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Linogravures de Hans von Döhren

Ile de Groix

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Linogravures de Hans von Döhren

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Linogravures de Hans von Döhren

Linogravures deHans von Döhren

*1948

Depuis 1950 il vit à Berlin. Son père Hans Koischwitz

(1910-2002) était peintre et dessinateur-graveur. Hans lui

aussi veut d’abord se lancer dans les beaux-arts, mais décide

finalement de faire des études de chimie. Il travaille actuelle-

ment dans la recherche (en matière de biochimie) à l’Univer-

sité Technique de Berlin.

À côté de son activité scientifique il n’a jamais cessé d’ap-

profondir et de travailler ses capacités artistiques dans les

domaines de la peinture, la photographie, ainsi que les tech-

niques d’impression. Il peint avec d’autres artistes, participe

à des projets artistiques, et prend, depuis 1971, régulière-

ment part à des expositions.

Il est marié à Gunda von Döhren et père de 4 enfants. Il dé-

couvrit l’île de Groix il y a plus de 30 ans et y passa pendant

d’innombrables années ses vacances en famille. L’île de Groix

fut le lieu de création de nombreuses esquisses, aquarelles

et linogravures. C’est au cours de ses fréquents voyages à

travers la Bretagne qu’il approfondira son intérêt pour l’art

Breton. Depuis plus de 15 ans, ses oeuvres sont régulièrement

exposées à l’île de Groix.

Hans von DöHren

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De tous temps les artistes ont aimé les îles, microcosmes

aux particularismes affichés, et Hans Von Döhren s’inscrit

dans une longue lignée de graveurs de la Bretagne séduits

par ce pays.

Cet artiste berlinois, né en 1948, a trouvé sur l’île de Groix

qu’il fréquente depuis plus de trente ans, la source

d’inspiration de ses gravures; Groix est devenue son île, son

ailleurs, son paradis, ou plutôt c’est lui qui appartient à l’île

car ce sont les hommes qui appartiennent aux paysages et

non l’inverse.

L’histoire de la gravure sur bois commence en Bretagne

au 19ème siècle avec les images populaires diffusées lors

des foires et des pardons. Puis, des artistes novateurs en

redécouvrent la saveur, et la gravure devient une forme

d’expression importante parmi les artistes de l’Ecole de

Pont-Aven, à la fin du siècle. La synthèse et la discipline de

cette technique correspondent aux aspirations de ce groupe,

les aplats de couleurs d’Emile Bernard, les motifs cernés

de Seguin témoignent ainsi de la leçon de synthétisme de

Gauguin. Pratiquant la gravure sur bois et la zincographie,

Gauguin coloriait à l’aquarelle ou à la gouache certaines de

ses planches.

Hans von DöHren graveur De la BretagneCatherine Puget conservateur honoraire du patrimoine

Gauguin à Groix

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Bretonne, pour Armand Seguin

La jeteé

Hokusaï à Pen Men, détail →

Le vingtième siècle, stimulé par l’estampe japonaise, voit

s’épanouir une nouvelle génération de graveurs de la Bre-

tagne qui va exploiter toutes les possibilités de la gravure sur

bois: Rivière, Quillivic, Moser, Laboureur… Dans les années

1920 le mouvement «Seiz Breur» renouvelle la vieille tradition

des images populaires, tirées en couleurs en grande quan-

tité par Jeanne Malivel, Georges Robin, René-Yves Creston.

Durant cette période faste, ils sont nombreux ceux qui, venus

pour quelques jours en Bretagne, y ont pris racine: ainsi Cot-

tet, Dauchez, Lachaud, Méheut, Clairin…

Hans von Döhren se rattache à ce courant qui draine des

graveurs vers nos côtes durant tout le vingtième siècle. Si

Beltrand a choisi Belle-île, von Döhren a une tendresse par-

ticulière pour Groix; le regard aigu qu’il porte sur l’île en sa-

isit avec exactitude toute la vérité. Von Döhren ne renie pas

cette longue chaîne des graveurs et fait même des clins d’œil

à ses prédécesseurs avec des estampes intitulées: «Hokusaï

à Pen Men» «Pour Armand» (Seguin) «Gauguin à Groix» en

hommage à ces maîtres du passé.

Le multiple qu’est l’estampe permet une appréhension de

l’art à un large public. Pour cela, depuis 1989, von Döhren a

choisi la gravure sur linoléum qui utilise la même technique

que la gravure sur bois, avec un support tendre plus facile à

entailler en tous sens.

La gravure sur lino consiste à évider au canif puis à la gouge

les parties qui, à l’impression, doivent rester blanches et non

encrées; c’est un procédé de gravure en relief où le graveur

détoure son dessin, il l’épargne, chaque épreuve imprimée

sur la matrice est ensuite aquarellée à la main; elles sont

ainsi toutes différentes. La simplification des formes,

l’accentuation des traits qui intensifient l’image, font des

linogravures de von Döhren des œuvres dans l’esprit d’un art

populaire authentique.

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L’artiste affectionne une vision plongeante, accentuée par

une ligne d’horizon arrondie, avec un paysage qui bascule

vers le spectateur dans une contre plongée qui le place au

cœur du sujet («La jetée»,« Le phare des chats»,«Port Lay»).

«Pen Men» offre une vision vertigineuse, comme en aurait

une mouette planant au dessus du phare, et toujours cette

courbe de l’horizon qui agrandit l’espace à l’infini.

Von Döhren sait traduire la luminosité insulaire avec des

couleurs franches qui claquent au vent, choisir un cadrage

qui nous place au ras de l’eau comme dans la vague d’Hokusaï

ou bien nous fait planer au dessus des toits au niveau de la

girouette emblématique en forme de thon; alors les phares

se penchent et tout se met à tourner («Les phares de Port

Tudy», «Groix, l’arrivée», «La jetée de Locmaria», «Le la-

voir»). Il approche le mystère de l’île dans «Le Méné» plongé

dans l’ombre du crépuscule ou encore dans «A côté de Port

Tudy» où le rocher ressemble à un monstre émergeant dans

les lueurs jaunes du couchant. Il a cette capacité de rêve qui

fait partager des instants magiques, fixés avec une écon-

omie de moyens remarquable. «Mimosa» ou «Le thon sur

l’église» présentent des raccourcis saisissants de simplicité;

on sent que l’artiste est imprégné de la culture groisillonne

et qu’il a retenu aussi la leçon de l’art japonais comme dans

«La jetée» construite sur une diagonale qui traverse l’œuvre

et projette en avant le môle. Les boîtes de conserve de thon

ou de sardines lui inspirent des compositions dans l’esprit

de l’art contemporain, des séries déclinées dans toutes les

couleurs où il donne libre cours à son imagination.

Ses ondulations répétitives, son graphisme au trait affirmé,

son style très épuré rendent ses gravures reconnaissables

entre toutes et ses oeuvres les plus puissantes sont les plus

dépouillées, d’un dessin sûr, simple à force de concentra-

tion. En vrai graveur, Hans von Döhren va à l’essentiel pour

atteindre le fondamental, la permanence d’une Bretagne

intemporelle.

A côté de Port Tudy

Pen Men

← Les phares de Port Tudy, détail

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C’est pendant l’été de 1978 que je suis arrivé de Berlin sur

l’îIe de Groix. C’était pour ma femme, les jumeaux de deux

ans et moi, notre premier voyage en famille. Nous sommes

arrivés par le bac «Kreiz er Mor» à Port Tudy. A cette époque

il y avait un autre bac qui s’appelait «Pierre Calloch».

Le poète Yann Ber Calloc’h, né sur l’Ile de Groix en 1888, a

commencé son poème le plus célèbre par les lignes «Me zo

ganet é kreiz er mor Tèr lèu ér méz» (je suis né au milieu de

la mer trois lieues au large). A cette époque Berlin-Ouest

était aussi une sorte d’île mais entourée d’un mur.

J’avais rencontré ma femme Gunda à Berlin-Ouest dans un

groupe d’artistes peintres. En tant qu’artistes nous avons

soutenu les syndicats dans leur lutte pour les droits fonda-

mentaux et dans leurs actions pacifistes. Ce sont des amis

du milieu de la gauche avant-gardiste berlinoise qui nous ont

incités à venir à Groix et notre premier contact sur l’ile a été

Albert Boterf avec sa femme Hélène. Il était le propriétaire

du cinéma Les Korrigans. Albert se déclarait ouvertement

communiste ce qui chez nous en République fédérale d’Alle-

magne aurait été impensable. A Berlin-Ouest en particulier

un communiste devait s’attendre à l’époque à des sanctions

très graves comme par exemple l’interdiction d’exercer sa

profession. Un vent de liberté nous accueillit sur Groix.

Mon cHeMin vers groixHans von Döhren

Le Méné sans électricité

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Port Tudy

Port Lay

Port Tudy 2005, détail →

La fuite de la mer de béton de Berlin vers les ondes de l’At-

lantique, l’espace, les paysages à leur état naturel avec des

traditions encore vécues étaient pour nous une apothéose,

un grand enrichissement et nous encourageaient dans notre

vie. Plus tard nos quatre enfants y ont passé, eux aussi,

pendant des années de merveilleuses vacances d’été. Ils y

reviennent aujourd’hui encore des quatre coins du monde.

Mes travauxAussi loin que je m’en souvienne, l’art sous forme de dessin,

peinture et gravure a toujours été présent dans ma vie. Prin-

cipalement grâce à l’oeuvre de mon père le peintre et gra-

phiste Hans Koischwitz que j’ai souvent aidé étant enfant. Il

utilisait entre autres la technique de la gravure sur linoléum

dans son atelier de gravure, principalement pour la décora-

tion de ses affiches. Ce sont ses travaux ainsi que ceux des

artistes du Brücke comme Karl Schmitt-Rottluff (1884-1976)

qui ont été à l’origine de ma première gravure lino de Port

Tudy, du thon sur l’église et des trois matrices de la gravure

de Port Lay (1989). Tout comme mon père j’étais fasciné par

les ports, les bateaux et la mer.

Je parcourais l’île toujours accompagné de mon bloc à dessin

et d’un appareil photo et c’est ainsi que sont nés sur l’Ile de

Groix: dessins, aquarelles, photos et finalement les gravures

sur lino. J’ai commencé à colorier mes gravures sur lino selon

la luminosité toujours changeante de l’île. Cette expérience

m’a ouvert des possibilités inespérées. En effet, au moyen

de la photographie il est possible de saisir les jeux de lumière

mais en peinture, même des esquisses d’aquarelle ne peuvent

être réalisées assez vite pour saisir les différentes impres-

sions. Avec la gravure sur lino, j’avais trouvé ma voie pour

reproduire par la coloration à l’aquarelle les changements

de couleur de la lumière.

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Le peintre français Claude Monet (1840-1926) a, lui aussi,

repris plusieurs fois les mêmes motifs sous des lumières dif-

férentes. Les meules de foin et le port de Londres en sont des

exemples connus. Il nous a laissé un témoignage fascinant de

l’art sériel.

La phrase du peintre Paul Klee (1874-1940) «L’art ne reflète

pas le visible mais rend visible» a été mon défi. Mais com-

ment à Port Tudy rendre visible l’image d’ensemble du port

en me contentant de le reproduire? D’un certain point de

départ l’œil ne peut avoir qu’une seule perspective. Celle-ci,

comme sur une photographie donne une vue panoramique et

des choses essentielles restent cachées à l’oeil. J‘ai étudié

le port d’en haut, de tous les côtés et j‘ai fait rentrer sur ma

gravure les choses qui me paraissaient les plus importantes.

De cette façon, en juxtaposant des perspectives différentes

et en comprimant les différentes vues sur Port Tudy, j’ai pu

représenter le port tel que je le voyais.

En ce qui concerne ma gravure «Thon sur l’église», je dois

reconnaître qu’il n’existe aucune perspective qui permette

d’observer en même temps l’entrée du port et la girouette en

forme de thon. Pourtant, l’entrée du Port et la girouette sur

l’église sont les figures emblématiques de Groix. Pour obtenir

du Méné une certaine vue des toits et de l’horizon, j’ai dû, en

dépit des interdictions grimper sur des piliers électriques.

Sur ce sujet il est nécessaire d’avoir des perspectives légère-

ment différentes pour rendre visibles certains détails impor-

tants. J’ai renoncé aux lignes électriques pour redonner au

village son ambiance d’origine. Dans l’estampe de la plage

de Port Mélite, j’ai juxtaposé les vues de deux perspectives

différentes pour avoir une vue d’ensemble de la plage. Pour

le Moulin de Kerbus, j’ai trouvé une autre solution. Il n’existe

plus qu’une ruine qu’on peut à peine reconnaître comme

moulin. Lors de mes recherches, je suis tombé sur de nom-

breux moulins comme il y en avait autrefois à Groix. Et j’ai pu

m’imaginer à quoi avait pu ressembler le moulin de Kerbus.

La réalité et l’imagination se sont fondues en une gravure.

Le thon sur l’église

← Le moulin de Kerbus, une reconstruction, détail

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A l’origine de mes gravures concernant «Mimosa» et «Biche»,

j’ai voulu soutenir les passionnés qui se sont donné pour mis-

sion de restaurer les thoniers presque disparus de nos jours.

Les travaux pour la restauration de «Biche» sont en cours.

Pour moi, c’est fascinant de changer dans mes estampes la

couleur des bateaux, tout comme les couleurs peuvent se

modifier au cours de la vie d’un bateau.

Mes boîtes de thon sont parfois comparées aux conserves

de soupe d’Andy Warhol (1928-1987) celui-ci a proposé sans

succès son sujet à Campbell producteur des fameuses boîtes

de soupe de tomates. Ces derniers temps, on retrouve parfois

de tels produits de consommation transformés en objets

d’art. En peignant les boîtes de thon, qui ne sont plus dans le

commerce dans ce format, j’ai voulu souligner l’importance

de la pêche au thon pour l’Ile de Groix. Pour moi ,ces objets

étaient des artefacts industriels que j’ai utilisés en souvenir

des anciennes usines de conserve de thon sur l île de Groix.

Pour ma vague de Pen Men je me suis inspiré de la vague

de Katsushika Hokusaï (gravure sur bois 1834). La vague

de Hokusaï fait un tonneau de droite à gauche sur le modèle

de la graphie japonaise. J’ai adapté ma vague à l’orientation

de l’écriture occidentale afin de correspondre au mouvement

auquel notre œil est habitué. La vague fait un tonneau de

gauche à droite. Des scientifiques ont découvert que les

eaux de l’océan mettent à peu près 1000 ans pour faire le

tour de la terre. Cette idée m’a fasciné. Le fils de William

Duviard, Killian, a eu la merveilleuse idée d’imprimer ma

vague en rouge.

La sérigraphie est un prolongement de mes linogravures.

Avec cette technique d’imprimerie à la main, il est possible

de créer des estampes grands formats sur des toiles, sur du

bois ou sur du papier.

Biche

Boîtes du thon

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Hokusaï à Pen Men

Mes expositions sur l’île de Groix

J’ai exposé mes gravures à Groix, tout d’abord dans la galerie

Salicorne, rue Jean Pierre Calloc’h, chez Corinne Jacob et

Thierry Pollier. Ma rencontre avec Franck le Gourun qui est

devenu un vrai ami, a été décisive pour ma percée à Groix.

En 1995 il était sur le point d’ouvrir un petit restaurant dans

la rue du presbytère. Pendant ces travaux, j’ai pu exposer

mes sujets dans les pièces du restaurant encore vides.

A cette époque, je travaillais encore principalement sur

aquarelle. Le succès de cette exposition a été pour moi

décisif, car les habitants de Groix et les amis de l’île m’ont

encouragé à continuer mon travail: c’est alors que j’ai com-

mencé à m’intéresser à l’histoire et au passé de l’île. Tous

les soirs, je traversais à vélo la décharge (la chtrouille) qui

existait à cette époque et je ramassais des objets souvenirs

qui y avaient été négligemment jetés. C’est ainsi que je suis

tombé sur des boîtes de conserve de thon en partie encore

dans leur caisse en bois. Plus tard, je les ai remises à L’Eco-

musée. De ces trouvailles, sont nés les tableaux avec les trois

boîtes de thon. Et c’est ainsi que j’ai fait la connaissance de

la famille Orvoën et Calloch dont les noms étaient liés autre-

fois à la pêche au thon et à sa mise en boîte sur Groix.

A cette époque Franck a écrit quelques poèmes sur mes

aquarelles que nous avons réunis dans un recueil. Les poèmes

ont été traduits plus tard en allemand et en anglais. J’en

remercie Annaïc Cooper, Hermann Lersch et sa femme Ma-

risa. Avec l’aide de Gwenaëlle Le Sage, mes gravures et mes

tableaux ont trouvé leur place dans la galerie L’écume des

jours. En l’an 2000, on y a fait une grande exposition. Mes

linogravures ont étés exposées également dans l’ancienne

boucherie place de l’église.

En 2002, j’ai fait la connaissance de William Duviard. J’avais

rencontré son père Dominique chez Albert Boterf et j’admi-

rais son travail de recherche sur l’histoire maritime de l’île de

Groix qu’il a publié dans son livre «Groix, l’île des thoniers».

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Dominique Duviard aurait eu 70 ans en 2010. J’ai suivi la

construction du bateau Louisette, un ancien bautier de Bar-

fleur, à Port Tudy en 2002 par William. La femme de William,

Anne, a ouvert la galerie de la Scie Reine à côté du cinéma

des familles et elle y a exposé mes sujets. Entre-temps la ga-

lerie a déménagé sur le quai sud de Port Tudy dans une partie

de l’atelier du Rouquin Marteau avec vue sur les deux phares

du port. C’est là où il construit ses bateaux et ses maquettes.

Nous travaillons parfois ensemble sur la terrasse.

Un projet qui me tient à coeurA partir de 1994 un projet a commencé à l’auberge de jeu-

nesse qui me tient à cœur. L’idée était de décorer le bunker

de béton gris avec des peintures murales. Là encore, les

racines remontent à mon père qui a exécuté des peintures

murales dans une église et dans des bâtiments publics. Les

premiers murs du fort ont étés peints par nos enfants et

leurs amis. Cette idée a été encouragée par Viviane Raude

qui était responsable de l’auberge de jeunesse à l’époque.

Aujourd’hui encore, des artistes comme Yann Couvin et Pierre

Josse s’y retrouvent pour poursuivre cette tradition. De nom-

breux artistes de tous les âges ont participé à ce projet. Les

œuvres montrent des adaptations d’artistes français comme

par exemple Henri Matisse, Paul-Emile Pajot, Antoine de

Saint Exupéry, Jean Eiffel, Réné Quillivic. On y a exécuté des

oeuvres sur différents thèmes ébauchés ensemble. Pour moi

cela a été une expérience toute particulière de reporter mes

linogravures d’une taille relativement petite à une échelle de

2 x 4 mètres.

Je voudrais profiter de l’occasion pour remercier tout par-

ticulièrement les collaborateurs de l’AJ qui me soutiennent

dans mon travail depuis des années.

Auberge de Jeunesse, Fort du Méné →

Bunker détails

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L’île de Groix reste pendant des siècles une île sans port. Ses

nombreux pêcheurs construisent régulièrement, pour abriter

leurs bateaux, des jetées en pierre qui ne résistent pas à la

furie de l’océan pendant les tempêtes. Les chaloupes sont

alors obligées d’aller se réfugier à Port Louis. Pourtant dés le

début du 19ème siècle, des presses à sardines s’intallent dont

une, en 1803, à Port Lay (seuls les murs subsistent encore).

Les 150 chaloupes de pêche à la sardine de l’île ont de plus en

plus besoin d’un port.

En 1839, l’Etat se préoccupe enfin de cette situation et la

construction du port commençe. Mais en 1840 une tempête

détruit presque tout le travail. Il faut dire que l’ouvrage est

exécuté en maçonnerie de pierres sèches qui ne peuvent

difficilement résister aux grosses tempêtes. Le ciment

n’existe pas encore! Un nouveau projet, beaucoup plus solide,

est approuvé en 1844 et ce n’est qu’en 1850 que ce port de

3000 m² est achevé. Mais le nombre et surtout la taille des

bateaux le rendent déjà trop petit et on commençe à parler

d’un port à Port Tudy. Celui-ci ne est commencé qu’en 1861

et terminé en 1935!

Port lay,un Petit Port, une Belle HistoireJean-Claude Le Corre

← Port Lay, détail

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En 1863, le développement des conserveries lié à l’arrivée du

chemin de fer en Bretagne décide un industriel du continent,

Monsieur Jego , de construire une usine à Port Lay. Pendant

un siècle elle va employer jusqu’à 150 femmes de l’île. Elle

met en conserve les sardines puis surtout les thons que les

pêcheurs groisillons vont chercher au large et ramènent sur

des bateaux devenus célèbres: les fameux dundees. En 1863

est aussi construit la maison sur le quai initialement prévue

pour «faire commerce de poisson».

En 1895 la première Ecole de Pêche de France est creée à

Groix et s’installe rapidement à Port Lay. Jusqu’en 1972,

par des cours théoriques et pratiques, elle forme de nom-

breux jeunes marins groisillons aux techniques modernes de

la navigation et de la pêche. On peut encore voir sa devise:

«Deus Patria Labor» au fronton de la maison. A l’aube de la

Première guerre mondiale, Groix, avec ses usines et ses 300

dundees, est devenue le premier port thonier de l’Atlantique.

Port Lay est alors à l’apogée de son histoire. Les deux guerres

mondiales, la motorisation des bateaux et le développement

du port de pêche de Lorient font péricliter progressivement

la pêche à Groix et les derniers thoniers insulaires disparais-

sent vers 1970. En 1952, l’usine «Jego» ferme ses portes

définitivement et ses bâtiments sont rachetés en 1965 par

«Jeunesse et Marine». Cette association va jusqu’en 2002,

à partir de sa base de Port Lay, initier des milliers de jeunes

aux plaisirs de la voile.

En 2001, quelques amoureux des îles, férus de cinéma,

décident de créer à Groix un Festival International du film

Insulaire. Depuis 2005 ce festival s’installe tous les ans au

mois d’août dans l’ancienne usine et sur le port. Depuis près

de dix ans, il accueille pour la plus grande joie des festivaliers

et des groisillons, des invités d’honneur qui ont pour nom

Wallis et Futuna, Cuba, l’Islande, Haïti… mais aussi les îles du

Ponant. Ainsi Port Lay, le plus petit port de Bretagne, malgré

ses 160 ans, continue de vivre et de faire rêver.

Port Lay le soir, détail →

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