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Innovateurs du quotidien Une mise en valeur de pratiques innovantes en matière d’organisation du travail dans le secteur culturel en Europe Une publication de l’ IETM Recherche menée par La Belle Ouvrage

Innovateurs du quotidien

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Une mise en valeur de pratiques innovantes en matière d’organisation du travail dans le secteur culturel en Europe

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Innovateurs du quotidien

Une mise en valeur de pratiques innovantes en matière d’organisation du travail dans le secteur culturel en Europe

Une publication de l’IETM

Recherche menée par La Belle Ouvrage

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Introduction par l’IETM

Nous sommes convaincus que le secteur des arts du spectacle contempo-rains est un secteur créatif, alimenté par l’imagination et l’innovation tant des artistes que des personnes qui les soutiennent de différentes manières, allant de l’administration à la logistique. Nous sommes convaincus que cet environ-nement créatif engendre des penseurs créatifs tant parmi les artistes que ceux qui les soutiennent. Nous souhaitons découvrir comment tous influencent au fond notre manière de voir le monde et nos actions.

En 2010, l’IETM a conçu un nouveau plan sur trois ans pour la période 2011-2013. Ce plan s’était inspiré des contributions de la part des membres IETM, de leurs commentaires et rapports lors des réunions IETM, des réflexions qu’ils ont partagées avec le Conseil d’administration de l’IETM, et résultant de certains exercices sur les « visions de l’avenir ».

Sur la base de tous ces apports, nous avons décidé d’axer le plan sur la durabilité et l’évolution actuelle et potentielle de 3 domaines différents : l’art (les artistes et leurs visions), les organisations artistiques (les ressources humaines et économiques) et le réseau même (l’observer de l’intérieur afin d’orienter l’évolution de nos pratiques).

Cependant, nous voulions que l’IETM observe les choses d’une manière inhabi-tuelle, les approche sous divers angles. Nous espérions que le fait de changer notre propre perspective, devenue si familière que nous la tenons parfois pour acquise, nous permette de développer une nouvelle argumentation autour de notre travail qui ne relève ni de l’exploitation, ni de l’instrumentalisation des arts.

Notre thèse de départ était la suivante : nous savons que les arts ont quelque chose de spécial à offrir à la société, et ce sont les qualités uniques des arts qui produisent cette magie. Dans le secteur, on répète que les arts jettent une nouvelle lumière sur la manière dont nous appréhendons notre existence. Pour illustrer ces propos, il nous faut des cas concrets.

Introduction

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Nous nous sommes engagés à examiner un vaste panel de questions, et à utiliser des études de cas (des « récits ») réels fournis par nos membres et col-lègues, pour illustrer les perspectives neuves que les artistes et notre secteur apportent aux questions quotidiennes qui constituent les sociétés locales et mondiales aujourd’hui. Nous voulions également considérer d’un nouvel œil nos pratiques de gestion dans le secteur.

C’est la raison pour laquelle l’IETM a planifié une série de publications visant à prouver ces convictions, adoptant un autre regard et examinant nos pratiques artistiques à travers les opinions d’experts dans les domaines social, poli-tique et économique plutôt qu’à travers les arts, comme nous avons l’habitude de faire. Certaines observations seront thématiques, regroupées sous notre série intitulée « Nouvelles perspectives » ; d’autres, comme celles-ci, seront des études uniques.

Il est logique de commencer par le « travail », d’autant plus étant donné les discours dominants qui placent le bénéfice financier (ou plutôt l’« austérité ») au-dessus du bien-être des employés. Lorsque l’argent se fait rare, la créati-vité de notre secteur ne peut-elle faire preuve de bonnes pratiques de travail liant efficacité et solidarité ? Comment les valeurs des arts, telles que la curio-sité intellectuelle, l’esprit d’équipe et la générosité, mentionnées à maintes reprises, peuvent-elles se traduire sur le lieu de travail ? Nos projets artis-tiques visent à pousser le public à réfléchir à la vie ; nos pratiques profession-nelles font-elles de même pour les personnes avec qui nous travaillons tous les jours ? Comment les générations ancienne et nouvelle échangent-elles leur savoir, tout en protégeant leurs valeurs respectives ?

Parallèlement à cette étude, les mêmes questions ont été posées au Secrétariat de l’IETM en tant que catalyseur de changement positif de nos propres pra-tiques au travail. Comment améliorer le service que nous prodiguons à nos membres et comment faire face, au sein du Secrétariat, aux mêmes problèmes auxquels nos membres sont également confrontés.

Nous sommes très heureux d’avoir entrepris cette collaboration étroite avec La Belle Ouvrage, partenaire du réseau de longue date dont la raison d’être est justement le travail, car La Belle Ouvrage puise ses connaissances dans son propre dévouement et dans son soutien au secteur.

Cette publication, rédigée par et pour nos membres, ainsi que les publica-tions et actions de l’IETM, est un hommage à leur savoir-faire, ainsi qu’une source d’inspiration pour la réflexion collective et personnelle.

Mary Ann DeVlieg Secrétaire générale, IETM

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Introduction par La Belle Ouvrage

La Belle Ouvrage est un espace au service des professionnels du secteur artistique et culturel dédié à la relation au travail. En 2006, à partir d’observa-tions du secteur culturel et d’échanges avec de nombreux professionnels, il nous a semblé nécessaire de créer ce lieu singulier à la fois neutre, bienveillant et sans complaisance, qui permette aux professionnels du secteur culturel d’analyser, de remettre en question et de perfectionner leur relation au travail. Nous souhaitons favoriser les échanges et la circulation des savoirs et des compétences au sein du secteur. Basés à Paris, nous travaillons d’abord avec les professionnels français, mais notre regard se déploie en Europe, à travers des actions de formation pour des professionnels européens, la participation à des projets tels que Space ou DanSCe Dialogues, et notre implication au sein du réseau IETM.

Au fil de nos différentes actions, nous choisissons de porter notre regard à l’endroit des pratiques professionnelles pour appréhender les situations de travail des professionnels du secteur dans leur complexité. Loin des modes d’emploi formatés, elles nous montrent comment chaque professionnel vit sin-gulièrement son travail, en lien avec son contexte et ses aspirations. Histoires à chaque fois spécifiques, et aussi socle pour apprendre les uns des autres, les pratiques professionnelles sont au centre de nos dispositifs.

A travers cette publication, nous avons à cœur de pouvoir rendre compte d’initiatives européennes en matière d’organisation du travail et de contribuer à rendre lisibles les actions de ces professionnels, qui sont l’une des expres-sions de la vitalité de notre secteur et de sa contribution à la société.

Qu’un réseau professionnel comme l’IETM se saisisse de ces questions, sou-vent considérés comme internes, nous paraît en soi une initiative innovante.

Albane Guinet-AhrensCo-directrice, La Belle Ouvrage

A propos des pratiques innovantes

Nous avons choisi la notion d’innovation qui est rarement associé au domaine de la gestion des « Ressources Humaines », selon le terme répandu. Pourquoi ce choix ? La notion d’innovation permet de réfléchir à des pratiques qui intro-duisent des nouveautés pour mieux répondre à des questions posées par l’observation du fonctionnement d’un groupe humain, en l’occurrence une

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équipe. Les porteurs de ces pratiques ne cherchent pas directement à inno-ver, ils veulent avant tout transformer leur environnement pour mieux répondre à certaines préoccupations, valeurs, questions qu’ils se posent. Le socio-logue français Norbert Alter a beaucoup décrit ces innovateurs qui dans un premier temps transgressent certaines règles établies pour mieux les trans-former ensuite. Selon lui,

« L’innovation est toujours une histoire, celle d’un processus. Il permet de transformer une découverte, qu’elle concerne une technique, un produit ou une conception des rapports sociaux, en de nouvelles pratiques. Les inno-vateurs ne sont pas toujours des entrepreneurs ou des chercheurs mais disposent toujours d’une capacité à transformer l’ordre des choses. »

Ce sont ces histoires, ces récits que le présent document s’efforce de retracer.

Des témoignages de l’intérieur

Nous avons recueilli les témoignages de treize de ces « innovateurs du quo-tidien », qui agissent dans des pays et des environnements très variés : com-pagnie, centre d’art, réseau, festival, agence publique, prestataire, lieu de diffusion dans neuf pays d’Europe. Ce document traverse ainsi la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Pologne, la France, la République Tchèque, l’Alle-magne, le Royaume Uni et l’Autriche.

Ces professionnels ont accepté de livrer une parole sur ce qui est à l’œuvre au sein de leur équipe, sur leurs aspirations, leurs motivations, leurs actions concrètes, mais aussi sur leurs insatisfactions, leurs difficultés et leurs doutes. Cette parole qui est pourtant au cœur des projets culturels défendus dans nos organisations, reste souvent dans l’ombre. Qu’elles soient remerciées de leur témoignage.

Organisation de chaque récit

Comme nous le montre Norbert Alter, l’innovation part toujours d’un contexte, d’une observation in-situ, d’une histoire. Mais elle trouve aussi sa source dans les questions, les aspirations, les motivations de ses initiateurs. C’est donc en fonction de cet environnement et du point de vue de l’innovateur que l’innova-tion peut être comprise et sa pertinence évaluée.

C’est pourquoi au sein de chaque récit la part belle est faite à la présentation des sources et du contexte de chacune des initiatives. Dans un deuxième

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temps, nous nous attachons à une description précise de chaque pratique, qui souligne son ancrage dans le quotidien des équipes. Puis nous cherchons à décrire les effets de chaque pratique en examinant les différentes parties prenantes de l’initiative, salariés, organisation, artistes, partenaires, etc. avant d’explorer les conditions qui ont permis à cette initiative de se déployer. Insister sur ces conditions, c’est souvent comprendre la manière dont les innovateurs s’y sont pris pour assurer le succès de leur initiative, et mesurer à quel point leur réflexion est ancrée dans le concret, dans le travail quotidien. C’est aussi fournir au lecteur qui aurait envie de s’en inspirer des conseils pratiques sur les conditions à réunir ou à construire pour à son tour innover.

Promouvoir l’expérimentation

A travers ces récits réunis aujourd’hui, nous souhaitons contribuer à donner envie aux acteurs du secteur culturel de s’emparer de la vaste question du travail, et plus particulièrement du travail ensemble, pour en faire un terrain d’expérimentation où ils puissent traduire les valeurs qui sont au cœur de leur action quotidienne dans les projets artistiques et culturels dont ils ont la charge.

Contributions des membres de l’IETM

En mars 2012, un appel à contributions est lancé auprès des membres de l’IETM sur la mise en valeur de pratiques innovantes en matière d’organi-sation du travail au sein du secteur culturel. Cet appel est relayé lors de la réunion plénière de Copenhague fin mars 2012, ainsi que par certains membres qui nous ont aidé dans ce travail de repérage. 40 réponses ont été reçues par le bureau de l’IETM qui ont ensuite été recueillies, rassemblées et organisées par l’équipe du Secrétariat du réseau. La liste complète peut être consultée à la fin de ce document. A partir de ce panorama, l’IETM et La Belle Ouvrage ont sélectionné une dizaine de propositions qui ont fait l’objet d’entretiens menés par La Belle Ouvrage. Ce sont ces entretiens qui font la matière du présent document. Nous avons fait le choix de rester au plus près de la parole des personnes qui ont pris ces initiatives dans leur organisation.

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Comment circuler dans le document

Six thématiques différentes ont émergé des entretiens : Voir ailleursApprendre avec ses pairsFaire circuler la parole et les idées dans les équipesTransformer son organisation dans un monde en mouvement Enrichir son équipe par une plus grande diversitéS’unir pour agir ensemble

Les entretiens ont été rattachées chacun à une thématique principale, mais proposent aussi des éclairages sur d’autres thématiques. Pour donner à voir ces liens, une cartographie est proposée ci-dessous. Un sommaire permet par ailleurs de suivre le fil plus linéaire du document.

Voir ailleurs Apprendre avec ses pairs

Faire circuler la parole et les idées dans les équipes

Transformer son organisation dans un monde en mouvement

Enrichir son équipe par une plus grande diversitéS’unir pour agir ensemble

Lise Sogaard SorensenAgence danoise pour la Culture

Luis Miguel PradaEuropean Network of Cultural Centres

Ulla MäkinenBarcelona International Dance Exchange

Grzegorz ReskeCentre culturel de Lublin

Sarah de Heusch and Alain GarlanSMart

Isabelle MérandLes Gesticulteurs

Monika KlengelTheater Im Bahnhof

Maarten BresseleersSociaal Fonds voor de Podiumkunsten

Judith KnightArtsadmin

Yvona KreuzmannovàTanec Praha

Luc DewaeleVooruit

Devinda De SilvaNational Theatre Wales

Sibylle ArletCulture O Centre

Prêts pour la visite ?

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Aller voir ailleurs 10Lise Sogaard Sorensen, Partenaire responsable des RH Agence danoise pour la Culture, Copenhague, Danemark

Un programme d’échange de personnels entre partenaires pour mieux travailler ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Luis Miguel Prada, Coordinateur de projet Réseau européen des centres culturels (ENCC, European Network of Cultural Centres), Berlin, Allemagne

Un programme d’échange de personnels au sein d’un réseau pour favoriser la coopération entre les membres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Apprendre avec ses pairs 17Ulla Mäkinen, Co-directriceBIDE, Barcelona International Dance Exchange, Barcelone, Espagne

Une plateforme d’échanges entre danseurs pour se former et se rencontrer autrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Maarten Bresseleers, Coordinateur Sociaal Fonds voor de Podiumkunsten, Bruxelles, Belgique

Un « learning network », réseau d’apprentissage pour développer ses compétences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Faire circuler la parole et les idées dans les équipes 25 Judith Knight, Directrice Artsadmin, Londres, Royaume-Uni

Partager un déjeuner chaque semaine pour rester en lien avec toutes les activités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Yvona Kreuzmannovà, Présidente Tanec Praha, Théâtre Ponec, Prague, République tchèque

Un séminaire d’équipe en dehors du bureau pour créer un espace pour de nouvelles idées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Sibylle Arlet, Directrice déléguée à la production - Secrétaire Générale Culture O Centre, Orléans, France

Des trinômes d’action sur le territoire pour une meilleure qualité du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Sommaire

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Transformer son organisation dans un monde en mouvement 37

Luc Dewaele, Responsable de la gestion artistique et la communication Vooruit Arts Centre, Gand, Belgique

Réinventer la manière de programmer dans un centre d’art pour partager davantage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

Devinda De Silva, Responsable des collaborations National Theatre Wales, Cardiff, Pays de Galles, Royaume-Uni

Des relations privilégiées à un groupe de citoyens & un faisceau de réunions pour inventer des projets différents à chaque fois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Grzegorz Reske, Responsable du département théâtre Centre culturel de Lublin, Lublin, Pologne

Une relation privilégiée entre des artistes et l’équipe d’un théâtre pour transformer le travail quotidien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Enrichir son équipe par la diversité 50Maarten Bresseleers, Coordinateur Sociaal Fonds voor de Podiumkunsten, Bruxelles, Belgique

Une base de données des opportunités d’emploi pour élargir les recrutements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

S’unir pour agir 53Sarah de Heusch et Alain Garlan, Chargés du développement international SMart, Bruxelles, Belgique

Un fonds de garantie pour protéger ses membres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

Isabelle Mérand, Coordinatrice Les Gesticulteurs, Pays de Redon, France

Une structure créée à plusieurs pour devenir employeurs ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Monika Klengel, Actrice et Directrice générale Theater Im Bahnhof, Graz, Autriche

Un salaire fixe au sein d’une compagnie pour travailler avec plus de sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

Conclusion 64Pour en savoir plus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69Crédits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

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Dans cette partie, nous trouvons des pratiques d’échanges de personnels initiées dans des types des structures différentes.

Lise Sogaard Sorensen nous parle des échanges mis en place entre une agence publique et sa tutelle, le ministère de la Culture au Danemark, tandis que Luis Miguel Prada témoigne du programme d’échanges de personnels inventé au sein d’un réseau européen. Au programme : découvertes, effets miroirs,

et déplacements du « point de vue ».

Voir ailleurs

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« En 2009, le ministère danois de la Culture a lancé un projet de coopéra-tion avec et entre ses différentes agences. Les directions de ces agences souhaitaient que les équipes de leurs organisations collaborent davantage.

Nous travaillons tous pour le Ministère, nous écrivons des discours, répon-dons aux questions qui nous parviennent du Parlement, rédigeons des rap-ports, mais, en effet, il y avait un manque de communication, des choses qui étaient faites deux fois, un manque de procédure dans la coordination du travail. Les directions ont voulu établir une communication claire sur la manière de coopérer, en termes de « qui fait quoi ». L’idée générale était de mieux servir le Ministère, d’apprendre mutuellement de chacun.

Le 1er janvier 2012, trois agences différentes ont fusionné : l’agence des Bibliothèques, l’agence du Patrimoine et l’agence danoise pour les Arts. Cette fusion a donné naissance à une nouvelle agence appelée l’Agence danoise pour la Culture. Nous nous trouvons dans un contexte qui connaît beaucoup de changements pour tout le monde ! Nous sommes aujourd’hui une grande agence qui emploie 270 personnes travaillant étroitement avec le ministère de la Culture ».

« En 2009, dans le contexte de mesures de coopération, nous avons introduit ce programme d’échange d’employés entre le Ministère et ses agences. L’idée était de proposer aux équipes d’une agence de passer un certain temps dans les locaux d’une autre afin d’apprendre la culture d’entreprise de celle-ci, d’établir une meilleure connection entre chaque institution et d’offrir une large perspective sur les réalisations de chacune. Il ne s’agissait pas uniquement d’un moyen pour les employés d’en savoir plus sur l’autre agence, mais surtout pour chacune de ces agences d’en apprendre plus l’une de l’autre.

Il y a eu 6 échanges de 3 mois qui impliquaient 12 personnes. Les premiers échanges se sont déroulés il y a deux ans. Les candidats durent écrire une demande en expliquant les raisons pour lesquelles ils souhaitaient partici-per au programme d’échange, et ce qu’ils espèraient en retirer.

Une volonté de la direc-tion

Un manque de coordina-tion entre le Ministère et ses agences

Un projet qui a précédé une fusion entre agences

Un échange de person-nels

Un protocole de candida-ture

Un programme d’échange de

personnels entre partenaires,

pour mieux travailler ensemble

Lise Sogaard Sorensen, partenaire responsable des ressources humaines

Agence danoise pour la Culture, Copenhague, Danemark

Aux sources de cette initiative

Récit d’une pratique innovante

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Le mou-vement de trois salariés pour chaque échange

Une identité mieux parta-gée

La compré-hension du tempo de la sphère politique

Des béné-fices pour chaque personne mais aussi pour l’orga-nisation

Convaincre les mana-gers

Le premier échange s’est réalisé entre un employé travaillant à l’agence des Arts dans le secteur de la musique et un employé du Ministère. Celui de l’Agence voulait comprendre par lui-même comment les personnes tra-vaillent dans l’environnement du Ministre lui-même, et l’employé du Ministère souhaitait voir comment l’Agence travaillait avec les artistes dans le secteur littéraire. Ce premier échange a donc mené à un échange interne au sein de l’Agence, car une personne du secteur littéraire a pris le poste vacant dans le secteur de la musique de celui qui a participé au programme. Ces ajustements internes sont habituels, car il est très difficile de trouver des personnes qui puissent directement s’échanger leur poste. Le changement se fait généralement en triangle ».

« L’on pourrait croire que le Ministère et ses agences sont des partenaires étroitement liés, et que leur travail est similaire, mais voir les choses de l’intérieur permet aux personnes de comprendre les écarts et les différents points de vue de ces institutions. Ce programme octroie aux personnes qui travaillent dans les deux institutions un sentiment d’identité commune.

Par exemple, l’entourage du ministre a toujours un emploi du temps très chargé, et les choses vont très vite. Parfois, lorsque vous travaillez dans l’Agence, vous ne comprenez pas pourquoi l’équipe du ministre est sou-dainement très occupée par un sujet. À l’Agence, nous travaillons généra-lement sur des perspectives à long terme.

Ce programme a rapproché les institutions. Il est significatif pour les employés. Les personnes ayant participé au programme (12 jusqu’à main-tenant) notent à la fois le bénéfice qu’ils en retirent eux-mêmes – en terme de formation, de changement dans leur quotidien – mais que retire aussi l’institution : les personnes de l’Agence disent par exemple beaucoup mieux comprendre les demandes qui leur sont faites par l’entourage du ministre et que les contacts personnels établis au cours du programme sont des res-sources précieuses dans la collaboration entre institutions. D’une certaine façon, c’est la meilleure manière d’apprendre. Vous apprenez bien plus de choses que vous ne pourriez acquérir dans une situation ordinaire ».

« Tout d’abord, il faut que les directions soient convaincues qu’il s’agit d’une bonne idée : elles doivent le vouloir. Ensuite, les directeurs et les chefs de départements dans lesquels les échanges se font doivent également accepter le modèle.

Effets et transformations

Conseils pour s’en inspirer

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Mener 3 réunions : avant, pen-dant et après l’échange

Alléger l’as-pect admi-nistratif

Créer une vraie coupure avec le poste d’origine

Être prêt à plonger dans un environ-nement tout nouveau

Stabiliser l’environ-nement de travail

Une forte demande de mobilité

Nous avons également opéré des changements dans le programme : nous organisons maintenant 3 réunions avec l’employé participant, le chef du département qui l’accueille et une personne du département des ressources humaines : une rencontre avant l’échange, une réunion pendant, et une réu-nion à la fin. Nous pouvons ainsi adapter ses tâches, faire une évaluation à mi-parcours et savoir s’il rencontre des problèmes qui pourraient être abor-dés avant la fin de l’échange. Après le premier échange, nous nous sommes rendus compte que certains ajustements auraient été nécessaires ; l’em-ployé désirait diversifier ses tâches. L’échange a seulement été évalué à la fin, quand il était trop tard pour faire des modifications adéquates.

Un autre point consiste à s’accorder sur le salaire. Nous avons décidé que les personnes gardaient le même salaire et continuaient à être rémunérés par « l’institution-mère », afin d’éviter un travail administratif fastidieux lié à l’échange.

Une fois que vous quittez votre poste, vous n’effectuez plus aucune tâche pour votre « ancienne » organisation. Vous n’êtes pas censé répondre à vos e-mails.

Du côté de l’employé, ceux qui ont pris part à l’échange insistent sur le fait qu’il faut être prêt à commencer à zéro et ne pas craindre de montrer que vous n’êtes pas un expert dès le premier jour.

Une dernière condition pour le bon déroulement de l’échange, c’est que l’environnement de travail soit stable. En 2012, nous avons connu cette grande fusion pour créer cette grande nouvelle Agence, et avons donc décidé d’interrompre le programme d’échange pendant un moment. La fusion constituait déjà un tel changement pour tout le monde que le pro-gramme ne pouvait être organisé ni profiter aux employés comme avant ».

« Notre réseau a été fondé en 1999 et est constitué par les réseaux natio-naux de centres culturels. Nous avons environ 3 000 membres originaires de 15 pays. Il y a 4 ans, nous nous sommes rendus compte qu’il existait de

Un programme d’échange de

personnels au sein d’un réseau

pour favoriser la coopération

entre les membres

Luis Miguel Prada, coordinateur de projet

Réseau européen des centres culturels, Berlin, Allemagne

Aux sources de cette initiative

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La convic-tion que rien ne remplace l’expérience du terrain

Un échange ouvert à tous les métiers du secteur culturel

Un échange en 4 étapes

Des sémi-naires pour créer des liens inter-personnels forts

Deux périodes d’échange pour appro-fondir

nombreux programmes d’échange pour les artistes, mais aucun pour les employés dans le secteur culturel. Parallèlement à cette constatation, nos membres désiraient toujours plus de mobilité ; ils voulaient monter des projets communs et pouvoir poser leur candidature auprès de financements euro-péens. Ils souhaitaient vraiment établir des contacts au niveau international.

Nous sommes convaincus que la meilleure manière de faire l’expérience et d’apprendre sur la diversité culturelle européenne, ainsi que de déterminer par soi-même la manière dont les centres locaux contribuent à une identité européenne commune, est de se lancer et de le vivre dans la pratique ».

« Nous avons créé le “Bridge Between European Cultural Centres” (BECC, pont entre les centres culturels européens), un programme européen d’échange de personnel. Il vise à permettre aux employés des secteurs culturels locaux de partir à l’étranger pour un bref séjour au sein d’une orga-nisation culturelle dans un autre pays, afin d’échanger les bonnes pratiques, d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances ainsi que d’établir des partenariats sur le long terme. Nous avons commencé le programme en 2008 en 4 étapes, et 80 personnes y ont participé. Tout membre du personnel d’un centre culturel peut participer – qu’il soit directeur, tech-nicien, artiste, coordinateur de projet, indépendant, stagiaire ou bénévole.

Le programme du BECC est constitué d’un séminaire de préparation, de l’échange en lui-même, divisé en 2 étapes (partir et recevoir quelqu’un), ainsi que d’un séminaire d’évaluation. Il s’agit avant tout de mettre l’accent sur le processus, et non sur l’obtention de résultats précis.

Les deux séminaires permettent aux participants d’apprendre à se connaître et d’établir le contact non seulement entre 2 centres, mais entre 20 centres différents. Les séminaires comprennent des activités visant à souder le groupe ; les participants nouent des contacts personnels et finissent même par lier amitié. Au cours des séminaires, ils ne reçoivent pas uniquement des informations, mais travaillent et créent des choses ensemble.

Ensuite vient la phase d’échange. Il s’agit d’une autre étape du proces-sus, un pas en plus, dans les deux centres. Ils envoient quelqu’un dans un centre et reçoivent quelqu’un d’autre dans leur propre structure. La durée de l’échange et les tâches confiées à la personne sont déterminées en fonction de la situation. D’après mon expérience, l’échange dure généra-lement 2 semaines. S’ils souhaitent s’impliquer dans une activité en parti-culier, l’échange pourra durer plus longtemps ; s’ils souhaitent uniquement venir en observateurs, ils pourront ne rester qu’une semaine.

Récit d’une pratique innovante

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Des projets pour demain

Les aspects financiers de l’échange

Des candi-dats venus de toute l’Europe

L’articula-tion avec les activités du réseau ENCC

Une ré-flexion sur son propre travail et son organisation

Le dévelop-pement de sa capacité à commu-niquer en anglais

Un pro-gramme stratégique pour notre réseau ENCC

S’en suit le séminaire d’évaluation, où l’on aborde également les projets éventuels que les participants peuvent créer ensemble. Tout le processus est conçu de manière à rendre l’expérience solide. Chacune des étapes est très importante.

En ce qui concerne le financement, nous couvrons les voyages et l’hé-bergement nécessaires pour se rendre aux séminaires, ainsi que les frais de voyages de l’échange. Chaque centre finance l’hébergement des per-sonnes qu’il accueille et paie des frais de participation au programme.

Pour chaque programme, nous recevons environ 120 candidatures, cou-vrant des emplois (techniciens, producteurs, directeurs...) et des centres (arts du spectacle, musées, galeries...) des plus divers. Nous n’avons aucune restriction en terme d’origine géographique.

Il y a peu, nous avons décidé d’organiser les séminaires en même temps que les deux autres réunions de notre organisation afin de permettre aux personnes d’y participer également et d’entrer en contact avec le reste du réseau ».

« Je pense que ce programme permet à de nombreuses personnes non seulement de découvrir la façon de travailler de l’institution qu’elles visitent, mais aussi de mener une réflexion sur leur propre travail. En comparant les deux, les employés peuvent réfléchir à leur propre organisation, leur manière de travailler. Ils examinent le concept de normalité au sein de leur institution. Ce qui leur semble normal ne l’est probablement pas dans un autre contexte.

Avant d’entrer dans le processus, il est important de passer par une phase de préparation. Nous leur avons demandé d’envoyer des infor-mations en anglais sur leur centre et leurs activités. A ce moment là, ils développent déjà leur capacité à communiquer en anglais sur leur envi-ronnement professionnel.

Au niveau de notre réseau, ce projet nous a apporté un financement impor-tant, et a élargi notre réseau pour travailler directement avec les centres culturels, et non uniquement au niveau des réseaux nationaux. Ce pro-gramme nous a permis de combler ce fossé. Le programme a eu un impact tellement positif que nous avons décidé de le poursuivre, même si nous ne recevons plus de financement direct du projet.

Effets et transformations

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Une expé-rience à la fois person-nelle et pro-fessionnelle

Responsa-biliser les participants

Dialoguer avant le début de l’échange

Au niveau plus personnel, les employés disent avoir vécu une expérience excellente ; quelqu’un a organisé quelque chose pour eux, ce qui est assez inhabituel pour eux qui passent une grande partie de leur temps à orga-niser pour les autres. Ils ont noué des contacts tant professionnels que personnels ».

« Nous avons tiré des leçons de l’expérience. Au début, certaines per-sonnes abandonnaient après le séminaire de préparation. Je pense que c’est parce que nous ne leur avions pas fourni assez d’informations avant qu’elles n’entrent dans le programme. Je pense aussi que les participants ne prenaient pas vraiment leurs responsabilités face au projet parce qu’ils s’attendaient à ce que tout soit déjà organisé. Nous avons donc adapté le programme et nous leur avons attribué davantage de responsabilités, pour qu’ils décident eux-mêmes ce qu’ils souhaitent faire avec les possi-bilités existantes. Nous avons également renforcé la communication entre les participants avant que l’échange ne commence.

Nous offrons aux structures qui accueillent les participants une forma-tion pour savoir comment être un bon hôte et comment se préparer. Il s’agit avant tout de donner des conseils, comme trouver un mentor pour la personne, ou mettre à disposition un espace de travail adéquat! Le plus important, c’est qu’ils communiquent beaucoup avant l’échange, afin de comprendre les besoins du visiteur, et d’adapter l’échange en fonction de ces besoins ».

Conseils pour s’en inspirer

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Apprendre avec ses pairs

Avec cette thématique, nous découvrons des dispositifs d’échanges entre professionnels qui exercent les mêmes métiers.

Ulla Mäkinen nous présente la plateforme Barcelona International Dance Exchange, créée par et pour des danseurs - Maarten

Bresseleers relate l’expérience d’un réseau de responsables des ressources humaines au sein de structures culturelles belges.

Dans les deux cas, les initiateurs de ces démarches se placent dans un rôle de facilitateur et cherchent à développer de nouveaux

modes d’apprentissage qui s’appuient non sur une relation descendante de maître à élève, mais sur l’étayage des pairs.

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Un pro-gramme inventé par des danseurs pour des danseurs

Une autre manière de se rencontrer

Et si on apprenait les uns des autres ?

BIDE, Barcelona Internatio-nal Dance Exchange, BIDE

Une idée qui fait des émules

Un réseau de partenaires pour amener des partici-pants

« Sebastian Garcia Ferro, Daniel Werner et moi avons eu cette idée en 2007. En tant que danseurs et chorégraphes, nous savons combien il y a de connaissances à échanger. Et nous adorons le faire. Il n’existe pas beaucoup d’endroits où les danseurs peuvent échanger. Quand vous allez à un festival, c’est généralement pour présenter votre travail ou travail-ler avec un maître. En fait, Daniel et Sebastian ont eu cette idée et me l’ont suggérée parce qu’ils savaient que j’aimais ce genre de travail, cette manière collective d’être ensemble et de produire quelque chose à partir de ces rencontres.

De plus, en tant que danseuse moi-même, je suis habituée à la situation des auditions où l’on se présente devant quelqu’un qui doit vous sélection-ner. D’après mon expérience, ce n’est pas la meilleure manière de rencon-trer d’autres artistes. J’ai donc réfléchi à quel serait le meilleur moyen de se rencontrer. Selon moi, ce serait certainement par le travail.

Notre objectif était de créer une plateforme de laboratoires, qui permette de se rassembler de manière non hiérarchique, sans relation prof-élève. Nous avions constaté que les artistes et les danseurs se rendaient sou-vent à des workshops pour apprendre avec différents chorégraphes, et nous sommes demandé : « Pourquoi ne pas les faire se rencontrer tous ensemble pour qu’ils apprennent mutuellement les uns des autres ? »

« Nous avons organisé notre premier événement en 2009 à Barcelone et l’avons nommé « Barcelona International Dance Exchange », BIDE. Depuis, nous organisons un événement annuel de 5 jours au printemps, qui accueille près de 50 personnes venant de 20 pays différents (danseurs profession-nels, chorégraphes, quelques musiciens et des étudiants en danse).

À partir de là, nous avons développé le concept du BIDE en organisant des événements satellites ; par exemple, en octobre 2012 à Outokumpu en Finlande, et en novembre 2012 à Séville en Espagne. Nous planifions également d’organiser un événement BIDE en Argentine en 2013.

Actuellement nous élargissons le nombre de partenaires avec lesquels nous coo-pérons. Nous collaborons avec des universités, des institutions et des théâtres dans 6 pays différents, pour encourager les artistes locaux à nous rejoindre.

Une plateforme d’échanges

entre danseurs pour se former

et se rencontrer autrement

Ulla Mäkinen, co-directrice

BIDE, Barcelona International Dance Exchange, Barcelone, Espagne

Aux sources de cette initiative

Récit d’une pratique innovante

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Comme une rencontre IETM dan-sée !

Les propo-sitions de laboratoire

Un évène-ment public à la fin de la semaine

Des par-ticipants curieux et à l’esprit ouvert

Des coûts réduits, une chambre chez l’habi-tant

C’est comme une mini-réunion IETM, mais basée sur la pratique de la danse ! Les participants plongent dans la pratique et découvrent ensuite ce qui se passe. Ils remporteront peut-être une idée qui leur a plu chez eux, ou ils seront inspirés par une personne avec laquelle ils souhaitent travailler.

Avant l’événement, les participants peuvent proposer une idée de labora-toire. Par exemple, une chorégraphe finlandaise a suggéré un laboratoire de travail avec danseurs et musiciens, afin d’essayer de nouvelles idées pour sa prochaine pièce. L’événement est organisé de la manière suivante : le premier jour, nous avons une réunion, nous faisons connaissance, dis-cutons du contenu de la réunion et dansons ensemble pour briser la glace. Le deuxième jour, nous débutons les laboratoires. Nous avons trois à cinq options différentes par jour ; les artistes peuvent donc choisir un labora-toire qui correspond à leur travail ou leurs préoccupations. Chaque labo-ratoire dure 6 heures. L’artiste qui propose le laboratoire en est l’anima-teur. Nous présélectionnons les laboratoires avant le premier jour, ceux-ci sont ensuite menés par des personnes connaissant ce type d’atelier. Le jour suivant, nous poursuivons avec d’autres laboratoires, proposés par d’autres personnes.

Nous nous rassemblons tous les soirs, et les participants de chacun des laboratoires présentent un bref spectacle, montrent un exercice ou disent quelques mots sur ce qui s’est passé dans le laboratoire auquel ils ont participé. Le dernier soir, nous organisons un événement public au théâtre. Nous faisons un spectacle pour présenter sur scène tout ce que nous avons appris pendant les laboratoires qui se sont déroulés durant le BIDE.

Nous essayons de faire en sorte que les participants soient de tous les âges : des jeunes artistes mais aussi des générations précédentes. Il y a quelques étudiants, le plus généralement des « étudiants de dernière année », qui sont presque dans la vie active. Nous avons beaucoup de jeunes artistes qui désirent participer car c’est une excellente manière de créer son réseau. Nous avons également des artistes qui sont dans le milieu depuis plus longtemps. Leur point commun à tous, c’est la curiosité et l’ouverture d’esprit. C’est ça qui connecte les individus. Ils sont curieux de découvrir ce sur quoi travaillent les autres, et assez ouverts d’esprit pour pouvoir s’immerger dans l’idée de quelqu’un d’autre pendant une journée.

L’événement comporte des frais de participation : 170 ! pour cinq jours. La moitié des participants reçoit une bourse de l’un de nos partenaires, qui couvre tous les frais. C’est ce à quoi nous aspirons : que les artistes puissent venir sans rien devoir payer de leur poche. Concernant l’héberge-ment, nous avons un accord avec les danseurs locaux : ils accueillent un participant du BIDE et peuvent demander 20 ! la nuit. C’est une façon de rendre l’hébergement abordable et de faire participer plus de personnes

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Un réseau d’amitiés, antidote à l’esprit de compétition

Une inspira-tion durable

L’appren-tissage d’une autre manière de travailler

Une ex-périence transférable dans son processus de création

Des outils pour aller plus loin

de la scène locale à l’événement afin de créer des liens. Les repas sont à la charge des participants, excepté le premier dîner qui est inclus dans les frais de participation, afin que nous mangions une fois tous ensemble. En tant qu’organisation, nous sommes financés par l’Institut culturel de Barcelone et le Conseil catalan des arts ».

Je pense que ce qui est vraiment important pour les artistes, c’est le feed-back et les émotions, dont les participants nous font part. Certaines colla-borations et amitiés sont nées lors d’événements du BIDE. Je pense que, dans la scène artistique compétitive où nous sommes formés, l’amitié n’a pas beaucoup de place, on joue des coudes pour parvenir à nos fins. Nous, en revanche, nous pensons que collaborer nous rendra plus forts. Et je suis très heureuse de le voir se réaliser à cette occasion !

Concernant l’impact de l’événement pour les participants, ils me disent souvent qu’ils retiennent toujours quelque chose de l’événement. Bon nombre d’entre eux souhaitent organiser un événement satellite chez eux. Par exemple, nous prévoyons d’organiser un événement l’année prochaine en Italie, initié par un participant d’une rencontre précédente. Les artistes plus connus, eux aussi, disent que ça leur permet de sortir de leurs cercles de travail habituels. Ils peuvent parfois se sentir coincés dans le travail qu’ils font. Grâce à cet événement, ils mettent à jour leur connaissance du milieu, ils rencontrent de nouvelles personnes. Tout le monde a besoin d’un bol d’air frais !

Souvent, les participants disent qu’ils avaient des doutes en arrivant, qu’ils ne comprenaient pas vraiment comment ça pouvait fonctionner. Et après l’événement, ils disent que partager est la chose la plus naturelle qui soit. Ils sont étonnés de voir qu’il est possible de travailler non sur une pièce ou une performance, mais dans le simple but de développer et d’approfondir l’art qu’ils créent. Ils travaillent par pure curiosité et pour leur propre for-mation. Je crois que les gens sont vraiment aptes à partager leur passion.

À travers ces échanges, nous mettons l’accent sur le processus même du travail, sur le parcours, et je suis sûre que cette manière de travailler offre également aux participants des outils dont ils se serviront dans leur travail une fois rentrés chez eux.

Nous essayons d’offrir d’autres opportunités aux artistes. Nous avons éga-lement des résidences d’une semaine, ouvertes aux participants qui se sont rencontrés lors d’un événement BIDE et souhaitent développer leur collaboration ».

Effets et transformations

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Être précis dans le re-crutement

Donner le ton dès les premiers laboratoires

Accepter de lâcher une partie de ses prérogatives d’organisa-teur

Une ins-titution créée par la volonté des partenaires sociaux

« Je pense que la réussite de nos évènements est liée à la curiosité et l’ins-piration. Pour rester dans cet esprit, nous essayons d’être justes lors de la procédure de candidature. Nous insistons sur le fait que les personnes qui viennent à nos événements sont ouvertes d’esprit, et nous précisons que nous souhaitons avoir des artistes qui désirent travailler de manière collaborative. Ce n’est pas le cas pour tous. Partager n’est pas la même chose qu’enseigner. Au cours de l’événement, les compétences de chacun peuvent être appréciées à de nombreuses reprises, mais cela devient plus difficile si une personne a besoin d’être mise en avant et ne laisse pas la place aux autres.

Pour obtenir cette ambiance, une solution est de choisir les modérateurs dès le premier jour des laboratoires. Nous invitons les artistes qui ont de l’ex-périence en animation. Le premier jour, les laboratoires servent d’exemples d’animation ; les artistes qui ne sont pas habitués à cette forme de travail reçoivent les rudiments pour comprendre comment ça fonctionne. Cela inclut des discussions sur la différence entre l’animation et l’enseignement. Le fait d’être strict dans les activités du premier jour, et même du second, permet d’établir la nature de l’événement et d’oser des choses plus ris-quées vers la fin de l’événement.

J’aimerais également insister que les organisateurs doivent un peu « lâcher prise » vers la fin, afin de laisser la place à d’autres propositions. Cela signifie que les organisateurs doivent être assez curieux pour aller vers l’inconnu ».

« Nous sommes le fonds social officiel des arts du spectacle de la Communauté flamande de Belgique. Notre institution a été fondée en 2001 par les partenaires sociaux du secteur des arts du spectacle professionnels. Nous nous engageons dans les domaines de l’emploi et de la formation/l’en-seignement. Au début, nous nous concentrions davantage sur certains « groupes à risque », tels que les sans emploi, les personnes handicapées et les immigrés. À partir de là, nous avons créé plusieurs actions.

Conseils pour s’en inspirer

Le « learning network »,

un réseau d’apprentissage pour

développer ses compétences

Maarten Bresseleers, coordinateur

Sociaal Fonds voor de Podiumkunsten, Bruxelles, Belgique

Aux sources de cette initiative

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Une mission de service public, délé-guée par le ministère du Travail

Un manque de formation en gestion des res-sources hu-maines dans le secteur

Comment apprendre à mettre en pratique ?

Des ren-contres pour partager son expérience des RH

Une construction du dispositif avec les pro-fessionnels concernés

Grâce à un accord avec les partenaires sociaux, nous recevons un finan-cement supplémentaire de la part du ministère du Travail, parce que notre travail a trait à certains points du marché de l’emploi qui sont également importants pour les politiques du Ministère. Notre travail se répartit en trois thèmes. Le premier thème concerne les questions d’enseignement : amé-liorer les rapports entre l’enseignement et les besoins du marché du travail. Un autre thème vise à stimuler la gestion des « ressources humaines » dans le secteur. Et le dernier thème touche à la « diversité », c’est-à-dire la participation égale de tous les groupes sociaux sur le marché du travail de notre secteur également, comme miroir de notre travail. Ces derniers comprennent les personnes en situation de handicap, les plus de 50 ans... Trente autres secteurs ont également conclu le même type d’accord avec le ministère du Travail. Nous avons régulièrement des réunions avec des consultants d’autres secteurs afin d’échanger nos expériences sur chaque sujet et voir quels types d’actions peuvent être appliquées à notre secteur.

Nous pensons que la gestion des ressources humaines de notre secteur attire de plus en plus l’attention. Nous constatons que la plupart des per-sonnes qui décrochent un poste en tant que responsable des ressources humaines n’ont suivi aucune formation dans ce domaine. La plupart des organisations n’ont pas de personnes attitrées pour les ressources humaines. En tant que Sociaal Fonds, nous organisons toutes sortes de formations, et certaines en ressources humaines. Nous avons remarqué que ces cours faisaient l’objet d’un grand intérêt. C’est la raison pour laquelle nous avons commencé à donner des cours de base sur la gestion des RH, et sur la manière de la mettre en œuvre dans votre organisation.

Nous avons ensuite constaté qu’il restait beaucoup de questions et que les gens avaient besoin de les approfondir. Ils disaient : « D’accord, c’est très intéressant en théorie, mais comment mettre tout ça en pratique ? »

« Nous avons pensé qu’il serait utile d’organiser des rencontres, deux fois par an, où l’on discuterait ensemble du domaine des RH. Tout le monde pourrait échanger ses expériences, parler des choses qui fonctionnent et de celles qui ne fonctionnent pas. C’était en 2010, et nous avons organisé ces rencontres dans 3 villes différentes pour que les gens n’aient pas à se déplacer trop loin.

Nous avons diffusé un message à l’ensemble du secteur et essayé de contacter les directeurs généraux ou, si possible, les directeurs des res-sources humaines. Nous avons organisé une réunion de lancement dans ces 3 villes pour expliquer nos intentions. Et nous leur avons posé 3 ques-tions : « Est-ce que cela vous intéresse ? », « Quels genres de thèmes sou-haiteriez-vous aborder ? », « Comment devons-nous procéder ? ». Nous

Récit d’une pratique innovante

Page 23: Innovateurs du quotidien

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Un « réseau pour ap-prendre »

Une orga-nisation précise de chaque ren-contre

Un ordre du jour défi-ni avec le groupe

La possibilité d’aborder ce type de su-jets dans une rencontre entre profes-sionnels

Un fort de-gré d’impli-cation des participants

avons également créé un groupe LinkedIn pour avoir également une pré-sence numérique. Cette plateforme en ligne ne fonctionne pas très bien, mais les rencontres en face-à-face, elles, fonctionnent.

C’est de cette manière que nous avons créé ce « réseau pour apprendre » afin que les professionnels qui ont des responsabilités dans le secteur des ressources humaines s’apprennent mutuellement des choses. Nous avons également prévu la participation éventuelle d’un expert dans le cas où le groupe aurait besoin de conseils extérieurs.

Chacun des trois groupes est constitué de 15 à 20 personnes. Elles tra-vaillent dans des lieux culturels, des centres artistiques, pour des compa-gnies, des festivals, ou toute sorte d’organisations dans le secteur. Chaque réunion est organisée sur le lieu de travail de l’un des membres. Au Sociaal Fonds, nous nous occupons de l’animation et nous rédigeons les rapports. Ce n’est pas très formel ; l’animation est légère; nous nous assurons juste que chacun ait la parole dans le groupe.

L’ordre du jour est défini pour chaque réunion, et comprend des thèmes tels que « les avantages extra-légaux », « les personnes qui travaillent de chez elles » ou « les discussions annuelles avec les employés ». Pour chaque point de la réunion, nous demandons à deux organisations de présenter leur manière de faire, et la discussion part de là. C’est le groupe qui choisit les thèmes, mais il arrive que nous fassions des suggestions. Par exemple, nous pensons organiser une réunion sur la question de la diversité : elle ne fait pas partie des priorités des participants, mais nous essayons de l’inclure dans l’ordre du jour ! »

« Les gens qui participent à ces réunions sont très heureux que nous ayons pris l’initiative, et d’avoir une plateforme où ils peuvent faire part de leurs questions. Au sein des différentes plateformes, l’organisation du travail n’est pas un sujet dont on discute souvent. Les gens parlent plutôt des subventions, des projets et des questions économiques.

Nous constatons que ces groupes dégagent beaucoup d’énergie et de volonté de partager avec les autres. Ils fonctionnent vraiment bien. Je suis souvent surpris du niveau de partage, c’est très encourageant. Mais j’ai pu observer que les sujets discutés lors de ces réunions sont encore d’ordre assez pratique, tels que les problèmes administratifs et la mobilité des artistes. Je suppose qu’à partir de là, on abordera des points plus straté-giques, tels que le recrutement et la gestion des compétences.

Effets et transformations

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Un ré-seau-res-sources

Des ensei-gnements à en tirer pour le secteur tout entier

Une transfor-mation des pratiques de formation

Vérifier la volonté de partager

Garantir la confiden-tialité des échanges

Elaborer un compte-ren-du anony-misé

Aujourd’hui, ce que nous savons, c’est qu’il n’y a pas vraiment besoin d’expertise supplémentaire. Les besoins se font davantage ressentir dans la pratique et la manière de gérer les choses au quotidien. Les gens se connaissent et se contactent directement entre les réunions. Ils identifient facilement les personnes qu’ils peuvent appeler pour qu’elles répondent à leur question.

Cette initiative produit des effets pour le secteur en général. Elle génère d’autres projets. Nous avons constaté qu’il nous manquait les descriptions de compétences qui existent presque uniquement dans les grandes orga-nisations. Ces descriptions de compétences sont importantes car elles sont à la base de tout recrutement et des évaluations annuelles que vous aurez avec votre équipe. Nous allons organiser un projet sur ce point.

Ce projet a aussi eu pour conséquence d’influencer le contenu de nos formations : nous cherchons désormais des formateurs qui partent de la théorie pour aller à la pratique. Par exemple, sur le thème des évaluations annuelles, nous avons ajouté des questions telles que « comment les pla-nifier ? », et « comment les mener ? ». À ce sujet, il y a une forte demande d’outils pour assister les participants dans leur travail quotidien ».

« Il est très important que chaque participant du groupe souhaite partager, mais, comme je l’ai dit, ceci n’était pas un problème dans notre groupe.Je pense que la confidentialité est essentielle : il est très important que les participants sachent que ce qu’ils disent au groupe restera au sein du groupe et ne sera pas diffusé au grand public.

Nous commençons toutes nos réunions en évoquant cet aspect et rap-pelant à tous les participants que « tout ce qui sera dit dans cette réunion demeurera confidentiel ». C’est très important.

Nous rédigeons des rapports car tous les participants du groupe ne peuvent pas toujours être présents à chaque réunion. Mais, dans nos rap-ports, nous ne mentionnons aucun nom de personnes ou d’organisations, et nous envoyons toujours le rapport aux personnes qui étaient présentes à la réunion en premier lieu avant de le diffuser aux autres membres du groupe, afin de nous assurer qu’elles confirment ce qui est écrit ».

Conseils pour s’en inspirer

Page 25: Innovateurs du quotidien

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Faire circuler la parole et les idées dans les équipes

Sous cet intitulé se déploient des pratiques situées au cœur des organisations. Leurs initiateurs cherchent à favoriser les espaces de parole et placent la motivation et l’implication des équipes au centre de leurs préoccupations. Judith Knight nous invite à son déjeuner hebdomadaire avec l’équipe d’Artsadmin, Yvona Kreuzmannovà

nous emmène en « Team-building » en Bohème et Sibylle Arlet nous fait découvrir des équipes projets en action sur le territoire de

la région Centre. Ces pratiques sont dans tous les cas appuyées sur de solides protocoles de réunions qui tissent un réseau de

coopération et de circulation d’idées à l’intérieur de l’organisation.

Page 26: Innovateurs du quotidien

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Une orga-nisation singulière

Le risque d’une or-ganisation éclatée

L’habitude britannique du sandwich devant l’ordi-nateur

Et si on déjeunait ensemble chaque semaine ?

Le déjeuner du mardi

« Artsadmin est une organisation qui produit et présente des artistes contemporains travaillant dans le théâtre, la danse, la performance, les arts visuels et le multimédia. Notre objectif consiste à être un laboratoire pour les arts du 21e siècle pour promouvoir la création de spectacle, le travail interdisciplinaire et in-situ, qui alimente l’innovation, l’expérimental et l’inha-bituel. Nous sommes basés dans les Toynbee Studios à Londres.Artsadmin a beaucoup grandi, et aujourd’hui, nous faisons une multitude de choses différentes. Notre équipe comprend 25 personnes. Nos bâtiments abritent 5 espaces de répétition, ainsi qu’un théâtre, 20 bureaux pour des organisations artistiques et un café. Nos activités incluent la production et la tournée pour les artistes, des services de conseils, l’organisation d’événe-ments, la locations des espaces, la rédaction d’informations sur des oppor-tunités pour les artistes, des projets éducatifs, un programme de bourses...

Nous travaillons sur des projets très différents : notre travail peut aller d’un projet pour les écoles au niveau local à une tournée en Chine, et tout le monde se concentre sur ses propres tâches. Comme nous disposons de bâtiments, avec des espaces de répétition, nous avons également des per-sonnes qui sont là pour gérer cette activité, et les nombreuses personnes qui entrent et qui sortent. Il serait très facile de se retrouver avec un groupe de gens qui viennent uniquement pour travailler sur leur projet sans s’impli-quer réellement avec tout ce qui se passe dans l’organisation.

La pause de midi est quelque chose qui a tendance à être beaucoup plus importante pour les Français et les Allemands que pour les Britanniques. Nous nous retrouvons souvent avec un sandwich devant l’ordinateur, à tra-vailler durant la pause de midi, ce qui n’est pas vraiment sain.

Un jour, je suis allée au théâtre à Groningen et j’ai vu une équipe déjeu-ner ensemble en discutant. Et en repensant à la situation à Artsadmin, j’ai trouvé que nous devrions déjeuner ensemble une fois par semaine ».

« Chaque mardi, nous organisons un déjeuner avec toute l’équipe. C’est nous qui fournissons le repas et celui-ci dure une heure. Tout le monde vient, à moins qu’il ait une très bonne raison de ne pas pouvoir venir. C’est une personne différente qui conduit la réunion chaque semaine, donc tout le monde a l’occasion de l’animer

Partager un déjeuner chaque

semaine pour rester en lien

avec toutes les activités

Judith Knight, directrice

Artsadmin, Londres, Royaume-Uni

Aux sources de cette initiative

Récit d’une pratique innovante

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Page 27: Innovateurs du quotidien

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Un compte- rendu des activités de chaque dé-partement

Anticiper les activités de chacun et comprendre leurs interac-tions

Un cadre adaptable

Une initiative cruciale pour cette organi-sation

Moins de sentiment d’isolement

Une meilleure appréciation des préoc-cupations de chacun

Une oppor-tunité pour les nouveaux collabora-teurs

Chaque semaine, nous avons un ordre du jour comprenant les thèmes qui seront abordés : cela inclut les bâtiments, les projets, la recherche de financements, le café, et le service de conseil. Les différents départements racontent aux autres ce sur quoi ils travaillent actuellement.

Nous discutons également des spectacles, performances, galeries, etc., que nous avons vus ou prévoyons de voir, ou des réunions importantes qui se tiennent bientôt. Par exemple, il se peut que j’aie bientôt un rendez-vous avec le directeur d’un festival, et quelqu’un travaillant sur un autre projet dise qu’il a essayé de le contacter pour une question précise. Nous déciderons alors peut-être de le rencontrer ensemble, ou bien d’inclure cet autre projet dans le programme de mon rendez-vous. Travailler de la sorte est crucial. Nous faisons ensuite un tour de « qui a été où », et un autre de « qui va bientôt où ».

Parfois, nous faisons autre chose, comme par exemple lorsque nous avons organisé la résidence avec la compagnie Grand Magasin ; nous les avons invités à venir présenter leur travail à notre équipe, parce que nous allions travailler avec eux les quatre semaines suivantes. Mais, la plupart du temps, nous nous tenons à notre ordre du jour habituel ».

« Cette initiative permet vraiment d’informer l’équipe. Elle n’est peut-être pas la plus innovante, mais il est terriblement important pour nous d’avoir pris cette initiative. Nous entreprenons des projets et des activités telle-ment variés. Nous travaillons dans des domaines différents, dans des zones géographiques différentes, sur des durées différentes. Quand quelqu’un sera de retour d’une longue tournée, d’autres sont en pleine ouverture de leur projet quelque part à Londres.

Mon travail consiste à rapprocher tout le monde, et je sais combien il est facile de ne PAS être ensemble, de devenir un groupe de producteurs ou de conseillers artistiques indépendants qui travaillent sous le même toit, mais se concentrent sur leur propre projet. Ça aide vraiment les gens de pouvoir se référer au travail des autres et combattre le sentiment éventuel d’isolement.

Ce moment hebdomadaire où nous sommes tous réunis nous aide à com-prendre pourquoi certains sont très occupés, pourquoi d’autres ont l’air stressé, si les choses vont bien, ou comment ils se sentent par rapport à l’évo-lution artistique de leur projet. Les membres de l’équipe trouvent cela très utile.

Outre ces déjeuners, nous avons bien sûr régulièrement des réunions avec les chargés de production, le service de conseils, les employés du bâtiment, etc., mais ce repas est l’unique occasion pour chacun d’entendre tout ce qui se passe à Artsadmin. Il est particulièrement important pour les jeunes ou les nouveaux collaborateurs, qui acquièrent ainsi une vision plus large de l’organisation et ont l’opportunité de conduire l’une de ces réunions.

Effets et transformations

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La possibili-té de parler du sens du travail

Un partage autour de notre identité

Le partage, une valeur en hausse dans ces temps de crise

Partager un repas, c’est partager plus que des mots

Offrir le repas

Ce que je considère également comme étant une conséquence très inté-ressante, c’est que parfois, nous parlons uniquement de travail artistique. Ces conversations sont cruciales pour nous rappeler pourquoi nous faisons ce travail, et comment nous nous sentons par rapport à notre travail. Nous sommes tous tant submergés par les budgets, les contrats et les choses à régler qu’il est parfois essentiel d’avoir l’occasion de discuter de la production artistique en elle-même – après tout, elle est la raison d’être de notre travail.

Partager le déjeuner signifie aussi partager l’identité de l’endroit où l’on tra-vaille. Et cette question de l’identité est d’autant plus importante pour nous que nous dépendons des fonds que nous collectons : pour convaincre les partenaires et les sponsors, nous devons expliquer très clairement qui nous sommes. Nous y travaillons mais c’est assez difficile de le dire de manière concise, même pour moi ! Ces réunions nous permettent faire comprendre à tous cette difficulté et l’importance du message.

Nous ne sommes certainement pas les premiers à dire qu’il est nécessaire de partager, mais dans le climat social économique et financier actuel, les gens se rendent comptent qu’ils ne peuvent pas continuer comme ils le faisaient jusqu’à maintenant. Je pense qu’on parle de plus en plus du partage des ressources, que ce soit des compétences, des éléments matériels ou des informations ».

« Je pense que la nourriture est importante, surtout pour les Britanniques qui ont tendance à ne prendre aucune pause de midi ! Prendre un repas ensemble donne une autre ambiance qu’une énième réunion pragmatique et ennuyeuse. Il s’agit de partage et, en effet, de nourriture. Cela fait vraiment une différence.

Une autre condition importante sur laquelle j’insisterais, c’est le fait d’offrir le repas. C’est d’abord une petite économie (de ne pas devoir acheter son déjeuner une fois par semaine), mais c’est surtout bien plus que ça. Il s’agit de donner. Sur toute la ligne, il s’agit de donner et de partager ».

Conseils pour s’en inspirer

Un séminaire d’équipe loin

du bureau pour créer un espace

pour de nouvelles idées

Yvona Kreuzmannovà, présidente

Tanec Praha, Théâtre Ponec, Prague, République tchèque

Aux sources de cette initiativeLa promotion de la danse contempo-raine après la chute du mur

« Tanec Praha, qui signifie « Prague Danse » est une petite ONG fondée en 1991, juste après que la nouvelle loi qui facilite la création d’ONG – l’Accord d’association – a été adoptée dans notre pays. Nous voulions rassembler les meilleurs artistes de danse contemporaine à Prague, car il y avait un décalage créé par quarante ans d’isolement de la scène contemporaine,

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Une orga-nisation d’équipe par projets, appuyée sur un socle commun

Une équipe à géométrie variable

Comment construire un vrai esprit d’équipe dans ces conditions ?

Un séminaire d’équipe pour échan-ger en profondeur

Loin du quotidien du bureau pour mieux parler du quoti-dien !

pas uniquement en danse mais dans arts en général. Pendant les années 1990, nous avons lancé une seconde activité artistique, la Plateforme de danse tchèque (Ceská tanecní platforma). Puis, nous avons cherché notre propre lieu pour mieux servir la communauté locale du monde de la danse. C’est comme ça que le Théâtre Ponec a ouvert en 2001.Ce sont nos trois activités principales. Grâce aux réseaux internationaux tels que Trans Dance Europe, nous avons créé des résidences et des acti-vités d’échange et, il y a 6 ans, nous avons commencé un projet commu-nautaire appelé « danse pour les enfants, danse pour les écoles ».

Nous avons créé ces activités les unes après les autres au fil des années, monté une équipe où chacun a des responsabilités définies et des com-pétences pour ses propres activités. Cela signifie que nous avons un directeur et un co-directeur pour le festival Tanec Praha, un directeur pour le Théâtre Ponec, et un directeur pour la Plateforme de danse tchèque. Et je dirige toute l’organisation. Nous partageons les relations publiques, les équipes techniques et le marketing. Nous essayons de nous aider mutuel-lement à l’approche de chaque événement. L’équipe est plutôt restreinte.

Notre situation financière ne nous permet pas d’employer tous les direc-teurs de projet durant toute l’année. Nous n’avons pas les moyens de leur payer un salaire à plein temps. Ensuite, nous employons quelques res-ponsables de production pour chaque événement. Nous engageons aussi des coordinateurs pour les projets internationaux, comme par exemple le projet M4m que nous menons, un projet sur la mobilité financé par l’UE et rassemblant divers partenaires européens.

Ma difficulté à l’origine consistait à former une réelle équipe avec tous ces contrats et emplois du temps différents ».

« Pour que le projet fonctionne dans de telles conditions, il faut un bon tra-vail d’équipe. Nous prévoyons beaucoup de place pour les brainstormings ; toute l’équipe se réunit une fois par semaine afin de se répartir et de coor-donner les différentes activités. Dans le but de renforcer l’esprit d’équipe, j’ai décidé d’organiser un séminaire d’équipe en dehors de Prague, à la campagne, afin de discuter en profondeur des problèmes fondamentaux, de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas, des éléments de coordina-tion que nous devons améliorer. Pour moi, le travail d’équipe est bien plus important que les décisions que je peux prendre seule.

Nous l’organisons en dehors de la ville parce que, à Prague, tout le monde est trop affairé à d’autres choses et personne ne peut vraiment se concen-trer sur nos objectifs. Le premier séminaire d’équipe a été organisé en janvier et depuis, nous le faisons chaque année le premier week-end de

Récit d’une pratique innovante

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Effets et transformations

janvier, après toutes les fêtes de fin d’année. Nous sommes allés dans les montagnes. Nous avons commencé le vendredi après-midi par une longue discussion sur notre travail, le système de coordination, qui est respon-sable de quoi, et comment nous pouvions améliorer nos activités. Et nous avons terminé en jouant au bowling ou en allant skier !Il s’agit aussi de renforcer l’esprit d’équipe en étant ensemble dans une autre région du pays à profiter des activités sportives. Tout le monde adore ça. Nous essayons de l’organiser en été et en hiver. Nous sommes éga-lement allés en Bohème du Sud, dans la forêt, à discuter autour du feu jusque 3 heures du matin, de manière tout à fait informelle : « Comment sont les relations, si une personne en déteste une autre ? » ; « Pourquoi ce projet marche-t-il mieux qu’un autre ? » C’est vraiment bénéfique car on obtient une vision claire des différents points de vue au sein de l’équipe.

S’il faut que nous repensions la stratégie de l’organisation, comme c’était le cas ces deux dernières années à cause de problèmes financiers, nous fai-sons la planification stratégique au Théâtre Ponec, tous ensemble, y com-pris les techniciens. La réunion dure généralement toute une après-midi et la journée suivante.

Il n’est pas toujours facile de rassembler toute l’équipe pour ces discus-sions stratégiques, mais j’aime prendre ce risque ! Tout le monde a des opi-nions différentes, des opinions personnelles. Il y a plusieurs générations. Je suis la plus âgée, et d’autres personnes sont beaucoup plus jeunes. Ça va de 20 à 50 ans, et ce n’est pas facile de les faire travailler ensemble ».

« Je pense que ces espaces sont vraiment utiles tant pour l’organisation que pour les individus eux-mêmes. Le principal effet de ces « réunions internes » est la motivation à l’équipe. Ils se sentent vraiment impliqués et comprennent que leur participation active est nécessaire.

Ils créent les choses différemment que les gens de ma génération. Je leur donne de l’espace pour qu’ils pensent, amènent de nouvelles idées et de nouvelles activités, et ils y arrivent ! Par exemple, quand la responsable du projet de studio pour enfants est arrivée dans l’équipe et a assisté au séminaire d’équipe, elle a vraiment commencé à définir sa propre stratégie pour le projet, à déterminer comment travailler avec les écoles et les autres ONG dans le même domaine, et comment impliquer toute la commune...

Les discussions stratégiques sont aussi utiles parce que certaines per-sonnes ne pensent pas à si long terme. Ils se mettent à considérer l’orga-nisation dans une autre échelle temporelle.

L’implication de tous dans les réunions de stratégie

De fécondes divergences

Une équipe motivée

Une capacité d’innovation pour l’orga-nisation

Une projec-tion à plus long-terme

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Conseils pour s’en inspirer

Le déve-loppement profession-nel des plus jeunes

La possibilité de transfor-mer sa place de leader en lien avec ses convictions

Créer des espaces

Apprendre à faire de la place

Échanger sur les pra-tiques, une ressource en temps de crise

Je trouve que ces moments sont vraiment une façon naturelle d’échanger des expériences et de guider les plus jeunes, sans faire de nous des men-tors ni le souligner particulièrement. Lorsque j’accepte certaines choses et en refuse d’autres, j’en explique les raisons, et en fais part à l’équipe. Je suis une des responsables de l’organisation mais, en même temps, j’es-saie vraiment de laisser le plus d’espace possible pour les nouvelles idées. Au cours de toutes ces années, j’ai compris que plus je prends le risque de céder de plus en plus de responsabilités à ces personnes, plus elles apprennent dans la pratique et en prenant des décisions. En même temps, je suis toujours là si, par exemple, elles ont besoin de me consulter avant de prendre une décision. Je suis une sorte de consultante interne.

En 2009, je suis allée travailler en tant que directrice artistique pour la Capitale européenne de la culture, et cette expérience m’a appris énor-mément. Lorsque les autorités politiques m’ont écartée du projet, même si j’avais gagné le titre pour la ville de Pilsen en 2015, j’ai compris que la cor-ruption et le clientélisme étaient beaucoup plus ancrés dans notre pays que je ne le pensais. Aujourd’hui, je suis de retour au Tanec Praha, et je ne veux pas reprendre ma position de directrice des activités. Je veux continuer à aider pour plaider et contribuer à changer la situation politique et les esprits, renforcer le sentiment de communauté dans le secteur des arts. La société civile n’est pas assez forte ; le gouvernement n’en veut pas. Je sens que mon rôle est d’aider à développer les ONG et la société civile de mon pays ».

« Je pense que si vous créez un tel espace pour de nouvelles idées, les personnes de l’organisation vont l’occuper. Mais ce n’est pas si simple.

J’ai mis du temps à apprendre comment créer un tel espace. Je ne suis jamais sûre que ce soit suffisant. Bien sûr, il y a des limites. La vision globale des dif-férentes activités doit maintenir une certaine continuité. Mais, en même temps, c’est vraiment faisable d’offrir cet espace pour faire beaucoup de nouvelles choses, surtout en matière de planification artistique. Il y a quelques années, j’ai désigné 4 personnes – 3 jeunes et 1 d’âge mur - pour faire partie du comité artistique et aujourd’hui, elles en ressortent plus fortes. Elles ont beaucoup d’idées, et de l’expérience. Pour moi, c’est une question de compromis. Il y a beaucoup de propositions et de possibilités sur ce qu’on peut faire artistique-ment, mais les nouvelles personnes ont d’autres points de vue que moi et c’est vraiment intéressant de voir comment nous trouvons des solutions ensemble.

En 2008, nous avons connu une grande crise à cause de la situation politique (la ville a coupé 90 % de son financement pour le Tanec Praha Festival), et j’ai donc dû reformer l’équipe. Nous avons mis trois ans à la développer, mais il se trouve que cette équipe, plus jeune, est absolument fantastique. Les situations de crise sont parfois ce qu’il y a de mieux pour trouver des idées novatrices et insuffler un nouvel esprit.

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Des trinômes d’action sur

le territoire pour améliorer

la qualité du travail

Sibylle Arlet, Directrice déléguée à la pro-duction - Secrétaire Générale

Culture O Centre, Orléans, France

Aux sources de cette initiativeLe festival Excentrique, un projet de territoire qui invite à créer avec les habitants

Un festival porté par une agence culturelle régionale, avec des par-tenaires très hétérogènes

Certains penseront peut-être que, dans une situation économique et poli-tique difficile, la priorité n’est pas de s’occuper des questions internes, mais je sais que cela m’a aidée à chaque fois lorsque, dans ma vie, j’étais engagée dans les pratiques professionnelles d’autres organisations. En fait, c’est en 1992, quand j’ai été invitée par une sorte de bourse aux États-Unis pour observer plusieurs organisations artistiques que j’ai compris au mieux qu’on peut faire les choses de manière différente. Je sais qu’en Europe, dans les années 1990, les jeunes managers avaient beaucoup d’opportu-nités de recevoir ce genre de bourses, participer à des workshops, faire des expériences et trouver leurs mentors, de l’inspiration, des exemples de bonnes pratiques. Il existe de moins en moins d’opportunités de ce genre. C’est vraiment dommage, surtout dans notre région de l’Europe, qui est encore loin de la réalité occidentale ».

« Chaque année le festival Excentrique se déroule dans une dizaine de lieux différents, dans des villages comme dans des quartiers de villes plus importantes en passant par des sites naturels et des monuments histo-riques. Il se déploie sur la Région Centre, qui a la taille de la Belgique. Le projet de ce Festival est de travailler sur chaque territoire avec des partenaires spécifiques, en s’adaptant à chaque fois à leur manière de travailler. Ces partenaires peuvent être des associations, des mairies de petites communes rurales, un monument historique, ou même des habi-tants. Ces étapes du Festival peuvent changer chaque année ou font l’ob-jet de partenariats étendus sur des durées plus longues allant de 1 à 4 ans. La programmation du Festival est pluridisciplinaire (performances, cinéma, musique, cirque, design culinaire...). Elle associe des projets qui se construisent sur le terrain en amont du festival, - souvent en impliquant des populations- et la présentation de productions plus classiques, dans des lieux non dédiés au spectacle.

Depuis 2009, l’organisation du Festival est intégrée à l’agence culturelle régionale, qui se nomme Culture O Centre. Cette structure prend en charge des missions d’animation des réseaux professionnels et la mise à disposition à tarif très abordable d’un parc de matériel scénique aux structures régionales. Nous sommes aujourd’hui 16 permanents au sein de l’équipe, à laquelle s’ajoutent des personnes en contrat à durée déterminée pour participer à la mise en œuvre du festival.

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Des fron-tières à re-définir entre production et médiation culturelle avec le terri-toire

Une jeune équipe lors de la création du festival

Comment être sur le terrain des projets parti-cipatifs sans délaisser les autres activités ?

Des trinômes d’action sur le territoire pour préser-ver des com-pétences spécialisées par métiers

Les partenaires avec lesquels nous travaillons sont plus ou moins structu-rés. Pour travailler avec eux, il faut pouvoir mobiliser des degrés très diffé-rents de compétences, parfois il faut simplement venir en appui, et dans d’autres cas, il faut porter l’ensemble du projet.

Par ailleurs, la spécificité des projets créés avec les habitants posait la question de la limite entre la production et la médiation culturelle. Par exemple, explorer un territoire pour trouver des lieux, des habitants ou des collectifs motivés pour participer à un projet mené par un artiste peut rele-ver à la fois de la production ou de la médiation. Au démarrage du festival, on a observé des frictions régulières entre les personnes en charge de ces deux aspects. Il a fallu traiter cette question. Nous avons aussi constaté une sur-sollicitation de la direction technique sur chaque territoire, avec en conséquence des difficultés à répondre à ces sollicitations.

De plus, lorsque nous avons créé le festival en 2006 et au départ, notre équipe était petite (6 personnes) et composée surtout de jeunes profes-sionnels pour lesquels le festival constituait l’une des premières vraies expériences professionnelles. Dès le départ, nous avions besoin de ren-forcer les compétences métiers de chacun pour faire face à des projets de plus en plus ambitieux.

Les projets participatifs sont des grands consommateurs de temps. Il nous fallait être sûr que ces projets n’absorbent pas tout le temps de travail dédié aux relations avec le public. Nous travaillons à chaque fois sur des territoires différents. Par définition, quand nous arrivons sur un territoire, personne ne nous connait. Il y a donc un travail conséquent de repérage, de liens à tisser, de diffusion d’information, de construction de fichier, etc. qui se fait aussi au bureau. Il était très important de valoriser cette partie du travail, de la rendre possible. »

« Pour faire face à ces différentes questions, nous avons décidé de créer une organisation avec des trinômes d’actions sur le territoire, composés d’un administrateur de production, d’un chargé des relations avec le public et d’un régisseur.Conserver un référent par métier dans chaque trinôme permet que cha-cun se développe et s’affirme à l’intérieur de son métier. Nous aurions pu introduire quelqu’un qui chapeaute plusieurs métiers, mais nous avions envie de garder un niveau de compétences pointues sur chaque domaine. Il nous semblait difficile de concilier cette ambition avec le fait de trouver des gens qui puissent embrasser plusieurs métiers.

Récit d’une pratique innovante

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Effets et transformations

Une orga-nisation du travail sur mesure pour chaque étape

La même équipe de A à Z avec un fort niveau de déléga-tion

La possibilité d’un travail en profon-deur des différents sujets

La confron-tation de points de vue, depuis des places différentes

L’élabo-ration de meilleures solutions

Il me semble que s’il y a une spécificité dans notre organisation de travail, c’est que nous nous posons à chaque fois la question de la meilleure orga-nisation en fonction du territoire, des partenaires, des questions spéci-fiques que pose ce projet-là. Si nous avons à nos côtés un partenaire avec de grandes compétences en production et en technique, alors il assure la production déléguée de l’évènement et nous assurons tout le travail d’action culturelle et de médiation. Souvent nous nous chargeons de la rédaction des conventions de partenariat, pour mettre sur le papier « qui fait quoi », cela me semble important de formaliser après avoir réfléchi ensemble.

Nous avons fait le choix de privilégier la notion d’accompagnement d’un projet de A à Z. Pour une étape du festival qui se passe à Blois par exemple, c’est la même équipe production-technique-médiation culturelle qui travaille du début à la fin sur ce projet. Ces équipes en trinôme ont un très fort niveau de délégation, tant sur le plan de la représentation du Festival auprès des partenaires par exemple, que sur le plan de la déléga-tion budgétaire. Elles sont beaucoup sur le terrain, et souvent ensemble. Ces déplacements prennent du temps, vu les distances sur le territoire, par exemple entre Orléans et Le Poinçonnet (153 kilomètres). »

« Du point de vue de l’organisation, il me semble que notre choix d’un trinôme associant différents métiers nous permet d’être précis sur les compétences, de bien approfondir tous les sujets, par exemple pour bien adapter les contrats aux spécificités de chaque situation ou pour prendre le temps de rencontrer les personnes dans le travail de relation avec le public.

Le fait de valoriser chaque « point de vue métier » crée aussi plus de débat au sein de l’équipe que si une seule personne gérait l’ensemble de façon plus polyvalente. Par exemple sur l’étape de Chateauneuf-sur-Loire, l’ad-ministratrice de production et la chargée des relations avec le public ont choisi, après débat, d’impliquer les écoles municipales à plusieurs niveaux dans notre projet de réalisation d’un manège : à partir de la rencontre avec l’artiste, il a pu être proposé : la création d’un bestiaire dessiné, l’intégration de celui-ci aux croquis d’ébauche du manège et sa prise en compte dans les choix définitifs de la maquette, et la valorisation des dessins dans le cadre d’une exposition présentée aux côtés du manège. Ce débat nous paraît très riche, il accroît la dimension de négociation entre les différents métiers. Et c’est une manière d’éprouver la possibilité de ce débat en interne car on sait qu’ensuite on sera plus solides et plus unis dans la mise en œuvre sur le terrain.

Cette nécessité de partager au sein du trinôme, d’examiner l’impact d’une décision selon différents points de vue peut certes prendre plus de temps mais nous paraît tendre vers les meilleures solutions à chaque fois. Si les

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Une solida- rité inter- métiers sur le terrain

Un déplace-ment du rôle des enca-drants

Des attribu-tions redéfi-nies chaque année

La nouveau-té à la fois inconfortable et stimulante

Une très grande im-plication de l’équipe

Partager le processus de réflexion

personnes n’arrivent pas à se mettre d’accord au sein du trinôme, alors ce point est traité en réunion de projet où sont présents les responsables de la technique, de la relation avec le public et de la production.

Cette constitution de trinômes sur le territoire permet aussi de créer une solidarité, de ne pas être seul dans la mise en œuvre quotidienne d’un projet qui se trouve à plus de 100 km du bureau. Au moment de la montée en charge des projets, cette organisation permet aussi de se répartir la présence terrain au sein du trinôme.

Les responsables de chaque pôle travaillent avec un grand niveau de délé-gation à leurs équipes, et doivent accepter cela. Cela déplace leur rôle, ils travaillent plutôt en appui de leurs équipes. Par exemple, ce sont sur-tout les équipes sur le terrain qui sont en relation avec les artistes et moi dans une moindre mesure bien que je sois responsable de la production. Il faut accepter de lâcher. L’organisation pousse beaucoup à l’autonomie et à l’échange. Le rôle des responsables d’équipe est déplacé, ils interviennent plus comme des garants, dans un rôle d’écoute, de conseil et in fine d’ar-bitrage quand cela est nécessaire.

Chaque année, les projets sont attribués à l’équipe en fonction de la pro-grammation. Il n’y a pas de spécialisation par discipline artistique ou par ter-ritoire géographique. Cela nous semble porteur d’une meilleure dynamique d’équipe. Il n’y a pas de prérogative figée pour les budgets par exemple. Cette redéfinition annuelle des attributions favorise les échanges au sein de l’équipe.

Plus généralement, notre projet et notre organisation créent chaque fois des situations nouvelles de travail pour l’équipe. Cela peut sembler incon-fortable pour certains, cela demande beaucoup d’énergie, mais cela peut aussi être très stimulant. Il y a peu de routine.

L’adhésion des personnes au projet et à l’organisation est essentielle. Cela permet une grande fluidité dans la manière de mettre en place les activités. »

« Ce qui me semble très important, c’est le processus de réflexion qui nous a conduit à bâtir cette organisation. Il a été mis en partage avec l’équipe et a porté sur le projet artistique et sur l’organisation du travail. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui notre organisation peut fonctionner avec ces dimensions partenariale et territoriale fortes. Cette valeur que j’accorde au proces-sus me semble en écho avec notre projet artistique où les questions de construction étape par étape du projet avec les artistes et les populations sont centrales. C’est selon moi une source d’adaptabilité de l’organisation. Plus elle est le fruit d’un processus et plus il est facile de l’adapter.

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Conseils pour s’en inspirerFaire des choix ensemble sur l’orga-nisation du travail

Mettre en place un protocole de réunions précis

Réfléchir avec l’équipe pour amé-liorer le Bien-être au travail

Il me semble qu’en fait plusieurs organisations du travail pourraient fonction-ner par rapport à notre projet artistique. Choisit-on par exemple une orga-nisation par projet ? Ou par métier ? (direction/ communication/ adminis-tration/ technique). Ce qui me paraît essentiel c’est que cette organisation fasse constamment l’objet de discussions avec les personnes concernées, que les choix soient débattus. Cet échange permet de reposer ensemble les rapports de travail entre les personnes, les outils nécessaires au travail collectif. Nous avons par exemple beaucoup partagé sur l’évolution dans le temps, sur le phasage du projet, « qui est mobilisé à quel moment sur un projet ? » Pour chacun c’est l’assurance de bien comprendre sa place et son rôle dans la construction du projet.

Cette organisation du travail qui renouvelle ses modalités en fonction des projets nécessite des ajustements constants entre les personnes de l’équipe. Elles doivent d’une part avoir envie de ce niveau d’échanges, et d’autre part être soutenues dans ce mouvement par une organisation des échanges bien formalisée. Nous avons mis en place différentes réunions de manière très précise. Par exemple, nous avons des réunions projets dont la composition évolue en fonction des différentes phases du projet. Elles réunissent systématiquement le trinôme production-médiation-tech-nique concerné par le projet, ainsi que les responsables de pôle de ces mêmes métiers. Les autres personnes de l’équipe, comme la chargée de communication ou l’attachée de production les rejoignent au fil de l’avan-cée du projet.

Pour pouvoir nous adapter à chaque situation, il nous semble néces-saire de réfléchir beaucoup sur le travail, sur qui fait quoi, quelles sont les compétences mises en œuvre, les moments d’échanges, les rythmes de montée en charge sur les projets... Nous avons souhaité travailler particu-lièrement ces aspects, car il nous paraît essentiel que les personnes de l’équipe aient le maximum de visibilité sur le contour de leur poste pour se sentir bien dans leur travail. Dans notre secteur, on observe souvent de la frustration, du mal-être lié à des organisations où ces points ne sont pas suffisamment traités. Des personnes qui imaginent que l’on attend cer-taines choses d’eux et s’aperçoivent ensuite qu’elles ne sont pas attendues sur ces sujets, ou des personnes qui se démènent beaucoup sur des pro-jets et qui ont peu de réponse de leur structure. J’ai été marquée par ces observations et j’ai envie qu’au sein de Culture O Centre, les raisons pour lesquelles les choses se passent de telle ou telle manière soient connues et énoncées clairement auprès des équipes. Ce qui ne signifie pas forcé-ment qu’il y ait adhésion systématique, mais au moins que cela soit clair. »

Page 37: Innovateurs du quotidien

Transformer son organi- sation dans un monde en mouvement

Dans cette partie, nous découvrons des initiatives qui cherchent à transformer radicalement les organisations dans lesquelles

elles naissent. Les initiateurs de ces pratiques sont porteurs de valeurs démocratiques et soucieux d’une participation plus large

de la société à la vie de leur organisation. Ils veulent réinventer les modalités selon lesquelles les projets culturels sont le plus souvent

conçus et mis en œuvre. Décisions de programmation, relations avec le public, conditions de mise en œuvre sont réexaminées

attentivement. Les relations entre artistes, public et équipes professionnelles s’en trouvent considérablement modifiées. Luc

Dewaele partage l’expérience menée au Vooruit sur le partage de la responsabilité de programmation, Devinda De Silva nous dévoile le

projet TEAM construit avec un groupe de citoyens au Pays de Galles et Grzegorz Reske nous parle de la transformation du centre culturel

de Lublin pour associer étroitement les artistes à la vie du lieu.

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Page 38: Innovateurs du quotidien

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« Nous devons rédiger un projet tous les quatre ans afin de recevoir des subventions structurelles, et cet exercice de planifier à long terme nous est utile, non seulement pour recevoir de l’argent, mais aussi pour notre organisation. Nous engageons des discussions avec l’équipe artistique et le reste de l’équipe, ainsi qu’avec des personnes extérieures. Nous discu-tons de ce que nous faisons en tant que centre d’art, et de ce que nous pouvons améliorer.

Par ailleurs lorsque nous avons lancé le projet «the green Vooruit», (Le Vooruit vert) qui vise à travailler de manière écologique à tout niveau, nous nous sommes rendus compte que nous étions entourés de personnes qui possé-daient un potentiel et des compétences qui ne se trouvaient pas forcément sur leur « carte de visite ». Elles développaient ces compétences davantage en dehors de leur travail qu’au Vooruit. Nous avons pensé qu’il était impor-tant qu’elles aient la possibilité de les développer au sein de nos activités. Pour elles, ça peut être une motivation en plus pour (continuer à) travailler ici.

C’est aussi lié au fait que l’organisation existe depuis environ trente ans, et que certaines personnes y travaillent depuis aussi longtemps. Même si l’équipe est grande (un équivalent de 85 employés à temps plein), on se rend compte qu’il n’y a pas beaucoup d’opportunités de se développer au sein d’une organisation artistique. Nous essayons d’observer d’autres organisations pour voir comment elles gèrent la question, comment elles essaient d’offrir plus de possibilités aux gens.

D’autre part, depuis quelques années, nous élargissons notre programme à des projets qui sont davantage liés à la ville et à la société en général. Nous rencontrons de plus en plus d’artistes qui s’y intéressent. Nous avions l’idée de créer des choses qui n’ont pas uniquement trait aux domaines artistiques.

Un dernier point important est le fait que nous investissons beaucoup en communication numérique et dans la numérisation de notre organisation. Nous savons que nous devons être davantage interactifs. Il y a vingt ans, lorsque vous invitiez un artiste, vous créiez une affiche pour l’annoncer. Aujourd’hui, vous organisez une discussion avec l’artiste et le public avant la représentation. Il faut adopter une autre attitude, et impliquer le dépar-tement de communication bien plus tôt. Ce n’est pas la même « chaîne hiérarchique » qu’auparavant.

Un proces-sus d’éva-luation et de projection tous les 4 ans

La décou-verte de compé-tences au sein de l’équipe

Une orga-nisation tren-tenaire

Des projets artistiques plus ou-verts sur la société

Notre orga-nisation à l’ère numé-rique

Réinventer la manière de

programmer dans un centre

d’art pour partager plus

largement cette responsabilité

Luc Dewaele, Directeur artistique et responsable du marketing

Vooruit, Gand, Belgique

Aux sources de cette initiative

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Quelle place pour un centre d’art dans la société ?

Une respon-sabilité plus partagée

La fusion des équipes de program-mation et de communica-tion en une « Rédaction », comme dans un journal

Une vision d’ensemble plus co-hérente et durable

Une de-mi-journée libérée et dédiée aux échanges et à la réflexion

Nous pensons que les centres d’art comme le nôtre doivent se différencier d’une manière ou d’une autre, étant donné qu’ils sont apparus en Belgique dans les années 1980 dans une sorte de mouvement contre les institutions cultu-relles de l’époque. Aujourd’hui, le contexte est différent et nous avons le sen-timent que nous devrions l’être aussi. Avec l’équipe, nous avons eu beaucoup de discussions sur les choses que nous souhaiterions voir se produire dans la société, principalement au niveau créatif et artistique, mais pas uniquement. En même temps, nous nous sommes demandés si nous n’étions pas en train de nous infliger trop de responsabilités, et si nous ne devrions pas plutôt nous en tenir strictement à être un « centre d’art », ou bien en redéfinir le concept.

« Au lieu d’élaborer un plan artistique, nous avons essayé de développer un plan plus large, un plan pour les personnes qui travaillent ici, et de les impliquer plus largement dans tout ce qui se passe. Ceci a mené à la créa-tion d’un plan intitulé « think/act/play/share » (pense/agis/joue/partage). Nous aimerions nous restructurer en tant qu’organisation, développer un programme commun, et impliquer l’équipe davantage. Le programme relève d’une responsabilité commune de la part de chacun, du point de vue management, artistique, de la communication, mais aussi de la part des personnes externes à l’organisation. Nous essayons donc de lancer plus un mouvement coopératif qu’un programme purement curatorial.

Nous avons fusionné nos équipes de programmation et de communication pour créer un «comité de rédaction», comme dans le milieu journalistique. Nous invitons aussi les personnes des autres équipes. Ce n’est pas tou-jours facile, parce qu’ils ont des emplois du temps chargés, mais on leur demande parfois de se joindre à nous. Il y a une réunion par mois avec l’ensemble de la rédaction. Nous avons aussi réorganisé les bureaux pour rassembler tous les membres de la rédaction.

L’idée principale est de s’assurer que tout est communiqué et discuté dès le début. Les gens s’impliquent davantage dans les thèmes et les pro-grammes qui sont présentés. Nous avons remarqué que, plus les collègues participent tôt à un projet, plus vous avez une vision soutenue de où vous allez avec votre programmation. Ce n’est pas le « système en cascade », où une programmation existe en amont, puis est déversée dans l’organisa-tion pour être mise en œuvre.

Une autre initiative consiste à réserver une demi-journée par semaine où les membres de l’équipe sont censés ne rien faire de fonctionnel, mais uniquement s’inspirer, partager des choses, parler aux collègues, regar-der des documentaires ensemble et inviter des artistes à discuter. Ceci a lieu le vendredi matin. Si vous souhaitez créer un projet sur le développe-ment durable, sur la société, sur la politique, vous obtenez une contribution beaucoup plus rapide de la part de tout le monde ».

Récit d’une pratique innovante

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Une plus grande réac-tivité

Une pro-grammation plus qualita-tive

Prendre du temps

Accepter les difficultés du changement, les erreurs, la part d’ombre

Évaluer ré-gulièrement le change-ment

« Ce projet a beaucoup changé notre façon de travailler. Je pourrais prendre l’exemple du projet «we strike back» (contre-attaque) : dans le contexte politique très spécifique de la Belgique, le nouveau gouverne-ment a proposé quelques mesures, et les syndicats ont organisé une grève nationale pour les refuser. Le vendredi matin suivant, de nombreux débats se sont tenus au sein de l’équipe du Vooruit sur la manière dont les médias géraient la situation et manquaient de nuances. Nous voulions dire qu’il fallait une autre appréhension que cette approche en noir et blanc. Une semaine plus tard, nous avions un programme ! Tout le monde était invité. C’était une invitation lancée au public pour venir au Vooruit et engager le débat, avoir des discussions plus longues, nuancer les propos, impliquer davantage de gens, et discuter du rôle des syndicats et des médias.

Nous avions 5 programmateurs pour la musique, le théâtre, la danse, etc. Chacun d’entre eux était responsable d’un domaine. Aujourd’hui, il y a tou-jours des responsabilités curatoriales, mais nous tentons de trouver un grand terrain commun pour tout ce que nous faisons. J’ai été moi-même programmateur et je sais que souvent, il faut avoir son idée entièrement élaborée avant de la passer à l’équipe de communication ou au reste de l’équipe. Aujourd’hui, ça ne fonctionne plus comme ça. Dans ce nouveau cadre, élaborer une idée jusqu’au bout peut prendre plus de temps, ainsi que convaincre les autres qu’il s’agit d’une bonne idée, mais c’est égale-ment une manière de vérifier si votre idée résiste aux critiques de vos col-lègues. Elle devrait s’en trouver améliorée ».

« Il faut du temps ! Vous ne pouvez pas forcer un tel changement en seu-lement trois mois. Cela dépend de la taille de votre entreprise. Il faut une perspective à long terme, et un plan auquel les gens sentent avoir contri-bué, comme le « act/think/play/share ».

Vous devez également être ouvert à ce que les choses se passent bien ou mal, pas uniquement pour ce type de changement, mais pour tout change-ment. Vous devez dire aux gens qu’il se peut que certaines choses peuvent mal se passer et vont mal se passer. Vous ne devez pas vous sentir mal si vous n’obtenez pas 100 % des résultats, parce que personne n’obtient jamais 100 %. Ce point est extrêmement important, parce qu’il me semble que nous travaillons dans un secteur où rien n’est jamais assez, parce que nous travaillons avec des artistes exigeants, parce que nous voulons offrir toujours plus au public, ou parce que l’on nous demande de justifier les raisons pour lesquelles l’on nous donne de l’argent public.

Pour un changement de cette envergure, nous avons mis en place un pro-cessus d’évaluation continue avec quelques personnes. Nous nous don-nons un an pour voir si nous gardons cette organisation en « comité de

Effets et transformations

Conseils pour s’en inspirer

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Être prêt à travailler à la décélération de l’organi-sation

Analyser finement les charges de travail

Transformer le style de l’encadre-ment

Un Théâtre national sans théâtre

rédaction » et nous nous donnons trois ans pour évaluer cette orientation en tant qu’organisation artistique.

Ce mouvement ne concerne pas uniquement l’organisation, mais est éga-lement un mode de vie que nous tentons d’intégrer. Nous ne pouvons ordonner au monde « Ralentissez ! » sans le refléter également dans notre organisation. Par exemple, certains ont fait un burn-out dans notre équipe et cela nous a fait beaucoup réfléchir.

L’un des problèmes rencontrés lorsqu’on essaie de mettre ça en œuvre est la grande charge de travail, qui est monnaie courante dans le sec-teur culturel ! Il faut diminuer un peu cette charge de travail, et laisser de l’espace pour penser et travailler sur un projet de cette manière. Nous ne pouvons pas agrandir l’équipe, et cherchons donc à diminuer les tâches quotidiennes, mais il n’y a pas de recette pour l’ensemble de l’organisation. Vous devez procéder à une analyse pour chaque personne. Et parfois, cela aide d’avoir moins d’événements. Au Vooruit, nous avons entre 400 à 500 événements par an, ce qui est énorme.

Un autre point consiste à donner aux membres de l’équipe davantage de liberté dans leur travail, parallèlement à une ligne directrice claire afin qu’ils soient conscients du fait que leur travail fait partie d’un tout. Les différents chefs d’équipe doivent adopter une attitude qui relève davantage du coa-ching que de l’encadrement. Ceci constitue également un changement important pour notre l’organisation ».

« Le National Theatre Wales (NTW) a été créé en 2008, mais notre projet est de n’avoir aucun bâtiment. Nous voulons rester flexibles afin de mettre à profit nos valeurs clés. Nous avons pour objectif d’être innovants, engagés et inter-nationaux. Nous produisons du théâtre en invitant des artistes internationaux à travailler ici, au Pays de Galles. La première année, nous avons organisé 12 représentations dans 12 endroits différents du Pays de Galles. Dès le début, notre projet visait à travailler d’une certaine manière avec les habitants du Pays de Galles. Aujourd’hui, le NTW comprend une équipe de 15 employés à temps plein et 3 à temps partiel ainsi qu’un bureau situé à Cardiff.

Des relations privilégiées avec un

groupe de citoyens & un faisceau

de réunions pour inventer des

projets différents à chaque fois

Devinda De Silva, Directeur des collaborations

National Theatre Wales, Cardiff, Pays de Galles, Royaume-Uni

Aux sources de cette initiative

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Un projet très ancré sur le terri-toire

Les relations au public, prérogative d’une seule équipe ?

Des relations privilégiées avec un groupe de citoyens, les TEAM members

La construc-tion d’oppor-tunités pour eux

Notre niveau d’engagement, en tant qu’organisation, est fort élevé. Il est essentiel à notre projet. Nous parcourons le Pays de Galles pour travailler sur nos productions et travaillons avec des communautés très différentes. Nous avons des représentations dans des boîtes de nuit, au sommet des montagnes, au théâtre, dans les villages... Nous avons également créé le programme Assembly, constitué d’une série de projets de création artis-tique bien spécifiques, sélectionnés de manière démocratique, et qui se tiennent partout en Pays de Galles. Nous nous efforçons d’inclure le plus de personnes possible dans notre travail.

Au Royaume-Uni, les organisations culturelles ont généralement un dépar-tement Éducation ou relation avec le public qui constitue le seul groupe de personnes au sein de l’organisation à avoir à faire au public. Une grande partie de leur travail n’est généralement pas liée au reste de l’organisation, est réalisée dans un délai déterminé qui ne permet pas d’engranger de bénéfices à long terme. Nous nous sommes demandé si nous pouvions organiser cela autrement ».

« Nous avons rassemblé un groupe de personnes qui voulaient nouer des rapports avec nous. Ils sont âgés de 16 à 80+, avec une majorité de jeunes (18-25). Ils peuvent être étudiants, travaillent ou sont sans emploi. Nous encourageons tout le monde à nous rejoindre. C’est un réseau de per-sonnes réparties dans tout le Pays de Galles, avec qui nous collaborons, qui nous soutiennent et sont les représentants du NTW au sein de leur communauté. Nous les appelons les membres TEAM, car nous sommes d’avis qu’ils font intégralement partie de nos activités. Nous ne faisons aucune différence entre eux et notre équipe administrative ou artistique. Ils prennent tous part à l’une de nos collaborations.

Nous nouons des rapports étroits avec eux, et leur offrons des oppor-tunités de développement. Il y a énormément d’opportunités pour les membres TEAM. Ils peuvent participer de manières très différentes. Nous les aidons à monter leurs propres projets créatifs et leur fournissons une formation pour leur développement personnel. Nous avons environ 200 membres TEAM. Nous offrons également des opportunités de placement professionnel, par exemple dans l’équipe de production pour une cer-taine période. Pour chacun de nos spectacles, nous mettons en place un stage d’observation. Les habitants viennent suivre les différents membres de l’équipe afin d’apprendre leurs compétences et de découvrir le travail dans ce milieu. On pourrait le comparer à un stage, mais de nombreuses personnes qui accèdent à notre programme n’ont jamais vraiment travaillé dans le théâtre auparavant.

Récit d’une pratique innovanteLe projet TEAM

Page 43: Innovateurs du quotidien

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Des freins levés dans l’accès aux métiers de la culture et des poten-tiels locaux révélés

Une réunion mensuelle pour par-tager ses idées

Une réunion d’équipe hebdoma-daire

Des réu-nions projets à 360°

Des conduites de réunions précises et distinctes pour chaque réunion

Pour décrocher un stage, il faut généralement posséder certaines com-pétences, ou de la confiance en soi et des connaissances. Il faut être capable de venir à un entretien et expliquer son parcours. Les membres TEAM avec lesquels nous travaillons n’auraient pas cette chance sans un peu de soutien.Ce que nous tentons de faire avec eux, c’est de former des responsables locaux. Ils montent souvent leurs propres projets et nous les soutenons dans l’organisation de leurs propres événements créatifs dans leur région. Nous les guidons. Ils peuvent contacter vraiment tout le monde à NTW, pas uniquement les artistes, mais aussi John, le Directeur artistique, moi-même ou encore le Directeur financier, etc. pour travailler avec eux ».

« En ce qui concerne notre organisation interne, nous avons tous les mois ce que nous appelons une « Ideas Meeting » (réunion d’idées). Chaque membre du personnel y assiste et donne son avis sur tout ce qu’il ou elle a vu. Nous adoptons une politique de « allez voir », et encourageons donc tout le monde à aller voir/lire/écouter autant d’œuvres qu’il peut, que ce soit en théâtre, en art, en musique ou en littérature. Lors de cette réunion mensuelle, nous rapportons sur tout ce que nous avons vu, et si quelque chose était particulièrement intéressant, nous nous renseignons davan-tage et invitons les personnes concernées. C’est une organisation très ouverte. Nous essayons aussi d’inviter les personnes externes au NTW à assister à ces réunions. Ceci inclut souvent les membres TEAM.

Nous avons une réunion d’équipe chaque semaine, la « réunion du mardi » : tout le monde dit ce qu’il a fait dernièrement et ce qu’il a à faire les pro-chaines semaines.

Nous avons aussi des « réunions 360 ° » pour chaque projet : avant de commencer une production, nous nous réunissons et exprimons ce que nous attendons du spectacle. Et quand le projet est fini, nous revenons sur la réunion et observons ce que nous avons bien fait, ce que nous pensons avoir mal fait, et comment ça s’est passé. C’est un moyen pour nous aider à apprendre ensemble de notre propre expérience.

Ces différentes réunions sont menées par différentes personnes au sein de l’organisation. John, le Directeur artistique, dirige les réunions d’idées, et Lucy, notre productrice exécutive, dirige les réunions 360 °. Nous avons des réunions individuelles avec notre manager, et, bien sûr, les différents « départements » ont leurs propres réunions, comme par exemple le per-sonnel de communication qui doit discuter d’un spectacle en particulier. Puis, il se peut qu’ils m’invitent pour voir si on peut inclure les membres TEAM dans tel projet.

Des réunions pour inventer des projets différents à chaque fois

Page 44: Innovateurs du quotidien

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Le mur des idées

La néces-sité de ces moments d’échanges

Le projet TEAM au cœur de l’or-ganisation

Les réti-cences initiales de l’équipe pro-fessionnelle

Une inté-gration dans chaque fiche de poste

Une res-source pour connaître le territoire

Nous avons un mur sur lequel nous partageons des idées, des demandes de contributions à un projet pour nos collègues, etc. Par exemple, quelqu’un voudra organiser une réunion spéciale sur le projet qu’il mène pour recevoir un feedback et l’évaluer ; un autre demandera une contribution à un projet de camp d’été pour les artistes émergents dont il s’occupe...

Bien sûr, on se dit parfois que toutes ces réunions exigent beaucoup de travail, sans compter devoir se rendre dans plusieurs régions du Pays de Galles pour rencontrer les gens. En fait, je trouve ça vraiment utile de savoir ce qui se passe, parce que nous suivons tous notre projet. Je voyage par-tout au Pays de Galles pour m’occuper des TEAM, et il est très important que les autres sachent où j’en suis ! »

« Je pense que le projet TEAM change fondamentalement la manière dont chacun travaille ici au NTW. Les personnes qui participent au TEAM jouent un rôle majeur dans le développement du NTW, et travaillent aujourd’hui avec nous sur tous les aspects de l’organisation. Nous avons décidé de faire du TEAM une valeur fondamentale de l’organisation, ce qui signifie que chacun a un rôle à y jouer.

Au début, lorsque nous avons partagé notre vision du projet TEAM, en déclarant qu’il deviendrait une valeur fondamentale du projet, que tout le monde y contribuerait et que nous adapterions les descriptions des postes, il y avait peut-être une certaine appréhension. Les membres de l’équipe se sentaient déjà assez occupés comme ça. Mais je me suis assis avec chacun d’entre eux en leur expliquant : « Écoute, je ne veux rien t’imposer, voyons ensemble comment tu peux y contribuer ».

À présent, la description de nos tâches inclut les responsabilités de cha-cun par rapport au projet TEAM. Par exemple, notre directeur de produc-tion ne s’occupera pas uniquement de la production ici, mais travaillera aussi avec la communauté sur le placement professionnel, ou pour faire des exposés ou des visites guidées de la scène.

Ce que les gens réalisent à présent, c’est que le TEAM peut être très utile. Par exemple, le directeur de production trouve souvent des ressources et des informations utiles auprès des membres TEAM, pour trouver un lieu spécifique ou dénicher la bonne personne qu’un artiste recherche pour un projet, et toutes les connaissances locales dont nous avons réellement besoin. En septembre, Constanza Macras réalise un projet dans le nord du Pays de Galles. Nous avons rencontré les membres TEAM qui travaillent là pour qu’ils nous aident, par exemple, à trouver une chorale avec laquelle elle désire travailler. Les membres TEAM sont les premières personnes que nous appelons lorsque nous avons besoin d’informations locales. Plus

Effets et transformations

Page 45: Innovateurs du quotidien

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Une res-source pour pourvoir aux besoins en matière d’emplois

Une res-source pour découvrir de nouveaux talents

Un effet décisif sur la diversité

Des jeunes Gallois parties pre-nantes

Passer de l’engage-ment à la collaboration

nous progressons, et nous recourons aux TEAM, plus le sentiment de « je n’ai pas le temps de faire ça » disparaît. La contribution des membres TEAM est beaucoup plus importante que le temps passé à s’occuper d’eux.

Un autre effet que le programme a sur notre organisation est le fait que de nombreux membres TEAM trouvent du travail au sein et en dehors du NTW. Nous sommes toujours ravis de les aider pour leur développement profes-sionnel. Par exemple, nous venons de passer une annonce pour une assis-tante TEAM. C’est une membre TEAM qui a travaillé avec nous pendant plus de deux ans et a développé des compétences qui lui permettent d’obtenir le poste et de devenir un membre du personnel. En fait, parmi les membres de notre équipe, 4-5 personnes viennent à l’origine du programme TEAM !

Un autre point, c’est qu’à travers le TEAM, nous découvrons certains talents, qui ne nous seraient autrement pas parvenus, certaines personnes n’auraient pas eu la confiance en eux ou l’expérience pour poser leur candidature à un poste ou proposer un projet. Par exemple, nous avons rencontré un groupe de jeunes poètes somaliens qui ne se considéraient en aucun cas comme des poètes, ou des artistes. En travaillant avec eux à travers le TEAM, et puis l’Assembly, nous avons organisé une représentation de leur travail, et il s’avère que nous avons gagné le Gulbenkian Award avec une idée qui venait d’eux ! Ce sera l’une de nos productions en 2013.

En fait, le programme TEAM a eu un énorme impact sur la diversité des personnes avec qui nous travaillons, pas uniquement le personnel mais les personnes avec qui nous collaborons de manière générale. Le fait de travailler étroitement avec la communauté crée une atmosphère ouverte et accueillante. Comparé au reste du Pays de Galles, notre personnel est très diversifié. En termes d’appartenance ethnique et d’origines. Nous sommes basés au Pays de Galles, mais nous souhaitons acquérir une réputation internationale. La diversité au sein du personnel et de nos différentes col-laborations est vraiment importante pour nous.

Le programme TEAM a un impact sur la manière dont nous sommes per-çus en tant qu’organisation : accueillante, agréable, collaborative. Souvent, les gens nous disent qu’ils ne pensaient pas qu’une organisation nationale pouvait être comme cela. Nous observons le progrès de jeunes gens du Pays de Galles, et j’aime le fait qu’ils peuvent participer à nos activités et influencer notre manière de travailler ».

« D’un point de vue plus politique, le programme nous permet de faire progresser notre manière de travailler avec les habitants. Avec les artistes et le personnel créatif, on utilise le mot « collaborations », mais lorsqu’il s’agit du travail communautaire, on parle « d’engagement ». Nous voulons

Conseils pour s’en inspirer

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Page 46: Innovateurs du quotidien

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Accepter de rendre poreuses les barrières entre équipe/public/ar-tistes

Un bâtiment en complète transforma-tion

La situation difficile des artistes à Lublin

rompre avec ces expressions et parler de collaboration à chaque fois que nous lions une relation avec quelqu’un sur un projet. L’intitulé de mon poste devient Directeur des collaborations. En Grande-Bretagne, le mot « enga-gement » est éculé à cause de toutes les mesures des politiques cultu-relles qui encourageaient « l’engagement auprès des habitants ». Selon moi, cela implique une relation de pouvoir, d’assistance, et sonne condes-cendant. Nous devons progresser dans notre manière de travailler avec les habitants, et si nous continuons de recourir au terme d’engagement qui est présent depuis des années, personne ne comprendra que ce que nous faisons est différent.

Je pense que le modèle que nous essayons de construire avec le TEAM lève certaines barrières qui existent traditionnellement entre les membres du personnel, le public et les artistes. Alors que l’engagement traditionnel auprès des habitants signifie en fait souvent augmenter la fréquentation, je pense que le TEAM est une manière différente d’aborder la chose. Il s’agit de leur donner une véritable occasion d’influencer la manière dont l’organisation fonctionne. Nous allons mettre en place le panel TEAM pour que les membres puissent donner leur avis et orienter le projet TEAM. Nous offrons aux membres TEAM la possibilité d’avoir leur mot à dire dans l’organisation ».

« Nous sommes un centre culturel qui connaît un long processus de trans-formation progressive. Le bâtiment a énormément changé ces dernières années, et ce projet de transformation joue un rôle clé dans nos réflexions sur notre relation avec les artistes. La transformation est actuellement en cours et, en 2013, nous aurons un nouveau centre avec des lieux de répé-tition, des studios, une boîte noire et des chambres d’hôtes.Nous sommes aujourd’hui 50 personnes à travailler au centre, y compris celles qui travaillent pour les arts visuels.

Un autre point important du contexte est notre inquiétude par rapport à la situation des artistes dans notre ville. Bon nombre d’entre eux ont plusieurs emplois pour survivre. Et nous nous sommes demandés si nous pouvions faire quelque chose pour leur offrir une meilleure structure où travailler, une

Un compagnonnage entre des

artistes et l’équipe d’un théâtre pour

transformer le travail de chacun

Grzegorz Reske, Directeur du département Théâtre

Centre culturel de Lublin, Pologne

Aux sources de cette initiative

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Page 47: Innovateurs du quotidien

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Des relations régulières avec certains artistes

Le contexte de la candi-dature pour la capitale européenne de la culture

Une équipe avec une forte ancien-neté

Et si on créait une programma-tion artis-tique locale régulière ?

6 compa-gnies en compa-gnonnage artistique

structure qui leur permette de ne pas devoir cumuler des emplois pour survivre. Si nous pouvions leur fournir un espace et des outils sur des périodes plus longues, ils pourraient peut-être saisir cette opportunité pour non seulement réaliser leur travail de laboratoire, mais aussi organiser des ateliers lucratifs et augmenter leur revenu.

Pendant longtemps, le centre culturel a hébergé deux groupes artistiques. Ils étaient souvent en tournée, et n’étaient donc pas souvent dans le bâti-ment. Puis, d’autres artistes et groupes ont noué des rapports avec le centre, parce qu’ils revenaient à Lublin pour s’établir ou parce qu’ils avaient besoin d’un espace de répétition. Nous avons donc eu quatre groupes qui venaient régulièrement travailler au centre.

Tout ce processus s’est déroulé au moment où Lublin préparait sa candi-dature pour la capitale européenne de la culture - que nous n’avons pas gagnée. Mais, durant cette période, la culture dans notre ville a connu un essor, ce qui signifie que nous avons obtenu plus de financement, le tout en lien avec le nouveau bâtiment qui allait arriver.

Dans ce contexte, un autre point important était le fait que nous avions observé au sein de notre équipe le besoin d’acquérir une meilleure com-préhension du travail des artistes aujourd’hui : la signification des répé-titions ; combien une œuvre évolue au fil du temps ; pourquoi ces coûts sont nécessaires. La plupart des membres de l’équipe travaillent ici depuis longtemps. Et l’histoire de notre organisation remonte à l’ère communiste, lorsque la Maison de la culture était dédiée au mouvement amateur. Même si notre organisation est devenue le centre culturel de Lublin en 1991, et adopte une orientation différente, il reste des traces de cette histoire au sein de l’équipe.

Nous nous sommes mis à penser que si le centre accueillait quatre groupes différents, il y aurait une bonne chance qu’au moins un d’entre eux soit en ville à chaque moment, ce qui signifiait que nous pouvions réfléchir avec quelques mois d’avance en terme de répertoire. C’est comme ça que tout a commencé. Nous avons appelé ce programme le Théâtre central ».

« Ce programme de Théâtre central (Teatr Centralny) est un programme d’accueil de groupes artistiques. Notre centre culturel accueille six groupes artistiques indépendants en théâtre et en danse. Ceci signifie qu’ils reçoivent des espaces de répétition pour leur travail, un finance-ment pour leur production, et un soutien sur le travail de production, qu’ils peuvent organiser au moins dix représentations par an à Lublin, et que certains de leurs membres sont employés à temps plein par notre centre (dans certains cas, le directeur artistique, dans d’autres, uniquement les acteurs, dans un autre cas, le chargé de production...).

Récit d’une pratique innovante

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Page 48: Innovateurs du quotidien

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Des pro-positions théâtrales chaque semaine

Une évolu-tion de la relation avec les specta-teurs

La structu-ration d’une équipe tech-nique pro-fessionnelle de qualité

Un levier économique

La profes-sionnalisation de la commu-nauté artis-tique locale

La possibilité de jouer ré-gulièrement devant un large public

Moins de travail admi-nistratif

Ce cadre nous permet d’offrir à notre public au moins trois représentations par semaine, et ce dernier sait qu’il peut voir une représentation du pro-gramme Théâtre central chaque semaine.Dans une deuxième phase, nous avons réfléchi aux liens entre les groupes, afin de coordonner leurs planifications artistiques et dresser un plan annuel pour Lublin, de sorte que les premières ne se déroulent pas à la même période, par exemple. À travers ce programme, nous avons pu structurer l’élargissement de notre public et, à mon sens, c’est un élément clé ».

« Avec le nouveau bâtiment, nous voulons passer du statut de maison de production et lieu de représentations à quelque chose qui pourrait être une véritable « Maison des arts », un endroit où passer du temps, venir régu-lièrement et découvrir des pièces et des artistes. Au lieu d’organiser des événements et d’attirer un public pour chaque événement en particulier, nous aimerions créer un public qui reste aux côtés de l’organisation, un public qui souhaite explorer ce que nous offrons.

Cette initiative de Théâtre central nous permet de maintenir notre équipe technique en bonne condition. Ils ont du travail toute l’année. Cela signi-fie, d’une part, qu’ils peuvent vivre de leur travail et, d’autre part, que nous disposons de gens qualifiés quand nous en avons besoin. Nous travaillons encore à la répartition de leur travail sur l’année.

Un autre point est celui d’ordre économique. En rassemblant les besoins de ces groupes, nous avons pu diminuer les coûts, tels les coûts de communica-tion et d’impression. En outre, lorsque nous donnons de l’argent aux artistes pour leur production, nous leur demandons d’obtenir au moins la moitié du financement auprès d’autres partenaires. Nous les aidons à le faire. C’est une règle, afin que l’argent provienne d’au moins deux sources différentes.

Quand le nouveau bâtiment sera fini, nous serons en mesure de montrer des projets artistiques « in progress », ce qui est également très important pour le développement de la communauté artistique ici, à Lublin.

Tous les artistes qui prennent part à ce programme viennent de mouve-ments vraiment indépendants. Au début de notre rencontre, ils ont peut-être pensé que notre cadre limiterait leur liberté, alors même qu’ils luttaient à l’époque pour trouver un public. Aujourd’hui, ils comprennent qu’il s’agit vraiment d’un moyen de présenter leur travail sur place face à un vrai public.

Ils ont également pu voir qu’ils pouvaient libérer leur esprit d’une grande part des tâches administratives et de communication. Et ils sont rassurés de savoir qu’ils ont toujours le contrôle sur la partie artistique et sur la manière dont leur travail est présenté.

Effets et transformations

Page 49: Innovateurs du quotidien

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Un espace d’échanges sur le travail de création

Une évo-lution du regard de l’équipe sur les œuvres contempo-raines

La construc-tion d’une nouvelle identité pour notre centre

Expliquer clairement les choix de programma-tion

Lorsque le bâtiment sera fini, nous devrions également disposer d’un espace vraiment créatif, pas uniquement pour travailler sur les productions, mais aussi pour discuter et s’inspirer. Je peux déjà observer que l’influence créative des uns sur les autres stimule le travail. Ces dernières années, les groupes de Lublin ont reçu de nombreux prix nationaux du théâtre polonais.

Pour notre propre équipe, accueillir des artistes est vraiment crucial. J’ai remarqué que tous les « non-artistes » font preuve d’un plus grand inté-rêt pour les productions qui sont réalisées chez nous. Ils veulent voir les représentations, ils apprécient davantage les pièces très contemporaines, et ils n’hésitent pas à poser des questions aux interprètes. Ceci doit être remis dans son contexte : nous vivons toujours dans un pays catholique traditionnel ! Ce changement ne touche pas uniquement les personnes qui travaillent avec nous, mais également leurs amis et leurs familles, qui les accompagnent aux représentations.

Je pense que cette manière de travailler avec les artistes nous aide beau-coup à transformer l’organisation. Cette transformation vise également à redéfinir l’identité de notre projet, et à l’orienter davantage du côté artis-tique. Nous sommes actuellement en train de discuter du nouveau nom que nous donnerons au bâtiment, pour que tout le monde comprenne clai-rement que nous adoptons une nouvelle orientation ».

« Nous essayons d’expliquer à toute l’équipe pourquoi tel spectacle est représenté, et de lui faire part du programme artistique. Dans notre future organisation, par exemple, le comptable participera à toutes les réunions artistiques. Nous tentons d’améliorer la compréhension mutuelle des diffé-rentes tâches accomplies au sein de l’équipe, par exemple entre la comp-tabilité et les artistes ».

Conseils pour s’en inspirer

Page 50: Innovateurs du quotidien

Enrichir son équipe par la diversité

Cette question est illustrée par le témoignage de Maarten Bresseleers, le coordinateur du Sociaal Fonds voor de

Podiumkunsten que nous avons déjà croisé pour son initiative de « learning network » (page 21). La diversité des équipes est- elle

une responsabilité politique pour les organisations culturelles ? Les valeurs qu’elles défendent dans leurs projets artistiques devraient-

elles les conduire à refléter l’ensemble de la société au sein de leurs équipes ? Maarten Bresseleers nous décrit la base de données des opportunités d’emplois qu’il a mise en œuvre en Flandre pour aider

les employeurs du secteur à élargir leurs recrutements. Aux côtés de cette vision politique, nous pouvons aussi regarder la question de la diversité au sein des équipes du secteur d’un autre point de

vue : considérer la diversité comme un vivier de talents. C’est cette facette que Devinda De Silva du National Theater of Wales a

exploré dans son entretien à propos du projet TEAM (page 41).

50

Page 51: Innovateurs du quotidien

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Une sous-re-présentation de certains groupes de la société

La diversité, une priorité du précé-dent Minis-tère de la Culture

Une atten-tion portée à 3 groupes différents de population

Notre sec-teur reflète-t-il le marché du travail dans son ensemble ?

Une base de données des opportunités d’emplois

« Le ministère du Travail a remarqué que les immigrés ou les gens d’origine étrangère sont généralement sous-représentés sur le marché du travail en Flandre. Il faut que ça change. En Flandre, nous avons de grandes com-munautés originaires du Maroc, de Turquie, des pays de l’Europe de l’Est, d’Afrique... Le ministère du Travail s’est donné pour priorité d’intégrer ces groupes dans le marché du travail. Le ministère du Travail a tenté de mettre plusieurs initiatives en place pour contrer cette tendance. Ils en font un point philosophique, et non une question de nationalité, en employant le terme de « minorité ethnoculturelle ».

Dans notre secteur, le précédent ministère de la Culture avait aussi pour priorité d’inclure des individus issus de ces groupes dans les conseils d’organisations culturelles afin de leur offrir d’autres opportunités. Il n’est pas uniquement question de ressources humaines, mais également de ce qui est montré sur scène, et que ces personnes fassent partie du public. Aujourd’hui, le secteur est plus sensibilisé à cette question.

Au Fonds, nous travaillons sur la question de la diversité au sein des équipes de travail dans le secteur en Flandre. Nous travaillons sur différentes popula-tions : les individus d’origine étrangère, les personnes en situation de handicap et les plus de 50 ans. Dans le marché du travail en Flandre, seules 4 sur 10 des personnes de plus de 50 ans sont encore actives, et c’est trop peu. Nous essayons d’inciter ces groupes à considérer une carrière dans notre secteur.

Je pense que la question clé est la suivante : «Notre secteur reflète-t-il le marché du travail dans son ensemble ?» Cette question peut être perti-nente à différentes niveaux : le pays, la ville ou la zone, d’autant plus que les organisations culturelles sont généralement basées dans des zones à grande diversité ».

« Nous essayons de changer les choses au niveau du secteur dans son ensemble. Nous avons élaboré notre propre base de données d’offres d’emploi dans le secteur, parce que nous voulons en connaître davantage sur le marché du travail dans notre secteur (quels genres d’offres d’emploi sont disponibles, combien, et pour quels postes il est difficile de trouver un candidat). Nous envoyons chaque semaine à 6 000 personnes un bulletin d’information contenant des offres d’emplois.

Une base de données des

opportunités d’emploi

pour élargir les recrutements.

Maarten Bresseleers, coordinateur

Sociaal Fonds voor de Podiumkunsten, Bruxelles, Belgique

Aux sources de cette initiative

Récit d’une pratique innovante

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Page 52: Innovateurs du quotidien

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Le recrute-ment, porte d’entrée dans le sec-teur

Des initia-tives encore peu dévelop-pées dans le secteur

Identifier des relais spécifiques de commu-nication pour atteindre certains publics

Rédiger des offres d’em-plois qui évitent le jar-gon et soient accessible à tous

Formuler des exigences justes pour chaque poste à pourvoir

Dans chaque organisation, les gens se demandent parfois s’ils pourraient faire quelque chose. En tant qu’employeur, je pense qu’il est vraiment important de vérifier que vos recrutements ne contiennent aucun obstacle qui pourrait discriminer. Par exemple, les personnes issues de ces groupes ne sont généralement pas au courant qu’il existe des offres d’emploi dans le secteur, parce qu’elles sont communiquées sur des sites Internet très spécifiques ».

« Aujourd’hui, en Flandre, seules quelques organisations se préoccupent réellement de la question, même si d’autres ont également des mesures d’encouragement visant à élaborer ce qu’ils appellent un « plan pour la diversité ». Nous en sommes encore loin ! »

« Nous proposons à chaque employeur qui publie une annonce dans notre bulletin de la faire également circuler par les voies habituelles et de l’envoyer aux organisations spécifiques afin de toucher ces différents groupes, les immigrés, les personnes en situation de handicap, et les plus de 50 ans.

Nous nous consacrons beaucoup au recrutement, car c’est « la porte d’en-trée ». Nous travaillons sur les annonces, les descriptions de postes avec des questions simples : la description du poste est-elle compréhensible pour tout le monde ? Contient-elle trop de mots spécifiques ?

De manière plus générale, nous attirons l’attention des employeurs sur la question « N’en attendons-nous pas trop ? Ne mettons-nous pas le niveau trop haut ? Plus haut que ce qu’il ne faut ? » Il y a un bon nombre de candidats pour chaque offre d’emploi parce que le secteur est très atti-rant de manière générale. Les employeurs n’ont pas besoin de s’efforcer à toucher ces groupes en particulier ; ils ont beaucoup de candidats. Nous observons une tendance aux « surdiplômés » : bon nombre de personnes doivent être surqualifiées pour pénétrer dans le secteur. En fait, la diversité demande plus de travail !

Effets et transformations

Conseils pour s’en inspirer

Page 53: Innovateurs du quotidien

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S’unir pour agir

Avec ce dernier thème, nous présentons trois initiatives de regroupements portées par des opérateurs culturels. Mettre

en commun des ressources financières ou des compétences professionnelles sont les leviers qui permettent à ces pratiques de

se développer. Sarah de Heusch et Alain Garlan nous présentent le fonds de garantie créé au sein de Smart, tandis qu’Isabelle

Mérand relate l’expérience menée par les Gesticulteurs en pays de Redon en matière de partage d’emploi. Monika Klengel

témoigne de son côté de l’aventure de la compagnie indépendante autrichienne Theater Im Bahnhof qui a depuis 12 ans une politique

de salaires fixes. A travers ces témoignages, nous percevons souvent le souci de répondre au besoin fondamental de sécurité

des personnes au travail, mais aussi l’envie de se déployer autrement. L’union fait la force, en voici trois illustrations.

Page 54: Innovateurs du quotidien

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Une activité de pres-tations de services administra-tifs pour les artistes

Comment mieux combattre la précarité des artistes ?

La mise en place d’un fonds de garantie

« En 1998, en Belgique, un producteur de spectacles et un ingénieur informatique se lancent dans une nouvelle activité : rendre des services administratifs à des artistes. Progressivement, ils ont de plus en plus de demandes. Assez vite, ils s’aperçoivent que l’économie du spectacle dans laquelle leurs clients travaillent – musiciens, comédiens de théâtre de rue, circassiens – ne leur permet pas de payer le prix réel des prestations d’ad-ministration. Compte tenu du besoin de ces prestations, ils ont l’idée de développer un système qui soit le plus automatisé possible – donc le moins coûteux pour les artistes. Pour abriter cette activité, ils créent la structure SMart, qui signifie Société Mutuelle d’Artistes.Aujourd’hui, SMart en Belgique c’est 45 000 membres, c’est à dire des artistes et professionnels de la création (techniciens, intermédiaires, plasti-ciens,...) qui utilisent les services de la mutuelle et 150 personnes employées, correspondant à 130 équivalent temps plein (ETP). SMart leur propose de prendre en charge l’administration de leur activité, c’est à dire la contractua-lisation, les déclarations sociales liées au travail effectué, et la facturation auprès des clients de ces professionnels. Les professionnels sont sûrs que leur travail est dûment déclaré, qu’ils sont à jour de leurs cotisations sociales, que leur facturation est bien faite et sont débarrassés de la paperasse. SMart assume le risque d’employeur pour chaque contrat. Le coût de la prestation est de 6,5% à chaque contrat/facture établi(e) pour un client.

La création de SMart est fortement liée au constat de la précarité des artistes en Belgique. Ils ont des conditions professionnelles précaires et se regrouper est une réponse à ces conditions. Mutualiser les rend plus forts. Cette réflexion s’inscrit dans le droit fil de l’histoire mutualiste, qui a une forte tradition dans le domaine de la santé, des banques, mais pas dans le secteur culturel. Aujourd’hui, les constats sur la précarité des artistes et le besoin d’outils pour légaliser le travail sont largement répandus en Europe et SMart se développe en France, au Royaume-Uni, en Suède, en Pologne, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, en Espagne et en Italie. »

« Au delà de cet outil commun d’administration et de gestion, ce qui a été développé, c’est la mutualisation des risques. Sur les factures qui sont faites à chaque client, une somme est prélevée (2%) qui est consacrée à un fonds de garantie. Pour chaque contrat/ facture établie, 6,5 % vont à Smart, dont 4,5% pour couvrir le coût de la prestation elle-même et 2% pour le fonds de garantie.

Un fonds de garantie

pour protéger

ses membres

Sarah de Heusch et Alain Garlan, chargés du développement international

Smart, Bruxelles, Belgique

Aux sources de cette initiative

Récit d’une pratique innovante

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Page 55: Innovateurs du quotidien

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La garantie d’être payé, et dans un délai court

Le déve-loppement de services adaptés à cette population aux revenus variables

Des ga-ranties qui rassurent

Une voie de profession-nalisation

Un réseau

Des inter-locuteurs à l’écoute

Ce fonds sert à gérer les risques de manière commune à tous les membres. A partir du moment où SMart choisit de gérer un projet, les professionnels sont sûrs d’être payés et sans délai, grâce à ce fonds de garantie qui sert à financer les impayés. Par exemple, si un bar qui fait appel à un groupe pour une soirée ne paye pas le cachet, les artistes seront payés via ce fonds de garantie. C’est ensuite le problème de SMart de récupérer l’argent.

Avec l’argent de ce fonds, nous avons décidé de développer de nou-veaux services. Un service de leasing a été créé, qui permet aux artistes d’acquérir les outils dont ils ont besoin pour travailler, un instrument de musique ou un ordinateur par exemple, alors que leurs revenus variables rendent leur accès au crédit difficile. Nous avons aussi mis en place une assurance, non seulement pour leurs activités professionnelles, mais aussi pour leur vie privée. Cette assurance est valable un an à partir du premier contrat réalisé avec SMart et se renouvelle au fur et à mesure des contrats. A travers ces différents bénéfices, nous contribuons à donner davantage de sécurité aux artistes dans l’exercice de leur métier. »

« Pour les membres, l’assurance d’être payé de leur prestation dans les sept jours est un avantage très important. Ils ont également l’assurance que tout ce qu’ils font est légal. Cet aspect est très rassurant pour les artistes qui savent qu’ils ne se trompent pas dans leur paperasse. C’est d’autant plus important s’ils sont multi-activités et que leur situation est plus complexe. Ils bénéficient d’un accès facilité à tous les documents, formulaires dont ils ont besoin. Tout est centralisé au même endroit.

Ce que nous recevons aussi beaucoup comme écho, c’est que quand les jeunes artistes sortent des écoles d’art, ils ont appris un métier d’art, une compétence, une technique artistique, mais ils ne sont pas du tout pré-parés à la vie professionnelle et d’une certaine manière, utiliser les outils SMart leur permet de se professionnaliser, de pouvoir créer leur propre budget, de comprendre l’importance de rémunérer les personnes dans l’équipe, de comprendre quelles sont les dépenses pour lesquelles ils peuvent demander une prise en charge par leur client.

Les membres communiquent beaucoup à travers un forum d’échanges d’expériences et de promotion de leurs activités. Ce mode de communica-tion fonctionne très bien.

Un autre point est le fait d’avoir des interlocuteurs qui connaissent bien le secteur : ces dernières années, de nombreux changements ont eu lieu en Belgique sur la situation des artistes. Nous accompagnons nos membres dans leurs démarches auprès des administrations. Dans certains cas, nous les avons même soutenu dans des requêtes auprès des tribunaux, avec

Effets et transformations

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Atteindre une taille critique

Prendre part aux déci-sions

Inscrire sa démarche dans l’économie sociale et solidaire

La culture au cœur du dé-veloppement local : les Articulteurs

Un projet soutenu par le programme européen EQUAL

l’objectif de faire jurisprudence. Par notre visibilité, nous sommes en discus-sion avec les autorités, la Ministre de l’emploi, l’Office National de l’EMploi (ONEM), les syndicats. Nous jouons un rôle de lobby sur ces questions. »

« Pour être en capacité de mutualiser du risque, il faut avoir des moyens assez importants, il faut avoir les « épaules solides ». Ce qui confère cette capacité à SMart, c’est sa taille critique. Le prix de revient peu cher des services, obtenu par une informatisation poussée, permet d’ajouter une somme qui est mise dans une caisse mutualisée -le fonds de garantie- tout en restant abordable pour un grand nombre de personnes.

Pour qu’un système mutualiste se développe bien, il faut également une gouvernance démocratique, c’est à dire que la mutuelle soit gérée par ses membres, qu’ils prennent part aux assemblées, au choix des dirigeants.

Il semble également fondamental que les bénéfices de l’activité soient réin-jectés dans le système, donc d’inscrire ce type de démarche dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Il nous semble que le fonctionnement mutualiste inscrit au cœur de l’économie sociale est un modèle qui a été peu utilisé dans le secteur culturel, avec peu de mise en commun réelle, organisée, formalisée des actions alors qu’on parle souvent de collectifs artistiques, de collectifs de travail. Dans le fond, la profession est restée très atomisée, très individualisée. SMart n’est pas le seul exemple d’un fonction-nement mutualiste. Il nous semble que l’économie sociale et solidaire peut nous aider à trouver des solutions totalement conformes à notre éthique. »

« En Bretagne, dans le Pays de Redon et Vilaine, des associations, des artistes, des représentants des élus, des habitants, associés à des experts, se mobi-lisent autour d’un programme d’initiative communautaire EQUAL en plaçant la culture au cœur du développement local : ce sont les « Articulteurs ».

Au travers d’une démarche de coopération, les Articulteurs souhaitent démontrer que la culture est facteur de lien social, favorise l’épanouis-sement des individus au travers des émotions qu’elle véhicule et assure leur bien être, contribue au développement économique par la création

Conseils pour s’en inspirer

Une structure créée

à plusieurs pour devenir

employeurs ensemble

Isabelle Mérand, coordinatrice

Groupement d’Employeurs les Gesticulteurs, Redon, France

Aux sources de cette initiative

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Une réflexion sur l’emploi culturel local

Et si on partageait un emploi ?

La naissance d’un groupe-ment d’em-ployeurs, les Gesticul-teurs

La mise à disposition de main d’œuvre, via une conven-tion

La création de postes partagés

d’emplois, de richesses. Tels sont les objectifs posés pour le programme EQUAL qui s’étend sur 4 années, de 2004 à fin 2008, et s’organise en trois actions : structuration d’une démarche de coopération autour d’un projet partagé, la mise en œuvre d’actions expérimentales et le transfert et diffusion de méthodes, de compétences et d’outils valorisables auprès d’autres structures et territoires.

Dans ce cadre, les Articulteurs réfléchissent depuis un moment à la ques-tion de l’emploi dans le domaine culturel. La plupart des structures (notam-ment les compagnies) ont en effet des besoins en matière d’emploi, mais rarement les moyens financiers ou des besoins suffisants pour recruter à temps plein. De nombreuses compagnies ont alors recours à l’intermittence du spectacle. [système français d’indemnisation au chômage spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle vivant et le l’audiovisuel].

Pour les Articulteurs, l’emploi partagé devenait la solution évidente pour pouvoir créer des emplois permanents dans le domaine culturel. »

« A l’issue d’une étude, un réseau de partenaires et des besoins ont été identifiés en diffusion et en administration. Les compagnies réunies dans cette démarche de réflexion ont ensuite décidé de créer un groupement d’employeurs, structure juridique qui permet la mutualisation des ressources humaines. Les « Gesticulteurs » : groupement d’employeurs du spectacle et des artisans de la culture a donc vu le jour début 2008. Le groupement d’employeurs est une structure juridique permettant à des employeurs de se regrouper pour employer en commun un ou plusieurs salariés. Le but exclu-sif d’un groupement d’employeurs est la création d’emplois pérennes dans des secteurs tels que celui de la culture où l’emploi est précaire, les besoins correspondant souvent à des temps partiels ou des emplois ponctuels.

Le principe est la mise à disposition de salariés par le groupement d’em-ployeurs dans les structures adhérentes. Une convention de mise à dis-position est signée entre le groupement d’employeurs et les structures qui souhaitent partager un emploi. Celles-ci s’entendent avec le groupe-ment d’employeurs sur le profil de poste, la répartition des horaires et des tâches, en fonction des besoins de chacune. Les structures adhérentes règlent ensuite une facture au groupement en fonction des heures travail-lées par le salarié au sein de leur structure.

Au départ des Gesticulteurs, trois structures se sont lancées dans l’aven-ture, deux compagnies et un bureau de production, pour créer d’abord un poste en administration. Il y avait alors beaucoup de demandes en diffusion. Mais créer un poste partagé en diffusion nous semblait soulever d’autres questions, il nous semblait que les attentes des compagnies étaient très

Récit d’une pratique innovante

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Un réseau d’échanges privilégiés

Un fort en-gagement de la part des membres du groupement

Des valeurs en action

Un emploi stable et à temps com-plet pour les salariés

Une struc-turation qui développe la profession-nalisation

différentes, que des problèmes de concurrence, de rivalité entre compa-gnies se posaient. Nous avons mis en place une réflexion collective pour que chaque compagnie puisse préciser ses attentes et que le groupe puisse se projeter dans un fonctionnement commun autour d’un poste par-tagé sur la diffusion. Au terme de ce processus, nous avons recruté une personne sur un poste de production- diffusion en 2011.

Aujourd’hui, le groupement compte 8 adhérents, dont six compagnies travaillant dans différents domaines artistiques (théâtre, danse, musique), tous situés dans le Pays de Redon. Les deux autres structures sont l’AD-DAV 56, structure départementale pour le développement des Arts Vivants et un bureau de production. Certaines de ces structures partagent tous leurs emplois, d’autres en ont conservé certains « en direct », par exemple en diffusion, suite à la réflexion partagée. Le groupement réunit donc un faisceau de directeurs artistiques, chargés de production, chargés de diffusion, administrateurs, techniciens, qui fonctionne comme un réseau d’échanges privilégiés.

Contrairement à un prestataire de services, la particularité du groupement d’employeurs est aussi de mutualiser en partie les risques. Il est écrit dans les statuts : « Les membres du groupement sont solidairement respon-sables de ses dettes à l’égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires. » Cela signifie que lorsque qu’un des membres se trouve en difficulté, tous les membres du groupement travaillent en coo-pération pour aider la structure à sortir au mieux de ses difficultés, ce qui implique un fort engagement de la part des structures.

Ce que l’on ne peut pas faire tout seul est possible à plusieurs à condition que chaque structure s’engage à mobiliser des ressources propres en vue de pérenniser l’emploi mutualisé. Mutualisation, écoute et solidarité sont nos valeurs fondamentales. Chaque adhérent doit les partager. »

« Du côté des salariés, le groupement d’employeurs permet d’avoir accès à un emploi stable et à temps complet, dans un cadre de travail sécurisant. La mise en place de la coordination permet d’atténuer la difficulté d’avoir à travailler pour plusieurs employeurs, et d’avoir des espaces pour parler des difficultés et construire des solutions.

Ce cadre structuré permet de développer la professionnalisation des per-sonnes, aiguisée par un travail mené au service de projets différents qui permet la réflexivité. La communauté de travail créée par le groupement est une grande richesse pour le travail des salariés. Mais ce type de poste est exigeant et demande une grande rigueur dans le travail.

Effets et transformations

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Une pro-fessionna-lisation des directeurs artistiques

Une évo-lution du travail de chacun au service des projets

Adhérer à l’esprit de la mutualisation

Expliquer clairement les engage-ments

Structurer l’organi-sation du travail

Créer une fonction de coordination du travail

Du côté des employeurs, les effets sont l’accès à un salarié compétent avec un emploi stable, la possibilité d’être accompagné dans ce nouveau rôle d’employeur et de bénéficier des méthodologies et outils mis en place au sein du groupement. Les réflexions autour de la mise en place des postes et les discussions régulières au sein du groupement permettent aux directeurs artistiques de se professionnaliser dans la conception et la mise en œuvre de leurs projets.

Plus globalement, il me semble que ces cinq années montre une grande professionnalisation dans les pratiques. Le groupement d’employeurs a permis à chacun de se retrouver à sa place professionnelle, soit sur l’ad-ministration, soit sur l’artistique. J’observe que dans cette période, le travail des compagnies a beaucoup évolué. En terme de reconnaissance institu-tionnelle par exemple, les directeurs artistiques ont pu mieux défendre leur projet auprès des institutions, en revendiquant ce mode de structuration. Pouvoir apporter aux artistes un cadre administratif et juridique sécurisant pour se consacrer pleinement à l’artistique est formidable ! »

« L’important c’est d’être dans la philosophie de la mutualisation, de bien en comprendre l’état d’esprit, les avantages et les inconvénients. C’est un système qui ne convient pas à tout le monde. C’est pour cela que nous insistons sur les valeurs de partage, d’écoute et de solidarité.

Souvent les personnes abordent ces projets en imaginant que cela va leur coûter moins cher. Or, ce n’est pas vrai du tout, car il faut prendre en compte les frais de structures induits par ces projets. Nous insistons très fortement sur la responsabilité solidaire vis-à-vis des dettes lors du proto-cole d’intégration de façon à être bien certain que le futur adhérent com-prenne bien son engagement.

Nous avons travaillé très précisément sur l’organisation et la planification du travail, les relations avec les compagnies employeuses, les entretiens annuels, etc. Tous ces aspects ne sont souvent pas pris en compte au sein des compagnies où les salariés sont parfois livrés à eux-mêmes. Par ailleurs, notre Groupement dispose de moyens bureautiques, de logiciels, de bureaux mutualisés dont les coûts sont répercutés dans le tarif horaire de mise à disposition facturé aux membres.

Dans notre dispositif est inclus un poste de coordination, qui prend notam-ment en charge la gestion du personnel. Un salarié travaille pour 8 adhé-rents différents, il peut se retrouver avec 8 consignes en un quart d’heure, cela peut vite devenir difficile à gérer. C’est mon travail aux Gesticulteurs de coordonner l’ensemble des demandes. Cela permet de créer une sorte de sas entre les demandes des compagnies employeuses et le travail

Conseils pour s’en inspirer

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Organiser des réunions régulières

Prendre du temps pour la mise en place du groupement

Une troupe permanente de « fabri-cants de théâtre »

quotidien des salariés. Ce rôle de coordination permet de travailler l’an-ticipation des tâches de chacun. Ainsi les conflits possibles dans la ges-tion des impératifs sont vus à l’avance et peuvent être désamorcés. Par exemple, dans l’organisation du travail des différentes clôtures comptables pour l’administration ou dans les moments de création pour le travail de diffusion. Avec cette précaution, cela se passe très bien ! Ce rôle de coor-dination a aussi du sens dans la relation aux adhérents, c’est à dire aux compagnies employeuses. Si un problème de travail ou de relation dans le travail se pose avec l’un des salariés du groupement, je suis sollicitée. Il n’est pas évident pour un adhérent d’adopter une posture employeur et de comprendre les contraintes qui pèsent sur les salariés du groupement. Je dois expliquer par exemple pourquoi un salarié ne peut pas toujours répondre dans l’heure à une question qui lui a été posée.

Pour bien fonctionner, nous avons aussi mis en place différentes réunions, dont l’une mensuelle qui réunit les directeurs artistiques des compagnies, la chargée de diffusion et moi pour la coordination. Cela nous a semblé nécessaire au vu des spécificités de la diffusion. Même si la chargée de dif-fusion déploie une énergie similaire sur les différents projets, un spectacle peut se vendre mieux qu’un autre. C’est une source de tensions qui selon nous nécessite encore plus de travail en commun de manière régulière.

Enfin, il me semble important de souligner le temps nécessaire à la mise en place de ce type d’organisation et des changements à l’intérieur. Le débat est essentiel à la création d’un outil comme celui-ci et le débat prend du temps. L’une des questions posées autour de cette modalité de groupement d’employeurs est le financement de cette phase longue de conception. »

« Nous sommes un groupe théâtral originaire de Graz en Autriche. Nous produisons cinq à six productions par an avec une troupe permanente. Nous n’organisons pas de casting pour tous les spectacles. Nous sommes un collectif qui travaillons ensemble depuis assez longtemps, déjà lorsque nous étions étudiants et amateurs, et à partir des années 2000, en tant que professionnels. Nous constituons un groupe de 15 à 20 personnes. Nous avons un directeur artistique, et je suis la directrice générale ; je supervise l’évolution de notre travail, mais nous ne faisons pas vraiment la différence

Un salaire fixe au sein d’une

compagnie, pour travailler

avec plus de sécurité

Monika Klengel, actrice et directrice générale

TIB, Theater Im Bahnhof, Graz, Autriche

Aux sources de cette initiative

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La lassitude d’être obligé d’avoir un autre travail en plus du théâtreLe dévelop-pement des entreprises individuelles

Des trans-formations dans les vies personnelles

Et si on fixait les salaires ?

Une base de salaire fixe chaque mois

entre les diverses fonctions que nous remplissons (acteur, auteur, met-teur en scène, scénographe...). Nous nous appelons nous-mêmes des « fabricants de théâtre ». Le cœur de notre travail consiste depuis toujours à explorer et travailler sur la vie quotidienne et les gens. Nous concentrons notre travail sur les questions politiques et l’évolution de la société. Nous essayons toujours d’associer une approche artistique contemporaine et notre volonté de rendre nos travaux intéressants pour tout le monde. Nous voulons être proche de notre public.

Avant l’an 2000, nous faisions du théâtre en ayant un autre travail à côté. Le lieu où nous nous produisions était petit. Nous sommes arrivés à un point où nous nous sommes dit que quelque chose devait changer, que nous devions faire le pas de travailler dans le théâtre de manière professionnelle.

À l’époque, l’Autriche connaissait de nombreux changements en matière de droit du travail, en ce qui concerne par exemple la situation des indé-pendants, et l’établissement des auto-entrepreneurs. Dans ce changement fortement néolibéral de la législation, nous avons pris conscience de ce que signifiait être un artiste en termes juridiques. Avant cela, nous faisions du théâtre pour nous amuser, et ne pensions pas vraiment à ces aspects. Nous avons consulté quelques spécialistes pour mieux comprendre ce que nous pouvions faire dans le cadre de notre situation juridique.

C’était aussi une période où nos situations personnelles ont connu beau-coup de changements : nous avons fondé des familles, eu des enfants. Nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas continuer ainsi « un mois avec quelques milliers de schillings, l’autre sans rien. OK, devenons chauf-feur de taxi ! » Nous avons pensé qu’il n’était pas sain pour notre théâtre si nous étions constamment préoccupés par des questions existentielles. C’était aussi une période où nous sommes devenus assez connus en Autriche ; notre situation financière globale s’est donc vraiment améliorée.

Au lieu d’investir dans un lieu plus grand, nous avons pensé à rémunérer tout le monde au même salaire, à employer l’ensemble de la troupe dans des emplois à l’année au lieu de rémunérer par projet. C’est comme ça que tout a commencé ».

« Sur base de notre système, tout le monde reçoit 14 mois de salaires sur l’année. Le montant mensuel n’est pas très haut, mais le plus grand fardeau est éliminé. Ce système s’est amélioré au fil des années : les premières années, nous n’avions pas beaucoup d’argent à nous distribuer. À partir de 2006, nous pouvions donner 1 000 ! par mois à chacun, les charges sociales et impôts déjà déduits.

Récit d’une pratique innovante

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Le dévelop-pement des ressources financières

Respon-sabilité et implication de tous dans le dévelop-pement

Ne plus être chauffeur de taxi !

Une sécurité précieuse pour se concentrer sur le travail artistique

Cela a été possible grâce à une augmentation de notre revenu général. D’abord par le biais d’un meilleur financement public, avec le soutien de l’État et de la Ville que nous avons obtenu, mais aussi car nous avons essayé de récolter cette grande somme en nous finançant par d’autres voies. Nous avons entrepris de travailler avec des sociétés et de faire du théâtre pour entreprises. Nous avons également monté un théâtre d’im-provisation grâce auquel nous sommes assez connus en Autriche. Il s’est avéré que cette part de notre travail pouvait rapporter de l’argent supplé-mentaire. Nous avons aussi renforcé la coproduction et les tournées au niveau européen.Notre modèle d’organisation et l’augmentation du revenu général de notre organisation sont en effet étroitement liés.

Chaque artiste de la troupe est membre de l’association ; chacun est donc responsable de son bon fonctionnement. Nous savons que nous dépen-dons les uns des autres pour pouvoir vivre de la sorte. Nous possédons notre propre société, cela renforce la solidarité entre nous ».

« Ça a changé nos vies à plusieurs niveaux. Nous concevons le théâtre d’im-provisation d’une autre manière que ce que nous aurions fait si nous avions choisi un autre système. Nous aimons beaucoup le théâtre d’improvisation, mais nous en faisons parfois pour des entreprises, dans des situations et évé-nements que nous n’aurions peut-être pas choisis nous-mêmes. D’un autre côté, nous ne devons plus travailler comme chauffeur de taxi ! L’improvisation est aujourd’hui une nécessité, mais nous adorons ça ! Les membres ont encore d’autres activités professionnelles pour gagner leur vie, mais ils les font sur base de projets et dans des milieux liés au travail artistique. Certains travaillent dans l’éducation, d’autres écrivent des scripts de films, etc.

Ce que nous recevons du Theater im Bahnhof est un revenu de base. C’est comme un filet de sécurité. Chacun noue une relation forte avec le groupe et le travail. On pourrait comparer notre groupe à une famille, d’une certaine manière. Pour certains d’entre nous, cela apparaît parfois comme un fardeau. C’est un système qu’il n’est pas facile de quitter ! D’un autre côté, je suis convaincue que ce modèle de paiement a un impact très positif sur notre travail artistique parce que nous avons l’esprit plus libre. Je vois de nombreux acteurs et metteurs en scène en Autriche qui sont impli-qués dans de nombreux projets simultanément, et ont plein d’incertitudes concernant leur avenir. Nous, en revanche savons que nous pouvons cou-vrir au moins nos besoins fondamentaux chaque mois, et pouvons donc mieux nous concentrer sur les répétitions, et le travail artistique même. C’est le plus grand avantage que nous retirons du système. L’évolution du financement des arts en Autriche, ainsi que les conséquences des nouveautés juridiques liées au développement de l’auto-entreprise,

Effets et transformations

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La possibili-té de définir chaque contexte de production en adéqua-tion avec le contenu artistique

La construc-tion d’un répertoire

Bien com-prendre et accepter le système

Garder le même groupe

Passer contrat sur le niveau d’im-plication

mènent souvent les artistes à un sentiment de solitude. Le nombre de per-sonnes sur scène se réduit. De nombreux acteurs et danseurs doivent travailler sur des programmes solo. Ce système d’individualisation à travers l’auto-entreprise mène à la solitude. Tout le monde lutte pour son propre univers, pas toujours de manière délibérée, mais souvent parce que c’est le système politique qui le veut.

D’un point de vue plus organisationnel, notre système a influencé grande-ment la façon dont nous planifions nos productions. Pour chaque projet, nous nous demandons : de quoi a-t-on besoin ? Un projet peut parfois être rapidement mis sur pied, alors qu’un autre nécessite un an de recherches. Il est essentiel de définir les bonnes conditions qui correspondent à chaque projet. Notre manière de travailler nous donne vraiment la possibilité de repenser et de questionner les modes de production, de constamment rompre avec les habitudes, de nous demander comment trouver les cir-constances adéquates qui permettent de travailler librement. Je pense que notre modèle d’organisation aide beaucoup à réaliser ça. Et pour ma part, questionner le système de production est essentiel.

Cela nous permet d’avoir plus de productions disponibles qui puissent tourner en même temps, pour construire un répertoire. Cela nous aide dans le développement de notre activité de tournées, dont nous avons besoin pour faire marcher notre système ».

Je pense que le système requiert de bonnes compétences sociales de la part des membres du groupe. Même si chaque membre reçoit le même montant d’argent chaque mois, ceci ne signifie pas nécessairement que nous exécutons la même quantité de travail. Les gens ont développé dif-férents profils d’activité, certaines années plus, d’autres moins, mais nous avons néanmoins décidé de ne pas modifier le système de rémunération égale afin de maintenir notre sens de la solidarité. Les coûts du personnel représentent 80 % de notre budget, ce qui est beaucoup. Mais c’est un choix ! Cela a ses conséquences, comme par exemple le fait que notre scénographie est généralement très simple. Nous investissons vraiment notre argent dans les artistes. Il faut être très clair avec ça.

Une autre condition est de ne jamais modifier notre casting : le travail continu est vraiment crucial pour notre travail. Je pense que nous sommes le seul groupe en Autriche à travailler de la sorte. C’est dû à l’amitié qui nous lie. Nos rapports sont plus que des rapports professionnels.

Bien sûr, nous avons également des règles d’engagement ; elles sont nécessaires : chaque artiste doit travailler dans au moins deux ou trois projets par an, contribuer à la mise en œuvre de nouveaux projets, et faire de l’improvisation. C’est le contrat que nous avons conclu entre nous ».

Conseils pour s’en inspirer

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Les questions d’organisation du travail traversent l’ensemble du paysage du spectacle vivant en Europe, quels que soient le contexte géographique ou le type de structure (compagnie, lieu, festival…). Le travail ensemble est l’es-sence même des arts de la scène.

Malgré cela, nous avions en tête qu’il serait difficile de recueillir des contribu-tions sur ce projet de mise en valeur de pratiques innovantes en matière d’or-ganisation du travail. Nous avons suivi des pistes, mené l’enquête auprès de relais, cherché des indices pour découvrir les témoignages présentés dans ce document. Pourquoi ? Nous formulons ici plusieurs hypothèses, non exclu-sives les unes des autres.

Les innovateurs ne savent pas qu’ils innovent

Dans bien des cas, les personnes qui ont accepté de témoigner se sont demandé si leur initiative était réellement « innovante ». La reconnaissance du caractère innovant est souvent beaucoup plus apportée par les pairs, les homologues, plutôt que par les initiateurs de ces démarches. D’une certaine manière, l’innovation est relative. Ce qui semble innovant à un endroit ne l’est pas à un autre. C’est le regard d’un « autre » porté sur une organisation qui peut lui attribuer ce caractère innovant et inspirant. Nous remarquons dans les témoignages que de nombreuses idées viennent initialement d’observa-tions in situ chez des collègues au sein du secteur (Judith Knight) ou à l’exté-rieur (Luc Dewaele).

C’est pourquoi il est difficile d’identifier les pratiques innovantes qui pour-raient être utiles à un plus grand nombre d’acteurs. Au delà des témoignages

ConclusionTrouver sa marque pour agir

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présentés ici ou des contributions reçues, il existe certainement beaucoup d’autres initiatives qui mériteraient d’être mises en lumière pour que d’autres se les approprient ou s’en inspirent. Dès lors, il semble très pertinent, à l’instar de cette fenêtre ouverte par l’équipe de l’IETM à travers la présente publi-cation, de favoriser les espaces d’échanges, de formation, de partage, ainsi que nous y invitent certains entretiens (Lise Sogaard Sorensen, Luis Miguel Prada, Ulla Mäkinen)

Il est difficile de mettre sa pratique en partage.

Les pratiques en matière d’organisation du travail relèvent d’un faisceau d’élé-ments, ainsi que les témoignages nous l’ont montré : du contexte social et politique du pays, de sa politique culturelle, de l’histoire de l’organisation elle-même, de son territoire, de ses missions et des choix des dirigeants. Pour partager son expérience, il faut pouvoir mettre en mot ces différentes influences et leur articulation dans l’élaboration des choix. Cela exige une démarche réflexive soutenue et un cadre approprié, ainsi que la mise en place d’un « réseau pour apprendre » nous l’a montré Maarten Bresseleers. Les témoignages de ce document prouvent aussi combien ces questions nous font pénétrer au cœur des organisations, là où se fabriquent les projets. Nous arrivons en quelque sorte « dans les cuisines », avec des expériences, des tentatives, des essais pour répondre à la complexité des situations de travail rencontrées au quotidien. Il est toujours difficile d’exposer ses fragilités dans la sphère professionnelle où les questions de représentation et de reconnais-sance sont très agissantes.

Les projets artistiques viennent parfois recouvrir les questions d’organisation du travail dans le secteur.

Les professionnels du secteur font très souvent preuve d’une forte motivation et d’un grand engagement. Grâce à ces puissants moteurs, ces personnes pallient parfois des problèmes d’organisation du travail par un investissement plus fort, une grande flexibilité sur les rythmes de travail et l’acceptation de conditions de travail plus difficiles.

De plus, le secteur culturel reste un secteur très attractif pour les salariés en poste et les jeunes actifs, que ce soit pour les projets mis en œuvre ou les valeurs défendues. Travailler dans ce secteur est perçu comme une chance.

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Dans ces conditions, il est parfois difficile dans les structures d’identifier les problèmes d’organisation du travail, d’en faire un objet d’élaboration commune et de rechercher des solutions. Ce sont souvent les situations limites, comme les arrêts maladies, les situations de crise, voire les burn-out qui révèlent les difficultés quotidiennes des équipes.

D’une façon plus générale, les éléments du projet artistique sont très investis par les équipes – ce « pour quoi » elles sont au travail - reléguant souvent dans l’ombre les questions de mise en œuvre du projet, le « comment ». Les questions d’organisation du travail n’échappent pas à cette éclipse.

En examinant ces différents freins, nous mesurons mieux la difficulté de recueil-lir des témoignages sur ces questions au sein d’un vaste réseau professionnel comme celui de l’IETM. Cette publication peut contribuer à ce qu’au sein de ce réseau, des professionnels engagés de façon isolée dans leurs réflexions sur l’organisation du travail se reconnaissent dans ce mouvement d’innovation et de transformation au service des projets artistiques.

L’innovation est possible en temps de crise

Dans le contexte actuel de crise économique et financière dans toute l’Eu-rope, l’existence d’espaces de réflexion sur l’organisation du travail nous semble particulièrement nécessaire. Pourtant, cette idée n’est pas toujours simple à défendre. Dans un tel environnement, avec de lourdes menaces sur les projets artistiques, la tentation est forte de considérer que les questions « internes » comme l’organisation du travail seraient secondaires et qu’il s’agi-rait de se concentrer sur les projets artistiques eux-mêmes. A cette vision qui oppose projet artistique et organisation du travail se substitue au fil des entre-tiens une autre proposition (Isabelle Mérand, Yvona Kreuzmannovà, Monika Klengel, Alain Garlan et Sarah de Heusch). C’est bien dans les périodes de crise que les notions de partage, d’inventivité et d’expérimentation sont le plus nécessaires. Avec eux, nous soutenons l’idée que l’organisation du travail et sa mise en partage au sein des équipes sont un ressort au déploiement de solutions pérennes et adaptées dans un environnement en crise.

Soutenir les démarches d’expérimentation

C’est pourquoi l’action de l’innovateur est déterminante, par sa faculté à analy-ser son contexte de travail et à y puiser des raisons et des objectifs pour son action. Aujourd’hui, un mouvement existe bien, avec des acteurs engagés, qui

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s’intéressent de près aux questions d’organisation du travail, veulent s’ouvrir sur leurs pratiques et partager leurs interrogations. Quelles sont leurs motiva-tions ? Sur quoi se fonde leur action ?

Ainsi que le note la psychosociologue française Florence Giust-Desprairies dans ses travaux sur l’innovation, « L’insatisfaction et le malaise ne sont pas suffisants pour expliquer l’engagement dans des pratiques innovantes. Bien des situations nous montrent, au contraire, des acteurs sociaux adopter des positions de repli dans la plainte ou adresser des revendications à l’exté-rieur. La question se pose alors des conditions qui se présentent comme des déclencheurs et qui conduisent l’innovateur à vouloir faire autrement.[...] »

Elle défend l’idée qu’aux côtés de motivations ancrées dans l’environnement immédiat des acteurs sociaux, l’innovation permet à son initiateur de retrouver « sa marque pour agir ». Dans chacun des témoignages présentés ici, nous voyons s’articuler les analyses de l’environnement, mais aussi les désirs, les aspirations, les convictions des personnes qui ont initié les pratiques décrites. La démarche des innovateurs est celle de redonner du sens au travail, pour eux-mêmes et pour l’équipe dont ils ont la charge.

Ce travail sur le sens peut prendre des formes très différentes, mais se place toujours comme une expérience : dans les modes de collaboration quoti-dienne (Sibylle Arlet), la mise en place de projets artistiques incluant l’orga-nisation du travail comme donnée essentielle (Grzegorz Reske) ou dans les modalités de relations du projet artistique avec l’extérieur (Devinda De Silva).

Ainsi, à travers cette publication, nous aimerions soutenir les démarches d’ex-périmentation en matière d’organisation du travail, qui permettent d’inventer au quotidien et avec les équipes, la manière dont sont portés, vécus et déployés les projets artistiques.

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pour en savoir plus

à propos des expériences menées par les personnes interviewées

Lise Sogaard Sorensen, Agence danoise de la culture, www.kulturstyrelsen.dk/english

Luis Miguel Prada, ENCC, www.encc.eu

Ulla Mäkinen, BIDE, www.bide.be

Maarten Bresseleers, Sociaal Fonds voor de Podiumkunsten, www.podiumkunsten.be

Judith Knight, Arstadmin, www.artsadmin.co.uk

Yvona Kreuzmannovà, Tanec Praha, www.tanecpraha.cz

Sibylle Arlet, Culture O Centre, www.cultureocentre.fr

Luc Dewaele, Vooruit, www.vooruit.be

Devinda De Silva, National Theatre Wales, www.nationaltheatrewales.org

Grzegorz Reske, Centre culturel de Lublin, www.ck.lublin.pl

Sarah de Heusch et Alain Garlan, Smart, www.smartbe.be

Isabelle Mérand, Les Gesticulteurs, www.gesticulteurs.org

Monika Klengel, Theater Im Bahnhof, www.theater-im-bahnhof.com

références citées dans la publication

Norbert Alter, l’invention ordinaire, PUF, Paris, 2000

Florence Giust-Desprairies, Les Racines subjectives de l’innovation, article pour la revue Education Permanente sur l’Innovation, février 1998

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Remerciements

Tous les contributeurs :

Sibylle Arlet - Culture O Centre, Juliette Bompoint – Mezzanine Spectacles, Res Bosshart – Université des arts de Zurich, Maarten Bresseleers – Sociaal Fonds voor de Podiumkunsten, Inge Ceustermans – European Festivals Association, Helen Cole – In Between Time, Ida Daniel – ACT, Luc Dewaele – Vooruit, Alain Garlan – SMart, Paulo Gouveia - Clube Português de Artes e Ideias, Sonja Greiner – Europa Cantat, Sarah de Heusch – SMart, Mads Nyholm Hovmand – Agence danoise pour la culture, Monika Klengel – Theater im Bahnhof, Maria Klintberg – Teater Slava, Judith Knight – Artsadmin, Nevenka Koprivsek – Bunker Ljubljana, Krista Koskinen – TAIVEX, Yvona Kreuzmannovà – Tanec Praha, Ulla Mäkinen – BIDE, Massimo Mancini – Indisciplinarte, Joana da Matta - Clube Português de Artes e Ideias, Elisabeth Mayerhofer – IG Kultur Wien, Isabelle Mérand – Les Gesticulteurs, Claire Moran – Cryptic, Heide Oberegger – Steirischer Herbst, Issa Ouedraogo - Carrefour International de théâtre de Ouagadougou (CITO), Luis Miguel Prada – ENCC, Grzegorz Reske – Centre culturel de Lublin, Andrea Roccioletti - P-Ars Andrea Roccoletti Studio, Aydin Silier – Bimeras/iDANS, Devinda De Silva – National Theatre Wales, Brian Simpson – Theater B, Lise Sogaard Sorensen – Agence danoise pour la culture, Paul Stepan – Eurozine, Daphné Tepper, Steven Vandervelden – STUK, Mole Wetherell – Reckless Sleepers et Tim Wheeler – Mind the Gap.

Et aussi:

Christophe Blandin-Estournet - Culture O Centre, Inge Ceustermans - European Festivals Association, Esther Charron – Pôles magnétiques, art et culture, Mads Nylhom Hovmand – Agence danoise pour la culture, Joris Janssens – Vlaams Theater Instituut, Sabine Kock – IG Freie Theaterarbeit, Marta Oliveres – MOM/El Vivero – Marta Oliveres Tortosa Management

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Crédits

Pour l’IETM

Concept, recherche, conseils éditoriaux et révisions : Camille Buttin, Mary Ann DeVlieg, Anaïs Gabaut, Milica Ilic et Michel Quéré.

Photographes : Tommy Ga-Ken Wan et Dmitry Matvejev

Traduction : Lucie Rezsöhazy et Claire Tarring

Graphisme : Clinton Stringer

Pour La Belle Ouvrage

architecture et conception : Amélie Cousin, Laure Guazzoni, Albane Guinet-Ahrens, Cécile Krakovitch et Clara Rousseau

entretiens et rédaction: Albane Guinet-Ahrens

relectures attentives et créatives: Marie-Lise Gardes, Marianne Node-Langlois, Anne-Cécile Sibué-Birkeland

IETM is supported by the Dutch Fund for Performing Arts.IETM is funded with support from the European Commission. This publication reflects the views only of the author, and the Commission cannot be held responsible for any use which may be made of the information contained therein.