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TERRE D’ASILE En IMMERSION dans une famille japonaise Les relations franco-japonaises Rencontre avec Ryo Kotaka

Immersion terre d'asile

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travail réalisé par Emmanuelle Lebon, étudiante en deuxième année de journalisme à l'ISCPA Lyon (depuis diplômée) sur son expérience en immersion de 5 jours. reportage primé par le Conseil de l'Europe

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TERRE D’ASILE

En IMMERSION dans une famille japonaise

Les relations franco-japonaises

Rencontre avec Ryo Kotaka

EDITO

Konichiwa !Pour son premier numéro, Terre d’Asile vous propose de découvrir le parcours de quelques japonais dont le destin les a mené en France. Des parcours tous inédits. C’est à Paris, que Terre d’Asile est allé à la rencontre de la communauté japonaise. En effet la moitié des ressortissants japonais vivent dans la capitale. Ils sont envi-ron 50 000 aujourd’hui. Le but de cette immersion est de capturer des moments de vie. D’abord dans une association franco-japonaise qui revendique 2000 adhérents, français ou japonais. Fondée il y a quarante ans, cette association est un lieu de ren-contre pour découvrir la riche culture japonaise : cuisine, calligraphie, art martiaux, etc. En France, l’engouement pour le mode de vie japonais n’a cessé de grandir ces dernières années. On ne compte plus les adeptes de manga ou de sushis. Pourtant, on ne sait rien ou presque des japonais. Une communauté discrète mais pourtant très ouverte. C’est le constat fait après avoir séjourné dans une famille typiquement japonaise. Une famille intégrée mais toujours emprunt de la tradition.Cette courte expérience ne permet pas de décrypter tous les codes du mode de vie des japonais en France. Car il faut déjà intégrer tous les codes de fonctionnement qui restent profondément différents des codes occidentaux, ajouté à cela des cli-chés qui perdurent. Il s’agit surtout d’un éclairage humain, qui permet en lumière des japonais eux même immergés dans une autre culture des déceptions mais aussi des surprises.La France représente une terre d’accueil de choix pour eux et ils voient le pays avec un respect certain, bien que, la plupart d’entre eux ont gardé la nationalité japo-naise.

Bonne Lecture,

Emmanuelle Lebon.

TERRE D’ASILE

Magazine créé le 14 juin 2010

Rédaction en chef Emmanuelle Lebon

Secrétaire de rédaction Emmanuelle Lebon

Tirage Un exemplaire

Adresse 47 rue Sergent Michel Berthet 69009 Lyon

Crédit photos Emmanuelle Lebon

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Et au sommaire...Découverte

Un jour chez les japonaispages 3, 4 et 5

A propos

La France et le Japon, entre économie et culturepages 6 et 7

Rencontres

Deux interviews de Japonais à Parispages 8 et 9

DECOUVERTE

Tout au long de mon séjour dans la famille de Masaaki, une ques-tion me hantait. Pour-quoi faire sa vie dans un pays si différent de ses origines? Ma-saaki me répond d’un seul mot: la liberté.

Par E.L

Lundi après-midi. Je me rend à l’association Tenri à Paris. Il s’agit d’une association franco japonaise qui pro-

pose des cours de japonais mais aussi des ateliers en relation avec la culture traditionnelle. Je n’ai pas en-core rencontré la famille qui m’hé-bergera durant cette semaine en immersion. Je sais juste qu’ils sont trois, Masaaki le père, Kyomi son épouse et leur fille de 10 ans, Sachio. C’est une japonaise qui m’accueille, elle parle avec un autre japonais. Je lui explique que je suis là pour quelques jours pour rencontrer les membres de la communauté japo-naise et que je dormirai chez une famille. Elle se retourne et s’adresse en japonais à l’homme avec qui elle était en train de parler. C’est Masaa-ki. L’homme est calme et posé. Il me

serre la main et m’invite à m’assoir pour se présenter. Il m’explique brièvement son par-cours. Dès ses premiers mots, je suis plutôt surprise par la facilité avec laquelle il se livre. Il est vrai que pendant les six derniers mois où je préparais cette immersion, on m’a souvent « vanté » la grande réserve des japonais, leur discrétion, pres-que leur mutisme. Il est vrai aussi que je m’y suis heurté mais loin d’en faire une généralité. Au contraire, ce fut presque l’essence de cette dé-couverte.

«Les japonais sont particuliers »

Quelques minutes avant de faire connaissance avec Masaaki, un pro-fesseur de français qui enseigne à l’association s’étonnait de savoir que j’allais être accueillie chez des japonais sans même les connaître. « Ils sont particuliers » me dit-il. Je connais Masaaki depuis environ cinq minutes et pourtant mise à part cet accent si reconnaissable, je ne distingue pas de signes particuliers, juste une certaine retenue. Cela fait trente ans qu’il vit ici, à Pa-

ris. Il enseigne le ja-ponais, à des jeunes japonais mais aussi à des futurs profes-seurs de japonais. Né à Yroshima, il est venu en France à 20 ans pour ses étu-des mais aussi pour une mission. Une mission religieuse.

Tenrikyo où la joie de vivre

Masaaki fait partie de la religion Tenrikhyo, dont le Dieu est Oya-gami. Au Japon, elle compte plus de 3 mil-lions de fidèles, ce qui est très peu par rapport à une popu-lation de 127 millions d’habitants, majori-tairement boudhiste. En France, ils sont environ 800 mem-bres mais de natio-nalité différentes. En effet, le centre d’Eu-rope de Tenrikyo est situé en banlieue parisienne à Antony,

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Un jour chez les japonais

Je ne pose presque pas de questions. Mais mes yeux interrogateurs suffi-sent. Au bout de la dixième minutes, j’apprends que sa fille unique de dix ans a été adoptée, qu’il l’a ramené du Japon alors qu’elle avait neuf mois. Il m’explique qu’elle retourne tous les étés voir ses frères et sœurs au Japon. J’arrive à Antony, une banlieue à 25 minutes au Sud de Paris. A l’appro-che de l’été, le quartier me paraît très agréable avec des maisons aux jardins fleuries et ensoleillés. J’arrive devant la maison rue Adolphe Pujeaud. Pas de jardin zen, mais une allée où sont entreposées deux voitures, longée par un petit potager. Je sonne au portail. C’est Kyomi, l’épouse de Masaaki qui me répond. Elle vient à ma rencontre et me salut d’un « Konichiwa ».

Mon sourire est gêné mais je devine toute la gentillesse de la japo-naise derrière ce geste. Je lui renvoie

la politesse en essayant d’imiter son geste très maladroitement. Je ne tente pas de répondre en japonais et lui répond par un « bonjour, comment ça va ?». Je suis impatiente de découvrir leur maison, est-elle différente des nôtre? A première vue non. Je me déchausse et enfile une de la vingtaine de pairs de chaussons réservés au invités, pour entamer ce petit tour du propriétaire. La cuisine d’abord, le salon ensuite et puis la chambre où je vais dormir. Non, rien de de « japonais » à signa-

ler. Sans que je le demande, Kyomi me dirige à l’arrière de la maison. Je n’avais pas remarqué la large porte qui termine le salon croyant qu’elle mènerai au jardin. Derrière se trouve en fait, la salle de prière. Cela res-semble à une petite église avec des chaises pour les fidèles, des livres de prières, et l’autel. Sur cet autel, Kyomi m’explique que les parents et les an-cêtres sont représentés par des petits temples et qu’ils bénissent tout ce qui est déposé sur l’autel à condition de ne pas les avoir consommé avant. La prière a lieu le matin à 8 heures. Le rendez-vous donc le lendemain.

Tous les matins la prière à 8 heures

Il est 7h45. Masaaki est le premier debout. Il me salut et se dirige vers la salle de prière. Il enfile une veste noire où on peut lire Tenrikyo Nagoya. Nagoya est le nom de l’église à la-quelle il est rattaché. Puis il prépare les offrandes. Je m’étonne qu’il porte un masque pendant la préparation. C’est en fait un signe de respect en-vers leur Dieu, pour lui prouver qu’il n’a pas consommé les aliments. L’eau, le riz et le vin (qui remplace le saké) sont entreposés dans des petits étuis.

La prière est rythmée par la musiquePuis d’autres aliments comme des légumes ou encore des boîtes de conserve sont disposés tout autour sur l’autel. Kyomi arrive à son tour. Elle enfile aussi la petite veste noire. Je vais pouvoir suivre la prière qui

DECOUVERTE

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Petites scènes de la vie quotidienne: la prière, le repas et... le rer

dure quinze minutes grâce au livre que Kyomi me tend. Sur l’horloge qui surplombe la petite salle, il est 8 heu-res pile. Masaaki, tient les Hyoshigi, et Kyomi le Chanpon. Ce sont des ins-truments de percutions qui vont ryth-mer la prière. Ce sont en fait les mots du Dieu Oyagami prononcés par la fondatrice de Tenrikyo, Oyasama. A la fin du chant, Kyomi me tend un autre livre. C’est le livre de la vie d’Oyas-sama. Sachio, nous a rejoint entre temps. Le livre est en français et c’est Masaaki qui entreprend la lecture. Le choix de langue n’est pas anodin. En effet, même 30 ans après Masaaki est toujours en mission. C’est sur ce passage de la vie d’Oya-sama que se termine cette prière du matin. Les aliments seront récupérés le soir.

Kyomi parle des femmes japonaises

Direction la cuisine, pour le petite déjeuner. La jeune Sachio n’est pas très bavarde et ne s’exprime qu’en japonais avec ses parents. D’ailleurs le français elle l’a appris qu’à son en-

trée à l’école. Un apprentissage com-pliqué forcément mais qui ne l’a pas empêché de s’intégrer, aujourd’hui son français est parfait. Kyomi elle, est volontiers plus ouverte. Elle est arrivée en France au moment de son mariage avec Masaaki. Elle est née à Tenri là où se trouve l’église mère de leur religion. Son apprentissage a été aussi très long et aujourd’hui encore elle cherche pour trouver ses mots. Kyomi ne travaille pas. Enfin pas offi-ciellement. Elle s’occupe du foyer car Masaaki a de longues journées qui se terminent la plupart du temps à 21 heures.

Le divorce, un problème franco-japonais

Parfois, elle fait le ménage chez des personnes âgées, des japonais. Mais elle est aussi très active dans l’asso-ciation, elle envisage même de don-ner des cours de japonais. Je sens que Kyomi est très intégrer ici. Cela se voit dans sa manière de cuisiner. La veille nous avons mangé du poisson au lait de coco, une recette apprise avec des

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amis, « c’est vite fait » me dit-elle. Bien que la cuisine traditionnelle est toujours présen-te. Je le verrai le soir même. Elle me parle aussi volontiers des femmes japonaises. Il n’y en a beaucoup qui viennent avec leurs enfants à l’association. Elles sont souvent ma-riées à des français et de plus en plus nom-breuses à divorcer. Un drame pour les en-fants qui se retrouvent alors déchirés entre deux pays, deux cultu-res, deux vies. La face caché du métissage. Et c’est ainsi que se sont rythmés ces quelques en immersion au grès des discussion et des prières.

En bref…Le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental s’est réunit pour la deuxième fois début juin. Créé en décembre 2009, cette organi-sation réfléchit actuellement aux moyens à mettre en œuvre pour faciliter les procé-dures liées à l’enfant issus d’un divorce en un couple mixte. Elle vise à « promouvoir une coopération étroite entre les autorités françaises et japonaises et doit permettre de trouver des solutions concrètes contribuant à rétablir un lien entre l’enfant déplacé et le parent lésé. » En effet, les cas de divorce entre japonais et français entraînent de nombreuses complications administratives mais aussi affectives dû notamment à deux législations bien distinctes entre les deux pays.

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Le Japon et la France entre culture et économie

français sur le sol japonais. Il faudra attendre quelques années pour pallier ces inégalités. à cette période, il y a de la part du Japon une véritable volonté de mo-dernisation.

Lyon , partenaire commercial de choix

En effet, l ‘ensemble des traités si-gnés par le Japon à cette époque, ne permet pas uniquement l’éta-blissement des relations avec les pays occidentaux, mais surtout de développer les partenariats écono-miques. Les clauses du traité fixent la construction de cinq ports dédiés au commerce et aux français. Dans un premier temps, les relations se

nouent à travers un transfert de com-pétences technologiques de la Fran-ce vers le Japon. La France est alors à la pointe des technologies. C’est avec la ville de Lyon et ses soyeux que le premier pacte commercial va se nouer. Les soyeux lyonnais qui

Les premiè-res traces des relations f r a n c o - j a -

ponaises datent de 1615. C’est presque par hasard, qu’une délégation catholi-que japonaise fit es-cale à Saint-Tropez sur la route qui l’em-menait à Rome. Mais c’est le traité de paix, d’amitié et de com-merce, signé à Edo en 1858, qui marque-ra le début des rela-tions modernes entre les deux pays.

Ce traité marque la fin de la longue pé-riode d’isolation-nisme nippon sous la dynastie Tokugawa. Ce premier traité est toute fois inégal, no-tamment sur la non reconnaissance des tarifs douaniers japo-nais et l’exterritoria-lité des ressortissants

Par E.L

A PROPOS...

Visa Vacances-Travail

Signé entre le Japon et la France le 8 janvier 1999, cet accord a pour but de favori-ser les échanges humains et culturels entre les deux pays. Ce visa s’adressent aux jeunes français et aux jeunes japo-nais âgés entre 18 et 30 ans. Il permet notamment de sé-journer pour une durée maxi-male d’un an dans le « but d’y passer des vacances avec la possibilité d’occuper un em-ploi susceptible de compléter les moyens financiers dont ils disposent. » « Les ressortis-sants français sont tenus de se conformer à la législation en vigueur au Japon, notamment aux dispositions relatives à l’exercice des activités rému-nérées ainsi qu’au contrôle de l’immigration. Les ressor-tissants français bénéficiaires du programme ne peuvent ni prolonger leur séjour au Japon au-delà d’un an, ni changer de statut durant ce séjour ».

Les japonais qui vivent en France puvent avoir avoir accès à la presse nippone dans les associa-tions franco-japonaises.

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sont frappés par la maladie du vert à soie sont en pénurie. Ils sont donc nombreux à se fournir en balles de soie grège du Japon, qui sont de meilleur qualité. En 1859, une nouvelle route de la soie Lyon-Yokohama s’ouvre. Cela permettra aux artisans lyonnais de rester lea-der mondial sur le marché. La France jouera un rôle majeur dans l’armement nippon. Mais elle doit constamment faire face à ses rivaux occidentaux qui se spécialisent chacun dans un domai-ne. L’Allemagne par exemple, ex-celle dans le droit et la médecine. Mais petit à petit la tendance va s’in-verser.

Le japonisme inspire l’art français

C’est sur le terrain de la culture et de l’art que le pays, par son japo-nisme du Soleil levant inspirera les capitales européennes. En France, ce courant est à l’origine de l’Im-pressionnisme et de l’art nouveau. Le Xxè siècle sera évidemment mar-qué par la guerre. Dans les années 1980, la France est très retard dans l’essor économique nippon, alors même que le pays est favorable aux investissements étrangers. Les Etats-Unis deviendront d’ailleurs un

allié de choix. Les échanges franco-japonais vont s’intensifier à la fin des années 1990 et le président Jacques Chirac.

Le président Jacques Chirac effectuera plus de 40 visites au Ja-pon

Grâce à son attachement particu-lier au Japon (il s’y est rendu plus de 40 fois pendant ses mandats, un record pour un président français.), les relations se sont intensifiées. Le président français lancera notam-ment le programme « Le Japon c’est possible », visant à encourager les exportations vers le Japon avec à la clé une augmentation de 50% des échanges commerciaux sur la pé-riode 1999-2004.

De manière générale, les relations entre français et japonais restent inégales. Les japonais connaissant d’avantage la France et sa culture. Mais depuis le début des années 2000, on assiste à un véritable en-gouement pour la culture japonaise: mangas, sushis, bien-être. L’art de vivre japonais séduit en occident.

8 Septembre 1951(extrait)

Traité de Paix avec le Japon, signé à San FranciscoConsidérant que les Puissances Alliées accueillent favorablement les intentions, les relations seront celles qui dans l’égalité de leur souveraineté, coopèrent en association amicale en but de favoriser leur bien être commun et de maintenir la paix et la sécurité internationales, et qu’ils sont en conséquence désireux de conclure un Traité de Paix qui réglera les questions encore pendantes du fait de l’existence d’un état de guerre entre eux. [...]Considérant que le Japon, de son côté, exprime son intention de solliciter son admission comme membre de l’Organisation des Nations Unies, de s’efforcer les objectifs de la Déclaration Uni-verselle des Droits de l’Homme, de chercher à l’intérieur de son territoire les conditions de la stabilité et de bien-être définis par les articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unis et que la législation japonaise postérieur à la capitulation a déjà commencé à réaliser et de se conformer en matière de commerce public et privé, aux pratiques loyales internationalement admises.Considérant que les Puissances Alliées accueillent favorablement les intentions du Japon tel-les qu’elles sont exposées au paragraphe précédent. Les Puissances Alliés et le Japon ont en conséquence décidé de conclure le présent traité de Paix.

A PROPOS...

Le quartier de l’Opéra à Paris est un lieu repère pour les ja-ponais: restaurants, épiceries traditionnelles mais aussi librairies spécialisées.

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«Le plus compliqué en France c’est l’administration»

Miki, 42 ans, est née à Tokyo. Elle fait partie de ce qu’on ap-pelle les couples mixtes : des japonaises mariées à des français.

RENCONTRES

Pourquoi avez-vous choisi la France ?Je suis arrivée par hasard à Paris. J’ai commencé mes études de finan-ces internationales aux Etats-Unis. Une école parisienne proposait un cursus plus court pour obtenir le diplôme alors je me suis inscrite même si, en arrivant je ne parlais pas un mot de français.

Comment se sont passées vos premiè-res années dans la capitale ?Mes cours étaient dis-pensés en anglais, langue que je parle couramment. L’appren-tissage du français a été long et difficile. Dans un premier temps, je n’ai pas pu apprécier la vie parisienne principale-ment parce que mes études me prenait énor-mément de temps. Mais ce qui a été le plus dure pour moi, ce sont les dé-marches administratives. Cela a été très long et j’ai parfois du faire face à beaucoup de mau-vaise volonté. Une chose impensable au Japon.

Qu’est ce qui vous à amener à rester définitivement ?J’ai rencontré mon mari pendant que j’étais encore à l’école. Il est parisien, et nous nous sommes mariés en 2004. Mais c’est vrai que dès le départ, j’étais prête à accepter la culture française. C’est quelque chose de très impor-tant si l’on doit vivre dans un autre pays que le sien. Aujourd’hui nous avons deux enfants : Eugène et Philippe.

Un choc des cultures…Non pas vraiment, d’autant que mon mari a vécu plusieurs années en Chine. Mais il y a un formidable métissage à la maison. En effet, avec leur père les enfants s’adressent en français et avec moi en japonais. Mais ils comprennent aussi l’anglais car avec mon mari nous nous parlons en anglais.

Pourquoi ne pas parler français alors ?Cela s’est fait naturellement sans vo-lonté particulière de notre part. Le fran-çais n’est toujours pas automatique pour moi. Bien que je le comprenne et le parle couramment, cela me demande des ef-forts. J’ai l’impression d’être plus com-préhensible en anglais qu’en français

.

Quand on a deux cultures si dif-férentes, comment envisage-t-on l’éducation de ses enfants ?Mes enfants vont dans une école fran-çaise et vivent à Paris. Il est sur qu’ils sont d’avantage imprégnés de la culture fran-çaise. Cela dit, ils ne peuvent pas ignorer leurs origines japonaises, rien que par la langue. Mon aîné qui a cinq ans suit des cours de japonais qui l’apprennent à parler mais aussi à écrire en japonais. Je pense aussi que Paris offre un meilleur

cadre de vie aux enfants. A Tokyo où je suis née, le stresse est plus présent, il n’y a pas beaucoup de place pour des enfants.

Cela veut-il dire que vous n’y retour-nerai pas pour vivre ?Ce que nous aimerions c’est de partir y vivre un ou deux dans l’idéal ! Nous y retournons déjà mais pour des va-cances et rendre visite à ma famille.

A ce propos, l’éloignement par rapport à votre famille, comment le vivez-vous ?Nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir communiquer facilement avec la famille que ce soit par internet ou au té-léphone. De plus, je ne suis pas la seule dans la famille à être partie du Japon. Ma sœur vit à San Francisco et il n’y a que mon frère et mes parents qui vivent à Tokyo. Nous nous voyons plusieurs fois dans l’année au grès de nos voyages.

A quoi ressemble votre vie en France aujourd’hui ?A la fin de mes études, je suis allée tra-vailler à Londres. J’ai arrêté de travailler en 2005 au moment de la naissance de mon premier enfant. Et puis j’ai suivi mon mari qui avait une mission profession-nelle au Qatar, où nous avons habité trois ans. J’ai fait le choix de rester à la maison pour m’occuper de mes enfants. En ce moment, je peux dire que c’est un job à plein temps d’autant que mon mari est amené à voyager souvent pour son tra-vail. Je viens tout juste de créer un site internet en japonais. C’est une sorte de réseau social pour les expatriés où l’on peut échanger sur nos différentes expé-riences. Elles sont très différentes mais surtout très passionnantes en générale.

Propos recueillis par E.L

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RENCONTRES

« Paris m’inspire»

Ryosaku Kotaka est arrivé à Paris il y a une semaine où il expose pour la première fois ses tableaux inspirés de la nature.

Vos tableaux sont singuliers, quelle méthode utilisez-vous ?

Cela fait 14 ans que je travaille cette technique, c’est moi qui l’ai mise au point. La toile blanche que vous voyez sur tous mes tableaux est en fait du pa-pier que je fabrique avec mon épouse au Japon. C’est à partir d’un petit ar-bre, le Kozo, que le papier est élaboré. Le procédé dure un an a peu près, entre la récolte, le sécha-ge, le nettoyage et la transformation finale.Une fois cette étape terminée, je travaille avec des pigments pour colorer. Il s’agit d’une petite goutte d’encre de Chine que je verse dans l’eau dans laquelle baigne le papier. Le reste est guidé par l’inspiration.

C’est votre première ex-position en Europe, pour-quoi avoir choisi la France?Je suis venu il y a pour la première fois à Paris il y a deux ans. C’est là que j’ai fais la connaissance de la responsa-ble des expositions de l’association Tenri. Comme le processus est long, il a fallu quelques années pour pouvoir présenter une collection. Cette ex-position est donc une double récom-pense. D’abord parce que il s’agit de l’aboutissement d’un long travail et puis, c’est aussi une chance de pou-voir exposer dans la capitale de l’art.

C’est votre vision en tant qu’ar-tiste?Depuis que je suis arrivé je prends tout les jours le métro. C’est très cos-mopolite, cela m’inspire des choses qui sont différentes de ce qui peut se passer au Japon. C’est aussi l’occa-sion d’avoir des critiques sur ce que je fais car je sais qu’il y a un public

très averti ici. Pour moi, l’opportunité est de pouvoir élargir mes horizons, j’ai encore beaucoup à apprendre.

En quoi Paris vous inspire diffé-remment du Japon?Chez moi, j’habite en campagne, près d’Osaka, où je travaille avec mon épou-se. La nature est constamment présente dans notre quotidien. Par exemple, si je veux faire des tableaux, il faut d’abord cultiver le Kozo pour pouvoir après le travailler. Cela prend beaucoup de temps, mais c’est le rythme de la nature. Pour travailler la couleur, j’aime m’ins-pirer des éléments naturels, comme le sable, la mer ou encore le cosmos. Paris est surtout synonyme de décou-verte à l’heure actuelle. Je m’imprègne

de l’atmosphère, de l’architecture, des gens. Je me rempli chaque jour d’émotions nou-velles. Peut-être qu’à mon retour au Japon, je pourrais le traduire dans mes tableaux

Etes-vous tenté de vous installé en France?Bien qu’il s’agisse d’une ville enrichissante, je n’ai pas cette ambition. Je souhaite continuer à travailler aux côtés de mon maître qui a 94 ans aujourd’hui. Je sais qu’il ne reste plus beau-coup de temps pour apprendre de lui, alors je veux continuer à sui-vre ses enseignements jusqu’au bout. Il s’agit d’une relation artisti-que presque spirituelle.

Propos recueillis parE.L

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Ce tableau fait partie des 28 oeuvres que compte la collection.