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L’île aux mariés Les Açores entre deux empires (1583-1642)

Ile Aux Maries. Final Draft

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História dos Açores Durante a União Ibérica, 1580-1640.

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Lle aux maris Les Aores entre deux empires (1583-1642) 1 Tabl esdesmati res Lle aux maris0 Les Aores entre deux empires (1583-1642)0 Tablesdesmatires1 Remerciements2 Abrviations3 Avant-propos5 Prsentations10 Les Aores centre du monde"# Les principaux vnements dans lle de Terceira"$ Dramatis Personae#% Contingent castillan et socit portugaise26 Innombrables soldats#& Organisation militaire de lle%$ Faire carrire dans la double monarchie'" Se marier dans la double monarchie&$ Tensions et ngociations100 Donner un tot aux soldats"(% La forteresse de San Felipe : le chantier interminable"") Du crdit et des grains"#* Les notables contre lordre hispanique" Conflits ouverts171 Mutineries, dsertions, dlinquence"+" Un gouverneur contre les notables : Pedro Esteban de vila"*& Squelles et procdures : Angra, Lisbonne, Madrid##& Epilogue : vers lOccident compliqu262 Sources273 Notes283 2 Remerci ements Celivrebienquebrefnepeut,sanstrahirlessentimentsde lauteur, faire lconomie dune longue reconnaissance de dette. Cette enqute relve du programme dirig par Fernando Bouza lUniversidadComplutense,Propagandayrepresentacin.Lucha poltica,culturadecorteyaristocraciaenelSiglodeOroibrico, soutenuparleMinistreespagnoldelEnseignement,MICINN HAR2008-03678/HIST.Letravailabnficidusoutiendu Centrodehistriadealm-mardelUniversitnouvellede LisbonneetdelUniversitdesAores,ojesuisaccueillien qualitdechercheurassocidepuis2009.Asondirecteur,Joo PauloCosta,mareconnaissance.LadirectiondelaCasade Velzquezmaproposdecomposerunlivresurlabasedema recherchesurlesAores.Magratitudevasondirecteur,Jean-Pierre Etienvre. Onneselassepas,livreaprslivre,derendrelemme hommage,danscetordre,auxarchivistesetauxcollectionsde lArchivoGeneraldeSimancas.Rienneseraitpareilsansla scienceetlachaleurdIsabelAguirreLanda,deJuliaTeresa Rodrguez de Diego et de Jos Luis Rodrguez de Diego. Decedossier,jaieuloccasiondediscuteravecdesnombreux collguesetamis,JosJavierRuizIbaez,GaetanoSabatini, PedroCardim,letriodelaRedColumnaria,avecJosDamio RodriguesetAvelinoFreitasdeMeneseslUniversitdes Aores.ngelaBarretoXavier,MafaldaSoaresdaCunha,Joo Fragoso,MariaFernandaBicalho,GiuseppeMarcocci,Manuel HerreroSnchez,IgorPrezTostado,AntonioAlmeidaMendes sontlescomplicesdenosexplorationsaupaysdelAntigo Regime. Clifford Ando, Tamar Herzog, David Nirenberg ont eu la patiencedementendreprsenterlecasdeTerceira.Marie-Karine Schaub, une fois encore, a lu et comment. 3 AlEcoledeshautestudesensciencessocialescelivreafait lobjetdediscussionsavecmescollguesetamis:lintelligence souriante de Jean Hbrard, Claudia Damasceno Fonseca, Natalia Muchnik,SilviaSebastiani,CatarinaMadeiraSantos,Ccile Vidal,KatiaBguin,AntonellaRomanoestlacompagnedece travail. Le livre, tel quil est, est le fruit de la faon de faire de lhistoire que jai reue de plusieurs matres. Ma dette leur gard dpasse la rdaction de cet ouvrage : cest avec Bernard Vincent, Jacques Revel et Robert Descimon, que jai appris mon mtier. Cetterecherchenauraitpastpossiblesitroisbonnesfesne staientpenches,avecunconstantebienveillance,surles travauxquejaipuconduiresurlessocitsibriquesdAncien Rgime :AntnioManuelHespanha,FernandoBouzaetStuart Schwartz. Les tudiants de lEHESS, de lUniversidade Nova de Lisboa, de lUniversidad Pablo de Olavide, du Centro Franco-Argentino de AltosEstudios,ontsouventposlesmeilleuresquestions lorsque nous analysions ensemble les documents sur lesquels se fonde cette tude. Quant Anna Joukovskaa, elle a donn forme linforme. Abrvi ati ons A.G.S. : Archivo General de Simancas G. y M. : Secretara de Guerra y Marina leg. : legajo doc. : documento British Library Add : British Library Additionals 4 NB :lesdocumentsdelaSecretaradeGuerrayMarinasont signalsparlenumrodelaliasse(leg.)suividunumrodu document (doc.) ou, sil nest pas numrot, de sa date.5 Avant-propos Bienquaccueilliedanslacollection EssaisdelaCasade Velzquez ,cettetudeseprsentemoinscommeunessaique commeunrcit.Unetudefondesuruncopieuxdossier darchivespeut-ellerpondreauprogrammeditorialet intellectuel dune srie qui demande aux chercheurs de prendre delahauteurparrapportleurspratiquesdelenqute ?Le pactedelecturequiesticiproposconsisteexposerune interprtationgnriquedecequefurentlessocits europennesdAncienrgimepartirdelanarrationduncas. Lercitdunesituationsingulireapourambitiondedonner voir,parlexemple,lefonctionnementsociopolitiquedes monarchies de lancienne Europe. Quelquesoitlepointdevuequelelecteurvoudraprivilgier, lenquteestconduitepartirduneinterprtationdsormais connue,maisnullementconsensuelle,decequefurentles institutionspolitiqueseuropennesetcolonialessouslAncien Rgimedesprincesetdesmonarques.Cettevisionpeuttreici prsente en quelques propositions simples. Dabord, il nest pas ncessairedesupposerlexistencedunEtatsouverain,par analogieaveclesEtatsnationauxcontemporains,pour comprendrelesrelationspolitiquestabliesentrelesdiffrents 6 corpsquiformaientlasocitancienne,nientrelesterritoires quireconnaissaientunmmeprince.Demme,onnepeutpas recourirloppositionentreEtatetsocitcivilepourrendre comptedesrapportsquelessujetsoulesfamillesentretenaient aveclinstitutionprincire,aveclEglise,aveclesvilles,avecles seigneuries,aveclesmagistratures.Cechoixpermetdefaire lconomiederapprochementspeusatisfaisantsoudelectures inutilementcompliques.Ilvitedanalyserlessocits politiques du pass avec les concepts dune science politique qui est contemporaine de laffirmation des rgimes libraux de notre temps.Carlexportationdesnotionsquisontsifamilires quelles semblent universelles (Etat, souverainet, nation) vers le passfaitaccoucherdechimres.Cestlecasdeladfinition dEtatsnonsouverainsounonunitaires,quiloindefaciliter notrecomprhensiondecequefurentlesinstitutionsdAncien Rgimenefaitquelesobscurcir.Lasocitportugaisedes Aores que cette tude examine tait compose dun assemblage dinstitutionsetdecorpsoucommeondisaitaussi duniversits-,assezstablepourpermettreauxfamillesetaux communautsdeseprojeterdansdesavenirscalculables,mais pourautantjamaisimmobiles.Chaquecorpsetchaque institutionpareux-mmesouencoalitionavecdautres, ngociaient leurs relations les uns avec les autres et chacun avec linstitutionmonarchique.Lautoritroyalenepouvaitpas sappuyersurunsystmelgalunifiquiseraitlmanationdes 7 gens du roi. Lordre juridique qui simposait tous, y compris au monarque,taitunensemblecompositederglesetde procdures.Iltaitsoupleparcequesessourcestaientde naturetrsdiverse(saintescritures,droitromainrevisit,droit canon,ordonnances,royales,coutumes,jurisprudencedetous lesniveauxdejuridictions).Maisiltaitrvrenraisondela dignitdesesfondements,plusanciensetpluslevsque linstitution royale elle-mme, et en raison du pouvoir social que lesjuristes,lesfameuxletradosdumondeibrique,avaientsu acquriraulongdessicles.Ladoctrinedecequonaappel plus tard labsolutisme accordait au roi la facult de se placer au-dessusdesespropresordonnancesoudecellesdeses prdcesseurs et de les transgresser en tant que de besoin. Pour autant, le reste de lordre juridique, cest--dire toutes les rgles qui nmanaient pas de la volont royale, autrement dit la part la plus stable dun systme de prceptes et procdures, simposait tousycomprisaumonarque.Ainsilespectacledelamajest royale,instrumentefficacepoursduireetpourimposerune relationdautorit,nepeuttretenupourlerefletdune souverainetunitaire,ausensonouslentendons.Dansuntel systme,lespersonnes,lescollectivitsetlesterritoiresse dfinissaienteux-mmespardesappartenancesmultiplesetdes fidlitscroises.Lejeudelapolitiqueconsistaitdabord savoirngocieraveccettemosaquedappartenancesafin dtablir,neserait-cequlchellelocale,desrelations 8 dautorit et dobissance. Ce montage nexcluait pas le recours la force, alors que la violence quotidienne se trouvait bien moins contenuedanscessocitsquedanslesntres.Telssontles postulats simples sur lesquels se fonde lenqute. Onlauracompris,cettetudenesauraitadopterletondune monographie. Il ne sagit pas de proposer une tat des lieux de la socitdesAores,nimmesimplementdecelledeTerceira, lpoque des Habsbourg, rendant compte de sa dmographie, de sonconomie,desesinstitutionssculiresetreligieuses,etde quelques pisodes significatifs, telles les meutes qui eurent lieu, lcommeailleursenEurope,aucoursdespremiresdcennies du XVIIe sicle. Une telle ambition se trouverait frustre par ltat dessourcesdisponibles.Pouroffrirunrcitcontinu,ilfaudrait fairesubirunensemblediscontinudinformationsunlissage qui crerait lillusion de linarit, ou ce qui revient au mme de matriseparlhistoriendudrouldecettehistoire.Cestune autredirectionquelelecteurestinvitemprunter,cellequi proposedecomprendrelesblocsdisjointsdesconnaissances quelivrentlescorrespondancesdeladministrationmilitaire danslecadredelavisiondecequtaientlesmonarchies dAncien Rgime expos plus haut. Une telle dmarche renonce lasurimpositiondudiscoursdelamonographie,touten laissant aux auteurs des lettres cites et analyses une chance de direaulecteurdaujourdhuiquelquechosedelexprience 9 quils vivaient alors. Dans toute la mesure du possible, le travail dcritureessaiederetrouverlargumentation,lestyleetpeut-tre la voix des hommes, des officiers pour la plupart, qui prirent laplumepourexposerleursituationetlesphnomnesquiles proccupaient des magistrats installs Madrid et Lisbonne. Cestpourquoi,laplupartdutemps,onacherchviterde dsosserlesdocumentspourdistribuerlesinformationsquils contenaientsurplusieurschapitresouparagraphes,enfonction des thmatiques pertinentes.Un tel procd est sans doute celui queleshistoriensadoptentleplusspontanment,aurisquede dvitaliser le document pour nen faire quun rservoir inerte de renseignements. Prendre au srieux ces traces crites, cest aussi refuser de distinguer les institutions et les rglementations dun ct,etlesurgissementduconflit,dudlitoudelaccidentde lautrecommedeuxplanssparsdelexpriencesocialeet politique.Toutaucontraire,cestfairelepariquelvnement nonseulementsinscritdansuncontexteinstitutionneldj tabli mais aussi quil contribue modifier son propre contexte. Endautrestermes,lesactesdeshommesetdesfemmessaisis parlhistorienprennentsenssilonconstruitlecadre hypothtique de leurs dterminations et si lon admet tout autant quelesactionstudiespeuventfairebougerlesnormes sociales.10 Ilmestimpossibledchapperlpreuve deparatrecastillanauxPortugaiset portugaisauxCastillans,maisgrcecette versatilit je finis par obtenir bien des choses pourleservicedeVotreMajest,carjeme prsentecommejelentendsenfonctiondes affaires que jai traiter . JuandeSilva,condedeSalinas,marquis dAlenquer, vice-roi du Portugal 1. Prsentations Celivreracontelhistoireduncontingentmilitairesous commandementdelacouronnedeCastilledurantson installation dans lle portugaise de Terceira, situe au centre de larchipeldesAores,entre1583et1640.Cettepriode correspondluniondescouronnespendantlaquelleleroide Castille et dAragon (Philippe II -1581-1598 ; Philippe III-1598-1621 ;PhilippeIV1621-1640)argnsurleroyaumede Portugal. Une des consquences de lunion a t linstallation de contingentsmilitairesetdecommandementscastillanssurle littoralduPortugal,notammentLisbonne,maisaussidansles deuxarchipelsportugaisdelAtlantiquenord,lesAoreset Madre.Ltude prsente ici peut tre lue de diffrents points 11 devue.Onpeutychercheruntatdesconnaissances disponiblessurunlieutrssingulier,leportdAngrado Herosmo,ausuddeTerceira,traverscequendisentles correspondances militaires de lpoque. Et le lieu vaut le dtour. Une le appartenant un archipel de la couronne du Portugal, en pleinocanatlantique,autiersdeladistancequispare lEuropeoccidentaleducontinentamricain.Unespace aujourdhui considr comme une extrme priphrie de lUnion europenne,connupoursafonctiondebasedelaviationdes Etats-Unis,maisquifutlpoquemoderneunlieuessentiel pourtouteslesnavigationslieslexpansiondesmonarchies ibriques.Onpeuttoutaussibiensattachermoinsla singularitducasqucequilenseignedesrelationsentre sociturbaineetinstitutionmilitairedansunemonarchie dAncien Rgime. Cest alors moins la singularit du lieu que la perfectionducasquiretientlattention.Eneffet,lapopulation portugaiseetlecontingentmilitaireextrieureurentngocier auquotidienlesconditionsdeleurcoexistence,dans lenfermementrelatifdunesituationinsulaire.Enfin,onpeuty voirlillustrationdelacomplexitdelaformationdes appartenancespolitiquesdansdessocitsquineconnaissent pas la citoyennet politique et par consquent ignorent lidentit nationale, au sens o nous entendons lune et lautre. 12 Les Aores centre du monde Terceiraestunedesneuflesquicomposentlarchipeldes Aores. Et cest sur elle que portent plus de neuf documents sur dixenvoysauConseildelaGuerre(ConsejodeGuerra)de Madrid.Lesautresles,mmeSoMiguel,pourtantricheet peuple,noccupentdoncquuneplacemarginaledansla correspondancedelajuridictionmilitaire.CarcestTerceira quefuttablieladministrationmilitairecastillanepourdeux raisonsprincipales.Dunepart,Terceiraestllequialeplus longtemps rsist Philippe II, en le contraignant envoyer trois expditions, en 1581, 1582 et 1583, pour la rduire lobissance, alorsquetouslesautresterritoiresdelacouronneportugaise, aprslatenuedesCortesdeTomarde1581,avaientprt sermentauroiHabsbourg.Ilsensuivitunebiennaturelle dfiancedelamonarchielgarddelargionportugaisequi staitrsigneladernirereconnatrePhilippeII.Cela mritaitbienquestationntunetroupecastillanedefaon permanente.Dautrepart,latopographieduportdAngraen faisait le havre le plus sr et le plus facile dfendre face toute attaque de corsaires ou de pirates, pour que viennenty mouiller lesnavirestransocaniques.Contretouslesadversairesdes monarchiesibriquesetdeleursflottesmarchandes,le renforcement de la nature militaire du principal port de Terceira tait un investissement logique.13 Larchipel est spar du continent, cest--dire de Lisbonne, par uneduredenavigationquipeutallerdetroisquatre semaines, en fonction des fortunes de la mer. Il faut compter une semaine de plus pour atteindre les cours de Madrid (1581-1601 / 1606-1641)etValladolid(1601-1606).Terceiraestunele volcaniquedequatrecentskilomtrescarrs,soumise dimportantes secousses sismiques. La vie politique est organise autourdedeuxvillesdistantesdunevingtainedekilomtres,le port dAngra do Herosmo plein sud, qui est la capitale, et Praia da Vitria, port situ au nord-est de lle. Sous le rgime dunion descouronnes,onpeutobserverlesmouvementsquimpriment une socit des changements tels que le passage une nouvelle suzerainet, la prsence durable dune troupe trangre au cur delaprincipaleville,ainsiquelaremmorationdeviolences inauguralesquiontaccompagnlacaptationduPortugaldans lorbitehispanique.Onaaffaireunepopulationrelativement limitedenvironvingtmillemes.Prisdansuneexistence insulaire,lesfamillesetlesindividusseconnaissaient mutuellementsansdoutedansdesproportionssuprieuresce quiseproduisaitalorssurlecontinent.Cepointestessentiel pourcomprendrelesmcanismesdaffiliationdesclansetles formesdemobilisationcollectiveoudinhibitionnonmoins collective. 14 Cependant,ltroitesserelativedecetespacesocialnedment paslaconsciencepartagedappartenirunempireocanique dchellemondiale.Lesnaviresquivenaientmouillerdansle havre dAngra, rentraient des pays du poivre et de la malaguette du fond de lAsie, tout comme de lAmrique de lor, de largent, duboisbrsil,dutabacetdusucre 2.Lescargaisonsdesclaves africainsdestinstravaillerdanslesplantationsamricaines, stoppaientellesaussiauxAores.Etnombreuxfurentles esclavesafricainsachetssurplace,quicohabitaientavecleurs matres portugais 3. Limportance cardinale de lle de Terceira et desAorespluslargementtaitainsidfinieaumi-tempsdela priodeconsidre,souslaplumedugouverneurGonzalo Messa : Terceiraestlaboussoledelanavigationsdesdeux Indes,laclefetladfensedecetarchipel 4.Maisilajoutait aussittqueleshabitantsdemeuraientterrifisparlamenace despirates,notammentbarbaresquesquiattaqurentsi durementlesarchipelsatlantiquesportugais,notammentPorto Santo Madre et Santa Maria aux Aores, en 1617. En effet, la situationdesAoresaucarrefourdetouteslesgrandesroutes maritimes des monarchies ibriques en faisait un parage visit ou plutt infest par les flottes interlopes ou princires de toutes les puissancesengagesdanslanavigationatlantique :desnavires anglais,hollandais,franaisetbarbaresquesdAlgernontcess dtre prsents, le plus souvent porte de vue. 15 Le lecteur souhaitera, peut-tre, quil soit rpondu la question desavoirsilasocitdesAorestaitunesocitdetype colonial. Contrairement aux Canaries, larchipel des Aores tait videdetouteprsencehumainelorsquelesnavigateursetles chevaliersportugaissenemparrentpartirde1430.Les conqurantsportugaisnesoumirentninecolonisrentaucune populationauxAores :ainsilinstallationdefamilles portugaises dans ces les nengendra pas une socit coloniale au sens le plus commun du terme. Certes, ltude de la composition delapopulationinsulairemontrequedesesclavesdorigine africaineyfirenttrsttleurapparition,maisauXVesicle,ce traitntaitenrienspcifique,ilnefaisaitquereproduireune situationprsentesurlecontinent.Atoutprendre,lafindu Moyen-geetauXVIesicle,certainsterritoiresdelapninsule Ibrique, notamment dans le royaume de Valence et, aprs 1492, dansleroyaumedeGrenade,furentlethtredessituationset desdynamiquesbienplusnettement coloniales ,aveclesort rservauxpopulationsruralesmusulmanespuismorisques, entrediscriminationsetcantonnement.Restequelarchipel, danssasituationdeterritoireultramarinpardfinition,se trouvait plac au cur de lexpansion ibrique et la croise de toutes les entreprises coloniales de lge moderne. Si les Aores nontjamaist,proprementparler,unterritoiredenature coloniale,enrevanchelvolutiondespetitessocitsquisy 16 sont formes dpendit presque intgralement de dynamiques de colonisation en Afrique, en Asie et en Amrique. Parmilesmilleexemplesquimontrentquelpointlarchipel des Aores se trouvait, dans les premires annes du XVIIe sicle, aucentredunmondeenmouvement,celuidelarrive TerceiradunavirepilotparlanglaisJohnHelierenjanvier 1608 donne la mesure de cette position stratgique. Le capitaine du navire GiftofGod dut jeter lancre dans le port dAngra et se soumettre un interrogatoire de lautorit militaire castillane. Il racontaquesonvaisseauavaitquittPlymouthlafindumois demai1607aveccentquinzehommesdquipageetquilavait accost en un pays quils appellent Virginie qui se trouve entre le 45e et le 47e degr. Ils y taient parvenus le 13 aot et staient employsbtirunfort(lefortSaint-George)jusquau10 dcembre,jourdeleurdpartpourlAngleterre.Danslefort taientrestsJorgePapon(GeorgePopham),neveudesirJohn PophamLordChiefJusticedAngleterre,avecquarante-quatre Anglais, du ravitaillement et des munitions de guerre, et sept ou huitpicesdartillerie.Lecapitaineconfessaquilsstaient rendusencetteterreavecledesseindelapeupler,sansavoir encorerientrouvquipermtdelesentretenir,sicenestla pche .Ilsagitsansdoutedelatoutepremireinformation directeparvenuedesofficiersdelamonarchiehispaniquesur lafondationdelphmrePophamColonysurlesrivagesdu 17 Maine.IlsagissaitdunprojetquelambassadeurdEspagne LondresBaltazardeZigaavaitannoncetdnoncdansdes lettres adresses au roi Philippe III 5. Si So Miguel est lle la plus grande et celle qui peut sinsrer le mieuxdansdescircuitscommerciauxauseindelaMonarchie Catholique,commeexportatricedegrain,etau-delversles puissanceseuropennes,commeproductricedepastel 6,cest Terceira comme base militaire qui demeure la clef stratgique de larchipel. Lensemble du convoi de la flotte transportant largent desAmriquesaccostergulirementdanslabaiedAngra, commelesseptnaviresarrivsenavril1606 7.Cestpourquoi, avant la signature de la Trve de Douze Ans entre la Monarchie HispaniqueetlesEtatsgnrauxdesProvincesUnies(1609-1621), des flottes hollandaises se trouvent chaque anne lafft desconvoisdemtauxprcieuxduroi.Sansoserattaquer Terceiraellemme,cesentreprisescorsairesattendentprs dautreslesdelarchipel,notammentFloresetCorvo lextrmeoccident,maisaussiprsdeSoJorge,avantqueles convoisvenusdAmriquenatteignentleportdAngra 8. TerceiraapparatdanslacorrespondanceenvoyeMadridet Lisbonnecommelaplaceforteetcommelenuddes communications de larchipel. Ainsi dans une lettre date du 23 juillet1607,legouverneurduprsidecastillan,Diegode Miranda y Quirs, rend compte de ce rle. Il annonce le retour 18 AngradetroiscaravellesenprovenancedelledeFlores, louest de larchipel, qui sy taient rendues afin dy rencontrer la flottedesIndesduPortugal.Aulieuduconvoiattendu,les capitainesdescaravellesontaperusixouseptpuissantes embarcationsennemies.Enoutre,undestroiscapitaines apportait une lettre du capitaine en chef de lle de Graciosa qui informaitquuneflottehollandaisevenaitdaccoster 9.Ainsi,au sein de cet archipel compos de neuf les et qui stend sur plus de neuf cents kilomtres de la plus occidentale, Corvo, la plus orientale, Santa Maria, Terceira demeure le centre du systme de miseenscuritdesflottesdesquatrepartiesdumondeo stendaient les prsences espagnole et portugaise. Les principaux vnements dans lle de Terceira Les six dcennies de prsence du contingent espagnol Terceira sontmarquesparquelquesvnementsouphnomnesqui dessinent le cadre gnral des pisodes qui seront raconts. Tout dabord,cettepriodecommenceaulendemaindunelongue rsistancefaceaupouvoirdunouveauroidePortugal,Philippe Ier(PhilippeIIenEspagne).Lesbataillesnavalesconduitespar unhrosdeLpante,lemarquisdeSantaCruzdonlvarode Bazn,aunomduroidEspagneetdePortugalet,contreeux, parlamiralPhilippeStrozzipourlecompteduroideFrance 19 alliduprtendantlacouronneportugaise,Antoineprieurde Crato,ontfaitlobjetdenombreuxrcits,depuislorsetjusqu nos jours. Pendant les trois annes au cours desquelles la socit deTerceiraarefussafidlitaunouveauroi,lespartisansdu prieurdeCrato,souslahoulettedesonhomme-ligeManuelda SilvaCoutinho,comtedeTorresVedras,terrorisrentlessujets quisouhaitaientenfiniravecunisolementsansissue.Violante do Canto e Castro hritire de la grande dynastie des provedores dasarmadas(surintendantsdesflottes)deTerceiraapportason soutien financier au prieur de Crato et aspira devenir lme de ce royaume croupion qutait devenue lle de Terceira, ds la fin delanne1581,lorsquepresquetouslesterritoirestaient rentrs dans lordre dans le reste de la monarchie portugaise. La victoire espagnole lt 1583 se solda par la mise sac dAngra, lexcutionenplacepubliquedeManueldaSilvaCoutinhoet lexilforcdeViolantedoCantoeCastro.Laterreurespagnole succdaitcelledespartisansdAntoineprieurdeCrato.Ce pointdedpartesttrsimportantpourcomprendrelesressorts de la vie politique ultrieure, dans la mesure o de nombreuses famillesdAngraconservrentpendanttoutelapriodede luniondescouronneslammoiredesviolencescommiseset subies par lun et lautre parti avant et aprs 1583. Parmi les vnements qui ont rythm la vie des habitants de lle, ilfautprendreencompteuneterriblepidmiequalifiede 20 pestequien1598-1599tuaenquelquessemainesquelquesept milleinsulairessurunepopulationtotaledeplusdevingtmille personnes. Lautre dsastre collectif fut le tremblement de terre de1614quidtruisitleslocalitsdelazonenord-estdelle,le secteurdePraia,etaffectagalementAngra,faisantplusieurs centainesdevictimesdanslensembleduterritoire 10.Moins spectaculairesquelespisodessismiques,despluies torrentiellesassociesdestornadesdeventpouvaient provoquerdesdgtsconsidrablessurlensembledubti.Des pisodes de scheresse ont entran des phnomnes de pnurie degrainetdehaussedesprix.Actdecesvnementsqui eurentunimpactngatifsurlapopulation,ilfauttenircompte duphnomnequidonnesontitrecettetude :letrsgrand nombredemariagescontractspardessoldatsducontingent espagnolavecdesfemmesinsulaires.Cettepratiquetait contrairelabonnemarchedeladisciplinemilitaireetelle tendaitgommernonseulementladistinctionentreviede caserneetsociturbaine,maisplusencoreloppositionentre lappartenancelacouronnedeCastilleetlafidlitcelledu Portugal. Le contingent espagnol na pas uniquement apport Angra des centainesdefiancsetdeprtendants.Lesgouverneurs successifsontentrepris,partirde1593,lrectiondune forteressesurlapresqulequidomineetmmesurplombela 21 ville,leMontBrsil.LefortSanFelipe,devenufortSoJao Baptistaaprslafindeluniondescouronnes,mobilisades ressources initiales importantes, une main duvre compose de soldats et de forats, dingnieurs et architectes, et son entretien ne fut jamais correctement financ, certaines parties de louvrage menaantruineavantmmequelechantieretttermin. Ctaitllelotcommundebiendesouvragesdart,pourune monarchiehispaniquetoujourssurlepointdefaire banqueroute.Cetteforteresserenforaitsansnuldoutela fonction de refuge qui tait celui du port dAngra depuis le XVIe sicle,pourleplusgrandprofitdesflottesportugaiseset castillanes.Maislesbesoinsdesonentretiendevinrentune sourcepermanentedetensionsentrelesgouverneursetles notableslocaux.Enoutre,lexistencedelaforteresseauraitd accentuerladiscriminationspatialeentrelemondedela soldatesqueespagnoleetceluidelaville,selonlessouhaitsdes autoritsportugaiseselles-mmes.Sansdoutelapromessede cette sparation entre la ville et lespace des militaire fut-elle, du moinsaudpart,unmoteurpuissantpourfaireadhrerles notables locaux au projet de construction et leur faire accepter le principedunco-financementdelouvrageparlacouronnedu Portugal,traverslasocitdesAores,etparlacouronnede Castille.Orlesinsulaireseurentsouventlesentimentdesubir unetriplepeine :voiruneforteresseenprinciperserveaux seulsEspagnolsdominerleurville,maisenmmetemps 22 constaterquofficiersetsoldatsdececontingenttranger continuaientdersiderauseindelacit,etpourfinirdevoir contribuer au financement dune entreprise qui ne rpondait pas leurs aspirations. Pendant la priode de lunion des couronnes, la construction du fort San Felipe marque une csure entre deux poques,parcequAngracommedanstantdautrescits vaincues, lrection dun grand ouvrage militaire aux portes de la ville, qui plus est sur une minence, inscrivait dans le paysage la perte de lautonomie politique. En dpit de la trs dure rpression qui sabattit sur les partisans duprtendantautrne,AntoineprieurdeCrato,aprsle dbarquementdeshommesdumarquisdeSantaCruzen1583, ds 1598 la vie de lle est ponctue par des soulvements de plus oumoinsgrandeampleurdontlesacteurspouvaienttretantt dessoldatsducontingentaffamsparcequeleursoldeneleur taitpasservie,tanttdessecteursdelapopulationinsulaire exasprspardesexactionsnouvelles.Enrglegnrale,les condamnationsdesoldatsmutinstaientimpitoyables,parce quellesrelevaientduformilitairedeCastille,tandisquecelles prononces contre les aoriens en rvolte taient plus clmentes, parce quelles manaient des juridictions portugaises ordinaires.Toutaulongdelapriode,lescorrespondancesenvoyes MadridetLisbonnetmoignentdelapersistancedela mmoiredesannesdeguerre(1581-1583),delafidlitau 23 prtendant malheureux et ses fils, voire aux fantaisies inspires parlespoirdunretourduroidomSebastio.Danslemme temps,rixes,fraudes,chapardagesetdsertionstaientdes formes de dlinquance le plus souvent individuelles. Cependant, sanstropsolliciterlesdocumentsquienrendentcompte,on peut interprter nombre de ces manifestations dviantes comme autant de symptmes de tensions qui touchaient lensemble de la socit.Leconflitleplusspectaculairefutsansdouteceluiqui opposaen1623legouverneurcastillanPedroEstbandevila etlesurintendantdesflottesdelIndeManueldoCantoe Castro,grandnotabledelavilleetchefdelunedeses principalesfactions.Ledernierchapitredecelivreportesur cette affaire et ses ramifications. Dramati sPersonae Pouraiderlelecteurmieuxsuivrelespisodesquiseront rapportsdanscelivre,ilestutilededisposerdesnomset fonctionsdecertainsdespersonnagesplacsaucurdes vnements,dabordenraisondeleurfonctioninstitutionnelle. Ladocumentationmobilisetantessentiellementcelledela correspondanceduConseildelaGuerredeMadrid,les personnagesdeloinlesplusprsentssontlesofficiers suprieurs en charge du contingent militaire castillan. Ils portent diffrentstitres(maestredecampo,capitngeneral,gobernador), 24 pourlasimplicitdelexpos,ilsseronticitoujoursqualifis commegouverneurs.Engras,ceuxquiinterviendrontdansle rcit. Juan de Urbina (1583-1591) : il installe la troupe et fonde le prside Antonio de la Puebla (1592-1594), Juan de Amilibia assure lintrim Antonio Centeno (1594-1600) Diego de Miranda Quirs (1600-1607), Francisco de la Rua assure lintrim Pedro Sarmiento (1609-1614), son frre lieutenant assure lintrim Gonzalo de Messa(1615-1618) Alonso Verdejo assure lintrim Juan Ponce de Len (1618-1622) Pedro Esteban de vila (1622-1625) Iigo Hurtado de Corquera (1625-1628) Diego Fajardo (1628-1639)Alvaro Viveiros (1639-1642) LesplushautsmagistratsdelacouronneportugaiseTerceira sontlescorregedoresdosAores,dontleressortjuridictionnelest lensembledelarchipel.Enprincipeilsdoiventrsidertrois mois par an Angra, trois mois Praia da Vitria au nord-est de lle, trois mois dans lle de So Miguel et trois mois dle en le danslerestedelarchipel.Enralit,ilsrsidentlaplupartdu temps Angra. Christovo Soares de Albergaria (1590-?)Diogo Monteiro de Carvalho, (?-1599) Leonardo da Cunha (1599-1606)25 Francisco Botelho (1606)Roque da Silveira (1607- 1611)Joo Correia da Mesquita (1611- ?)Manuel Correia Borba (1618- ?)Pero Vaz Freire (1622-1626)Francisco de Carnide (1626-1634) Diogo Marcho Temudo (1634-1640)Diogo Botelho (1640) Parmilesvice-roisduPortugalquiontmanifestungrand intrtpourlesaffairesdeTerceira,ilconvientdesignalerle rledeChristovodeMoura,marquisdeCasteloRodrigo.Ce conseillerportugaisdePhilippeIIenmatiredaffaires portugaisesavaituvrfairepencherlabalanceenfaveurdu roi de Castille dans le processus de succession la couronne de Portugal.PhilippeIII,sontour,fitappelluietluiconfrale titre de vice-roi du Portugal de 1600 1603, puis de 1608 1612. SonpouseMargaridaCorte-Realtaitlhritireentitredela capitainerie de Terceira, cest--dire de la seigneurie accorde parlesroisportugaisdegrandsfodauxsurlesterritoiresde lexpansion. 26 Contingent castillan et socit portugaise Innombrables soldats LavilledAngra,orsidaitlessentielducontingent,comptait environ onze mille habitants la fin du XVIe sicle. Pour se faire une ide de limpact de la prsence castillane Terceira, au titre du prside, il faut rapporter le nombre de soldats la population de la ville. Mais sait-on seulement combien de soldats rsidaient dans lle ? A cette question il nest pas ais de rpondre, mme silonpeutaffirmerquenvironmillecinqcentshommes dbarqurenten1583aveclemarquisdeSantaCruzetquau tournantdusicle,aprsqueletercioinitialatpartiellement dmantel,latroupeespagnoleestformedequelquescinq centshommes.CommeledmontreMariaHermniaMorais Mesquita,lafinduXVIesicle,leseffectifsducontingent castillan install Terceira a sans doute diminu des deux tiers. Lesdocumentsquidonnentcetypedinformationnepeuvent tre pris pour des sources fiables. Car il existe un cart entre les 27 rlestenusparlesveedoresdelagentedeguerra(officiersdela solde)etlenombrereldesoldatsenactivit,unmoment donn.Onsetrouveconfrontunedoubleincertitude.Dun ct,leslistessurestimentdebeaucouplenombredesoldats actifs sous les drapeaux de larme du roi de Castille Terceira. Carlesmortsetlesdserteursnesontpasdcomptsentemps rel ni remplacs sans dlai. Cest pourquoi, les listes indiquent toujoursdeschiffresexcessifs.Mais,dunautrect,lesmmes listes nenregistrent pas la prsence dans lle de soldats maris desportugaisesetlicencisdelarmecastillane.Ceshommes peuventsuivantlesoccasionstretoutdemmeconsidrs commeunepopulationapteaucombatetmobilisableparle pouvoir militaire castillan, en cas dalerte. Dans leur cas, les rles quetiennentlesofficiersdeladministrationmilitaire nenregistrementlesnomsdetousleshommesdisponibles. Certainesdmarchesquantitativesbuttentsurdesapories, lorsquil est tabli que la documentation pche la fois pas excs etpardfautdenregistrementdesphnomnes.Danscecas, rien ne justifie dopter pour ltablissement de moyennes qui ne peuventcorrigeruneinexactitudedenaturealatoire.La modestie est de mise. Unrapportdinspectionrdigen1595donneuneidedes difficultsquerencontreladministrationmilitairepourtablir auvrailenombredessoldatsprsentsTerceira.Dansun 28 premiertemps,lesinspecteursMiguelPonceetPedrodePaz SalasvenusdeMadridtablissentlcart,sommetoutefaible, entrelenombrethoriquedepostesdesoldats,milletroiscent quatre-vingt-sept, et son propre comptage, mille trois cent onze. Ladiffrencedesoixante-seizenestpasimmense,mmesielle signifiequelacouronnedeCastilleverseraitsoixante-seize soldesdespersonnesquineserventpasdanssesarmes. Aprsplusieursmoisdersidencesurplace,MiguelPonce dresselinventairedesphnomnesquifaussentlesdonnes disponibles 11. Mais il se pourrait bien que la fraude soit de plus grande ampleur, lorsquon se rfre au dcompte officiel adress auConseildelaGuerrequatreannesplustardetquifaittat dunombredemillehuitcentssoldatsetofficiers,alorsquela tendancetaitunerosioncontinueducontingent 12.Quoi quilensoit,cepremiertravaildenqute,accomplipeine douzeansaprslinstallationdelatroupecastillaneTerceira, imposeunegrandemodestieauxhistoriensdaujourdhui.En effet,auplusprsdelapriode,linspecteurdmontrequel point les documents tablis par les autorits locales rendent mal compte de ltat des effectifs. Les listes alors disponibles taient fausses,cequunevrificationfinedes naturalitsetdes filiations permettaitdtablir,aucasparcas. Leslistes comprennentdenombreuxsoldatsetgensmalindiqus() Ainsileslistesdartilleursnontpasttenuesjourdepuis longtempsetellessemblentbienconfuses 13.Lesenvoysdu 29 ConseildelaGuerresouponnentquelamauvaisetenuedes rlesnestpasduelangligencemaisobitdesobjectifs prcis.Ilsobserventquelesregistresdentres,sortiesetdcs delhpitalmilitaireseprsententcommedeslivressiabms, auxreliuressidcomposesetsicouvertsderatures,quonne peut interprter cette tenue dplorable que comme une mthode destinefavoriserlafraude.Enloccurrence,leresponsable militairedelhpitalorganisesonprofitletraficdesarmeset des vtements des blesss alits, et mieux encore des morts. Pour dissimulerlesbnficesdelaventedeceseffets,ilconvientde fairedisparatredesregistresdessoldatspasssparlhpital. Mais,ensenscontraire,leravitaillementetlesmdicaments commands par lhpital sont souvent destins des officiers en pleinesant,ainsiquleursserviteursetesclaves.Encecas,il importe de montrer quun grand nombre de malades consomme cesalimentsetcesremdes.Ainsi,lafraudecommandedes injonctionscontradictoiresenmatirededissimulationdu nombreexactdesoldatsenvoyslhpital.Cestpourquoi,la listesincredespersonnesconcernesdoitdemeurerhorsde porte. Lesofficierssuprieurssontaccussdefairesalarierdesclients et des serviteurs de leur entourage sur des postes militaires dont la vacance na jamais t dclare. Autrement dit, quand le roi de Castillecroitsalarierdessoldats,enralitilversedessoldes 30 descivilsetdesindividusdpendantsdesofficiersdansleur sphreprive.Certainsdesbnficiairessonttrsjeuneset rsidentaudomiciledesofficiersfraudeurs.Ledtournement porteaussisurdesfonctionspubliques,commelemontrele recourscettemmemthodepourpayerlesassistantsdu responsabledelentretiendesmurailles.Lofficierdefinance charg de verser les soldes en a attribu une un de ses neveux, dontilsemblequilnaitmmejamaisprislapeinedese prsenterdevantlinstitutionmilitaire.Ilarrivequedessoldats aientquittleservicedefaonirrgulireetnanmoinsobtenu queleursoldeleursoitversecommesiderienntait.Ces malversations sont dautant plus aises dissimuler que lofficier de finance, ladministrateur des soldes et les officiers suprieurs sontlisdamiti,voireparents.Cestainsiquunneveudu comptablebnficie,enthorie,duneplacedadjudant dinfanteriedansunecompagnie,sansavoirportlesarmesni mme daign effectuer une ronde de garde, ne ft-ce que pour la forme.Ledcalageentrelatroupedclareetlasoldatesque engagedanslestchesordinairesdelascuritesttel,que certaines annes le commandement doit renoncer organiser les revues traditionnelles en place publique. Trichersurlenombrereldessoldatspermetdorganiserune fraudesystmatiquedesfinancesroyales.Ainsi,desofficiers indlicatsprocdentlachatdequantitsdegrainstrs 31 suprieures ce qui est ncessaire pour nourrir le contingent, du moinsdanslesannesdabondance.Lesurplusainsiobtenu peuttrerevendudesmarchandsexportateursdebl.Les inspecteurs ont repr une astuce consistant ne pas dclarer la quantit exacte de farine entrant dans la fabrication des biscuits quiconstituentlessentieldesrationsalimentairesdessoldats. Lopacitcomptableestobtenueenfaisantcuirelesbiscuitsau domicile des officiers : cest ainsi que la belle-mre du comptable duprsideconduitlaprparationdesbiscuitsdanssonpropre fourpain,laidedunebrigadedesclavesetdeserviteurs. Ainsi,quilsagissedudtournementdespostessalarisau profitdemploisquiassurentleconfortdofficiersindlicatsou encore de dtournements dansle systme de ravitaillement de la troupe,diffrentstypesdabussedissimulentenmaquillantles informations sur le nombre exact des soldats du contingent. On trouvegalementdesindicesquedespostesmilitairesontt attribusdesenfants,danslecadredchangesdetype clintlaire. Ainsi le marquis de Castelo Rodrigo, du temps o il exeraitlafonctiondevice-roiduPortugal,avait-ildemand quunpostedotdunesoldedequatreescudosmensuelssoit attribuaufilsducapitaineDiegodeSanVincente,lejeune Iigo,gdehuitans 14.Suivantlalogiquedesbureaux,cet enfantdevaitfigurerdanslesrlesdeshommesducontingent. Ce type de manuvres dhier conspire fausser lvaluation que leshistoriensdaujourdhuivoudraienttablirsurlabasedes 32 listes envoyes au Conseil de la Guerre de Madrid. LegouverneurAntonioCentenodontlagestiondespersonnels futdoncmiseencauseparlesagentscomptablesPedrodePaz SalasetMiguelPonce,rponditenmars1596surunebonne partiedesaccusations.Lusagedespostesdesoldatsdu contingentafindefournirdesdomestiquesauxofficiers militaires et de ladministration se trouvait ainsi justifie :parmilesavantagesoffertscertainssoldatsquiavaient bienservilesdiffrentsgouverneursdeVotreMajest,ily avait les serviteurs quon leur avait confi. Or on a effac ces affectationssurordredeVotreMajest.Onaainsilimin entretrente-cinqetquarantepostesdejeunesgensqui taient au service des capitaines et dautres officiers et mme deleurscamaradessoldats.Laplupartdentreeuxsont ainsi repartis. Cest un mauvais coup pour le service de Votre Majest. Il et fallu quelle prt en considration le fait quil nexistepasiciunseulhommequiveuilleentrerauservice dunCastillan,mmesicelui-lluioffraittoutcequil possdait.Ilnestpourtantpasjustequelecapitaine, lofficier ou mme le soldat nettoient eux-mmes le plat et le boldanslesquelsilsmangent.Ctaitdautantplusinjuste que ces serviteurs taient hommes galement prts engager lecombatauxctsdeleurmatre,encasdencessit.Et dansunterciocomposdetreizebanniresilntaitpas 33 excessif quil existt de tels postes 15.LerefussupposdesPortugaisdaccepterdetravaillerpourles officiersducontingentestunargumentquitombepoint nomm pour justifier la fraude. Est-ce une raison suffisante pour quelhistorienselaissepersuader ?Aprstout,sidescitoyens dAngraavaientacceptdentrerauservicedomestiquedes officierscastillans,surquelbudgetaurait-ilfalluimputerleurs salaires ? Ladiminutiondunombredesoldatscastillansnapast seulementlefaitdunelentedmobilisation,dedsertions intervenuesaucompte-goutte,etdedcssansremplacement. En 1600, le roi Philippe III demande son Conseil de la Guerre de faire procder au renvoi dune partie du contingent install Terceira.Ilestdcidquedsormaisleprsideseraitdotde cinq cents hommes, dont trois cents seraient des soldats en place depuis longtemps, les autres venant renouveler la troupe.16 Mais le gouverneur Diego de Miranda y Quirs refuse de laisser partir seshommespourLisbonne,tantquelestroupesde remplacementnaurontpaseffectivementdbarqusurlle. Commebiensouventdanslamonarchiehispaniquesous lAncien Rgime, la volont du roi se trouve alors contre par un de ses officiers, au nom de la dfense des intrts du monarque 17.Cetactededsobissancenepassepasinaperulacour, puisqueDiegodeMirandayQuirsestalorsappelMadrid, 34 afindesexpliquersursoninsubordination.Ilestrelevtitre temporaireparlecapitainePedrodeHeredia,venutoutexprs deNavarrepourassurerceremplacement 18.Laffairepourtant auratsansconsquencesursacarrireetsursamission, puisque le gouverneur dfendit avec efficacit sa dcision devant leConseildelaGuerre,exposantlecaractreconditionnelde lordrereu,maisaussilesdangersqueledpartdessoldats auraitfaitcourirlle,ainsiqueltatdedlabrementdu financementdelarmedeCastilleTerceira. 19En1601,le gouverneurquittelecontinentpourretrouversonpostede commandement,enayantobtenuaupassagedessommes dargentquiluipermettentdefournirunepartiedes financementsindispensableslentretiendeseshommespour lanneencours.Mais,en1602,lesalarmessuscitesparun semblantdesoulvementparmilessoldatsdelaforteresse poussent le Conseil de la Guerre exiger que deux cents de ces soldats,parmilesplusenracinsetlesplusdurcis,soient renvoysenpninsuleIbriqueetremplacspardestroupes fraches20. Lancessitdemettreaupointunplanderelveestrappel chaqueanne,defaonsirptitivequelondoitsupposer quaucuneconsignenestexactementsuiviedeffet.Ainsi,en 1605,DiegodeMirandayQuirsreoitunelettresigneduroi qui lui intime deux ordres. Une fois encore, il doit renvoyer vers 35 lecontinenttroiscentshommes,carlesautoritsdelacour lassurentquuncontingentdemmeimportanceatmobilis Lisbonne et se dispose rejoindre les Aores. Il est galement tenudefaireinterdiredsormaistoutmariageentresoldatsen routepourlarchipeletfemmesportugaises 21.Lesunions matrimoniales clbres pendant la premire phase de prsence espagnole sont une ralit sociale irrversible, mais la cour exige quelestroupesnouvellesnetombentpasdanslesmmes errements. Enoctobre1611,lofficiercomptableFranciscodeAduna constataitquelecontingentdelaforteresseSanFelipese rduisait quatre cent dix-neuf hommes 22. Plus prcisment, il a compt trois cent soixante-dix-neuf soldats (dont deux tambours, un fifre, un porte-tendard, le pilote et les quatre matelots dune barque, deux chapelains et un mdecin, un officier de la poudre). LegouverneurPedroSarmientoavaittencoreplussvreen affirmantquelefortcomptaittroiscentquatre-vingt-sixpostes desoldatsdontquarante-sept demeuraient inaptes au service 23. Le nombre rel de trois cent trente-neuf postes valides tait jug trsfaibleparrapportladotationthoriquedecinqcents soldats en activit. De plus, parmi les soldats valides, il comptait quatrefranais,troisflamands,quatorzeportugaisetdeux morisques .Iltenaitcetteprsencetrangrepourune anomalieetnattendaitquelaralisationdunerelve,avecle 36 retourltiagedescinqcentspostes,pourpouvoirlicencier tous ces sujets trangers. A cela sajoutait le fait que les ouvriers affectslaconstructiondufortetsonentretientaientdes foratsenvoysdeLisbonnequelessoldatsdevaientsurveiller enpermanence,afindviterquilsnagressentlescitoyens dAngra. Pedro Sarmiento se montrait galement trs rserv en cequiconcernelouverturedecertainspostesduprsidedes sujetsdelacouronneduPortugal 24.Cestlecasdesservices dartilleursdontvingtquatresontattribusdeslocaux,douze avec solde et douze avec les privilges du for militaire mais sans solde.Autotal,ilsagitdedouzerentesquesepartagent quelquesfamillesetquelquesprivilgessansaucunservice authentique en contrepartie, daprs le gouverneur. Descorrespondancesadministrativesonpeuttirerdesindices surlecaractrefaiblementattractifduservicemilitaireaux AoresdanslapopulationduroyaumedePortugal.Les gouverneursnignoraientpasqueladestinationdAngratait bienmoinssduisanteque,parexemple,leservicedansle royaumedeNaples,rputpoursagranderichesse.Ainsi, lofficier Felipe Spinola de Quirs, charg en 1614 denrler des soldatspourlarchipelenafaitlexpriencelorsquilatentde procder un recrutement en Espagne. Le Conseil de la Guerre deMadridquiaprisladcisiondautorisercetteleve, recommandelofficierdenepasdvoilerauxnouveaux 37 recrutsquelleseraitleurdestination,decraintequilsne dsertentavantdemonterborddesnavires 25.Legouverneur PedroSarmiento,en1611,expliquaitauConseildelaGuerre combieniltaithasardeuxdevouloirfairevenirdenouvelles recrues Terceira, dans les rangs des officiers : lesforteressessituesdansdescontresaussicartesque notre le, peu de personnes souhaitent y servir. Sil en arrive une,nouslemployonscommeofficier,maisdsquellesont accomplileurcontratellessenvontpourallerqumander desfaveursVotreMajest.Ensortequenousmanquons perptuellementdesgensdequalitquirestent indispensables pour la bonne tenue des hommes de troupe et pour la surveillance de la qualit du service effectu au nom de Votre Majest 26. Toutelinquitudemanifesteparlesgouverneurssurlerisque devoirfondrelecontingentplacsousleurautoritparat justifie, si lon en croit la description peu encourageante quen donne lofficier Felipe Spinola de Quirs en 1619. Il se dsole de constatercombiendentreeuxsonttropgs,atteintsde maladiesincurables,rputsdemauvaisesmurset,pour certains,reprisdejustice.Parmileshommesaffects lentretiendelaforteresseoncomptevingtetunforats.Sila dotationthoriqueduprsideestdecinqcentshommes,ilne trouvepasdanslenceintedelaforteresseplusdedeuxcents 38 soixante-septsoldats.Aunniveaudedotationaussibas,ilest impossibledetenircorrectementtouslespostesdegardeen mme temps. Ce chiffre ne signifie pas seulement que le nombre totaldesmembresducontingentsesoiteffondr.Ilindique galement que les conditions de vie dans le fort San Felipe sont tellesquunegrandepartiedeshommescontinuedevivreen ville,cest--direquilspersistentadopterunmodedeviequi nestpasexactementidaldupointdevuedeladiscipline militaire 27. Organisation militaire de lle Bienentendu,ladfensedelle,toutcommecelledulittoral portugaisenpninsuleIbrique,ntaitpasdelaresponsabilit exclusivedescontingentsdesprsidesfinancsparlacouronne deCastille,aprsluniondescouronnes.LeroidomSebastio avaitpromulgudesordonnancesportantsurlorganisationde milicesurbaineslchelledesonroyaumeen1569eten1574. Elles faisaient obligation aux corps de ville de garantir lentretien etlamobilisationdecorpsarmspourladfensedanschaque localitfrontalire.Ainsi,lascuritdeTerceiraetsurtoutdes flottes qui venaient y stopper- passait par le concours du prside castillanetdelamiliceportugaise.Legouverneurenposteau 39 dbutdusicle,DiegodeMirandayQuirs,comprenaitsa responsabilitmilitaire,bienau-delducommandementdu contingent,commeunefonctiondesupervisiongnralequi intgraitlesressourcesmilitairespotentiellesdelasocit portugaise insulaire : je commande les six cents postes qui composent notre force ainsiquelesnombreuxhabitantsdupaysquiencertaines circonstancespourraientdpasserlestroismillepersonnes, cavaliers comme pitons, qui mobiront mieux si je reois le titredegouverneur.Grcecetitre,ilsobtemprerontplus srement comme ctait le cas du temps de mes prdcesseurs. (..)CarVotreMajestainstituquelescapitainesdela miliceseraientdsignsconjointementparlegouverneuret le corregedor, en prsence de lvque 28. Ainsi,DiegodeMirandayQuirsvoulaitrecevoirlamme titulaturequelepremierchefdelaforcecastillaneAngra, JuandeUrbina.Letitredegobernadorleplaaitainsien positiondintervenirdansladsignationdescapitainesdes unitsdelamilicelocale.Acettedate,en1602,ilsagissaitde restaureruneautoritquelespritdecompromiset linstallationdunecertaineroutineavaientamoindrie.Ctait courrirlerisquedindisposerunenotabilitportugaise soucieusedemaintenirlesapparencesdunetotaleautonomie. Laractionnesefitgureattendre.Pourrpondreausouhait 40 dugouverneurdeprendrepartauxoprationsdenomination desresponsablesdesmilicesurbaines,lecorregedorLeonardo daCunhastaitdsignlui-mmecomme capitaineenchef des gens de guerre et avait prt serment ce titre. Il avait fait de mme avec les capitaines de chaque compagnie. Plus encore, ilstaitemploycrerdenouveauxpostesdofficiersdes milices portugaises. Diego de Miranda y Quirs se rendit alors lamunicipalitpouressayer,enprsencedesmagistratsdu corps de ville, de faire reconnatre que le corregedor navait pas respectlesprrogativesattribuesaugouverneurcastillan dans le processus de dsignation. A quoi, le magistrat portugais rponditquilntaitenrientenudobiraudcretqui dsignaitDiegodeMirandayQuirscommegouverneur, puisquecetinstrument,produitparleConseildelaGuerre, taitrdigenlanguecastillaneetquentantquofficierde justicedelacouronneduPortugal,ilntaitpasobligden tenir compte 29. Cet incident est typique du mode argumentatif dploylorsquelesdtenteursdautoritdfinissentle primtredeleurjuridictioncommeunearmepolitique,afin de neutraliser leurs comptiteurs. On a l affaire une sorte de codedelaffrontement,dontchacundesantagonistesconnat lesrgles.Lagammedesargumentsnestpasinfinieet linvocationdelalanguederdactiondesdcretsissusdes secrtariats des hauts conseils de la monarchie est, si lon peut dire, un grand classique.41 On comprend bien par quel mcanisme une socit urbaine qui se voyait imposer la prsence dun contingent tranger dans son tissu mme pouvait, par une sorte de compensation politique,se sentirdispensedassurerleniveaudemobilisationmilitaire exig depuis la promulgation des ordonnances du roi Sbastien. Et pour ne rien arranger, ce sont les gouverneurs du prside qui onteulatcheingratedednoncercetteattitudeetces manquements au Conseil de la Guerre de Madrid, charge pour luidecommuniqueraveclesmagistratsdeshautstribunaux portugais responsables de la mise en uvre des ordonnances du royaumedePortugal.Or,lexpriencededeuxpremires dcenniesdeluniondescouronnesavaitdmontrquece circuit,obissantuneprocdurepleinementlgitime, aboutissaitdetroplonguesngociationsetsuscitaittant dargutiesquilnepermettaitguredadopterlamoindre mesure, du moins dans un dlai qui et un sens. Cestbienpourquoi,enplusduneoccasionlesofficiers castillans,excdsdevantcequiressemblaituneformede rsistance passive, sont intervenus pour obtenir la mise en uvre desordonnancesportugaisessurlatenuedesmilices,comme silstaientinvestisdelautoritrserveauxmagistratsdela couronnedePortugal.Enagissantdecettefaon,les 42 gouverneursajoutaientauxtensionsexistantes,puisquils violaientlasparationdesjuridictionssurlaquellereposait laccorddunionentrelescouronnes.Ainsi,parlecircuitlong, avait-onobtenuqueleroiPhilippeIIsigntundcret,le18 mars1597,raffirmantlobligationfaiteauxvillesduPortugal dorganiser et dentretenir des milices. Sollicits de leur ct, les magistratsduDesembargodoPaodeLisbonne,laplushaute juridictioncivileduroyaume,quiilrevenaitdestatuersurla conformitdesprocduresetdesloisaudroitduroyaume, avaientcensurlaprocdure.Ilsconsidraientqueledcret aurait t incontestable si au lieu de passer par le secrtariat du ConseildelaGuerredeMadrid,ilavaittrdigetenregistr par le Conseil dEtat de la couronne du Portugal de Lisbonne, au nom du roi.Legouverneurexigeaquuntabellionportugaisprsenttce dcret au corps de ville dAngra. Gure impressionns, les diles rpondirent que si jamais une telle milice avait jamais t mise surpiedparlavilledAngra,cettenraisondesrbellions passesquiaujourdhuiontcess .Ilfautmesurericitoute lironiedelexpression rbellions ,quipeuttoutaussibien dsignerlesdsordresprovoqusparlespartisansdAntoine aprslavictoireespagnolequeceuxattribusauxpartisansde PhilippeIIavantelle.Maiscequiimportedanslarponsedes dilesestailleurs.Lecorpsdevilleseretranchederrire 43 lautoritjuridictionnelleducorregedorportugaisDiogo Monteiro qui, en 1596, avait crit au gouverneur dalors, Antonio Centeno,pourexigerdeluiquilneprtaucunepartau traitementdelaquestiondelamilice.Leschevinsannexent leurrponseunecopiedujugementducorregedor.Leur document,au-deldelaquestionposeparlamilice,conteste, pluslargement,laprtentiondesgouverneurscastillans dintervenir dans dautres sphres de la vie politique portugaise Angra.Dutempsdupremierdentreeux,JuandeUrbina,les nouvellesautoritsdevaientsassurerquelesfamillesqui staientengagescontreluniondescouronnesnepourraient exerceraucunechargedeville.Maislacausecessant,ilntait plusadmissiblequelegouverneursemltdesaffairesdela municipalit, et pas non plus de la question des milices 30. Unevingtainedannesplustard,danslecontextedalarmes rptessuscitesparlactivitdespiratesalgrois,franaiset anglais,legouverneurGonzaloMessardigeaunrapport fortementargumentsurltatdusystmededfensedelle. Loindtrespontan,sontexteatsollicitparunejunta,ou commissionadhoc,qui,enmargeduConseildelaGuerrede Madrid,voulaitractiverlamiseenplacedesmilicesurbaines surlesfrontiresportugaisesetsurlelittoraldetoutela pninsule Ibrique. Le document envoy par le gouverneur livre desprcisionssurlesrelationsdelasocitportugaisede 44 Terceira au fait militaire, sans quivalent dans les autres sources disponibles 31.Lasituationaumomentdelardactiondu rapportsecaractrisedabordparlefaitquelesnotables(gente principal)dellerefusentdeservirdanslamilice. Traditionnellement,cest--diredepuislpoqueduroi Sbastien,lespersonnesdeconditionmdiocredevaient prendrepartauxcompagniesdinfanteriedelamilice.Ilsen formaituneautredecavalerieauprsducommandantgnral (capitanmayor),composedenoblesetdecitoyensdisposantde ressources suffisantes pour entretenir une monture. Aprs que la fonctionmilitaireattransfre,defacto,auxrestesdutercio victorieuxde1583,letauxdedsertiondanscertaines compagniesdinfanteriedelamiliceaatteintuntelniveauque certainsdesfidalgosquilescommandaientlesontleurtour abandonnes,pournepasavoiraffronterledshonneurde conduire une troupe tique. Tandis que les notables fuyaient les premiersgradesdecesformations,leshommesdetroupe dextractionpopulairesemontraientincapablesdetirer larquebuse,etsavaientpeinemanierlapique.Lepeude bonnevolontencorevisibleseconcentraitainsisurlaseule compagnie de cavalerie, dont lutilit pour la dfense de lle tait faible,mmesiellepermettaitquelesnotablespussentparader dans les grandes occasions de la vie civique. En effet, on peut se demandercequelesmilitairesmontspouvaientbienfairesur lesfortificationsetdanslestranchesdfensivesquidevaient 45 arrterdepossiblesenvahisseurs.Mmesupposerque lennemiextrieur,ouintrieur,sedploiedanslaprofondeur des terres, au-del de la ligne littorale, le relief trs accident de lleetlesystmedemuretsquilahachureenunbocage infranchissable privent une compagnie cheval de toute utilit.GonzaloMessaaffirmequesilesnoblesetautresnotables, moins obsds par la distinction de larme monte, manifestaient leur dsir de participer la dfense de la couronne portugaise en rejoignantlesmilicespied,ilsmontreraientlexempleaux soldats des couches populaires et leur transmettraient le dsir de prendre en main la lutte contre les ennemis de la monarchie. Car les officiers castillans observent deux cas : celui des gens de bien quiayantbeaucoupperdredanslescombatsprfrent sabstenir dy participer, celui des hommes du peuple prompts prendrelemaquisfaceaumoindredanger.Cestpourquoi,le gouverneurpritlaresponsabilitdedissoudrelacompagniede cavalerieetdimposersesmembresquilsincorporentles diffrentescompagniesdinfanterie,suivantunerpartition quilibre.LesurintendantdesflottesdesIndes(provedordas armadasdaIndia)etcommandantgnraldesmilicesportugaises,ManueldoCantoeCastro,publiadesinstructions enconformitaveccettedcision.Lesquelquesdouzefidalgos, honorsdetitresdenoblesseenregistrslaChancelleriedes roisduPortugal,ettousceuxquiprtendaienttre 46 gentilshommesorganisrentdesrencontresetdesrunionstrs suivies (juntas et conventiculos) dans des demeures prives, sous la houlette de deux personnages qui ne figurent mme pas dans la liste des douze fidalgos.Sanssurprise,lavoieconspirativeaccouchantduseulrsultat possible,lesconjursseprononcrentcontrelarforme.Pour parvenirlesconvaincre,iladoncfallulesdiviser,cest--dire lesentretenirunparundesvertusdelapropositiondu gouverneur.Ctaitlarponse,lafoislogiqueettypique,de toutgouvernantdAncienRgimelgarddetouteassemble spontaneouinstitue,quiseprononaitcontreun commandement.Legouverneurexpliquachacunquen Espagne,enItalieetenAllemagnedesGrandsetautresnobles titrsservaientdansdescompagniesdinfanterie,etquelui mme se joindrait la milice, arquebuse la main, si un danger taitsignal.Lesnotablesportugaissautentsurloccasionque leuroffrecetypedarguments,avanantqueuxaussise prsenteraient en premire ligne si la patrie se trouvait menace. Or, ces hommes du sommet de la socit locale ne stant jamais soumis aucun type dentranement, nayant jamais procd la reconnaissancedespostesdedfenseetserefusant coordonnerleurseffortsavecceuxdelatroupecastillane seraient bien en peine de dfendre quelque position que ce ft. Ils sont mmes si imbus de leurs privilges aristocratiques quils 47 semblentvouloirntrecommandsqueparleroienpersonne ou,dfaut,parunepersonnalitquileursoittrssuprieure. Carilsnesemblentnepasvouloircomprendrequedansun espaceaussiexiguetavecunepopulationaussilimiteles distances qui sparent les mdiocres des suprieurs tendent se rduire, surtout en cas de mobilisation.Quandbienmmeladmarchede1618aitchou,elleaau moins permis de faire linventaire exact de lquipement militaire deschefsdefamilledAngra.Ilestgalementnoterqueles initiativestentesparla junta composeceteffetMadrid ontsuscitdesrservesetdesretraitsmaispasdmeute.Le caractremesurdeloppositionsexpliqueenbonnepart, daprs le gouverneur castillan lui-mme, par le fait que le roi a installlecapitaineMarcoFernandesdeTevesdanslajunta, alorsquilestoriginaire(natural)desAoresetquilstait illustr sur plusieurs champs de bataille prestigieux, en France et enItalie,auservicedelamonarchie.Sonprestigeetsa familiaritaveclesgensdelleauraientainsijouunrle dapaisement. Au-delducasparticulier,GonzaloMessaformuledeux observationsquiontvaleurdeconclusionpolitiquesursa gestion des milices portugaises de Terceira. La premire est que silonacceptequeleslitessocialessabstiennentdobiraux volontsdeleurroienmatiremilitaire,ainsiqueleCapitaine 48 Gnral pour le Portugal et le gouverneur dAngra le constatent, selonuneformuleremarquable, lajuridictiondescapitaines gnraux ne vaudra que pour les pauvres . Il repre ainsi, ds le tempsdePhilippeIII,quelesprincipauxadversairesportugais du monarque Habsbourg du Portugal se trouvent plutt dans les familleslesplusprivilgiesdelasocit.Lestudesdonton dispose sur le profil des conspirateurs qui parvinrent placer le duc de Bragance sur le trne Lisbonne le 10 dcembre 1640 ne dmententpascetteobservation.Lasecondeconclusion formule par le gouverneur, consiste demander que dsormais touteslesquestionsconcernantladfensedesAorespassent parleConseildelaGuerre,dejuridictioncastillane,etplus jamaisparleConseildePortugal,cest--direparlahirarchie des juridictions portugaises, ce circuit ayant dmontr sa parfaite inefficacit.Enunsens,cettepropositionexorbitantedudroit apparatcommeunedemandedsespreetpeuttrecomprise comme un constat dchec. La fusion ntait pas lhorizon des autorits militaires castillanes, etpasseulementparrespectlgarddelajuridiction portugaise.Eneffet,lesexigencesdesgouverneurscastillansen matiredetenuedesmilicesportugaisesnesignifientpasquils aientenvisagunerelleconvergencedemodesdedfenseau seindelle.Jusquaubout,ilsfurentconscientsqueleur mission tait double, la fois protger Terceira et les flottes de la 49 double monarchie contre les ennemis communs mais galement surveillerlessujetsportugais,quiavaientlepluslongtemps rsist reconnatre Philippe de Habsbourg comme roi lgitime duPortugal.Cestpourquoi,inspecteursetgouverneursontde faonsystmatiquercuslidedeconstitueruncontingent mixte. La participation de soldats portugais au dispositif militaire castillanatinterprtecommelamanifestationde limpuissancedeladministrationdeguerredelacouronnede Castilleetjamaiscommeunerussitedelafusiondescurs. Pourtantlecontextenepouvantpastrefavorablesurleplan idologique depuis que le comte-duc dOlivares avait formul le projetdune uniondesarmes quinevitpaslejour,mme aprslarussitedelexpditionconjointede1624-1625pour dloger les Hollandais de Salvador de Bahia. Ainsi, parmi les travers du systme de dfense de lle, ds 1595 lesinspecteursdpchsparleConseildelaGuerreavaient repr le danger qui rsultait de labsence dun corps dartilleurs comptents.Fautededisposerdespcialistes,lesautorits militaires se contentaient dengager pendant les campagnes dt trente-deuxcitoyensportugais,chargsdeservirlespices installesAngraetdansdautreslocalits,essentiellementsur laplate-formedufortdeSoSebastio,immdiatementlest delajetedAngra.Ceshommesrputsincomptentstaient 50 licencislentredelhiverenattendantlacampagne dengagementsdeltsuivant.LesmagistratsvenusdeMadrid prsentaientainsilintermittenceducorpsetsacomposition localecommedeuxtraversproccupants 32.Pendanttoutela priodedeluniondescouronnes,ilsemblebienqueles gouverneurs ont tout de mme admis, comme un mal ncessaire, lattributionduncertainnombredepostesdartilleursdes sujetslocauxdelacouronneduPortugal,ycomprispourdes picessituesdanslesouvragesdfensifsgrspar ladministrationcastillaneduprside.Contrairementceque sembleindiquerlemauvaisfonctionnementdesmilices autofinances,lecasparticulierdesartilleursindiqueassez quenchangedesalairesetdavantagespaysparlesfinances delacouronnedeCastille,leshabitantsdeTerceirane rpugnaientpastous,tantsenfaut,semployerauservicedes gouverneurscastillans.Decettesouplesserelativedanslemploi denon-castillansdansledispositifduprsideontrouvede nombreux indices dans la correspondance de lpoque. Ainsi, le mdecinentitredelhpitaldesCastillans,lelicenciadoLucas LossadeSalamanque,seplaintamrementen1597dtremis sur la touche au profit dun mdecin portugais, par la volont du gouverneur Antonio Centeno 33. 51 Faire carrire dans la double monarchie Le gouverneur don Gonzalo Messa na exerc cette fonction que pendant quatre annes Angra, de 1615 1618. Les lettres quil a adresses au Conseil de la Guerre de Madrid pendant sa charge manifestent une grande curiosit lgard de la socit insulaire, un got pour lcriture et un certain art du portrait. A loccasion dedemandesdefaveursoudincidentssurvenusentre ladministrationmilitaireetlesinstitutionsportugaises,il semploieprsenteravecforceprcisionsleprofildes personnages qui jouent un rle dans la vie locale. Son jugement nestjamaisguidpardesclivagessimplets,commeceluiqui opposeraittermetermedesCastillans(loyaux)desPortugais (suspects).Cestpourquoi,sansprtendreentirerleslments dunetypologiedesacteurssociaux,ilestclairantdedonner voirensembleplusieursdesportraitsqueGonzaloMessaa esquiss de ses contemporains 34. Soit le cas de lofficier de finances du prside Alejo de Cisneros. Il sagit dun Castillan,payeur de la solde du contingent install Angra. En principe, sa tche aurait d se borner distribuer de faoncontrlelessommesncessaireslentretienquotidien delatroupe.Mais,lofficierdefinancesfitbienplus.Eneffet, aprsqueleroitraverslestribunauxpertinents,cest--dire ceux de la couronne de Portugal Lisbonne, eut obtenu que les 52 finances portugaises prissent une part au financement du prside dAngradoHerosmo,lesmagistratsdesAoresetles communautsecclsiastiquessollicitsnontcessdemultiplier lesmanuvresafindesesoustraireleursobligations.Cest pourquoi, Alejo de Cisneros, dpch par le gouverneur Gonzalo deMessa,staitrenduLisbonneoilavaitrsidpendant plus dune anne. Lui qui ntait pas Portugais, avait bataill au sigedeplusieursdeshautesjuridictionsdelacouronnedu Portugalpourfairevaloirlesdroitsduprsideenmatirede financementducontingentparlescorpsetlestatsportugais. Alejo de Cisneros apparat aux yeux de son gouverneur comme la personne la plus apte plaider devant ces hautes juridictions, en langueportugaisecelavadesoi.Laparadehabituelledes famillesetcorpssociauxdeTerceiraavaittdemultiplierles transferts de patrimoine et de rentes au bnfice des institutions ecclsiastiqueslocales,sousformedimmobilisationsdansles chapelleniesetautrestechniquesdemainmorte.Cettemthode contraignait donc Alejo de Cisneros, non seulement, btir une argumentation juridique fonde sur la mise en uvre de dcrets royauxenregistrsparleshautstribunauxportugais,mais encore,saventurersurleterraindudroitcanon.Or,ntant jamaisqualificommelicenciadoetmoinsencorecommedoctor, il faut comprendre que le payeur navait reu aucun grade dune facultdedroit.Quilaitappris construireuneargumentation juridique solide force de pratique ou quil ait su sentourer des 53 jurisconsultesexpertspendantsamissionLisbonne,lefaitest quAlejodeCisnerosrussitarracher deuxoutrois sentences favorables aux demandes prsentes par le gouverneur castillan dAngra contre les tablissements religieux qui staient prtsauxoprationsdimmobilisationdesbiensdesfamilles locales.LecasdeCisnerosestclairantlafoisparcequil montrequelinstitutionmilitaire,poursapropresurvie, nchappe aucunement la logique juridictionnelle qui organise lessentieldelamarchedesinstitutionsdanslamonarchie hispanique.Cetexempleindiquegalementquunofficier comptablecastillan,poursemontrerlahauteurdesatche, devait acqurir de srieuses comptences afin de pouvoir plaider solidementauprsdejuridictionsportugaises,quidevaienttre rien moins que complaisantes lgard dun tel solliciteur. Lloge du payeur Alejo de Cisneros ne procde pas dune vision manichenne qui opposerait les vertus des officiers castillans aux traversdesPortugais.Leportraitquelegouverneurdressedu corregedor Joo Correia de Mesquita le montre sans ambigut 35.En principe, note Gonzalo de Messa, les corregedores des Aores, les plus hauts reprsentants de la justice du roi du Portugal dans unressortappelcorreio,exercentlachargependanttrois annespuisobtiennentunepromotion,leplussouventen partantsigerauprsdutrsprestigieuxtribunaldappelde Porto(CasadoCvelouRelaodoPorto).Maisenloccurrence,54 JooCorreiadeMesquitaatuncorregedordesAoressi attentiflabonneadministrationdelajusticedesonroi,quil luiatdemanddaccepterdexercerunsecondmandatde trois annes qui vient alors terme. Pendant les trois premires annes,ilacumullajuridictiondesacorreioavec ladministrationdesfinances(provedoriadafazenda)de larchipel.Danscettefonction,ilaacquisunerputationde magistratefficace,soucieuxdefavoriserlengoce,capablede percevoir des dettes anciennes, habile retrouver des ressources financiresdelacouronneoubliesoualines.Toutcesavoir-faire,illaemployaubnficedesrecettesdelacouronnedu Portugal, mais aussi la participation de celle-ci lentretien du prside,conformmentauxengagementsprisparleshautes juridictions portugaises. De ce point de vue, il a fait bien plus et bienmieuxquecertainsdesesprdcesseurs.Daprsle gouverneur,JooCorreiadeMesquitaestunmagistratoccup, enpremierlieu,auservicedesonroi.Ilaaccumulune exprienceetuneautoritsurtoutcequiconcernelarchipel quenulnepeutluicontester.Malgrltatdgradde lconomielocale,ilnerenoncenilaperceptiondesrevenus de la couronne ni au soutien aux activits de commerce. Lorsque la ncessit sen est fait sentir, il lui est arriv de fournir vivres et matriaux aux navires des flottes des Indes portugaises et Castille sur sa cassette personnelle, pour autant que leur voyage puisse se poursuivre jusqu la pninsule Ibrique. Les Annales de Terceira 55 de Ferreira Drummond indiquent que Joo Correia de Mesquita, enplusieursoccasions,avaittravaillaveclesgouverneurs successifs ltablissement de plans de mise en dfense de lle, lorsquevenaientdesalarmessurdesattaquescorsaires 36.La mmesourcesoulignequilamisenuvrelesdispositions prvoyantuneparticipationdesfinancesportugaiseslocales lentretien des btiments de la forteresse de San Felipe. LaconduitedeJooCorreiadeMesquitantaitpassi exceptionnelle,silonjugeparlabonneententequiavaitdj caractrislesrelationsentrelegouverneurAntoniodePuebla etlecorregedorDiogoMonteirodeCarvalho.Dansunrapport envoyMadridenjanvier1595,legouverneurrendaitcompte de laide quil avait reue du haut magistrat portugais pour faire faceunegravecrisedapprovisionnementducontingent 37. MonteirodeCarvalhostaitendettsursoncrditpersonnel : sansluidepuisplusieursjourslessoldatsnauraientrieneu manger. Cest l un gentilhomme (hidalgo)et qui est digne de ce que Sa Majest lui accorde quelque grce car il exerce son office enfaveurdenosflottesetdautresmissionsauservicedeSa Majest, et il serait bon que Sa Majest ne le fasse pas partir de cetarchipel .LargumentationdAntoniodePueblaesttrs proche de celle de Gonzalo Messa sur son corregedor. 56 Pour Gonzalo Messa, en effet, le dpart dun magistrat portugais aussiattachlabonnetenueduprsideestunesource dinquitude :mmesileprochaincorregedorcherchait limiter,ilseraitdifficiledmulersonzle.Cestpourquoi, contretouslesusagesprouvs,legouverneursupplieleroide luidemanderdaccepterlammechargepouruntroisime termedetroisannes,-enlautorisantcumuleravecla fonction de provedor da fazenda. Dans lexercice de la juridiction, Joo Correia de Mesquita a montr non seulement que les deux officestaientcompatiblesmais,bienmieux,quelorsquune mmepersonne,soucieusedesintrtsdesonroi,lesexerait ensemble,alorslamonarchiesetrouvaitserviedefaonencore plusefficace.Untelmontagepermetdviterquelesdeux offices, lorsque chacun a un titulaire propre, nentrent en rivalit et nen appelle chacun sa juridiction suprieure Lisbonne, le DesembargodoPaopourlacorreio,etlaVeeduriadaFazenda (cour dappel financire) pour la proveduria. Dans sa supplique le gouverneurcastillanadopteunetonalitpresquepathtiqueen jetantdanslabalancelestrentequatreannesdeservice militaire quil a exerces depuis le dbut de sa carrire.Comme toujours,legouverneurpasseparleConseildelaGuerrede Madrid, la seule instance juridictionnelle laquelle il est autoris sadresserselonlordrehirarchique.Ildemandeaux conseillers de saisir le roi de sa demande, afin que celui-ci fasse voquerlaffaireauseinduConseilduPortugaldeMadridqui 57 reprsente le royaume et ses tribunaux auprs de la personne du roi,puisquelesmagistratsportugaisdelacour,leurtour, demandent au Desembargo do Pao et la Veeduria da Fazenda de LisbonnedeproposeruntroisimemandatJooCorreiade Mesquita. La ptition de Gonzalo Messa montre quune relation de bonne entente entre corregedor et gouverneur tait possible et surtout combien elle tait prcieuse. On comprend que sans elle, lasituationduprsidesetrouvaittrsaffaiblie.Lexposdu gouverneurcastillanindiquequepourexercersesmissionsde faonsatisfaisanteilfallaitquilaitacquisuneconnaissance intime des institutions portugaises. JooCorreiadeMesquita,commelaplupartdescorregedores, devaitvenirducontinentetilntaitpaslidesfamilles locales.Ilincarnaitlajuridictionsuprieuredelacouronnedu Portugaletnonpaslesintrtsetprivilgesdesprincipales maisons de Terceira. Or, la bonne entente de ladministration du prsideaveclasocitetlesinstitutionsinsulairespassait galementpardesliensavecdesreprsentantsdesdiffrents milieuxdAngra.Surcepointencore,legouverneurGonzalo Messasavaitreconnatrelespersonnagesquijouaientunrle dterminantpourfaciliterlesrelationsquotidiennes.Telestle casdulicenciVascoFernandesRodavalho etdesesclients , crit-il 38. Son titre universitaire signifie que sa famille disposait desuffisammentderessourcespourenvoyercefilsprendredes 58 grades lUniversit de Coimbra. Sa parentle est dcrite comme appartenantauxcercleslesplusdistingusdelarchipeletelle sestsignaleparunsoutienferventPhilippeII,pendantles annesdeguerreetdincertitudes.Elleasubipourcetteraison de grandes oppressions et souffrances , avant la victoire finale delt1583.Lengagementdecettefamilleenfaveurduparti espagnolatsiintensequelelicenciexercelafonction d auditordelagentedeguerradelpresidio ,cest--direde magistratenchargedejugerlessoldatsducontingentcastillan. Lattributiondecettechargeuntelpersonnageest remarquablepourdeuxraisons.Dunepart,cestuncas manifestedexercicedunejuridictionrelevantdunecouronne (Castille)parunsujetduneautrecouronne(Portugal).Dautre part,lesalaireattribuautitulairedecettechargedemeure drisoire,sansrelationaveclintensitdutravailfournietsans proportionavecleniveauderevenusdelafamillelaquelle appartientVascoFernandesRodavalho.Laresponsabilitquil assumerelvedunmlangedvergtismeetdalliancenon contractuelleaveclesgouverneurs.Levritableprixdeson activitestl amiti(amistad)desgouverneurs .Etcest heureux,carsidaventureilsouhaitaittrermunr proportiondesonactivitou,pireencore,sildevaittre remplacparunautreauditeurqui,lui,nauraitdautrerevenu que son salaire, les finances du prside navaient pas provisionn dequoiluiverserunsalairedcent.Ilalge,lautorit,les 59 lettres (grades en droit) et lhonntet qui pourraient lui valoir unenominationdansuntribunalsuprieurdelacouronnedu Portugal.Ilpourraitaspirerdespostesdebienplusgrande envergure,maissembleprfrerexercercettemagistratureen sujet portugais, dans le cadre dune juridiction castillane de bien mdiocre envergure. Cestpourquoi,VascoFernandesRodavalhosusciteAngraun profondrespectauprsdesesconcitoyensetdesmagistrats portugais,quiluireconnaissentlemritedemaintenir lautonomiedelajuridictionduPortugal.Largumentpeut paratre obscur. Il signifie simplement que le personnage a su se rendreindispensableauxautoritscastillanestoutenseportant garantvis--visdesPortugaisdecequedesdlitscommispar dessoldatsducontingentseraientpunisleurjustemesure, danslecadreduformilitairecastillan.Quunjuristeportugais prononcecessentencessignifiait,auxyeuxdelasocitcivile insulaire, quil existait une sorte de regard local sur lapplication dun droit tranger et que, de ce fait, les coupables dinfractions nepouvaientsabriterderrirelopacitdelajusticemilitaire castillane, hors de la vue de la socit locale. Il signifie galement quedanslapositionquilstaitconstruite,commeofficier indispensableauxgouverneurscastillans,ilpouvaitveillerau respectdudroitetprvenirtouteintromissiondesofficiersdu prsidedanslesjuridictionsportugaises.LecasdeVasco 60 FernandesRodavalho,telqueledpeintlegouverneur,montre enfin que la rpugnance de ladministration militaire castillane laisser pntrer en son sein des sujets de la couronne portugaise souffrait des exceptions. Cette intervention du gouverneur castillan dans ladministration descarriresdemagistratsportugaisneconstituepasuncas unique,loinsenfaut.Ainsi,rdigea-t-ilunelettredesoutien auxambitionsetprtentionsdeJeronimoFernandesCoelho.39 Cethomme, sansracedemaureoudejuif ,appartenaitla meilleuresocitdAngraetavaitpousuneMariaRodovalho. Celle-ci appartenait une des plus anciennes familles enracines dansplusieurslesdelarchipel,lesRodovalho,quicomptaient parmi les premiers occupants de lle occidentale de Flores mais galementtablisTerceira.Lepredelafiance,DiogoVaz Rodovalhoavaitobtenuen1581dePhilippeIIleprivilgede pouvoiraccorderendotceluiquipouseraitsafillelexercice (etnonlaproprit)delofficedefacteur(feitor)desfinances royalesportugaisesauxAores,pourdeuxtermesdetroisans. LegouverneurcastillanavulefeitorJeronimoFernandes Coelholuvredepuisquilestarrivdanslle.Non seulement,lofficierportugaisatoujoursveillcequele prside ret les sommes attendues, mais encore sa comptabilit nervleaucuneanomalieetilnestpasendettevis--visdes financesduroi,contrairementdautresfeitoresquilont 61 prcd,etquiilfallufairerendregorge.Enoutre,ilasuse mettreentraversdesprtentionsdautresofficiersdefinances portugais qui voulaient sopposer au versement des sommes dues aucontingent.Cestpourquoi,ensonnompersonnel,mais galementaunomdetoussessoldats,legouverneurdemande instammentauroiquilfasseentrinerparleshautstribunaux portugaislapleinepropritdelofficedefeitorJeronimo FernandesCoelho.Iciencore,onconstatequelautorit militairecastillanedpenddunebonnecooprationlocaleavec lamagistratureportugaise.Cestpourquoi,commedanslecas prcdent,unofficierdelaforcearmecastillanedemandeau Conseil de la Guerre dintervenir auprs du roi afin quil sollicite le Conseil du Portugal et le Desembargo do Pao pour transformer un office temporaire en charge viagre et patrimoniale. Lequatrimeetdernierportrait,parmiceuxcomposspar Gonzalo Messa, recoupe en bonne part le prcdent, mais celui-cifaitencoreplusnettementappellammoiredelapriode destroublesde1581-1583.Unefoisencore,ilsagitdesoutenir unofficierdefinanceportugaisdanslaconsolidationdesa carrireauseindesjuridictionsdesaproprecouronne.Un certain Gil Rodrigues, citoyen dAngra, avait exerc les fonctions de pilotomayordelasrealesarmadas (piloteenchefdesflottes du roi). Sa famille fut lune des victimes de la rpression exerce parManueldeSilvaCoutinholorsquiltenaitlleaunomdu 62 prtendantAntoineprieurdeCrato.AlorsqueGilRodrigues tait pass du ct des flottes espagnoles, Francisco Gil son fils, galementpilotedeprofession,tombadansunpigequelui tenditunsycophantedelentouragedugouverneurantoniste. Arrt pour espionnage au profit de Philippe II, il fut soumis la question,condamnmortetpenduaubeaumilieudelaville dAngra. Sa mre se retrouva seule sans le soutien ni de son mari ni de son fils an. Pour avoir tant souffert au nom de la fidlit aunouveauroiduPortugal,GilRodriguessonretour Terceirareutunelettredanoblissement,faisantdeluiun fidalgodelaMaisonduroiduPortugal ,dotdunerenteet dunedemeure.Or,jamaisilnobtinteffectivementniluneni lautre des faveurs attaches son statut de fidalgo de la Maison duroi.Enattendantdtrercompens,ilaccomplitlestches de pilote qui lui taient dvolues, au service de plusieurs grandes flottes des Indes de Castille. Il mourut sans tre exauc, laissant uneveuveetunefillemarier.LhritiredeGilRodrigues pousaunBatholomeudeMiranda,feitordesfinancesduroi Terceira et dans le reste des Aores. Cest pour lui quintervient legouverneurcastillan,enmmoiredeladetteduroilgard desonbeau-pre.Ilsagitdoncdeconsoliderpourlegendrele statut acquis par le beau-pre et le privilge dexercer des offices definancespourlacouronneduPortugal.Lecircuitde linfluence est le mme que pour le cas prcdent. Le Conseil de laGuerredeMadridestappeldemanderauroidintervenir 63 auprsduConseilduPortugal,pourqueledossierde BartholomeudeMirandasoitexaminavecfaveurparleshauts tribunaux de Lisbonne. Et Gonzalo de Messa de conclure que si cesujetportugaisobtenaitgaindecause,leprsidecastillande Terceira ne sen porterait que mieux. Il est aventureux daffirmer que lesprit de coopration entre les royaumes et les couronnes de la monarchie dont rvait le comte-ducdOlivaresdanssonfameuxmmoirede1624,aitt loriginedeladmissiondofficiersportugaisauseinde ladministrationduprsidecastillandeTerceira.Cesexemples taient antrieurs la prise du pouvoir par le favori de Philippe IV.Entoutcas,lacorrespondancemilitairedesannes1620 formulelaspirationcettecoopration danslestermeslesplus explicites.Ainsi,legouverneurPedroEstbandevila remarquait que, juste avant quil et dbarqu Angra en 1622, plusieurs sujets portugais staient ports candidats pour exercer loffice de payeur des soldats du contingent , en apportant les preuves de leur capacit de crdit et en prsentant leurs cautions etleursgarants.Mais,aprssonarrive,aucundeceuxqui avaientmanifestleurintrtnesestplusprsent.Danscette situation,legouverneurfitannoncerenplacepubliqueet afficherunappelcandidaturepourdessujetsportugaisqui disposeraientdescautionsindispensables.Autrementdit,rien ntaitplusouvertementpublic,danslavillecommedansla 64 garnison,quecettefaondannoncerlarecherchedunofficier parmi les citoyens portugais 40. Ces quelques exemples de lestime que les gouverneurs castillans pouvaient prouver pour des sujets portugais de Terceira trouve sa rciproque dans les jugements ports par les notables dAngra sur les gouverneurs. A la mort dAntonio de Puebla, les autorits aoriennes informent le Conseil de la Guerre : la municipalit le 9 juillet 1595, lecorregedor DiogoMonteirodeCarvalhole 11 et lvque Manuel de Gouveia le 13. Non seulement, le dfunt fait lobjet de vifs loges, mais encore le successeur provisoire quil a dsign, Juan de Amilibia, est prsent comme une personnalit bienvuedessoldatstoutcommedesnaturels.Toutefois,les chevinsdAngraobserventquedanslasituationdeprilose trouvelarchipel,souslamenaceducorsaireanglaisFrancis Drake,leroiseraitbieninspirdefairerevenirTerceiraJuan deUrbina,celui-lmmequiavaitcommandleprsidedu lendemaindelaconqutejusquen 1591 41.Ilconvientde mesurertoutelironiedelappelauretourdupremier gouverneurparlecorpsdeville,lorsquonmesurecombience personnageatprsentparlhistoriographienationaliste commeletyrandeTerceira,enchargedelarpressiondes groupes rebelles et de linstallation de lordre castillan, coupable notamment de stre ml des procdures de cooptation dans les 65 milices et dans les institutions municipales. LechroniqueurdesAores,ndanslledeFlores,freiDiogo dasChagasauteurdelaclbrechroniqueEspelhoCristalino, dresse une sorte de tableau dhonneur des gouverneurs castillans dAngra,considrdupointdevuedunjugementqui nobissait ni la complaisance lgard des autorits castillanes ni un patriotisme vindicatif 42. Pedro Sarmiento (1609-1614) est qualifide trsgrandamidesPortugais .GonzaloMessa (1615-1618) figure comme galement grand ami des Portugais etAlonsoVerdejoquiassuraitlintrimaprssondpartest curieusementdsigncomme sergentmajorduChteau(San Felipe),trshonnteCastillanetgrandPortugais.Iigo HurtadodeCorquera(1625-1628)estrputavoirt,luiaussi, trsgrandamidesPortugais ;DiegoFajardo(1628-1639) audbutilsentendaitbienaveclesPortugaispuisileutdes conflitsaveceux .QuantAlvaroViveiros(1639-1642)qui pourtantrsistaaunouveaupouvoirdesBraganceaprsla Restaurao jusquen mars 1642, il a droit au qualificatif de trs illustre et trs bon.Un autre chroniqueur de rfrence, Gaspar Frutuoso,auteurdesSaudadesdaTerraquiportentsur lensembledelarchipeldcrivaitlespremierstempsduprside dans des termes trs irniques, non sans avoir auparavant dress lalistedetouslespartisansduprtendantAntoinecondamns 66 auxpiressupplices.Selonluicependant,Terceiradansles annes 1590 est trs anoblie pour ce qui est du spirituel, par la prsencedelvqueManueldeGouveia,etpourcequiestdu temporel,parlebongouvernementdugouverneurJuande Urbina,trsamisdesnaturelsdupays,ainsiquepar ladministrationdelajusticedudocteurChristovoSoaresde Albergaria,corregedorduressortdetoutlarchipel,car,comme les trois sont frres au service de Dieu et du roi, tout dans notre lecrotetsaffermitgrcecetteconcorde 43.La correspondancedesgouverneursconfirmelesinformationsdes chroniqueursetindiquecombienilsstaienthabitus travailler de conserve avec les autorits locales. Lecorpsdevillenerpugnaitpas,luinonplus,manifester publiquementsonsoutienousasympathielgarddu gouverneur castillan du prside. Ce fut, par exemple, le cas de la municipalit dAngra lpoque o Antonio Centeno gouvernait laplace.Voicicequedisaientdeluilesdiles enseptembre 1596: il a mis la forteresse que lon difie sur le Mont Brsil de cettevilleensituationdedfenseensipeudetemps.Aune poquemarquepartantdepnuriesetdesouffrancesilsest acquittavecclritdetoussesdevoirsenversVotreMajest, Terceiraetseshabitants,sansautrefinquedebienservirson gouvernementetsacharge.Ilmritercompenseetquenesoit pas passe sous silence la louange quil mrite. Et tout cela avec 67 lesoutienducorregedorDiogoMonteirodeCarvalhoquilui aussimritetousleslogespourlafaondontilexerceson office 44. Decetypedecoordinationlacorrespondanceadministrative abondedexemples.CefutlecasdePedroSarmientoqui organisa avec le corregedor Roque de Silveira une vaste opration de troc, pour lquivalent de la somme considrable de sept mille escudos,consistantlivrerdupasteldesngociantstrangers enchangedesrouleauxdedrapindispensablepourvtirla troupe45.TelfutencorelecasdeGonzaloMessaavecle surintendant des flottes des Indes, Manuel do Canto e Castro, et lvque,AgostinhoRibeiro,proposdelarriveenbien mauvaistatdelaflottedesIndes 46.Lhommagerenduparles corps de la socit locale lgard des gouverneurs castillans, et la reconnaissance par ces derniers que les institutions insulaires comprenaientdessujetssanslesquelsleuractionett impossible signifient que la priode de la prsence espagnole ne peut tre comprise comme une sorte de guerre civile larve. Sans doutelaquestiondesfrontiresjuridictionnellesetcelle,non moinsimportante,delarpartitiondesterritoiresauseindela villeentrecontingentetpopulationcivile,aggravesencasde tensionfiscale-financire,ontengendrdesconflitspolitiques parfois trs vifs pendant ces soixante annes. Mais rien ne saurait plusfausserlamesuredesprocessusluvredanslasocit 68 dAngracettepoquequedeplaquerdefaonanachronique lescatgoriesd occupation et,pireencore,de rsistance ou de collaboration au sens quils ont pris aprs la formation contemporainedesEtats-nationssouverains,aprslaSeconde GuerreMondialeetaprslaDcolonisation.Ilymanquele conceptetlesinstitutionsdelasouverainettatiqueainsique delacitoyennetfondesurlanationalit.Ilymanque galementdesrglesdediscriminationselonloriginefamiliale. SilerejetdesnouveauxchrtiensetdesAfricainsdemeureen partage auprs des Portugais comme des Castillans, en revanche le phnomne social le plus marquant de cette poque aura sans doutetlaclbrationdecentainesdemariagesentresoldats castillans et femmes portugaises. Ces pousailles faisaient entrer leshommesducontingentdansuncommerceintimeavecles familles locales. Se marier dans la double monarchie LetravailsystmatiqueconduitparMariaHermniaMorais Mesquita partir des registres paroissiaux de Terceira permet de proposerdesdonnessurlenombredemariagesconclusentre soldats du contingent espagnol et femmes portugaises dans lle. Surlensembledelapriode,soitentre1583et1640,la chercheusearelevquatrecentquatre-vingt-cinqmariages 69 contractspardessujetsespagnolsetdesfemmesnaturellesde TerceiraoudelacouronnedePortugal 47.Sontudedonnele pourcentagedemariagesmixtesdecetypesurlensembledes unions clbres dcennie par dcennie: 1584-89 = 37,7%; 1590-1599=36,1%;1600-1609=15%;1610-1619=9,3%;1620-1629= 14,3%;1630-1639=8,5% 48.Onadoncaffaire,lchelledela socitdeTerceiraunphnomnemassifqui,pendantune quinzainedannes,intresseplusdutiersdesunions matrimoniales. Silaproportiondemariagesunissantunsoldatcastillanune femmeportugaisepassedutiersenvironquinzepourcentau tournantdusicle,cestavanttoutparcequelenombrede soldatsespagnolsprsentssurlleadiminudesdeuxtiers, commeonlavu.Pourmesurerlimportanceduphnomne pourlaviedAngra,ilfaudraitajouterauxquatrecentquatre-vingt-cinqmariagesrecenssentresoldatscastillanset habitantes de lle, la centaine de mariages entre garons ns de cesunionsetfillesportugaises,repreparMariaHermnia Morais Mesquita. Elle obtient ce rsultat par le recoupement des registresparoissiauxdenaissancesetceuxdemariages.Mais lenregistrementdesidentitstantleplussouventmuetsur loriginedespromisnsdesmariagesmixtes,cettecentainede casidentifissetrouvesansnuldoutetrsendessousdela ralit.Sionadoptelecoefficientadmisparleshistoriens 70 dmographespourdcrirelafamille(lefeu)moyenne,onpeut supposerquelescouplesformsaucoursdesvingtpremires annesdeprsenceespagnoleontmisaumondedeuxenfants viables. Si au moins lun des deux trouve se marier sur place la gnration suivante, on peut sans grand risque avancer que le nombretotaldunionsentresoldatscastillansetfemmes portugaisesetdedescendantsdecescouplesavecdes habitant(e)sdelleentreseptcentsetneufcents,pendantles soixanteannesconsidres.Lechiffredemeure impressionnant,sachantquelapopulationtotaledellevers 1600 reprsentait environ vingt mille individus. Lexplosion immdiate du nombre des mariages ds 1583 et 1584 peuttre,pourunpart,comprisecommeuneformede rparationaprslesviolencessexuellesquiaccompagnaient toute conqute, et probablement du dclenchement dun certain nombredegrossesses.Mmesilessourcespermettentde mesurerlimpactsocialduphnomne,cestentermes juridiquesetsacramentels.Maisellesnedisentquetrspeude chosessurlesabussexuelsetsurlesentimentamoureux, proposdesquelsonpeutloisirformulerdeshypothses raisonnables,paranalogieavecdautressituations contemporainesetparrfrencecequeleslittratures dramatique, lyrique et romanesque indiquent sur les sensibilits dutemps.Maisentouterigueur,lesdocumentsdisponibles, 71 saufaudtourpudiquedunephrasepresqueindtectable, restentmuetssurlamourcommesurledsir.Lessoldatsne passaientpasparlescritsdeladministrationmilitaireou municipalepourexprimer,lecaschant,lesentiment amoureuxquilspouvaientprouverpourleurpouseoupour leursenfants.Quantcelledesfemmesdontonpeutimaginer quellessubissaientdessituationsdoppressionfamiliale,qui auraitpuencetemps-lentendreetenregistrerleurdsarroi ? Lemariagedessoldatsfutunprocessusessentieldansla formationdelasocitlocaledecettepoque.Maisilfautse rsignerdemeurersurleseuildelintimitconjugale,silon veutviterdevivreenimaginationuneviequepersonnena jamais vcue. Leflchissementdunombredesmariagesmixtespendantla premiredcennieduXVIIesiclepeutsexpliquerparune contractionglobaledu marchmatrimonial enraisonde leffondrement de la population la suite de lpidmie de peste de1599.Ilvadesoiquelorsquelenombredemariagesentre soldatscastillansetfemmesportugaisesbaisse,limpactdela mixitdiminuepourlasocitportugaise.Enrevanche,le phnomnematrimonialnepsepasmoinsenproportionsur lorganisationdelaviemilitairequauparavant.Sansdouteles unionssont-ellesmoinsnombreuses,lorsquelecontingent partirdesannes1600etsuivantesestdivispartrois.En 72 ralit,lapartdessoldatsmarissurlensembleducontingent doittreidentique,oupeut-tremmesuprieuredansles annes 1610 et suivantes. Ilnefaitgurededoutequesilemariagefaitobstaclela disciplinedelaviemilitaire,lechoixdunefemmeportugaise peutconstituerunecirconstanceaggravante.Cestdumoinsce quesuggreclairementleplaidoyerdusoldatPedroAdn. Limog par le gouverneur Diego de Miranda y Quirs pour stre mari,lesoldatargumentequelpousequilsestchoisie Angra est castillane et non portugaise, et que les directives de la courcontrelesmariagesdesoldatsaveclesnaturellesne sappliquentdoncpassoncas 49.LamunicipalitdAngraput mmetirerprtextedeseffetsdltresdesmariagessur lefficacitmilitairedessoldatspourrefuserdeparticiperau financement du prside tel quil avait t concert. Lagent de la ville la cour, portant le beau nom historique de Pedro Alvares Cabral, crivit en 1600 pour rappeler que depuis dix-huit annes lescitoyensdAngraavaientdravitaillerleprside,quand ladministrationdesfinancesdeCastillesemontraitdfaillante. Ilsnontjamaistrembourss.Laplacefortedanslaquellele roiainstallquatrecinqcentshommesestsansdoute lune desplusinexpugnablesdumonde daprsceuxquisy entendent .Maistelneseraitpaslecasdeshommesdela troupe qui rpugnent effectuer des sorties, installs comme ils 73 sontavecfemmeetenfantsdepuissilongtemps,quilsse conduisentcommesilstaientdesnaturelsdupays.Dansces conditions,lesfinancesduroisontdpensesbienenvain, puisque leur prsence nest daucune utilit. Autrement dit, cest le site dAngra, la baie du port et la presqule qui lui fait face, le MontBrsil,quiassurentunhautdegrdescuritauxflottes qui passent aux Aores, et non pas une soldatesque engloutie par sa vie domestique. Plus remarquable encore, venant des chevins dAngra,apparatlargumentselonlequellessoldatsdu contingentcastillantantdevenusdesportugaisdadoption,il deviendraitabsurdedeleursverserleursolde.Cest,plusou moinsconsciemment,admettrequeleurvaleurmilitaire premire rsidait dans leur htrognit par rapport leur lieu de rsidence 50. Alarmdeseffetsdedsordreetdedmobilisationqui pourraientdriverdelamultiplicationdesmariages,leroi travers son Conseil de la Guerre dcrte le licenciement gnral des soldats maris : Jai t inform de ce que de nombreux soldats qui servent dans ce prside se marient dans le pays, do il dcoule quils neserven