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INNOVATION COMMERCIALE ET USAGE DU TEMPS DES MÉNAGES : UN CADRE CONCEPTUEL Camal Gallouj De Boeck Supérieur | Innovations 2007/1 - n° 25 pages 179 à 204 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2007-1-page-179.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Gallouj Camal, « Innovation commerciale et usage du temps des ménages : un cadre conceptuel », Innovations, 2007/1 n° 25, p. 179-204. DOI : 10.3917/inno.025.0179 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 12/01/2014 06h46. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 12/01/2014 06h46. © De Boeck Supérieur

Innovation commerciale et usage du temps des ménages : un cadre conceptuel

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INNOVATION COMMERCIALE ET USAGE DU TEMPS DES MÉNAGES: UN CADRE CONCEPTUEL Camal Gallouj De Boeck Supérieur | Innovations 2007/1 - n° 25pages 179 à 204

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Gallouj Camal, « Innovation commerciale et usage du temps des ménages : un cadre conceptuel »,

Innovations, 2007/1 n° 25, p. 179-204. DOI : 10.3917/inno.025.0179

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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INNOVATION COMMERCIALEET USAGE DU TEMPS

DES MÉNAGES :UN CADRE CONCEPTUEL

Camal GALLOUJCLERSE / IFRESI-CNRS

Université de Lille [email protected]

La question des changements institutionnels (ou de l’innovation) dans lecommerce a fait l’objet de nombreux travaux depuis le début des années 1960.Certains de ces travaux cherchent à rendre compte du rôle central des dyna-miques des attentes et préférences des consommateurs dans l’émergence et ledéveloppement de nouvelles formules de distribution. Ils identifient généra-lement trois dimensions essentielles de ce système de préférence : le service,l’assortiment, le prix (et plus rarement la localisation). De fait, on peut rele-ver que la variable temporelle (c’est-à-dire le temps des ménages et sonusage), comme facteur explicatif des changements institutionnels 1 et del’innovation a été systématiquement occultée.

L’objectif de cet article est donc de tenter de remédier à cet état de fait etd’interpréter les changements institutionnels et l’innovation dans le com-merce à la lumière des contraintes temporelles des ménages. Au total, cetarticle comporte trois parties. Dans la première, nous montrons en quoil’hypermarché comme modèle dominant des années 1970-1990, est la formecommerciale la mieux adaptée à un temps des ménages relativement uni-

1. Bien entendu, on peut penser que la référence à la localisation ou au facteur de convenience,que l’on retrouve dans nombre de travaux peut équivaloir, dans certains cas, à une prise encompte, même indirecte, du temps. On notera sur ce point que Dawson est sans doute un des rares auteurs à faire figure d’exception.Il écrit en effet : “The fourth factor which is important in generating change in retailing is thenew way that time is considered as a management variable…” (Dawson, 1995, p. 22).

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forme, construit durant les 30 glorieuses. Dans la deuxième partie, nous met-tons en évidence les nouvelles contraintes temporelles des ménages et leursincidences sur l’essoufflement réel (ou supposé) 2 de l’hypermarché (sous saforme traditionnelle). Enfin, dans la troisième et dernière partie nous mon-trons comment les institutions commerciales ont évolué et surtout ont innovépour tenir compte de ces nouvelles contraintes temporelles. Autrement dit,nous montrons que l’essentiel des innovations mises en œuvre par le grandcommerce peut être interprété dans le cadre d’une approche temporelle.

L’HYPERMARCHÉ TRADITIONNEL ET LE TEMPS UNIFORME DES MÉNAGES

Les années 1970 à 1990 ont consacré la domination de l’hypermarché dansl’espace commercial français. Cette domination est liée à un certain nombrede facteurs environnementaux mais également aux comportements des mé-nages qui adoptent, pour l’essentiel, une norme de temps des courses relati-vement concentrée. Cette norme est par ailleurs amplifiée par certainescaractéristiques de l’hypermarché dans sa forme traditionnelle.

Croissance de l’hypermarché et temps concentré des ménages

L’hypermarché a effectivement connu une croissance remarquable ces der-nières années. Cette innovation, apparue au cours des années 1960, a fait l’ob-jet de multiples travaux tant monographiques qu’analytiques et théoriques.Elle correspond à la montée en puissance du mode de consommation demasse qui se développe alors, comme le pendant au modèle de production demasse. Les « usines à vendre » s’inscrivent ainsi directement dans la filiationdes « usines à produire ».

Le poids de l’hypermarché s’accroît graduellement sur longue période. Lapart de marché de ce format dans l’alimentaire est ainsi passée de 6-7 % audébut des années 1970 à plus de 35 % au début des années 2000. En ce quiconcerne l’ensemble des produits commercialisables, cette part de marchéest passée de moins de 5 % dans les années 1970 à plus de 25 % aujourd’hui 3.

2. Mais dans tous les cas, annoncé (cf. par exemple Parigi J., « Hypermarché : le modèle s’essouffle »,LSA, n° 1766, 2 mai 2002 ; Castrillo J., Forn R. et Mira R., 1997, “Hypermarkets may be Losingtheir Appeal for European Consumers”, The McKinsey Quarterly, n° 4, p. 194-200).3. Pour les supermarchés, les données correspondantes sont, en ce qui concerne l’alimentaire, demoins 5 % dans les années 1970 et de 28 % dans les années 2000 et, en ce qui concerne l’ensembledes produits commercialisables, de 3 % (en 1970) puis 13 % (en 2000).

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De nombreuses hypothèses ont en effet été avancées pour expliquer ledéveloppement rapide puis le caractère dominant de l’hypermarché en France.Les plus citées sont généralement les deux suivantes :

– L’urbanisation accélérée à partir des années 1960 (la population vivanten zone urbaine passe de 57,3 % en 1954 à plus de 70 % en 1968…) quipermet de concevoir une distribution à grande échelle ;– Le développement de l’équipement des ménages en automobiles (cetaux passe de 37,5 % en 1962 à 69,5 % en 1980), puis en réfrigérateurs(on passe de 37,9 à 95 % sur la même période) et en congélateurs (onpasse cette fois de pratiquement 0 à 25,8 %) qui permet de réduire for-tement le nombre d’actes d’achat hebdomadaires et qui, par voie deconséquence, facilite leur regroupement (Messerlin, 1982).

Cependant, il nous semble que ce développement du poids et de la domi-nation des hypermarchés peut également être interprété à la lumière de laquestion du temps et de son usage 4. En effet, les années 1950-1970 corres-pondent d’une part à la constitution juridique de ce que l’on considère enFrance comme l’emploi typique, c’est-à-dire le Contrat à Durée Indétermi-née et à temps plein et d’autre part à une certaine forme d’homogénéisationdes statuts. On assiste par ailleurs et de manière concomitante au développe-ment remarquable du salariat, qui devient la forme d’emploi dominante.Ainsi, on peut dire qu’une norme de temps de travail relativement uniformese construit bien durant les « 30 glorieuses ». Sur cette même période, on as-siste également à un développement tout aussi remarquable du travail fémi-nin qui consacre le développement des ménages à deux salaires et plusgénéralement l’enrichissement de ces derniers.

Ces deux éléments conjugués font que le « temps des courses » prend laforme d’un temps uniforme et circonscrit, qui est nécessairement reporté enfin de semaine. Dans ces conditions, ce temps consacré aux courses devient deplus en plus précieux, ce qui joue par conséquent en faveur d’un point de venteunique pour l’ensemble des produits (mais également, nous y reviendrons 5, enfaveur de la multiplication d’innovations de produit comme par exemple lesproduits à préparation rapide…). Mais, cet élément n’est pas le seul. D’autresvont entrer en ligne de compte et en particulier certaines caractéristiquesspécifiques de l’hypermarché lui-même.

4. Nous proposons ici une interprétation originale de l’innovation dans le commerce en réfé-rence à la variable temporelle. Bien entendu nous ne signifions pas que cette variable soit exclu-sive. Il en existe en effet bien d’autres (comme par exemple la variable prix) qui jouent un rôleimportant. Néanmoins, nous estimons que le temps reste un déterminant en première instanced’un certain nombre d’innovations dans le commerce.5. Cf. notre section 3.

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Concentration du temps (des courses) et spécificités de l’hypermarché

Le mouvement de « concentration du temps des courses » que nous avonsabordé dans la section précédente, est lui-même amplifié en retour par cer-taines caractéristiques et spécificités de l’hypermarché qui contribuent à lagénéralisation de l’idée selon laquelle ce type de magasin permet de gagnerdu temps. Il s’agit en particulier du positionnement propre de l’hypermarché,de son organisation interne et de sa logique de sélection des produits.

Le positionnement de l’hypermarché

La caractéristique essentielle et la plus apparente de l’hypermarché par rap-port aux formats traditionnels de l’époque est bien qu’il n’est plus une simpleextension du supermarché. De ce fait, on peut dire que l’hypermarché n’estplus un magasin de proximité, ce que demeurait malgré tout le supermarchédans l’environnement français (cf. Messerlin, 1982).

Ce premier constat peut paraître paradoxal au premier abord. On est eneffet en droit de se demander, dans ces conditions, (s’il « s’éloigne du con-sommateur »), en quoi l’hypermarché permet-il d’économiser du temps ?Dans la réalité, il ne s’agit plus de raisonner en termes de distance, mais entermes d’accès : au magasin d’abord et aux produits ensuite. De ce point devue, l’hypermarché s’avère extrêmement performant. On notera d’ailleursconcernant cet aspect, que tous les hypermarchés tracent en général descourbes isochrones, c’est-à-dire des cercles concentriques permettant d’éva-luer leur clientèle potentielle en fonction du temps nécessaire pour lesrejoindre 6. C’est sur ces courbes isochrones (et donc sur une estimation destemps d’accès) que s’appuient généralement les démarches de localisation 7

des hypermarchés.

Les logiques d’organisation interne

La deuxième caractéristique de l’hypermarché a trait à son organisation inter-ne, au choix et à l’extrême variété des produits qu’il propose. En effet, l’assor-timent des produits disponibles est tel, qu’il incite les consommateurs à desachats relativement groupés si tant est qu’ils ne souhaitent pas perdre trop detemps (et d’argent) en transport et repérage des produits (Messerlin, 1982,p. 34). Sur ce point, Renaud de Maricourt (1988, p. 44) constate ainsi :« parmi les services supplémentaires offerts par les hypermarchés, on a d’abordle temps gagné par le fait qu’on trouve sous le même toit et sans rupture (onpaye tout à la fois) une grande variété de produits dont on peut avoir besoin ».

6. Les distributeurs définissent ainsi des zones de chalandises à 5 minutes, à 10 minutes…7. Qui se sont considérablement complexifiées depuis.

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Le service commercial et la délégation de sélection

Le dernier point que nous souhaitons mettre en évidence est que l’hypermar-ché, en pratiquant une présélection des produits, contribue à réduire en partiele risque du consommateur. Cette présélection, alliée souvent à des pratiquesdites de « customisation » des produits permet également d’économiser letemps du consommateur.

C’est d’ailleurs tout l’objectif des études marketing que d’aider l’hypermar-ché à discerner le profil du consommateur, à identifier ses habitudes, à com-prendre ses problèmes, de manière à définir les caractéristiques de sa politiqued’assortiment.

Les différents éléments que nous venons de présenter montrent bien,nous semble-t-il, que l’hypermarché permet de gagner, d’économiser dutemps. Il répond par conséquent parfaitement à la définition du commerce queproposent Jeanne et Henri Krier dès le début des années 1950 : « le servicerendu par le commerçant peut s’apprécier en fonction inverse du tempsd’achat pour le client. La réduction du temps passé aux achats améliore lebien-être des consommateurs en raccourcissant la durée des déplacements ;en outre, elle est normalement le signe que les clients trouvent immédiate-ment les produits qui leur conviennent, la qualité qu’ils désirent, un fraction-nement des articles réalisés selon leurs besoins (Krier et Krier, 1954, p. 364).Le tableau suivant met particulièrement bien en évidence le fait que l’hyper-marché permet de gagner du temps. On constate en effet que 68 % des con-sommateurs français pensent effectivement que le principal avantage del’hypermarché consiste bien en la possibilité de faire en une seule fois toutesses courses et de gagner du temps.

Tableau 1 – Quels sont les principaux avantages des hypermarchés ?

Source : LSA, 7 novembre 1996, n° 1512

Réponses en % En 1er En 2e En 3e Total citation

Un grand choix de produits et de marques 39 14 15 68

La possibilité de faire en une seule fois tou-tes ses courses et de gagner du temps

30 24 14 68

Des prix bas 12 16 18 46

La facilité d’accès et de parking 7 16 11 34

Les heures d’ouverture 3 12 16 31

La bonne qualité des produits 4 9 5 18

La possibilité de trouver de nouveaux pro-duits d’achat

1 3 8 12

Le confort et l’agrément d’achat + 1 3 4

NSP 3 5 10 3

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Cependant, on peut noter que l’économie de temps générée par l’hyper-marché peut paraître encore une fois pour le moins paradoxale. En effet, ilnous semble que « l’hypermarché économise le temps du consommateur en re-courant davantage à son temps » 8. En effet, en particulier depuis l’inventionpar Clarence Saunders du « libre-service » et sa généralisation en France dansles supermarchés puis dans les hypermarchés, on peut dire que le temps duconsommateur a été de plus en plus sollicité comme input du commerce. Cettetendance pourrait même être accentuée, avec la généralisation éventuelle depratiques comme celle du « self-scanning », pour ne citer que cet exemple.

Néanmoins, et globalement, on peut dire que l’hypermarché « à la fran-çaise » apparaît comme parfaitement adapté à un temps des ménages, et enparticulier à un temps des courses, uniforme et concentré. On a en quelquesorte affaire ici à une forme de consensus temporel (qui est à l’origine du suc-cès que l’on connaît de l’hypermarché) entre les deux acteurs. Ce consensuss’appuie également et par ailleurs sur une conception monolithique du con-sommateur. Il n’en demeure pas moins que rapidement, certaines évolutionsà la fois dans le comportement du consommateur et dans celui des hypermar-chés (et surtout de leur environnement) vont graduellement déboucher surun déséquilibre et une disjonction entre le temps de l’hypermarché et celuides ménages.

NOUVELLES CONTRAINTES TEMPORELLESDES MÉNAGES ET ESSOUFFLEMENTDU MODÈLE DE L’HYPERMARCHÉ

Si la période 70-90 a consacré l’hypermarché comme modèle dominant dansl’environnement commercial français, on peut dire qu’à partir des années 1990,on observe un essoufflement relatif de ce type de format (cf. par exempleCliquet, 1997 ; Parigi, 2002).

Là encore, de nombreuses explications ont été évoquées pour expliquer cetessoufflement. On peut à la suite de Moati (2001) en relever au moins quatre,qui nous semblent importantes :

8. En effet, le grand commerce traditionnel français avait tendance à recourir davantage autemps des consommateurs que ne le faisait par exemple son homologue américain (ce qui ad’ailleurs contribué à assurer son remarquable succès au moins jusqu’au début des années 1990).Pour reprendre les termes de Bertrand et Kramarz, le temps du consommateur est un input plusimportant dans la fonction de production du commerce français que de l’américain. De ce fait,le premier a été nettement moins créateur d’emplois que le second.

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– l’arrivée à maturité d’un certain nombre de marchés phares (alimen-tation, ameublement, textile…) ;– l’essoufflement naturel de la dynamique de conquête des parts demarché sur le commerce traditionnel au fur et à mesure que la part dela grande distribution devient prédominante ;– la raréfaction des opportunités d’ouvertures attrayantes de nou-veaux points de vente ;– le durcissement des conditions d’obtention des autorisationsd’ouverture (notamment au travers de la loi Royer en 1973 et surtoutde la loi Raffarin en 1996).

Au delà de ces explications et conditions générales, on peut, du point devue du consommateur, avancer un certain nombre d’évolutions et de fac-teurs spécifiques contribuant à expliquer le déclin relatif de l’hypermarché.Il s’agit par exemple de la réduction de la taille moyenne des ménages ouencore de la forte augmentation du poids des inactifs ou des seniors. Néan-moins, là encore, il nous semble que les réflexions en termes d’évolution destemps (donc encore une fois les modifications des préférences) et des usagesdu temps des consommateurs sont particulièrement adaptées.

En effet, on assiste à partir des années 1990 à des évolutions marquées dansle temps et sa gestion par les ménages. De très nombreuses études font d’ailleursressortir l’importance croissante du facteur temps dans les éléments détermi-nant le comportement de chalandise des consommateurs (Benoun et HeliesAssid, 2003). On note en effet à la suite de Viard (2004, p. 157) « qu’au coursdes dernières années, la nette amélioration de la situation conjoncturelle desménages à contribué à redonner un rôle important aux arbitrages individuelsdans les choix de consommation et à desserrer, pour de nombreux ménages,la contrainte de pouvoir d’achat. Dans ce contexte, les attitudes à l’égard dutemps ont repris une place de choix dans l’analyse des comportements deconsommation » 9.

Globalement, on peut dire que le temps des courses peut s’analyser, tou-jours du point de vue du consommateur, selon deux dimensions essentielles :une dimension de temps perdu et une dimension de temps discontinu.

9. Tout cela ne signifie pas, bien entendu, que la variable prix ne soit plus importante. Cela signi-fie plutôt que, du point de vue du consommateur, la recherche du prix bas (qui perdure) n’estplus le seul et unique critère de mobilisation. Comme le note François Asher : « Il sera de plusen plus difficile de faire déplacer le client pour gagner quelques centimes sur une bouteilled’huile, ce qui devient vraiment discriminant dans ses arbitrages, c’est le temps. » (Enjeux lesÉchos, 2002, cité par Rieuner S. et Volle P. (2002, p. 23).

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La dimension de temps perdu

Comme le précisent Rieuner et Volle (2002, p. 22-23) : « Malgré une aug-mentation constante du temps libre, voire même du temps choisi (par oppo-sition au temps subi, qui inclut les activités d’entretien obligatoire), lesindividus ont le sentiment croissant de manquer de temps car les opportuni-tés sont plus nombreuses, les envies plus grandes et les projets de vie plusambitieux. Ils cherchent l’immédiateté et la rapidité dans leurs actes de con-sommation, pour avoir le sentiment de remplir leur vie au maximum et nepas perdre de temps en tâches inutiles ou non productives. »

Au total, on peut dire que pour les consommateurs, le temps subi apparaîtcomme de plus en plus coûteux. On assiste en quelque sorte à un renchéris-sement du coût du temps qui s’explique par le déséquilibre croissant entre larareté du temps de travail domestique disponible (rareté accentuée par laparticipation des femmes à l’activité salariée et par l’éclatement du modèlefamilial traditionnel) et la multiplication, la diversité et la complexificationdes biens utilisés et des fonctions assurées dans ce cadre domestique (Silver,1988 ; Gadrey, 1989).

Le renchérissement du coût du temps se reflète ainsi de manière impor-tante dans le temps des courses. Dans ce cas, ce qui est mis en avant, c’estavant tout la possibilité, voire même la nécessité, de diminuer le poids dutemps contraint et de réduire le temps pris par des tâches inutiles ou non di-rectement productives (cf. Gadrey, 1989 ; Gadrey, Noyelle et Stanback,1991). Il s’agit donc de faire ses courses le plus rapidement possible, de rédui-re à la fois le temps de trajet, le temps transactionnel, mais également parfoisle temps post-transactionnel (produits simples à haut niveau de « praticité »,SAV performant…).

La dimension de temps subi se retrouve dans la plupart des enquêtes sur lesbesoins et attentes des consommateurs. Ces enquêtes montrent que les clientssont fortement réticents et critiques vis-à-vis des temps morts et perdus 10. Ilsexpriment des besoins croissants en services de type time saving de mêmequ’ils formulent des attentes fortes en termes de possibilités de livraison à do-micile ou encore, de réduction du temps d’attente aux caisses (Tiberghien,1995, p. 12). On notera que le poids de ces différents besoins s’est fortementamplifiée avec la réduction du temps moyen consacré aux courses 11.

10. On notera que si le temps peut être une variable importante voire centrale, elle n’en demeurepas moins une variable contextualisée. Il existe en effet une relativité historique du concept detemps perdu.11. Selon Orfeuil (2000), la fréquence des achats de tout type comme des achats à dominante ali-mentaire tend à diminuer (4,4 à 3,2 par semaine) comme le temps qui leur est consacré (11 minutesde moins en 8 ans).

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La dimension de temps discontinu

La deuxième évolution majeure que l’on peut observer est bien celle de lafragmentation du temps et du remplacement progressif du temps continu dela précédente période (1970-90) par un temps nettement plus discontinu.L’uniformisation du temps entamé dans cette période s’est en effet accompa-gné rapidement d’une diversification croissante des rythmes d’activité. Apartir des années 1990, on constate que les différents temps de la journéesont, pour le consommateur, de moins en moins exclusifs et univoques. Letemps n’est plus découpé de manière linéaire, avec une succession de tempsdistincts (professionnel, familial, personnel…). On assiste ainsi à une vérita-ble interpénétration de ces différents temps (cf. Mermet, 2002 : 139) qui sereflète d’une part dans l’évolution des mobilités quotidiennes et de l’autredans les pratiques de « zapping » 12 des consommateurs.

- Concernant les pratiques de mobilités quotidiennes, on observe unehausse importante du poids de différentes activités (et en particulier descourses) durant la semaine (cf. tableau 2).

Tableau 2 – Évolution de la mobilité quotidienne de 1982 à 1994 (nombre de déplacements)

Source : Enquête « Transport », INSEE et INRETS

Cette évolution des mobilités n’est que le reflet d’un effet de lissagegénéralisé et particulièrement visible dans la distribution à dominante ali-mentaire. Comme le précise Jean Viard (2004, p. 159) : « les achats quiavaient lieu le vendredi et le samedi ont tendance à glisser vers les autresjours ouvrables de la semaine et, dans les zones touristiques, certains centrescommerciaux voient une augmentation de la fréquentation à la faveur desséjours de courte durée ». On peut noter par ailleurs une réelle augmentationdes achats de fin de journée, au point que des institutions comme par exem-ple les Galeries Lafayette ont été amenées à prolonger leur ouverture d’unedemi-heure (dans la soirée).

Enfin en ce qui concerne les pratiques de « zapping », on montre parexemple que le nombre moyen de grandes et moyennes surfaces alimentaires

12. Pratique consistant à ne plus être fidèle à une enseigne ou un magasin spécifique et à segmen-ter ses achats au profit de plusieurs magasins différents.

Lundi-Vendredi Samedi Dimanche

Achats + 24 % - 6 % - 24 %

Visites famille, amis + 44 % + 38 % + 7 %

Loisirs + 23 % + 36 % + 9 %

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régulièrement fréquentées par chaque ménage à tendance à s’accroître gra-duellement. On passe ainsi de 2,7 en 1988 à plus de 3,3 en 1997 13 (cf.Moati, 2001, p. 103). En effet, il devient de plus en plus clair que le consom-mateur gère ses choix de magasin en croisant le rapport traditionnel qualité-prix avec un nouveau critère de type qualité-temps. C’est grâce à ce nouveléventail de possibilités en matière de circuit et d’institutions qu’il opère unnouvel arbitrage entre les deux facettes traditionnelles des courses que sontd’un côté les « courses-corvée » et de l’autre les « courses-plaisir ».

Les différentes évolutions que nous venons d’analyser font que petit à pe-tit, le temps de l’hypermarché est devenu contre-productif. Au lieu de fairegagner du temps, l’hypermarché a commencé à en faire perdre.

Cette dimension « temps perdu » peut s’analyser selon plusieurs angles :

– celui de l’accès ou de l’accessibilité tout d’abord. Les temps d’accèsaux hypermarchés sont devenus de plus en plus longs, en particulierlorsque ceux-ci s’implantent de manière croissante dans des galeriesmarchandes ou des centres régionaux (cf. Moati, 2001, p. 175).Par ailleurs, dans le cas de la France, et en particulier du fait d’uneréglementation stricte, on peut penser que le manque de grandes sur-faces (principalement de supermarchés) comparativement à d’autrespays (les États-Unis par exemple) rend les trajets des clients plus longset l’attente (à quelque niveau que ce soit) plus grande. Autrement dit,pour reprendre les termes de Bertrand et Kramarz (2003), la régle-mentation obligerait les français à faire la queue ;

– celui du choix ensuite. Longtemps la dimension choix (assortimentlarge et profond) a été une dimension centrale dans le positionne-ment de l’hypermarché. Or, de plus en plus, l’étendue du choix faitperdre du temps. L’extension de l’assortiment est en effet de nature àaccroître fortement le temps consacré aux courses : « un magasin deplus en plus grand proposant une offre de plus en plus étoffée accroîtle temps moyen consacré aux courses (Moati, 2001, p. 175). Ainsi,selon Mermet (2002, p. 364), plus de 61 % des français trouveraientqu’il y a aujourd’hui trop de choix dans les grandes surfaces 14 ;

– enfin celui de l’attente et de la perte de temps pure. Sur ce dernierpoint, de nombreux travaux et enquêtes ont mis en évidence les pertes

13. La diversité des circuits de distribution fréquentés par les consommateurs est en constante aug-mentation. Ainsi, 92 % des français fréquentent le commerce spécialisé, 76 % les supermarchés,73 % les hypermarchés, 62% les marchés, 58 % les épiceries et 25 % le hard discount (Orfeuil,2000, p. 45).14. On notera que le groupe Auchan a cessé depuis quelques années de faire du choix un axemajeur de sa politique de communication.

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de temps générées au sein des hypermarchés, et ce, principalement(mais pas exclusivement) au niveau du secteur caisse (cf. tableau 3).

Tableau 3 – Quels sont les principaux inconvénients des hypermarchés

Source : LSA, 7 novembre 1996, n° 1512

Au delà du traditionnel secteur caisse, la perte de temps peut égalementse refléter dans les parcours imposés traditionnellement par les hypermar-chés. Généralement ces institutions, au travers d’un agencement spécifiquede leurs rayons, obligent véritablement les consommateurs à parcourir la tota-lité du magasin. Dans le cas américain (mais le constat est également centraldans le cas français), Coggins et Senauer (1999, p. 170) notent : “The layout isdesigned to produce a specific circulation pattern for customer. In traditionalstore it is inconvenient to shop for just a few items or just part of the store.”

NOUVEAUX USAGES DES TEMPS DES MÉNAGES ET RÉPONSES DES DISTRIBUTEURS

Face aux transformations et évolutions dans le comportement du consomma-teur, la grande distribution a réagi en proposant de nombreuses innovations(nouveaux formats de vente, nouveaux services, nouvelles technologies per-missives, etc.). Dans Gallouj (2002), nous avons proposé une synthèse desdifférentes formes d’innovation observables dans le grand commerce, soit :de nouvelles méthodes de vente, de nouveaux concepts ou nouveaux for-mats de magasin, de nouveaux produits-services et enfin de nouveaux processou nouvelles formes d’organisation et de fonctionnement.

Réponses en % En 1er En 2e En 3e Total citation

Queue aux caisses 41 22 12 75

Une incitation à dépenser plus qu’on ne voudrait

13 22 18 53

L’absence de conseils, de vendeurs 25 13 14 52

Des prix mal indiqués en rayon 5 16 10 31

L’obligation d’acheter par trop grandes quantités

3 9 13 25

Des magasins tristes, sans charme 6 4 3 13

Un choix de produits limités 1 1 2 4

Des magasins mal tenus 1 1 2 4

NSP 5 12 26 5

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Ces différentes innovations entretiennent des liens très variables avec lesnouvelles technologies, mais également et surtout avec la dimension tempo-relle. En effet, l’idée que nous cherchons à défendre ici est bien que l’essentieldes innovations commerciales et des changements institutionnels développéspar le grand commerce peut, être interprété en fonction de la manière dont iltient compte du temps et de l’usage du temps des ménages.

Comme le précise Dawson (1995, p. 23) : “Within the retail marketingmix, time is used as a means of segmenting customers and designing store for-mats which respond to the customers need for fast service, no queue, limitedranges, ranges of rapid gratification products (for exemple microwaveablefoods) and location on frequently used routes…” On notera qu’on quitte biencette fois l’approche monolithique du consommateur (des premières annéesdu grand commerce) pour une approche nettement plus fine et segmentée.

En nous inspirant de Jean Gadrey (1989), il nous semble que l’on peutinterpréter les différentes innovations et les changements institutionnelsaffectant le grand commerce selon trois grands axes ou trajectoires principa-les : une trajectoire de libération du temps contraint, une trajectoire d’enri-chissement du temps et une trajectoire d’externalisation partielle ou totalede certaines activités (cf. figure 1).

Figure 1 – Une interprétation temporelle des trajectoires d’innovation dans le grand commerce

Source : Adapté de Gadrey (1989)

Une trajectoire de libération quantitative de temps

La réponse de la grande distribution aux besoins exprimés (par les ménages)de libération de temps prennent selon nous, au moins quatre orientations :

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la multiplication des services « gain de temps », la déclinaison de conceptsexistants, la mise au point de nouveaux concepts, et enfin, le développementdes marques de distributeurs. Ces différentes innovations pouvant être techno-logiques, totalement non technologiques ou alors, s’appuyer sur la technologiesans que cette dernière n’en constitue pour autant un élément déterminant(cf. sur ce point Gallouj, 2002).

La multiplication des services au sein du grand commerce

L’un des principaux motifs de recours aux services, révélé notamment par lesenquêtes est bien l’économie de temps (Gadrey, 1989 : 10). Certains travauxmontrent d’ailleurs que le développement des services peut être interprétécomme le résultat d’un besoin d’économie du temps. Les services permettentd’abord et avant tout de gagner du temps. C’est ce que suggère LéonardBerry, dès la fin des années 1970, dans un article au titre évocateur : “TheTime Buying Consumer.” L’auteur écrit ainsi : “One reason the services sec-tors of the economy has grown so rapidly is that services allow consumers topurchase time. In the decade ahead, a variety of innovative service offeringsdesigned to save time will flourish…” (Berry, 1979, p. 68).

Le grand commerce offre ainsi de multiples services de gain de temps (timesaving). Il s’agit ici pour l’essentiel de services liés à l’achat c’est-à-dire de ser-vices qui facilitent l’achat, le rendent, plus rapide, parfois plus confortable.

On distingue :

– les services de base comme par exemple l’offre de plages d’ouvertureplus larges permettant au client une meilleure gestion de son temps ; larapidité et la réduction de l’attente aux caisses (cf. sur ce point l’enca-dré 1) et à certains rayons ; l’aide au client dans l’exécution de certainestâches de manutention ou à certains rayons ; l’agencement du magasinqui permet lui aussi (dans certaines conditions) de gagner du temps…– les services dits de confort comme par exemple les bornes interactivesd’information ou de commande, les points information et plus généra-lement l’essentiel des nouvelles technologies sur le lieu de vente. “Afinal illustration of the more positive view beeing taken of time is theintroduction of in-store multi-media information and communica-tion systems to reduce the time of the customer search and to help inthe personalisation of product… in France for exemple FNAC pro-vide a network of interactive kiosks with access to a catalogue ofrecorded music through colour screen, headphones and touch screen;and Eram, in France, provide an electronic catalogue of shoes whichis available for consultation in over 1500 stores and through whichorders are placed…” (Dawson, 1995, p. 23).

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– et enfin les services de complément (comme l’ensachage automati-que en sortie de caisse, le transport des courses jusqu’à la voiture, lapossibilité de commande par téléphone, la livraison à domicile, lesexpériences de self-scanning, ou encore le voiturage des clients…).

Encadré 1 – Le développement de services gain de temps dans le grand commerce : quelques exemples

Les caisses « volantes »En cas d’affluence, les chefs de rayons peuvent se doter d’un terminal portable sansfil qui va jusqu’à l’encaissement. Cette tendance est particulièrement développéeaux États-Unis.La livraison à domicileL’essentiel des magasins de centre-ville proposent ce type de service. Match proposeune formule originale visant à limiter l’attente en caisse. Les clients peuvent ainsiaprès leurs achats, laisser leur chariot avant le passage en caisse. Celui-ci leur seralivré par la suite.Le paiement décaléLe centre Leclerc de Langon propose un service de paiement décalé. Des caissièresenregistrent les achats et d’autres encaissent. Cette pratique engendre une amélio-ration du passage de l’ordre de 10 à 12 %.Les enregistrements anticipés ou queue boostingChez Métro et plus récemment chez Auchan, des salariés enregistrent les achats desclients dans les files d’attente. Ces derniers n’ont plus qu’à payer sans avoir à déposerles produits sur le meuble de caisse. L’employé scanne les produits et remet au clientun jeton muni d’un code à barres ou imprime un ticket à présenter à l’hôtesse de caisse.Le permanent caisseIl s’agit d’un nouveau métier créé par carrefour. Ce salarié est en quelque sorte res-ponsable de la « non-attente ». Il assure la gestion et la fluidité des caisses en directdevant les clients et non plus en back office.Les caisses panier (ou moins de 10 articles)Il s’agit en quelque sorte d’offrir une solution caisse pour chaque type de clientèle.Dans ce cas, l’hypermarché développe des caisses spécifiques dédiées aux petitsachats (généralement moins de 10 articles). Elles permettent d’accélérer et fluidi-fier le flux de clientèle et de réduire le temps d’attente pour les petits paniers.Les cassettes de caisseL’hypermarché offre aux clients la possibilité de pré-ranger leurs achats. L’objectifest de réduire le temps de manipulation des achats par les clients. Ceux-ci repartenten effet avec les bacs ou cassettes.Le développement des technologies de comptageLes technologies de comptage des clients à l’entrée des magasins permettent parexemple d’ajouter des caisses en cas d’affluence et globalement de réduire l’attente.Le self-scanningLe client enregistre lui-même ses achats à l’aide d’un mono. La caissière n’a plusqu’à charger les informations et imprimer le ticket.

Source : LSA, n° 1531, 20 mars 1997 et divers presse.

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La déclinaison de concepts existants (et l’offre de services de proximité)

Moati met en évidence les stratégies de déclinaison des formats mise enplace par la grande distribution. Ces déclinaisons débouchent sur la multipli-cation de point de vente de petite dimension qui peuvent être un modèleréduit du grand (format), un zoom du grand ou relever d’une stratégie dediversification (cf. sur ce point Moati, 2001).

La déclinaison de concepts existants vise en partie à se rapprocher duclient. Dans ce cadre, il s’agit de réduire le temps de déplacement du domi-cile au lieu d’achat. La proximité est en effet le premier motif de fréquen-tation d’un point de vente. Selon une enquête parcours/chronos, 67 % desconsommateurs fréquentent des unités à proximité de leur domicile ; et 25 %sont infidèles à leur magasin dès qu’ils trouvent une solution plus rapide(LSA, 7 mars 2002, n° 1758).

Plus généralement on dira qu’il s’agit d’offrir un concept correspondant àchaque occasion d’achat spécifique du client, c’est-à-dire adapté à chaqueusage spécifique du temps. Comme le précise Lepage (1982) la segmentationcroissante de l’offre de « produits commerciaux » peut dans une large mesures’analyser comme le reflet de l’hétérogénéité des coûts d’opportunité destemps (des ménages).

Le développement de nouveaux concepts commerciaux

La grande distribution a développé de nombreux concepts qui se position-nent d’emblée sur le créneau « gain de temps ». On peut distinguer au moinsquatre types d’offres tournées vers le gain de temps : les automates et la venteautomatique, le e-commerce et le magasin virtuel, les hypermarchés spécia-lisés et les drive in et enfin le concept de magasin d’itinéraire.

– Les automates ou encore magasins robots sont essentiellement cen-trés, en France, sur la vente de boissons (qui représente 85 % du mar-ché). Cependant, les perspectives de développement sur des gammesplus étendues de produits restent importantes. Ainsi, à la suite deCasino qui teste en France et depuis 1998, les « Casino 24 », magasinsautomatiques de moins de 20 m2, le groupe Auchan a lancé « Plan B »et devient ainsi le 3e acteur français 15 sur ce créneau.– Le supermarché à domicile (ou encore magasin virtuel) s’est d’aborddéveloppé grâce au Minitel et a connu une accélération avec internet.Ainsi, la plupart des grands groupes de distribution se sont lancés avecplus ou moins de succès dans le développement de filiales dédiées au

15. Le deuxième acteur : Yatoopartoo est indépendant semble-t-il.

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commerce en ligne (Cmescourses pour Casino, Ooshop et Carrefourdirect pour Carrefour, Hourra pour Cora et Télémarket pour les GaleriesLafayette).

– La grande distribution a tenté également de développer d’autresconcepts « gain de temps » sous forme d’hypermarchés spécialisés.L’un des plus marquants reste le drive in qui est un concept de coursesau volant (en moins de 10 minutes) développé par le groupe Auchanen 2000. Ce nouveau concept à l’enseigne Auchan Express (sur lequelnous reviendrons) est même officiellement qualifié par ses concep-teurs de « discounter du temps » 16.

– Enfin le commerce d’itinéraire s’appuie sur l’idée que déjà aujourd’hui,les itinéraires prennent le pas sur les zones de chalandises. Ainsi, ils’agit, dans une logique de commerce de flux, de s’implanter sur les lieuxde passage du client comme par exemple les gares, les aéroports, les sta-tions-service etc.

Bien entendu, les différents concepts innovants que nous venons de pré-senter ne sont pas les seules réponses de la distribution aux besoins de gainde temps exprimés par les clients. De multiples enseignes se sont dévelop-pées sur la période récente et sur ce créneau. Ainsi en est-il par exemple deGrand Optical, qui fabrique des lunettes en une heure. On trouve des con-cepts similaires dans la photo, le pressing, etc.

Les marques de distributeur de nouvelle génération

Le développement récent des marques de distributeur (MDD) ou plutôt l’ac-célération de leur développement peut également être interprété dans lecadre d’une logique temporelle. Comme le précise Moati (2001, p. 127-128) :« La concurrence impose en effet aux entreprises d’offrir aux consommateursles moyens d’accéder à des technologies d’usage de leur temps de plus en plusefficiente par rapport à leurs données particulières. L’un des exemples les plusavancés de cette évolution étant dans le domaine des biens de consommationcourante celui des « produits libres » qui s’apparentent à une délégation pres-que totale de choix par le consommateur qui fait confiance au distributeurpour lui offrir la sélection la plus optimale possible de prix et de qualité… ».

La plupart des études marketing montrent que les consommateurs sont deplus en plus attentifs à ne pas perdre trop de temps dans la recherche et lacomparaison de produits. Face à cette situation, les distributeurs ont réagitrapidement. Selon Moati (2001, p. 318), « l’engagement croissant de la

16. Le Monde, 23-24 juin 2000. Plus récemment, Auchan a développé Chronodrive, qui corres-pond à une combinaison de l’offre d’Auchan Express et de l’offre e-commerce classique du groupe.

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grande distribution dans la fonction d’ajustement qualitatif entre offre etdemande pousse aujourd’hui les distributeurs à assurer une sélection de plusen plus serrée de l’offre des produits afin de tenter de répondre de manière laplus fine possible aux besoins de leurs clients et leur simplifier ainsi la chargedu choix ».

C’est dans ce cadre que l’on peut interpréter le développement remarqua-ble des MDD de troisième génération. Le développement de ces MDD cor-respond à une délégation totale de la question du choix au distributeur.Cette délégation est renforcée sur la période récente dans la mesure où, deplus en plus, les MDD se positionnent comme le meilleur rapport qualité-prix (ou qualité-temps pourrions-nous dire) de leur gamme 17.

Une trajectoire d’enrichissement du temps

La grande distribution est également active sur l’axe enrichissement du temps.Cet axe renvoie cependant à deux réalités distinctes. Il peut s’agir d’une partd’un enrichissement que nous qualifierons de quantitatif et d’autre part d’unenrichissement de nature qualitative.

Un enrichissement quantitatif

La trajectoire d’enrichissement quantitatif du temps s’appuie généralementsur une dimension classique de multitasking. Dans ce cas, le temps est perçuet considéré comme une ressource qui peut être employée pendant les cour-ses pour réaliser d’autres tâches : administratives, familiales et sociales, etc. Ils’agit pour reprendre les termes de Bruno Marzloff de « rendre le temps descourses productif », c’est-à-dire, du point de vue du consommateur, de profi-ter de ce temps incompressible des courses pour réaliser d’autres activités.Aux États-Unis, Coggins et Senauer (1999 : 170) vont dans le même senslorsqu’ils affirment : “There are at least two other dimensions to conve-nience from the food shopper’s perspective. One relates to the number oftasks that can be accomplished during a single shopping trip or in a singlestore; the other relates to the ease of shopping and time required to shop. Toimprove their one-stop shopping appeal, supermarkets have been addingnew services, such as banks, florists, video rental, and pharmacies. 18”

En effet, la stratégie d’enrichissement du temps (des courses) passe encoreune fois ici par l’adjonction de multiples services de type para-commerciaux

17. Ces produits sont à la fois innovants, qualitatifs et exclusifs (Credoc et al. 2001, p. 153).18. Dans certains cas particuliers, l’enrichissement quantitatif peut recouper la trajectoire précé-dente de libération de temps (logique de gain de temps). On gagne en effet du temps en réalisantplusieurs tâches en même temps.

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généralement : billetterie de spectacles, voyages, fleurs, bureau de poste, PMU,administration, impôts…

Certains distributeurs innovent ainsi en créant des lieux hybrides (barqui fait également laverie automatique) ou encore wagon 19 transformé ensupermarché etc. (cf. Rieuner et Volle, 2002, p. 23).

Un enrichissement qualitatif

L’enrichissement qualitatif renvoie quant à lui à une dimension plus ludiqueet récréative. Il s’agit ici, dans la plupart des cas, de tenter de passer de lanotion « d’achat corvée » (temps subi) à celle « d’achat plaisir » (tempschoisi). On notera que cette conception n’est pas nouvelle. Elle correspondbien aux premières heures de l’hypermarché traditionnel 20.

La dimension ludique ou récréative consiste le plus souvent à associercommerce et loisir dans le sens de l’approche anglo-saxonne de « retailtaine-ment 21 ». Dans ces conditions, on peut penser que le temps des courses ap-paraît réellement comme un produit joint. La dimension de retailtainementa été particulièrement développée dans le modèle anglo-saxon. Ainsi parexemple, Tesco met-il à la disposition de ses clients un espace cuisine où ilspeuvent goûter et préparer les nouveaux produits (Auckenthaler et al., 1997,p. 53). Plus généralement, certaines offres commerciales se positionnent dé-libérément comme une destination touristique, culturelle ou encore sportive.Comme le note par exemple Jean Pierre Orfeuil (2000, p. 51), de nombreu-ses synergies apparaissent, « associant une offre commerciale et un élémentde patrimoine ou un équipement urbain d’envergure : les musées, les stadespar exemple sont alors les racines sur lesquelles viennent se greffer des offresen matière de culture, de sport et de loisir. Les localisations sont alors prédé-terminées par les équipements existants (Nature et Découverte au Palais dela Découverte, Décathlon au Stade de France, etc…) ».

19. Le train Zurich-Berne comporte ainsi un supermarché offrant plus de 800 produits.20. Renaud de Maricourt (1988, p. 44) note ainsi que « la grande distribution intégrée, et leshypermarchés apportent… un service de nature essentiellement psychologique, mais dont ilserait vain de nier la réalité et l’importance pour une grande majorité de consommateurs : cettefameuse “ivresse du choix” créée par une ambiance volontairement euphorisante, par les immen-ses alignements de marchandises que l’on peut librement toucher, sentir ou essayer, enfin parl’absence de la pression d’un vendeur. Cette légère ivresse, ce sentiment d’espace et de libertéétait probablement un des principaux attraits des hypermarchés dans les premières années, etl’est encore pour bien des jeunes : on oublie les contraintes matérielles et l’on déambule des heu-res dans les travées en perdant la notion du temps… ». Les hommes de marketing parlent ainside « ré-enchantement » du commerce.21. Il s’agit de la combinaison de retail (commerce) et de entertainement (divertissement).

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Une trajectoire d’externalisation partielle ou totale de fonction-service

La dimension d’externalisation correspond du point de vue du consomma-teur, au besoin de gagner du temps en faisant faire par d’autres, des activitésauparavant réalisées au sein du ménage. Cette externalisation totale ou par-tielle s’appuie généralement sur des contraintes de temps (parfois de coût).

Dans le grand commerce, cette dimension passe généralement par la miseen place et le développement de systèmes de production et de vente de pro-duits à haut niveau de préparation (rayon traiteur, plateaux cuisinés, ou pré-parés, etc.). Elle passe également par l’offre de « solutions » et non plussimplement de produits, à un problème du client. L’exemple le plus souventmis en avant est celui des « solutions-repas » 22 : « although grocery sales inreal terms are not growing, the demand for food that is ready-to-eat that canbe purchased and taken-out to eat at home or elsewhere is growing. Theterms « home meal replacement » and « meal solutions » have been coinedto reflect this demand. Supermarkets have responded to this competition byproviding more ready-to-eat or easy-to-prepare foods. Convenience is aboutsaving time. Reducing the preparation required before actually consuming aproduct is one form of convenience » (Coggins et Sanauer, 1990, p. 170).Les exemples de solutions d’externalisation ne se limitent pas, bien entendu,aux « solutions repas », il existe de nombreuses offres dans d’autres domainesqui relèvent également de cet aspect. Ainsi en est-il par exemple de Inter-flora ou encore de Oh’les fleurs qui offrent un service de remplacement régu-lier de fleurs à domicile.

Cette dimension d’externalisation totale ou partielle est en contradictionavec les thèses du self-service parues dans les années 1980 sous l’impulsion destravaux de Gershuny en particulier. A l’inverse, elle cadre relativement bienavec l’approche de Jean Gadrey qui, tout en reconnaissant que les thèses deGershuny ont perdu du terrain nous invite à réfléchir « à la possibilité, audelà de la problématique étroite de la substitution que privilégie la thèse duself service, d’un développement simultané et complémentaire des biens etdes services au sein d’une même famille de besoins en expansion » (cf. éga-lement sur ce point Delaunay et Gadrey, 1987).

Les différentes trajectoires que nous venons de voir sont relativementintéressantes. Elles sont cependant présentées de manière séparée à des finspédagogiques. Dans la réalité, elles peuvent être interdépendantes et parfoiscontradictoires. Par ailleurs, elles ont un caractère déterministe et ne tien-nent pas compte de toute la diversité et de la complexité de l’innovation

22. On notera que dans ce cadre, le grand commerce entre directement en concurrence avec lesecteur de la restauration.

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commerciale. De fait, de nombreuses innovations dans le grand commerceapparaissent comme des hybrides issus de la combinaison de deux ou plu-sieurs trajectoires simples.

Vers une approche combinatoire du temps et de l’innovation commerciale

Les trajectoires d’innovation que nous avons présentées dans les sectionsprécédentes sont pour une large part des idéaux-types, des trajectoires géné-riques. Dans la réalité, l’essentiel des innovations lancé par le grand com-merce est de nature combinatoire (Gallouj, 2004).

La nature des trajectoires combinatoires

Les trajectoires d’innovation de type libération du temps, enrichissement ouencore externalisation sont des formes relativement simples et finalementfacilement imitables et reproductibles. Dans ces conditions, il est clair que legrand commerce, qui cherche à maintenir sur le long ou moyen terme unavantage compétitif durable et défendable (et dans tous les cas qui retarde lesprojets d’imitation des concurrents) opte le plus souvent pour des approchesde nature combinatoire.

Ainsi, de nombreuses innovations commerciales sont des combinaisonsde deux trajectoires particulières. Dans la réalité, les projets les plus aboutiscombinent à différents degrés les trois trajectoires génériques en mêmetemps. On peut dire que globalement l’essentiel de l’offre commerciale est denature combinatoire. De manière plus précise, le grand commerce cherche àdévelopper des produits hybrides, flexibles, adaptés à tous les moments etinstants de la consommation, à tous les usages de temps des consommateurs.

C’est d’ailleurs un des défis de la distribution moderne que de tenter deconcilier temps choisi et temps subi ; gagner du temps/enrichir le temps…Benoun et Helies Hassid (2003) font même du temps, et en particulier de l’in-tégration de cette notion du temps à deux vitesses un des facteurs clés de ladistribution moderne et du succès de la politique commerciale du distributeur.

De nombreuses études professionnelles mettent en évidence une réorga-nisation du grand commerce en fonction des différents types de courses ou decomportement d’achat des consommateurs. Ainsi, Cédric Ducroc constateavec raison que « les nouveaux hypers sont désormais conçus avec différentstypes de parcours, différents scénarios, afin de satisfaire à la fois le clientvenu faire « le plein » pour le mois ou la quinzaine et ceux qui utilisentl’hypermarché comme un magasin de proximité » 23.

23. Dans LSA, n° 1816, supplément, « 40 ans de l’hypermarché, les 12 défis », 26 mai 2003.

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Il n’en demeure pas moins cependant que ces schémas sont relativementcomplexes. De manière plus générale, la conciliation des logiques d’achatcorvée et d’achat plaisir est difficile à réaliser. La mise au point de conceptscommerciaux « attrape tout », répondant du point de vue du consommateurà une logique à la fois de temps choisi et de temps subi s’avère extrêmementcomplexe 24. Aujourd’hui, le grand commerce procède encore par tâtonne-ment, en procédant à de multiples expérimentations dont certaines sont troprécentes pour permettre une évaluation sérieuse. Tel est le cas par exempledu drive in que nous présentons dans la section suivante.

Des exemples de trajectoires combinatoires

Les exemples de nouveaux concepts combinatoires développés par le grandcommerce sont nombreux. On peut citer les nouveaux concepts d’hypermar-chés mis au point par Auchan autour de la notion de drive in ou encore parCarrefour et Cora autour de la notion d’univers ou plus récemment parAuchan avec son nouveau concept H3M développé à Val d’Europe et encours de généralisation depuis lors ou enfin, à un niveau plus large : Mall ofAmerica.

L’hypermarché drive in

L’hypermarché drive in dit Auchan Express (cf. § 3.1.3) est un nouveau con-cept de courses au volant lancé par Auchan en juin 2000 à proximité de sonmagasin de Leers (banlieue lilloise). Il permet au client de saisir sa com-mande sur une borne interactive et de régler ses achats par carte bancaire ouprivative sans devoir quitter son véhicule. C’est un employé du magasin quivient charger son coffre en moins de 10 minutes.

Cette structure relève selon nous, et comme on l’a vu (cf. § 3.1), pourune large part de l’axe libération quantitative de temps. Mais elle relève éga-lement pour une part de l’axe enrichissement. En effet, l’objectif affiché dudrive in « est de permettre aux clients de se procurer des articles lourds etvolumineux, à forte fréquence d’achat ». Dans les faits, Auchan Express(localisé à proximité immédiate d’un hypermarché standard) permet de libé-rer du linéaire au profit d’autres familles de produits à marge plus élevée etsurtout d’alléger le chariot des clients. Les produits proposés par AuchanExpress représentent en effet 50 % du volume d’un caddie moyen, ce quipeut inciter les clients à flâner de manière plus détendue dans les autres

24. Les difficultés de conciliation (temporelle) concernent également l’alimentaire et le non ali-mentaire. De même, que les catégories spécifiques de produit telles que les convenience goods oules shopping goods pour reprendre la terminologie de Bucklin.

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rayons et à acheter davantage. On passe bien ici selon le concept marketingconsacré de la notion d’achat corvée à la notion d’achat plaisir. Plus globa-lement, on a bien ici un modèle combinatoire de gain de temps et d’enrichis-sement du temps.

L’organisation en univers et l’hypermarché de nouvelle génération

Le concept d’univers (de consommation) est une innovation qui a bouleversél’organisation et l’aménagement traditionnel de l’hypermarché. Ce nouveauconcept vise à tenir compte de la complémentarité des produits selon une lo-gique non plus de production, mais de consommation. L’organisation en uni-vers débouche donc sur un regroupement de produits qui étaient auparavantdisséminés dans plusieurs rayons, souvent éloignés les uns des autres. L’objec-tif annoncé par les concepteurs quelle que soit l’enseigne est d’intégrer un« esprit boutique » au sein de l’hypermarché. Il s’agit également d’alterner deszones de pure « praticité » et d’autres plus ludiques, afin de procurer des mo-ments de plaisir au chaland (LSA, 29 mai 2003, supplément 1816). La plu-part des grandes enseignes françaises ont initié cette nouvelle organisationdès la fin des années 1990 en développant des concepts et projets spécifiques(Magali pour Carrefour, H3M pour Auchan et Magelan pour Géant Casino).

L’hypermarché H3M du groupe Auchan s’inscrit dans le cadre de ce typed’approche. Il relève par conséquent bien d’une logique d’innovation com-binatoire. Tout d’abord, il permet de gagner du temps en s’appuyant sur uneinnovation organisationnelle. Cette nouvelle organisation se fonde en effetsur l’abandon du caractère linéaire de la présentation de l’offre au profit dela constitution d’ilôts. De ce fait, on peut dire que l’hypermarché n’est plusstructuré selon une logique de type industrielle, celle des fournisseurs (enparticulier la logique des rayons organisés en fonction de la manière donttravaillent les industriels) mais plutôt selon une logique client. Ce derniern’est donc plus obligé de parcourir tous les rayons. Les ilôts sont mieux struc-turés et très rapidement repérables. Par ailleurs, l’ensemble de la signalétiquetraditionnelle a été revue et vise maintenant à simplifier et à faire gagner dutemps au client.

L’hypermarché permet également d’enrichir le temps. En effet, il s’appuiesur une déclinaison d’espaces bien distincts qui rappellent l’esprit boutique dupetit commerce. Ces espaces permettent en particulier, selon leur concepteur,de favoriser et faciliter la flânerie des clients dans les rayons. Enfin, cet enri-chissement s’appuie également sur de multiples services à la clientèle (cabinesde soins esthétiques, espaces nurserie, concerts, ateliers d’expression, etc.).

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Intégrer tourisme et commerce : l’exemple de « Mall of America »

Durant les années 1990, on a assisté à l’ouverture de nombreux mégamalls enAmérique du Nord. La caractéristique essentielle de ces malls est qu’ils sontmontés selon un modèle de parc d’attraction. Ils cherchent à intégrer desactivités commerciales à grande échelle (plusieurs centaines de magasins etboutiques) et de multiples activités récréatives (restaurants, spectacles, parcsà thème, cinéma multiplexe, etc.). De fait, les malls constituent bien desinnovations combinatoires à grande échelle qui s’appuient sur les trois tra-jectoires génériques d’innovation que nous avons définies au début de cettesection.

En effet, dans les malls, « on peut boire, manger, se divertir, acheter... ». Ilest possible de gagner du temps et d’en perdre. On peut donc s’inscrire à lafois dans une trajectoire de gain de temps, une trajectoire d’enrichissementou encore une trajectoire d’externalisation de fonction-service.

Encadré 2 – Mall of America : un centre commercial conçu comme une destination touristique

Mall of America a ouvert en 1992 à Minneapolis (Minnesota). Le choix de cetteville pour un équipement de cette ampleur s’explique par sa localisation : près de30 millions de personnes vivent à moins d’une journée de route de Minneapolis, etla conception du centre le positionne délibérément comme une destination touris-tique. Le service marketing du centre propose d’ailleurs aux agences de voyage desoffres globales associant l’hébergement et la visite de toutes les activités proposéespar le centre commercial. Pour être attractif, Mall of America combine les superlatifs :- Prés de 300 000 m2 de surface de vente ;- 400 magasins, dont quatre grands magasins (Macy’s, Bloomingdale’s, Nordstrom etSears) ;- 12000 employés ;- 35 à 40 millions de visiteurs par an, dont 30 à 40 % de touristes ;- une durée moyenne de visite au centre de 3 heures (trois fois la moyenne des cen-tres commerciaux nord-américains ;- 22 restaurants à thème, 23 fast-foods, un cinéma multiplexe de 14 écrans ;- une architecture en quadrilatère, avec au centre le parc de loisirs ;Chacune des quatre galeries reliant les grands magasins développe un thème parti-culier : une grande rue typique américaine, une place de marché européenne, unesynthèse des rues chic des grandes villes européennes, et un quartier à la mode(upbeat district).

Source : Filser M., des Garets V., Paché G. (2001 : 138)

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202 innovations 2007/1 – n° 25

CONCLUSION

Dans cet article, nous avons tenté d’interpréter les innovations commercia-les à la lumière des usages des temps des ménages (et de leurs évolutionsrécentes). Nous avons mis en évidence différents types de trajectoires : delibération et d’enrichissement de temps, d’externalisation et enfin une tra-jectoire de nature combinatoire.

Ces différentes trajectoires auront sans doute à l’avenir des conséquencesimportantes en matière d’emploi. Il nous semble que ces conséquencesdevraient suivre au moins trois directions (qui à ce stade restent pour nousdes hypothèses de travail) qu’il importe d’investiguer plus avant :

– un changement dans le volume de l’emploi. Bien que certaines in-novations (vente automatique, drive in, etc.) sont de nature à réduireles besoins en main d’œuvre, l’essentiel des innovations que nousavons vues (en particulier celles qui relèvent des trajectoires d’enri-chissement, d’externalisation et de combinaison) 25 devraient con-duire à un accroissement des besoins de main-d’oeuvre dans le grandcommerce ;– un changement dans la nature de l’emploi. On assiste (et on devraitassister) en effet à un accroissement du niveau de formation et quali-fication de l’emploi commercial. La plupart des nouveaux emploiscréés sont des emplois de service en contact direct avec le consomma-teur. Il s’agit de trouver des réponses et des solutions à des problèmesspécifiques du client. Dans ces conditions, on constate bien un accrois-sement à la fois des compétences techniques mais également comporte-mentales, relationnelles et servicielles. Plus encore, dans la mesure où,comme on l’a vu, un certain nombre des innovations ont une dimen-sion technologique forte, on devrait assister à un accroissement des be-soins en formation du personnel en particulier en NTIC (alors que cesformations étaient jusqu’à maintenant réservées à l’encadrement) ;– un changement dans le statut de l’emploi. Pendant longtemps leparadigme dominant dans la gestion de l’emploi des hypermarchéspouvait être résumé par l’expression suivante d’un DRH d’hypermar-ché : « dans les magasins, il faut travailler son effectif fixe et stable surle plus petit chiffre d’affaires. Vous devriez avoir l’effectif stable de votreentreprise sur le mois le plus faible » (Baret, Gadrey, Gallouj, 1998).

25. Notons que le constat est également valable pour certaines innovations relevant de la trajec-toire de libération de temps et en particulier celles qui s’appuient sur le développement de nou-veaux services.

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n° 25 – innovations 2007/1 203

Cette pratique contribuait à inciter au développement de l’emploiatypique (temps partiel, contrats courts, flexibilité forte, etc.). Avec lagénéralisation des nouvelles trajectoires d’innovation, on devraitassister à une nouvelle tendance vers une stabilisation accrue de lamain d’œuvre et une réduction du turnover.

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