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Introduction à l’éthique médicale et la bioéthique Céline LEFEVE Maître de conférences en histoire et philosophie de la médecine Université Paris Diderot Directrice du Centre Georges Canguilhem Chercheuse au Laboratoire SPHERE (UMR 7219 CNRS)

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Introduction à l’éthique médicale et la bioéthique

Céline LEFEVE Maître de conférences en histoire et philosophie de la médecine Université Paris Diderot �  Directrice du Centre Georges Canguilhem �  Chercheuse au Laboratoire SPHERE (UMR 7219 CNRS)

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3 conseils de lecture fondamentaux

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Introduction à l’éthique du soin C. Lefève, Devenir médecin, Paris, PUF, 2012

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L’expérience subjective de la maladie Cl. Marin, Hors de moi, Paris, Allia, 2008.

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Article de P. Ricoeur commenté sur la souffrance : l’indicible, l’inénarrable et l’inacceptable « La souffrance n’est pas la douleur », 1992

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Conseils de lecture : Autres lectures : -  MOUILLIE J. – M. , « Ethique et morale » ; « Nécessité de l’éthique

médicale » ; « L’éthique face à l’indécidable », in MOUILLIE J. – M. , LEFÈVE C. , VISIER L. (dir.), Médecine et sciences humaines. Manuel pour les études médicales, Paris, Belles Lettres, 2007, p. 119-122 ; p. 128-134 ; p. 139-148.

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Introduction � 1. Définition de l’éthique médicale :

rappel

a. Définition de l’éthique : réflexion rationnelle sur les principes, valeurs et règles de l’action humaine

� Une partie, voire le but de la philosophie.

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Introduction b. Définition et objectifs de l’éthique médicale : �  Identifier et analyser les principes, les valeurs

et les conflits de valeurs qui sont en jeu dans ü  les situations de soin, ü  la recherche ü  et les politiques de santé publique. �  Afin que l’ensemble des acteurs prennent des

décisions éclairées, dont ils cernent les enjeux moraux et dont ils assument la responsabilité.

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Introduction

c. Les questions d’éthique médicale ne

concernent pas seulement les progrès les

plus récents des sciences de la vie et leurs

applications médicales (par ex. l’assistance

médicale à la procréation, la réanimation

ou les recherches sur l’embryon).

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Introduction

Les questions éthiques sont depuis toujours

indissociables de la pratique médicale,

pour au moins 3 raisons fondamentales :

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Introduction 1.  La médecine possède une finalité, un but

éthique. La médecine se définit par le souci d’autrui : elle vise à répondre à ses besoins et à soulager ses souffrances, physiques et morales. La médecine possède une visée éthique, mais elle a souvent échoué dans l’histoire et elle risque toujours, dans la pratique quotidienne, d’échouer à être véritablement éthique, à être respectueuse de l’être humain.

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Introduction Le risque est de se fermer à la souffrance du patient et de négliger son expérience propre de la maladie. Par exemple en lui témoignant de l’indifférence et en le laissant seul face à la maladie pour diverses raisons : fatigue, manque de temps, problèmes d’organisation, etc.

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Introduction Ø  On risque de ne pas prendre en

considération l’expérience propre du patient, son point de vue, ses valeurs, sa volonté.

Ø  On peut être tenté de décider à sa place.

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Introduction Ø  La dissymétrie des positions entre médecin et

patient, soignant et soigné, entre point de vue objectif et point de vue subjectif sur la maladie est sans doute irréductible. Elle peut générer de l’incompréhension, voire de la maltraitance et de la violence morale dans le soin.

Ø  Il est difficile de bien faire même avec de bonnes intentions face à la maladie, la souffrance, la solitude, l’inquiétude, la détresse.

Ø  En avoir conscience, c’est se donner la possibilité de l’analyser et de lutter contre la possibilité de la violence dans le soin.

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N’oublie pas que tu vas mourir, X. Beauvois, 1995 : solitude du malade, caractère indicible et socialement inacceptable de la maladie et des souffrances qu’elle entraîne, incompréhension de l’entourage, stigmatisation des malades du sida On peut aussi être tenté de juger le malade, de le rendre responsable de sa maladie, de le stigmatiser (populations précaires, toxicomanes, prostituées, etc.)

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Introduction 2. La médecine est une pratique humaine et relationnelle. Elle met en relation des acteurs divers et nombreux, qui possèdent leurs valeurs morales propres dans des institutions et une société qui sont elles-mêmes porteuses de valeurs. Ces valeurs peuvent entrer en opposition.

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Introduction Une des questions éthiques essentielles en médecine est donc :

comment agir pour le bien d’autrui en respectant sa propre vision de la santé, du bien et ses valeurs personnelles ?

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Introduction

L’éthique n’est pas extérieure à la médecine, elle n’en est pas un supplément. Elle ne peut en être séparée sans que la médecine perde son sens : le souci d’autrui qui fonde le soin.

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Introduction Qu’est-ce que le soin ?

L’étymologie du mot soin est double : - sunnia : besoin, nécessité -  sonium : songe, souci, préoccupation

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Le soin est une relation d’aide. Le soin est une réponse technique aux besoins, physiques et psychiques, d’une personne qui requiert savoir et savoir-faire, MAIS c’est AUSSI une relation morale qui requiert le souci, l’attention à la personne soignée, la sollicitude envers elle.

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Apports des éthiques du care et de la philosophie du soin �  L’éthique du care (soin) et la philosophie du

soin �  Se fondent sur l’idée de vulnérabilité �  Insistent sur l’importance des relations

d’interdépendance et de soin, depuis la naissance jusqu’à la mort

�  Le soin est une nécessité vitale et une relation morale essentielle dans l’existence individuelle et collective des sujets humains.

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Apports des éthiques du care et de la philosophie du soin � Une nouvelle définition de l’autonomie :

un sujet autonome n’est pas isolé et autosuffisant mais toujours soutenu par d’autres sujets (parents, éducateurs, amis, collègues, soignants, etc.). Le soin consiste à augmenter notre liberté à l’intérieur de nos relations d’interdépendance.

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Apports des éthiques du care et de la philosophie du soin �  Le soin comme travail : il requiert des techniques

et des compétences particulières, depuis les soins parentaux et le travail domestique jusqu’aux activités des professionnels de la santé, de la médecine et de la dépendance (infirmiers, maisons de retraite, aides aux personnes handicapés, etc.)

�  Ce travail est le plus souvent invisible, non reconnu et dévalorisé par la société, dévolu aux femmes ou à des personnels également dévalorisés (immigrés, travailleurs pauvres et précaires). Ces éthiques désirent le faire reconnaître au sein de la société.

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Apports des éthiques du care et de la philosophie du soin

Le soin n’est donc pas une partie de la médecine (soins palliatifs, de suite ou de réadaptation) ni un ensemble de pratiques paramédicales extérieures et subalternes(soins infirmiers), mais le soin constitue l’essence même de la médecine.

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Le soin au fondement de la vie sociale Une séparation, Asghar Farhadi, 2010

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Quelques courants philosophiques plus récents de l’éthique médicale : �  L’éthique clinique Cf. FOURNIER V. , « L’éthique clinique », in MOUILLIE J. – M. , LEFÈVE C. , VISIER L. (dir.), Médecine et sciences humaines. Manuel pour les études médicales, Paris, Belles Lettres, 2007, p. 161-166. �  L’éthique narrative Elle s’appuie sur le récit des divers acteurs et leur expérience propre : patient, médecin, personnel soignant, entourage du patient. Ces récits rendent possible une écoute, un dialogue plus authentique qui aident à prendre la décision. Cf. DRAPERI C. , « L’éthique narrative », in MOUILLIE J. – M. , LEFÈVE C. , VISIER L. (dir.), Médecine et sciences humaines. Manuel pour les études médicales, Paris, Belles Lettres, 2007, p. 182-185.

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Quelques fondements philosophiques de l’éthique médicale � Voici quelques-unes des théories

philosophiques utilisées dans les réflexions, les débats et les pratiques en éthique médicale.

� Ce sont des outils pour l’analyse des problèmes éthiques et pour la décision.

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1. La philosophie morale d’Emmanuel Kant (18ème siècle)

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1. La philosophie morale d’Emmanuel Kant La philosophie morale de Kant est souvent invoquée à l’appui des principes d’autonomie et de dignité de la personne humaine.

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1. La philosophie morale d’Emmanuel Kant � Kant définit la personne humaine comme

douée de raison et, par conséquent, comme autonome.

� Etre doué de raison, c’est être capable de se donner à soi-même ses règles d’action et de vie, ses propres lois (autos : soi-même et nomos : loi).

� Par opposition à l’hétéronomie où autrui (un parent, un monarque, un chef religieux, etc. )décide à votre place.

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1. La philosophie morale d’Emmanuel Kant � La nature rationnelle et autonome de

toute personne humaine fonde sa dignité. � La dignité est inhérente à la personne

humaine : toute personne humaine, qu’elle puisse ou non faire effectivement usage de sa raison (nouveau-né, personne démente, inconsciente, sénile, etc.) possède une dignité intrinsèque dans la mesure où elle appartient à l’espèce humaine.

� L’homme ne perd jamais sa dignité.

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1. La philosophie morale d’Emmanuel Kant

La personne humaine, intrinsèquement digne, doit être respectée de manière

absolue.

Elle doit toujours être considérée comme une fin de l’action, et jamais seulement

comme un moyen.

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1. La philosophie morale d’Emmanuel Kant � La personne humaine ne doit pas être

considérée seulement comme un instrument. Seule une chose peut être instrumentalisée.

� Ainsi la philosophie morale de Kant exclut par exemple toute commercialisation du corps humain.

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1. La philosophie morale d’Emmanuel Kant � Pour Kant, est moralement bon un acte

qui est accompli par devoir, c’est-à-dire accompli avec l’intention de se conformer au devoir de respecter la dignité humaine.

� On dit que la morale kantienne est une morale du devoir ou morale déontologique. (deon = devoir en grec.)

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité :

1er exemple : les débats éthiques relatifs à l’euthanasie volontaire ( = acte de donner délibérément et act ivement la mor t à la demande d’une personne en vue d’abréger ses souffrances)

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Demandes récentes d’euthanasie, deux cas très différents : Vincent Humbert, Chantal Sébire

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité : �  Si l’on suit la morale kantienne, pas

d’universalisation possible de la demande d’euthanasie : chacun ne peut demander à autrui de lui donner la mort.

�  Irrationnalité de la demande d’euthanasie : La volonté de celui qui demande à mourir n’est pas vraiment autonome, c’est un choix irrationnel car il conduit à la suppression de la raison, comme un gréviste de la faim qui refuserait la réanimation ou un témoin de Jéhovah qui refuserait une transfusion vitale en urgence.

�  Le sujet qui demande la mort instrumentalise celui (celle) à qui elle adresse sa demande.

�  Il est donc immoral de donner la mort, même dans le cas de l’euthanasie volontaire.

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité :

� Par conséquent, le respect absolu de la personne humaine, ainsi que la crainte d’une manipulation des personnes vulnérables par des tiers, légitiment une protection du patient contre lui-même.

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Soleil Vert

Film d’anticipation de Richard Fleischer, 1974 Ce film met en scène les dérives d’une société qui, en proie à une pénurie énergétique et alimentaire, légalise l’euthanasie volontaire. Le suicide assisté est alors la seule issue pour les plus pauvres et les plus faibles (malades, vieillards, personnes seules, etc.) Il y a une pente ici de l’euthanasie volontaire à une euthanasie involontaire.

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité : o  Une autre interprétation de l’autonomie

est celle de l’autodétermination. o  Etre autonome = être capable d’exercer

sa volonté et sa liberté, de décider et de maîtriser sa vie

o  La dignité serait relative, par exemple à l’état de santé ou de dépendance. Elle pourrait être perdue.

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité :

� Un sujet pourrait considérer qu’il a perdu sa dignité.

� Selon le principe de l’autodétermination, la moralité consiste à respecter tous les choix du patient - sous réserve qu’ils ne portent pas atteinte à un tiers - car nul ne peut définir son bien à sa place.

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité :

�  Il existerait donc un droit à mourir dans la dignité.

� Un droit à décider du moment et des circonstances de sa mort.

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité : � Un sujet autonome – pourvu que sa

conscience ne soit pas altérée – aurait le droit de décider du moment et des conditions de sa mort.

�  Il aurait le droit d’être assisté à mourir, non seulement par l’arrêt ou la limitation de ses traitements mais aussi par un acte qui lui donne activement la mort.

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité : Les Invasions barbares, D. Arcand, 2003

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Des usages opposés et contradictoires des notions d’autonomie et de dignité :

� Autre exemple de débat actuel où sont mobilisés les concepts de la philosophie de Kant : la grossesse pour autrui

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La question de la grossesse pour autrui

Si l’on se fonde sur le concept kantien de dignité, une femme ne doit pas instrumentaliser (càd chosifier) son corps, ni par conséquent le commercialiser. Sylviane Agacinski

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La question de la grossesse pour autrui �  Mais les défenseurs de la GPA ont recours au

concept d’autonomie, comme autodétermination des préférences.

�  La femme, autonome, peut décider, dans un acte volontaire, réfléchi et altruiste, de porter l’enfant d’un couple stérile.

�  Un autre argument est que la légalisation de la GPA dans les pays riches freinera l’instrumentalisation du corps des femmes des pays pauvres.

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2. Le conséquentialisme et l’utilitarisme o  Le conséquentialisme consiste à évaluer

l’action d’après ses conséquences et à choisir l’action qui produit les meilleurs effets.

�  L’ut i l i tar isme est une var iante du conséquentialisme.

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L’utilitarisme •  Une action doit être utile, c’est-à-dire

augmenter la quantité de plaisir, de bien-être ou de bonheur et diminuer la quantité de souffrance, et cela pour le

plus grand nombre. •  Il faut donc évaluer le rapport

avantages/ dommages, bénéfices/risques de plusieurs actions possibles,

puis choisir l’action qui présente le rapport le plus avantageux.

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L’utilitarisme Selon l’utilitarisme, il faut augmenter le bonheur du plus grand nombre, même si pour cela le bonheur d’un individu est sacrifié. Dans Faut-il sauver le soldat Ryan ?, au contraire, on décide de sacrifier plusieurs vies pour en sauver une seule.

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2. L’utilitarisme �  Cette approche offre la possibilité d’un choix rationnel basé sur la

quantification des moyens et des résultats. �  Appréciée des milieux politiques et économiques, des gestionnaires

de la santé tant au plan hospitalier qu’au plan global de la santé publique.

�  C’est dans ce cadre que s’est développée la notion de QALY (Quality-Adjusted Life Years) qui permet de comparer différentes options thérapeutiques en fonction de la durée de survie moyenne attendue pondérée par la prise en compte de la qualité de cette survie (handicap, traitements lourds, effets secondaires, etc.)

�  Une fois définie, sur la base d’études statistiques, l’option thérapeutique qui apporte au plus grand nombre une survie importante et de bonne qualité, il convient dans la prise en charge de chaque patient de s’interroger sur ce que lui conçoit comme une vie de bonne qualité, perception subjective de la vie bonne, qui peut s’éloigner des moyennes statistiques qui aliment le calcul utilitariste.

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IV. Quelques fondements philosophiques de l’éthique médicale � 3. Le principlisme (principlism)

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3. Le PRINCIPLISME � En 1978, est paru un ouvrage important

qui promeut 4 principes qui sont censés être universellement acceptables et éclairer les situations cliniques : Les Principes de l’éthique biomédicale.

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3. Le PRINCIPLISME Cet ouvrage s’inscrit dans le contexte de la

société américaine multiculturelle et individualiste.

Il répond à la demande de règles simples et claires afin de guider la décision dans une

société pluraliste. Cet ouvrage constitue aujourd’hui encore une

référence pour la bioéthique américaine et pour la bioéthique européenne.

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1. Le principe du respect de l’autonomie � Obligation pour tout soignant de respecter la volonté du patient.

� Le patient est une personne libre de décider de son bien et celui-ci ne peut lui être imposé contre sa volonté.

� Un patient ne peut prendre une décision autonome et éclairée que lorsque la possibilité d’exprimer ses propres croyances et systèmes de valeurs lui a été offerte et que sa décision est prise hors de toute contrainte.

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1. Le principe du respect de l’autonomie

Le principe d’autonomie s’oppose au paternalisme médical.

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2. Le principe de non-malfaisance

� Obligation de maximaliser les effets

favorables et de minimiser les effets

délétères des actes médicaux.

�  Il fonde le devoir d'évaluation du rapport

risque/bénéfice d'une recherche ou

d’une pratique médicale.

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3. Le principe de bienfaisance : �  Obligation de supprimer le mal en

soulageant la souffrance et la douleur ; �  de procurer des bienfaits au malade en

trouvant la juste mesure entre les risques et les bénéfices d’une intervention médicale ;

�  de promouvoir le bien en améliorant les handicaps ou en prolongeant la vie ;

�  de préserver la santé en favorisant la prévention des maladies.

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3. Le principe de bienfaisance : � Subordination du principe de

bienfaisance au principe d’autonomie : mettre en œuvre tous les moyens à disposition afin de donner au patient la possibilité de choisir – au nom du respect de son autonomie - l'option de prise en charge thérapeutique qu'il juge la meilleure en fonction de ses propres valeurs et de ses besoins.

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4. Le principe de justice : Obligation de répartir de manière équitable les ressources médicales, les bienfaits et les risques d’une conduite médicale.

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Apports du principlism 1.  le respect de l’autonomie implique de traiter

le patient comme un égal, dans un rapport de reconnaissance réciproque ;

2.  le principe de bienfaisance implique que le patient évalue son propre bien et que l’on respecte son point de vue ;

3.  le principe de justice implique l’équité : ne pas stigmatiser, ne pas introduire de discriminations mais aussi avoir en vue un souci de solidarité collective.

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Les limites du principlism 1.  Une conception idéalisée du

patient et une conception abstraite de l’autonomie.

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Les limites du principlism � Le patient, comme tout être humain, a

des limites et des dépendances, temporaires ou durables, liées à son éducation, sa culture, sa situation sociale, sa maladie, son état psychologique.

� L’autonomie n’est jamais donnée, parfaite et inaltérable.

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Les limites du principlism � Plutôt que de supposer l’autonomie du

patient comme donnée et inaltérable, il faut se demander de quelle manière la maladie l’affecte et comment la relation thérapeutique et tout l’environnement du patient peuvent l’aider à développer, selon ses besoins et ses valeurs, son autonomie propre.

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3. Le PRINCIPLISME 2. Le principlism se désintéresse du contexte historique, social, culturel dans lequel se présentent les questions éthiques.

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CONCLUSION �  L’éthique médicale n’est pas une science qui

permettrait d’appliquer des principes généraux à des cas particuliers.

�  C’est une attention, une vigilance qui a besoin d’être constamment renouvelée pour les situations et les patients. C’est une pratique de questionnement qui vise à résister aux routines, aux habitudes qui souvent mènent à l’indifférence, à la négligence, à toutes les formes de violence qui nient le respect de l’autonomie et des valeurs des soignants comme des soignés. L’éthique n’existe qu’en acte, à proportion d’une attention, d’un effort, d’une réflexion.

�  On pourrait dire que l’éthique met en œuvre le souci ou le soin du soin lui-même.

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CONCLUSION �  Le risque pour l’éthique médicale est d’être réduite à

un discours déterminé : le discours médical, religieux, juridique. L’éthique médicale ne relève pas d’une discipline ni d’une compétence particulière.

�  Elle requiert la pluridisciplinarité : le recours au savoir médical mais aussi aux sciences humaines comme l’histoire, la sociologie, la psychologie, la philosophie et au droit.

�  Enfin, elle n’est pas l’apanage d’experts ou de sages ou de ceux que l’on nomme parfois des éthiciens : elle est l’affaire de chacun, de tous les individus doués d’une conscience et attachés au respect de leur autonomie, qu’ils soient soignants ou soignés.

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CONCLUSION L’éthique médicale se pratique dans différents contextes : La bioéthique recouvre des recherches théoriques (publications, revues, etc.), mais aussi des pratiques quotidiennes des professionnels de santé que ce soit dans les Comités de Protection des Personnes, dans les staffs de services hospitaliers, dans les consultations, dans les sociétés savantes, dans les Centres d’éthique clinique, dans la révision des lois de bioéthique.

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Revues d’éthique �  Bioethics �  Cambrige Quaterly of Healthcare ethics �  Hastings Center Report �  Journal of Medical Ethics �  Medicine, Healthcare and Philosophy �  Journal of Medical Humanities

�  En français : Ethique& Santé ; Laennec