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137 INCIDENCES DES EXTRACTIONS DE MATÉRIAUX ALLUVIONNAIRES ET DE L'AMÉNAGEMENT DES COURS D'EAU SUR L'ÉCOSYSTÈME AQUATIQUE SYNTHESE DES RESULTATS OBTENUS DE 1974 A 1978 SUR LA LOIRE, EN HAUTE-LOIRE, L'ALLIER ET LA DORE DANS LE PUY-DE-DOME B. BOUCHAUD (1), P. CLAVEL (2), Y. HAMON (3), C. ROMANEIX (3) AVEC L'AIDE FINANCIERE OU TECHNIQUE du Ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie (Direction de la Protection de la Nature) du Fonds de Gestion de la Taxe Parafiscale sur les Granulats du Conseil Supérieur de la Pêche de l'U.E.R Sciences, Université Clermont II (1) Technicien Supérieur Agricole 'Protection de ia Nature» (2) Docteur 3 e cycle en Biologie Animale (Hydrobiologie) (3) Ingénieurs de l'E.S.I.T.P.A. Article available at http://www.kmae-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/kmae:1979009

INCIDENCES DES EXTRACTIONS DE MATÉRIAUX … · DES COURS D'EAU SUR L'ÉCOSYSTÈME ... Les exploitations de granulats ... Le coefficient d'absorption lumineuse a une valeur moyenne

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INCIDENCES DES EXTRACTIONS

DE MATÉRIAUX ALLUVIONNAIRES

ET DE L'AMÉNAGEMENT

DES COURS D'EAU

SUR L'ÉCOSYSTÈME AQUATIQUE

SYNTHESE DES RESULTATS OBTENUS DE 1974 A 1978 SUR LA LOIRE, EN HAUTE-LOIRE, L'ALLIER

ET LA DORE D A N S LE PUY-DE-DOME

B. B O U C H A U D (1), P. CLAVEL (2), Y. H A M O N (3), C. ROMANEIX (3)

AVEC L'AIDE FINANCIERE OU TECHNIQUE

— du Min is tère de l 'Environnement et du Cadre de Vie

(Direct ion de la Protect ion de la Nature)

— du Fonds de Gest ion de la Taxe Parafiscale sur les Granulats

— du Consei l Supér ieur de la Pêche

— de l'U.E.R Sciences, Univers i té Clermont II

(1) Technicien Supérieur Agricole 'Protection de ia Nature»

(2) Docteur 3e cycle en Biologie Animale (Hydrobiologie)

(3) Ingénieurs de l'E.S.I.T.P.A.

Article available at http://www.kmae-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/kmae:1979009

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SOMMAIRE

C IRCONSTANCES ET OBJET DE L'ETUDE

RESUME

A. LES M O D I F I C A T I O N S D U BIOTOPE

1 - Morphodynamique du lit. 2 - Physico-chimie de l 'eau. 3 - Transmission de l 'énergie lumineuse 4 - Sédimentat ion des matières en suspension.

B. LES M O D I F I C A T I O N S DES BIOCENOSES

1 - Le pér iphyton. 2 - Les macrophytes . 3 - Les macro inver tébrés benthiques. 4 - Les po issons.

C. LES M O Y E N S DE LUTTE CONTRE CE TYPE DE NUISANCES

1 - Aspect ju r id ique. 2 - Mesures techn iques.

a) Les explo i tat ions de granulats. b) Les aménagements de cours d 'eau.

BIBLIOGRAPHIE S O M M A I R E .

RESUME

INCIDENCES DES EXTRACTIONS DES MATERIAUX ALLUVIONNAIRES ET DE L'AMENAGEMENT DES C O U R S D'EAU SUR

L'ECOSYSTEME AQUATIQUE

Les explo i tat ions de granulats (dragages dans le lit mineur, et/ou rejets, mal décantés, d'eau de lavage des sables et graviers extrai ts) et certains travaux hydrau l iques ( rect i f icat ions, recal ibrages), provoquent d ' importantes perturbat ions dans l 'écosystème aquat ique.

Nous avons essayé, entre 1974 et 1978, de les mettre en évidence sur trois cours d 'eau du MASSIF CENTRAL : la LOIRE, l'ALLIER, la DORE.

LES M O D I F I C A T I O N S D U BIOTOPE portent essent ie l lement sur l 'uniformi­sat ion et la déstabi l isat ion du lit, l 'augmentation du taux de matières en suspension et de la turb id i té de l 'eau, la réduct ion de la t ransmission de lumière en profondeur, le « co lmatage » du fond.

LES M O D I F I C A T I O N S DES C O M M U N A U T E S VIVANTES résultant des a l téra t ions précédentes sont : la réduction des densi tés numériques de Diatomées et de Macro inver tébrés benth iques (la diversi té spéci f ique est peu affectée), une réduc t ion de la teneur du Pér iphyton en pigments photosynthét iques, un abaisse­ment de la product ion pr imaire, une réduction de la b iomasse des Macro inver té-

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brés un ralent issement de la colonisat ion du substrat par cette faune, une aug­mentat ion de la mortal i té des œufs et alevins de Trui tes, incubés sous graviers (« colmatage » par les l imons déposés) , un ralent issement des éclosions des œufs de Truites, une réduct ion des ef fect i fs et de la biomasse des populat ions ichtyaires (prédatr ices des Macro inver tébrés) .

LES MOYENS DE LUTTE contre ce type de nuisances résident dans l 'appl i­cat ion de la Législat ion, notamment des nouveaux textes concernant les Carr iè res . La principale mesure technique pouvant suppr imer la pol lut ion mécanique, due aux eff luents de lavage des granulats, consiste à laver les matériaux extrai ts en circui t fermé (recyclage de l'eau).

Il convient également d ' in terd i re les extract ions dans le lit mineur des cours d'eau. Quant aux aménagements hydraul iques, il est indispensable que leur concep­t ion t ienne compte, non seulement de cr i tères hydraul iques, mais aussi des impé­ratifs hydrobiologiques.

S U M M A R Y

ECOLOGICAL INCIDENCES OF DREDGING UP ALLUVIAL MATERIALS AND REGULATION OF STREAMS O N THE AQUATIC ECOSYSTEM.

Granule exploi tat ions (dredging in r ivers, and/or badly decanted sewage f rom sand and gravel washing opérat ions) and some hydraul ic works (s t ra ightening, gauye modif icat ions), profoundly d isturb the aquatic ecosystem.

W e tr ied, f rom 1974 to 1978, to bring into light thèse nuisances in three streams in MASSIF CENTRAL : the LOIRE, ALLIER, DORE r ivers.

BIOTOP MODIF ICATIONS essential ly are : the standardizat ion and the unstabi l izat ion of the bed, an increase in the rate of suspended part ic les and water turb id i ty wi th réduct ion of light t ransmission and bot tom c logg ing.

MODIF ICATIONS OF LIVING COMMUNIT IES , result ing f rom détér iorat ions ment ioned above, are : a réduct ion of Diatoms and benthic invertebrate popula­t ions (species diversity is l i t t le af fected), a réduct ion of photosynthet ic p igments, a decrease in pr imary product ion, a réduct ion of Macro- inver tebrate biomass, a s lackening of substratum's colonizat ion by this fauna, an increase of Trouts 'eggs and fry mortal i ty (spawning-bed warp ing by deposed sl ime), a s lackening of Trouts ' eggs hatching, a réduct ion of numbers and biomass of f ish populat ions (Macro-invertebrate consumers) .

MEANS OF STRUGGLE against thèse nuisances are : the appl icat ion of Législat ion, especial ly of the new laws concern ing Quarr ies. The main technic step to suppress « mecanic pol lut ion », due to the eff luents of washing opérat ions, consists in washing materials extracted in c losed circui t (water recycl ing).

It is a'so necessary to prohibi t dredging in the bed of r ivers. As for hydraul ic works, their prel iminary studies have to take into account, not only hydraul ic cr i ter ions, but also hydrobio log ica l requirements.

CIRCONSTANCES ET OBJET DE L'ETUDE

Le présent travai l a été ef fectué en plusieurs étapes, sur la Loire, l 'Al l ier et la Dore, d'août 1974 à jui l let 1978 (Fig. 1) :

— 140

Fig. 1 : Situation géographique de l'étude.

— A la 6 e Délégat ion Régionale du Consei l Supér ieur de la Pêche, de 1974 à 1976, par P. CLAVEL, Y. H A M O N , C. ROMANEIX.

— Au Laboratoi re de Zoo log ie et de Prot isto logie de l 'Universi té de Clermont II, en 1977-78, par B. B O U C H A U D et P. CLAVEL.

Il concerne les incidences des extract ions de granu'ats d'al luvions et de l 'aménagement des cours d'eau sur l 'écosystème aquatique, et a permis d'établ ir un constat , d 'env isager les textes législatifs et rég'ementaires s'appl iquant à ce t ype d 'explo i tat ions, et de proposer des mesures de lutte contre les nuisances occasionnées.

Les per turbat ions observées et analysées, dues aux extract ions dans le lit mineur et au rejet des eaux de lavage de matériaux, affectent

— le BIOTOPE, dans ses caractér ist iques morphodynamiques, dans la physico­ch imie de l 'eau, la t ransmission de l 'énergie lumineuse et la sédimentat ion.

— 141 —

— Les C O M M U N A U T E S VIVANTES (Biocénoses) const i tuant l 'édif ice t roph ique : producteurs pr imaires (pér iphyton, végétaux supér ieurs) ; consommateurs pr imaires et secondaires (macro inver tébrés benthiques, poissons).

A. LES MODIF ICATIONS DU BIOTOPE.

1 - Morphodynamique du lit.

Les rect i f icat ions et recal ibrages (secteur du pont autorout ier B 71 , sur la Dore et sur l 'All ier) entraînent l'uniformisation et la déstabilisation du milieu (Fig. 2 et 2 bis). _ ï* $Q

Fig. 2 : Profils en long, sur l'Allier, à l'aval de Clermont-Ferrand, dans le secteur témoin et dans le secteur dragué (rectification du cours d'eau).

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Seuil exhaussé

(Les Madeleines)

I Ruisseau Le Jauron

* (rive droite)

Echelle des hauteurs : I cm - 2,5 m

D'après - (C) carte I.G.N. > 1/25 000 feuille Thiers N° 3-4

— 142 —

Fig. 2b : La Rivière DORE dans le secteur étudié (en février 1978).

— 143 —

— Erosion régressive en amont des dragages, se manifestant par une instabi l i té du substrat (stat ions 1 et 6 sur la Dore) ou un exhaussement de seuil (Les Madeleines, le pont de Régemortes, sur l 'All ier).

— Const i tu t ion de plans d'eau faisant off ice de pièges temporai res à sédiments (Pont-Ast ier sur la Dore, aval des Madeleines sur l 'All ier, Coubon sur la Loire) et modif iant le niveau typo log ique théor ique de la r iv ière (« cypr in isa-tion » accélérée).

— Engravement du lit (apport de matériaux entraînés par l 'accélérat ion du cou­rant) à l'aval des zones rect i f iées : aval seuil de la stat ion O, sur la Do re . Phénomènes de divagat ion à l'aval des « plans d'eau », érosions de berges (station 2 sur la Dore).

— Instabil i té des berges dans les secteurs remaniés (station O, Dore ; Secteur rectif ié à l'aval des Madele ines, sur l 'All ier).

— Risques encourus par les nappes phréat iques (abaissement de leur n iveau, perturbat ion de leur écoulement, exposi t ion des aquifères aux pol lut ions d e surface).

2 - Physico-chimie de l'eau.

La plupart des composantes physico-chimiques de l'eau ne sont pas af fectées par les extract ions et les rejets d'eau de lavage. Seuls, les taux de Matières en Suspension (MES) et la turbidité de l'eau sont augmentés à l'aval.

Les eff luents mal décantés ont une charge variant de 400 à 35 000 mg (po ids sec) de MES/l i t re. La charge moyenne de celui de la gravière M I S S O N est de 4 400 mg/l ce qui représente un déversement journal ier dans la DORE, de 28 tonnes de MES.

Le dragage dans le lit mineur remet également en c i rculat ion un tonnage considérable de - f ines ». L 'augmentat ion de la turbidi té et des MES est par t icu­l ièrement importante en pér iode d'ét iage. Elle est encore sensible près de 5 km à l'aval de l 'effluent, sur la Dore.

3 - Transmission de l'énergie lumineuse.

Une turbidi té élevée de l'eau réduit la quanti té de lumière pénétrant en profondeur. (Paral lél isme entre l 'augmentat ion des MES et les d iminut ions de lu­minosité). Les radiat ions bleues sont les plus affectées. A l 'étiage ou pour des débits moyens, cette réduct ion est encore nette 3 km à l'aval du rejet (Fig. 3). Le coefficient d'absorption lumineuse a une valeur moyenne de 2,22 à la s tat ion témoin, de 3,45 une centaine de mètres après le débouché de l 'eff luent, et de 2,84 un ki lomètre et demi à l 'aval.

4 - Sédimentation des M.E.S.

Les MES provenant des dragages ou des rejets d'eau de lavage, outre la turbidi té et la réduct ion de la t ransmission lumineuse qu'el les provoquent , séd imen-tent progressivement vers l 'aval. Ces « fines », composées essent ie l lement d e part icules inférieures à 200 microns, tendent à colmater les interst ices entre les cai l loux et graviers, et les végétaux immergés Leur sédimentat ion sur substrats art i f ic iels en faciès benthique représente un poids 3 fo is plus élevé (500 m à l'aval d'une gravière sur la Loire) qu'à la station témoin amont, et 2 fois 1/2 plus

— 144 —

fig 3 : Pénétration de l'énergie lumineuse

Sortie du 9 juin 1977

lumtâr* v * r t «

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kimi*r« btench«

— 145 —

élevé, 1 200 m à l'aval. Sur la Dore, en faciès lot ique, l 'augmentat ion est p lus faible : poids mult ipl ié par 2, 100 m à l'aval du rejet, par 1,3, 600m à l 'aval.

S. LES MODIF ICATIONS DES BIOCENOSES.

1 - Le périphyton.

— La diversité spécifique des communautés de Diatomées (150 taxons dénombrés) n'est prat iquement pas appauvr ie à l'aval de la gravière M I S S O N . Seu'es, les densités numériques sont rédui tes, part icul ièrement durant l 'étiage, où nous enregistrons des diminut ions (par rapport à la station témoin) allant de 54 à 94 %, 3 km à l'aval du rejet.

Les divers indices biot iques calculés ne permettent pas de caractér iser la pol lut ion mécanique au niveau de ces populat ions algales.

— La mesure des concentrations de pigments photosynthétiques const i tue, par contre, un autre moyen d'évaluer l ' impact des MES et de la turbid i té sur le pér iphyton (Fig. 4).

Les teneurs en chlorophyl le a (pigment le plus abondant, et absorbant dans le b'eu) sont encore réduites de 49 à 9 0 % , 2 600 m à l'aval de l 'effluent, en pé ­r iode de débits élevés. A l 'étiage, les quant i tés de pigments sont les plus for tes ; la diminut ion de la chlorophyl le a, par rapport au témoin amont, atteint 56 à 74 % , 2 600 m à l'aval. Il en va de même pour les teneurs en caroténoïdes.

— Les valeurs extrêmes de la production primaire du pér iphyton son t proport ionnel les aux concentrat ions de p igments correspondantes. Le minimum est obtenu 100 m à l'aval du rejet. Pendant les basses eaux de l 'automne 1977, la réduct ion de l 'assimilai ion photosynthét ique est encore observée près de 3 km à l'aval (diminut ion par rapport au témoin, de 7 5 % sous la surface de l'eau, de 27 % à 40 cm de profondeur).

2 - Les macrophytes.

La product 'on pr imaire des Renoncules et Cal l i t r iches est re lat ivement fa ; bie sur l 'ensemb'e du secteur étudié. Les incidences négatives de la réduct ion de luminosité sur leur assimi lat ion chlorophyl l ienne ont été relevées lors de deux expér imentat ions, 100 m en aval de l 'eff luent, pour les Cal l i t r iches, jusqu'à 600 m aval, pour les Renoncules. Des expér iences complémentaires seraient nécessai res pour préciser l 'ampleur de ces per turbat ions sur les Végétaux Supér ieurs.

3 - Les macroinvertébrés benthiques.

Les résultats obtenus sur la Loire et l 'All ier, en 1974, 75 et 76, montrent que les effectifs de ces communautés sont réduits en moyenne de 20 à 60 % sur une distance de 1 300 m à l'aval de la gravière, en faciès lot ique ; de 27 à 61 % sur la même distance, en faciès lentique.

La diminution des biomasses est par t icu l ièrement nette sur 1 300 m, pendant 'a période de product ion maximale (avri l sur la Loire) :

— 78 à — 81 % en lotique (90 % de la surface en eau), soit 121 kg/ha, 1 300 m a l'aval de l 'exploitat ion contre 658 kg/ha, dans le secteur témoin (Fig 5).

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CONCENTRATIONS EN CHLOROPHYLLE

G: Gravière

05/10/77

20/10/77

27/10/77 •09/11/77

S t a t i o n s

Fig. 4 : Variations des teneurs en chlorophylle a et caroténoïdes lors de quatre prélèvements (28 jours d'immersion des substrats artificiels).

CONCENTRATIONS F.N CAROTF.NOIDKS

S t a t i o n s

— 147

faciès lotique ( 80% de la surface des stations)

amont 1200 m aval # tmmm « * • • ! • « • fcM*

C h i r o n o m i n a e

H y d r o p s y c h e e p . l

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D e n s i t é n u m é r i q u e ( n o m b r e d ' i n v e r t é b r é s / m 2 )

B i o m a s s e ( p o i d s d ' i n v e r t é b r é s , e n m g / m 2 )

Fig. 5 : Densités et biomasses d'invertébrés benthiques, à l'amont et à l'aval

(1200 m) d'une gravière, sur la Loire en avril 1976.

— 148 —

Cet appauvr issement des communautés affecte prat iquement tous les groupes faunist iques, pr incipalement les Diptères, Tr ichoptères, Coléoptères et Hydracar iens.

Le colmatage du substrat par les « fines » provoque un ralentissement de sa colonisat ion par les macro- invertébrés (expérimentat ion sur substrats art i f i ­c iels)

Un deuxième phénomène semble mis en évidence sur la DORE, en 1977 : l ' instabi l i té du lit à l 'amont d'une zone draguée (surdimensionnée), entraine une réduct ion des effect i fs et des biomasses de macroinvertébrés.

La méthode des Indices Biotiques, quant à elle, ne permet pas de déceler une pol lut ion mécanique.

4 - Les poissons.

— L'étude du régime alimentaire des Barbeaux (Barbus barbus L.) et Van-doises (Leuciscus leuciscus L.), en amont et 800 m en aval d'une gravière, sur la LOIRE, nous a montré que les groupes DIPTERES + TRICHOPTERES + EPHE­MERES (représentant plus de 85 % de la biomasse tota'e du secteur de rivière) const i tuaient 99 % du contenu du tube digest i f de ces poissons (Fig. 5b), Or, D ip­tères et Tr ichoptères voient leurs biomasses part icul ièrement réduites o l'aval de l 'exploi tat ion (Cf. plus haut).

— L'expérimentation réalisée sur l'incubation d'œufs de Truites (Salmo trutta fario L.) en amont, 150 et 750 m aval d'un efMuent de gravière sur l 'Allier, nous a également révélé que le colmatage du lit par les « f ines » déversées, pro­voquai t sur les f rayères de Salmonidés des taux de mortalité très élevés (de 99 et 40 % pour les œufs ; de 76 et 23 % pour les alevins). Par ail leurs, le dépôt des MES entraine un ralent issement des éclosions (Fig. 6).

— Un inventaire pisciaire (pêches électr iques) effectué sur la Loire (mêmes secteurs que ceux de l 'étude alimentaire), nous a indiqué une diminution de 2 8 % des effectifs et de 17 % des biomasses à l'aval de la gravière (par rapport à la sect ion témoin).

L'ensemble des espèces est affecté, notamment les Ab'et tes (— S9 % ) , les Vando ises (— 93 % ) , les Vairons (— 6 8 % ) et les Goujons (— 48 % ) , à l 'exception des Barbeaux ( + 124 % ) et des Chevesnes ( + 31 % ) qui « prof i tent » de la réduc­t ion des populat ions des autres espèces. La structure de la communauté est modi f iée : 3 espèces const i tuant 83 % de l'effectif aval contre 5 espèces à l 'amont. (Fig. 7).

Cet te per turbat ion d'un peuplement ichtyaire (dernier niveau de l 'éd'f ice t rophique) peut s 'expl iquer :

— par les réduct ions des communautés vivantes des divers niveaux inférieurs : p roducteurs pr imaires (a'gues) et consommateurs primaires et secondaires (macro inver tébrés benthiques) ;

— par l 'action d i recte des « f ines » colmatant les frayères ;

— oar les modi f icat ions morphodynamiques du cours d'eau résultant des dra­gages : uni formisat ion et déstabi l isat ion du lit impliquant la suppression des abris et de la végétat ion f ixée (support pour les oeufs de certaines espèces, et

habitat de macro inver tébrés) , la rupture de l 'alternance pools (zones de re­pos) et courants (zones d'al imentation), et, la const i tut ion d'obstacles aux migrat ions (exhaussements de seuils) (Fig. 8).

— 149 —

AMONT B A R B E A U X

S e p t e m b r e 1 9 7 5

AVAL

A M O N T

B A R B E A U X

A V R I L 1 9 7 6 AVAL

AMONT

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I f f p lAcanthocéphales

i a 0 5 iDivers

Fig. 5b : Composition moyenne des contenus stomacaux de poissons capturés

à l'amont et 800 m à l'aval d'une gravière, sur la Loire, à Coubon (43)

150

courant rapide 0.8 m/s arjaûux.

150m aval

750m aval

courant moyen O j Z r n / s

Effluent

iraviere

150m aval

750 m aval

OOEUPS VIVANTS

• oEUPS MORTS

ALEVINS VIVANTS

^éL ALEVINS MORTS

Fig. 6 : Influence du colmatage des graviers par les MES sur le développement des œufs et alevins de truites, après 20 jours d'exposition, le 1 e r mars 1976 (Rivière ALLIER, près d'ISSOIRE).

— 151 —

DENSITÉ NUMÉRIQUE

BIOMASSE

Fig. 7 : Peuplement ichtyaire estimé à l'amont et à l'aval d'une gravière sur la Loire (septembre 1975).

Cïieve e s e a Vàndôleea

Truitea

V a i r o n s Barbeaux Perohea

Loch»»

amont 2865 ind / ha

aval 2064 i n d / k a

amont 187 Kg/ha

aval 155 Kg/ka

Vairon»

Loctaa

Perchea

Perche»

Loche»

— 152

CHAVTIERS u ' FXTRACTin**'

Rejet <ies eaux

de Ravage

de matériaux

MATIERES

EN

SUSPENSION

Co Lœ«cage

d«s frayé tes

Réduction de la

pénét rat ion 1 uni neus<

Colmatage des

herbiers

destruction des

oeufs et alevins

Produc t ion primaire réduite

Dragages dans

le lit mineur

Aménagements

Cours d'eau

MODIFICATIONS

MORPHOLOT.IOUFS

DU LI7

Colmatage des

micro-habitants

Destruct ion localisée du biocone

Dérive du Benthas

activée

Colonisât Lon raient ie

COMMUNAUTES ALOALES

APPAUVRIES

COWUKAUTES DF

MACRO- T NVERTFBRF S

SFNTHIOUES APPAUVRIES

REPRODUCTION

PERTURBEE

N0URRIT1 rRE

DISPONIBLE

REDUITE

Perturbation des

nappes phréatiques

Exhaussement

de

seui ! s

Uniformisation

et

déstabilisation

du milieu

KABTTAT MIGRATIONS

PERTURBEES

PFUPLEÏT."TS ICHTVAIRF.S APPAUVRIS

RAREFACTION DF CERTAINES

FSPFCFS (Salmonidés notaranwnt)

Fig. 8 : Schéma de l'impact des chantiers d'extraction sur l'écosystème aquatique.

Turbidi cé

— 153 —

C. LES M O Y E N S DE LUTTE CONTRE CE TYPE DE NUISANCES.

1 - Aspect juridique et Taxations.

— Les textes législatifs en vigueur, et la nouvel le réglementat ion s 'appl i -quant aux gravières (Loi sur la Protect ion de la Nature et décret sur les études d ' impact ; Loi sur les instal lat ions c lassées ; Réforme du Code Minier) , ren forcent le pouvoi r et les responsabi l i tés du Préfet et des administrat ions concernées (DDA, DDE, Service de l ' Industrie et des Mines). Ils prescr ivent la pr ise en compte de l 'environnement dans tout projet ou réal isat ion suscept ib les de lui por ter at­te inte, et les mesures dest inées à évi ter ou à réduire ces per turbat ions.

L'arsenal jur id ique parait donc suff isant. La protect ion du mil ieu aquat ique dépend de son appl icat ion.

Au plan départemental , nous demandons que dans les Ar rê tés préfectoraux, les mesures à prendre pour l imiter ou suppr imer les pol lut ions mécaniques, so ient expl ic i tement indiquées aux exploi tants. Il nous parait, dans ce sens, ind ispensable que les extract ions dans le lit mineur d'un cours d 'eau, ne soient plus autor isées.

Un facteur ambigu est aussi const i tué par le fait que les Di rect ions Dépar­tementales de l 'Equipement interviennent, à la fo is dans les autor isat ions d 'ouver­ture des exploi tat ions et leur cont rô le , et comme client, d i rect ou indirect, de ces entrepr ises qui leur fourn issent les matér iaux de viabi l i té.

— La taxation des Agences Financières de Bassin concerne les pré lève­ments d'eau et les rejets. Cet te « imposi t ion » semble dissuasive sur ce dern ier point, mais toutes les explo i tat ions ne sont pas recensées et les contrô les du bon fonct ionnement des bassins de décantat ion sont rares.

Par contre, il n 'existe pas de taxat ion de l 'opération de dragage dans le lit mineur, alors que ce type d 'ext ract ion est très préjudic iable au mil ieu aquat ique, comme nous l 'avons montré.

2 - Mesures techniques.

a) Les exploitations -de granulats.

— En nous appuyant sur l 'étude du C.E.T.E de Lyon* , nous demandons la général isat ion du lavage des matériaux en circuit fermé comme solut ion « par­fai te » au problème des rejets d'eau mal décantée. Ce système réduit , en out re , considérablement les taxat ions des explo i tants par l 'Agence de Bassin.

— Une quest ion reste posée : le devenir des boues ret i rées des bassins de décantat ion. Une étude appro fond ie dans ce domaine semble nécessai re. Par­fois recyclées part ie l lement ( récupérat ion de sable), ut i l isées en agr icul ture ou mises à la décharge publ ique, el les servent aussi à combler d 'anciennes excava­t ions du lit majeur...

— Ceci nous amène à évoquer br ièvement le réaménagement des carrières. Ne serait- i l pas possib le de l imiter, dans certains cas, la profondeur des ext ract ions sur les terrasses al luviales, de façon à ne pas atteindre le niveau de la nappe phréat ique (réduisant ainsi les per turbat ions de l 'aquifère), et à susci ter une re ­mise en état à des f ins agr icoles.

' Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement, Laboratoire Régional de Clermont-Ferrand.

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Les aménagements en étangs de pêche ou en bases de loisirs, bien qu'étant souhai tables, sont, dans certaines régions, les seuis exemples de réal isations.

Il conviendrai t également de promouvoir la créat ion de réserves ormtho-logiques, pour les Limicoles notamment, dans des ballastières de grande superf ic ie, par t ie l lement noyées (bords de Dore et d'All ier...).

— Des recherches sont aussi à ent reprendre dans l'utilisation do matériaux de substitution là où les granulats d'al luvions ne sont pas indispensables. Pour les rembla is de routes (ou d'autres travaux), les résidus d' incinérat ion des ordures ménagères, matériaux de démol i t ion du bâtiment et des travaux publics, déchets ménagers divers (verre, plast ique), schistes houil ler, stéri les de mines et laitiers de hauts-fournaux, peuvent t rouver là un bon exutoire.

— Les alluvions constituant un réservoir et un « massif filtrant » pour les eaux dest inées à la consommat ion humaine, il est essentiel que cet object i f soit maintenu premier dans le cadre d'une gest ion des réserves alluviales. L'article 109-1 du Code Minier et les créat ions de ZERC (Zones d'exploitat ion et de réamé­nagement coordonnés) , prévues dans le futur décret d 'appl icat ion, spéci f ique aux carr ières, sont appelés à jouer un rôle pr imordia l dans ce domaine.

b) Les aménagements de cours d'eau.

De tel les réal isat ions — lorsqu'el les apparaissent nécessaires pour pré­server zones urbaines, agr icoles, routes, ouvrages d'art, e t c . . menacés par les inondat ions, doivent être conçues non seulement selon des critères hydrauliques, mais prendre aussi en compte les impératifs hydrobiologiques.

Du respect de ces deux condit ions, au niveau de l 'ensemble d'un bassin hydrographique, dépendent une gestion eff icace et posit ive, et une protect ion des cours d'eau, compat ib le avec les divers intérêts en présence :

—• al imentat ion en eau potable et protection des nappes aquifères ;

— protect ion des habitats et des terres agricoles contre les inondations ;

— protect ion des ouvrages d'art ;

— tour isme et loisirs liés à l'eau (pêche, baignade , e t c . ) ;

—• extract ion de matériaux.

Divers exemples ont montré que les opérat ions de rect i f icat ion et de recali­brage, ef fectuées pour évacuer les crues, rapidement et sans débordements (et fourn issant , en même temps, des matériaux prélavés pour les Travaux Publics), se révèlent nuisibles non seulement pour l 'écosystème aquatique, mais aussi à plus ou moins long terme, pour les zones « aménagées » el les-mêmes (engravement progress i f du lit provoquant de nouvelles divagat ions du cours d'eau et nécessitant donc de nouveaux dragages) et pour les zones aval ( for tement urbanisées) qui re­çoivent, de ce fait, des crues plus violentes.

Un cours d'eau ne saurait constituer, en aucun cas, une réserve de maté­riaux à extraire, ou un canal uni forme assurant la circulat ion rapide d'un élément mobi le, l'eau. Il s 'agi t d 'un mil ieu vivant, d iversi f ié, en équi l ibre dynamique ; carac­tères dont protect ion et gest ion doivent tenir compte, dans le cadre d'une po­l i t ique cohérente de Bassin, en concertat ion avec les dif férents uti l isateurs : consommateurs d'eau, que nous sommes tous, pour l 'alimentation et les loisirs, aménageurs, industr ie ls et exploi tants de granulats, agr icul teurs et pêcheurs.

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