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Impacts hydrogéomorphologiques des changements climatiques des trois dernières saisons de pluies en milieux rural et urbain (Exemples du Sillon de la Manandona dans le Vakinankaratra et Basse ville d’Antananarivo)
RAZAFIMAHEFA RASOANIMANANA, Michel ANDRIAMAHAZONORO
RAHERIMANANTSOA, Mirindra. S. ANDRIAMIARANTIANA
1Professeur, Mention Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines Université Antananarivo 2Doctorant, Mention Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines Université Antananarivo 3Doctorant, Mention Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines Université Antananarivo
Mail : [email protected]
Résumé
Les recherches sur les conséquences hydrogéomorphologiques des changements climatiques des trois
dernières saisons de pluies (2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017) à Madagascar ont été menées dans
le sillon de Manandona, situé à environ 180 km au sud d’Antananarivo, dans la région Vakinankaratra
et dans une partie des zones basses de la capitale. Les données sont en cours d’analyse mais les
impacts des changements des trois dernières saisons de pluies ont été ressentis à la fois en milieu rural
et en milieu urbain. Sécheresse ou événements hydropluviométriques intenses ont eu des
conséquences frappantes sur le milieu naturel et donc sur les activités anthropiques. Cet article
démontre que les changements climatiques se manifestent par un allongement de la saison sèche et
une diminution du total pluviométrique fortement ressentis pendant les trois dernières saisons de
pluies à Madagascar. Cette recherche permet de mieux appréhender les évolutions climatiques et leurs
conséquences hydrogéomorphologiques pour les prochaines années tant en milieu rural qu’en milieu
urbain.
Mots-clés : Hydrogéomorphologie - changements climatiques – sillon Manandona- plaine
d’Antananarivo- inondation- sècheresse
Abstract
The researches on the hydrogeomorphological consequences for climate change of the last three rainy
seasons (on 2014-2015, on 2015-2016 and on 2016-2017) in Madagascar have been led in the furrow
of Manandona, situated approximately 180 km in the South of Antananarivo, in the region of
Vakinankaratra and in the low zones of the Capital. The data are processing but the impacts of the
changes of the last three rainy seasons were felt at the same time in rural areas and in urban areas.
Drought and intense hydropluviometric events had striking consequences on the natural environment
and on anthropogenic activities as well. The main objective of this research on climate change for the
last three rainy seasons, related to general data about the references of the previous years is to show
that the climate change in the form of drought with elongation of the dry seasons and shortening of
the rain seasons, and the diminuation of the total pluviometric was strong felt during the last three rain
seasons in Madagascar, with the example of the furrow of Manandona and the city of Antananarivo,
situated in the Central highlands. This research allows to better apprehend the climate evolutions and
its hydrogeomorphological consequences for the next years both in rural and urban areas.
Keywords: Hydrogeomorphology-climate change- Manandona furrow-Antananarivo plain- flooding-
dryness
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INTRODUCTION
Les recherches sur les conséquences hydrogéomorphologiques des changements climatiques
des trois dernières saisons de pluies (2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017) à Madagascar ont été
menées dans le sillon de Manandona, situé à environ 180 km au sud d’Antananarivo, dans la région
Vakinankaratra et dans une partie des zones basses de la capitale. Ces trois dernières années, la durée
de la saison des pluies a été fortement perturbée, n’excédant pas trois mois en 2015-2016 et 2016-
2017 ; en revanche, la quantité de pluies n’a pas vraiment varié, ce qui signifie des pluies nettement
plus intenses, plus concentrées et donc plus actives sur la morphogenèse en général. En milieu urbain,
la sécheresse s’est traduite par une importante baisse du niveau des principales rivières drainant la
plaine d’Antananarivo et leur bassin-versant, entraînant non seulement un déficit d’alimentation des
centrales hydroélectriques mais aussi d’eau potable dans la ville. En milieu rural, la sécheresse s’est
fait sentir par un changement du calendrier cultural, une insuffisance des récoltes et surtout un
déplacement des zones cultivées par rapport à la rivière Manandona. En revanche, les quelques
grosses pluies apportées par la Zone de Convergence Intertropicale (Z.C.I.T.) ou par les passages
cycloniques ont entrainé des inondations dans une grande partie de la basse ville ainsi que des
éboulements et différents mouvements de masse dans les parties hautes de la ville d’Antananarivo.
Dans le sillon de la Manandona, les phénomènes climatiques des trois dernières saisons de pluies ont
eu des conséquences sur la sédimentation de la rivière Manandona et ont entraîné des changements
dans les pratiques culturales des paysans tels le changement de calendrier cultural.
Situation des zones de recherches
- Le sillon de Manandona
Situé à environ 180 km au sud d’Antananarivo, dans la région Vakinankaratra, le sillon est drainé par
la rivière Manandona. Bordé à l’Est par la faille de Betampona et à l’ouest par le massif quartzitique
d’lbity, cette zone connaît des problématiques de crues et d’inondations récurrentes et qui tendent à
s’aggraver depuis quelques années (Andriamiarantiana 2016)
- La ville d’Antananarivo
Capitale de Madagascar, Antananarivo est située sur les Hautes Terres Centrales et connait également
des problèmes de drainage, d’inondations parfois catastrophiques dans les zones basses ainsi que des
problèmes de mouvements de terrains dans les zones escarpées ( RAHERIMANANTSOA
ANDRIAMAHAZONORO 2016)
1. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
Théoriquement, la saison de pluie a toujours été définie comme allant du mois de novembre
jusqu’au mois d’avril à Madagascar, soit environ une durée minimale de 6 mois. Ces trois dernières
années, la durée de la saison des pluies a été fortement perturbée, n’excédant pas trois mois parfois.
Trois saisons pluvieuses : 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017 semblent être insuffisantes pour faire
une approche analytique au niveau climatique. Cependant, le choix de ces trois saisons a été dicté par
l’existence de plusieurs contradictions importantes. Premièrement, la saison pluvieuse de 2014-2015
est marquée par une pluviométrie nettement plus importante, avec 402.5 mm reçues en janvier
(DGM) contre 302 mm de moyenne sur 30 ans : 1961-1990 (WordClim). En second lieu, la saison
2016-2017 a connu une situation inverse à celle de 2014-2015. En effet, le mois de janvier n’a reçu
que quelques dizaines de mm de pluies mais le passage, début mars, du cyclone ENAWO a sauvé la
saison déficitaire de 2016-2017. Troisièmement, la saison 2015-2016 a été marquée par une
pluviométrie déficitaire par rapport à la saison précédente. Par ailleurs, il parait évident que la saison
2016-2017 n’ait pas été supérieure à celle 2015-2016 en matière de pluviométrie.
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2. METHODES
En ce qui concerne la ville d’Antananarivo et ses zones basses, la recherche a été basée sur
l’exploitation des données météorologiques journalières relevées pendant ces trois dernières saisons
des pluies ainsi que les débits journaliers des deux rivières principales traversant la CUA : l’Ikopa et
la Sisaony. Des données sur des durées de normale sur 30 ans ont été utilisées pour des comparaisons.
Pour le sillon de la Manandona, l’utilisation de données journalières étant impossible, les données
utilisées sont des données mensuelles sur la période 1949-1988. Ces données sur trois années ont été
choisies pour une étude très minutieuse des variations et de leurs conséquences sur le milieu naturel
mais elles seront comparées à des données plus générales dans le temps pour montrer l’aggravation
des phénomènes de changement climatique dans une dimension spatio-temporelle assez limitée.
En outre, les données ont été complétées par l’imagerie satellitaire avec une possibilité de
comparaison des phénomènes et de leur évolution sur la période étudiée. Les données climatologiques
acquises ont subi quelques manipulations avant d’être traduites en graphiques. Parmi ces
manipulations, le calcul des moyennes, des données journalières des précipitations et des débits des
rivières a été effectué. Pour compléter les exploitations des données statistiques, des enquêtes sur
terrain ont été faites sur les impacts de la dynamique du réseau hydrographique pendant les périodes
étudiées. Ainsi, dans le sillon de la rivière Manandona, 135 personnes ont été enquêtées dont 100
paysans, 11 chefs de fokontany, 22 extracteurs de sable regroupés dans deux coopératives
3. RESULTATS
3.1. Les variations pluviométriques et les impacts sur le réseau hydrographique.
L’objectif principal de la recherche est de cerner les conséquences des changements
climatiques à court terme sur la dynamique des paysages sur les Hautes Terres Centrales en milieu
urbain et rural. Ainsi, des changements ont été observés sur les versants de la haute ville et dans les
zones basses d’Antananarivo. En effet, des éboulements et des glissements de terrain sont devenus
des phénomènes courants depuis quelques années entraînant des dégâts matériels mais également
morts d’hommes. Ces variations pluviométriques sur trois ans ont été notamment ressenties sur les
hauteurs d’eau des rivières principales drainant la plaine d’Antananarivo., étant donné que le débit des
eaux est fortement lié au régime pluviométrique et les rivières réagissent rapidement à ce dernier.
En milieu urbain, la sécheresse s’est traduite par une importante baisse des niveaux des
principales rivières drainant la plaine d’Antananarivo et leur bassin-versant. Par ailleurs, en ce qui
concerne la basse ville d’Antananarivo, les passages cycloniques ont entraîné des inondations
catastrophiques et même des ruptures de digue. En effet, cinq points de rupture de la digue contre les
crues de Sisaony ont été engendrés par les abondantes pluies de mi-février 2015 en quelques heures
seulement.
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Figure 1. Débits de l’Ikopa à Anosizato durant les saisons de pluies 2014-2015/2015-2016
(Source : Données APIPA)
La figure 1 montre la faiblesse des débits de l’Ikopa pour la saison 2015-2016 par rapport aux débits
de 2014-2015 intensifiés par la présence de la ZCIT et le passage du cyclone Chezda
Figure 2. Débits de la rivière Sisaony à Ampitatafika avant et durant le passage du cyclone Enawo
(Source : Données APIPA)
Sur la figure 2, Le 1er février 2017, le lit de la rivière Sisaony était presque à sec, quelques
pluies ont augmenté les débits au mois de février mais dans une moindre mesure (à peine moins de
100 m3/s). Le graphique montre bien la brusque montée du débit jusqu’à 200 m3/s à partir du 7 mars
2017, pendant le passage du cyclone Enawo, puis une descente aussi brusque moins d’une semaine
après.
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Figure 3. Variations journalières des hauteurs d’eau de la rivière Ikopa pendant le passage du
cyclone Enawo en mars 2017
(Source Données APIPA)
La variation des débits des rivières est encore plus frappante pour la rivière Ikopa en mars
2017.En effet, sur la figure 3, le 7 mars, la hauteur d’eau dans le lit de la rivière était au- dessous de 0
(repère relatif), ce qui correspondait à un lit quasi à sec, alors que le 10 mars, la cote d’alerte de la
rivière a été dépassée avec une hauteur d’eau de 3 m, la cote d’alerte de danger déclarée est de 3,5 m
pour cette rivière. Ce qui, évidemment, a entraîné des conséquences telles que ruptures de digues et
inondations des parties basses de la ville d’Antananarivo. Et le 22 mars, la hauteur d’eau de la rivière
est revenue à presque 0. L’assèchement de la rivière Ikopa n’avait pas été observé depuis au moins 50
années.
Photo1. Le lit asséché de l’Ikopa en janvier 2017
21
(Cliché de R.Razafimahefa)
Figure 4. Précipitations moyennes dans la Commune urbaine d’Antananarivo en mm
Source : Rakotoasitera 2016
La figure 4 montre la situation pluviométrique d’Antananarivo pendant la normale entre 1961
et 1990, montrant une saison de pluies allant du mois de novembre (moyenne de 170,8 mm) au mois
d’avril avec une hauteur de pluie atteignant encore 50 mm. Pour la saison de pluies 2015, la saison
n’a commencé qu’au mois de décembre mais avec 389,9 mm de pluies et s’arrête au mois de mars
avec 212,8 mm, soit une saison des pluies plus courte mais avec des hauteurs de pluie plus
conséquentes.
Figure 5. Débits de la rivière Sisaony durant les mois de janvier à mars des trois dernières
saisons de pluies
Source : Données APIPA
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Les débits de la rivière Sisaony pendant la même période, en 2015, suivent la même évolution
pendant la première quinzaine du mois de janvier avec des débits dépassant 120m3/s ; cette situation
correspondant au passage du cyclone Fundi. La saison de pluies 2014-2015 a été caractérisée par la
prédominance d’un régime très perturbé sur presque l’ensemble de Madagascar (ZCIT, cyclones)
apportant des quantités de précipitations remarquables provoquant durant presque trois mois des
inondations catastrophiques et des mouvements de terrain exceptionnels tels que les glissements de
terrain sur le versant oriental de la butte de Manjakamiadana à Antananarivo. En 2016, les débits sont
plus faibles mais également irréguliers : élevés entre le 9 et le 19 janvier et du 16 au 24 février mais
ne dépassant 100m3/ s que pendant la seule journée du 13 janvier. En 2017, c’est seulement le 9
février que le débit de la rivière a atteint 10m3/s et 60 m3/s le 12 février. Le mois de janvier a été
totalement sec, ce qui explique un débit presque nul de la rivière. Du 16 février au 6 mars, la
sècheresse s’est traduite encore par des débits très faibles. Une brusque montée du débit a lieu la
journée du 8 mars avec plus de 180m3/s, permettant à la rivière Sisaony d’atteindre en moins de 10 h
sa cote d’alerte et entrainant une rupture de digue dans la zone de Soavina au sud de la ville
d’Antananarivo. Cette montée des eaux, correspondant au passage du Cyclone Enawo, n’a duré que 4
jours mais a entraîné des dégâts dans les zones basses de la ville.
Ainsi, sur les trois saisons de pluies étudiées, 2014-2015 a été très humide entraînant plusieurs
conséquences dont, en particulier, la montée des eaux dans la basse ville d’Antananarivo et des
mouvements de masse et d’éboulements sur les versants de la ville. Durant la saison 2015-2016, les
pluies ont été faibles et irrégulières et durant la saison 2016-2017, les lits des rivières étaient à sec
jusqu’à la mi-février et une montée brusque des précipitations a eu lieu juste lors du passage
cyclonique. Ceci a eu des répercussions sur les aquifères de la plaine d’Antananarivo qui n’ont pas
atteint le niveau souhaité et donc des répercussions sur les cultures dans la plaine ainsi que des
problèmes d’approvisionnement en eau dans les parties hautes de la ville. Les saisons 2015-2016 et
2016-2017 ont reçu des précipitations très basses par rapport à la saison 2014-2015
En milieu rural, de même, des changements du milieu ont été constaté dans le sillon de la
Manandona notamment avec les phénomènes d’ensablement des rizières ayant entraîné des
changements dans les pratiques culturales des paysans et constituant un danger pour la riziculture en
général. Dans cette seconde zone de recherches, avoir des données journalières de pluies n’a pas été
possible. Les données utilisées ont été basées sur les normales de la station de Manandona entre 1949
et 1988 pour des comparaisons avec les trois dernières saisons de pluies et les enquêtes de terrain.
Tableau 1. Pluies mensuelles inter-annuelles de la station de Manandona 1949-1988
Source : RAZAFIMAHEFA, 2010
Le volume annuel minimal de sable extrait est de 21 840m3 en cas d’inondation dans la plaine,
ce volume annuel peut monter à 32 700 m3 par an si les inondations sont maximales comme lors d’un
passage cyclonique ou de la ZCIT comme en 2015 ( Andriamiarantiana 2016). En général, la rivière
Manandona présente un débit assez soutenu entre 200 à 250 m3/s. Le tableau 1 montre que
normalement, la saison des pluies débute au mois d’octobre pour prendre fin au mois d’avril.
Toutefois, durant les trois dernières saisons de pluies étudiées, les pluies ne sont tombées qu’à partir
du mois de janvier au plus tôt et se sont terminées au mois de mars. Mais Comme à Antananarivo, la
23
saison 2014-2015 a été très arrosée causant des inondations de grande envergure dans la plaine ayant
comme principale conséquence l’ensablement d’au moins 5 ha de rizières mais également une rupture
des digues le long de la rivière. En 2016, les pluies ont été plutôt faibles et n’ont pas généré
d’inondations importantes, ainsi l’ensablement des rizières n’a concerné que 2 ha de rizières. Le
maximum de précipitations durant le mois de Janvier, la fin du mois de février et du début jusqu’ à
mi-Mars montre une concentration des pluies sur seulement 109 jours de l’année.
(ANDRIAMIARANTIANA 2016). Mais ce phénomène s’est amplifié ces trois dernières saisons de
pluie avec une augmentation des surfaces inondées. Ainsi, tous ces phénomènes des trois dernières
saisons de pluies (retard du début de la saison des pluies, inondations…) ont obligé les paysans de la
zone à modifier leur calendrier cultural pour éviter les inondations des récoltes de riz durant les mois
de février -mars. Ainsi, la majorité pour ne pas dire la totalité des rizières situées près du lit de la
rivière est cultivée tôt vers la fin du mois d’août et septembre. Le but étant de pouvoir récolter vers la
fin du mois de décembre à janvier.
3.2. Les conséquences des changements climatiques sur l’agglomération du grand Antananarivo
L’Ikopa et ses affluents, principalement la Sisaony et la Mamba, drainent la zone urbaine de la
CUA, ainsi que les communes du Grand Antananarivo. L’écoulement de l’Ikopa suit la bordure
occidentale de la CUA, et entre dans le Grand Tanà, au niveau de la Commune d’Ambohimanambola
pour en ressortir au niveau d’Ambohitrimajaka. La figure 7 montre le profil en long de l’Ikopa au
niveau de son parcours. Ce dernier possède une pente d’écoulement très faible, de l’ordre de 1.79 ‰
soit un abaissement de 1.79 m par kilomètre3. Par conséquent, l’évacuation des eaux de l’Ikopa à
l’intérieur de la zone de recherche semble être difficile.
3 Calculer selon l’ASTER Dem v 2.0
24
Figure 7. Ecoulement de la rivière Ikopa dans la CUA
25
Au niveau des seuils, le lit de la rivière est surélevé, obligeant l’écoulement à augmenter sa
cote pour suivre son cours. Aussi, au niveau de ces seuils, selon leur importance, les cotes peuvent se
surélever, dépasser les berges et déverser les eaux dans la vaste plaine.
Le fait marquant observable sur la figure 8 est que la côte d’écoulement de la rivière est plus
élevée que celle de la plaine elle-même. Sans les digues de confinement, il peut être supposé que toute
la plaine constituerait son lit majeur. Par ailleurs, la forme en cuvette de la plaine implique une
difficulté supplémentaire d’évacuation d’eau, lors des crues exceptionnelles.
Figure 8. Profil de la rive droite de la plaine urbanisée d’Antananarivo
Source : APIPA
La poldérisation de la plaine d’Antananarivo, surtout sur sa rive droite, a conduit dans un premier
temps à réduire les risques de débordement de la rivière Ikopa, mais dans un deuxième temps, la
difficulté d’évacuation des eaux des pluies intenses se présente. En effet, le système de
drainage/Stockage est mise à mal par l’aménagement anarchique de la zone urbaine
(RAHERIMANANTSOA, 2017). L’APIPA a défini le seuil de 1249 m, la côte de la route « digue »
le long de l’Ikopa à l’Ouest de la CUA, comme étant la limite des risques d’inondation d’origine
pluviale. Toutefois, ce niveau semble être insuffisant comme critère de zone inondable. En effet, en
dehors des menaces de débordement de l’Ikopa4, la rive droite souffre surtout du mauvais drainage
des eaux de pluie. La Sisaony a eu des ruptures de digues à deux reprises entre 2015 et 2017, soit
durant les phénomènes extrêmes du début de 2015 et le passage du cyclone ENAWO, en Mars 2017.
Des inondations très éphémères après les grandes pluies torrentielles se sont déroulées durant les trois
saisons étudiées, malgré de niveaux faibles de précipitations durant les saisons 2015-2016 et 2016-
2017, par rapport à la saison 2014-2015.
4 Surtout sur la rive droite, où la digue orientale de la rivière a cette côte.
26
Figure 9. Des mouvements de masses au sein de la CUA
27
Plusieurs cas de mouvements de masse ont été observés dans le grand Antananarivo durant la période
de recherche, mais la quasi-totalité de ceux-ci ont été observée durant les évènements pluvieux des
mois de Janvier à Mars de l’année 2015. Généralement situées dans les zones à fortes pentes, donc sur
les versants, ces mouvements de masse sont fortement localisés dans des zones habitées.
(Raherimanantsoa, 2017).
4. Discussion et perspectives
Dans le cadre des changements climatiques à l’échelle mondial, Madagascar subit avec une
intensité assez forte des impacts aussi bien sur le milieu naturel que sur les activités humaines. Cela
est visible en milieu urbain avec l’augmentation en nombre et en intensité des mouvements de terrain
sur la ville haute et des inondations qui deviennent de plus en plus graves dans la ville basse. Le
phénomène a aussi eu des influences sur le milieu rural obligeant les paysans à des adaptations de
leurs pratiques agricoles.
Tirer des conclusions sur trois années d’observations est assez aléatoire. Toutefois, les
résultats montrés permettent de d’avancer certaines conclusions.
➢ Les phénomènes climatiques et leurs conséquences tendent à devenir de plus en plus intenses
dans leurs manifestations :
- Les saisons de pluies tendent vers un raccourcissement de leur durée
- Les quantités de pluies qui tombent semblent ne pas vraiment diminuer.
Ces constatations entraînent des phénomènes extrêmes tant en sècheresse qu’en humidité. Le
phénomène de l’assèchement du lit de la rivière Ikopa en 2017, phénomène qui ne s’est pas produit
depuis une période quinquennale en constitue un exemple.
➢ L’intensité des phénomènes climatiques ont entraîné des conséquences brutales sur la vie
quotidienne des populations : inondations intenses, ruptures de digues (passage de Enawo en
2017), assèchement des rivières qui ont posé des problèmes d’irrigation des rizières,
abaissement de la nappe phréatique et sécheresse qui a eu des conséquences sur
l’approvisionnement en eau potable des parties hautes de la ville d’Antananarivo.
➢ En plus de l’intensité, la durée des phénomènes extrêmes comme en 2015 ont eu aussi des
conséquences géomorphologiques telles que les mouvements de terrain dans la ville
d’Antananarivo et l’ensablement de plusieurs hectares de rizières dans le sillon de la rivière
Manandona.
Les phénomènes extrêmes sont liés aux changements climatiques généralisés sur l’ensemble du globe
et pour le GIEC5, le changement climatique revêt tous les changements de climat qui sont attribués
directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère
mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes
comparables. Aussi, le changement climatique, dans la vulgarisation du terme, constitue les
dérèglements du système climatique d’origine anthropique, et dont le principal acteur n’est autre que
le Gaz à effet de serre. En combinant ces deux visions, il pourra être déduit que l’homme, à travers
ses actions, a réussi à modifier/dérégler/influencer la transition climatique qui s’est enclenchée au
début de la période Holocène, il y a environ 10.000 ans B.P.
Analyser de tels phénomènes sur une période aussi courte présente des inconvénients et peut,
certes présenter de faiblesses potentielles dans l’interprétation des phénomènes sur le plan climatique,
5 GIEC : Groupe Intergouvernementale pour l’Etude du Climat
28
mais il a été intéressant de présenter les conséquences des événements climatiques exceptionnels et
extrêmes à la fois en milieu urbain et en milieu rural.
CONCLUSION
Cette recherche sur les changements climatiques, basées sur les trois dernières saisons de
pluies mais aussi liées à des données générales sur les normales des années précédentes, a eu pour
objectif principal de montrer que les changements climatiques, sous forme de sècheresse avec
allongement de la saison sèche et raccourcissement des saisons de pluies, ont été fortement ressentis
pendant les trois dernières saisons de pluies à Madagascar avec les exemples du sillon de la
Manandona et de la ville d’Antananarivo , situés sur les Hautes Terres Centrales. Cette recherche
permet de mieux appréhender les évolutions climatiques et leurs conséquences
hydrogéomorphologiques pour les prochaines années tant en milieu rural qu’en milieu urbain.
Remerciements
Les auteurs remercient les organismes qui ont fourni les données climatiques et
météorologiques : APIPA : Autorité pour la Protection contre les inondations de la Paine
d’Antananarivo, DGM : Direction Générale de la Météorologie
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