANNE, cité par Philippe POIRRIER, op. cit.. p. 157.2 Jack LANG, cité par Philippe POIRRIER, L’Etat et la culture en France au 20ème siècle. Paris : Livre de Poche, 2000. p. 160.

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de permettre à tous les français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer,

d’examiner librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix,

de présenter le patrimoine culturel national, régional, ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière,

de favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit et de leur donner la plus vaste audience,

de contribuer au rayonnement de la culture et de l’art français dans un libre dialogue des cultures du monde.

Ces nouveaux objectifs du Ministère de la Culture mettent de côté la démocratisation culturelle. La culture devient le libre épanouissement individuel par la création, dans le respect des cultures régionales et internationales, voire même sociales, un changement radical, qui laisse la place aux pratiques culturelles jusqu’alors marginalisées. Jack Lang instaure une part de social dans la politique culturelle.L’Etat abandonne la démocratisation de la culture (culture pour tous) au profit de la démocratie culturelle (la culture de tous et par tous) qui était depuis 1977 le projet du Parti Socialiste et qui fut mise en place dans de nombreuses municipalités de France. Désormais les politiques nationales et locales peuvent s’accorder autour d’une politique globale.

2. Les actions

La première action caractéristique du nouveau ministère concerne le budget de la Culture. Jack Lang a pris la responsabilité de remettre à niveau le budget de la culture dès son arrivée au sein du Ministère. En 1982, le budget a doublé. Jack Lang s’est permis de réaliser et de mettre en œuvre les idées qu’avaient eues ses prédécesseurs. Il a créé des centres d’art contemporain, de trois la France est passée à quatorze ! Il a subventionné plus de 600 compagnies de théâtre, aidé la danse à prendre son envol et modernisé les musées.Dès le début du mandat de Lang, nous avons vu l’administration se moderniser notamment avec les lois de décentralisation de 1982 – 1983. Suite à l’application de ces lois, l’Etat a signé de nombreuses conventions avec les collectivités territoriales et la déconcentration s’est accélérée. Les acteurs culturels se sont professionnalisés. Le Ministère de la Culture est devenu un ministère égal aux autres avec un rayonnement politique significatif.Jack Lang a développé la formation aux arts en France. Il a subséquemment créé de nouvelles écoles, comme l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques, des conservatoires nationaux de musique ou encore l’Ecole Nationale du Patrimoine. Il a également renforcé et étendu l’action de l’Ecole du Louvre et conçu de nouvelles formations universitaires spécialisées en médiation culturelle.

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Une de ses priorités a été l’éducation artistique en milieu scolaire où les crédits ont été multipliés par 100. Il est apparu de nouvelles initiatives comme les options artistiques dans les lycées ou l’opération Collège au Cinéma qui pérennise.Le Ministère des années quatre-vingt a reconnu un nombre conséquent de nouvelles pratiques jusqu’alors considérées comme mineures. Ce fut le cas pour le jazz, le rock, la chanson, la BD, les arts décoratifs, la mode, le rap ou encore le tag. « L’intuition de Jack Lang a été qu’en élargissant le champ culturel consacré par l’Etat, on pouvait élargir en même temps le public de la culture au-delà des élites cultivées au sens traditionnel, et du même coup populariser le concept de culture. »1

Pareillement, pour faciliter l’accès à la culture de tous, Jack Lang a initié de grandes opérations nationales de sensibilisation qui ont connu et connaissent toujours un succès incontestable : la Fête de la Musique et les Journées du Patrimoine.Jack Lang, a été le premier à véritablement prendre en compte les industries culturelles et à en mesurer les conséquences économiques. Ainsi, il avait une réelle connaissance des enjeux économiques de la culture. Il a porté beaucoup d’intérêt au marché privé du livre, du disque ou du cinéma, limité les abus capitalistes et encouragé le mécénat pour varier la création et la diffusion d’œuvres d’art.L’époque Lang a été la période des Grands Travaux – grandes opérations d’architecture et d’urbanisme - dans la capitale, actions qui ont engagé de lourds financements. Les Grands Travaux ont été initiateurs du Musée d’Orsay, du Parc de la Villette, du Musée des Sciences, de l’Institut du Monde Arabe, de l’Opéra Bastille, de l’Arche de la Défense, du Ministère des finances, de la Cité de la Musique, du Muséum, du Grand Louvre et de la Bibliothèque Nationale de France pour un coût total de 34,239 milliard de francs ! Ces actions ont d’autant plus creusé le déséquilibre entre Paris et la province et ont réaffirmé la position hégémonique de la capitale dans le système culturel français.L’Etat s’est ouvert sur l’étranger et accueille toutes les cultures du monde à Paris et en Province. Ce dispositif est valable pour la diffusion d’œuvres mais aussi pour la prise de direction de centres d’art (danse, théâtre, art contemporain…)

Les actions de Jack Lang ont été nombreuses au sein du gouvernement. La culture a connu une nouvelle forme après son passage au Ministère même s’il a été fermement critiqué. Beaucoup ont dénoncé le « tout culturel » qu’il a créé avec la valorisation des expressions peu reconnues. Ce fut un ministre de la Culture populaire, en 1986, à la veille des élections législatives « 51 % des français souhaitent qu’il reste ministre de la Culture quel que soit le résultat des élections. »2

Si l’on cumule ses mandats, il est resté plus de dix ans à la tête du Ministère qu’il a quitté en 1993 quand la droite a gagné pour la deuxième 1 Augustin GIRARD, op. cit.. p. 16.2 Philippe POIRRIER, op. cit.. p. 164.

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fois les législatives. Depuis aucun homme politique de Gauche n’a repris la direction du Ministère de la Culture.

II. Les musiques actuelles et l’Etat

Une politique culturelle est « un plan d’action délibéré visant à constituer un ensemble cohérent d’équipement et de services, fonctionnant à l’aide de personnels spécialisés se référant à des symboles stratégiquement organisés. »1

Comment les collectivités territoriales ont-elles réagi face au secteur émergent et culturellement non légitimé des musiques actuelles ?

A. La lente prise en compte du rock’n’roll

Les musiques actuelles sont arrivée en France dans les années cinquante avec le rock’n’roll et la guitare électrique. Le rock est vite devenu une musique populaire et a engendré des comportements et des modes de vie spécifiques à cette pratique culturelle.2 La guitare électrique a également trouvé toute sa place auprès de la population jeune et des musiciens, c’est à cette période que la musique a connu de grandes innovations et que les pratiques amateurs ont commencé à se développer.

C’est en 1959 avec la création de la 5ème République qu’a émergé une politique musicale. En 1966, André Malraux a créé le Service de la Musique au sein du Bureau des Théâtres du Ministère des Affaires Culturelles. Il a nommé à sa tête, Marcel Landowski, personnage important de l'apparition de la politique musicale en France. Ce fut, en effet, l’initiateur des premières reconnaissances.Dans ses actions, il a donné la priorité à l’enseignement artistique, à la diffusion et la création des œuvres de qualité. Il a été le premier à décentraliser la culture en région avec son Plan : mise en place d’infrastructures dans chacune des vingt-deux régions telles que les conservatoires, les orchestres ou les théâtres lyriques. Il déclare dès le début de son mandat « La bataille pour la musique est lancée. »3

Malgré une prise en compte apparente de la musique par le gouvernement de De Gaulle, il est important de savoir que les musiques populaires, comme le rock, qui commençaient à faire leur apparition, ont vite été mises à part des engagements politiques en terme de musique.

1 Guy SAEZ, Les politiques culturelles des villes. In CNFPT, Institution et vie culturelles. Paris : La documentation française, 1996. p. 30.2 Cf. Partie 1, III, B : la construction de l’identité.3 Marcel LANDOWSKI, cité par, Philippe POIRRIER, L’Etat et la culture en France au 20ème

siècle. Paris : Livre de Poche, 2000. p. 97.

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Les arguments étaient tels : les pratiques et les comportements liés à l’écoute du rock étaient excessifs. Les personnes écoutant ce genre de musique ont rapidement étaient qualifiées de blousons noirs par De Gaulle, et le gouvernement, en constante opposition avec ces musiques, essayait de canaliser leur énergie.Parallèlement à ces critiques gouvernementales, le rock ne nécessitait pas d’être démocratisé au même titre que les autres formes d’art, étant lui-même déjà très populaire. « Lorsqu’on parle de la pleine reconnaissance des musiques actuelles, on a coutume d’accompagner cette revendication du désir de voir s’y effectuer une meilleure organisation de leur professions, de leur diffusion et de leur médiatisation, mais rarement de leur démocratisation. Comme si leur accessibilité allait de soi, comme si en ce domaine les habituelles barrières socioculturelles avaient été miraculeusement levées. »1

Les mouvements politiques de Gauche ont eu un rôle fondamental dans la reconnaissance des musiques actuelles et leur prise en compte par les politiques publiques dans les années soixante.Le Parti Communiste Français fut l’un des principaux précurseurs des actions en faveur du rock. En 1963, il édite un nouveau magazine de musique, en concurrence à « Salut les Copains », « Nous les garçons et les filles » dans lequel le rock’n’roll a une place considérable. Le rock fait également son apparition dans les fêtes politiques d’extrême gauche. La Fête de l’Humanité a été l’une des premières a programmer des grands rockeurs de renommée internationale. Il devient dès lors le principal acteur de l’acclimatation du rock en France.Dans les années soixante-dix, le rock influençait les comportements selon les politiques. Il devenait même un danger, qui pouvait entraîner une nouvelle révolution après la crise de 1968. Il existait un lien entre le rock et la volonté de changer le monde !En effet, à cette époque, « le rock est une forme active de rapport à la société. »2

Dans les années soixante-dix le gauchisme français connaît une métamorphose. Les mouvements sociaux disparaissent progressivement. Les effectifs des syndicats baissent singulièrement, le militantisme est en crise, les mouvements féministes et d’écologie s’effacent petit à petit. Simultanément, les français découvrent l’apathie, les individus se dépolitisent de plus en plus. Le rock place la jeunesse dans un processus révolutionnaire, et les politiques dénoncent son influence.La prise en compte n’est encore que néfaste à la fin des années soixante-dix.

La reconnaissance du rock sera le résultat d’un travail militant des associations, des nouvelles professions du travail social, de l’éducation

1 Commission Nationale des Musiques Actuelles. Rapport à Catherine Trautmann Ministre de la Culture et de la Communication. Paris, 1998. p. 242 GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen, 1997. p. 25.

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populaire, de l’animation socioculturelle et des actions politiques des militants du rock, de plus en plus concernés et formés, auprès des élus.

Ce n’est qu’en 1981 que le rock et les musiques actuelles, nommés populaires à l’époque, sont officiellement reconnus avec le gouvernement de Gauche de François Mitterrand et la présence de Jack Lang à la tête du Ministère de la Culture.Les raisons sont multiples. Il trouve sa place dans les politiques culturelles via les politiques de la jeunesse ou d’urbanisation. « Le caractère multiforme du rock, art, problème social et expression culturelle fait qu’il trouve de nombreux moyens de s’inscrire dans les politiques d’aménagement urbain, dans les politiques d’insertion ou dans ce qu’on nomme la modernisation de l’appareil culturel. »1

Au fur et à mesure des années, grâce au gouvernement de gauche et des actions de Jack Lang en faveur de la musique, les musiques actuelles trouvent toute leur place au sein du Ministère, et surtout au sein des collectivités locales. L’évolution sera longue mais des mesures verront le jour petit à petit.

B. Les actions et les engagements du Ministère

En 1981, l’arrivée de la Gauche au pouvoir et de Jack Lang au Ministère de la Culture occasionnèrent une rupture significative pour la culture en France. Jack Lang a mis en place le concept de démocratie culturelle, c’est-à-dire de réhabilitation des cultures spécifiques à des groupes sociaux et la déhiérarchisation des valeurs artistiques en opposition à la démocratisation de la culture élitiste d’André Malraux. « C’est parce que se développe la logique de la démocratie culturelle que peut se mettre en place une politique vis-à-vis du rock comme expression du groupe juvénile. Mais c’est aussi parce que le rock est bien à démocratiser, dont il faut faciliter l’accès, qu’il convient d’agir en sa faveur. »2 La politique musicale connaît un nouveau tournant grâce au ministre et au directeur de la Musique et de la Danse de l’époque, Maurice Fleuret, qui ont rapidement mesuré l’échec des politiques précédentes3 et initié les mesures fondatrices de la reconnaissance des musiques actuelles.En une dizaine d’années, les engagements se concrétisent avec en tout premier lieu la création de la Fête de la Musique, évènement très populaire. Puis se met en place le programme d’équipements de diffusion : les Zéniths, la création du Centre Nationale de la Chanson, de l’Orchestre

1 GEMA, op. cit.. p. 25.2 GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 263 La réalité culturelle est telle : les enquêtes sur les pratiques culturelles des français ont montré l’échec de la démocratisation, la consommation massive de produits culturels et l’espace de plus en plus important occupé par le rock et la pop.

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National du Jazz, du Fonds de Soutien1, du FAIR2, du Réseau Printemps3 et des premiers pôles régionaux, la baisse de la TVA et l’autorisation des publicités télévisées sur le disque. En 1989, apparaît la première formation professionnelle des acteurs des musiques actuelles à Issoudun, en management.

L’Etat compte désormais défendre le pluralisme culturel, et les musiques actuelles font partie intégrante de la Culture et témoignent de sa diversité.La décentralisation favorise l’action culturelle en faveur des pratiques culturelles des jeunes et des musiques actuelles car elle met en place des politiques culturelles au sein des collectivités territoriales.

Dès le début des années quatre-vingt-dix, les musiques actuelles trouvent toute leur place au sein du Ministère avec, premièrement la création du label Cafés Musiques4 en 1990, puis la reconnaissance de l’IRMA par le Ministère, un des principaux acteurs du secteur, et la mise en place du label SMAC5 (Scène de Musiques ACtuelles) par Philippe Douste Blazy, Ministre de la Culture de 1995 à 1997.La seule année de Catherine Trautmann à la tête du Ministère change totalement la prise en compte des musiques actuelles par les politiques nationales. « L’émergence des musiques actuelles témoigne à la fois d’une prodigieuse vitalité mais aussi d’attentes spécifiques vis-à-vis desquelless les pouvoirs publics doivent pouvoir donner de vraies réponses avec des moyens d’actions appropriés. »6 Elle demande dès lors la création d’une Commission Nationale des Musiques Actuelles, réunissant professionnels et acteurs du secteur. Le but est de faire un état des lieux général afin de déterminer la logique d’actions à mettre en place ainsi qu’une politique globale, cohérente et spécifique pour les musiques actuelles. Suite à l’étude de ce rapport à Catherine Trautmann, le secteur des musiques actuelles connaîtra une nouvelle reconnaissance. Le Ministère étudie la création d’un Observatoire des musiques actuelles pour étudier les pratiques et les comportements ainsi que l’économie de la musique.Parallèlement, le Ministère créé le label Scène de Jazz, apparaît la Chartre des missions de service public, qui favorisent l’émergence de nouvelles SMAC et laissent aux équipes une plus grande liberté d’action.

Avec le passage de Catherine Trautmann à la tête du Ministère de la Culture et de la Communication, on avait le sentiment que les musiques

1 Etablissement public industriel et commercial, il redistribue aux salles et aux producteurs de musique, les recettes de la taxe parafiscale.2 Fond d’Actions et d’Initiative Rock : aide financière et juridique des groupes, promotion, formation professionnelle et conseil en management.3 Promotion d’artistes locaux au Printemps de Bourges4 cf. Partie 3, I, C : Les cafés-concerts.5 cf. Partie 3, I, B : Les SMAC.6 Catherine TRAUTMANN, Ministre de la Culture et de la Communication, 1997.

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actuelles trouveraient désormais leur place dans le champ des politiques culturelles et artistiques publiques.Catherine Tasca, de 2000 à 2002 a tenté une certaine identification, « L’accent sera mis sur le programme des scènes de musiques actuelles, qui atteste de notre présence auprès des collectivités territoriales, des artistes et des publics jeunes dans ce domaine. Mon Ministère apporte son concours dès lors que les projets privilégient la création et l’accompagnement des artistes en début de carrière. »1 Mais l’effacement s’exercera petit à petit jusqu’à disparaître des priorités culturelles, sous les ministères de Jean-Jacques Aillagon et Renaud Donnedieu de Vabres (soutien aux Zéniths et aux SMAC mais le budget manque).

Aujourd’hui l’Etat a une priorité économique, il soutient prioritairement le secteur marchand (spectacle vivant, industrie du disque), et son caractère est limité, les chiffres le montrent.Pourtant l’Etat devrait tenir un rôle essentiel de partenariat avec les collectivités territoriales. Il est garant et moteur de la dimension nationale des politiques.

C. Organisation du Ministère et budgets des Musiques actuelles

1. Organisation administrative du Ministère de la Culture et de la Communication et les musiques actuelles

Depuis 1959 et l’invention de la politique culturelle, la Culture a connu diverses formes d’administration publique, le Ministère chargé des Affaires Culturelles, le Ministère de la Culture et depuis peu le Ministère de la Culture et de la Communication.A sa tête se situe le Ministre, responsable de treize services et des vingt-et-un directeurs des Directions régionales des Affaires Culturelles et des établissements publics sous tutelle (cf. annexe B).La DMDTS2 est l’un des treize services, il a en charge les musiques actuelles. C’est en 1998, avec l’arrivée de Catherine Trautmann au Ministère, que la DMDTS s’est modernisée. Auparavant, il y avait deux directions, une regroupant la musique et l’autre le théâtre et le spectacle vivant. Dans le souci de mettre les ressources administratives en commun et d’avoir une politique d’actions plus globale, la Direction Musique et Danse est devenue la DMDTS avec à sa tête, un directeur Dominique Wallon (cf. annexe C).

1 Catherine TASCA, Ministre de la Culture et de la Communication, 1998.2 Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et du Spectacle.

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2. Investissements publics des musiques actuelles

Comme souligné précédemment les musiques actuelles ont été officiellement reconnues en 1981 avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir. L’argent débloqué pour des subventions ne peut être déterminé qu’à partir de cette date.

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Année

Montant Millions de

Francs Actions1981 0,5 pratiques amateurs

    premier soutien aux salles de diffusion    soutien des festivals de jazz (2,5MF)

1984 13,5 Zénith de Paris    Festivals Printemps de Bourges et Les Francofolies de la Rochelle

1985 21 Soutien au Centre d'Info Jazz et au Centre d'Info Rock    Zénith de Montpellier    Subvention de fonctionnement et d'équipement aux petites salles

1994 46 Suite…1995 38,5 soutien à l'installation des magasins spécialisés en disques

 15,8

déconcentrés  1996 51,5 Hall de la Chanson au Parc de la Villette

 25,5

déconcentrés Création et soutien des SMAC    Soutien des petits lieux et des pôles régionaux

1997 67 Suite…

1998 32soutien aux structures de découverte, d'information et d'insertion professionnelles

  35 déconcentréssoutien aux fédérations et associations de professionnels (Fédurok, GEMA…)

   Festivals Printemps de Bourges, Les Francofolies de la Rochelle, Banlieues Bleues

1999 35 Fonctionnement et équipement des SMAC    Résidences Chanson et Jazz    Orchestre National de Jazz    Festivals    Ecoles associatives

   Création de Postes d'enseignants dans les écoles contrôlées et équipement spécifique

    Soutien aux structures pour l'exportation de productions nationales    Formation, Diffusion

2000 47,2 (7,2 M€)Formation professionnelle : mise en place de diplôme d’enseignement

   Education artistique : spécification des intervenants musique à l’école

    Enseignement spécialisé / pratiques amateurs    Création : résidences chanson, aide aux ensembles de Jazz, ONJ    Diffusion : renforcement de la politique des SMAC    Patrimoine : Hall de la chanson

   Industries musicales : Observatoire National de la Musique, Fond de Soutien

    Investissement : SMAC, Hall de la Chanson, Zénith de Rouen

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La réalité est telle, au cours des vingt-cinq dernières années, le Ministère a investi tant pour telles actions. Nous ne pouvons pas ignorer la prise en compte budgétaire de plus en plus importante. De 1981 à 2000, le budget alloué aux musiques actuelles a été multiplié par 95 ! Et, en plus de ces chiffres les budgets déconcentrés sont plus importants que les budgets du Ministère lui-même.Mais la prise en compte est déséquilibrée comparée aux autres secteurs financés par la DMDTS.En 1997, le budget de la DMD1 (la réforme Trautmann date de 1998 pour la DMDTS) est de 1,973 milliards de Francs2. Le budget des musiques actuelles est de 67 MF, soit 3.4 % du budget total. Il est important de savoir que l’Etat encaisse près de 2 milliards de Francs3 de TVA sur le disque (20,6 %) - dont 93 % proviennent des variétés - ainsi que la TVA sur les instruments de musique (20,6 %) et les droits d’auteurs des concerts (5,5 %). La musique classique représente 93 % du budget de la DMD. Les principaux consommateurs de musique sont majoritairement des jeunes4 et leurs goûts sont plus dirigés vers les musiques actuelles. La consommation de musiques actuelles est la plus conséquente alors que la musique classique ne concerne que 10 % de la population5. « La musique est le seul secteur culturel où l’Etat reçoit de la TVA plus qu’il ne redistribue. »6. Le budget de la DMD (1.973 milliards) est inférieur à la taxe perçue sur les disques (2 milliards).

Les différents genres de musique sont inégalement pris en compte, un sérieux déséquilibre s’observe entre les musiques savantes et les musiques populaires (cf. annexe D). Un rééquilibrage s’avère nécessaire.

III. Les collectivités de proximité   : les chefs de file des musiques actuelles

Bien que les engagements étatiques se soient particulièrement développés en une vingtaine d’années, les premières à prendre en compte les musiques actuelles dans leurs politiques, sont les municipalités. Bien avant 1981, elles soutenaient déjà le milieu.« Bien qu’étroitement liées aux normes et aux financements étatiques, ces politiques doivent beaucoup au volontarisme propre des municipalités, départements et régions. »7

1 Direction de la Musique et de la Danse.2 Source : DEP.3 Source : SNEP (Syndicat Nationale de l’Edition Phonographique).4 cf. Partie 1, II, A : Les pratiques culturelles des français.5 Olivier DONNAT, Les pratiques culturelles des français. Paris : La Documentation Française, 1997. p. 243.6 Commission Nationale des Musiques Actuelles, op. cit.. p. 18.7 Philippe POIRRIER, L’Etat et la culture en France au 20ème siècle. Paris : Livre de Poche, 2000. p. 176.

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Parallèlement, les lois de décentralisation ont fortement favorisé le développement des politiques en faveur des musiques actuelles.

A. La décentralisation de la culture

En 1969, sous André Malraux, apparaissent, pour expérimentation, les trois premières Directions des Affaires Culturelles (DRAC). C’est le début de la modernisation administrative du Ministère de la Culture.C’est en 1977, qu’est rédigé le décret sur la création des DRAC. En 1982 puis 1983, elles sont formalisées avec les lois de décentralisation. Il y a désormais vingt-et-une DRAC, autant que de régions.Dès lors l’Etat, avec une meilleure proximité, devient partenaire des collectivités locales.Par définition, une DRAC est placée sous l’autorité des préfets de région (nommés par le Ministre de l’Intérieur), elle est un service déconcentré du Ministère de la Culture. Chaque DRAC dispose de conseillers spécialisés en théâtre, musique, danse,…. Elle a deux rôles. Le premier, plutôt législatif, est de contrôler l’application des normes et des réglementations édictées par l’Etat. Le second, rôle de partenariat, est d’accompagner les collectivités territoriales et les institutions culturelles et artistiques dans la négociation de projets, l’administration de divers organismes…En 1982, simultanément aux lois de décentralisation, l’Etat a mis en place des conventions de développement culturel avec les régions et les départements. Les objectifs de ces conventions sont de définir des politiques culturelles porteuses d’innovations et d’actions en faveur de certains publics comme les jeunes ou les quartiers sensibles, et d’amplifier, coordonner les initiatives culturelles des différents partenaires. La culture, dès lors, est décentralisée ; les collectivités de proximité ont, soudainement, eu des responsabilités politiques culturelles et ont su développer des actions.En 1992, de nouvelles lois sur la décentralisation sont apparues, et ont permis une meilleure déconcentration des fonds budgétaires en régions. « La loi du 6 février 1992 sur l’administration territoriale de la République et le décret du 1er juillet 1992 portant chartre de la déconcentration conduisent à une véritable révolution administrative. Le Ministère de la Culture, dont la pratique est traditionnellement centralisée et sectorielle, se voit dans l’obligation de donner la priorité à ses services déconcentrés tout en redéfinissant les missions de ses services centraux. »1

Dès lors, la déconcentration s’est accrue, elle est devenue de plus en plus importante. En effet, en 1999, elle représente 63 % du budget de la DMDTS alors qu’en 1997, à l’inverse, elle ne représentait que 38 %.La décentralisation va favoriser le développement des financements croisés, chaque collectivité est invitée à contribuer à une opération. C’est aussi le début du partenariat entre l’Etat et la région, et la naissance des politiques culturelles régionales.1 Philippe POIRRIER, op. cit.. p. 170.

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B. Les régions

« La culture n’est pas aujourd’hui un secteur prioritaire de l’action des Conseils Régionaux. »1 Malgré cette réalité, l’engagement des régions se développe de plus en plus dans le champ culturel. Dans celui des musiques actuelles, la prise en compte est récente et minime, pareillement au Ministère. Les régions ont-elles une réelle volonté de s’impliquer dans ce domaine ?

1. L’action culturelle

Chaque collectivité a des compétences propres. Les objectifs généraux de l’action culturelle en régions sont :

soutenir la création et la diffusion artistiques, permettre la conservation et la diffusion du patrimoine architectural et muséal,

développer l’animation culturelle, soutenir la culture scientifique, technique et ethnologique (champ d’actions récent),

favoriser la diffusion et l’enseignement culturel en milieu rural, soutenir la production cinématographique et audiovisuelle, développer la formation professionnelle des acteurs culturels.

La région est de plus en plus axée sur la diffusion du spectacle vivant et les productions artistiques. La conservation du patrimoine occupe tout de même une part importante du budget, comme dans les autres collectivités territoriales et le Ministère.L’évolution de l’action culturelle des régions dépend de l’évolution des processus de décentralisation et de déconcentration. Plus la déconcentration sera importante, plus l’action culturelle pourra se développer.

2. Les dépenses culturelles

Les dépenses culturelles des régions sont modestes. Le financement des différentes opérations culturelles représente la part la plus faible des collectivités publiques. Les dépenses ont connu un développement important dans les années quatre-vingt, au début de la décentralisation. Puis dans les années quatre-vingt-dix, elles ont commencé à diminuer. En 1993, les dépenses culturelles des régions étaient 7,5 fois inférieures à celles des communes et représentaient 2,4 % de leur budget global2.Les régions financent en grande partie la culture dans :1 Mireille PONGY, L’intervention des régions et des départements. In CNFPT, Institutions et vie culturelle. Paris : La documentation française, 1996. p. 39.

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le spectacle vivant, la conservation du patrimoine, l’art contemporain, le livre, la création cinématographique, l’animation.

Elles ne gèrent directement aucun équipement culturel mais contribue au fonctionnement des structures associatives par le versement de subventions.

3. Les actions en faveur des musiques actuelles

Les musiques actuelles sont reconnues depuis peu par les politiques culturelles étatiques. Le cas est identique en régions, elles ont besoin, en partie, d’être guidées par les directives nationales. Et puisque la culture n’est pas une priorité pour les Conseils Régionaux, les musiques actuelles ne sont pas la priorité de l’action culturelle générale.Les régions ont depuis longtemps un rôle d’observateur des pratiques dans le domaine des musiques actuelles, elles sont le relais entre les villes et les départements – collectivités de terrain – et le Ministère de la Culture, elles ont une vision d’ensemble. Mais leur soutien est minime. Elles s’investissent dans la production et la diffusion en milieu rural, et depuis 2000, la formation, la création et la diffusion sont un peu plus prises en compte dans les budgets. Elles aident pour partie au fonctionnement des SMAC, elles soutiennent les festivals qui ont un rayonnement régional, les écoles de musiques, les pôles régionaux et le Réseau Printemps.

Dès 1983, apparaissent les premiers contrats de plan Etat / Région, politique incitative de l’Etat pour la création de centres culturels régionaux, le développement social des quartiers, le renforcement des réseaux culturels ou le financement de la diffusion et de la formation. Ils définissent les actions que l’Etat et la Région s’engagent à mener conjointement, par voie contractuelle, en faveur du développement économique, social et culturel. Les derniers contrats de plans sont engagés pour la période 2000 – 2006. Ils ont la possibilité de mettre en place des équipements structurants ou des actions régionales, des financements croisés, des développements locaux, des investissements de proximité et des créations d’emplois. Le secteur des musiques actuelles a tout intérêt d’y trouver sa place. Ainsi les pôles régionaux ont un rôle important à jouer auprès du Conseil Régional de leur région pour permettre une meilleure implication des régions dans le domaine des musiques actuelles.

2 Mireille PONGY, L’intervention des régions et des départements. In CNFPT, Institutions et vie culturelles. Paris : La documentation française, 1996. p. 39.

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C. Les politiques culturelles des villes et des départements

1. Les villes

Dès 1900, quelques villes soutiennent la culture avec le versement de subventions aux associations. En 1936 avec le Front Populaire, les dépenses de ces villes augmentent. Généralement, ce sont des villes avec des municipalités de Gauche qui ont les premières initiatives.A la fin de la Seconde Guerre Mondiale apparaissent les premières interventions des mairies en faveur de la culture mais il n’existe pas encore de réelle politique culturelle.Les actions culturelles originelles des municipalités émergent avec les mouvements d’éducation populaire et l’animation socioculturelle. C’est l’époque où les villes tiennent à doter les nouveaux espaces urbains (tels que les ZUP1) d’équipements dans lesquels les habitants trouveront des lieux d’expression, des activités sociales, des loisirs culturels et sportifs et des compléments éducatifs. Ce sont les premiers équipements socioculturels et les premiers engagements politiques des communes en terme de culture.Avec les années soixante-dix la culture se municipalise effectivement, notamment avec les Maisons de la Culture initiées par Malraux qui engagent des frais importants.« En 1978, les collectivités locales représentent, avec 11,5 milliards de francs, 52,4 % des dépenses publiques culturelles. Les municipalités représentent à elles seules 45,2 % de ces dépenses, loin devant les départements (6,3 %) et les Etablissements publics régionaux (0,9 %). »2

« Les villes ont toujours été le siège d’une certaine activité artistique et culturelle à partir de laquelle leurs populations se sont forgées une identité. »3

Les raisons de l’émergence des politiques culturelles municipales sont nombreuses. Les municipalités décident de se doter d’une action culturelle pour obtenir un meilleur impact économique, un prestige culturel, une meilleure valorisation de leur développement local. Elles tiennent à affirmer leur identité et améliorer leur notoriété face aux régions et aux départements. Il existe aussi un but de proximité, l’action est plus adaptée lorsqu’elle est initiée par des élus présents. « Les communes sont traditionnellement conçues comme un échelon politico-administratif spécifique où se réalisent des valeurs fondamentales pour la cohésion de la société, comme la proximité et l’identité. »4

1 Zones d’Urbanisation Prioritaires.2 Philippe POIRRIER, L’Etat et la culture en France au 20ème siècle. Paris : Livre de Poche, 2000. p. 150.3 Guy SAEZ, Les politiques culturelles des villes. In CNFPT, Institutions et vie culturelles. Paris : La documentation française, 1996. p. 29.

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Il convient aussi de convaincre les entreprises et les travailleurs de venir s’y installer, afin de développer une zone d’activité conséquente.

En terme d’actions, les grandes villes s’engagent à soutenir, de manière importante, le spectacle vivant, l’art contemporain, les expositions, les festivals synonymes d’offres d’excellence. C’est le cas des villes comme Toulouse, Strasbourg, Nantes, Bordeaux, Marseille ou Grenoble. Mais en règle générale, toutes cautionnent également les bibliothèques municipales, les écoles de musique et d’art, l’animation polyvalente et les musées.Les deux grands axes sont donc l’enseignement artistique et la diffusion culturelle.

Les communes sont, financièrement, les collectivités les plus impliquées dans la culture. Elles sont les premières à gérer directement le fonctionnement d’équipement culturels : les bibliothèques, les écoles de musique, les centres culturels, les musées, les théâtre, les monuments…En 1987, les dépenses culturelles des grandes villes (plus de 10 000 hbts) accroissent considérablement avec en moyenne 11,4 % de part du budget et jusqu’à 18,5 % pour la ville de Strasbourg !Mais au début des années quatre-vingt-dix, les villes connaissent de grandes crises financière, et les dépenses culturelles sont remises en cause.Les dépenses culturelles des villes, aujourd’hui, sont comprises entre 8,7 % et 13,3 % du budget selon leur taille démographique et 8,5 à 12,4 % selon leur implantation (les villes centres dépensent plus que les villes isolées qui elles-mêmes investissent plus que les villes périphériques).

2. Les départements

Avec la décentralisation, les départements connaissent un réel transfert des compétences.Leur action culturelle s’oriente vers la conservation et diffusion du patrimoine en premier lieu, la lecture, le soutien de la création et de la diffusion artistiques, un fort engagement est visible spécialement pour le milieu rural.

Les budgets culturels des départements sont croissants inégalement d’années en années selon la ruralité des départements. Si le département possède une ville centre, le soutien financier sera important pour ses équipements. Si le département est plus rural, la part d’initiative sera privilégiée.Les dispenses représentent environ 2,6 % de leur budget. La gestion directe d’équipements représentait 54 % de ces dépenses en 1993.4 Guy SAEZ, Les politiques culturelles des villes. In CNFPT, Institutions et vie culturelles. Paris : La documentation française, 1996. p. 29.

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En 1993, le budget de la Culture était de 74 milliards de Francs : 50,1 % des dépenses était généré par l’Etat et 49,9 % par les collectivités territoriales.

D. Initiatives et engagements

Les villes sont les partenaires immédiats et principaux des musiques actuelles, leur rôle est de répondre à la demande et à l’attente locales, elles sont d’autant plus sollicitées que le Ministère. Par leur proximité, elle est, plus aptes que les autres collectivités et que le Ministère, à prendre conscience de la réalité du champ des musiques actuelles, à mieux en analyser les carences et à engager des actions cohérentes. Elles ont su prendre en compte rapidement le développement des pratiques amateurs.

Bien avant 1981 et l’arrivée de la Gauche au pouvoir, dans le souci de resserrer les liens entre la jeunesse et la mairie, prévenir la délinquance, voir revivre une culture populaire et faire émerger une nouvelle culture urbaine, les communes étaient souvent engagées dans le soutien des groupes locaux.Leur logique d’action, avant tout, était d’ordre social. « La dimension sociale des actions publiques dans le domaine des musiques amplifiées (c’est-à-dire de contribution au traitement de problèmes sociaux touchant surtout des populations jeunes) est souvent présentée comme ce qui les justifie fondamentalement. »1 Les musiques actuelles concernent principalement les jeunes, c’est aussi la musique des quartiers. Ainsi les villes ont développé une politique de lutte contre l’exclusion et ont associé les politiques culturelles des musiques actuelles à la Politique de la Ville, aux actions menées en faveur des quartiers défavorisés. C’est le cas, entre autres, des cafés musiques2.

Les enjeux des musiques actuelles pour les collectivités territoriales sont divers. Le domaine des musiques actuelles est un nouveau champ d’expériences et d’expérimentations. La réflexion des politiques est basée sur la forte demande, la diversité des publics, le fait qu’elles soient difficilement intégrables dans les dispositifs culturels traditionnels (écoles de musique, équipements de diffusion) et qu’elles impliquent une transversalité des politiques culturelles, de la jeunesse, de la santé et de la ville.Ainsi, les collectivités locales sont initiatrices de politiques sociales dans les quartiers difficiles et d’ « actions et d’équipements structurés non plus

1 Philippe TEILLET, Eléments pour une histoire des politiques publiques en faveur des musiques amplifiées. In Philippe POIRRIER, Les collectivités locales et la culture : les formes de l’institutionnalisation, 19ème – 20ème siècles. Paris : La documentation française, 2002. p.371.2 cf. Partie 3, I, C: Les cafés-concerts.

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autour des œuvres et des pratiques venues d’ « en haut » mais des productions et des pratiques venues d’ « en bas », des populations elles-mêmes. »1 Une nouvelle logique d’action s’est développée, auparavant la culture était nécessairement de qualité et n’était accessible qu’aux nantis.L’image de la ville est également importante. Le rock donne une image jeune et dynamique à une ville ou un département, au même titre qu’une université ou l’activité sportive de celui (celle)-ci.

Les actions engagées par les collectivités locales ont donc été précoces. Les villes s’engagent sur plusieurs champs d’actions : la formation, la création, la diffusion, en mettant l’accent particulièrement sur la formation, l’éducation musicale et la valorisation des pratiques amateurs. Dès le début des années soixante-dix, le rock et la pop ont fait leur apparition dans les discothèques municipales et les activités des MJC2, gérées directement par les mairies.Elles se dotent d’équipements spécifiques aux pratiques musicales, de studios de répétition, sans ghettoïser les pratiques. Elles favorisent le dialogue entre les porteurs de projets et les acteurs de la vie musicale locale. Elles génèrent des emplois stables et identifient les équipes.

L’initiative la plus importante des collectivités locales dans le champ de musiques actuelles est l’équipement en lieux de diffusion spécifique à ces musiques. Le Florida, à Agen, témoigne de la volonté des politiques locales. Ce lieu de diffusion des musiques actuelles a été conçu par une municipalité selon des préoccupations artistiques, culturelles et sociales, en collaboration avec les professionnels et les acteurs du milieu.Suite à l’initiative des communes, l’Etat s’engage en 1995, à soutenir ces lieux de diffusion de musiques actuelles et les labellise SMAC.

Les villes ont cependant encore besoin du soutien des départements pour une complémentarité au niveau des budgets, et des régions pour obtenir une retranscription de l’ensemble des actions régionales.

« Les politiques à l’égard des musiques amplifiées devraient être définies et conduites au niveau des agglomérations pour permettre de gérer, au cas par cas, le rapport centre – périphérie car les pratiques des jeunes ignorent les limites d’un territoire municipal et certaines questions (sécurité, santé publique, lutte contre la toxicomanie,…) ne peuvent être abordées à ce niveau. »3

1 Philippe TEILLET, op. cit.. p. 383.2 Maisons des Jeunes et de la Culture.3 Marie-Thérèse FRANCOIS-PONCET, Jean-Claude WALLACH, Rapport général de la commission musiques amplifiées. Agen : mars 1999. p. 21.

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La France a su se démarquer des autres nations en matière de considération de la culture. Elle favorise aujourd’hui la diversité culturelle, prend en compte les différentes pratiques et les nouvelles expressions artistiques, qu’elles soient professionnelles ou amateurs.Les musiques actuelles sont apparues en France il y a plus d’une cinquantaine d’années et ont vite su trouver leur place dans la société. Cette place a crû au fur et à mesure du temps, et c’est seulement depuis une vingtaine d’année qu’un processus de reconnaissance a été initié de la part de l’Etat, les collectivités locales ont été un peu plus précoces. Les politiques culturelles engagées dans le domaine des musiques actuelles sont diverses et plus ou moins importantes selon les collectivités. L’étude précédemment faite, nous amène à croire que plus la collectivité est proche, plus la considération est importante car la connaissance plus évidente. « La multiplication des lieux voués à ces musiques, l’apparition corrélative de professionnels et d’organisations implantés en « région », la place des collectivités dans le financement des activités culturelles, le développement de la déconcentration conduisent à prévoir une forte territorialisation de ces politiques. »1

Cela dit, aujourd’hui les collectivités locales et les professionnels des musiques actuelles ont besoin d’une politique nationale pour les guider dans leur logique d’action. Et, pour l’instant, le Ministère de la Culture est encore trop absent dans la reconnaissance des musiques actuelles.

L’engagement est insuffisant mais réel. Qu’en est-il de l’état des actions que l’Etat et les collectivités locales se sont promis de soutenir : la diffusion, la formation, la valorisation des pratiques amateurs et la création ?

1 Philippe TEILLET, Eléments pour une histoire des politiques en faveur des musiques amplifiées. In Philippe POIRRIER (Dir.), Les collectivités locales et la culture : les formes de l’institutionnalisation, 19ème – 20ème siècles. Paris : La documentation française, 2002. p. 386.

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Etat des lieux

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État des lieux des musiques actuelles

I. La diffusion

« La diffusion, la programmation de concerts est la « pointe émergée de l’iceberg », la partie par laquelle de nombreux « lieux de vies musicales » ont débuté, et souvent le premier contact avec les populations, ne serait-ce que par l’intermédiaire de la communication. »1

Les lieux de diffusion ont diverses activités, mais la diffusion reste tout de même la principale, car la plus sollicitée par le public et la moins déficitaire (financièrement) – même si le pôle d’activités des musiques actuelles n’est pas rentable.

La demande du public en terme de programmation est un sérieux dilemme pour les diffuseurs. L’opposition entre le secteur public et le secteur privé se fait sans cesse ressentir. En effet, il faut offrir au public le plus large de ce qu’il réclame mais la réalité est différente, et les salles jouent un rôle d’autant plus important de formation, qu’elles proposent au public ce qu’il ne va pas nécessairement aller chercher et voir lui-même.

Grâce aux programmations variées et de découverte, ces lieux permettent un pluralisme musical émergeant difficilement avant les premières initiatives. « Le pluralisme musical, réel en France mais limité dans son développement d’une part, la proximité avec l’artiste et le public d’autre part, s’ils relevaient de facto du marché, appelait néanmoins des mécanismes régulateurs que l’on pourrait résumer sous la formule suivante : « donner sa chance à tous ». »2 Le rôle du pluralisme est essentiel pour les artistes car cette diffusion artistique est aussi l’un des plus importants vecteurs de professionnalisation pour eux, elle leur permet de monter sur scène, de se confronter au public3.

La diffusion des musiques actuelles apparaît sous différentes formes : la diffusion phonographique, les Scènes de Musiques Actuelles (SMAC), les Cafés musiques ou cafés-concerts et les festivals.La fête de la musique est aussi une forme de diffusion des musiques actuelles. Elle est d’ailleurs la forme la plus reconnue avec l’adhésion quasi totale des populations et des collectivités territoriales.

1 Flavie VAN COLEN, Education Populaire et musiques amplifiées. INJEP, Marly Le Roy: 2002. p.29.2 Commission Nationale des Musiques Actuelles. Rapport à Catherine Trautmann Ministre de la Culture et de la Communication. Paris, 1998. p. 141.3 Cf. Chapitre II, A : La formation des musiciens.

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A. Le disque et la médiatisation

La vente de disques est un marché important en France. « La France est l’un des pays où les compagnies internationales de disques ont la part de marché la plus forte. »1 Ces compagnies internationales, fréquemment appelées majors et plus connues sous les dénominations d’Universal, Sony, EMI ou BMG, distribuent en moyenne 85 % des disques dans notre pays, contre 75 % en Grande-Bretagne par exemple.Les labels indépendants, quant à eux, sont très nombreux (environ mille références) mais produisent, promeuvent et distribuent nettement moins de disques que les majors. « Pour autant, ce sont souvent les structures indépendantes qui, par leur proximité, leur souplesse, leur taille, pratiquent une politique de découverte nettement plus pointue que celle des grandes sociétés, notamment en direction de nouveaux secteurs de création. Les grandes compagnies en sont bien conscientes qui, pour la plupart, ont créé elles-mêmes des cellules de petite taille, des mini labels, adaptés à la recherche des nouveaux artistes. »2 C’est grâce à ces labels que les artistes en voie de professionnalisation parviennent à être accompagnés dans leurs démarches de production.

Nous avons constaté que la vente est majoritairement l’affaire des majors. Cette réalité est sûrement due au fait que les disques sont essentiellement vendus dans l’hyper distribution (60 %), les grandes enseignes commerciales (Auchan, Carrefour, Leclerc), les magasins spécialisés (FNAC, Virgin, Nuggets…) et une part minime chez les disquaires indépendants.

La vente de disque est liée à la communication que l’on peut faire des supports de diffusions, entre autres par les médias. Mais la médiatisation des artistes est de plus en plus difficile avec la diminution du nombre de titres différents diffusés en radio et la baisse du nombre d’heures de diffusion de musique à la télévision - alors que le nombre de chaînes augmente ! « Il est de moins en moins facile d’assurer la promotion des répertoires et des artistes « grand public », il n’est pas difficile d’imaginer que celle des artistes nouveaux, des styles de musiques émergents ou des répertoires dits « difficiles » est pratiquement impossible. »3

Les programmations des chaînes télévisées du service public n’ont que très rarement des émissions consacrées aux artistes émergents, CD’aujourd’hui (promotion d’artistes émergents et surtout émergés) sur France 2 dure une petite dizaine de minutes, Tracks sur Arte est diffusée à une heure tardive où la possibilité de vision est dérisoire. L’Etat ne joue pas son rôle, la situation s’aggrave. Les artistes ont de plus en plus de difficultés à se faire reconnaître.1 Commission Nationale des Musiques Actuelles. Rapport à Catherine Trautmann Ministre de la Culture et de la Communication. Paris, 1998. p. 144.2 Commission Nationale des Musiques Actuelles. op. cit.. p. 145.3 Commission Nationale des Musiques Actuelles. op. cit.. p. 146.

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L’Etat et le service public doivent se repositionner par rapport à la reconnaissance du pluralisme culturel, tant au niveau de la télévision qu’au niveau des radios. « La prise en compte de la programmation musicale des radios comme l’une des composantes essentielles de notre culture d’aujourd’hui pèsera lourd dans la cohérence d’une politique en faveur des musiques actuelles. Rappelons que, globalement composés à 75 % de musique, les programmes radio sont écoutés chaque jour par 69 % des Français (DEP). »1

De plus, l’Etat se doit de mieux reconnaître les radios associatives et indépendantes qui favorisent l’émergence d’artistes et le démarrage de carrière des moins formatés. « Aidées, ces radios qui sont la photocopie la plus fidèle de la réalité du terrain, pourraient renforcer la garantie du pluralisme. »2

La situation des disquaires indépendants est autant critique. Ils disparaissent petit à petit, alors qu’ils étaient certainement les plus qualifiés en termes de conseil et favorisaient grandement, eux aussi, l’émergence des nouveaux talents produits par les labels indépendants. Ces magasins spécialisés sont en constante diminution, en dix ans, leur nombre a été divisé par huit ! Ils sont aujourd’hui environ 250 dans la France entière. « L’Etat et les villes ont mission de faciliter ce type d’implantation en phase avec une clientèle dont ils doivent connaître et admettre les comportements : ouverture le soir, le dimanche, proximité d’un autre lieu culturel qu’il soit un cinéma, un musée, une bibliothèque… »3

B. Les SMAC

1. La création des SMAC

À l’émergence des musiques actuelles et des premières programmations, les organisateurs ont rapidement été confrontés à des problèmes majeurs face aux équipements de diffusion culturels traditionnels. Tout d’abord, ces équipements étaient fortement inadaptés à la diffusion du rock et de ses dérivés, ils y avaient évidemment des problèmes d’acoustique et de nuisances sonores, des problèmes d’aménagement de salle, la présence de fauteuils n’était pas en adéquation avec les comportements du public des musiques actuelles et, finalement, la gestion et le mode de fonctionnement des structures, ne permettait pas la meilleure intégration de ce type de soirées dans la programmation.

1 Commission Nationale des Musiques Actuelles. op. cit.. p. 38.2 Ibid.3 Commission Nationale des Musiques Actuelles. op. cit.. p. 34.

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Les lieux se sont tout de même développés, nés d’initiatives privées ou publics des militants les plus téméraires, mais avaient énormément de mal à survivre. Enfin en octobre 1995, aux premières rencontres nationales des musiques actuelles à Agen, dans son discours de clôture, Philippe Douste-Balzy, Ministre de la Culture déclare « l’Etat affirme […] sa volonté de considérer les équipements dédiés aux musiques amplifiées comme des équipements culturels à part entière. »1

Le Ministère, dès lors, met en place le dispositif SMAC, qui changera plusieurs fois dans les années à suivre. C’est alors le premier système de subventions de fonctionnement destinées aux lieux de diffusion hors institutions. Le cahier des charges définira toujours les mêmes principales missions de diffusion, formation et création.

Suite à la prise en compte de ces salles, malgré une forte association au social, l’activité majeure est tout de même orientée vers la production artistique. Serge Arnaud, ancien délégué au développement et aux formations au Ministère de la Culture, le définit comme tel : « L’artistique est la base du projet, le social en est la conséquence. »2

2. Leur rôle

En octobre 1995, les musiques actuelles sont enfin reconnues, plus particulièrement les salles de diffusion. Philippe Douste-Blazy déclare « il faut que ces lieux consacrés aux musiques amplifiées soient traités par l’Etat et les collectivités locales avec une approche comparable à celle qui prévaut pour les autres équipements culturels. »3

Le 7 juillet 1996, le Ministre de la Culture définit les premières missions accordées aux SMAC. La note d’orientation décrit les missions de diffusion musicale en termes de programmation, de politique du public, de pris en compte de la scène régionale, de répétition et de formation (des publics et des pratiquants).En 1998, suite à une mauvaise direction des premières missions, car non mises en place en concertation avec les collectivités territoriales et les professionnels du secteur, déjà directeurs de ces lieux, le dispositif SMAC change.La Circulaire du 18 août 1998 redéfinit l’objet des missions en s’adaptant aux demandes des professionnels.

1 Philippe DOUSTE-BLAZY, cité par Marie-Thérèse FRANCOIS-PONCET, Jean-Claude WALLACH, Rapport général de la commission musiques amplifiées. Agen : mars 1999. p. 11.2 Serge ARNAUD, Musiques amplifiées et aménagement du territoire. In, GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 41.3 Philippe DOUSTE-BLAZY, Ministre de la Culture et de la Communication, cité par GEMA, op. cit.. p. 187.

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En terme de diffusion, les SMAC garantissent un certain pluralisme musical. Le pluralisme est l’un des objectifs de l’Etat dans le champ culturel, les SMAC en assure une grande partie dans le domaine de la musique. « L’Etat et les lieux qu’il finance ont la responsabilité de favoriser la découverte par les publics de musique ou d’expressions artistiques qui ne font pas partie de leurs références habituelles. »1

Les salles assument une diffusion de découverte et, par celle-ci, jouent un rôle important de formation des publics. « Celle-ci nécessite une qualité de la relation avec le public et l’existence d’activités connexes à la diffusion (management, répétition, formation, enregistrement…) qui constituent une richesse « naturelle » sans qu’il soit nécessaire de modéliser. »2

L’éducation est perçue sous différents angles : pour certain c’est une éducation vis-à-vis des comportements excessifs des publics (consommation d’alcool, de drogues, violences), pour d’autre c’est l’ouverture à des horizons différents par la programmation de musiques et de groupes émergents et peu diffusés dans les médias de masse.

3. Les réalités financières et les difficultés

En 1997, Isabelle Chaigne, directrice du Confort Moderne (SMAC à Poitiers), fait une étude sur l’état financier des lieux de diffusion.

« Le chiffre d’affaires oscille entre 2200000 francs et 3800000 francs, les subventions d’exploitation varient entre 70000 francs et 220000 francs (30 à 58 % des produits) »3

Les recettes sont partagées entre les subventions, la billetterie et le bar. La billetterie représente entre 10 et 33 %. Les subventions, qu’elles soient du Ministère, de la région, du département ou des communes sont plus ou moins importantes. Ces salles sont autofinancées entre 50 % et 80 % pour la plupart !

Le nombre d’entrée nécessaire pour amortir le coût d’un concert varie entre 200 et 650 selon les salles (prix d’entrée entre 8 et 12 €).« On note que l’ensemble des lieux rencontre des problèmes de trésorerie au moins en début d’exercice, expliqués par la nécessité pour les villes d’accepter que soient versées des avances de subventions aux associations, à partir de janvier pour limiter les agios et les problèmes avec les banques. »4

En 2003, parce qu’il y avait trop de SMAC (170) et que le coût devenait trop important pour l’Etat, le Ministère a engagé une politique directive de suppression. Il a sélectionné les salles les plus structurantes, soit 45 et 28 1 Commission Nationale des Musiques Actuelles, op. cit.. p. 35.2 Commission Nationale des Musiques Actuelles, op. cit.. p. 132.3 Isabelle CHAIGNE, Les réalités comptables et financières des équipements. In GEMA, op. cit.. p. 71.4 Ibid.

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pouvant le devenir. « Le Ministère de la Culture se donne ainsi pour objectif de consacrer ses efforts dans ce domaine envers les scènes les plus performantes, en les confortant tant dans le cadre de conventions que sur le plan financier. »1 Ce désengagement de l’Etat risquait de faire disparaître plus de la moitié des SMAC, les collectivités territoriales suivant généralement la politique du gouvernement auraient, pour grand nombre, également cessé de distribuer des subventions de fonctionnement.

La majorité des salles a été créée grâce au combat acharné des militants et des pionniers qui ont rarement mesuré les missions et les sources de financements. Aujourd’hui les difficultés financières se cumulent pour un grand nombre d’entre elles. L’implication politique de l’Etat, tout particulièrement, est fragile. Les SMAC ont eu, au fur et à mesure des années, de plus en plus de missions et les moyens n’ont pas augmenté en conséquence. « Les structures ont donc massivement eu recours aux emplois aidés, notamment les emplois jeunes dont l’arrêt est [imminent]. »2 C’est le cas du Chatô D’O à Blois avec quatre salariés sur six qui ont des contrats de ce type.

Suite aux difficultés rencontrées par les salles non structurantes, le Ministère a rétablit le dispositif précédent. Aujourd’hui, il s’est engagé dans la redéfinition du cahier des charges des SMAC, qui devrait apparaître dans le courant de l’année 2005.

C. Les cafés-concerts

En 1990, l’Etat met en place le label Cafés Musiques, qui reconnaît l’activité de diffusion de certains bars.Les Cafés Musiques sont implantés, pour la majorité, en périphérie des grandes villes et plus particulièrement dans les quartiers sensibles. L’Etat montre, à travers cette action, sa volonté de mettre en place une politique d’intervention visible en faveur de la jeunesse et des quartiers défavorisés, de faire du social via l’action culturelle. D'autre part, l’apparition de ce dispositif est similaire à celle du programme de Pierre Mauroy, de Développement Social des Quartiers créé dans le but de réduire l’isolement culturel.

Le rôle des Cafés Musiques est important pour les artistes. [Ils] ont besoin de la scène pour se fabriquer. C’est grâce à ces petites salles qu’ils peuvent parfaire leur spectacle ou le mettre en scène, se confronter au public. « Or, bien qu’ils ne soient pas toujours adaptés pour la musique et

1 Eric BOISTARD, cité par Eric FOURREAU, Les dossiers à traiter d’urgence, SMAC : l’Etat revoit ses interventions. La Scène, Décembre 2003, n°31. p. 39.2 Eric FOURREAU, Scène de Musiques actuelles, pourquoi la situation ne peut plus durer ? La Scène, sept 2002, n° 26. p. 18.

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l’accueil du public, ils constituaient [...] le premier maillon de la chaîne de diffusion du spectacle vivant dans ce secteur. »1

L’Etat s’est beaucoup trop empressé dans cette création. Le programme échoue quelques années plus tard car peu de moyens financiers sont accordés, l’Etat pensait que l’équilibre se ferait avec les recettes du débit de boisson. De plus, les équipes ont besoin d’être formées pour mieux gérer cette activité inhabituelle.

Aujourd’hui, les problèmes persistent : « Soumises à des réglementations complexes, victimes de fermetures administratives, fragilisées par le manque d’aide au fonctionnement, les petites salles de concerts n’ont jamais été aussi fragiles. »2 C’est le cas du sentier des Halles et du Glazart à Paris.Par conséquent, le secteur se fragilise et les cafés-concerts se font rares, au grand malheur des artistes professionnels ou non. Il y a maintenant de plus en plus d’artistes et de moins en moins de lieux. Il reste aujourd’hui une soixantaine de lieux labellisés dans toute la France, la plupart soutenues par les communes et non plus par le Ministère.

D. Les festivals

Les festivals musicaux représentent 67 % des festivals, ils sont les plus nombreux en France.Ce type de diffusion est réellement important pour l’éducation des publics. La programmation est variée, les scènes sont souvent un mélange de styles musicaux et de groupes plus ou moins connus ce qui permet la découverte des talents émergents. « La consommation musicale des Français passe par une fréquentation massive des festivals qui constituent, à eux seuls, un réseau de diffusion déterminant. Leur nombre varie suivant les genres musicaux pour atteindre plus de deux cents sur le seul secteur, par exemple, du jazz. On relève néanmoins là aussi de grandes disparités entre des évènements qui s’appuient sur une réelle démarche originale de découverte en direction de nouveaux artistes. »3

Ils sont aussi le reflet visible du dynamisme des grandes villes (les Eurockéennes de Belfort, les Francofolies de la Rochelle, le Printemps de Bourges…) donc fort soutenus par celles-ci.

1 Trempôle, pôle régional des musiques actuelles des Pays de la Loire, Rencontre Musiques Actuelles des Pays de Loire. Angers : 2002. p. 41.2 Sandrine TOURNIGAND, Les petites salles de Paris se font entendre. La Scène, mars 2003, n°28. p. 92.3 Commission Nationale des Musiques Actuelles, op. cit.. p. 148.

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En règle générale, les cafés-concerts ou encore les SMAC constituent un réseau important qui facilite la professionnalisation et la reconnaissance du statut de l’artiste dans un secteur qui se trouve aujourd’hui au croisement de l’initiative privée et de l’initiative publique. Pourtant, la plupart d’entre eux est menacée de fermeture et se trouve donc en voie de disparaître. En effet, quel que soit le type de lieu de diffusion, le secteur des musiques actuelles connaît, depuis quelques années, certaines difficultés, qu’elles soient financières ou techniques. « La grande précarité des budgets de fonctionnement des salles imposent des conditions de travail, de rapport au public et de présentation qui ne vont pas sans poser un certains nombre de problèmes. [...] Les équipes sont réduites au strict minimum, quant elles ne sont pas purement familiales, et le dynamisme du réseau repose sur un militantisme admirable mais qui trouve fatalement ses limites dans le temps.»1 Parallèlement leur insertion dans le tissu urbain est souvent difficile avec des pratiques comportementales du public parfois excessives. A l’Aéronef à Lille, « Au printemps 1990, le propriétaire des lieux refuse de renouveler [le bail] à la suite d’une plainte déposée par l’association des riverains de la salle et d’une pétition envoyée à la mairie. Les reproches faits au lieu concernent des nuisances tant sonores qu’environnementales (canettes de bière sur le trottoir, etc.…). »2

L’aménagement du territoire en salles de diffusion de musiques actuelles est fortement inégal. La région parisienne est très équipée contrairement à certaines régions provinciales.Aujourd’hui, le gouvernement doit s’engager à favoriser l’implantation des salles, irriguer le territoire à l’exemple de ce qui existe déjà pour le théâtre ou la danse.

II. La formation, l’accompagnement des pratiques amateurs et la création

« La plupart de vos lieux joue, également, un rôle fondamental en terme d’éducation artistique, de formation et d’insertion des jeunes. »3 Ce rôle est réel mais les actions menées par les salles sont-elles adaptées aux demandes des musiciens ? Il va sans dire que certains ont besoin de formations, qu’ils soient musiciens professionnels, amateurs ou accompagnateur et d’autres non.

1 Commission Nationale des Musiques Actuelles, op. cit., p. 147.2 Sophie PATRICE, L’Aéronef et la presse : mise en pages d’une salle à Lille. In Philippe POIRRIER (Dir.), Les collectivités locales et la culture : les formes de l’institutionnalisation, 19ème – 20ème siècles. Paris : La documentation française, 2002. p. 397.3 Philippe DOUSTE-BLAZY, cité par GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 187.

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A. La formation des musiciens

« Un travail conséquent d’évaluation et d’étude de terrain permet, aujourd’hui, de définir avec précision ce dont le groupe a besoin. »1

La formation du musicien est double. Il nécessite, selon son niveau de pratique et ses ambitions, deux types de formation : une formation musicale (pour tous) et une formation extra-musicale, administrative (pour les musiciens en voie de professionnalisation). La seconde permettrait correctement à beaucoup de groupes d’évoluer dans un secteur où les engrenages sont particulièrement complexes.

La professionnalisation n’est pas un processus obligatoire dans le parcours d’un musicien.2 Elle décrit le passage entre le statut d’amateur à celui de professionnel. « Cette évolution s’envisage autant d’un point de vue social (par l’individu), juridique (pour son activité), qu’économique (pour sa viabilité). »3.La formation, l’entrée en production et l’édition d’un disque sont les portes d’entrée de la professionnalisation. La scène a aussi un rôle fondamental dans la professionnalisation des artistes. C’est sur celle-ci qu’ils renforcent leur pratique, se confrontent au public, ils perçoivent éventuellement un salaire, première reconnaissance de la valeur de leur musique.Pour permettre une meilleure insertion dans le monde professionnel, « Certains lieux offrent la possibilité à des groupes professionnels ou en voie de professionnalisation de travailler pendant plusieurs jours en conditions scéniques, avec ou sans conseils techniques, ou d’effectuer une résidence et d’animer ainsi des débats ou des ateliers avec des musiciens amateurs ou avec un public scolaire. »4

Les artistes ont de plus en plus besoin d’être accompagnés, conseillés, encadrés dans cette partie de leur développement de carrière. L’information et la mise à disposition de ressources et de compétences doivent être accessibles à proximité.

Le mode d’apprentissage des musiciens des musiques actuelles5 est essentiellement l’autodidactisme, la formation sur le tas, et ce passage est quasi obligé. Ceux qui ont appris seul à jouer d’un instrument considèrent généralement que la répétition en groupe et la production sur scène les fait progresser. Cependant, la demande de formation artistique existe, qu’elle soit instrumentale, technique (solfège, écriture…) ou juridique et administrative.

1 Vers une définition des métiers et de la formation ? In GEMA, op.cit.. p. 113.2 Cf. Partit 3, II, B : L’accompagnement des pratiques amateurs.3 Commission Nationale des Musiques Actuelles, Rapport à Catherine Trautmann Ministre de la Culture et de la Communication. Paris, 1998. p. 126.4 Flavie VAN COLEN, Education populaire et musiques amplifiées. INJEP : Marly Le Roy, 2002. p. 33.5 Cf. Partie 1, II, B : Les pratiques amateurs.

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Page 63: II. Le public des musiques actuelles

Les artistes en voie de professionnalisation sont de plus en plus en demande de modules thématiques, de stages techniques, mais en règle générale, les supports et les repères manquent. Le secteur nécessite un réelle politique d’encadrement et d’accompagnement adaptés.Les musiciens amplifiés pourraient éventuellement bénéficier, au même titre que les musiciens classiques, de l’enseignement artistique des écoles de musique contrôlée par l’Etat1 car le dispositif de formation y est important. Mais celui-ci est rarement adapté à la demande et la place accordée aux musiques actuelles y est souvent dérisoire. Une Ecole Nationale de Musique à Villeurbanne (69) essaie d’intégrer ces musiques dans son offre d’enseignement. Ainsi, elle propose, tout autant qu’un enseignement classique, un enseignement jazz, rock, chanson et musiques traditionnelles. Mais l’adaptation est difficile, car chaque type de musique, chaque genre musical nécessite un spécialiste et les formations de ceux-ci n’existent toujours pas. Dans la France entière, les directeurs d’écoles de musique (nationales et municipales) expriment les difficultés auxquelles, malgré leur intérêt, ils sont confrontés pour intégrer une offre de formation aux musiques actuelles dans leur établissement : les écoles ont une image qui rebute généralement les pratiquants des musiques actuelles, le répertoire ne leur correspond pas, la moyenne d’âge des pratiquants déjà présents et très jeune et repousse les adolescents et adultes qui ont un début d’apprentissage tardif, le manque d’expérience de scène des enseignants ne retranscrit pas la volonté des élèves.

Les lieux d’Education Populaire, tels que les MJC, ont été et sont toujours initiateurs de formations artistiques dans le champ des musiques actuelles, ainsi que dans le suivi des musiciens. Ce sont des structures éducatives à part entière.Le mode d’apprentissage y est différent par rapport aux écoles contrôlées. Les groupes ont des pratiques libres et ont le choix d’être encadrés ou non. La plupart des établissements d’Education Populaire (MJC majoritairement) propose des stages et des modules de formation courts, adaptés à la demande et encadrés par des professionnels. Ils proposent également des cours d’instrument collectifs ou individuels, organisent des rencontres pour l’évolution des élèves. Dans ces MJC, contrairement aux écoles de musique, il n’y a pas de compétition et de performances techniques, les parcours sont individualisés et l’évaluation se fait par la confrontation aux publics et aux autres musiciens. Mais l’offre de ces formations est bien inférieure à la demande des musiciens.

Pour une meilleure formation de ceux-ci, il est nécessaire, aujourd’hui, que les collectivités régionales, chargées de la formation, s’engagent à mettre en place des plans de formation, et que l’Etat émette une politique directive pour que l’offre soit identique dans toutes les régions.

1 Ecoles Nationales de Musique, Ecole Municipale de Musique Agréée, Conservatoires de Musique.

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Page 64: II. Le public des musiques actuelles

B. L’accompagnement des pratiques amateurs

La question de la professionnalisation ne se pose pas en général lors de l’entrée dans la pratique, ni même lors des premiers concerts, ni même lors du premier disque autoproduit, mais plutôt après quelques années de pratique, et la rencontre avec un environnement favorable. Le nombre d’amateurs dans le domaine des musiques actuelles est donc important, plus que celui de professionnels.

L’accompagnement est une demande réelle et nécessaire, même si la volonté de professionnalisation n’existe pas ou peu. « La reconnaissance, la prise en compte et la valorisation des pratiques amateurs, passant par l’identification, la connaissance et l’analyse, doivent devenir les éléments prioritaires de la politique de l’Etat en matière de musique. »1. L’Etat admet depuis peu que la pratique d’une activité artistique est conséquente en France et qu’il nécessite de la favoriser.«  Comme pour la formation, la reconnaissance des pratiques amateurs passe par une exigence de qualité dans l’accompagnement de ces pratiques. »2

L’offre d’accompagnement doit avant tout passer par la mise à disposition de studios de répétition répondant aux normes acoustiques, phoniques et architecturales, proches des groupes, assez nombreux pour la totalité des demandes, avec des équipes compétentes à disposition et une bonne qualité d’accueil. Toute ces conditions réunies, l’accompagnement prendra en compte la culture et le projet des artistes et l’encadrant aura le seul rôle de donner un sens à sa formation.

Pour cela, les encadrants doivent avoir des compétences d’accueil, de conseil, d’orientation, d’information, de documentation, d’accompagnement artistique et technique et sera apte à concevoir et mettre en œuvre un projet susceptible de répondre aux attentes des musiciens.Il est nécessaire pour rassembler toutes ces compétences d’associer les acteur du milieu et les lieux de diffusion aux lieux de formation. Il est peut être même capital de réfléchir à la mise en place d’un diplôme pour les intervenants et à ses contenus.

C. La création

La création constitue l’autre élément de la politique publique.« La vivacité actuelle de la création en jazz, en rock, en chanson ou en rap n’est possible que grâce à votre passion, aux risques de programmation 1 Commission Nationale des Musiques Actuelles, op. cit.. p . 68.2 Commission Nationale des Musiques Actuelles, op. cit.. p . 72.

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Page 65: II. Le public des musiques actuelles

que vous prenez, à la convivialité que vous avez su créer avec vos publics. »1 déclare Philippe Douste-Blazy en s’adressant aux directeurs de salles.

Qu’ils soient dans un garage, une grange, une cave ou un studio équipé au mieux, les musiciens créent et fabriquent. Ce sont leurs lieux de création. «  Le local de répétition est un véritable lieu de vie où se déroule, sur des temps généralement prolongés, la construction d’un répertoire et où s’établit la cohésion orchestrale de l’ensemble. »2

On s’aperçoit, depuis quelques temps, que le nombre d’artistes est important et qu’il y a un manque flagrant de lieux de répétitions, de création, d’espaces pour permettre à chacun de se mettre en scène. Les artistes en ont réellement besoin pour mettre en œuvre leurs projets. « Un musicien sur deux exprime une difficulté à accéder à un local de répétition. Les causes les plus souvent citées sont celles de la proximité des lieux ou de leur plage d’ouverture, questions qui ramènent toutes deux au constat d’un déficit en matière d’offre de locaux de répétition. »3

La création se fait sous deux formes : la résidence (occupation d’un lieu de diffusion équipé pour créer un spectacle) et la répétition (création d’un répertoire).

La résidence est le résultat d’une rencontre d’un lieu et d’un artiste.Les besoins de résidence sont de plus en plus revendiqués. Elle permet aux groupes de s’intégrer dans un réseau de diffusion, de mettre en place un spectacle avec les moyens techniques adéquats, de travailler avec des publics sur des actions de diffusion et de formation (sous forme d’ateliers).Souvent les lieux de diffusion n’ont pas les moyens suffisants pour participer efficacement au développement de carrière d’artistes et les accueillir en résidence, malgré le fait que ce soit dans le cahier des charges des SMAC. Lorsque l’accueil est possible, ce n’est pas plus de quelques jours alors que souvent les groupes ont besoin de plusieurs mois. Pour la majorité d’entres elles, les salles de diffusion ont à disposition une seule scène et un seul parc de matériel technique et programme en moyenne une soirée par semaine. Un groupe en résidence investit le lieu, s’installe sur scène et dans les locaux. Les conditions d’accueil sont complexes, il est difficile pour les directeurs de demander continuellement de ranger les instruments et le matériel technique lorsqu’un concert a lieu.Les problèmes d’accueil ne sont pas les seuls. Contrairement aux comédiens ou aux danseurs, les musiciens ne sont pas salariés pendant une résidence. Le temps de celui-ci doit par conséquent, être court pour permettre à l’artiste de gagner sa vie par ailleurs.

1 Philippe DOUSTE-BLAZY, cité par GEMA, op. cit.. p. 187.2 ADDAV 56, Nicolas MECKEL, Musiques actuelles en Morbihan. 2001. p. 18.3 ADDAV 56, Nicolas MECKEL, Musiques actuelles en Morbihan. 2001. p. 19.

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Page 66: II. Le public des musiques actuelles

Tout comme la formation et les pratiques amateurs, l’accueil en résidence nécessitent la mise à disposition de personnels qualifiés pour l’encadrement technique, esthétique et la formation juridique et administrative du monde du spectacle.

Jusqu’ici, les collectivités locales se sont peu engagées dans des dispositifs d’aide directe à la création par des subventions aux groupes et aux musiciens, alors qu’elles subventionnent souvent des compagnies de théâtre ou de danse pour la création ou le suivi de projets.Sa responsabilité est surtout de financer des lieux conventionnés et des équipes professionnelles pour que celles-ci aient les moyens de développer la création des artistes. La mise en place d’un cahier des charges précis est indispensable ainsi que la définition des objectifs avec l’équipe. Cet ensemble participe à un processus qui doit placer la création au centre, permettre des résidences d’artistes, offrir des lieux de travail dans les meilleures conditions techniques et d’organisation, suivre la carrière, le parcours d’un artiste.

Il est aussi essentiel de déterminer le champ d’action des pôles départementaux dans le champ de la création. Il doit devenir un espace de dialogue et de mutualisation entre les porteurs d’initiatives et les institutions. Il doit sensibiliser les élus aux nouvelles émergences musicales pour que ceux-ci les prennent plus en considération.

D. Les formations de formateurs

Le champ des musiques actuelles se développe de plus en plus, le nombre de praticiens augmente d’année en année et les demandes de ceux-ci sont de plus en plus pointues. Les lieux de formation des musiciens nécessitent d’avoir des accompagnateurs compétents, aptes à répondre à leur demande spécifique.Les musiques actuelles sont, en effet, caractérisées par la forte activité d’accompagnement. « Il est à noter que les compétences des formateurs sont recensées et consolidées au coup par coup, et que la reconnaissance réelle des actions de formations novatrices se fait attendre : elle passerait, notamment, par la création d’un statut spécifique pour les formateurs et par la mise en place de processus régionaux de formation et de qualification. »1

Les acteurs du milieu se sont formés sur le tas, se sont professionnalisé, et ils émergent de plus en plus de formations universitaires spécialisées en médiation culturelle ou en direction de projet. Cependant, il reste un pourcentage conséquent des employés qui n’ont pas les compétences requises pour travailler dans les lieux de diffusion et d’accompagnement des musiques actuelles. Les formations sont encore trop élevées ou pas 1 GEMA, Politiques publiques et musiques amplifiées. Agen : 1997. p. 113.

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Page 67: II. Le public des musiques actuelles

assez spécialisées. De plus, « les interventions publiques dans le rock participent à une professionnalisation de ce milieu, à partir du moment où elles impliquent la construction et la gestion d’équipements importants. L’engagement financier de l’Etat ou des collectivités locales entraîne un contrôle accru sur les structures et sur les critères de recrutement des responsables et la hiérarchie des équipements (taille, mission, notoriété), dessinant les étapes d’une carrière : dans les petites structures, on apprend à gérer et on prend en charge les grandes structures, parce qu’on a fait les preuves de ses capacités de gestion et de négociation avec l’élu en charge de l’équipement. »1 Le rôle de l’Etat est décisif dans la professionnalisation des acteurs de terrain. Après s’être engagé sur la mise à disposition de moyens matériels (salles de diffusion, locaux de répétition) pour les musiques actuelles, il doit aujourd’hui s’engager sur la mise à disposition de formations techniques, administratives pour les gestionnaires de ces lieux.La formation et la professionnalisation des accompagnateurs sont aujourd’hui d’autant plus urgentes que les groupes ont besoin de conseils.La mise en place d’un Diplôme d’Etat Musiques actuelles avec de vrais contenus serait la solution. Cependant il est capital que des moyens soient développés pour la mise en place d’une formation continue car les musiques actuelles sont en constante évolution et les professionnels doivent rester en phase avec les transformations.

1 Patrick MIGNON, Evolution de la prise en compte des musiques amplifiées par les politiques publiques. In GEMA, op. cit.. p. 29.

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Page 68: II. Le public des musiques actuelles

Le domaine des musiques actuelles a pu évoluer en quelques années. Il est certain, cependant, que la reconnaissance n’est pas encore la meilleure en terme de diffusion, de formation ou d’accompagnement dans les pratiques.Les salles de musiques actuelles ont été conventionnées mais le problème l’aménagement du territoire est réel, les acteurs de terrain dénoncent le manque flagrant de lieux de diffusion, alors que les politiques s’entêtent à croire que leur nombre est trop important et que les coûts sont trop conséquents.La formation et l’accompagnement des musiciens sont en constante évolution. Ce sont sûrement les deux branches du secteur qui ont été, ces dernières années, le plus soutenue par les politiques publiques. Malgré cela, les professionnels des studios de répétition, les accompagnateurs ont un besoin urgent d’être aussi former. L’accueil est aujourd’hui médiocre, car les demandes sont de plus en plus spécifiques et technique et les professionnels n’ont pas toujours les compétences requises. Le service public doit aujourd’hui s’engager dans une politique de formation des professionnels.Pour faciliter la création des artistes musiciens, les aides financières attribuées aux lieux doivent être développées. En effet, contrairement au théâtre ou à la danse, peu de groupes de musiques sont directement subventionnés par les collectivités territoriales pour l’aide à la création. Il est d’ailleurs nécessaire d’aider prioritairement les lieux de création plus compétent à reconnaître la qualité des nouvelles formes musicales émergentes.

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Page 69: II. Le public des musiques actuelles

Conclusion

Page 70: II. Le public des musiques actuelles

Conclusion

Les musiques actuelles se sont largement développées lors des cinquante dernières années. Leur arrivée a été un phénomène qui a changé les comportements des jeunes et des moins jeunes, de la société.

Malgré un refus de reconnaissance dans les années soixante, elles ont su, souvent grâce à des militants obstinés trouver leur place. Il faut dire que Jack Lang, Ministre de la Culture et de la Communication pendant plus de dix ans, a su leur donner cette place, notamment avec la fête de la musique. Cependant, les collectivités locales se sont engagées bien avant le Ministère. Elles ont créé une grande part des premiers locaux de répétition équipés. Ces villes, pour la plupart, étaient dirigées par la Gauche (qui avait majoritairement gagné les élections municipales de 1977). Les partis communistes et socialistes ont eu un rôle important dans la reconnaissance de ces musiques. Ils ont souvent favorisé leur diffusion, et reconnaissaient plus facilement des pratiques culturelles populaires.

Les ministres, plus ou moins compétents, se sont succédés. Jack Lang a eu un rôle fondamental, mais Catherine Trautmann a su reconnaître pleinement les musiques actuelles en créant la commission nationale, réunissant professionnels, acteurs de terrain et collectivités locales. Les résultats de cette commission datent de 1998. En 2000, Catherine Trautmann a quitté le Ministère de la Culture et de la Communication. Depuis la prise en compte s’estompe, voire même se dégrade.

Depuis quelques années, les lieux de diffusion et de répétition nécessitent d’une prise en compte supérieure. Pour que les artistes et les publics puissent bénéficier d’une offre adaptée, il est aujourd’hui essentiel de développer les budgets et aider les structures dans leur démarche de formations. La répétition et la création sont des passages obligatoires pour la professionnalisation des musiciens. Si à présent l’Etat ne met pas en place une politique de formation et d’accompagnement, l’accès aux structures sera de moins en moins facile et la qualité d’accueil et d’accompagnement non ajustée aux demandes de chacun.

La prise en compte est réelle, nous ne pouvons pas le renier. Il y a eu de nombreux changements de puis le ministère de Malraux. Les pratiques du public des musiques actuelles se sont assagies et les politiques ont de plus en plus considéré leur rôle auprès de la population et dans les mœurs de chacun. Cela dit, il reste encore du chemin à faire.

Parce qu’ils sont des lieux de vie et de rencontres, de formation et d’apprentissage social, le gouvernement se doit de faire le nécessaire

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Page 71: II. Le public des musiques actuelles

pour les aider. Qu’ils puissent enfin trouver toute leur place dans le développement culturel et social des villes et du territoire.

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Annexes

Page 73: II. Le public des musiques actuelles

Annexes

Sommaire des annexes

Annexe A : Les pratiques artistiques en amateurs...................82

Annexe B : Organigramme du Ministère de la Culture et de la Communication ........................................................................83

Annexe C : Organigramme de la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et du Spectacle...........................................84

Annexe D : Tableau des montants versés en aides aux différents ensembles musicaux................................................85

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Annexe A : Les pratiques artistiques en amateurs1

(source : Département des Etudes et de la Prospective, Ministère de la Culture et de la Communication)

Sur 100 Français de 15 ans et plus

Au cours des douze derniers mois1989

1997

ont joué d'un instrument de musique 18 13

ont fait du chant ou de la musique avec une organisation ou des amis 8 10

ont pratiqué une activité amateur autre que musicale 27 32dont tenir un journal intime, noter des réflexions 7 9écrire des poèmes, nouvelles ou romans 6 6faire de la peinture, sculpture ou gravure 6 10faire de l'artisanat d'art 3 4faire du théâtre 2 2faire du dessin 14 16faire de la danse 6 7

ont utilisé…un appareil photo 66 66une caméra ou un caméscope 5 14

1 Olivier DONNAT, Les pratiques culturelles des français. Paris : la Documentation française, 1998, p. 279.

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Annexe B : Organigramme du Ministère de la Culture et de la Communication 1

1 Philippe POIRRIER, L’Etat et la culture en France au 20ème siècle. Paris : Livre de Poche, 2000. p. 25.

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Ministre

Cabinet et services rattachés

Services de l’administration centrale

Département de l’information et

de la communication

Département des affaires

internationales

Inspection générale de

l’administration

Direction de l’architecture et du patrimoine

Délégation générale à la

langue française

Direction des archives de

France

Centre National de la

Cinématographie

Direction de la Musique, de la

Danse, du Théâtre et du

Spectacle

Délégation aux arts plastiques

Délégation au développement

et à l’action territoriale

Direction des musées de

France

Direction du livre et de la lecture

Direction de l’administration

générale

Etablissements publics sous tutelle

Directions Régionales des Affaires Culturelles

Page 76: II. Le public des musiques actuelles

Annexe C : Organigramme de la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et du Spectacle

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DMDTS

Secrétariat Général

Service de l’inspection et de

l’évaluation

Sous direction de la création et des

actions artistiques

Sous direction des enseignements et

des pratiques artistiques

Sous direction de la formation

professionnelles et des entreprises

culturellesMission : cheminement des œuvres de danse, théâtre, musique, de la recherche à la création puis de la diffusion et de la production.

Missions : favoriser le développement des enseignements artistiques, la prise en compte des pratiques amateurs, la valorisation du patrimoine et la promotion des arts du théâtre, de la musique et de la danse.

Missions : économie du secteur, formation supérieure professionnelle et professionnalisante, actions en faveur des industries culturelles et des produits audiovisuels.

Missions : coordination des services, développement de la déconcentration, des échanges internationaux, des ressources humaines et de l’administration générale, de la tutelle et du contrôle de gestion.

Missions : construction d’un programme d’évaluation permanent pour harmoniser les différentes pratiques des directions dans ce domaine.

Théâtre

Danse

Musique Bureau de la

production et de la création Bureau de

la diffusion et des lieux

Bureau des écritures et

de la recherche

Observatoire des

métiers et de l’emploi

Bureau de l’enseignem

ent supérieur et

de la formation

professionnelleBureau des

affaires juridiques,

de l’économie

et des industries culturelles

Bureaux des enseigneme

nts

Bureau de la mémoire

et du patrimoine

Bureau des pratiques amateurs

Observatoire des

publics

3 bureaux3 collèges

4 bureaux3 bureaux

Missions : veiller à l’adéquation de l’action de l’administration aux besoins et aux réalités des secteurs.

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Annexe D : Tableau des montants versés en aides aux différents ensembles musicaux

Genre Montant en K€ %Contemporain 2356,2 38Musique ancienne 1119,4 18Classique 1170,7 19Lyrique 977,3 16Jazz 376,5 6Musiques actuelles 133,6 2Divers 87 1

Total 6220,7 100Source : Ministère de la Culture et de la Communication, Juin 2003

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Page 78: II. Le public des musiques actuelles

Bibliographie

Page 79: II. Le public des musiques actuelles

Bibliographie

Ouvrages :

DONNAT, Olivier. Les pratiques culturelles des français. Paris : la documentation française, 1998. 359 p.

PATRICE, Sophie. L’Aéronef et la presse : mise en pages d’une salle à Lille. In Philippe POIRRIER (Dir.), Les collectivités locales et la culture : les formes de l’institutionnalisation, 19ème – 20ème siècles. Paris : La documentation française, 2002. 450 p.

PERRET, Jacques, SAEZ Guy. Institutions et vie culturelle. Paris : La documentation française, 1996. 152 p.

POIRRIER, Philippe. L’Etat et la Culture en France au 20ème siècle. Paris : Livre de Poche, 2000. 250 p.

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Résumé

Les musiques actuelles sont un phénomène artistique émergent. Leur apparition ne date pas plus d’une cinquantaine d’année. En ce cours temps, elles sont devenues fortement populaires et se sont développées dans les secteurs économique et social.Leur institutionnalisation a, cependant, été longue et difficile. Le Ministère de la Culture, lui-même émergent a en premier lieu reconnu les formes artistiques savantes, laissant de côté les formes populaires. Jack Lang leur a donné leur place et les ministres qui lui ont succédé ont plus ou moins actionné pour les musiques actuelles. Aujourd’hui la diffusion, la formation et la création sont les trois champs principaux de ce secteur. Ils sont en constante évolution, mais nécessitent plus d’attention. Le service rendu a la population doit être de même qualité que celui de la musique classique, contemporaine, du théâtre et de la danse.

Mots clésMusiques actuelles, émergence, politiques publiques, reconnaissance, diffusion, création, formation.