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1 Fouillet Arthur Fouillet Arthur Design interaction

Introversion & creation

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Soit avenant, soit souriant. Prend la parole, toujours. Ne reste pas dans le silence, va avec les autres. Soit sociable, fond toi dans le groupe. En un terme, soit extraverti. Ces valeurs découlent du modèle de notre société. Bien que le tempérament extraverti soit mis en avant, qu’en est-t-il du tempérament introverti ? Pourtant, c’est un tempérament qu’on acquiert dès la naissance, bien qu’on puisse l’affiner dans une certaine mesure. L’introversion est le fait de se tourner vers son monde intérieur. Être introverti ne signifie pas pourtant s’enfermer dans sa tour d’ivoire. Au contraire, il s’agit de comprendre notre monde et notre environnement en le voyant avec notre prisme, notre opinion. En un terme, notre singularité. Or, c’est la construction d’une vision singulière qui nous permet de faire éclore notre talent. C’est l’observation, la contemplation qui nous amène à la conceptualisation puis enfin la création.

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Page 1: Introversion & creation

1Fouillet ArthurFouillet Arthur Design interaction

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3Illustrations réalisées en intégralité par l’auteur.

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Soit avenant, soit souriant. Prend la parole, toujours.

Ne reste pas dans le silence, va avec les autres. Soit sociable,

fond toi dans le groupe. En un terme, soit extraverti. Ces

valeurs découlent du modèle de notre société. Bien que le

tempérament extraverti soit mis en avant, qu’en est-t-il du

tempérament introverti  ? Pourtant, c’est un tempérament

qu’on acquiert dès la naissance, bien qu’on puisse l’affiner

dans une certaine mesure. L’introversion est le fait de se

tourner vers son monde intérieur. Être introverti ne signifie

pas pourtant s’enfermer dans sa tour d’ivoire. Au contraire, il

s’agit de comprendre notre monde et notre environnement

en le voyant avec notre prisme, notre opinion. En un terme,

notre singularité. Or, c’est la construction d’une vision

singulière qui nous permet de faire éclore notre talent.

C’est l’observation, la contemplation qui nous amène à la

conceptualisation puis enfin la création. Pourtant, nous

valorisons encore et toujours les valeurs de l’extraversion

dans notre société. Que ce soit dans la façon de travailler

en tant qu’adulte dans des OpenSpace ou même plus jeune

avec les organisations des classes. Le fait que l’on puisse

être sollicité à chaque instant nous dissocie toujours plus

de notre intériorité. Les loisirs dominants sont eux aussi des

jeux d’extravertis. Que ce soit dans sa vie d’adulte avec les

animations de vacances ou les boites de nuit, ou plus jeune

avec les centres aérés, qui visent à trouver la stimulation

par le groupe.

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Cependant, c’est en ça que l’extraversion et

l’introversion se différencient : il s’agit de la façon de recevoir

et de ressentir les stimulations du monde extérieur. En plus

de valoriser l’extraversion, nous dévaluons l’introversion.

Dès notre enfance nous associons introversion et déviance.

Timidité, asociabilité, isolement, et d’autres amalgames

prouvent le rejet de ce tempérament. A moins que l’on soit

Bill Gates, ou Mark Zucherberg, il peut être difficile pour un

introverti de se faire entendre au sein d’une organisation,

de par ces mécanismes de l’extraversion intériorisés dès le

plus jeune âge.

Bien que nous valorisions largement les effets

de l’introversion, comme avoir une vision singulière du

monde, la création, la prise de recul, nous en méprisons les

mécanismes, comme la recherche de solitude plus fréquente

que pour d’autres, ou le fait de ne pas communiquer

oralement constamment. Bien que nos références soient

plutôt des personnalités extraverties, comme Steve Jobs

ou Martin Luther King, on n’oublie souvent qu’ils formaient

un duo. Que serait Apple sans Steve Wozniak, talentueux

concepteur de l’Apple I ? Que serait Martin Luther King et

son mouvement sans l’acte de bravoure de Rosa Parks dans

ce bus ? Nous verrons dans ce mémoire que les introvertis

et la part d’introversion de chacun a une grande place

dans la création seule ou à plusieurs, qu’elle soit artistique,

entrepreneuriale, avec les autres. Ainsi, comment peut-on

revaloriser l’introversion dans le processus de création ?

Page 7: Introversion & creation

3

Dès la sélection des attendus autour du sujet de

l’introversion, j’ai constaté un fort décalage entre ce que

les gens communément savaient ou pensaient savoir de

l’introversion et la réalité. Progressivement, je me suis

aperçu de nombreuses expressions péjoratives découlaient

des traits de ce tempérament. J’ai découvert aussi que

les études sur l’introversion étaient toutes relativement

récentes, à part celle de Jung qui a servi de support pour

ces autres études. Ainsi, nous avons évolué des dizaines

d’années en fondant des tests de personnalités ou en

«  catégorisant  » les gens selon des critères qui dataient

d’un peu moins d’un siècle … Ainsi, la méconnaissance et

l’incompréhension se sont figées, et les traits introvertis

toujours plus écartés et jugés déviants face à notre société.

Concernant les ressources mobilisées, je me suis

dans un premier temps appuyé sur mes connaissances.

Etant fils de psychiatre, ces sujets m’ont toujours intéressé

et mon choix pour ce sujet y est clairement pour quelque

chose. Ainsi, j’ai instinctivement associé ce terme et le

monde de la psychologie. Ensuite, je l’ai rapproché de la

création instinctivement aussi. Du sculpteur Baselitz au

peintre Pollock, je me suis intéressé à leur processus de

création, et leurs motivations. Aussi, J’ai pu rencontrer

différents acteurs de la création, ayant une vision différente

de la créativité et de l’introversion.

Page 8: Introversion & creation

Ces rencontres m’ont permis de nuancer et d’ouvrir

mon sujet et me rendre compte que les traits de l’introversion

sont déjà exploité dans de nombreux domaines, mais que

d’autres la rejettent tandis que le but de la créativité se

rejoint d’un domaine à un autre.

Dans une première partie, nous définirons les

différents types de tempérament, les attitudes associées et

les mécanismes à l’œuvre permettant de faire émerger une

vision personnelle. : Nous apprendrons que le tempérament

est une part innée et indissociable de nous, qui se modèle

dans notre environnement familial et culturel.. Plus en détail,

nous verrons que penser le monde s’appuie sur le monde

intérieur que chacun se construit. Enfin, nous étudierons

le rapport entre intériorité et création. Dans une seconde

partie, nous nuancerons le modèle actuel dominant de

l’extraversion pour donner une vraie place à la création.

Au sein de cette partie, nous comprendrons comment

notre modèle culturel et social impose l’extraversion. Nous

verrons ensuite que les mécanismes de ce modèle sont

intériorisés dès la naissance, mais que l’acceptation de

ces deux types de tempéraments introvertis et extravertis

est essentielle pour une stimulation réciproque. Dans une

troisième partie, nous explorerons l’intérêt d’écouter et de

prendre en considération sa part d’introversion pour qu’elle

nourrisse la création. A partir des méthodes d’expression

artistiques, de nouvelles formes de travail, ou de méthodes

pédagogiques novatrices nous verrons aussi que le modèle

prédominant de l’extraversion tend a perdre de l’influence

aux profits des tempéraments plus introvertis et créatifs.

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Notre façon de voir le monde et nos réactions face aux

événements sont définis par notre tempérament. Plutôt

introverti ou davantage extraverti, notre approche de notre

environnement sera différente. Bien qu’elle soit centrée

sur nous-mêmes, nous verrons que la connaissance de soi

est un pas vers l’accueil du monde extérieur. Ainsi, nous

pouvons nous demander en quoi notre part d’introversion

et notre intériorité sont intimement reliées.

Le tempérament, part innée et indissociable de nous.

Qu’est-ce que l’introversion ?

De nombreuses façons de définir l’introversion

existent. Dans le langage courant, l’introversion est la

propension à se tourner vers son monde intérieur, à vivre

centré sur ses pensées, ses émotions. La psychologie et la

psychanalyse ont défini progressivement plus précisément

ces termes au vingtième siècle. Retraçons l’histoire du terme

d’introversion. Ce terme apparaît en 1910, dans l’ouvrage de

Carl Jung intitulé « Sur les conflits de l’âme infantile ». Il est

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le fondateur de la psychologie analytique1 , créée dans le but

de se différencier de la psychanalyse de Freud. Le courant de Carl

Jung est basé sur l’investigation de l’inconscient, avec notamment

l’interprétation des rêves, et un processus d’individualisation qui

permet d’accéder au « soi »2.

En substance, le soi est la partie inconsciente d’un

individu, et le moi, la partie consciente.

Cependant, Carl Jung décrit le soi comme le centre

de la personnalité. Comparé à un cercle pour son caractère

unificateur, le soi a pour but de préserver l’unité de la

conscience et éviter des dysfonctionnements psychiques.

Il constitue une espèce de bulle protectrice.

Que les personnalités soient plutôt introverties ou

plutôt extraverties, l’impact est direct sur le tempérament et

les traits de caractère, et donc notre façon d’interagir avec

notre environnement. Selon l’auteur, ces différences sont

déterminées par la façon dont ces personnalités gèrent leur

énergie personnelle. Bien que les travaux de Jung aient plus

de cent ans, de nombreuses études actuelles s’en inspirent

encore. Une des plus intéressantes dans l’exploration des

termes d’introversion et d’extraversion est celle de Jerome

Kagan.

1. PSYCHOLOGIES. Dico psycho [en ligne]. http://www.psychologies.com/Dico-Psycho/Psychologie-analytique (consulté le 05.06.2015)

2. CNRTL. Définitions [en ligne]. http://www.cnrtl.fr/definition/soi (consulté le 13.03.2015).

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Ce psychologue a fait de nombreuses études sur les

nourrissons basée sur la réaction aux stimulis extérieurs3.

En les mettant dans diverses situations pour observer

leurs réactions comme l’expérience de la nouveauté, avec

par l’enregistrement de voix ou le rapprochement de cotons

imbibés d’alcool, il a observé qu’il y avait plusieurs groupes :

les individus à faible réactivité, qui restent relativement

placides face à ces expériences, soit 40% d’entre eux.

Les individus à haute réactivité, qui se manifestent

en pleurant ou s’agitant, soit 20% d’entre eux. Les individus

qui se situent entre ces deux extrêmes soit 40% d’entre

eux. Kagan est parti du postulat que les enfants à hautes

réactivités seraient plutôt introvertis et ceux à faible

réactivité seraient plutôt extravertis. Son hypothèse s’est

vérifiée lors des rencontres régulières avec ces enfants,

il s’avère qu’ils avaient en grande majorité évolué comme

Kagan l’avait prédit.

Ainsi, le fait d’être introverti ou extraverti s’explique

aussi biologiquement. L’amygdale est l’organe qui contrôle

le système nerveux central. C’est dans cette partie de notre

cerveau que se décident les réactions à adopter selon la

situation et leur danger. Toujours selon l’étude de Jerome

Kagan, les enfants ayant eu des réactions vives étaient aussi

dotés d’une amygdale très réactive.

3. CAIN Susan. La force des discrets, Paris, Librairie Générale Fran-çaise, 2014, pages 131 à 133.

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D’où leurs réactions vives face à des situations

induisant des sensations nouvelles et inconnues. En effet,

plus cette amygdale est réactive, plus le rythme cardiaque

sera rapide, et donc plus l’enfant sera bousculé par cette

nouveauté.

Bien que l’on puisse supposer qu’être introverti ou

extraverti soit entre autre une question de tempérament, la

personnalité s’affine selon notre influence culturelle. Aussi,

notre expérience personnelle impacte et modèle notre

rapport au monde. Comme l’écrit Susan Cain dans La force

des discrets, « Certains affirment que le tempérament est les

fondations, et la personnalité la maison »4. L’introversion et

l’extraversion sont souvent mises en rivalité. L’extraversion

se définit par un comportement orienté vers le monde

extérieur, la sociabilité, la recherche d’échanges affectifs et

intellectuels avec les autres. Notre personnalité ne peut que

s’approcher davantage vers un comportement ou un autre,

un peu comme une jauge. Ainsi, on peut se définir comme

davantage introverti, ou plutôt extraverti.

4. CAIN Susan, La force des discrets, Paris, Libraire Générale Française, 2014, page 25.

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Les traits de l’introversion

De manière globale

De manière globale, l’introversion et l’extraversion se

différencient par la façon de réagir aux situations et aux

stimulations extérieures. L’introversion revêt des traits

spécifiques bien identifiables. Cependant, puisque l’on tend

vers un tempérament ou un autre, il est impossible de définir

la personnalité d’une personne selon ces seuls critères.

Concernant les traits les plus communs aux personnalités

introverties, on peut identifier l’attrait à la solitude dans le

travail ou la vie de manière générale. Le fait d’approfondir

les réflexions, et la propension à s’entourer de peu de

personnes. Les introvertis sont aussi davantage à l’écoute

que leurs congénères extravertis. Agir avec précautions

est aussi un des traits des personnalités introverties. Les

personnalités plus extraverties seront plus enclines à désirer

être entourées. Les extravertis sont aussi plus multitâches

que les introvertis. Ils sont plus performants dans la gestion

de conflits et plus impulsifs dans la prise de décisions.

Comme nous l’illustrerons plus tard dans ce mémoire, ces

deux personnalités ont des qualités qui peuvent s’avérer

être des défauts dans certaines situations. Ainsi, être plutôt

introverti ou davantage extraverti impacte le tempérament

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et ses traits de caractère5.

Le tempérament est la disposition générale de l’humeur et

de la sensibilité d’un sujet dans sa relation avec lui-même

et le milieu extérieur. Bien que l’on tende plus vers l’un ou

l’autre, l’introversion possède des traits identifiables, avec

des démarches spécifiques.

L’attrait à la solitude

Le plus identifiable est l’attrait à l’état de solitude. Cet

état permet à une personnalité introvertie de se retrouver

au centre de ses émotions et de ses pensées. Marcelin

Pleynet, qui a été titulaire de la chaire d’esthétique à l’Ecole

nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, est aussi

écrivain, poète, diariste, historien d’art. Il nous raconte son

rapport à la solitude.

« Dès l’âge de 6 ou 7 ans, j’écrivais des poèmes – très mauvais, bien sûr. J’ai donc tout de suite écrit de la poésie, tout simplement parce que j’ai vécu d’une façon poétique. Lorsque j’étais en pension, j’allais me promener dans les bois. J’ai passé beaucoup de temps tout seul, et je continue à le faire. Je crois que

5. CNRTL. Définitions [en ligne]. http://www.cnrtl.fr/lexicographie/in-trospection (consulté le 14.03.2015).

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la solitude a un lien absolument indissociable avec

la création. Lorsque je suis à Venise, je suis seul.

Lorsque je suis à Paris, j’essaie de l’être autant que

possible. Lorsque je suis au bureau, cela change :

je suis avec Sollers, mais c’est une autre façon

d’être seul. »6

Comme on peut le lire, la solitude est un état qui l’a

toujours accompagné, qu’il l’ait choisi ou non. Bien que ces

discours soient basés sur un ressenti et non sur des données

scientifiques mesurables, il est intéressant de constater

que nombre de créateurs, d’artiste ou de penseurs qui ont

marqué leur époque ont ce même ressenti face à la solitude.

Kafka nous explique aussi son rapport à la solitude.

« Vous m’avez dit un jour que vous voudriez vous asseoir près de moi pendant que j’écris. Mais voyez-vous, dans ce cas, je ne pourrais plus écrire du tout. Car l’écriture signifie se révéler à soi-même dans l’excès ; ce plus haut point de la révélation et de l’abandon de soi dans lequel un être humain, au contact des autres, croirait se perdre et, par conséquent, duquel il se protégera toujours, aussi longtemps qu’il sera sain d’esprit … »7

6. SALON-LITTERAIRE. Interviews [en ligne]. http://salon-litteraire.com/fr/interviews/content/1798037-inteview-marcelin-pleynet-la-solitude-a-un-lien-indissociable-avec-la-creation (consulté le 15.04.2015).

7. CAIN Susan, La force des discrets, Paris, Libraire Générale Française, 2014, page 113.

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Là encore, on voit que la solitude peut être un élément

clé pour se connecter à son intériorité.

Mais aussi, presque arrogante cette fois, la solitude

peut constituer la «  situation morale, intellectuelle ou

matérielle d’une personne dont les préoccupations sont

éloignées de celles du plus grand nombre. Elle se singularise

par ses choix, ses idées, ses actes, sa manière d’être. Dans

cette perspective, le solitaire est adulé et mystifié. Ce profil

a été largement cultivé dans les personnages de Western.

Prenons pour exemple les plus connus de Sergio Leone,

célèbre réalisateur de ce type de films. «  Il était une fois

dans l’Ouest » et le mystérieux Harmonica, joué par Charles

Bronson. « Pour une poignée de dollars », avec « L’homme

sans nom » interprété par Eli Wallach.8 Dans ce cas-là, il s’agit

du personnage de cow-boy solitaire solitaire, peu bavard,

qui respecte son propre code éthique. Ces personnages

peu influençables, agissant selon leur unique volonté sans

se laisser emporter par les flots de pensée conformistes ou

par la pression sociale.

8. ALLOCINE. Filmographie [en ligne] http://www.allocine.com/ser-gioleone (consulté le 14.05.2015).

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Mais au-delà du mythe, revenons à cet attrait à la

solitude  ? Il semble qu’il soit aussi d’ordre biologique. Il

s’explique par la façon de gérer la stimulation extérieure. Une

personnalité introvertie va puiser dans son énergie interne

lorsqu’il sera dans un cadre sur-stimulant où tous les sens

sont sollicités. Une personnalité plus extravertie verra son

énergie interne rechargée et non vidée. Les expériences de

Jerome Kagan décrites précédemment tendent à démontrer

le caractère inné de ces tendances. Donc pour un être

introverti, il s’avère difficile de prendre conscience de soi

en étant constamment avec les autres. La citation de Saint-

Augustin l’illustre parfaitement. « Retourne à toi-même, car

c›est dans l›homme intérieur qu›habite la vérité  ». Ainsi,

une personnalité introvertie aura plus aisément accès à des

démarches intérieures, telles que l’introspection.

L’introspection

L’introspection peut se définir de différentes manières.

Ce terme trouve ses origines dans la philosophie, où elle

désigne un mode d’appréhension des états de conscience

par accès direct et retour sur soi du sujet. Le terme sujet

vient de l’origine latine subjectum : ce qui est dessous9.

9. CNRTL. Définitions [en ligne] http://www.cnrtl.fr/definition/introver-sion (consulté le 04.03.2015).

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Déjà présent dans les textes philosophiques du

Moyen-Âge, il se modernise vers la fin de la Renaissance.

Descartes et son ouvrage Méditations métaphysiques

sont à l’origine de cette évolution10. Il établit le principe

de la conscience réfléchie. En d’autres termes, il suppose

l’existence d’une subjectivité caractérisant chaque individu.

Ainsi, être sujet revient à se considérer comme libre et

responsable, capable de rendre compte du monde et de

soi-même.

Néanmoins, La définition de ce terme est

controversée. Certains penseurs remettent en question

la totale indépendance lors de l’élaboration de cette

subjectivité propre à chacun. Selon Marx, le sujet est le

produit de son milieu social et des conditions de vies

jumelées. Comme il le cite dans Introduction générale à la

Critique de l’économie politique, en 1859  : «Ce n’est pas

la conscience des hommes qui détermine leur existence,

c’est au contraire leur existence sociale qui détermine

leur conscience»11. Ainsi, selon Marx, cette autonomie est

déterminée par notre milieu social.

10. DESCARTES René, Méditations métaphysiques, Paris, 1641. PUF 2010

11. MARX Karl, Introduction générale à la critique de l’économie politique, 1859. L’ALTIPLANO 2008.

Page 24: Introversion & creation

Selon Nietzsche, la subjectivité véritable se trouve

dans l’approbation de ce qui nous invite à nous dépasser en

permanence. Le sujet ne trouve pas sa vérité en le rendant

conscient, car la conscience induit l’intervention du langage

et autre concepts collectifs, et donc amène à banaliser le

singulier.12

Selon Freud, cette subjectivité ne dépend pas

uniquement du sujet, et affirme que certains processus

propres à chacun pour atteindre cette subjectivité ne

parviendront pas à notre conscience. Bien qu’il considère

l’autonomie indéniable de l’homme, il prend aussi en

compte les pulsions et leurs impacts sur son agissement.

Il considère aussi dans cette notion de sujet l’importance

de l’inconscient, avec les rêves et l’imaginaire de chacun.

Freud marque le passage de la dimension philosophique de

l’introspection en s’intéressant à l’homme dans sa globalité

vers une dimension psychanalytique davantage centré sur

notre histoire, propre à chacun de nous en incluant la notion

d’inconscience.13

12. JACOB Odile. Le portail francophone de la philosophie sur Inter-net [en ligne]. http://www.philo.fr/?c=document&uid=L01 (consulté le 26.10.2015).

13. KARTABLE. Le sujet : introduction [en ligne]. https://www.kartable.fr/terminale-s/philosophie/specifique/chapitres-90/le-sujet-introduction-2/cours/le-sujet-introduction/11199 (consulté le 26.10.2015).

Page 25: Introversion & creation

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Ces débats autour de la notion de sujet ont

fait évoluer la notion d’introspection. Philosophique

d’abord, l’introspection a progressivement englobé une

dimension psychologique vers la fin du XIXème siècle

avec le béhaviorisme. Ce courant a pour but d’établir

une vision objective de l’individu en le détachant de son

conditionnement. Aujourd’hui, l’introspection est définie

comme une observation méthodique, par le sujet lui-même,

de ses états de sa conscience et de sa vie intérieure. Ces

débats autour de la notion de sujet a fait évoluer la notion

d’introspection. Philosophique d’abord, l’introspection a

progressivement englobé une dimension psychologique

vers la fin du XIXème siècle avec le béhaviorisme et plus

globalement, l’étude du comportement14. Ce courant a

pour but d’établir une vision objective de l’individu en le

détachant de son conditionnement.

Comme le dit Jung lui-même, « Si un introverti pur ou

un extraverti pur existait, il serait bon à mettre à l’asile »15.

En effet, une personnalité plus extravertie s’oriente vers le

monde extérieur et une personnalité introvertie s’oriente

vers son monde intérieur. Pourtant, monde intérieur et

monde extérieur sont en échange constant. Pour que l’un

nourrisse l’autre et inversement, la prise de recul sur son

environnement est décisive.

14. CARNETS2PSYCHO. Behaviorisme : la science du comportement [en ligne]. http://carnets2psycho.net/theorie/histoire1.html

15. DE MISSOLZ Jérôme. Drogue et création – Une histoire des para-dis artificiels (2/2), France, Arte, 2014, 58 minutes, couleur, télévision (diffusé le 07.01.2015).

Page 26: Introversion & creation

La prise de recul

L’introversion incite à la recherche de solitude qui

favorise les démarches d’introspection. Ces démarches

introspectives où l’on est centré sur nos pensées et nos

émotions amènent naturellement à un détachement de

notre environnement. Ces moments d’immersion dans son

monde intérieur favorisent la prise de recul, car ils suivent

des phases d’ouverture au monde et d’observations de notre

environnement. En effet, prendre du recul signifie mettre de

la distance pour juger une situation, et par la suite trouver des

solutions, des concepts, et créer. Bien que nous détaillions

ces mécanismes plus tard, il est important de survoler dès

lors leurs conséquences positives sur nous et notre apport

au monde. Ainsi, les traits de l’introversion favorisent le

recul sur notre environnement et sa compréhension, et donc

la création. Malgré les apports vertueux de l’introversion

sur nous-mêmes et notre environnement, de nombreux

amalgames existent favorisant l’incompréhension de ce

terme et ses enjeux, associant les traits de l’introversion à

la déviance.

Page 27: Introversion & creation

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Amalgames autour de l’introversion

Beaucoup d’amalgames existent autour de la notion

d’introversion. Par exemple, les introvertis sont souvent

associés à des personnalités anxieuses, asociales ou

timides. Ces amalgames trahissent une vision occidentale

peu valorisante de l’introversion et tout ce qui s’y rattache :

le calme, le silence, ou l’écoute par exemple sont dévalorisés

à l’inverse de certains pays d’Asie comme nous l’étudierons

plus tard. De la même façon, introversion et timidité sont

deux termes souvent reliées dans l’imaginaire commun.

Or, prenons l’exemple de Bill Gates qui s’autoproclame

introverti16, sans être pour autant timide. Bien que réservé,

il n’accorde pas une grande attention à ce que les gens

pensent de lui17 selon ses propres dires.

Les personnalités introverties seront plus enclines à la

solitude, dans le travail ou dans la vie de manière générale,

et à parler en profondeur des choses entourés de peu de

personnes. Les introvertis sont aussi davantage à l’écoute

que leurs congénères extravertis. Agir avec précautions

est aussi un des traits des personnalités introverties. Les

personnalités plus extraverties seront plus enclines à

désirer être entourées.

16. HUFFINGTONPOST. 6 idées reçues sur les introvertis. http://www.huffingtonpost.fr/2013/08/01/idees-recues-introvertis_n_3685211.html (consulté le 02.08.2013).

17. CAIN Susan, La force des discrets, Paris, Libraire Générale Fran-çaise, 2014, page 185.

Page 28: Introversion & creation

Les extravertis sont aussi plus multitâches que

les introvertis. Ils sont plus performants dans la gestion

de conflits et sont plus aptes à prendre des décisions

rapidement. Comme nous l’illustrerons plus tard dans

ce mémoire, ces deux personnalités ont des qualités qui

peuvent s’avérer être des défauts dans certaines situations.

Bien que les amalgames autour de l’introversion

soient nombreux, notre société a une position parfois am-

bivalente face à eux, entre admiration et rejet. Un des plus

récurrents est celui de la solitude. Trait de caractère im-

portant dans l’introversion, il n’est pas toujours admis dans

notre société bien que solitude et génie soient deux termes

souvent associés dans l’imaginaire commun.

Le mythe du solitaire

Notre société éprouve une certaine fascination

envers le solitaire génie. Stephan Hawking en est un des

plus beaux exemples. Dans notre société, il est l’incarnation

du génie solitaire, puisant son génie dans lui-même18. Le

génie solitaire n’ayant besoin d’aucune interaction avec le

monde extérieure fascine.

18. RICARD Mathieu, LUTZ Antoine, DAVIDSON Richard, Revue Pour la science, n°448, Février 2015, page 28.

Page 29: Introversion & creation

25

Steve Wozniak fait partie de ceux qui sont devenus

des icônes aussi grâce à cette image du génie solitaire. Il

est un des fondateurs d’Apple et surtout grand introverti. Il

explique qu’il commence à concevoir le premier ordinateur

personnel, l’Apple 1 avec son acolyte Steve Jobs, en allant à

des réunions de passionnés d’informatique.19 Bien que sans

participer oralement aux réunions, il s’inspire grandement

de ce qu’il voit et de ce qu’il entend. Il n’est pas resté « dans

sa bulle » pour inventer le premier ordinateur. En revanche, il

a eu besoin de centaines d’heures de solitude dans son box

chez Hewlett Packard et de concentration afin d’élaborer

cet ordinateur.20

Aussi, nous mélangeons souvent solitude, qui est

une démarche choisie, et isolement, qui est une démarche

subie. L’isolement est la séparation d’un individu ou d’un

groupe d’individus des autres membres de la société.

L’isolement peut aussi être l’état de quelqu’un qui vit isolé

ou qui est moralement seul. L’image de l’artiste aussi génial

qu’isolé est encore bien ancrée dans l’imaginaire commun.

Van Gogh illustre à merveille ce mythe, ayant vécu dans la

misère et mort à 37 ans, en ayant vendu (selon la légende)

un seul tableau de son vivant.

19. BIOGRAPHY. People [en ligne] http://www.biography.com/people/steve-wozniak-9537334 (consulté le 28.06.2015).

20. CLUBIC. Steve Wozniak casse le mythe des débuts d’Apple dans un garage [en ligne]. http://www.clubic.com/mag/culture/actualite-743281-steve-wozniak-casse-mythe-debuts-apple-garage.html (consul-té le 28.06.2015).

Page 30: Introversion & creation

L’image de l’artiste maudit réside encore lui aussi

dans l’imaginaire commun, et ce depuis longtemps  !

Musset, écrivain de l’Histoire d’un merle blanc, ou L’Albatros

de Baudelaire, écrit ci-dessous, ont participé à l’ancrage de

ce mythe.

« Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d’eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! L’un agace son bec avec un brûle-gueule, L’autre mime en boitant, l’infirme qui volait ! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »21

21. BAUDELAIRE Charles, Les fleurs du mal, Paris, LGF, 1972.

Page 31: Introversion & creation

27

Pourtant, quand on entend le discours d’Agnès

Thurnauer, cette vision de l’artiste isolé et coupé du monde

peut s’avérer tout simplement illusoire :

« C’est Lascaux où je suis lorsqu’à l’atelier,

dans cette pièce en retrait du monde, tous les si-

lences et les mots me parviennent amplifiés à l’ex-

trême, plus nus et plus lisibles qu’ils ne le sont sur

le lieu même de l’émission. Tout peut être entendu

alors et tout peut se dire en peinture. »22

Dans cette démarche, on comprend bien que la

démarche de solitude est voulue et maitrisée, plutôt que

subie et angoissante. L’artiste Marie Denis vise elle aussi à

détruire ce mythe de l’artiste incapable de sortir de sa tour

d’Ivoire :

«  C’est quelqu’un qui extrapole, exacerbe et

cultive les sensations qu’il a en lui et les fait éclore, il

joue de toutes ces strates perceptives qu’il possède,

comme un pianiste développe ses gammes. Cette

théorie du millefeuille tient pour toute la vie. » 23

22. CRITIQUE D’ART. Portraits. Agnès Thurnaeur [en ligne] https://cri-tiquedart.revues.org/632 (consulté le 13.04.2015)

23. SLASH-PARIS. Marie Denis – Les curiosités [En ligne]. http://slash-paris.com/evenements/marie-denis (consulté le 13.04.2015).

Page 32: Introversion & creation

Mieux encore que de simplement casser le mythe

du rejet du monde et des autres par l’artiste, le plasticien

Bernard Pras insiste lui sur la volonté de créer le dialogue.

«  Ce qui le pousse à le faire ? C’est cet

espoir de communiquer, de créer un dialogue

avec quelqu’un, car l’artiste n’existe que s’il se

trouve quelqu’un pour regarder. C’est sur cette

bipolarité artiste-regardeur que repose l’essentiel

de sa démarche. » 24

A travers tous ces profils, nous avons vu que

la solitude, élément indispensable de l’introversion,

correspond simplement à des moments précis dont tout

créateur a besoin pour faire émerger ses idées, du peintre

à l’informaticien. Il est donc paradoxal que nous associons

la solitude à la fois au génie et à l’isolement. Comme nous

l’avons vu, la solitude est plutôt une attitude désirée et

est vectrice de l’élaboration d’une intériorité qui nous est

propre.

24. ARTEFAKE. Bernard Pras, maniériste de la récupération [En ligne]. http://www.artefake.com/Bernard-PRAS.html (consulté le 13.04.2015).

Page 33: Introversion & creation

29

Penser le monde s’appuie sur le monde

intérieur que chacun se construit.

Notre intériorité nous est propre en tant qu’individu. Elle

est le fruit de nos attitudes engendrées par notre part

d’introversion, comme la solitude, qui amène les démarches

d’observation, puis d’introspection … Au travers des siècles,

l’exploration de notre intériorité n’a eu cesse de susciter de

vives interrogations pour l’homme, au point d’avoir recours

à des aides extérieures pour y accéder.

Accéder à son intériorité par l’extérieur

Thomas de Quincey a initié l’intérêt pour le lien

entre création et drogue, notamment l’Opium. Avec ses

Confessions d’un mangeur d’opium anglais25, mélange de

fiction et de réel, de Quincey fait entrevoir l’exploration

d’une réalité aussi réelle que parallèle.

25. DE QUINCEY Thomas, Confessions d’un mangeur d’opium anglais, Paris, P.-V Stock, 1903.

Page 34: Introversion & creation

Durant le Romantisme, l’Opium a commencé à se

répandre plus communément dans les milieux artistiques, des

écrivains notamment. Baudelaire s’y est essayé également.

Un club a même été créé  : Le club des Haschischins. Ce

club crée au XIXème siècle avait pour objectif l’étude et

l’expérience des drogues, notamment le haschisch.26 C’est

le médecin Moreau de Tours qui a créé ce club suite à ses

voyages en Egypte, Syrie et en Asie Mineure. Il se trouve

que cet ouvrage est le premier récit au sujet d’une drogue

écrit par un scientifique. C’est à la suite de l’ouvrage de

Quincey, publié en 1821 que ce club a émergé. Il ne dura

que quelques années.

En effet, il n’est pas forcément légitime d’associer la

prise de substances à la création, comme s’en sont rendu

compte de nombreux artistes membres de ce club. Comme

le déclare lui-même Théophile Gautier, ami de Baudelaire

et écrivain de la préface des fleurs du Mal, Après une

dizaine d’expériences, nous renonçâmes pour toujours

à cette drogue enivrante, non qu’elle nous eût fait mal

physiquement, mais le vrai littérateur n’a besoin que de

ses rêves naturels, et il n’aime pas que sa pensée subisse

l’influence d’un agent quelconque.  Baudelaire aussi, dans

son ouvrage Les Paradis artificiels interroge les liens entre

drogue et inspiration.

26. LE MANGEUR D’OPIUM, L’alcool et la drogue dans la litté-rature [En ligne] http://lemangeurdopium.canalblog.com/ar-chives/2008/04/11/8772096.html (Consulté le 28.07.2015).

Page 35: Introversion & creation

31

Pourtant, il existe un fantasme fort entre drogues (au

sens large du terme) et inspiration.27 Par exemple, Sir Conan

Doyle était envahi par son addiction pour la drogue au point

de rendre Sherlock Holmes lui aussi dépendant à sa façon,

même si c’est une addiction aux enquêtes policières.

« Je dois par contre vous corriger sur un

point. Sherlock Holmes ne prend pas de drogue

pour maintenir sa grande faculté de déduction.

Au contraire, il fait cela pour la remplacer. Son

esprit fonctionne au maximum durant une en-

quête. Voilà sa véritable drogue. Selon lui, la mor-

phine permet à son esprit de se plonger dans un état

semblable à ce qu’il serait durant une enquête et il

y a recours seulement durant de longues périodes

d’inaction où personne ne sollicite ses services. »28

Pourtant, certains psychologues et médecins

affirment que la prise de drogue nuit à l’inspiration. André

Breton, initiateur du mouvement surréaliste rejettera la

drogue (paradoxalement, car il fut consommateur) surement

en raison de la mort par overdose de certains de ses amis.

27. LECTURE-ECRITURE, Les paradis artificiels – Charles Baudelaire [En ligne] http://www.lecture-ecriture.com/806-Les-paradis-artifi-ciels-Charles-Baudelaire (Consulté le 15.09.2015).

28. DROGUES ET ARTISTES, La drogue un élément de plus en plus présent dans la création artistique [En ligne] http://droguesetartistes.unblog.fr/ii-la-drogue-un-element-de-plus-en-plus-present-dans-la-creation-artistique/ (Consulté le 15.09.2015).

Page 36: Introversion & creation

L’écrivain Philip K. Dick ayant dénoncé les méfaits de

la drogue sur l’inspiration et l’écriture, a pourtant écrit ses

textes les plus influents sous prise de médicament, comme

Coulez mes larmes ou Substance Mort.

« Je suis allé droit en enfer […]. Le décor

s’est gelé, il y avait d’énormes blocs rocheux, un

martèlement sourd quelque part, c’était le jour

de colère et Dieu me jugeait pour mes péchés.

Et ça durait, ça durait, des milliers d’années, et ça

n’allait pas mieux, ça ne faisait qu’empirer. J’étais

en proie à une atroce douleur physique et les

seules paroles que je pouvais prononcer étaient

en latin. »29

Dans ce témoignage de Philip K. Dick, nous assistons

au récit de son immersion profonde vers son intériorité et

ses sentiments. Si le rapport entre drogue et exploration est

connu, le rapport entre état de conscience et connaissance

de soi est lui aussi très fort. Jan Kounen dans son film

« D’autres mondes », s’interroge sur notre perception du réel.

Au travers de ce reportage, il nous relate son expérience

après la prise d’Ayahuasca, une plante hallucinogène

répandue en Amazonie péruvienne.

29. DICKIEN, Dickien : qui rappelle les univers de Phillip K. Dick [En ligne] http://www.dickien.fr/ (Consulté le 18.10.2015).

Page 37: Introversion & creation

33

A travers ce reportage, il nous explique sa propre

démarche et nous montre d’autres témoignages de

personnes faisant appel à des shamans régulièrement, et

même des médecins occidentaux30 spécialisés sur le sujet.

Qu’ils soient peintres ou chercheurs, leurs

témoignages suite à ces expériences sont frappants. Sans

ces voyages hallucinatoires leur ayant permis d’explorer

une réalité parallèle, ils n’auraient peut-être pas pu capter

ce moment de génie. Comme nous l’explique Docteur Kary

Mullis, prix Nobel de chimie en 1993 avec sa découverte

de la PCR, découverte majeure autour de l’ADN, il accorde

une partie de cette découverte au fait de ses visions

moléculaires, dus aux voyages hallucinatoires provoqués

par le LSD. Les voyages hallucinatoires ont permis depuis

des milliers d’années en Asie d’entrevoir le «  double

serpent », à savoir la forme de l’ADN, quand en Occident,

nous l’avons découvert il y a moins d’un siècle. On retrouve

cette forme sur plusieurs dessins et représentations.

30. VAN EERSEL Patrice, La nature est intelligente : et nous ? [En ligne] http://www.cles.com/debats-entretiens/article/la-nature-est-intelli-gente-et-nous (Consulté le 19.11.2015).

Page 38: Introversion & creation

Ces témoignages variés, sans aller jusqu’à accorder

leurs découvertes aux voyages hallucinatoires, soulignent

le fait que ce sont des expériences intenses, dans lesquelles

nous trouvons des réponses à nous-mêmes. Jan Kounen

nous explique qu’il a dû aller au fond de lui-même, ses

visions ayant matérialisées ses angoisses.

«  C’est un chemin dangereux avec lequel il

faut avancer avec prudence […] J’ai dû retourner dans

la jungle qu’il (le shaman) m’aide à reconstruire la

partie psychologique de mon esprit. Les visions sont

trop fortes, je tente en me convulsant d’échapper à

toute pensée, pour ne pas devenir fou, pour être à

l’instant. [..] J’ai des pensées que je n’ai jamais eu,

l’impression d’accéder à des désirs cachés, à des

pulsions secrètes, les vérités se transforment en

mensonge dès que je les attrape, une cascade sans

fin sur ma mécanique psychique, sur ce que je suis

ou crois être, je ne peux que sentir le sang dans mes

veines et mes muscles, tandis que les visions se dé-

ploient au rythme des chants. Mon identité se dis-

sout dans ces images perçues comme des concepts

cognitifs insaisissables par la pensée. »31

31.KOUNEN Jan, D’autres mondes, France, Ariel Zeitoun et Jan Kounen, 2004, 73 minutes, couleur, reportage (consulté le 15.09.2015).

Page 39: Introversion & creation

35

Dans cette démarche, l’important est que les sujets

vont au fond d’eux-mêmes pour comprendre leur relation à

la nature, pour comprendre que tout cela forme un tout et

surtout qu’on en fait intégralement partie. Plutôt que de dis-

socier vie intérieure et vie extérieure, cette démarche vise à

harmoniser les deux. L’accès à cette vie intérieure profonde

ont permis à Jan Kounen, ou Kary Mullis entre autres d’aller à

l’essence d’eux-mêmes, et par là de résoudre des énigmes

universelles par un affrontement d’eux-mêmes. L’affron-

tement de soi est une majeure invariable dans la connais-

sance de soi. Rien que le fait de mener un projet du début à

la fin est un affrontement de soi, par le fait de surmonter la

peur de l’échec, les efforts et sacrifices nécessaires.

Les états modifiés de conscience et compréhension

de son environnement

Les états modifiés de conscience permettent un

affrontement de soi. Quand un patient recourt à l’hypnose

pour arrêter de fumer, ou quand quelqu’un surmonte ses

angoisses dans ses rêves.32 J’ai un ami qui durant des

années faisait un rêve ou un clown courait vers lui puis le

démangeait.

32. VINCENT Jérôme, Le Point, n°2152, novembre 2014, page 18.

Page 40: Introversion & creation

Des années plus tard, ce rêve persistait, jusqu’au jour

où il décida que ce serait lui qui allait courir vers le Clown,

et le dévorer. Il ne fit plus jamais ce cauchemar.

Comme nous l’avons vu, la conquête de son for

intérieur est une problématique qui a toujours habité

l’homme. Le but des états de conscience n’étant pas de

s’enfermer définitivement, mais de s’affronter pour s’ouvrir

au monde, percevoir ses apports sur nous, et se nourrir

de notre environnement pour créer, que ce soit au service

des autres ou non. Sans aller jusqu’à ces démarches, qui

peuvent paraître extrêmes pour des cultures comme la

nôtre davantage basés sur la science et qui tend à rendre

explicable le maximum des éléments qui nous entourent,

nous voyons que ce processus tend à une intériorisation aux

limites de la folie parfois dans un premier temps, pour ensuite

accéder à cette réalité parallèle pour comprendre notre

environnement. Intérioriser pour par la suite comprendre

notre environnement, et surtout s’en inspirer pour favoriser

la création et nous offrir au monde. Ainsi, l’exploration de

son monde intérieur fait écho à notre environnement.

Page 41: Introversion & creation

37

Notre monde intérieur nous est propre et fait notre

singularité. Nous avons aussi évoqué les mécanismes de

l’introversion. Plus précisément, nous avons évoqué le fait

que l’introversion, qui entraîne solitude et introspection, nous

permettait de conceptualiser le fruit de nos observations.

Par le biais de cette conceptualisation, nous pouvons arriver

à une création, et donc une réelle interaction tangible avec

le monde. Pour interagir avec le monde, il faut participer et

échanger, physiquement ou mentalement. Avant d’interagir

avec, il faut le comprendre, et pour le comprendre, il est

nécessaire de l’observer. L’observation est une démarche

incluse dans la compréhension de l’univers dans lequel

nous évoluons. L’observation est l’action de considérer avec

attention des choses, des êtres, des événements. Mais cela

peut aussi être l’action de se conformer à une règle, une loi

ou un règlement. L’observation amène vers une démarche

intellectuelle, la conceptualisation. La contemplation se

définit par un regard ou considération assidue qui met en

œuvre les sens (visuel, auditif) ou l’intelligence et concerne

un objet souvent digne d’admiration.33

33. CNRTL. Définitions [en ligne]. http://www.cnrtl.fr/definition/contemplation (consulté le 13.03.2015)

Page 42: Introversion & creation

L’observation est une démarche complémentaire

de la contemplation. Dans les rêveries du promeneur

solitaire, Jean Jacques Rousseau nous apporte une vision

philosophique de la contemplation au travers des récits

de plusieurs de ses nombreuses promenades. Au cours de

ses rêveries, il décrit précisément ses émotions et ce qu’il

ressent au fond de lui-même. Jean Jacques Rousseau prend le

parti d’écrire sur lui et ses idées, sans s’expliquer auprès de

quiconque. En écrivant de cette manière, c’est-à-dire au plus

près de lui-même, l’auteur vise à créer un sentiment d’empathie

auprès du lecteur qui sera plus enclin à son exploration intérieure.

Ionesco, avec Le Solitaire34 décrit la vie d’un personnage

angoissé et seul qui tend à toujours plus d’isolement et de

réflexions profondes et lointaines qu’il appelle « Cosmos »,

qui tendent à séparer dangereusement le personnage du

monde l’environnant. Ainsi, la contemplation est une part

indéniable de la création, car elle induit des sensations et

nous permet d’aller au-delà de l’intellectualisation de notre

environnement pour réellement le sentir. Observation et

contemplation fonctionnent en cycle, et l’effet sur nous-

mêmes de l’un sans l’autre est amoindri. Ainsi, la possibilité

de comprendre et sentir le monde, que l’on soit introverti

ou non, nous permet d’accueillir ce que la nature cherche à

nous montrer.

34. IONESCO Eugène, Le Solitaire, Paris, Gallimard, 1976.

Page 43: Introversion & creation

39

Lorsque Newton a fondé la théorie de la gravité35 en

constatant la chute de cette pomme, il s’est appuyé sur sa

connaissance de la physique qu’il a accumulé durant des

centaines d’heures d’études pour analyser un événement

tout à fait extérieur qui a paru anodin pendant des cen-

taines d’années. Cependant, sans sa connaissance due à un

apprentissage isolé, il n’aurait pas pu interpréter cet évè-

nement. Sans la contemplation de cet évènement extérieur,

aurait-il été capable de théoriser ? D’un point de vue plus

artistique, Pollock a découvert la technique des tâches par

erreur, lorsqu’il entreprenait la réalisation d’un tableau36.

Par erreur, il renversa des gouttes de peintures sur la toile.

Par la suite, il en mit d’autres, puis d’autres, jusqu’à arriver

aux célèbres tableaux présents dans l’imaginaire commun

et dans tous les grands musées du monde. La sérendipité

peut aussi être un élément décisif dans la création, comme

le montre les exemples ci-dessus et d’autres très nombreux.

35. NEWTON Isaac, motu corporum in gyrum, 1684 in The mathemati-cal papers of Isaac Newton – volume VI , Cambridge at the University Press 1974.

36. MOREEUW, Biographie Jackson Pollock [En ligne] http://www.mo-reeuw.com/histoire-art/jackson-pollock.htm (Consulté le 18.11.2015).

Page 44: Introversion & creation

Ainsi, nous pouvons dire que l’observation et la

contemplation favorise notre compréhension du monde.

Plus nous le comprenons, plus nous sommes en mesure

d’interagir avec lui. Cette compréhension du monde se fait

aussi par une exploration de soi-même. Que la conquête

de notre monde intérieur soit aidée par des supports exté-

rieurs ou non, l’objectif est de parvenir à une connaissance

de soi suffisante pour comprendre notre environnement, et

ainsi parvenir à conceptualiser par les voies de l’observa-

tion ou la contemplation pour acquérir une singularité de

notre monde intérieur. Ainsi, ces aller-retours entre monde

intérieur et monde extérieur permettent la prise de recul sur

son environnement, pour ensuite conceptualiser afin d’inte-

ragir par le biais de la création.

Intériorité et création.

Comme nous avons pu le voir, la finalité de l’intériorité est

bel et bien la création. En effet, la création est le fruit de

notre observation et de notre interaction avec le monde.

Elle se situe au carrefour de la perception des stimulis ex-

térieurs et des sensations internes. Bien que le mythe du

créateur solitaire soit encré, cette vision de la création n’a

pas toujours été aussi centrée autour du créateur.

Page 45: Introversion & creation

41

Dans l’Antiquité, les grecs pensaient que la création au sens

large se compose d’idées présentes dans l’air. Le rôle du

créateur n’est alors pas d’injecter des idées, mais justement

de les saisir. L’important est qu’elles soient en perpétuel

mouvement, permettant à un créateur de s’en emparer, et à

un autre de la compléter, sans jamais se l’accaparer.

Les Open Sources fonctionnent en partie de cette façon,

à la différence que cette atmosphère créatrice est aussi

générée par les créateurs eux-mêmes. Un créateur ouvre

son œuvre afin de l’ouvrir au maximum, et puiser dans

chaque créateur intéressé.

Ingrédients de la création

Cependant, quelle que soit l’époque, créer est la

démarche d’aboutir à la production d’une création, pour

répondre à une capacité  : la créativité. Bien qu’il existe

une définition établie de la création et de la créativité, les

processus peuvent être très étrangers les uns des autres

selon les domaines. Prenons l’exemple de la création

musicale. Selon Chilly Gonzales37, la musique était pour lui

sa façon la plus sincère et la plus unique de toucher les

autres.

37. MUSIC-STORY, Biographie : Chilly Gonzales [En ligne] http://www.music-story.com/chilly-gonzales/biographie (Consulté le 18.12.2015).

Page 46: Introversion & creation

Pour parvenir à cette fin, Chilly Gonzales commence

son exploration par une improvisation au piano. Ensuite, il

recherche une linéarité, un fil directeur. Enfin, il a besoin de

prendre du recul avec le matériau crée, trouver l’essence

de ce morceau. La mélodie est en sorte un habillage pour

amener l’essence d’un morceau, celle qui nous touchera.

Pour un morceau, la mélodie est donc le matériel

pour nous amener l’essence. L’essence, elle, provient de

l’histoire personnelle ou de notre environnement, ou d’un

évènement qui nous a touchés par rapport à notre histoire,

qu’elle soit personnelle ou nous situant dans un contexte.

Polanski, réalisateur qui a marqué le cinéma international

avec de nombreuses œuvres, comme Répulsion ou plus ré-

cemment Ghost Writer38, a montré le nazisme en Pologne,

son pays d’origine. Le sculpteur Baselitz, d’un point de vue

personnel, qui réalise des sculptures en bois taillées de ma-

nière brut faisant apparaître des troubles du genre.39 Bien

que comme expliquée ci-dessus, la recette semble être

établie, n’oublions pas l’importance de la sérendipité et du

hasard.

38. POLANSKI Roman, Ghost Writer, Pologne, France 2 Cinema, Run-team, 2010, 128 minutes, couleur, DVD.

39. GAGOSIAN, Georg Baselitz [En ligne] http://www.gagosian.com/artists/georg-baselitz (Consulté le 21.06.2015)

Page 47: Introversion & creation

43

L’artiste ne trouve pas sa singularité en appliquant

une formule. Pourtant, de nombreux scientifiques essaient

de démontrer que création musicale et algorithmes sont

intimement liés. François Pachet par exemple, qui travaille

chez Sony, a mis au point des Flow Machines, qui permettent,

lorsque l’artiste est en panne d’inspiration, de proposer des

alternatives possibles en respectant le style de l’artiste.

Malgré tout, les processus de création restent variés, et

trouvent leurs bases dans des origines aussi inattendues

que nombreuses.

Prenons Brahms, qui a créé un morceau en s’inspirant

de la prononciation des lettres d’un musicien qui l’inspirait :

«  B  », «  A  », «  C  », et «  H  ». Yaron Herman, pianiste multi

récompensé (Talent Jazz Adami en 2007, Révélation Instru-

mentale de l’année aux Victoires du Jazz en 2008), explique

qu’il a pu s’inspirer en se basant sur le bruit désagréable et

redondant d’une climatisation d’avion qui lui est peu à peu

apparue mélodique.40

L’art est un ensemble de moyens, de procédés

conscients par lesquels l’homme tend à une certaine fin,

cherche à atteindre un certain résultat.

40. HERMAN Yaron, Improvised piano loveliness : Yaron Herman at TEDGlobal 2013, TED, 2013, Speech [En ligne] http://blog.ted.com/im-provised-piano-loveliness-yaron-herman-at-tedglobal-2013/ (Consulté le 22.06.2015).

Page 48: Introversion & creation

On peut parler de plusieurs notions avec ce seul

mot. Tout d’abord, nous trouvons sept qualifications d’art.

La sculpture et l’architecture, le dessin ou arabesque, la

peinture, qu’elle soit représentative ou pure, la musique

dramatique ou descriptive, la littérature et la poésie, le

cinéma et la photographie. Parmi ces sept qualifications,

certaines sont d’une origine qui peut être plus technique.

Par exemple, la peinture à l’ère préhistorique avait pour but

d’expliquer et d’illustrer un fait.

Prenons l’exemple de la peinture. Les visées de la

création en peinture sont très différentes selon les époques.

Bien que des peintures du Moyen-Âge soient considérées

comme œuvre d’art, certaines n’avaient pour fin que d’être

compréhensible pour le peuple, qui ne savait pas lire. A

l’ère de la Renaissance, plutôt que de se vouer à Dieu, les

peintres et penseurs se sont mis à mettre l’Homme au centre

de leur réflexion et de leurs représentations. On redécouvre

d’anciennes techniques permettant d’accéder à un haut

niveau de réalisme. En effet, la technique est précise, on

s’inspire de la connaissance pour créer. La perspective est

scrupuleusement respectée.

Page 49: Introversion & creation

45

Pendant l’impressionnisme, on s’intéresse davantage

aux maux de la société, avec Munch, ou Picasso. Pendant

l’expressionisme, il s’agit de représenter un idéal basé

autour de la nature et de la vie sauvage. Dans l’art moderne et

contemporain il s’agit de s’exprimer grâce à son expérience

personnelle, avec les sculptures de Baselitz ou de Chris

Mars.41

Ainsi, l’acte de créer réside dans notre expérience

personnelle, et dans le contexte dans lequel nous avons

évolué. Sans intériorité, la création est impossible. Dans un

contexte artistique, le but de la création n’est pas unique.

Thérapie pour certains, comme pour Bacon et tant d’autres,

exploration, comme Dali et son inconscient, exutoire, avec

Pollock, moyen de se repentir pour d’autres, ou encore

interroger son passé, son histoire … Créer signifie donner

une forme palpable aux fruits de son intériorité, qu’il s’agisse

de musique, ou de peinture. La création est finalement le

support de communication de son monde intérieur au

monde extérieur.

41. CHRIS MARS PUBLISHING, End times of the Armageddonist [En ligne] http://www.chrismarspublishing.com/home.htm (Consulté le 21.06.2015).

Page 50: Introversion & creation

L’introversion et l’extraversion sont deux

tempéraments distincts. Bien que nous l’affinions selon notre

expérience, notre tempérament est en partie déterminé à la

naissance. Beaucoup d’amalgames autour de l’introversion

visent à la rendre déviante, malgré ses vertus enviées. La

solitude favorise l’observation et la contemplation, qui

favorise l’introspection et la compréhension du monde.

Ensuite, la prise de recul nous permet de conceptualiser,

pour enfin créer selon notre vision singulière. Bien que créer

soit différent pour chacun, le but reste le même : à savoir

communiquer notre monde intérieur au monde extérieur.

Page 51: Introversion & creation

47

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49

Page 54: Introversion & creation
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51

Un modèle culturel et social qui impose

l’extraversion.

Une norme actuelle encrée

Ainsi, nous voyons que notre société a tendance à

rejeter les traits de l’introversion tout en valorisant leurs

effets profitables. Pourtant, être introverti ou extraverti

est une question de tempérament, et découle de nos

expériences propres qui forgent aussi notre personnalité.

Dans la sphère professionnelle, privée et même dans nos

références culturelles, les valeurs autour de l’extraversion

sont souvent bien davantage mises en avant que celles

autour de l’introversion. Bien que nous ne soyons pas

pleinement décideur de notre tempérament, notre société

préfère souvent valoriser l’extraversion. Nous sommes ainsi

jugés en fonction de celles-ci, quitte à pousser beaucoup

d’entre nous à forcer notre nature. Mais en quoi et pourquoi

valorise-t-on les valeurs de l’extraversion ?

Page 56: Introversion & creation

Aujourd’hui, selon l’historien Warren Susman, nous

nous situons dans une société basée sur le «  culte de la

personnalité  »42, et ce depuis la première moitié du XXème

siècle. Aujourd’hui, l’être idéalisé est celui qui est sociable,

prend la parole et donne son avis. Il est à l’aise dans les

groupes et agit avec prestance. Il a davantage d’attrait pour

l’action que la contemplation, est plus fonceur, donc plus

enclin aux décisions hâtives. Il sait bien sûr se mettre en

avant et s’intégrer dans n’importe quel groupe, car il est

totalement tourné vers son environnement. Pour résumer

en un seul terme, il est foncièrement extraverti.

En effet, pour ceux qui sont davantage extravertis,

cette norme n’a rien d’étrange. Mais qu’en est-il des

individus se considérant comme davantage introvertis  ?

Sont-t-ils si peu comparé à l’écrasante majorité d’individus

plus extravertis ? Bien que les individus considérés comme

davantage extravertis soient en effet majoritaires, on compte

par exemple 40% de gens s’autoproclamant introvertis (avec

un chiffre en hausse chaque année) aux Etats-Unis43, pays

vecteur du basculement de la « société de valeur » vers une

«  société de personnalité  »44 comme nous le détaillerons

plus tard.

42. CAIN Susan. La force des discrets, Paris, Librairie Générale Fran-çaise, 2014, page 43.

43. CAIN Susan. La force des discrets, Paris, Librairie Générale Fran-çaise, 2014, page 34.

44. SUSMAN Warren. The transformation of American Society in the twentieth Century, États-Unis, Smithonian Books, 2003, page 196.

Page 57: Introversion & creation

53

Page 58: Introversion & creation

Ainsi, malgré des profils se voulant de plus en plus

introvertis, notre société occidentale continue de valoriser

largement l’extraversion dans la transmission de ses

modèles.

Comme nous le détaillerons plus tard, ce modèle

est inculqué dès la petite enfance dans les organisations

des classes, et dans la façon dont nous déterminons

« L’interaction avec autrui ». Nous pensons l’interaction avec

autrui comme un échange direct, oral. Pourtant, la définition

de l’interaction se veut plus complète. Il s’agit d’une action

réciproque, action de deux ou plusieurs objets l’un sur

l’autre. Ainsi, ce terme prend en compte d’autres dimensions

que celles que nous lui accordons généralement. Pourtant,

nous valorisons toujours l’échange direct et oral.

Notre modèle de société est basé sur cette

règle. Illustrons ce fait en s’intéressant à la sphère

professionnelle. Aujourd’hui, les structures sont faites pour

favoriser l’échange direct et mettent en avant le fait d’être

«  sollicitable  » à chaque instant. Bien que dans un processus

de travail il est parfois indispensable et bénéfique de partager

et d’échanger lors de certaines phases, axer la production de

création sur un modèle de collaboration constante n’est peut-

être pas la bonne solution pour tous les profils.

Page 59: Introversion & creation

55

Dans le monde de l’entreprise aujourd’hui, l’Open Space

est désormais la référence et apparait comme la solution

aux problèmes de productivité. Bien qu’en France un tiers

des bureaux soient organisés en Open Space, trois quarts

le sont en Angleterre45. Le fait d’avoir un bureau ouvert vers

les autres, ou dans certains cas même pas de bureau attitré,

nous incite à accentuer nos qualités d’extravertis, quitte à

forcer notre nature. Bien que cela puisse être bénéfique pour

certains, cette démarche peut aussi s’avérer exténuante

pour d’autres. Ainsi, il devient plus difficile de se couper du

monde pour réfléchir à une solution et ainsi conceptualiser.

Nous étudierons plus tard pourquoi certaines entreprises

très influentes se tournent vers des organisations permettant

plus d’espace personnel à ses collaborateurs en remettant

en question l’efficacité des Open Spaces.

Extraversion et milieu professionnel

Interrogeons-nous sur l’origine de cet engouement

autour du travail collaboratif. Les open space ont vu le

jour dans les années 1970 aux Etats-Unis et aux Pays-

Bas46. L’objectif était de permettre gain de place, meilleure

communication et un suivi de l’activité de l’entreprise.

45. ABBL. Open Space, paradis de travail ? [En ligne] http://www.abbl.lu/fr/blog/article/2015/05/xxx (Consulté le 15.07.2015).

46. LE TROISIÈME ŒUVRE. L’Open Space, les origines [En ligne] http://letroisiemeoeuvre.com/lopen-space-les-origines/ (Consulté le 14.09.2015).

Page 60: Introversion & creation

Ensuite, la volonté de communication s’est largement

accrue dans les années 2000 avec l’explosion d’internet et

ses nombreuses sociétés de la nouvelle technologie et leur

croissance très rapide. Ensuite, ce modèle a été directement

calqué sur des entreprises à la logique très différente. De

nombreux succès tels que Linux47, et Wikipédia sont le fruit

de travail collaboratif. C’est pourquoi nous avons associé

«  Collaboration  » et «  succès  », en sortant la recette du

contexte. Bien que collaboratives, les contributions et

remarques se faisaient à distance, à écrans interposés.

Les contributeurs et créateurs, en dialoguant à distance et

de manière immatérielles, abattaient les frontières certes,

mais pas à la manière d’un Open Space. En fait, il n’y a pas

eu de distinction entre interaction en ligne et interaction

physique. Ces interactions en ligne ont permis à de

nombreux introvertis de s’exprimer, en leur laissant le temps

de cibler et lister l’essentiel dans leurs échanges. Ainsi, ils

s’affranchissaient du jugement des autres sur leur façon de

se tenir, leur intonation, leur regard, et d’autres angoisses

liées à la pression du groupe.

47. AGORAVOX. L’histoire de Linux, un système d’exploitation libre qui a 20 ans [En ligne] http://www.agoravox.tv/actualites/technologies/ar-ticle/l-histoire-de-linux-un-systeme-d-43486 (Consulté le 14.09.2015)

Page 61: Introversion & creation

57

Ainsi, l’organisation d’une entreprise se veut

foncièrement « pour les extravertis ». Au-delà de l’organisation

spatiale, le modèle de production d’idées favorise aussi les

qualités d’extravertis. Ainsi, le brainstorming est désormais

devenu une méthode classique dans la production. Comme

nous le détaillerons plus tard, le fait d’être au milieu des

autres pour créer peut fausser le jugement et le libre-arbitre

d’une personne.

Extraversion et sphère privée

Ce modèle valorisant l’extraversion ne se limite pas

à la sphère professionnelle. Les célébrités jouent aussi la

carte de l’extraversion avec du partage incessant et des

réactions rapides. De Vincent Cassel à François Hollande,

tous se sont mis  «  à la mode du Tweet’  ». En effet, la

pression du partage de notre vie via les réseaux-sociaux

nous amène à nous forger une « identité digitale », parfois

loin de la réalité. En effet, certains ont créé leur carrière sur

ces réseaux sociaux.

Page 62: Introversion & creation

Prenons l’exemple d’Essena O’Neil, agée de dix huit

ans, qui cumula plusieurs centaines de milliers d’abonnés

sur les réseaux sociaux48. Cette star éphémère s’est retirée

des réseaux car elle prit conscience qu’elle vivait à travers

son image virtuelle et biaisée, idéalisée d’elle-même. En

effet, pour les générations étant né avec cette dépendance

aux réseaux, l’image que l’on donne peut s’avérer plus

impactante dans notre vie que ce que nous sommes

réellement. En effet, de nombreuses «  célébrités  » plus

ou moins éphémère voient le jour grâce au culte de leur

propre personnalité, allant souvent jusqu’au fantasme de sa

propre image. Ainsi, notre réputation est basée davantage

sur notre capacité à paraître. Cependant, ce culte de la

célébrité et de la réputation prouve que notre société est

à son paroxysme en termes de diktat de l’extraversion. Ce

modèle autour des valeurs de l’extraversion est aussi un

héritage de notre histoire.

48. O’NEIL Essema. Let’s be game changers [En ligne] http://www.lets-begamechangers.com/ (Consulté le 18.11.2015).

Page 63: Introversion & creation

59

Origines historiques de l’extraversion

Aussi, pendant l’âge d’or d’Athènes, au Vème siècle

avant J.C, les vertus étaient aussi portées sur des valeurs

d’extraversion et l’art oratoire, avec l’importance des débats

et des discussions publiques constituant les activités

majeures et reconnues. L’exercice de la démocratie était

indispensable pour notre intégration dans la vie de la Cité.

Les Romains aussi accordaient à la vie publique une très

grande importance.

On peut rapprocher mythologie grecque et

extraversion. Jung compare notre posture de l’extraversion

à l’attrait pour le mythe d’Epithémée.49 Prométhée et son

frère Epiméthée sont deux des Titans, fils de Japet et de

Clymène. Ils sont aussi les frères d’Atlas, puni par Zeus et

contraint de porter la voute céleste, ainsi que de Ménoïstos

qui finira foudroyé par les dieux pour le punir de son

arrogance. Etymologiquement Prométhée signifie « celui

qui pense en avance ». Il est doté de ruse et d’intelligence.

Epiméthée signifie « celui qui pense après ». Epiméthée est

en revanche qualifié d’imbécile.

49. LE FIGARO. Santé : la revanche des introvertis [En ligne] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/01/31/21925-revanche-introvertis (Consulté le 10.10.2015).

Page 64: Introversion & creation

Pour les remercier de leur aide dans le combat des

Titans, Zeus leur confère une mission  : créer les êtres

vivants et les mortels. Ainsi Prométhée se charge de la

conception de l’homme et Epiméthée celle des animaux.

Ce dernier donne tous les attributs vitaux aux animaux, en

délaissant ceux des hommes. Les animaux ont tout pour

être autonomes : ils peuvent combattre, voler, affronter et

se nourrir. Ainsi, les hommes se sont retrouvés nus et en

position de faiblesse face aux animaux. Bien que Prométhée

conçoive l’homme de manière robuste, les attributs légués

étaient trop faible pour leur assurer la survie. Face à

cette situation, Prométhée, pour rattraper l’erreur de son

frère, décida de voler les arts et le feu aux dieux. Zeus le

découvrant, il enchaîna Prométhée éternellement à un

rocher où chaque jour l’Aigle du Caucase lui dévore le foie.50

Ainsi, nous voyons ici et de manière imagée les méfaits que

peuvent engendrer des réactions impulsives et hâtives.

Dans un contexte plus récent, intéressons-nous à

la crise de Wall Street de 2008. Selon Curry, trader à Wall

Street51, c’est ce qu’il s’est passé durant la crise de 2008 à

Wall Street.

50. PHILOBLOG. Le mythe de Prométhée [En ligne] http://www.philo-log.fr/le-mythe-de-promethee/ (Consulté le 15.11.2015)

51. CAIN Susan. La force des discrets, Paris, Librairie Générale Fran-çaise, 2014, page 145.

Page 65: Introversion & creation

61

Les décisions étaient prises par des éléments plus

extravertis, mais le problème est surtout que les individus

«  non-extravertis  », c’est-à-dire davantage enclin aux

décisions plus posées, plus réfléchies, mais qui prennent

aussi plus de temps à émerger, étaient écartées.

Bien que les valeurs de l’extraversion soient partie

intégrante de notre culture et ce depuis des siècles, la

société évolue selon des modes. La mode actuelle étant

à l’extraversion, de nombreux psychologues ou penseurs

vantent les vertus de l’extraversion. De nombreuses

techniques de développement personnel valorisant

l’extériorisation de ses émotions et l’affirmation de soi ont

vu le jour. Bien que les personnalités extraverties aient fait

leur preuve dans la façon de diriger une entreprise, aucune

étude ne prouve les liens entre extraversion et aptitudes

à diriger. Les deux profils peuvent être très efficaces dans

des postes de direction, selon l’équipe. Prenons pour

exemple l’étude d’Adam Grant, professeur de management

à Wharton. Lui et son équipe étudièrent les résultats d’une

chaîne de pizzeria. Ils ont constaté que lorsque les dirigeants

étaient plus extravertis, les profits hebdomadaires étaient

16% plus élevés … A condition que l’équipe soit passive et

se contente de suivre les ordres stricts de la hiérarchie52.

52. GRANT Adam. Donnant donnant, quand générosité et entreprise font bon ménage, Paris, Village Mondial, 2013, page 46.

Page 66: Introversion & creation

Quand l’équipe essayait d’améliorer les procédures

de travail sous la direction d’un patron introverti, la prise

d’initiative accordée à l’équipe a donné des résultats 14%

plus élevés que ceux des patrons extravertis. Bien que notre

culture valorise les qualités de l’extraversion, cela n’a pas

été toujours le cas.

D’une société de valeur à une société de personnalité

En effet, notre société a basculé à un moment

précis de l’histoire. Selon l’historien Warren Susman,

«  l’Amérique est passée d’une culture du caractère à une

culture de la personnalité53.  » Warren Susman est l’auteur

de Culture as History: The Transformation of American

Society in the Twentieth Century, qu’il écrit dans les

années 1960. Cet historien est un spécialiste de l’histoire

et la culture américaine. Bien que l’essai cité ci-dessus soit

incontestablement le plus connu, il est auteur de nombreux

autres essais traitant de l’évolution de l’Amérique, dont

un sur le libéralisme d’après-guerre. Une personne dans

une culture de caractère endossait des valeurs telles que

le sérieux, la discipline, le respect, le devoir, le travail,

l’honneur, etc.

53. CAIN Susan. La force des discrets, Paris, Librairie Générale Fran-çaise, 2014, page 78.

Page 67: Introversion & creation

63

Notre valeur en tant qu’individu était basée sur la

manière dont on se comporte dans la sphère privée que sur

l’image sociale que nous donnions. L’Amérique a basculé

dans une culture de la personnalité avec l’essor du secteur

industriel et l’exode rural massif qui l’a accompagné.

Ainsi, les travailleurs sont passés d’une société basée

sur l’agriculture organisée en villages à un vaste réseau

industriel central urbain.

L’explosion de l’urbanisation allant de pair avec les

offres d’emplois dans les usines situées plus en ville, les

habitants ont progressivement quitté leur village natal et leur

entourage limité au profit de la ville et sa jungle d’inconnus

et de travailleurs. Ainsi, l’Amérique est passée d’un taux

d’occupation des villes de 3% en 1790 à plus d’un tiers en

1920. Les ex-habitants des villages se sont ainsi retrouvés

ainsi en concurrence avec des foules d’inconnus en quête

d’une vie moderne et urbaine. L’explosion urbaine et le faible

taux d’éducation a mené naturellement beaucoup d’anciens

travailleurs du monde rural vers des secteurs ne nécessitant

pas un niveau d’études élevés, à savoir le commerce. Ainsi,

faire bonne impression et se vendre parmi les inconnus est

devenu primordial.

Page 68: Introversion & creation
Page 69: Introversion & creation

65

C’est au XXème siècle que le terme « personnalité » a

réellement prit son sens. D’autres qualités ont vite habillé

le terme de personnalité  ; époustoufler, dominer, attirer,

convaincre, etc. Avec cette culture en plein changement,

les acteurs sont devenus des stars de cinéma, des idoles

véhiculant le nouvel être idéal de la société. Les publicités

ont tout naturellement commencé à axer leurs publicités

sur des valeurs autour de l’image de soi, et en soulignant

l’importance du regard des autres, en mettant en garde

contre leur mauvais jugement, la peur de l’échec social, etc.

Aujourd’hui, les dynamiques sont les mêmes et les angoisses

sociales ancrées. Ces dynamiques sont pleinement encrées

à une façon extravertie de voir le monde, c’est-à-dire en

étant préoccupé que de son environnement et de comment

cet environnement nous caractérise en tant qu’individu.

Ce modèle étant établi aujourd’hui, ses mécanismes sont

transmis et intériorisés dès la petite enfance.

Page 70: Introversion & creation

Les mécanismes de l’extraversion

intériorisés dès le plus jeune âge.

Dès le plus jeune âge nous sommes focalisés sur

les valeurs de l’extraversion. Dès la crèche, nous sommes

confrontés à un modèle d’éducation et de vie avec les autres

qui peut être vécu de manière violente. Tous les enfants sont

mis au milieu d’autres et forcés à se mêler aux accepter d’être

stimulés par les autres et leur environnement extérieur.

Cette stimulation, de temps en temps indispensable pour

stimuler l’éveil, peut engendrer une sur-stimulation menant

à l’épuisement chez certains sujets. Les centres aérés

fonctionnent de la même façon. Plus tard, les colonies de

vacances fonctionnent sur ce principe avec les activités de

groupe obligatoires. Et dans un cadre plus studieux, dès

le primaire, de nouveaux types de classes collaboratives

voient le jour. Ces classes tendent à être organisées en

Open Space et selon l’organisation du monde des affaires.

Page 71: Introversion & creation

67

Organisation des écoles basées sur l’extraversion

Les traits de l’extraversion commencent à être perçus

comme valorisés contrairement à ceux de l’introversion,

que cela convienne à votre tempérament ou non. Dans de

nombreuses écoles primaires américaines, les rangées

ont données place à des ilots. Ces méthodes s’appliquent

même à des disciplines qui devraient dépendre d’une

réflexion individuelle telles que les mathématiques ou la

composition. Le but dans cette pédagogie est d’apprendre

par le groupe. Il peut-être même parfois interdit dans

certaines écoles de poser une question au professeur si

le groupe n’est pas unanimement d’accord pour la poser.

Dans beaucoup d’universités, ce modèle d’organisation

par groupe s’y applique aussi. Prenons le cas de la Harvard

Business School. Cette école est prise en exemple car 20%

des dirigeants de Fortune 50054 en sont issus, ainsi, on peut

dire qu’une partie de la future gestion du monde dépend

de cette école. Les organisations se veulent axés autour

des travaux de groupe, en niant les effets néfastes que

peuvent avoir le groupe sur notre libre arbitre, comme nous

le verrons plus tard. Les étudiants valorisés sont ceux qui

ont la vie étudiante la plus active.

54. FORTUNE. Fortune 500 [En ligne] http://fortune.com/fortune500/ (Consulté le 14.11.2015).

Page 72: Introversion & creation
Page 73: Introversion & creation

69

Les mécanismes de l’extraversion sont ainsi

intériorisés par le biais de l’éducation qu’on nous inculque

dans un cadre scolaire, mais aussi par nos références

culturelles et nos modèles que l’on nous propose durant

notre enfance et notre adolescence. Penchons-nous sur

les modèles de série américaine pour adolescents. Avant

l’émergence des « geeks » dans la strate des gens « à qui

ressembler  », on y montrait des groupes d’adolescents

entourés d’autres, portés par leur popularité, et donc l’image

qu’ils véhiculaient. Ainsi, nos sphères privées calquent

également ces mécanismes. Par exemple, un enfant ayant

de l’attrait à la solitude en occident aura plus de chances

d’être perçu comme « timide » ou « déviant », qu’un enfant

en Chine, où les qualités de l’introversion sont davantage

valorisées. Outre notre éducation au sens scolaire du terme,

nos modèles culturels et de réussites favorisent l’adoption

de ces mécanismes dans la sphère privée. Dans certains

villages en Chine, on arbore encore des statues d’étudiants

ayant remporté le Jinshi, distinction récompensant les

étudiants les plus assidus. Comme le résume parfaitement

Michael Harris Bond55, « Les américains mettent l’accent sur

la sociabilité et favorisent les caractères permettant une

relation facile et joyeuse. Les Chinois, quant à eux mettent

l’accent sur des qualités plus profondes, sur les vertus et

l’accomplissement moral. »

55. HARRIS BOND Michael. The psychology of Chinese People, Oxford library of psychology, Angleterre, 2010.

Page 74: Introversion & creation

En effet, il peut être problématique pour un étudiant

chinois venant en occident ou aux Etats Unis de s’intégrer,

tant les valeurs sont différentes. Pourtant, comme on nous

l’avons vu précédemment, même dans nos cultures de

nombreux talents ont émergés à partir de l’exploitation de

leur timidité, leur doutes, leur réflexion, leur perception du

monde … En un terme, leur introversion. Bien que le rapport

entre introversion et extraversion soit parfois ambigu

comme nous le verrons dans quelques lignes, toujours est-

il que de nombreux talents voient leur tempérament et les

caractéristiques qui y sont liées comme un réel élément de

création.

Mutations en cours

Ainsi, nous assistons à une mutation de la société. En

effet, de nombreuses start-up voient le jour, avec le désir

d’agir selon leur vision propre. Elles mettent en place des

conditions de travail moins conventionnelles et laissant

place aux tempéraments moins extravertis. Une autre

mutation est observable, et en plein essor, plus centrée sur

les travailleurs indépendants, les créateurs et ceux aspirant

à créer une entreprises, consiste en la mise en place

d’espace de coworking, ou de travail collaboratif.

Page 75: Introversion & creation

71

Ces espaces qui fleurissent partout dans le monde,

rassemblent des travailleurs indépendants dans un même

endroit. Ainsi, ces travailleurs et entrepreneurs peuvent

échanger sur leurs idées. Plus que l’image sociale, ces

individus peuvent se regrouper leurs valeurs, par choix. Bien

que la création soit favorisée par la solitude et l’intériorité

de chacun, il peut en être autrement pour sa concrétisation.

En effet, de nombreux entrepreneurs subissent des

échecs en raison de la solitude. Le fait de ne pas être

épaulé peut-être décisif dans l’échec de l’entreprise. Il

est souvent recommandé de commencer avec un associé

complémentaire en termes de compétence, mais c’est

surtout quelqu’un qui saura être là pour nous aider à pallier

les nombreuses difficultés rencontrées. Bien que la création

soit favorisée par la solitude et l’intériorité de chacun, il

peut en est autrement pour sa concrétisation.

Ainsi, bien que nous soyons toujours dans une

société de la personnalité, ce modèle pourrait être amené

à changer à terme. Grâce à ces possibilités, de nouveaux

types de travailleurs émergent. Ceux qui sont motivés par

leurs convictions, par leur envie d’indépendance sans se

marginaliser, leur envie de contribuer à la communauté. Ce

modèle tend à casser notre modèle actuel basé autour de

la conformité et de l’image sociale.

Page 76: Introversion & creation

L’aide à la création des start-up, les possibilités de

prototypages à bas-coûts, la mise en place d’évènements

pour rencontrer des associés, collaborateurs ou

investisseurs se démultiplient également. En effet, cette

démarche est rendue possible par la découverte de nos

talents propres. La découverte de ces talents elle, est

possible grâce à un accès de notre intériorité. Ainsi, on

peut apercevoir une revalorisation de l’introversion et ses

valeurs dans la création, la production, et sa contribution

au monde. Prenons en exemple la femme entrepreneur,

Charlotte de Vilmorin. Elle s’est inspirée de sa propre

expérience d’handicapée pour mettre au point Wheeliz56,

service de location de véhicules spécialisés. Ainsi, grâce à

son recul sur son expérience personnelle, elle a pu faciliter

la vie de nombreux handicapés.

La chute des masques pour une stimulation

réciproque.

Comme nous l’avons vu, les modèles tendent à

changer. L’essor de l’entrepreneuriat et l’aspiration à suivre

ses propres convictions tendent à briser ce modèle instauré.

56. DE VILMORIN Charlotte. TEDx IESEG Paris Talks : Broaden your mind, La Défense [Conférence], 05.11.2015.

Page 77: Introversion & creation

73

Les gens accordent de plus en plus d’importance à

leurs idéaux, et leurs aspirations profondes. Bien que nos

modèles de réussite jouent sur les valeurs de l’extraversion,

comme l’art oratoire, ils s’appuient parfois sur des

partenaires plus introvertis. Prenons l’exemple de Martin

Luther King, un des meilleurs modèles de communication

orale et d’extraversion. Impossible de nier sa capacité

incroyable à animer les foules. Pourtant, le tournant de sa

carrière politique fut permis par Rosa Parks, lorsqu’elle se révolta

dans le bus. Malgré ses apparences douces, elle a pris la décision

d’attaquer aux tribunaux la compagnie de bus qui lui interdisait

de s’asseoir à cette place de « blanche ». Cette décision n’est

pas sans conséquence pour Rosa Parks, en attaquant, elle a

conscience qu’elle perd son mari et son travail, même sa vie est

menacée. Pourtant aux antipodes du héros social de l’imaginaire

commun, ses proches et ceux qui la connaisse n’ont de cesse de

la définir comme quelqu’un de « doux, calme et réservée », soit

aux antipodes du schéma du « héros social », elle prit fermement

cette décision d’attaquer cette compagnie. C’est à partir de

ce moment que le mouvement Montgomery Improvement

Association dirigé par Martin Luther King57 prit un tournant

décisif, et permis un remaniement de la loi en faveur des

noirs, et donc la victoire58.

57. KINGENCYCLOPEDIA. Martin Luther King JR. and the global freedom struggle [En ligne] http://kingencyclopedia.stanford.edu/encyclope-dia/encyclopedia/enc_montgomery_improvement_association.1.html (Consulté le 15.10.2015).

58. BRINKLEY Douglas. A life : Rosa Parks, Penguin Editions, Etats-Unis, 2005.

Page 78: Introversion & creation

Penchons-nous désormais sur un autre exemple.

La marque Apple rime avec Steve Jobs dans l’imaginaire

commun. Pourtant, bien que sa contribution et ses

aptitudes oratoires aient indéniablement conduit cette

marque « créée dans un garage » à devenir l’une des plus

puissantes du monde, on oublie souvent de citer l’apport

de Steve Wozniak. Ce dernier, collègue de Steve Jobs,

travaillait chez Helwett Packard et a conçu en grande partie

l’Apple I. Wozniak, grand introverti et timide de nature, allait

tôt le matin à son travail pour lire des revues électroniques.

Sa journée de travail passant, il se remettait à la tâche de

son œuvre : L’Apple I. Après plusieurs mois de travail, il finit

le prototype, seul dans son bureau. Ainsi, que serait devenu

Apple aujourd’hui sans Steve Wozniak  ? Sans Martin Luther

King, l’acte de bravoure de Rosa Parks aurait-t-il eu les mêmes

retombées sociales ?

Plaçons-nous désormais dans un autre contexte  :

celui de l’essor d’Internet dans les années 1990 et 2000 aux

Etats-Unis. Warren Buffett, un des hommes d’affaires les plus

influents au monde néanmoins réputé pour s’enfermer des

heures seul dans son bureau, prédit l’explosion de la bulle

internet des années 2000. Comme il le stipule lui-même, il a

survécu grâce au fait qu’il a toujours suivi « sa propre feuille

de route ».

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75

Quand il parle de sa vie d’investisseur, Warren

Buffett la décrit d’une façon pour le moins atypique : « J’ai

l’impression d’être allongé sur le dos. Au-dessus, il y a

le plafond de la chapelle Sixtine, et moi je peins. J’aime

bien qu’on me dise que c’est une chouette fresque, mais

c’est mon tableau à moi. Alors quand quelqu’un vient me

dire : « J’aurais mis du rouge à la place du bleu », je réponds

« Au revoir ». C’est mon tableau, et je me moque de savoir

combien il se vendra car il ne sera jamais terminé. C’est ça

qui est magnifique.59 »

Notre société valorise l’extraversion et ses valeurs.

Nous pouvons aujourd’hui considérer que nous vivons

dans une société de la personnalité. On juge quelqu’un

à son discours, sa façon de s’exprimer. Organisation qui

se répercute jusque dans nos sphères privées. Avec une

intériorisation du modèle dès le plus jeune âge, de par les

organisations de travail, les loisirs, les critères de jugement

au sein de la sphère familiales. Pourtant, on assiste à

un changement important, des entreprises créent des

conditions de travail différentes, des espaces collaboratifs

ouvrent... Introversion et extraversion sont deux types de

personnalité vers lesquelles on aspire. Chacun ont leurs

forces et leurs faiblesses.

59. Tiré de la biographie de Warren Buffet, L’effet boule de neige : la biographie officielle de Warren Buffet – Alice SCHROEDER Valor 2010

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La cohabitation de ces deux tempéraments est

nécessaire à la créativité. Disposant tous d’une part

d’introversion, pourquoi ne pas la reconnaître comme un

élément de la création ?

Notre part d’introversion nous donne des aptitudes telles

que l’observation, la contemplation et la prise de recul

pour une conceptualisation personnelle, emprunte de nos

valeurs, de notre personnalité et de notre vision du monde.

Ainsi, l’introversion favorise l’accès à notre créativité et son

exploration. Partant du principe que nous sommes tous

dotés d’une part d’introversion, pourquoi ne pas lui donner

une réelle place dans le processus de création en général ?

Bien que nous ayons vu que le but de la créativité est

identique d’un domaine à un autre, à savoir proposer une

vision du monde, ses processus pour parvenir à cette

création peuvent être abordés de façon très différente.

Intéressons-nous d’abord à différents processus de création

artistique et essayons d’en tirer les enseignements pour

créer dans d’autres domaines.

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L’art et la méthode.

Nous allons nous intéresser à différents processus de

création artistique, afin d’identifier leurs forces. Par la suite,

nous verrons en quoi nous pouvons nous en inspirer pour

créer dans d’autres domaines.

De nombreuses méthodes pour générer de la création

artistique existent. Il s’agit avant tout d’un processus mental,

variant d’un artiste ou groupe d’artiste à un autre. Selon les

mouvements et les époques, les méthodes évoluent et ne

sont pas basées sur les mêmes critères.

Certaines méthodes privilégient la technique. Durant la

Renaissance, les artistes ont redécouvert des techniques

de production alors délaissées pendant le Moyen-Âge.

Nous recentrons l’homme au centre des interrogations

fondamentales, nous redécouvrons les mythes grecs60. Bien

que nombre de peintures correspondent à des commandes,

le souci du détail vient transcender les codes du Moyen-Âge.

Pendant la Renaissance, le réalisme plastique fait surface.

60. GOMBRICH Ernst Hans. Histoire de l’art, Paris, Phaidon, 2006, pages 346-347.

Page 86: Introversion & creation

Bien que les Egyptiens utilisent des méthodes de réalisation

de sculpture pointue, avec un souci de réalisme, nous en

retenons souvent ces fameuses figures représentant des

divinités, de profil. Pourtant, il serait une erreur d’associer

ce genre de représentation à une limite de la maîtrise des

techniques artistiques. Ces représentations étaient alors

réalisées pour être compréhensible au plus grand nombre,

tout comme beaucoup de représentations du Moyen-Âge.61

Ainsi, les motivations n’étaient de l’ordre du réalisme du

visuel, mais axées sur une communication efficace.

Pendant la Renaissance, nous redécouvrons ainsi ces

méthodes, et les peintres et artistes se concentrent sur le

réalisme de leur production. En effet, on accorde beaucoup

d’importance au réalisme des textures, des lumières,

ainsi que des dimensions de la scène. L’exploitation de la

connaissance faisant partie de la Renaissance, on s’intéresse

à la géométrie et à la perspective.

61. Musée des Beaux-Arts de Dijon. Les collections Moyen Âge – Re-naissance du musée des Beaux-Arts de Dijon [En ligne] http://mba.di-jon.fr/sites/default/files/doc-pedagogique-moyenage-renaissance600.pdf (Consulté le 10.10.2015).

Page 87: Introversion & creation

83

Cette quête de réalisme ne se limite pas à l’ère de la

Renaissance bien sûr. Aujourd’hui, de nombreux artistes

sont guidés par un souci de réalisme. Ainsi, des artistes

tels que Jeff Koons basent leur processus sur la précision

de la réalisation. Détaillons le processus de réalisation de

la peinture Jeff Koons intitulée Tulips62. Jeff Koons élabore

l’idée et le concept de la peinture, selon sa volonté. Ensuite,

il réalise une esquisse détaillée. Une fois cette esquisse

réalisée, il la fait exécuter, à la taille qu’il souhaite, par des

membres de son atelier. Avant de se lancer dans la réalisation

formelle de la toile, les peintres de l’atelier doivent s’assurer

quasi scientifiquement que les tons correspondent à la

volonté de l’artiste et soient quasi photo réaliste. Pour cela,

ils sont aussi assistés de moyens informatiques.

Aussi, d’autres artistes suivent le mouvement du

photoréalisme. Ce mouvement émerge dans le début des

années 1970 aux Etats-Unis63. Se situant en opposition au

mouvement du Pop Art toujours en vogue dans ces années,

les artistes se basent sur des photographies pour rassembler

le maximum de détails et d’informations nécessaires.

62. GUGGENHEIM. Tulips Jeff Koons [En ligne] http://www.guggen-heim-bilbao.es/en/works/tulips/, Bilbao, 2015 (Consulté le 25.11.2015).

63. HYPERREALISME. Définition du mouvement photoréaliste [En ligne] http://www.hyperrealisme.net/photorealisme.html (Consulté le 10.10.2015).

Page 88: Introversion & creation

Le terme « photoréalisme » est inventé par Louis K. Meisel

en 1969. Il établit même une définition pour différencier

« photoréalisme » de « réalisme » car ces deux mouvements

partagent quelques aspects, notamment celui de l’inspiration

par le réel et l’environnement. Ainsi, selon Louis K. Meisel,

le photoréalisme comporte cinq points clés64.

Pour accumuler détails et information, l’utilisation de la

photographie est de rigueur.

Un moyen mécanique ou semi-mécanique doit être utili-

ser pour communiquer les informations sur la toile.

Une qualité photographique du travail fini est requise pour

qu’une œuvre s’inscrive dans le mouvement photoréaliste.

L’artiste doit avoir exposé des œuvres en tant que pho-

toréaliste avant 1972, pour être considéré comme un des

principaux photoréalistes.

L’artiste doit avoir consacré au moins 5 ans au développe-

ment et à l’exposition d’œuvres photoréalistes.

Ces processus de création non-exhaustifs sont basés

sur le réalisme de la production.

64. MEISEL Louis K. Photorealism in the digital age, Abrams, Etats-Unis, 2013.

Page 89: Introversion & creation

85

Bien que ces processus soient scrupuleusement

planifiés, l’artiste fait néanmoins appelle à sa

singularité et sa personnalité pour concevoir la

composition et le concept. D’autres processus de

création incluent une part plus grand au hasard, et à

l’exploration.

La quête dans la démarche artistique n’est pas

toujours évidente. Il peut être difficile parfois de comprendre

ce qu’on recherche, et où on veut aller.

Ces incertitudes peuvent empêcher l’artiste de

ressentir l’élan créatif pour se lancer et donc aboutir à la

production d’une création. Pour pallier ce phénomène subit

par les artistes depuis des siècles, David Bowie établit une

aide à la créativité basée sur le hasard. Cette méthode a

été créée dans le but de générer des idées. En découpant

des mots dans des articles ou des mots qui lui venaient à

l’esprit, Bowie piochait un papier pour créer ses paroles ou

trouver un thème. Cette technique a donné lieu à la création

d’un logiciel, le Verbazier65.

65. BUCKLEY David. David Bowie, Flammarion, France, 2015.

Page 90: Introversion & creation

Plus loin encore, Bach aussi créa un système pour

générer des idées de composition à l’aide d’un dé. La notion

de découverte par le hasard à plusieurs est aussi exploitée

dans l’art66.

Intéressons-nous à une autre technique, celle du

cadavre exquis. Il s’agit d’un exercice de créativité collectif

et ludique mit au point par les surréalistes en 1925. Parmi les

artistes s’étant essayé à cet exercice figurent André Breton,

Frida Kahlo, Paul Eluard et beaucoup d’autres influents de la

scène de l’art de cette époque. Le principe est de créer un

poème ou un dessin en groupe. Chaque participant écrit,

esquisse ou dessine un élément qu’il passe au suivant en

cachant le papier de sorte que le suivant ne puisse pas

s’inspirer du précédent. Une fois le jeu terminé, une histoire

est créée. D’ailleurs, « cadavre exquis » vient de la première

phrase créée par ce procédé : « Le cadavre exquis boira le

vin nouveau. »67

66. SAURISSE Pierre. La mécanique de l’imprévisible, Harmattan, Paris, 2007.

67. NADEAU Maurice, Histoire du surréalisme, Points, Paris, 1970.

Page 91: Introversion & creation

87

En terme de création partagée, la méthode « DEMO

or Die » voit le jour en 1985 grâce à Nicholas Negroponte68,

informaticien américain, professeur et chercheur au MIT.

Egalement créateur du Media Lab du MIT lors de la même

année, il s’intéresse à l’usage des supports d’expressions

du futurs. Aujourd’hui dans de nombreux processus créatifs,

cette méthode s’axe sur le partage des savoirs, et est très

fécond dans le domaine des arts.

« DEMO » désigne « une production qui implique différents

médias dans un but esthétique, tout en confirmant un savoir-faire

technique  »69. Comparable à la maquette en architecture

ou le storyboard au cinéma, l’objectif de cette méthode

n’est pas d’obtenir un résultat définitif, mais d’explorer le

potentiel et le champ d’action d’une hypothèse ou d’une

proposition. Pouvant être aussi bien utilisée de la phase de

conception jusqu’à la diffusion de l’œuvre, cette méthode

joue un rôle d’historique sur chaque étape. Ainsi, cette

méthode a pour fonction de structurer le processus créatif

tout en accordant une place au hasard, et surtout en laissant

l’artiste ses aptitudes à explorer.

68. SLICE OF MIT. Deploy or Die – Media Lab director’s New Motto [En ligne] https://slice.mit.edu/2014/07/29/deploy-or-die-media-lab-direc-tors-new-motto/ (Consulté le 25.11.2015).

69. TRUDEL Gisèle. La recherche-création : territoire d’innovation mé-thodologique, 2014, Québec [En ligne] http://www.methodologiesre-cherchecreation.uqam.ca/?page_id=571 (Consulté le 25.11.2015).

Page 92: Introversion & creation

Comme nous l’avons vu avec Pollock plus tôt dans

le déroulé de ce mémoire, celui-ci a trouvé son réel style

par la sérendipité70. Ainsi, il a laissé agir l’incertitude, et

a accordé une part au hasard pour servir la création. Le

hasard ayant favorisé de nombreuses créations artistiques,

certains artistes intègrent dans leur processus des aspects

hasardeux. Par exemple, l’artiste contemporain Pierre

Soulages inclut une part du hasard dans la réalisation de

ses tableaux, et agit par la suite en fonction de ces résultats

volontairement inattendus71.

Inclus dans un processus, c’est en cela que le hasard

se différencie du chaos. En le structurant et en le laissant

agir lors de moments clés dans le processus, il peut s’avérer

bénéfique. En impliquant du hasard dans le processus

créatif, nous parvenons à explorer sa créativité en accordant

aussi un espace à son instinct.

Bien que d’aspects les processus de création

artistiques peuvent paraître différents, les aptitudes

investies comme explorer sa créativité et suivre son instinct

sont bénéfiques dans l’avènement de la production d’une

création seul ou à plusieurs.

70. HARRIS Ed, Pollock, New-York, Ed Harris, 2000, 123 minutes, couleur, DVD.

71. ADLER Laure. Hors champ : Pierre Soulages, diffusée le 28 mars 2011, France Culture.

Page 93: Introversion & creation

89

Pour explorer sa propre créativité et son intériorité,

beaucoup d’artistes ont fait le choix d’incorporer une part

de hasard dans leur processus de création. Paradoxalement,

on cherche souvent à suivre scrupuleusement des

méthodes de création dans d’autres domaines de notre vie

professionnelle. En quoi cette rationalisation impacte-t-elle

la création  ? Intéressons-nous désormais aux démarches

créatives dans le milieu professionnel.

L’entrepreneur versus le créateur.

La plus célèbre, le fameux Brainstorming, imaginée

par Alex Osborn72. Cette technique consiste en la génération

d’un maximum d’idées. Elle est basée sur le jugement

différé, qui consiste à énoncer un maximum d’idées sans

évaluer leur faisabilité ou les juger dans un premier temps.

Cette étape est communément nommée la pensée créative,

ou pensée divergente. On énonce des idées et on rebondit

sur celles des autres pour en faire émaner des nouvelles. La

deuxième étape est la pensée critique. Cette fois, on trouve

des idées qui sont susceptibles de répondre au mieux à la

problématique, et ainsi de fournir les meilleures solutions.

72. OSBORN Alex. L’imagination constructive : Principes et processus de la pensée créative et du brainstorming, Dunod, Paris, 1948.

Page 94: Introversion & creation

Ensuite, la méthode du Mind-Mapping, de Tony Buzan.

Le principe consiste à cartographier des idées et concepts

abstraits pour ensuite les mettre en relation. Cette méthode

requiert une approche heuristique. Cette dernière se base

sur des règles empiriques, c’est-à-dire en se fondant sur

l’expérience, l’analogie et l’association. Cette approche

s’émancipe de principes scientifiques permettant une

approche plus intuitive des acteurs73.

Puis, la technique SCAMMPERR, d’Alex Osborn et

revisitée par Bob Elberne. Cette technique a pour but

d’examiner une idée sous plusieurs angles en le soumettant

à une liste d’opérations à effectuer. L’idée est de générer

de nouvelles idées ou transformer les idées ou produits

déjà existants. Chaque lettre de l’acronyme « SCAMPERR »

correspond donc à une opération. S pour substituer, C pour

combiner, A pour adapter, M pour magnifier, M pour modifier,

P pour produire, E pour éliminer, R pour réorganiser et enfin

R pour renverser74.

Appelons ces opérations des étapes. L’étape

« substituer » consiste à mettre un élément à la place d’un

autre.

73. CREATIVITE. Techniques de créativité [En ligne] http://www.creati-vite.net/techniques-de-creativite/ (Consulté le 25.11.2015).

74. Ibid.

Page 95: Introversion & creation

91

L’idée est de comprendre ce qui peut être remplacé, et

par qui ou par quoi. L’étape « combiner » revient à fusionner

deux concepts ou idées afin de tester la possibilité de

multiplication d’usage ou la fusion de deux activités. L’étape

« adapter  » consiste à positionner son concept dans un

autre contexte, dans l’objectif d’éventuellement s’inspirer

des productions passées. L’étape «  magnifier  » consiste

à réfléchir à ce qui peut être ajouté à un produit ou un

concept, comme du temps, de la force, de la hauteur, etc.

L’étape « modifier » invite à réfléchir sur le changement de

la signification, la couleur, la forme ou autre aspec t variant

selon le produit ou le concept. L’étape « produire » vise à

proposer de nouveaux usages ou modifications. L’étape

« éliminer » consiste à éradiquer ce qui n’est pas nécessaire

dans un concept ou produit. Ensuite, l’étape « réorganiser »

consiste à définir un nouvel ordre des étapes. Enfin, l’étape

« renverser » consiste à éventuellement tromper les attentes,

en proposant de nouvelles séquences d’usages75.

La technique analogique, ou technique des six

chapeaux, a été établie par Edward de Bono. Il s’agit d’une

technique de créativité qui est valable à plusieurs, mais

aussi seul.

75. Ibid.

Page 96: Introversion & creation

Cette technique a émergé suite au constat que

les réunions de groupes puissent être frustrantes et peu

fructueuses. Cette technique a pour vocation d’éviter

censure et critiques hâtives. Ces six chapeaux correspondent

à six modes de pensée76.

Le chapeau blanc correspond à la neutralité. Lors de

cette étape, on évoque les chiffres, les faits, et les choses

tangibles et objectives. Le chapeau jaune représente la

critique positive. C’est le moment où on fait des commentaires

constructifs et positifs. On peut rebondir sur les idées des

autres, même aller dans l’utopie. Pendant cette étape,

on se projette selon son imagination et on est optimiste.

Ensuite, le chapeau rouge. Celui-là symbolise la critique

émotionnelle. Cette étape permet d’exprimer son avis, ses

sentiments et son intuition. Cette étape est intéressante car

même si la méthode est réalisée en groupe, elle s’intéresse

à l’individualité de chacun. Le chapeau vert renvoie à la

créativité. L’objectif est d’émettre de nouvelles idées, des

solutions et de penser « outside the box ». Le chapeau bleu

correspond à l’organisation. Il s’agit de l’ultime étape, ou

l’animateur de la réunion (si cette méthode est réalisée en

groupe) joue le rôle de l’arbitre en canalisant les idées et

créer les échanges entre les différents chapeaux.

76. Ibid.

Page 97: Introversion & creation

93

Cette technique permet ainsi de parler d’un sujet

étape par étape, guidant ainsi les différents acteurs

suffisamment pour favoriser la créativité. En tout cas, c’est

certainement ce que penserait Thomas Stearns Eliot, poète,

dramaturge et critique littéraire américain qui reçu le prix

Nobel de littérature en 1948. Selon lui, un minimum de cadre

est nécessaire à la créativité.

« Forcée à fonctionner dans un cadre strict,

l’imagination tourne à plein régime, et produit ainsi

ses idées les plus riches. Sans aucune contrainte, le

travail risque de s’éparpiller. »77

Parmi ces méthodes, la plus célèbre est la technique

du Brainstorming. Depuis quelques années, toutes les

entreprises en quête d’innovation l’adaptent, parfois

brutalement, en formant parfois très rapidement leurs

employés à cette méthode qui se trouvent déroutés.

Pourtant, l’efficacité de cette méthode est contestée, ainsi

que la mise en collaboration permanente. Entrepreneur

prolifique de la première moitié du XXème siècle, Osborn mit

au point cette méthode à la suite du constat que ses propres

équipes manquaient de créativité.

77. OUT-THE-BOX. 9 citations sur la créativité à lire absolument [En ligne] http://www.out-the-box.fr/9-citations-sur-la-creativite-a-lire-ab-solument/ (Consulté le 25.11.2015).

Page 98: Introversion & creation

Cette technique perçue comme efficace aux yeux

de nombreuses entreprises, fut appliquée rapidement. Or,

quelques années plus tard, des études commencent déjà

à prouver l’inefficacité de cette technique. Le professeur

de psychologie Marvin Dunnette organisa une séance de

brainstorming avec des profils plus introvertis78, à savoir des

scientifiques, et moins habitués à ce genre de processus. En

effet, dans vingt-trois des vingt-quatre groupes qu’il avait

constitué, les membres eurent plus d’idées en travaillant

seuls qu’en groupe. Les études plus récentes ont prouvé

que les résultats sont moins significatifs à mesure que la

taille du groupe augmente. Bien que le brainstorming soit

indéniablement un vecteur de lien entre les gens, il n’en

reste pas moins un échec concernant l’émergence d’idées.

On trouve trois explications à ce phénomène. Le premier

est la paresse sociale, en d’autres termes certains laissent

les autres travailler.

Ensuite, la deuxième explication est la production

bloquée. Les autres attendent tandis qu’un individu

s’exprime. Et enfin, la plus évidente est celle de la peur du

jugement.

78. DUNNETTE Marvin, CAMPBELL Marvin. The effect of group participa-tion on brainstorming effectiveness for 2 industrial samples, Journal of Applied Psychology, Vol 47, février 1963, pages 30-37.

Page 99: Introversion & creation

95

En effet, l’influence du groupe est la plus évidente

cause d’inefficacité de cette méthode. Dans le cadre d’une

étude, le psychologue Solomon Ash réunit des groupes

étudiants et leur fit passer un test visuel. En silence, laissant

à chaque étudiant leur propre jugement, 95% d’entre eux

ont obtenu les résultats justes. Dans la deuxième partie

de cette étude, il introduit des acteurs, qui ont donné

ensemble et avec assurance la mauvaise réponse. Les

étudiants n’étaient plus que 25% à répondre juste à ce

test simple. Le neurologue Gregory Berns79 tente en 2005

d’apporter une explication à ce comportement. Il réunit une

trentaine de volontaires de sexes confondus, agés de dix-

neuf à quarante ans. Lui et son équipe ont montré à chacun

d’entre eux deux objets distincts en trois dimensions sur

un écran en leur demandant si le premier objet pouvait

pivoter pour s’accoler au second. Par le biais de l’IRM, ils

ont découvert que lorsque les volontaires effectuaient le

test seul, l’activité du cerveau se répartissait entre le cortex

occipital, le cortex pariétal, et le cortex frontal. Ces zones

du cerveau sont respectivement associées à la perception

visuelle, spatiale, et la prise de décision consciente. Lors de

ce test en groupe, il s’est avéré que les régions du cerveau

liées à la perception ont été plus sollicitées que les zones

liées à la prise de décision.

79. BERNS Gregory. Iconoclast : A neuroscientist reveals how to think different, Harvard Business Review Press, Cambridge, 2009.

Page 100: Introversion & creation

En d’autre termes, la pression du groupe modifie la

perception que l’on a d’un problème : si le groupe décide

que la réponse A est la bonne, on a donc tendance à aller

dans ce sens. Pourtant, le groupe pensait que cette réponse

s’était imposée au groupe grâce au bon sens et le libre

arbitre de chacun.

Les organisations actuelles des entreprises axées

sur la collaboration et l’ouverture constante aux autres

est remise en cause. Certains avantages sont décisifs

pour les entrepreneurs dans l’application de ce modèle,

comme le gain de place et une meilleure circulation de

l’information. Aussi, deux tiers des employés estiment

que leur environnement de travail répond à leurs besoins

professionnels essentiels, et sur dix employés, six estiment

qu’une disposition en Open Space favorise le sentiment

d’appartenance à une communauté. Malgré ces points

importants à la pérennité d’une entreprise, la productivité

en Open Space interpelle.

En effet, 47% des employés jugent que leur

environnement de travail ne leur permet pas d’être

productifs, quand seulement 50% pensent que leur

environnement favorise la créativité80.

80. CBRE. Work+Place : nouvelles statistiques sur l’openspace [En ligne] http://www.cartonspleins.fr/workplace-nouvelles-statis-tiques-sur-lopenspace/ (Consulté le 21.11.2015).

Page 101: Introversion & creation

97

Sur 100 employés, 39 déclarent qu’ils manquent

d’espaces pour s’isoler et faire des pauses. Le défaut

majoritaire pour les organisations en Open-Space reste le

niveau sonore81. 73% déclarent être perturbés à cause des

nuisances sonores. Le sentiment d’être espionné, de pouvoir

être dérangé à tout moment et du coup devoir constamment

exagérer ses traits extravertis favorisent l’hypertension et le

stress, et ainsi le phénomène du burn-out. Environ 12% de la

population active francaise serait sous la menace d’un burn-

out, les cadres représentant 19%82. Selon Christina Maslach,

psychologue reconnue spécialisée dans les domaines de

l’épuisement et du stress au travail, le burnout s’articule

autour de trois symptômes fondamentaux.

« Le premier est un épuisement physique et

mental: les gens sont vidés, au bout du rouleau. Le

deuxième, c’est l’atteinte massive émotionnelle,

quand les individus sont comme carbonisés, sans

émotions. Vient enfin le sentiment d’inaptitude. Il faut

que les trois soient réunis pour que l’on puisse parler

de burn out. Autrement, on est dans une autre forme

de souffrance, comme la dépression. »83

81. BFMTV. Salariés en open space : l’enfer c’est les autres [En ligne] http://rmc.bfmtv.com/emission/salaries-en-open-space-l-enfer-c-est-les-autres-927942.html (Consulté le 21.11.2015).

82. LE FIGARO. L’explosion des cas de « burn-out » inquiète les médecins du travail [En ligne] http://www.lefigaro.fr/em-ploi/2014/12/05/09005-20141205ARTFIG00095-l-explosion-des-cas-de-burn-out-inquiete-les-medecins-du-travail.php (Consulté le 21.11.2015).

83. MASLACH Christina. Burn-Out : Le syndrome d’épuisement professionnel, Les Arenes Eds, Paris, 2011.

Page 102: Introversion & creation
Page 103: Introversion & creation

99

Bien sûr, ces effets ont un coût. Les dépenses

publiques occasionnées par le stress au travail représentent

environ deux à trois milliards d’euros84. Un des problèmes

majeurs est surtout l’espace vital. Ainsi, de plusieurs

entreprises changent leurs organisations. Bien sûr, le stress

au travail n’est pas dû uniquement à ce type d’organisation,

il est aussi dû à la peur du chômage et les objectifs de

productivité. Matthew Crawford, docteur en philosophie,

passa six mois dans un think-tank politique. Il démissionna et

décida d’ouvrir un atelier de réparation de motos. Il explique

ce changement par une perte de sens dans son travail  :

«j’ai touché une nouvelle forme d’aliénation, exécuter des

tâches qui n’avaient, littéralement, aucun sens.» Pour tenter

de retrouver du sens à sa tâche et à soi-même, la méditation

est de plus en plus répandue dans les entreprises. Aux Etats-

Unis, la pratique de la méditation « de pleine conscience »,

expression traduite de l’anglais « mindfulness », vise à nous

reconcentrer sur l’instant. Selon la psychologue Sibylle von

de Fenn, « La méditation passe par l›attention portée à son

corps, et notamment à la respiration et à nos sensations

corporelles »85.

84. L’EXPRESS. Burn-Out : Sait-on vraiment de quoi on parle ? [En ligne] http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/burn-out-sait-on-vrai-ment-de-quoi-l-on-parle_1638873.html (Consulté le 25.11.2015).

85. L’EXPRESS. La méditation au travail, nouvelle arme anti-stress ? [En ligne] http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/meditation-com-ment-la-pratiquer-au-travail_1572555.html (Consulté le 25.11.2015).

Page 104: Introversion & creation

Ainsi, il semblerait que les dynamiques tendent à

remettre l’homme et son intériorité au centre.

Sans aller jusqu’à une remise en question

fondamentale sur soi, certains dirigeants, comme Jason

Fried, cofondateur de la société d’applications web

37Signals86 a choisi une organisation tout à fait opposée avec

les standards actuels : l’organisation passive. Ses employés

ne sont pas tenus de venir au bureau, et ont surtout la liberté

de choisir leur lieu de prédilection pour créer. Dans un autre

pays, dans un café, ou chez eux. Pour beaucoup d’écrivains,

designers, artistes et autres professions créatrices, il s’avère

qu’ils apprécient être à de multiples endroits … Tant que ce

n’est pas leur bureau. Ainsi, leur bien-être est favorisé. Des

entreprises très influentes se voient remettre à jour leurs

standards en termes d’organisations de travail. Parmi elles,

nous trouvons Google, et Facebook. Ainsi, sur le campus

du Menlo Park en Californie, Facebook a mis en place des

espaces plus intimistes pour favoriser concentration et

isolement temporaire. Chez Google, à Tel Aviv, des espaces

plus restreints ont aussi vu le jour.

86. 37SIGNALS. Two big announcements [En ligne] https://37signals.com/ (Consulté le 26.11.2015).

Page 105: Introversion & creation

101

Sans changer leur organisation, certaines entreprises

acceptent de nouveaux modèles de travail. Cependant, pour

pallier cela, de plus en plus d’employés ont recours à des

formes de travail différentes. Le télétravail est la plus répandue

parmi ces formes de travail particulières. Aujourd’hui, pas

loin de 12% des employés des multinationales travaillent

sous cette forme, soit deux millions de travailleurs87. Cela

dit, ce chiffre reste largement inférieur aux pays anglo-

saxons et scandinaves, qui comptent entre 20 et 35% de

leurs employés sous cette forme88. En effet, le fait de pouvoir

jongler plus aisément entre vie familiale et professionnelle

séduit.

Tout comme le fait d’être plus indépendant. Ce

modèle est apparu dans les années 1950 grâce aux

travaux du scientifique Norbert Wiener89. Pourtant, c’est

seulement dans les années 1990 que les pouvoirs publics

commencent à s’intéresser à ce mode d’organisation. Le

télétravail gris est une part majoritaire de ces travailleurs.

Il désigne le télétravail occasionnel, ne recourant à aucune

contractualisation spécifique et officielle.

87. ANACT. Le télétravail : où en est-on en 2014 ? [En ligne] http://www.anact.fr/web/actualite/essentiel?p_thingIdToShow=35021612 (Consulté le 25.11.2015).

88. GUEMMI Stéphanie. Quand open space tue productivité [En ligne] http://www.atlantico.fr/decryptage/quand-open-space-tue-producti-vite-stephanie-guemmi-770456.html (Consulté le 22.11.2015).

89. WIEMER Norbert. Cybernétique et société : l’usage humain des êtres humains, Points, Paris, 1971.

Page 106: Introversion & creation

En effet, pour certains chefs d’entreprises la notion

de télétravail est largement acquise et est appliquée pour

des employés plus nomades tels que les commerciaux ou

les techniciens. Bien que cette pratique augmente, elle

reste encore très minoritaire, et parfois méconnue aux yeux

des chefs d’entreprise.

Les espaces de coworking permettent aussi à des

travailleurs seuls de se regrouper pour pallier aux effets

néfastes que peuvent avoir la solitude dans la concrétisation

de l’idée. La méditation au travail et aussi en plein essor.

Aux Etats-Unis en Allemagne ou en Suède, les employés

peuvent méditer. L’objectif est de favoriser la prise de recul

et faire baisser son niveau de tension. Retrouver du sens

dans son travail est aussi la quête de la méditation. Selon

Sebastien Henry, ancien entrepreneur s’étant converti à la

méditation explique sa démarche par le fait que selon lui, le

« capitalisme contemporain, [s’est] coupé du monde de la

sagesse qui existe depuis des milliers d’années »90.

90 HUFFINGTONPOST. Méditation au travail : pourquoi les diri-geants, chefs d’entreprise et entrepreneurs doivent s’y mettre ? [En ligne] http://www.huffingtonpost.fr/2014/11/17/meditation-travail-di-rigeants-chefs-entreprise-entrepreneurs_n_6133290.html (Consulté le 23.11.2015).

Page 107: Introversion & creation

103

L’intériorité de chacun semble prendre de plus en

plus de place dans le processus de création. Pourtant, en

cherchant à rationaliser les démarches créatives, nous

amenuisons notre apport personnel dans la création. Nous

commençons à nous rendre compte que les méthodes de

travail s’axant sur du collaboratif constant peuvent s’avérer

pas aussi productives qu’on le pensait. Les modèles et

les usages tendent à changer. En plus de s’affranchir d’un

jugement basé sur le comportement, l’art oratoire ou d’autres

traits de l’extraversion, notre intériorité, notre singularité et

donc notre bien-être se veulent de plus en plus valorisée.

Ainsi, l’éducation devrait encourager les futurs membres

actifs à s’inscrire dans ce changement structurel, en ayant

pour objectif le développement de la créativité. Pourtant,

cela n’est pas toujours le cas.

Page 108: Introversion & creation

L’éducation façonne la créativité .

En effet, si la créativité est innée, son exploitation ne l’est

pas forcément. Etant donné que la créativité est un pilier

indispensable à notre évolution, on pourrait croire que la

recherche de ses talents est primordiale pour l’éducation.

Dans les modèles les plus répandus, il n’en est rien. Nos

modèles d’éducation actuels visent finalement à former

de futurs éléments d’entreprise, négligeant la capacité de

créativité. En effet, nous sommes dans une société où seule

l’intelligence académique est valorisée. En effet, cette façon

de penser visent à promouvoir les matières scientifiques,

tels que les mathématiques et les sciences au profit des

matières plus artistiques visant à développer la créativité

et la personnalité. De plus, la mise au profit de ce type

d’intelligence ignore le fait que le talent, propre à chacun,

est vecteur de création. Mais aussi, ce système fournit de

plus en plus de personnes diplômées, nous menant à une

« inflation académique », comme dirait Ken Robinson91.

91. ROBINSON Ken, Trouver son élément, Play Bacs Eds, Paris, 2013.

Page 109: Introversion & creation

105

Ken Robinson est auteur, orateur et expert en

éducation. Il est reconnu aux yeux du monde entier pour

ses idées en faveur de la créativité, notamment dans

l’éducation. Il fut professeur d’art à l’Université de Warwick

puis fut fait chevalier par la reine d’Angleterre en 2003 pour

« services rendus à l’éducation ». Beaucoup de gens créatifs

ignorent l’être, ou pire pensent ne pas l’être du tout, visant à

séparer les « gens créatifs » des « non-créatifs ». Selon Ken

Robinson, ce phénomène est dû au fait que l’éducation soit

focalisée sur les résultats et l’évaluation.

Or, cette notion d’évaluation paralyse la création, et

focalise les élèves sur l’apprentissage pur plutôt que sur la

curiosité et l’envie de découverte. En basant l’éducation sur

un modèle dictant que le plus important sont les capacités

académiques et oratoires, elle valorise certains aspects

d’uniquement trois types d’intelligences. L’intelligence

logico-mathématique et l’intelligence interpersonnelle.

La première désigne des capacités intellectuelles

telles que la logique, l’analyse, et la résolution de problème.

Cette forme d’intelligence permet d’analyser les causes

et les conséquences d’un phénomène. La seconde est

l’aptitude à agir et réagir avec les autres de façon correcte.

Elle permet l’empathie, la coopération et la tolérance.

Page 110: Introversion & creation

Or, il en existe cinq autres. L’intelligence linguistique

consiste à utiliser le langage pour comprendre les autres et

s’exprimer. L’intelligence musicale est la capacité à penser

en rythme et en mélodie, de créer et de mémoriser et la

sensibilité au langage musical. L’intelligence visuelle spatiale

est celle qui permet d’élaborer une représentation spatiale

du monde. Par exemple, les Amérindiens ont développé cette

intelligence en vivant dans la forêt. Ensuite, l’intelligence

kinesthésique est l’aptitude à se servir de son corps pour

communiquer dans la vie quotidienne, dans un contexte

artistique, faire des exercices physiques ou pratiquer des

sports. L’intelligence naturaliste est la capacité de classifier

et d’utiliser ses connaissances sur l’environnement naturel.

En plus de ne pas vraiment valoriser ces autres types

d’intelligence, le système d’éducation bride clairement la

capacité de création, car elle ne favorise pas l’exploration

de soi-même et par là empêche l’émergence de talent92.

92. SIAUD FACCHIN Jeanne. Trop intelligent pour être heureux ?, Odile Jacob, Paris, 2013.

Page 111: Introversion & creation

107

De plus, En multipliant les organisations axées sur la

collaboration permanente dans les classes, le processus

pour trouver son talent et ainsi créer tend à s’éloigner

et devenir toujours plus flou. Pourtant, il a été prouvé

que l’excellence, soit son talent et son individualité, est

difficilement accessible dans une organisation de groupe

permanente. Comme en témoignent les travaux d’Anders

Ericsson93, chercheur en psychologie. Constatant de sa

propre expérience qu’aptitudes scolaires et talents n’étaient

pas liés lorsque le pire élève de sa classe au lycée se mit à

le battre subitement, au fur et à mesure des années il vint à

se demander comment certains parviennent à l’excellence

dans un domaine. Il fit son expérience sur plusieurs groupes

de violonistes de la prestigieuse Académie de Musique de

Berlin.

Il en tira trois groupes. Les meilleurs violonistes,

ceux qui étaient voués à une véritable carrière, les bons

violonistes et enfin un troisième groupe se destinant à

l’enseignement. En les interrogeant, il conclut que les trois

groupes passaient pourtant autant à jouer, à savoir une

cinquantaine d’heures par semaine.

93. ERICSSON K.A. The role of deliberate practice in the acquisition of expert performance, The American Psychological Association [En ligne] http://projects.ict.usc.edu/itw/gel/EricssonDeliberatePractice-PR93.pdf Etats-Unis, 1993.

Page 112: Introversion & creation

Les deux meilleurs groupes passaient en revanche

plus du double du temps à s’entraîner dans la solitude,

plus exactement trois heures et demie par jour contre un

peu moins d’une heure et demie pour le troisième groupe.

Les plus talentueux estimaient l’entrainement seul comme

l’activité la plus importante dans leur pratique musicale,

associant la pratique en groupe à du loisir. Pour comparer

au domaine du jeu des échecs, les grands maîtres passent

près de cinq milles heures à pratiquer, soit cinq fois plus que

les joueurs de niveau intermédiaire. Ce constat est aussi

applicable aux sportifs de haut niveau, même s’ils jouent en

équipe. La solitude permet de se plonger dans ce genre de

discipline stricte et de puiser au fond de soi cette volonté

permettant d’atteindre cette excellence.

Tout comme la méditation au travail, la méditation à

l’école remporte de plus en plus les suffrages. Pour pallier

au problème de la fatigue des élèves  ou les difficultés

d’apprentissage rencontrées par un grand nombre

d’enfants, quelques pédagogues et spécialistes se sont

intéressés au sujet.

Page 113: Introversion & creation

109

Selon le magazine Cerveau & Psycho,

« La méditation de pleine conscience

est une pratique faite d’exercices consistant

à préciser, en silence et dans l’inaction, sa

conscience de différentes perceptions,

sensations ou pensées94. »

En d’autres termes selon Christophe André, médecin

psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne à Paris et professeur à

l’Université Paris Ouest,

« la pleine conscience est la qualité

de conscience qui émerge lorsqu’on

tourne intentionnellement son esprit vers le

moment présent95.»

94. CERVEAU&PSYCHO. La méditation de pleine conscience [En ligne] http://www.cerveauetpsycho.fr/ewb_pages/a/article-la-meditation-de-pleine-conscience-25784.php (Consulté le 19.11.2015).

95. ANDRE Christophe. La méditation de pleine conscience, Cer-veau&Psycho, n°41, septembre 2010.

Page 114: Introversion & creation

Il existe peu d’ouvrages recueillant les

expérimentations menées en matière de méditation de

pleine conscience dans les écoles. On évoque fréquemment

l’étude de Schonert-Reichl & Hymel datant de 200796 et

celle de Schonert-Reichl & Lawlor datant de 201097 et

celle publiée dans les Comptes rendus de l’Académie des

sciences américaine (PNAS) coécrit par Matthieu Ricard98.

Dans le cadre de ces études, des expérimentations ont été

réalisées auprès de différentes classes, de professeurs ou

d’enfants hyperactifs.

Les premières expérimentations de méditation dans

les écoles ont eu lieu aux Etats-Unis, plus précisément dans

des quartiers sensibles, à partir des années 1950.

96. HYMEL Shelley, SCHONERT-REICHL Kimberly. Educating the heart as well as the mind [En ligne] http://www.cea-ace.ca/sites/default/files/EdCan-2007-v47-n2-Schonert-Reichl.pdf, Education Canada, Vol.47, 2010.

97. SCHONERT-REICHL Kimberly, LAWLOR Molly Stewart. The Effects of a Mindfulness-Based Education Program on Pre- and Early Adoles-cents’Well-Being and Social and Emotional Competence [En ligne] http://thehawnfoundation.org/wp-content/uploads/2012/12/KSR-MSL_Mindfulness_2010-copy.pdf, Springer Science + Business Media, Etats-Unis, 2010.

98. RICARD Matthieu, Long-term meditators self-induce high-amplitude gamma synchrony during mental practice [En ligne] http://www.pnas.org/content/101/46/16369.full, PNAS, Etats-Unis, 2004.

Page 115: Introversion & creation

111

De manière assez disparate, nous trouvons sur

différents sites internet des exemples d’enseignants

américains ou canadiens ayant employé la méditation,

depuis les années 199099. Signalons que cette pratique

a d’abord été le fruit d’initiatives individuelles, dans des

classes considérées comme extrêmement difficiles. Il s’agit

donc de rendre les enfants disponibles pour l’apprentissage

en essayant de les détourner un moment de leur agitation

ou leurs problèmes sociaux envahissants, ne permettant

pas de formes d’expression ou de collaboration apaisée.

Le biologiste américain Jon Kabat-Zinn, à l’origine de

la médecine corps-esprit, aurait participé à une forme de

démocratisation de cette pratique aux Etats-Unis et ailleurs. 

Aujourd’hui, les Etats-Unis, la Belgique, les Pays-Bas ou

encore la Suède sont des pays ou la pleine conscience

est pratiquée dans certains établissements scolaires ou

structures hospitalières. « Aux Etats-Unis, la méditation est

quotidiennement utilisée dans 200 hôpitaux pour la gestion

du stress. Par exemple, dans les phases terminales du

cancer »100, indique le Dr Lutz. 

99. LE MONDE. La méditation comme outil pédagogique [En ligne] http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2015/03/16/la-medita-tion-comme-outil-pedagogique_4592039_4497916.html (Consulté le 23.11.2015).

100. COURRIER INTERNATIONAL. Méditer pour mieux agir [En ligne] http://www.courrierinternational.com/chronique/2004/12/20/mediter-pour-mieux-agir, 2004.

Page 116: Introversion & creation

Ces nouvelles pratiques permettront peut-être, dans

l’avenir, de favoriser de nouvelles formes de travail moins

axées sur l’extraversion mais sur la reconnaissance des

différentes formes d’intelligence et de tempéraments.

Comme le dit Ken Robinson « Nous créons nos vies en

découvrant nos talents101. » Ainsi, il est paradoxal de constater

que le système éducatif nous forme plus à la conformité

qu’à la remise en question de notre environnement. Au fur

et à mesure que nous grandissons, nous avons tendance à

oublier nos talents, ou à les sous-estimer tant l’intelligence

académique est survalorisée. La peur de se tromper prend le

dessus sur la capacité créatrice, s’il existe une réponse juste

et une autre fausse, l’espace de liberté de création n’existe

plus. Ainsi, si l’école elle-même adapte son organisation

au monde professionnel actuel comment atteindre son

individualité et ses talents pour faire émerger la création ?

L’éducation inculque encore un modèle très acadé-

mique, valorisant et imposant un type d’intelligence sans

prendre en considération les autres.

101. ROBINSON Ken. Do school kill creativity ? Ted Talks, United States, 20 minutes, 2010.

Page 117: Introversion & creation

113

Ce modèle tend donc à ne pas encourager ces futurs

membres actifs à exploiter leur intériorité et leur singularité

dans la production, mais au contraire à les conformer dans

un schéma qui ne leur correspondra pas forcément. Ainsi, la

détection de nos propres talents et donc leur exploitation

est rendue plus difficile, leur singularité moins accessible,

et la création biaisée. Pourquoi ne pas exploiter davantage

les types d’intelligence afin de permettre à notre singulari-

té d’évoluer selon nos talents ? Pourquoi conservons-nous

notre modèle d’éducation en niant ou minimisant les mo-

dèles d’éducation permettant un éveil supérieur ?

Page 118: Introversion & creation
Page 119: Introversion & creation

115

L’introversion et l’extraversion sont deux

tempéraments distincts. Ce tempérament se définit à la

naissance, de manière biologique, et pourra évoluer selon

le parcours et les expériences de chacun. Il détermine notre

façon d’interagir avec le monde et les autres, ainsi que nos

réactions face aux stimulations extérieurs. Bien que l’on

tende chacun à l’un de ces deux tempéraments, l’un ou

l’autre n’existe pas. Il existe des critères pour reconnaître

une personnalité plus introvertie d’une personnalité plus

extravertie. En somme, quelqu’un d’introverti sera davantage

tourné vers son monde intérieur qu’un extraverti.

Ainsi, un introverti aura plus facilement accès à

l’observation et la contemplation, indispensables à la

compréhension du monde et donc à l’établissement d’une

vision singulière du monde pour aboutir à la création. En

effet, Malgré ses vertus, il existe de nombreux amalgames

autour de l’introversion. On compte parmi les plus

populaires la timidité, la peur, la fragilité, l’isolement, et

le renfermement sur son monde intérieur. Ces amalgames

nous font voir l’introversion comme une déviance, ou un

manque d’extraversion dans notre société, davantage basé

sur un culte de la personnalité. En effet, on juge davantage

quelqu’un par rapport à son discours ou sa façon de

s’exprimer que de sa profondeur et sa réflexion.

Page 120: Introversion & creation

En d’autres termes, on accorde moins d’importance

au fond qu’à la forme. Ainsi, notre modèle culturel et social

est basé autour des valeurs de l’extraversion.

Ces mécanismes se répercutent jusque dans nos

sphères privées, avec une intériorisation de ce modèle

dès le plus jeune âge, de par les organisations de travail

à l’école qui se veulent de plus en plus en groupe, ou les

loisirs se basant toujours sur la stimulation directe par

le collectif, comme on peut le voir dans les activités des

écoles, ou les centres aérés. Cependant, on assiste à un

changement de ces modes de vies. Bien que les stars de

notre époque soient attirés par la scène et les projecteurs,

on voit néanmoins de nouvelles personnalités aux attitudes

bien différentes, comme Mark Zucherberg, Steve Jobs ou

autres créateurs géniaux de notre siècle bien loin de la « cool

attitude » dictés par notre système de valeur. L’engouement

pour les filières plus créatives est aussi un marqueur de ce

changement. Lorsque l’on parle de figures qui ont marqué

notre époque, comme Martin Luther King, on les retient par

leur capacité à toucher les foules. Cependant, que serait

devenu Martin Luther King et son parti sans Rosa Parks et

ses convictions profondes et sa force discrète ? Que serait

devenu Apple sans Steve Wozniak, développeur aussi

discret que talentueux, créateur de l’Apple I ?

Page 121: Introversion & creation

117

Ainsi, l’idée n’est pas de savoir si être extraverti

est mieux qu’être introverti, mais que chacun de ces

tempéraments ont leurs forces avec lesquelles il faut jongler

pour pallier aux faiblesses et faire émerger la création.

De plus, possédant tous des traits appartenant

à l’introversion, il s’agit de reconnaître son introversion

comme un élément à part entière du processus de création.

Dans l’art, on se base parfois sur l’instinct et l’exploration.

Bien qu’il existe des méthodes efficaces pour créer en

entreprise, nous avons souvent tendance à se cantonner

scrupuleusement à la méthode pour créer plutôt qu’à

l’objectif de création, en occultant notre partie instinctive et

exploratrice. Dans l’éducation, les techniques pédagogiques

se basent encore dans la grande majorité des cas sur des

critères d’évaluations anciens valorisant l’intelligence

académique, sans prendre véritablement en compte les

autres formes d’intelligence. Paradoxalement, on étouffe

les possibilités de découvrir son talent, sa singularité et de

faire éclore son potentiel dans une société prônant toujours

plus de compétition.

Page 122: Introversion & creation

Au XXème siècle, progrès signifiait technologie, la société

se prosternant devant la puissance des sciences. Cette

attitude induisait mépris et défiance envers la manifestation

de la sensibilité, de l’irrationnel et rejetait l’introversion et

la créativité synonyme d’inaptitude à générer l’évolution

technologique.

Cependant, les organisations sociétales montrent que

cette mouvance s’inverse. De nouvelles façons d’enseigner

naissent, et on assiste à un intérêt accru pour les activités

entrepreneuriales, qui comme pour l’art accordent une

grande place à l’instinct et l’exploration. Aujourd’hui, de

nombreuses créations ont pour objectif de disrupter

l’organisation actuelle de notre société dans l’objectif

de répondre à l’évolution de nos besoins. De plus, de

nombreuses plateformes rendant possible la création de

projets ambitieux voient le jour, comme le Crowdfunding,

les micro-crédits, les formes de dons, s’axant sur des

valeurs telles que la confiance, la volonté d’entreprendre, et

la réflexion sur une problématique.

Page 123: Introversion & creation

119

Dans le cadre de l’enfance et de l’adolescence, je

m’interroge sur l’acceptation de notre caractère introverti

le plus tôt possible, en soulignant ses vertus plutôt que

de l’interpréter comme un mal-être. L’objectif de cette

acceptation personnelle et par son environnement est de

tirer profit des forces de l’introversion pour faire émerger

une vision singulière, et s’en servir comme un facteur

d’épanouissement. Ainsi, en tant que designer, comment

voir l’introversion comme un outil de développement et

d’épanouissement pendant l’enfance et l’adolescence ?

Dans le cadre de la concentration, je m’interroge sur

la façon de faciliter l’accès à notre intériorité lorsqu’on

effectue une tâche, pour favoriser notre concentration,

notre esprit critique et notre recul sur les objectifs d’une

tâche. Comment en tant que designer puis-je favoriser

l’accès à notre intériorité pour un accomplissement efficace

d’une tâche ?

Dans le cadre de l’entrepreneuriat, je m’interroge sur ces

nouveaux modèles permettant à tous les types d’individus

de contribuer à la communauté par le biais de la création.

Ainsi, en tant que designer, comment puis-je favoriser la

créativité dans l’entrepreneuriat par le biais de ces nouveaux

modes de créativité ?

Page 124: Introversion & creation
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Illustrations réalisées en intégralité par Arthur Fouillet, soit l’auteur de ce mémoire.

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Interview avec Simon BARON, Business Psychologist chez AssesFirst.

Arthur : Bonjour Simon, en quoi consiste votre profession chez AssessFirst ?

Simon : Je travaille pour des grands groupes généralement. Je travaille pour les cabinets de recrutement. Mon but est de guider l’humain dans ses choix professionnels.

Arthur : Qu’est-ce que tu analyses chez les clients ?

Simon : Tout d’abord, les traits. J’observe s’il va vers les autres, s’il parle de lui. Ensuite, je l’oriente selon mes observations, bien qu’il reste le dernier décisionnaire.

Arthur : Ainsi, le fait d’être introverti ou extraverti à un impact sur ton analyse j’imagine ?

Simon : Oui en effet. En fait, je n’analyse pas les profils selon qu’ils soient introvertis ou extravertis, mais par rapport à leurs traits. Cela nous évite de ranger les gens dans des cases trop étroites.

Arthur : Comment arrives-tu à les convaincre ?

Simon : J’essaye de faire prendre en compte la notion de combat. Si quelqu’un est mené par un combat, il sera beaucoup plus impliqué. Après, mon rôle est bien-sûr d’identifier un combat positif. Peu importe la profession, d’un artiste à un comptable, il faut qu’il soit motivé par un combat, qu’il soit interne ou par des convictions.

Arthur : Comprennent-ils cette notion de combat ?

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Simon : Oui, en revanche, mon rôle est aussi de les mener vers un combat motivant et réalisable. Prenons quelqu’un d’extrêmement timide, même s’il veut percer en politique, cela s’avèrera plus difficile car il part avec de grandes difficultés dans ce milieu où l’éloquence est une qualité indispensable.

Arthur : Oui c’est vrai ! Regarde David Bowie explique bien que la musique est sa thérapie … Tu penses que peu de gens y réfléchissent avant de s’engager dans une voie ?

Simon : Bien sûr ! Ce qu’on demande à l’école c’est « Qu’est-ce que tu aimes faire ? » Or, toi comme moi avons plein d’activités qu’on aime faire, sans pour autant qu’elles soient suffisamment motivante et en nous pour construire un avenir dessus.

Arthur : Et toi, si ce n’est pas indiscret, qu’est-ce qui t’a motivé à exercer ta fonction aujourd’hui ?

Simon : En fait, ma décision est partie d’un échec. Au lycée, je voulais être vétérinaire, mais étant un élève très moyen, j’ai décidé de redoubler pour poursuivre mon « rêve ». Puis l’année de mon redoublement s’est avéré très décontractante, car j’étais au niveau. Ainsi, moins stressé j’ai davantage parlé aux gens, et me suis rendu compte que leur vie m’intéressait.

Arthur : Et à quel moment de tes études t’es tu orienté vers la psychologie du travail ?

Simon : Après ma licence, je voulais concrétiser mon apprentissage, et j’avais en tête une personne avec qui je voulais absolument travailler. Nous avons échangés, je l’ai convaincu de m’engager pour mon stage de master 2 puis j’ai fini par travailler avec lui.

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Interview avec Olivier SELLES,Ingénieur au pôle innovation chez Bouygues Immobilier.

Arthur : Bonjour Olivier, et merci de m’accorder cette interview. Tout d’abord, que penses-tu de la vision de la créativité en entreprise ?

Olivier : Selon mon expérience personnelle, les collaborateurs déclarent que c’est quelque chose de positif mais en pratique, estiment pour la grande majorité que ce n’est pas une compétence faite pour eux. Le créatif est perçu comme qqn qui a le temps de se permettre d’être créatif, quand les autres ont un vrai travail opérationnel, eux. La créativité est alors l’outil du créatif, un truc distrayant mais pas indispensable.

Arthur : Comment les entreprises abordent la créativité selon toi ?

Olivier : Mal. Les entreprises voient souvent la créativité comme une compétence dont on attend qu’elle trouve des solutions en 1h30, ou bien comme un outil de team building. Elle n’est Jamais considérée comme un outil pour les processus de longue durée.

Arthur : As-tu observé une évolution de la créativité (et la façon de l’aborder ou de l’amener) en entreprise ?

Olivier : Absolument pas, si ce n’est quelques modes du moment. Le design thinking a supplanté l’Océan Bleu.

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Arthur : Que penses-tu des processus de création en entreprise ?

Olivier : Ils se heurtent contre le mur du réalisme. Ils prennent trop de temps pour la vie au jour le jour des collaborateurs. Ils ne fonctionnent selon moi que s’ils sont portés par le top management (la C-Suite comme on dit en anglais).

Arthur : Que pensez-vous des conditions de travail par rapport à la créativité ? Les stimulent t-elles ? Les freinent t-elles ?

Olivier : Elle les freinent : le découpage en tâches / le reporting de ses activités empêche de consacrer les 5% de son temps qu’il faudrait pour des processus de longue durée comme la créativité ou l’exploration de projets personnels. Le bâclage de séances de créativité engendre un cercle vicieux sur la vision qu’ont les gens de l’utilité de cette compétence / de cet outil, par ailleurs.

Arthur : Avez vous remarqué des évolutions dans la façon de créer en entreprise ?

Olivier : Pas encore, mais il y a un signal faible que je perçois, autour du fast prototyping et aidé par les fab labs.

Arthur : Comment se déroule le partage d’idées dans les entreprises ? Est-ce fructueux selon vous ?

Olivier : C’est un vrai sujet. Il est difficile à mettre en œuvre. Certains outils sont décevants (réseaux d’entreprise), d’autres ont l’air de bien prendre (base de Knowledge Management). Et la discussion autour de la machine à café reste une technique malgré tout efficace !

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Soit avenant, soit souriant. Prend la parole, toujours. Ne reste pas dans le silence, va avec les autres. Soit sociable, fond toi dans le groupe. En un terme, soit extraverti. Ces valeurs découlent du modèle de notre société. Bien que le tempérament extraverti soit mis en avant, qu’en est-t-il du tempérament introverti ? Pourtant, c’est un tempérament qu’on acquiert dès la naissance, bien qu’on puisse l’affiner dans une certaine mesure. L’introversion est le fait de se tourner vers son monde intérieur. Être introverti ne signifie pas pourtant s’enfermer dans sa tour d’ivoire. Au contraire, il s’agit de comprendre notre monde et notre environnement en le voyant avec notre prisme, notre opinion. En un terme, notre singularité. Or, c’est la construction d’une vision singulière qui nous permet de faire éclore notre talent. C’est l’observation, la contemplation qui nous amène à la conceptualisation puis enfin la création.

Introversion et création.ArthurFOUILLET

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