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7/29/2019 Isee, Discours.pdf http://slidepdf.com/reader/full/isee-discourspdf 1/416 COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ ISÉE DISCOURS TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT Pierre ROUSSEL Professeur à la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg. PARIS SOCIÉTÉ D'ÉDITION « LES BELLES LETTRES « l57, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1922 Tous droits réservés.

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    COLLECTION DES UNIVERSITS DE FRANCEpublie sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUD

    ISEDISCOURS

    TEXTE TABLI ET TRADUITPierre ROUSSEL

    Professeur la Facult des Lettresde l'Universit de Strasbourg.

    PARISSOCIT D'DITION LES BELLES LETTRES

    l57, BOULEVARD SAINT-GERMAIN1922

    Tous droits rservs.

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    Conformment aux statuts de l'Association GuillaumeBud, ce volume a t soumis l'approbation de lacommis^inn technique, qui a charg deux de ses membres,

    et Octave Navarre d'en fairemon et a en 'SurveilNlrla correction en collaborationavec " ""

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    INTRODUCTION

    Ds l'poque alexandrine, on tait fortVB d^IsB. mal inform des circonstances de lavie d'Ise. C'est en vain qu'au i" sicle av. J.-C, Denysd'Halikarnasse explora les tudes biographiques oHermippos de Smyrne avait rassembl les renseignementsrecueillis par son matre Callimaque*. Il n'y trouva quede maigres donnes qu'il nous a transmises dans le pre-mier volume de son uvre : Des anciens orateurs^.

    Ise, qui fut le matre de Dmosthne et doit surtout ce titre sa renomme, tait selon les uns Athnien denaissance, selon d'autres, Chalkidien. Il fleurit aprs laguerre du Ploponnse, autant que j'en juge par sesdiscours, et sa carrire s'tendit jusqu'au rgne dePhilippe. Pour la naissance et la mort de l'orateur je nepuis fournir aucune date prcise. Quelles furent les cir-constances de la vie de ce personnage ? Quelles taient sesopinions politiques ? Eut-il mme des prfrences poli-tiques ? Mon ignorance est absolue sur toutes ces questions,faute d'avoir trouv le moindre renseignement. Car Her-mippos lui-mme, qui a crit sur les disciples d'Isocrate,alors qu'il donne des dtails prcis sur les autres, n'a

    if

    1. L'tude d'Hermippos TIspl riy 'lajxpaTOu; ;j.aOr]Twv doit avoirl compose la fin du m* sicle ou au dbut du ii*" avec l'aide des

    I riva/.c de Gallimaque.2. Ihpi Twv p/a;iov prjTOpwv, p. 586 et suiv. Voirie texte p. i3.

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    a INTRODUCTIONrapport, de cet orateur, que deux faits : il a suivi lescours d'isocrate ; il a enseign Dmosthne. Il frquentaaussi les meilleurs philosophes*.

    Dans les Vies des Dix Orateurs, attribues Plutarque,nous retrouvons peu prs les mmes faits. Les rensei-gnements de caractre anecdotique sur les relations entreDmosthne et Ise peuvent avoir figur chez Hermippos;ngligs comme suspects par Denys, ils avaient sans doutet recueillis par son contemporain, Caecilius de Kal-Akt, Tune des sources des biographes postrieurs^ :

    Ise tait Ghalkidien de naissance, mais il vint Athnes et y suivit les cours d'isocrate'. Il ressemblesurtout Lysias pour l'arrangement des mots et l'art dela composition ; aussi, moins d'tre bien au courantdu caractre propre de chacun, on hsite devant plusieursdiscours les attribuer l'un ou l'autre des deux ora-teurs. Ise fleurit aprs la guerre du Ploponnse, commeon en peut juger par ses discours, et sa carrire s'tenditjusqu'au rgne de Philippe. Il devint le matre deDmosthne en abandonnant son cole pour la somme dedix mille drachmes ; c'est ce titre qu'il doit surtoutsa renomme. Il aurait compos lui-mme les discoursde tutelle pour le compte de Dmosthne, ce que pr-tendent certains auteurs. Il a laiss soixante-quatrediscours, dont cinquante sont authentiques, et un traitde rhtorique. Il est le premier qui ait commenc user des figures et donner sa pense une formeoratoire; et c'est ce que Dmosthne a surtout imit.Thopompos, l'auteur comique, parle de lui dans sonThse.

    1 . La porte de cette dernire indication nous chappe.2 Le trait de Caecilius neot tou y apaxT^po xiv 5exa pr^To'ptuv a putre dj utilis par Denys : il n'y aurait pris que ce qui lui semblait

    assur. Voirie texte p. i3.3. Le texte est altr ici et semble dire qu'Ise a t l'lve de

    Lysias : il a t corrig d'une manire plausible.

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    INTRODUCTION 3La premire partie du Fvo; 'laai'cj qu'ont conserv

    les manuscrits est seule consacre la vie de l'orateur,le reste tant occup par une comparaison entre Lysiaset Ise dont il sera ques ion plus loin. On n'y peut gurerelever, hormis la mention du pre d'Ise, qu'une confu-sion entre l'orateur et le sophiste assyrien du mme nomdont Phiiostratos avait parl ^ :

    L'orateur Ise, originaire selon les uns d'Athnes,selon les autres de Chalkis, fils de Diagoras, fut disciplede l'orateur Isocrate et matre de Dmosthne. Il fleuritaprs la guerre du Ploponnse et vcut jusqu'au rgnede Philippe, ce qu'assure Denys d'Halikarnasse lecritique. On dit qu'en son adolescence il s'adonnait auxplaisirs et la boisson, recherchait l'lgance des vtementset passait d'un amour l'autre ; mais, devenu homme, ilchangea si bien son genre de vie qu'il semblait un autrepersonnage. Ardys lui demandait si telle femme lui sem-blait belle; il rpondit, raconte-t-on : Je ne sais; je n'ai plus d'yeux pour juger pareil cas . Voil ce querapporte Phiiostratos dans les Vies des Sages, sans parlerabsolument de notre Ise ; la seule chose sre, c'est qu'ille nommerAssyrien. On ignore la date exacte de sa mort.

    Il faut encore signaler deux brves notices d'Harpo-kration et de Suidas, qui prcisent l'origine des deux ver-sions sur la patrie d'Ise :

    Ise, l'un des dix orateurs, disciple d'Isocrate, matrede Dmosthne, Athnien d'origine selon Hermippos dansle deuxime livre de son tude sur les disciples d'Isocrate ;mais Dmtrios, dans son trait sur les potes homonymes,prtend qu'il tait de Chalkis^.

    1. L'auteur semble s'tre aperu de sa bvue. Voirie texte p. i/J.2. Le trait de Dmtrios de Magnsie Ilspl ;j.a>v'j|JLaiv ::oir)Twv xat

    CTUYYpacptov date du i^"^ sicle avant J.-G. et a dj t Ciploit parDenys d'Halikarnasse. Pour ce texte et le suivant, voir p. i5.

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    4 LNTRODUCTIONA quoi Suidas ajoute : 11 est clbre comme oraleur et aussi pour avoirenseign Dmosthne gratuitement. On a vu que l'origine mme d'Ise tait incertaine ; il

    est malais de dpartager les anciens, et contestable deconcilier leurs dires en faisant d'Ise le fils d'un colonathnien tabli Chalkis^ Tout au plus peut-on estimerque le nom de son pre, Diagoras, parat peu attique*,que l'loignement o lui mme se tint de la vie politiquelaisse souponner son caractre de mtque. Les suppu-tations, sans doute antrieures Denys d'Halikarnasse,sur la dure de son existence, sont confirmes en gros parles discours conservs, dont le cinquime semble remonterjusque vers 890/89, le douzime, descendrejusqu' 344/3.Ise fut, sa vie durant, un avocat d'affaires et sans douterien de plus^ On ne contestera ni son apprentissage chezIsocrate, encore que celui-ci n'ait sans doute pas ouvertcole Athnes avant 892 et qu'Ise ne lui doive gure,ni les soins qu'il donna Dmosthne sans dcider s'ilsfurent intresss ou gratuits*. C'est au matre de Dmos-thne que Denys a fait si large place et Ise doit peut-tre aussi ce titre d'avoir t reu dans le canon desdix orateurs attiques.

    1 . Celte hypothse parait due Schoemann (prface de son di-tion d'Ise, i83i) ; elle repose sur une mthode de conciliationfrquemment adopte et pourtant bien douteuse.

    2. On relve ce nom en Eube : cf. Inscripliones Graecae, XII, 9,p. i46, 1. III et suiv.

    3. Nous ne savons quel titre le pote comique ThopomposTavait pris parti.

    4. La tradition qui fait de Dmosthne un lve d'Ise paratancienne et bien tablie ; mais autour du fait mme les anecdotessuspectes ont pullul ; cf. Blass, Atlische Beredsamkeit, II, 2" d.,page 490.

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    INTRODUCTION 5, ^ D'aprs les Vies des Dix Orateurs, onL'uvre d'Ise. F .avait mis sous le nom d Isee, outre un

    trait de rhtorique, entirement perdu*, soixante-quatrediscours dont quatorze taient considrs comme douteux.Tous ces discours appartenaient au genre judiciaire'^.Nous connaissons par les lexicographes les titres decinquante-six d'entre eux ; onze nous ont t conservs,qui tous traitent de questions d'hritage. Parmi lesfragments, le seul qui ait quelque tendue porte sur unecontestation d'tat civil (dise. XII).Denys d'Halikarnasse a trait longuement des carac-

    tres de l'loquence d'Ise. L'auteur du Fvo rsume avecassez d'exactitude son apprciation en ces termes ^ :

    Il a imit trs exactement le style propre de Lysias;aussi n'est-il pas ais de distinguer leurs discours. Laressemblance se marque dans la forme et dans le fond :dans la forme, Lysias a la puret, la prcision, la clart,la proprit, la concision ; pour toutes ces qualits, Iselui ressemble presque tout fait. Mais la diffrence estque Lysias a beaucoup de simplicit et de naturel et ungrand charme, tandis que la forme d'Ise peut semblerplus savante, plus travaille, et caractrise par i'emploide figures varies. Autant il perd en grce, autant ilgagne en habilet. Pour la forme, telle est donc la diff-rence que nous rencontrerons. Voici maintenant pour lefond : chez Lysias, nous ne trouverons pas beaucoup d'artdans la division du sujet, non plus que dans la suite desides ; chez Ise au contraire, un art considrable et trsminutieux : il a recours aux prparations, des divisions

    1. Ise est compte parmi les K(xpa.yf\u.i-:u)'^ TS/v'.xoiv au^f/paepar Denys, Epis t. ad Ammaeum, I, 2.

    a. La liste en est dresse par Blass, op. laud., p. 49a et suiv. : lesdeux discours Ripi Tiv v Ma/.e8ovia ^TjO^vTtov et Ka-c Mya^ccov dont le dernier tait considr comme suspect pourraient faireexception.

    3. Voir le texte p. i/i-i5.

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    6 INTRODUCTIONpliis adroites ; il use de toutes les roueries contre sonadversaire; il fait un sige en rgle des juges. Il excelledans l'loquence judiciaire et c'est peu prs la seuleo il se soit exerc. En tout cas, on l'appelait une dessources o Dmosthne avait puis son savoir-faire. Ladiffrence entre Lysias et Ise est que Lysias, alors mmequ'il dfend une mauvaise cause, russit convaincre,tandis qu'Ise, mme dans une bonne cause, veille lesoupon.

    La sduisante navet de Lysias avait donc faitplace un art, encore gauche^, dont Dmosthne perfec-tionnera les procds. Ise, qui en tait l'initiateur, avaitmis en dfiance les contemporains qui l'accusaient derouerie et redoutaient ses artifices. Plus prs de nous,Wyse, le trs soigneux diteur d'Ise, a dpens une largepart de son soin dpister les sophismes et jeter bas lesarguments ruineux de son auteur. Il est bien certain que,soucieux avant tout de construire une argumentation,l'avocat n'a pas, en toute occasion, tri ses matriaux avecune attention gale. Il existait des rpertoires tout faits depreuves et de dmonstrations : Ise les a exploits ; dans undiscours*mdiocre, le quatrime de notre recueil, l'adap-tation des lieux communs de la casuistique judiciaire ausujet particulier est si nglige qu'on s'en irrite. Mais leplus souvent, Ise les approprie habilement et fortement auxcirconstances, et, des circonstances mmes, il tire desarguments ingnieux et pressants. Tendu tout entier versl'uvre de raisonnement, il expose les faits, les prouve,les commente d'un mme mouvement. On peut admirerTeffort de sa dmonstration sans dcider du bon droit,mais sans l'obsession d'tre dupe. Dmosthne s'est

    I. Un lecteur moderne sera peut-tre frappe surtout par cette gau-cherie ; mais Ise et ses confrres n'avaient pas coup sr lesmmes proccupations logiques que nous.

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    INTRODUCTION 7instruit son cole : il n'a pas appris de lui que la chi-cane ^ ; mais il lui doit aussi pour une part l'ardeur rflchieavec laquelle il presse et confond son adversaire.

    L'uvre d'Ise n'autorise pas plus porter un juge-ment dfavorable sur ses contemporains que sur lui-mme. Le dernier traducteur d'Ise crit en sa prface : Les Athniens que nous rvlent ces discours n'taientvraiment plus capables des grandes actions auxquellesDmosthne les voulait entraner'. Parce que quelquesplaideurs se disputent des successions avec une pretqui est de tous les temps, une gnration devrait tredconsidre. L'exagration est criante. Que l'on accuseune fois de plus, en lisant ces discours, les incertitudes etles dfaillances des jurys populaires, leur humeur impres-sionnable, dont joue souvent Ise, leur discernementmdiocre dans les cas complexes, c'est quoi l'on peutconsentir. Il apparat aussi que les dernires volonts dumort n'taient pas toujours respectes avec le scrupulequ'elles nous semblent comporter ; mais peut-tre vaut- ilmieux en chercher les raisons profondes et lointainesqu'en stigmatiser les consquences. Les habitudes d'espritet les prjugs mmes que rvlent les plaidoyers desorateurs attiques doivent tre plutt un objet d'tudeque d'indignation ^

    Les discours d'Ise ont d tre publisde son vivant, peut-tre par lui-mme

    pour servir de modles ses disciples. En 363, Dmos-thne, rclamant son patrimoine de ses tuteurs, imite

    1 . C'est le reproche que lui adressait l'orateur contemporainPylhas.

    2. K. Mnscher, dont la traduction sera signale ci-dessous.3. Voir dans ce sens les indications donnes par L. Gernet dans

    son tude sur la cration du testament (^Revue des Etudes Grecques,igao, p. 128-168; p. 249-390).

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    8 INTRODUCTIONquelques passages du discours relatif Thritage deKiron (VIII).A l'poque alexandrine fut accompli un travail de clas-sement qui n'alla pas sans quelques erreurs. Les discours

    d'Ise furent rangs par groupes : on rapprocha ainsi tousceux qui avaient trait des successions (X6ys'. xXr^p'./.c') ;c'tait la catgorie la plus importante : elle fut placeapparemment en tte du recueil. Callimaque sans doute,en ses Tableaux, donna des titres et dcida des attribu-tions sans parvenir toujours une rigoureuse exacti-tude^ Le recueil comprenait peut-tre les pices citespar l'orateur, textes de lois et tmoignages^ Au i*"' sicleav. J.- G. , Didymos d'Alexandrie rdigea un commentaire^.

    Denys d'Halikarnasse avait sous les yeux une copie durecueil alexandrin lorsqu'il composa le premier livre deson ouvrage Ilepl twv ipy^a-wv pr^Tspwv o il traite de Lysias,d'Isocrate et d'Ise (aprs 3o av. J.-C). Il avait consacrun crit spcial aux questions d'authenticit ' ; dans sontrait, il se borne juger du style d'Ise en le rappro-chant surtout de Lysias, et il appuie sa critique d'ungrand nombre d'exemples.

    I. Sur ces imitations, voir O. Navarre, Essai sur la rhtoriquegrecque avant Aristote (Paris, 1900), p. 168 et suiv. Ce sont des lieuxcommuns que l'on retrouve chez les deux orateurs ; Dmosthnesemble bien les avoir emprunts Ise j mais les a-t-il pris directe-ment au discours que nous avons conserv ?

    a. Cf. Dion. Halic, de Isaeo, c. 2, p. 689; le lecteur peu critique,dit-il, sera induit en erreur par les suscriptions qui ne sont pas loujours exactes. Les suscriptions des discours de Lysias provenaient deCallimaque ibid., c. 6, p. 694); et de mme, sans doute, celles d'Ise

    3. Le second fragment du discours -jizz Eaoj; (ci-dessous,fragm. n^ VII, 2) parat reproduire une plainte dpose devant l'ar-chonte ; toutefois elle tait peut-tre mle au texte mme du discours.4. Harpokration cite s. v. yau.r^ia : Aiuao; Ypafxfxatix; Iv zo;*Iaao-j j;:o[i.vrf(j.aa'.

    5. 11 le signale lui-mme la suite du passage mentionn dansla note a.

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    INTRODUCTION 9Le canon des dix orateurs attiques peut n'tre pas

    antrieur lepoque de Denys*. Ise y fut admis, maisn'en reste pas moins au second plan : on a remarqu queGicron ne le mentionnait mme pas. Les lexicographesl'ont exploit comme les autres orateurs attiques : Harpo-kration cite presque tous ses discours ; mais il n'est pasassur qu'il en ait eu une connaissance directe.

    Le dbut du recueil alexandrin est parvenu jusqu'nous : onze Xbyoi Y.\'Qpv/,oi^. Le texte que nous lisonsest-il altr? Il parat impossible d'en dcider. On n'aaucun papyrus d'Ise^ ; par aventure, Denys d'Hali-karnasse a emprunt tous ses exemples des discoursmaintenant perdus ; enfin les citations, rares et brves,que l'on trouve dans les lexiques anciens, ne sont denul secours. Voici un faible et unique indice qui peutveiller quelque dfiance. Selon Harpokration, le motysv/^; aurait t employ la place de azat; dans lediscours relatif la succession de Mnkls (II) : or, ony trouve trois fois rai; et nulle part aY^v-^^*.Deux manuscrits seulement entrent en ligne de compte

    pour l'tablissement du texte d'Ise : le Crippsianus A duMuse Britannique et VAmbrosianus Q ; encore le dernierne contient-il que les deux premiers discours.

    Le Crippsianus (Burneianas 90) est un manuscrit surparchemin du xm* sicle qui contient Andocide, Ise,

    I. La question est controverse : le canon n'apparat pas avant lecontemporain de Denvs, Caecilius.

    3. Le XI* discours est incomplet dans notre tradition : la fin dupremier groupe, qui comprenait les Xo'yoi /.Xrjpty.ot, avait dj disparuquand l'archtype fut copi.

    3. Voir la notice des fragments, n XI.4. L'indication est donne par Harpokration s. v. YvrJ;. Blass a

    voulu substituer yvrl; ';:ai; au 45. Thalhoim prfrerait lofaire au 10 et Wyso au 6. Schocmann suppose quo ce termefigurait dans une loi ou un tmoignage cit par l'orateur.

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    10 INTRODUCTIONDinarque, Antiphon, Lykurgue, Gorgias (Hlne etPalamde), Alkidamas (Ulysse), Lesbonax. Hrods. 11a t souvent collationn, en particulier par Thalheim en1880 et par Buermann en 1881 et 1882. Wyse reconnat

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    INTRODUCTION iireleves ; du moment qu'elles taient mises au rang desconjectures, les mots ajouts par A^ et reus dans letexte ont t placs entre crochets. Les rasurae ne peuventgure tre rparties entre A* et A^ : on s'est abstenu l'ordinaire d'en faire mention. Il tait souvent difficile dediscerner dans le manuscrit le texte primitif dissimulsous les corrections. Thalheim y a montr une perspi-cacit singulire dont Wyse conteste les rsultats. Fauted'avoir tudi directement le manuscrit, on n'a pas prisparti dans un dbat dont l'intrt est, somme toute,mdiocre^

    Parmi les descendants de A, on n'a eu l'occasion deciter que quelques corrections du copiste auquel est d lemanuscrit M du Muse Britannique (Burneianus 96).Le manuscrit Q (Ambrosianus D l^i sup.) contientdans la seconde partie, qui date du xm* ou du xiv" sicle,deux discours d'Ise (I et II). Il en donne un texte trsvoisin de celui de A, mais pourtant indpendant, commeon le reconnat certains mots absents dans A, quifigurent dans Q. En revanche, il prsente un grandnombre d'omissions et de lectures manifestement inf-rieures celles de A. On y relve aussi une tendance changer l'ordre des mots pour le rendre plus clair audtriment de l'expression. La partie du manuscrit relative Ise a t coUationne par Buermann en i885 et parWyse sur une photographie.

    Le long fragment qu'on a accoutum de dsigner sousle n** XII a t conserv par Denys d'Halikarnasse ; ontrouvera dans la notice qui le prcde les indications rela-tives l'tablissement du texte. Il en va de mme pourles autres fragments.

    I. Cf. Wyse, Classical Review, 1904, p- 119. Le dchiffrementdu texte primitif, reconnat Wyse, n'aide en rien l'diteur ; avecquelque rserve, c'est aussi l'opinion de Fuhr, toc. laud.

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    12 INTRODUCTIONBibliographie Parmi les ditions anciennes, il suffirasommaire . ^^ signaler l'dition princeps imprimechez Aide en i5i3, et celle d'Henri Estienne : Oratorumveterum orationes, pars II, p. SS-Sg (Paris, lyS). Ladernire moiti du premier discours y manque, et ledeuxime, sauf quelques lignes ; conformment la tra-dition, on a indiqu la pagination de cette dition.

    Les ditions utiles sont celles de H. Buermann (Berlin,Weidmann, i883), de Thalheim (Leipzig, Teubner,1903), et surtout celle de Wyse {The speeches of Isaeus,Cambridge, 1904), pourvue d'un commentaire exhaustif,mais o les fragments n'ont point t recueillis.

    Ise a t traduit en franais par R. Dareste et B. Haus-soullier (Paris, 1 898), en italien par Fil. Gaccialanza (Rome,1 901), en allemand par G. F. Schoemann (Stuttgart, i83o)et, plus rcemment, par K. Mnscher (Zeitschrift furvergleichende Rechtswissenschaft, t. XXXVII, 1919,p. 32-328).

    L. Moy a donn une lude sur les plaidoyers d'Ise(Paris, Thorin, 1876) qu'on consultera avec fruit. On yjoindra F. Blass, Die altische Beredsamkeit, IP partie,2dit. (Leipzig, 1892), p. 486-677, et R.-C. Jebb, Theattic orators from Antiphon to Isaeus, t. II, 2* d.(Londres, 1893), p. 262 et suiv.

    Les questions juridiques souleves par les plaidoyerssont traites essentiellement par Beauchet, Histoire dudroit priv de la rpublique athnienne (Paris, 1897), etpar J.-H. Lipsius, Das altische Becht und Rechtsverfahren(Leipzig, 1 906-1 91 5).

    I. On n'a pu signaler ici toutes les anciennes ditions et legtudes dont les auteurs sont mentionns et l dans l'apparat cri-tique : on en trouvera la liste dans la prface des ditions de Thalheimet de Wyse. Les noms abrgs dans l'apparat sont ceux d'Ald(us),B!^k(ker), Buerm(ann), Dob(re), Estienne (Sleph.), Schoem(ann),Tlial(heim).

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    IEAI02(Dion. Halic. de Isaeo, ci p. 586-588)

    'laao 8, 6 Arj^oaSvoix; KaBriyTI^^aH^^^ ^^'-^ SlAtoOto^lXiGTa ^zv6[JiEvoq TTepLc|)avf]c;, >

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    i TENOS ISAIOTTEKjif)paa8ai ek Xycov auToO, Kal ^lxpi xfj iXlirrroup)(f] TtapTELVE. KaBriyrjaaxo 8 ArnioaGvou noaTTfj axoXfjq ettI Spax^icti ^uplauc;, 8l6 koI ^(iXtcTa etl-(f)avf]c; EyEVETo. Auxc; 8 Kal to ettltpottlkoc; X6youc;auvTttTTE iS> Arj^oaSVEt, cSq tlve etiov. KaToXXoLTTESe Xyouq E,r|K0VTa Taaapac;, Sv eIgl Y^rjOLOt JiEvrf]-KovTa, Kal IStac; T)(va. FlpcoTo Se Kal a\r]\i(xiiC,Eivfjp,aTO Kal TpTIELV ETll t6 TIoXLTLKv TI^V SldvOLaV, 8^Xtaxa ^lE^iL^iT^Tat ArmoaBvr|, Mvrj^ovEUEt Se aToOOetio^ttoc; Kco^iLK v iQ 0T]aE.

    FENOS ISAIOY'laaoc; ^f)Top yVETo Kax ^v Tiva 'A8r)vao,

    KttT Se TLva XaXKiSE, TuaTp6 Se Ataypou, ^aSrjTi^c;Se 'laoKptTou toO p-qiopoq, SiSdaKoXoc; Se AT]^oa8vou*fJK^aas SE ^Ex t6v nEXoT[ovvr|aLaKv ti6Xe^xov, KaletteBIc ti)(pL Tfj lXlttttou p)^f], &q

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    TENOS ISAIOY i5a){EB6v. LioL

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    NOTICEA la mort de Rlonymos, ses neveux, fils de sa sur, atta-

    quent le testament par lequel il instituait comme hritiersdes parents plus loigns qu'eux, mais dont le nombre, nonplus que le degr de parent, ne peut tre exactement dter-min. L'ancien auteur du rsum plac en tte du discoursen nomme trois : Phrnikos, Simon, Poseidippos ; mais rienne prouve que Simon, incidemment nomm au 3, soit dunombre et, au contraire, Diokls ( i4 et 23) peut tre unde ces hritiers qui semblent avoir t frres ( 45).

    POLYARCHOSI

    IIVLbON-SlOS Fille

    STEMMA

    JEMA.KDEUR

    IDeihias

    Un ou plusieursfrre

    Selon celui des neveux qui est demandeur, le testamentne correspond pas aux intentions dernires de Klonymos :il l'avait rdig bien des annes auparavant, lorsqu'eux-mmes,orphelins et tout jeunes, taient soumis la tutelle de leuroncle paternel Deinias, brouill avec Klonymos. A la veillede sa mort, il avait voulu l'annuler, mais en avait t emp-ch par la maladie et le mauvais vouloir des lgataires. Ceux-

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    i8 I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSci admettaient que Klonymos avait tmoign le dsir demodifier l'acte o il avait consign ses volonts, mais soute-naient que la modification tendait uniquement leur con-firmer la succession en quoi ils peuvent avoir eu raison >L'acte tait dpos chez un fonctionnaire civil, l'astynome.A quel titre en avait-il la garde? Nous l'ignorons, et il estnotable que nous n'avons nul autre exemple d'un semblabledpt pour un testament. Aussi a-t-on pu supposer qu'ils'agissait d'une donation cause de mort, soumise peut-tre des formalits spciales. Klonymos aurait voulu tardi-vement y substituer un testament de forme courante avecadoption des hritiers institus*. On voit en ce cas que leprincipal moyen invoqu par les neveux, lequel, tel qu'lse l'aprsent, a quelque apparence, serait dnu de toute efficacit.

    Aussi bien l'argumentation tout entire ne laisse-t-elle pa*que de dconcerter, si l'on s'en tient la lettre du droit. Ledemandeur ne conteste ni que le testament soit authentique,ni que Klonymos ait eu la libre disposition de son bien ; un acte formel, il oppose des intentions hypothtiques, despreuves de bienveillance l'gard des neveux frustrs, lesdroits des hritiers lgitimes. Les raisonnements en forme dedilemme o Ise prtend enfermer les adversaires semblentsingulirement captieux. Si Klonymos a voulu annuler sontestament, leur cause est juge ; s'il l'a voulu confirmer, ellen'en vaut pas mieux : l'insanit de sa dmarche accuse leflchissement de sa raison et fonde en droit l'annulation (21).Et puisque les adversaires sont obligs de concder qu'aux yeuxde Klonymos le testament ne semblait pas avoir une valeurdfinitive, peu importe le sens qu'il lui voulait donner en leretouchant. Il reste que le tribunal doit refuser d'enregistrercomme expression des volonts du dfunt un acte o l'on peuttout au plus entrevoir ses repentirs.

    Pourtant les lgataires ne se regardaient pas comme fortassurs du succs, puisqu'ils s'taient rsigns avant le procsI. Cf. E.-F. Bruck, Die Schenkung aufden TodesfaUimgriechischen

    i?cc/i

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    NOTICE 19 un partage transactionnel, rejet, semble-t-il, par la partieadverse ( 1 6, 28, 35). Nous savons en effet par des tmoignagesanciens, que les cours de justice Athnes avaient une ten-dance dcider en faveur des hritiers lgitimes au dtrimentdes hritiers institus par testament. Une loi, dont il serasouvent question dans les discours suivants, dfinissait avecprcision ceux des parents qui avaient la vocation hrditaire(YytffTsT) et rglait entre eux l'ordre de succder. Leslgataires devaient donc redouter, pour en avoir vu bien desexemples, que le tribunal populaire, arbitre suverain, nerglt le litige en consacrant l'ordre tabli par la loi contre lavolont du dfunt, que l'habilet d'un avocat pouvait faireparatre incertaine. La manuvre d'Ise apparat ainsi commeadroite, mais l'on peut souponner en mme temps qu'elletait banale. Elle aboutissait soulever une sorte de cas deconscience ainsi formul : Doit-on proclamer la dchanced'hritiers naturels, dont la qualit est incontestable et dontla loi sanctionne les droits, sur la foi d'un testament dj ancienet en quelque mesure suspect? ( 4i et suiv.). Il y avait l dequoi troubler l'me de jurs, qui, bien diffrents en cela desjuristes, n'ont jamais limit leur tche dcider de l'authen-ticit matrielle d'un acte.

    Le discours ne fournit aucune donne qui permette delui assigner une date probable.

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    I

    LA SUCCESSION DE KLONYMOSSu JET DU DISCOURS

    Les neveux de Klonymos, sa mort, rclament sa suc-cession comme hritiers naturels ; quant au testament queproduisent leur profit Phrnikos, Simon et Poseidippos*,ils accordent que Klonymos l'a rdig autlientiquementet l'a dpos chez les magistrats par dpit contre Deinias,leur tuteur ; mais, postrieurement, il aurait essay d'annu-ler son testament et aurait fait demander l'astynome, maisserait mort subitement ; de plus Polyarchos, leur grand-pre et le pre de Klonymos, lui aurait enjoint, s il luiarrivait malheur, de leur laisser ses biens. Le dbat portesur l'apprciation contradictoire d'un fait - : l'une des partiess'appuie sur le testament originel, l'autre, en prtendantque Klonymos a fait venir le magistrat pour annuler sontestament, s'appuie sur ses volonts dernires.1 Grand a t le changement pour moi, juges, la

    mort de Klonymos ; de son vivant, il nous laissait sa for-tune, mais sa mort nous oblige lutter pour cette mme for-tune. Et jadis, il nous avait si sagement levs que jamais,mme comme auditeurs, nous n'tions entrs dans un tribu-nal ; aujourd'hui, c'est comme partie que nous nous prsen-tons dans un dbat qui concerne tout notre avoir. Car onne nous conteste pas seulement les biens de Klonymos,mais encore notre patrimoine, sur lequel on prtend que

    I . Il y a mprise sur les noms des lgataires ; voir la notice.a. L'auteur use d'un terme technique de sens douteux.

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    nEPI TOT KAEQNYMOY KAHPOY

    'ASeXc|)lSol KXecov^ou TsXEUT/jaavTo ettI t6v KXfjpovIpXovTaL Kttx yvo, x 8La8f]Kac;, S TxapxovTat elaTo ol TtEpl EpvLKov Kttl Zt^cva Kal rioaEiStTT-Ttov, y(p6n\>oii iq Xr|9c; rjv Kal 8ELvaL nap tol oip\o\)aiv^ioXoYoOvTEc; KXecvu^iov KaTa xfjv TTp6c; Aeivlav t6v 5ETiLTpoTTov ttUTv pyrjv, OaxEpov Se ETULXELpfiaavTa XOaatKal ^lETaTTE^ip^iEvov t6v aTuv^iov E,aL(|)VT] (iro-SavELv)- Kal roXiiapxov Se t6v tkxtuttov auTv, KXECovti-^ou 8 TTaTpa, TTpoaT,ai, Et tl Tta)(OL KXscibvDtio, SoO-vat auTOLc; Ta TTocpxovxa. "H ax^at 8po SlttXoO Kor loti(J)La6f)Tr|aLV' ol ^lv yp &XXol Ta yevoiJivau E^pxfjc;SLa9ir)KaLc;5tLa)(upL^ovTat, ol Se, XyovxE [c|>r)alv] 8ti ^iet-EKaXaaxo x6v ap)(ovxa, tva Xijar| auxc, xo XEXEUxatovnap KXECovti^iou yEvo^voL.1 rioXXi^ ^lv f\ ^Exa6oXf| ^lOL yyovEV, S avSpEc;, teXcu-

    xi^aavxoc; KXecovt&^ou* ekelvo yp C&v ^lv fjjiv KaxXEiTiExf)v oatav, iroSavov Se klv8uve\3eiv TiEpl axf^c; TiETTotT]KE.Kal x6xE ^lv oOxco ti' axoO acoc})p6vcc; ETTatSEu^iESa,ax' oS Kpoaa6jiEvoi oSttoxe fjXBo^iEV rrl SLKaax/|-ptov, vOv 8 ycavLotiEvoL TUEpl Trvxcov fJKo^iEv xv irap-)(6vxa)V ou yp xcov KXecovO^ou ^6vov ^cpLaBrjxoOatv, XXKal xcov Tiaxpaxav,

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    ai I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSKlonymos a une crance faire valoir. 2 Les familiers etles proches de nos adversaires estiment juste que, sur la for-tune indiscute qu'a laisse Klonymos % il nous soit fait unepart gale la leur; mais eux en sont venus ce point d'im-pudence qu'ils cherchent mme nous dpouiller encore denotre patrimoine ; non pas, juges, qu'ils mconnaissent lebon droit, mais ils nous croient en un extrme isolement. 3Voyez en effet o placent leur confiance les deux parties qui seprsentent devant vous. Nos adversaires s'appuient sur un tes-tament que Klonymos a rdig sans avoir se plaindre denous, mais par colre contre un de nos parents, testamentqu'il a rvoqu avant sa mort par le fait qu'il a envoyPoseidippos chez le magistrat. 4 Nous, nous sommes lesplus proches parents ; nous avions les meilleures relations avecle dfunt; ses biens nous reviennent de par la loi, en raisonde notre parent, de par la volont de Klonymos, en raisonde l'affection qu'il nousportait, plus encore, de par la volontde Polyarchos, le pre de Klonymos, notre aeul, qui avaitenjoint Klonymos, s'il mourait sans enfants, de nous lais-ser ses biens. 5 Alors que nous pouvons allguer tant detitres, nos adversaires, qui sont nos parents, qui n'ont enbonne justice rien dire, n'ont pas honte de nous engagerdans un procs au sujet de biens qu'il serait honteux de reven-diquer mme pour des gens compltement trangers. 6Nous sommes bien diffrents, me semble-t-il, juges, dans nosdispositions rciproques. Pour moi, en effet, ce n'est pas l'in-justice de ce procs que je regarde comme le plus grand desmaux prsents, mais bien la lutte avec des parents contrelesquels la dfense mme n'a i ien de beau : le mal n'est pasmoindre, mon sentiment, de les maltraiter en me dfendantcontre eux, des parents, que d'avoir t maltrait par eux l'origine. 7 Mais ils ne sont pas du tout de cet avis : ilsont march contre nous en appelant la rescousse leurs amis,en soudoyant des avocats, sans rien ngliger de leurs forces,

    I . La fortune indiscute du dfunt est oppose son avoir fictif,contenant la prtendue crance.

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    p. 35-36 I. nEPI TOT KAENYMOT KAHPOY 21cKOVTEc; pytiptov. 2 Kalol jiv oIkeoi Kal olTTpoaf|KovTe

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    2 2 I. LA. SUCCESSION DE KLONYMOScomme s'ils avaient, juges, des ennemis chtier, et non desproches et des parents maltraiter. 8 Mais leur insolenceet leur avidit vous seront mieux connues quand vous aureztout entendu. Je remonte au point d'o je pense que vouscomprendrez le plus rapidement l'objet de notre litige, et jecommencerai l mon expos.

    9 Deinias, le frre de notre pre, fut notre tuteur, tantnotre oncle et nous tant orphelins ^ Entre Klonymos et lui,juges, il y avait brouille. Qui des deux tait responsable decette brouille ? Il ne m'appartient sans doute pas de porterune accusation ; je pourrais seulement en toute justice lesblmer l'un et l'autre, eux qui, amis jusque-l, sans aucunmotif, la suite de quelques mots, sont partis si lgrementen guerre l'un contre l'autre. 10 II est certain que c'estalors, et en raison de ce ressentiment que Klonymos pritses dispositions, sans avoir de grief contre nous, comme il l'adclar plus tard, mais parce qu'il nous voyait sous la tutellede Deinias, et qu'il craignait de mourir en nous laissantencore enfants et de livrer sa fortune, devenue ntre, auxmains de Deinias. 11 lui semblait rvoltant que son pireennemi et la fois la tutelle de ses proches et la libre dis-position de ses biens, et que les devoirs qui lui taient dusaprs sa mort lui fussent rendus, jusqu' notre majorit,par un homme avec qui, durant sa vie, il avait t brouill.11 Ces rflexions dterminrent le dfunt, tort ou raison, faire le testament en question. Et sur le momentmme, quand Deinias lui demanda sans retard s'il nous envoulait, nous ou notre pre, il rpondit, en prsence detous les citoyens, qu'il n'avait rien de mal nous reprocher,et il tmoigna ainsi que son irritation contre Deinias, et nonpoint une sage rsolution, l'avait dcid prendre de tellesdispositions. Gomment en efl'et, juges, aurait-il voulu, s'iltait sain d'esprit, nous maltraiter, nous qui n'avions nultort envers lui ? 12 Voici la suite ; c'est pour nous la

    I. Il semble que, selon le droit attique, la tutelle lgitime ait tdfre au frre du dfunt ; mais Deinias pouvait aussi avoir reu latutelle par testament.

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    p. 36 1. nEPI TOT KAENTMOT KAHPOT 22Suvopa aiTLO, tacooK e^6v Ipyov axl KaTrjyopEvttXi^v ToaoOT6v yE v SiKalo auTo ^cpoTpoi tiE^ijja'niT^v^JtL Kal ([>tAoi TC BVTE Kal TTpOCjXXQECC; OSe^lSc yEVO^A-vr] EK X6ycv tlvv oSto eIk^ Tup6 XXf)Xou iaTE-pov *j* acBr) -|- IXEyEv, pv 8 i^jJiSc; ettltpotteuo(jivouc; Tr6AelvIou Kal SE8Lcbc; \x^ teXeut/igelev auT etl Ttat8aTaylor : -jxou AQ || 10 i xo'-s Schoem. : on AQ || py!? A : apyjicQ II 3 awr), 'Xsycv AQ : epyw sfXwasv Schoem. eojOsi XeyetvPapabasileiou e'i; auO.; sXeys Mnscher || 7 xwv auxo om. Q jj 11 5yxaXet om. Q || 8 rjSiXTjxoTa; A: StxrJaavTa; Q.

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    a3 I. LA. SUCCESSION DE KLONYMOSmeilleure preuve que mme en agissant ainsi, il ne voulaitpas nous nuire. A la mort de Deinias, notre situation taitmauvaise; il ne voulut pas nous voir manquer de rien, maisil nous prit chez lui, nous leva, sauva notre avoir des cr-anciers qui cherchaient nous ruiner et prit soin de nosaffaires comme des siennes propres*. 13 Or, juges, il fautjuger de ses intentions par ces faits plutt que par sontestament, et chercher des preuves non dans les actes accom-plis sous l'impulsion de la colre, qui nous induit tous enerreur, mais dans ceux qui plus tard ont manifest claire-ment ses sentiments. Mais c'est dans ses derniers instantsqu'il a mieux montr encore ses dispositions notre gard. 14Atteint dj de la maladie dont il mourut, il voulut annulerson testament et commanda Poseidippos de faire venir lemagistrat 2 ; mais l'autre ne le fit point venir, et mme, quandun des magistrats vint jusqu' la porte, il le renvoya. Klo-nymos entra en colre contre lui et commanda de nouveau Diokls de faire venir les magistrats pour le lendemain ^ ; iln'tait pas si malade ; mais, alors qu'on avait beaucoupd'espoir, la nuit mme, subitement, il mourut.

    15 Je vais faire comparatre devant vous des tmoinspour vous prouver d'abord que nul grief contre nous, maissa seule hostilit contre Deinias a dcid Klonymos faire cetestament ; ensuite, qu' la mort de Deinias il a pris soin detoutes nos affaires et nous a nous-mmes levs, aprs nousavoir pris chez lui ; en outre qu'il a envoy Poseidippos chezl'astynome*, que celui-ci non seulement n'est pas all lui-mme le chercher, mais encore l'a congdi la porte quand

    1. A la mort de Deinias, Klonymos doit devenir tuteur desenfants de sa sur ; il paie les dettes qui obraient leur patrimoine ;d'o les reprises que ses hritiers peuvent exercer contre eux ( i).

    2. L'orateur emploie un terme abstrait dsignant sans doute l'au-torit comptente.

    3. On s'tonne que Klonymos n'ait pas eu recours un de sesneveux ; les lgataires seuls taient donc auprs de lui.

    k. Les astynomes sont des officiers de police que rien ne qualifiespcialement pour recevoir le dpt d'un testament.

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    p. 36 I. IIEPI TOT KAENTMOT KAIIPOY 28f\\Jilv TEK^/jpLOV Stl 05 TttOTa ETTpa^SV f\\XOic; fiXlTTElV(iouX^Evo* TEXEUTf)aavTO yp AelvIou Kal tv TipaynATOVf^jiLV TTOVTjpQc; )^6vTcov, oS TtEpLESEv T^^^S oSEv evSeellvxa, W aTO ^v el xfjv olKtav Tf)v aToO Ko^iLo-(XEVoc; nalSEUE, ti?)v S' ouatav c|)EXa8aL tv ^f)aTcovniBouXEuavTcov laoaEV i^^iiv, lTTEtiEXET6 te ^oIc tvT^jiETpcov SoTTEp Tcv aToO Tipay^idcTCv. 13 KatxoL y^pi]ECopEtv aToO Tif)V Ivvoiav K Tot^Tcov Tv Ipyov ^ifiXXov )Ik tcSv 8La9T]Kv, Kal TEK^T^ptoi \p?\aBcx.i jif] to ^et'pyfj 7Tpa)(6ELaLV, ev oT ocTtavTEc; TTEavEpv ti^v auToO Sivoiav ETTotr|aEV.*Eti yp ^ifiXXov EV TOL TEXEUTatoL ISfjXoaEV & eT)(e Trp6fj^ifi. 14 "HSr) yp aSEVv xaOxriv xfjv v6aov ^ ?jc;EXEXEt3xT]aEV, e6ouXt|9t^ xaiixa x 8La9f|Kac; veXelv KalTtpoaxa^E riooELSlTiTTcp xf)v &pxV ElaayayELV. 'O Se oji6vov oK ElariyayEv, &XX Kal x6v XSvxa xv p)(6vxcdvettI xf|v Siipav TTTiE^LpEV. 'OpyLaSslc; 8 xotjxo KXecvu^oc;TtdcXtv eI xi^v axEpatav AlokXe KaXaai xo &p)(OvxaTipoaxa^E* Kal o^ ojxcac; [ aSEVv] StaKEl^iEvo, XX'Ext TToXXcv oacov eXtiIScov, E^antvT^ xfj vuKx xa\&TT)

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    a4 I. LA. SUCCESSION DE KLONYMOSil s'est prsent. 16 Pour prouver que je dis vrai, api)elle-moi les tmoins.

    TmoinsEt maintenant, sur ce point encore que les amis de nos

    adversaires et Kphisandros * jugeaient quitable un partagede la fortune et l'attribution nous d'un tiers de l'avoirtotal de Klonymos, appelle-moi l-dessus les tmoins.

    Tmoins17 J'estime, juges, que dans toute revendication d'hri-

    tage, quand on a dmontr, comme nous, qu'on avait lafois le plus proche degr de parent ^ et la premire place dansl'affection du dfunt, tout autre argument devient superflu.Mais puisque nos adversaires, qui n'ont ni l'un ni l'autretitre, osent rclamer ce qui ne leur appartient pas et mettenten uvre le mensonge, je veux rpondre brivement cesallgations-l aussi. 18 lis s'appuient sur le testament etprtendent que Klonymos faisait venir le magistrat non pourl'annuler, mais pour le rectifier et pour leur confirmer ladonation. Mais vous, considrez ce testament fait dans unaccs de colre, etjugezdela vraisemblance: Klonymos a-t-ilvoulu l'annuler, aprs qu'il tait avec nous en termes d'inti-mit, ou a-t-il cherch nous dpouiller plus srementencore de ses biens? 19 Les autres gens qui, dans un mo-ment de colre, ont ls leurs parents, plus tard se repentent ;mais nos adversaires reprsentent le dfunt, dans le tempso il tait le mieux dispos pour nous, comme voulant ren-forcer encore le testament qu'il avait fait dans sa colre !Ainsi, en admettant que nous leur concdions ce point et quevous y ajoutiez foi, songez qu'ils l'accusent alors d'une

    1. Parent ou ami des lgataires ; cf. 28.2. Ce point n'a pas t dmontr, mais ne devait pas tre contest

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    p. 36-37 I- nEPI TOT KAEQNTMOT KAHPOY 24TrTTE^iipEV. 16 '0.(; ouv Xr|8f] Xyco, KXci \JiOi to^dcpTupa.

    M dtpxupe"Etl Tolvuv iq ol tottcov SvSpE, TtSai to tSv KXi^pcov

    ^i

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    a5 I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSextrme draison. 20 Peut-on en efTet imaginer pire folie?Au temps o il tait brouill avec Deinias,.c'est nous qu'il amaltraits et il a rdig un testament qui n'atteignait pas sonennemi, mais lsait ses parents les plus proches; puis, se trou-vant en bons termes avec nous et nous prfrant tous, il au-rait voulu que, seuls entre tous, ses neveux, en croire nosadversaires, fussent exclus de sa succession ? Quel homme dansson bon sens, juges, aurait ainsi dispos de ses biens? 21Ainsi leurs arguments mmes vous permettent aismentde jugerleur cas : si le dfunt voulait annuler son testament quand ilenvoya chercher le magistrat et c'est notre thse ilsn'ont plus rien dire. S'il avait l'esprit gar au point decontinuer nous compter pour rien, nous, les premiers desa parent, plus lis avec lui que personne, alors vous feriezjustice coup sr en annulant un pareil testament*.22 Maintenant, considrez encore que, tout en prten-dant que Rlonymos faisait venir le magistrat pour leur con-firmer la donation, aprs en avoir t chargs, ils ne sesont pas risqus l'aller chercher, et mme, quand un ma-gistrat est venu jusqu' la porte, ils l'ont renvoy. Ils taientdevant une alternative aux consquences bien opposes: ouse voir confirmer une donation, ou encourir le courroux deKlonymos en n'excutant pas son ordre ; et ils ont prfrson courroux cette donation ! 23 Y a-t-il en vrit riende plus invraisemblable ? Ceux qui devaient retirer de leurdmarche un tel avantage, tout comme s'ils en devaient ptir,se drobent au service demand ; et Klonymos de son cttmoigne d'une telle ardeur les avantager qu'il se met encolre contre Poseidippos qui a nglig sa commission, et larenouvelle Diokls pour le lendemain I

    24 Si en effet, juges, selon la prtention de nos adver-I. Aux termes de la loi, un testament devait tre annul s'il tait

    tabli que le testateur l'avait rdig en tat de dmence. Ise, qui nes'embarrasse pas d'un vain respect pour le dfunt, donne entendreque dj l'acte initial prouvait, tout le moins, un mdiocre bonsens ; mais la confirmation de l'acte aurait t de sa part folie pure, etle tribunal ne la pouvait ratifier.

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    p. 37 I. nEPI TOT KAEQNYMOT KAHPOT 2&YopoOat. 20 Tt yp 2^v yvoLTo xaiiTrjc; ^avta ^ei^icv f\t6'ce ^v Ste AelvIoc SL(i(j)opo ov etu)^ev, f\\JiOi KaKnoLEv TE Kal StaTiGEaSaL TotatliTa StaSi^ica, !, Sv okkevov ETHicopELTo, XX To oIkeiotoctouc; ^SiKEL' vuvl Se)^p6^EV0 T^l^LV Kal TTEpl TuXElaTOU TTOLO^EVO TtvTOV^^i6vouc; 6ouXr)9T] To8EX(|>uSoO, ooStol cjjaaiv, KXfjpouTtotf^aai TCV lauToO ; Kal tI Blv eu cjjpovcv, S avSpE,TOLaOTa TTEpl TCv aToO (iouXEuaaiTo ; 21 "Oot" ek tot3-Tcov Tv Xycv ^aSlav ^iv ti^v SLyvcoaLV TtE7T0il'|Kaat TtEplaTcov. Et ^lv yp ^veXelv xq StaBfjKac; (iouX6^EVo jjiet-ETT^ITTETO TTjV p)(f]V, OTTEp 1^ t^ELC; (|)a^EV, OuSeI EVEOTlto\5tol Xyo* si S' ojtco 'napapovcov etu)(ev &aQ' i^nSeI TTEpl Xa)(taTOU TtOLEaSaL, TO yVEL TtpcoTEtliovTac; Kal^(pcjivouc; auT tiocvtcov olKEtTaTa, SiKatcc; v SrjTiou T,ToiaTa SLaSrjKa K\jpouc; TTon^aatTE.

    22 "Eti. Totvuv EvBu^EaGE Sti (jxioKovTEc; KaXEtv i^vp)(T?]V KXe

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    ^6 I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSsaires, le testament, tel qu'il est rdig prsentement, leurdonne la fortune, il est permis de se demander avec surprisepar quelles retouches Klonymos pensait le rendre plus ef-fectif. En effet, les autres gens voient l, juges, la forme laplus parfaite de la donation. 25 De plus, s'il voulaitajouter quelque codicille leur avantage, pourquoi ne l'a-t-il pas consign sur une deuxime tablette, alors qu'il n'apu se faire restituer son crit par les magistrats. En effetl'annulation, juges, ne pouvait porter que sur l'acte dposchez le magistrat* ; mais un codicille pouvait tre consignailleurs s'il le voulait, et ne nous laisser aucune possibilit derevendication. 26 Mais concdons encore que le dfunt aitvoulu rectifier son testament; il est bien clair sans doutepour vous tous qu'il ne le jugeait pas correct. Et par lencore en vrit vous reconnaissez l'effronterie de ces gensqui vous demandent de ratifier un testament alors que, deleur propre avis, le testateur lui-mme ne l'estimait pascorrect, et qui sollicitent de vous une dcision contraire lafois aux lois, l'quit et aux intentions du dfunt. 27Poursuivons ; la plus impudente de toutes leurs assertions,c'est d'oser prtendre que Klonymos voulait nous dshritertotalement. Pourtant, juges, qui et-il voulu rendre matre desa fortune de prfrence ceux de ses parents que sa fortunelui servit surtout aider de son vivant ? 28 Et voici le plussurprenant de tout: Kphisandros, un parent de nos adver-saires, jugeait quitable que chacun de nous et une part de lafortune^; mais Klonymos, qui tait notre plus proche parent,qui nous avait pris chez lui, levs, qui prenait soin de nosaffaires comme des siennes, Klonymos seul aurait voulu que

    I. On admet l'ordinaire que la loi altiquc ne permettait pas dervoquer un testament, dpos chez un tiers, en rdigeant un actenouveau; il aurait fallu retirer l'acte ancien ou le dclarer nul devanttmoins (cf. dise. VI, 3i). On peut se demander pourtant si untestament postrieur en date n'annulait par l'ancien.

    a. Il est fait allusion trois fois (cf. a et i6) cette opiniond'un ou de plusieurs parents ou amis des lgataires ; elle avait dtre exprime dans une tentative d'arbitrage ( 35 et 5i).

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    I. nEPI TOT KAENYMOY KAHPOY 26YSYpati^ivaLc; 8ta9f]Katq eSckev aTot ti?)V oatav, KaltoOt' a^Lov Evat ^lot Soke Bau^oc^ELv, b tI tiote ETravop-Sdbaa KupLcoxpa aux flY^^*^' ^^ TTOL^aaL' Toiy^^P &A.Xot

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    37 I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSnous n'eussions aucune part sa succession. 29 Qui d'en-tre vous croirait possible de trouver plus de bienveillance etde modration notre gard chez nos adversaires que cheznos parents les plus proches? Le dfunt, pour qui c'tait undevoir de nous bien traiter et une honte de se dsintresserde nous, ne nous aurait rien laiss de son bien; mais eux,qui n'ont aucune obligation et ne s'exposent nulle honte,nous font une part dans la succession alors qu' les entendre,elle ne nous revient pas. Tout cela, juges, est d'une invrai-semblance extrme.

    30 Si encore Klonymos avait eu envers nous et nos ad-versaires les mmes dispositions sa mort qu'au moment oil rdigea ce testament, leurs allgations pourraient trouverquelque crance parmi vous ; mais en fait, vous allez consta-ter tout le contraire. Jadis il tait brouill avec Deinias quinous servait de tuteur; il nous traitait en consqueace, et iltait trs li avec tous nos adversaires ; au moment de samort, il tait brouill avec certains d'entre eux, et c'tait avecnous qu'il avait les plus troites relations. 31 Les raisonsde sa brouille avec eux n'importent point ici ; mais je vousciterai des faits certains qui la prouvent et pour lesquels jepourrai aussi vous fournir des tmoins. Tout d'abord, un jourqu'il sacrifiait Dionysos et qu'il avait convoqu toute saparent et en outre beaucoup de citoyens, il laissa complte-ment de ct Phrnikos. Ensuite, peu avant sa mort, il allait Panormos* avec Simon; il rencontra ce mme personnage,mais ne put prendre sur lui de lui adresser la parole. 32Bien plus, comme Simon le questionnait sur cette brouille, ilexposa les raisons de son ressentiment et ajouta cette menacequ'il ferait connatre un jour ou l'autre ses dispositions songard. Pour prouver que je dis vrai, appelle-moi les tmoins.

    (Tmoins)33 Pensez-vous donc, juges, qu'un homme, ainsi dispos

    envers eux et envers nous, aurait agi avec nous, qu'il traitaitI. Panormos est un port de la cte orientale de l'Attique.

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    I. nEPI TOT KAEQNYMOY KAHPOY 27Tv aToO. 29 KalTtSv jivTTLaTEiaeLeVEvouaTpouc;Kttl ^lETpccTpouc; To vTiSlKouc; r\\i.lv EvaL TV olKELOX-Tcov; KaKELVov ^v, S Kttl OLvayicaLOV eS tiolelv "^{iSlc; kclIalay^pbv f\\iv f\[uv teoOtc )(pc!jjiEvoc; to\!)tol te aTtaaiv ETrLTr|8ELC(; SLaKEi^iEvoc;*vOv 8 TOTCV ^V TLOL 8Lopv toO Zl^icovoc; Tf)v t' )(0pav8LT]yf]aaTo Kal TTpoaT]TilXr|aEV (Stl SrjXcbaEL tiot' v toOtoto 8L

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    28 I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSsi affectueusement, de manire nous priver mme de toutrecours? A l'gard des autres au contraire, dont quelques-unstaient brouills avec lui, il aurait cherch le moyen de leurconfirmer la possession de toute sa fortune? Ainsi il auraitfait plus de cas encore d'eux, malgr cette inimiti qu'il couvait ;mais nous, en dpit d'une si grande intimit et d'une si grandeaffection, il aurait cherch nous maltraiter davantage? 34A mon avis, en vrit, si mes adversaires voulaient s'attaquerau testament ou au dfunt, j e ne vois pas ce qu'ils trouve-raient de mieux dire. Ils dclarent que le testament n'taitpas en rgle et ne satisfaisait pas le testateur; et lui, ils l'ac-cusent d'une" folie telle qu' les en croire, il aurait prfrses ennemis ses intimes ; ceux qui il n'adressait pas laparole de son vivant auraient reu toute sa fortune*; ceuxavec qui il avait les meilleures relations n'auraient pas t ju-gs dignes de la plus petite part. 35 Ainsi, qui donc parmivous ratifierait par son vote un testament que le testateur arejet comme inexact ; que nos adversaires annulent en faitpuisqu'ils consentent nous faire part gale dans la succes-sion ; que nous enfin nous dmontrons contraire la loi, l'quit, aux intentions du dfunt?

    36 Vous pourriez, je crois, connatre notre bon droit parnos adversaires eux-mmes^. Car si on leur demandait pour-quoi ils prtendent devenir les hritiers des biens de Klony-mos, ils auraient rpondre qu'ils ont un certain degr deparent avec lui et que le dfunt, durant un temps, fut enbonnes relations avec eux. Ne parleraient-ils pas pour nousplutt que pour eux en faisant cette rponse? 37 Si ledegr de parent dtermine le droit une succession, noussommes les parents les plus proches ; si l'on considre l'affectionexistante, tous le savent, c'est envers nous que Klonymos

    I . On a pu relever ici l'audace du raisonnement que marque unegradation savante. Ise tablit la brouille existant entre Klonymoset l'un des lgataires, Phrnikos ( Si-Sa) ; puis cette brouilles'tend quelques-uns d'entre eux ( 33) ; il se trouve enfin queKlonymos n'adressait plus la parole aucun ( 34).

    a. Lieu commun cher aux orateurs, consistant utiliser les argu-ments des adversaires contre eux.

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    I. nEPI TOT KAEQNTMOY KAHPOT 28TtoLEv SoTE tir)8 X6yov ttoXeIi^elv, totol Se, ov Ttatv KalStdicpopo ?\v, OKOTTELV bTrco ttTTaaav (iE6aLcbaL Tf)V oatav ;Kal TOl^TOU ^V VOV TTEpl TiXeIoVO T[0LELa9aL Tai3Tr|TT0t3ar)

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    ag I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSmontrait les sentiments les plus tendres. Ainsi ce n'est pas denotre bouche, mais de la leur qu'il faut connatre le bon droit.38 II serait extrmement dplorable qu' l'ordinaire vousprononciez en faveur de ceux qui peuvent tablir l'un oul'autre de ces titres, la priorit dans la parent ou dans raCfec-tion du dfunt, et que nous, qui, de l'aveu de tous, lespossdons tous les deux, vous dcidiez de nous exclure, nousseuls, de la succession de Rlonymos.

    39 Supposez que Polyarchos, le pre de Klonymos, notreaeul, ft vivant et manqut du ncessaire; ou que Klony-mos sa mort et laiss des filles dans le besoin ; c'est nousqui, en raison des liens de parent, aurions t obligs defaire une pension alimentaire notre aeul et d'pouser lesfilles de Klonymos ou de leur trouver des maris en les do-tant; et la parent, les lois, le respect humain nous impo-saient ces obligations sous peine d'encourir les plus graveschtiments et les pires affronts ^ 40 Mais s'il a t laissune fortune, trouverez-vous juste qu'elle aille d'autres qu'nous? Alors, votre dcision ne sera ni quitable ni conforme votre intrt ni en accord avec les lois, si vous imposez auxparents les plus proches la solidarit dans le malheur et si,au contraire, quand il y a une sucession recueillir, vousl'attribuez n'importe qui plutt qu' eux,

    41 II faut, juges, avoir gard la parent et aussi lamatrialit des faits, pour donner, selon votre habitude, gainde cause aux hritiers naturels de prfrence ceux qui plaidenten se rclamant d'un testament^. Car les liens de parent setrouvent connus de vous tous et, sur ce point, on ne vous peuttromper. Au contraire, bien des testaments dj ont t pro-duits qui taient faux ; les uns, forgs de toutes pices, d'autres,

    1. En ngligeant les devoirs envers les parents, on encourait uneaccusation (^paori xaxwasw;) qui entranait des amendes, la perte desdroits civils ou d'autres peines aflictives. lien tait de mme l'garddes filles dites piklres, c'est--dire orphelines sans frre : le plusproche parent devait les pouser, ou les doter, si elles appartenaient la classe des citoyens les moins fortuns.

    2. On trouvera un dveloppement analogue dans le discours IV, 15-17.

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    I. nEPI TOT KAEQNTMOY KAHPOY 29iKElXEpOV SiaKEl^EVOV. "Cloi' O )(J)^ Tx

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    3o I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSconus en dpit du bon sens. 42 Ici c'est notre parent etnotre intimit avec le dfunt que nous faisons valoir, et vous entes tous instruits : au contraire, le testament, sur lequel lesautres s'appuient pour nous chicaner vilainement, nul de vousne sait s'il est effectif. Ensuite, sur le degr de parent, voustrouverez l'accord de nos adversaires eux-mmes ; mais contrele testament, les objections que nous soulevons : Klonymosvoulait le dtruire, eux l'en ont empch. 43 Ainsi, juges,il vaut bien mieux que vous dcidiez conformment la pa-rent, reconnue par les deux parties, et non conformment un testament qui n'a pas de valeur. En outre rflchissezque Klonymos a annul ce testament en pleine conscience,qu'il l'a rdig au contraire dans un accs de colre, sansrflexion ; il serait donc tout fait rvoltant d'attribuerplus d'autorit un mouvement de colre qu' une dcisionraisonne.

    44 Vous considrez, je pense, comme votre droit de re-cueillir la succession de ceux qui, l'occasion, auraient hritde vous, et comme un dni de justice d'en tre frustrs. Ad-mettez donc que Klonymos ft vivant, que notre famille oucelle de nos adversaires se ft teinte, et voyez de qui il auraithrit : il est bien juste que ses biens reviennent ceux dontles biens auraient d lui revenir. 45 Que Phrnikos oul'un de ses frres ft mort, les enfants des autres, et non Klo-nymos, seraient devenus matres de la fortune laisse; sipareil sort nous tait advenu, Klonymos hritait de tout;nous n'avions ni enfants ni autres parents^; il nous touchaitde plus prs que tous et avait le plus d'intimit avec nous.46 Ainsi, pour cette double raison, la loi lui attribuait notresuccession et nous n'aurions jamais cru juste de la lguer un autre. Jamais en effet, de notre vivant, nous ne lui au-rions laiss la gestion de nos biens, de telle sorte qu'il en

    I. Raisonnement sophistique : si Phrnikos et ses frres n'avaientpas eu d'enfants, ce qui tait le cas des neveux, il est possible queKlonymos et t leur hritier lgitime. Du moins ce passage tablit-il en droit la vocation hrditaire de l'oncle d'un dfunt, laquelle a tconteste par quelques auteurs.

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    I. QEPI TOT KAENTMOr KAHPOT 3o42 Kal vOv ^is xi^v ^v auyyveLav Kal ti?)v olKeLTT^xaTfjv iq^iETpav, o f\[L.lq ycvi^^ieBa, &7TavTEc; ETrLaTaaSe*x 5 SLaSrjKa, ac; oCtol TrtaTEtiovTEc; T\\xdic; a\JKov ^oXoyo\!)tiEvov ^SXXov f) Kax x 5La8f]Kac; Ta ouStKalcoc; yEyEvrjuva. Hpb Se toutol Ev9utif]9T]TE 8tlauT IXuaE ^v KXeovu^o e3 c|)povcov, Sl9et:o Bk pyia-9eIc; Kal ok p9 (iouXEu6^iEvoc;, oSaTE TrvTOV v EtT|SEivxaTov, eI KuptTpav auxoO Tf]v opyfjv ) xfjv StvotavTTOlfjaETE.

    44 OT^xat S' ^iS Kal XajiBAvELv nap toi^tcv ^loOvKal [if] Tuy)(

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    3i I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSdispost plus souverainement* que nous, pour instituer enmourant d'autres hritiers que notre meilleur parent. 47Ainsi, juges, dans les deux cas, pour donner ou pour rece-voir, vous trouverez en nous des parents qualifis^; mais nosadversaires aujourd'hui talent leur impudence et allguentl'intimit, la parent^ parce qu'ils prvoient un profit; seft-il agi de donner, ils auraient dcouvert quantit deparents et d'amis plus chers eux que Klonymos.

    48 Voici le rsum de notre argumentation : prtez-ytous attention. A mesure que nos adversaires fournissent cesexplications et s'efforcent de vous persuader que le dfunt afait ce testament, que jamais dans la suite il ne s'en est re-penti, et qu' sa mort encore, il voulait nous dshriter etleur confirmer, eux, sa donation, 49 mesure qu'ilstiennent ces propos et y insistent sans vous prouver ni qu'ilssoient les parents les plus proches ni que Klonymos ait tmieux dispos leur gard qu'au ntre ^, rflchissez, vous,qu'ils accusent le dfunt, mais ne vous dmontrent en rienla justice de leur cause. 50 Ainsi donc, si vous ajoutez foi leurs paroles, il convient non pas que vous leur attribuiezla succession, mais que vous taxiez de folie Klonymos ;si vous ajoutez foi aux ntres, vous devez croire qu'il a prisune saine rsolution en voulant annuler son testament, quenous ne cherchons pas de mchantes querelles, mais quenous faisons valoir de justes revendications. 51 Considrezencore, juges, qu'il ne vous est pas possible de dcider sur

    1. Klonymos a pris soin de la fortune de ses neveux mineurs,aprs la mort de Deinias ( 12); postrieurement ils lui en auraientlaiss la disposition.

    2. Une argumentation analogue se retrouve dans le quatrimediscours ( a3) ; c'est un lieu commun, qui ne correspond pas exac-tement la ralit : le fils hrite du pre ; mais, selon toute vraisem-blance, le pre n'hrite pas du fils et, d'une manire gnrale, ledroit attique ne reconnat pas la vocafion hrditaire des ascendants.3. Le demandeur a dj indiqu que ces deux points taient essen-tiels ( 17 et 36). D'aprs divers passages des orateurs, les jursadmettaient qu'un testateur, dans le cercle de sa parent, se laisstguider par ses prfrences.

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    I. nEPI TOT KAEQNYMOT KAHPOY 3iTf]v oatav, &aie TTEpl tv fj^iExpcDV KuptcTpav Evat ti?)vekeIvou Stvoiav Tfj i^jiExpa aTv, Tio8vr)aKOVTEc; 8aXXou KXr)pov6^ouc; ouXl^SrjjAEV (Evai) aTcv ^6lXXov f\t6v TrvTCv oLKEL6TaTov. 47 "OaS* i^^iSc; \xkv v ^q yyuTpc t yvEL TtpoafjKouaL^ir]8' O olKELTEpOV f) ^COV TTp KXE(i)VU^OV SlEKELVTO, ^ELvGu^xEaBE 8tl ekeIvou KaxriyopoOaLV, XX' o)( c; SlKaL6vEOTL t6 TipSy^a StSaKouaLV ^iS. 50 "ClaQ' ^iel bxav{JIV TOL TOliTCOV X6yOL TCLaTEliriTE, ou TO\JTOU Ttpoa/jKELToifjaaL TCOV ekeIvou kXt]pov6^xou

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    Sa I. LA SUCCESSION DE KLONYMOSl'affaire selon leurs conclusions. Car ce serait la chose dumonde la plus absurde si vous, quand nos adversaires recon-naissent qu'en bonne justice nous devons avoir une part dela succession, vous dcidiez de la leur donner tout entire, etsi vous estimiez qu'eux doivent recevoir plus qu'ils n'ontrevendiqu pour eux-mmes, mais que nous, nous ne mri-tons mme pas ce que nos adversaires nous concdent.

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    I. nEPI TOT KAENTMOY KAHPOY 82auTcov. nvTcov y^P ^^ eXt] SstvxaTov, eI tv vTiSlKovyLyvcaKdvTCOv i^^Sc; S'iKatov EvaL t6 ^po auTcov Xaev,^iEc; SrravT' auxo ex^*-^ ipr)LE'a8E, Kal toi3touc; ^vif^yf|aEa8 ^P^vai tcXeI XuBelv Sv atol o

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    II

    NOTICE

    Mnkls avait pous en secondes noces une fille d'po-nymos ; n'en ayant pas d'enfants, il se spare d'elle l'amia-ble et adopte un frre de cette femme. Lorsqu'il meurt,vingt-trois ans aprs, son propre frre conteste l'adoption etrclame la succession. Le fils adoptif, qui la loi attique

    Fille IDfendeur(adopt parMnkls)

    Mnkls (II)

    STEMMApontmos

    I

    Fils Fille(pouse

    Leurolophos)

    1 rDeux enfants

    Fille "i 0 MNBKLis Deu^i

    1 rFils Fils Fils

    confrait la saisine tout comme au fils par le sang si l'adop-tion avait t conclue entre vifs, riposte cette prtentionpar la procdure spciale de la BiauLaprupta : il fait attester parun tmoin qu'il existe un fils, adopt lgalement par ledfunt, et qu'il n'y a donc pas lieu une adjudication parvoie judiciaire de la succession. Le demandeur doit alors,avant toute autre dmarche, se tourner contre celui qui aattest la validit de l'adoption et lui intenter une action enfaux tmoignage. C'est dans cette action que le fils adoptif

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    34 II. LA SUCCESSION DE MNKLSprononce le prsent discours pour la dfense de son tmoin.Selon l'auteur de Vhypothsis, ce tmoin serait Philonids, lebeau-pre du dfendeur ; peut-tre avait-il tir ce renseigne-ment d'un titre du discours diffrent de celui qui nous a tconserv et correspondant mieux l'objet du procs (Tzlp4>tX(ov''Bou).

    Mais le discours prononc pour la dfense du tmoin nediffre gure de celui par lequel le fils adoptif aurait justifide ses droits. La partie adverse soutenait principalement quel'adoption devait tre invalide parce qu'elle avait t faitesous l'influence d'une femme, la sur du dfendeur, qu'onreprsentait comme la concubine de Mnklcs ( 5). Ce casd'annulation tait prvu par la loi qui permettait unhomme priv d'enfants mles la libre disposition de sesbiens : sinon dans la rdaction primitive, qui remontait Solon, du moins dans la forme qui nous est connue ds lev^ sicle, elle assimilait la dmence ou la snilit la sduc-tion exerce par une femme sur la volont du testateur ( i).Le dfendeur carte ce soupon par une argumentation assezrapide ( 19). Il s'efforce surtout d'tablir pourquoi il a tchoisi par Mnkls avec qui il n'avait, quoi qu'il en dise, aucunlien de parent (cf. p. 89, note 2): on adoptait l'ordinairedans le cercle de la famille ; mais ici, dfaut de parents, Mn-Jtls a pris une dcision conforme d'anciennes affections.

    Le fils adoptif dclare aussi qu'il ne retire nul avantagepcuniaire de l'adoption et que, du vivant mme de Mnkls,son frre a russi accaparer le plus clair de la fortune. Surce point, le rcit manque de clart ( 28 et suiv.). Selon unepratique courante, Mnkls avait t charg par l'archonte la suite d'une adjudication d'administrer une partie desbiens laisss par Nikias ses enfants mineurs ( 9) ; il avaitdonn comme garantie une hypothque sur son domaine.Quand vint le moment de rendre des comptes, sans doute la majorit de l'an des orphelins, Mnkls ne put oprerla restitution du capital et des intrts sans vendre sondomaine. Son frre fit alors opposition cette vente. L'ora-teur expose d'abord que cette opposition devait avoir pour

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    NOTICE 35effet de faire tomber le domaine tout entier aux mains del'orphelin : l'opposition aurait donc t fonde sur l'existencede l'hypothque de garantie, et il faudrait penser alors quele frre tait l'un des tuteurs des enfants et agissait en cettequalit. Mais, par la suite, on voit le frre revendiquer pourlui une partie du domaine et l'obtenir la suite d'un arbi-trage. Le plus simple est donc d'admettre que le domainetait rest indivis entre les deux frres, que Mnkls legrait, et qu'au moment de la vente l'opposition de l'autrevise faire rserver ses droits. On peut douter d'ailleursqu'une fois le mineur dsintress et le frre nanti d'une partde la proprit, la succession de Mnkls ait t rduite dansles proportions o l'orateur le prtend.

    D'aprs le 6, le dfendeur et son frre semblent tre partispour la Thrace non pas dans une expdition organise p ariacit, mais comme mercenaires avec Iphikrats. Il ne s'agiraitdonc pas des oprations qui prcdrent la paix d'Antalkidas(889 ou 388 387/6), mais des luttes soutenues parIphikrats pour le compte du roi thrace Kotys 1% qui taitdevenu son beau-pre. La date de l'avnement de Rotysn'est pas assure ; on la place d'ordinaire vers 383. Si lesdeux frres sont partis en Thrace ds cette anne et en sontrevenus deux ans plus tard, l'adoption peut dater de 878environ; la mort de Mnkls survient 23 ans aprs. Lediscours, compos vers 35 A, serait une des dernires uvresconserves d'Ise.

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    Il

    LA SUCCESSION DE MNKLS

    Sujet du discoursMnkls adopta un fils et survcut vingt-trois ans

    cette adoption. Quand ses frres^ revendiqurent sa succes-sion, un certain Philonids attesta qu'il n'y avait pas lieud'adjuger l'hritage, attendu que Mnkls avait laiss unfils. Les frres intentrent contre lui une action en faux-tmoignage et c'est contre eux que le fils prend la dfensede son tmoin. Ce discours est la contre-partie de celui quiest relatif l'hritage de Klonymos, car dans celui-l ondfend les droits des parents, ici le testament. Le dbatporte sur un point de droit avec controverse sur une ques-tion de fait: (le dfendeur) affirme en effet que le dfuntavait le droit d'adopter ; ensuite la question de fait : cen'est pas sous l'influence d'une femme qu'il m'a adopt.1 J'estimais, juges, que si jamais adoption avait eu lieu

    dans des conditions lgales, c'tait bien la mienne, et que nuln'oserait prtendre que Mnkls en m'adoptant n'avait passon bon sens ou tait sous l'influence d'une femme. Maispuisque mon oncle-, agissant sans mre rflexion, comme jel'afTirme, fait tous ses efforts pour priver de descendance sonpropre frre dfunt, sans respect pour les dieux familiaux nipour aucun de vous, il est fort ncessaire que je prenne ladfense du pre qui m'a adopt et de moi-mme. 2 Je

    1. Il n'est question que d'un frre auquel est parfois associan fils.2. Appellation donne dessein pour affirmer l'adoption.

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    II

    nEPI TOT MENEKAEOYI KAHPOY'YTx68eaL

    MevskXou TTOLr)aa^vou ul6v Kal TiL6LaavTo Tf|TTOifjaEL EKOOL Tpta ETT] , SeXc^cv ^(J>ia6r)Trja(ivTcovToO KXrjpou E^apTt3pr|a tl LXcovLSr| \xi] eXvoli t6vKfjpov E-nlSiKov, KaTaXEL^javro ulv MevekXouc;.ToTCp ETTaKrjvpav ipEuSojiapTuptaq ol SEXc|>ot, Kal TipTOTOU TuaL Tip ttUToO Tf]v dtTToXoytav EakpyEtai.*'EaTL 8 Xyo outoc; EvavTuo t TUEpl toO KXecov\3^ouKXfjpou" EKEL ^v yp Tip auyyEVElaq etiev, S8e 8Tip 8La9f)KT](;. 'H aitaiq vTLXr|i|jic; Kax aTOxaa^ivXyEi yp tl e^^v auT ttolev auT ul6v. ETa t8aT0)(aaTLK6v, bxi ou ttelgBeIc; yuvaiKl ETtoifjaaT ^ie.1 'Hyo^iriv ^lv, S &v8p AQ.

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    37 II. LA SUCCESSION DE MNKLSvous dmontrerai donc, en remontant l'ongine, que l'adop-tion a t faite dans les rgles et selon les lois ; qu'il n'y apas lieu d'adjuger par voie judiciaire la succession de Mn-kls du moment que j'existe, moi, fils du dfunt, et que letmoin qui l'a attest dans l'opposition a dit vrai. Je vousdemande tous, je vous conjure et vous supplie d'accueillirmes paroles avec bienveillance.

    3 ponymos d'Acharns*, notre p^re, juges, tait un amiet un familier de Mnkls et avait d'intimes relations aveclui. Nous tions quatre enfants, deux fils et deux filles. Aprsla mort de notre pre, nous avons mari notre sur ane,lorsqu'elle fut en ge, avec Leukolophos, en lui donnantvingt mines de dot 2. 4 Trois ou quatre ans aprs, notresur cadette avait peu prs l'ge de se marier, et la femmede Mnkls, la premire, vint mourir. Aprs lui avoirrendu les derniers devoirs, Mnkls nous demanda la mainde notre sur, en nous rappelant l'amiti qui l'unissait notrepre et les sentiments qu'il avait envers nous-mmes. 5Nous donc, sachant bien que notre pre ne lui aurait prfrnul autre gendre, nous lui donnons notre sur en mariage,non point sans dot, comme notre adversaire le rpte sanscesse ^, mais en lui constituant la mme dot que prcdemment la sur ane. C'est de la sorte qu'amis auparavant, noussommes devenus parents. Que Mnkls ait reu en mmetemps que notre sur vingt mines de dot, je veux vous enfournir en premier lieu le tmoignage.

    Tmoignage6 Aprs avoir ainsi mari nos surs, juges, comme nous1 . Acharnes, dme attique dans la rgion du Parns.2. Les frres sont tenus d'tablir leurs surs avec une dot propor-

    tionne au patrimoine qu'ils se sont partage. La dot, reprsentantmoins de deux mille francs, indique un tat de fortune modeste.3. L'absence de dot peut inspirer des doutes sur la lgitimit dumariage; voir le discours IIL

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    IL nEPI TOT MENEKAEOTS KAHPOY 87o3v tiS ^ ^PX^^ "^ TipoariKvicq te Kal Kax tov6^iou yvETO 1^ Tioir\oi

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    38 IL LA SUCCESSION DE MNKLStions en ge, nous nous sommes tourns vers le service mili-taire et nous sommes partis pour la Thrace avec Iphikrats*.L-bas, nous nous sommes dislingues et nous avons acquisquelques ressources^ : nous sommes alors revenus ici et nousavons trouv notre sur ane avec deux enfants, mais lacadette, qu'avait pouse Mnkls, n'en avait point. 7 Etlui, un ou deux mois aprs, tout en se louant fort de notresur, nous tint le langage suivant: il nous dit qu'il se tour-mentait en se voyant avanc en ge et sans enfants : il ne fallaitpas que notre sur et pour seul prix de ses vertus de vieillirsans enfants ct de lui ; il suffisait que lui seul ft mal-heureux 3. 8 II nous demandait donc comme une grce dela marier un autre, avec son propre consentement. Nous leprimes d'obtenir l'assentiment de notre sur sur cette ques-tion et, selon ce qu'elle aurait accept, nous nous dclarmesprts agir. 9 Tout d'abord, elle ne voulut pas mme enentendre parler, puis avec le temps, mais non sans peine, ellecda. C'est ainsi que nous l'avons marie avec leios deSphettos * ; Mnkls remet la dot au mari car il venaitd'obtenir la gestion d'une partie de la fortune des enfantsde Nikias^ quant au trousseau qu'elle avait apport etaux bijoux qu'elle avait, il lui en fait cadeau personnelle-ment ^ 10 II se passa un certain temps ; Mnkls avisaaux moyens de ne pas rester sans enfants et d'avoir quelqu'unqui, tant qu'il vivrait, prendrait soin de sa vieillesse, l'en-sevelirait aprs sa mort, et dans la suite lui rendrait les devoirs

    1. Voir la notice.2. Le mtier de mercenaire pouvait rapporter des bnfices; voir

    le discours IV.3. A la suite de ces mots, les manuscrits donnent: Ce terme

    prouve videmment qu'il l'aimait, lorsqu'il la rpudia, car on n'adressepas des prires pour celui qu'on dteste . C'est une glose marginale,passe dans le texte.

    4. Sphettos, dcme au Sud-Est d'Athnes.5. La phrase explique pourquoi Mnkls a pu restituer la dot. Sur

    la gestion qu'il exerce, voir la notice.6. Trousseau et bijoux n'avaient pas t compris dans la dot, et

    Mnkls n'tait pas tenu les restituer.

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    II. riEPI TOT MENEKAEOTS KAHPOY 38Tol v fjXLKla, ettI t6 oxpaTEcaBai ETpaTTjiEBa Kal&TTE8rm/|aatiEV jietA 'l(J)LKp(iTouc; eI 0p(S:KT]V eke 886^aVT TOU Evat a^lOL TTEpL7T0LT]a

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    39 II. LA SUCCESSION DE MNKLSaccoutums. Il voyait que son frre, (notre adversaire actuel),n'avait qu'un fils ; aussi lui semblait-il honteux de le priverde descendance mle en lui demandant ce fils en adoption '11 II ne trouvait donc personne plus proche de lui quenous ^ ; en consquence il nous fit des propositions et nousdit qu'il lui semblait bon, puisque le sort avait voulu qu'iln'et pas d'enfants de notre sur, d'adopter un fils danscette famille mme d'o il aurait dsir avoir des enfantspar voie naturelle. Je veux donc, dclara-t-il, adopter l'unde vous, celui qui y consentira . 12 Aprs avoir entenduces paroles^, mon frre approuva sa rsolution et lui dit queson ge et son isolement exigeaient des soins et une prsenceassidue. Pour moi, ajouta-t-il, il se trouve que je ne rsidepas ici, comme tu le sais ; mais mon frre que voici il medsignait prendra soin de tes affaires ainsi que des miennes,si tu veux l'adopter . Mnkls dclara qu'il avait raison etc'est ainsi qu'il m'adopta.

    13 Cette adoption tait lgale; je veux vous le montrer.Lis-moi la loi autorisant la libre disposition des biens person-nels dfaut d'enfants mles de naissance lgitime*. Le lgis-lateur, juges, a tabli cette loi parce qu'il voyait que l'uniquerecours dans l'isolement et l'unique consolation dans l'exis-tence pour les hommes privs d'enfants tait la libert d'adop-ter qui leur plaisait. 14 Ainsi donc, comme les lois l'auto-risaient adopter, puisqu'il n'avait pas d'enfants, il m'a

    1 . La conduite de Mnkls est oppose ainsi celle de son frrequi veut le priver de descendance en contestant l'adoption ( 23).

    2. Le dfendeur veut donner entendre qu'il appartient la maison de Mnkls (o/.eo;) ; cf. 5 et 22. C'est une manirede lgitimer l'adoption. En fait, depuis le divorce de Mnkls, il n'aplus avec lui le moindre lien de parent.

    3. Les manuscrits donnent ensuite : puisqu'il les prfrait tous . On a voulu corriger puisuc en savoir que et les en nous. Ilest plus simple de supprimer cette glose inutile.

    4. La loi ne sera lue qu' la fin du 16. Ise en a donn en grosle contenu (voir encore les dise. III, 68 ; IV, 16 ; VI, 9). Le textemme, qui a donn lieu de nombreuses discussions, parat treconserv dans le deuxime discours contre Stphanos attribu Dmos-thne (XLVI, i/J).

    ^V

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    IL nEPI TOT MENEKAEOTS KAHPOY 89va ti6vov 6v ovTa, oSaxe e86kl aux alay^pbv evatSnaiSa toOtov KaSiaTocvTa ppvcv naiScov aTw RcXciieLVSoOvat toOtov elorroLrjaaaSaL. 11 HuptcKEV ouv ouSv'&XXoV olKElTEpOV 6v6' l^^COV EttUT. AyOU oSv TipO T^^iSETTOLELTO Kttl ECf>r| SoKELV OLVlQ> KaXc SX^*-^' ETTEtSf) oOtCauT^ f\ T\i)(Tl cjuvBr) aaiE ek Tfjc; 8EX(|)f]c; Tjc; fj^AETpac;TTaSa auT ^if] "^EvkaQoii^ ek Tatjxrjc; xfjc; olKtac; 6v aTTT0tf)aaa8aL, SBev Kal T] axv XyEtv Kal ek xoO xp6TTouXOtJXOU TIOlEXat (lE.

    13 'Cl oSv Kax xoiL) v6^iou yvexo f\ TTotrjaLc;, xoOxa^a |io\3Xo^iaL8L8(i^aL. Kat ^ol x6v v^iov auxv vyvcoSL,B keXei^el x auxoO ^ELVat 8La8a8aL bTico &v e8Xt],v \ii] TTaL8Ec; cppEVEq oql yv/]aioi. *0 yp votio8xr|, SivSpe, Su xoOxo x6v v6tiov 8r|Kv oOxcoc;, pv ji6vr)vxaiixT^v Kaxauyf]v oSaav xf^ Eprm'iac; Kal TiapavpuxVxoO (itou xoL aTiataL xcv v8p(i)Ticov, x6 ,ELvaL TTOLi^aaaBaL8vxtva &v (ioi&XcvxaL. 14 Al86vxcv oCv xv vjiov ax7TotEa8ai 8L x6 Evat &TTat8a, ji TTOLExai, ouk ev

    7 xeXsust Q 11 8 xouTOv AQ : t6v u!v Dob. || il i eupiaxev A :-arxo[Ji.v Q 11 4 aTtu om. Q || 8 TWT^po) A || r/eiv Q || 12 i sjjlom. A 11 2 post xauTa habent sTZctr) ;cpoeTi[xriav aTo; TavTtov AQ,utgloss. del. Dob. || 3 y.c ante rj om. Q |1 4 7ii8T)jJL7faav-o; Q || 5

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    40 IL LA. SUCCESSION DE MNKLSadopt, non pas dans un testament, juges, par crit, au mo-ment de mourir, comme d'autres citoyens, ni mme au coursd'une maladie. Nullement; il tait bien portant, il avait toutesa raison et toute son intelligence lorsqu'il m'adopta; il m'aintroduit dans sa phratrie en prsence de ces gens-ci et il m'afait inscrire dans son dme et dans sa confrrie * . 15 A cettepoque, mes adversaires actuels n'ont fait aucune objectioncomme s'il se ft agi d'un acte draisonnable. Pourtant il auraitt plus honnte de tcher de le gagner leurs dsirs de sonvivant plutt que de lui faire affront aprs sa mort et de laissersa maison s'teindre. Car Mnkls survcut l'adoption nonpas un an ou deux, mais vingt-trois ans, et, durant tout cetespace de temps, si long pourtant, le dfunt n'a jamais eu unregret de son acte, parce que tous reconnaissaient la sagesse desa rsolution. 16 Pour prouver que je dis vrai, surl'adoption d'abord, je vous fournirai comme tm3ins lesmembres de la phratrie, de la confrrie et du dme ; sur lalgitimit de l'adoption, on vous lira la loi conformment laquelle a eu lieu l'adoption. Lis-moi ces tmoignages et letexte de la loi.

    Tmoignages. Loi17 Ainsi il tait permis Mnkls d'adopter comme filsqui il voulait : la loi mme le prouve ; l'adoption a eu lieu :

    les membres de la phratrie, du dme, de la confrrie vousl'ont attest. Nous avons donc dmontr d'une manire cla-tante, juges, que le tmoin a attest la vrit dans la proc-dure d'opposition et, sur le chef de l'adoption au moins,nos adversaires n'auraient pas un mot rpliquer. 1 8 Aprsavoir rgl cette affaire, Mnkls me cherchait une femme etdclarait que je devais me marier. J'pouse donc la fille dePhilonids. Le dfunt avait envers moi la sollicitude qu'anaturellement un pre envers un fils, et moi, de mon ct,

    I . L'introduction du fils adoplif dans la phratrie de son pre et soninscription au registre du dme sont deux formalits officielles. Laconfrrie (6 cY;.iv;) intervient, parce que ce groupement parat aA'oirfait partie intgrante de la phratrie.

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    II. riEPI TOT MENEKAEOTS KAHPOY ^o5ia6/|KaL, S avSpE, yp^pa, jaXXcov Tio8vr|aKetv, &

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    Ai II. LA SUCCESSION DE MNKLStout comme s'il s'tait agi d'un pre selon la nature, je lesoignais et je le respectais, et ma femme se rglait sur moi,en sorte que Mnkls se louait de nous devant tous les gensdu dcme sans exception.

    19 Que Mnkls n'ait t ni dment ni docile l'in-fluence d'une femme lorsqu'il m'adopta, mais au contraireen possession de toute sa raison, voici qui vous permettrad'en juger facilement. Tout d'abord ma sur, laquellemon adversaire a consacr la plus grande part de son discours,en prtendant que c'tait elle qui avait persuad au dfuntde m'adopter, ma sur avait t remarie bien avant lemoment de l'adoption. Si donc il avait adopt un fils pour luicomplaire, il aurait adopt l'un de ses enfants, car elle en adeux. 20 Mais, juges, ce n'est pas ma sur qui l'apoussm'adopter, il y a t pouss bien plutt par son propre isole-ment ; ajoutez en second lieu les raisons prcdemment diteset l'affection qu'il avait pour mon pre, en troisime lieul'absence de tout parent par le sang^ dont il et pu faire sonfils. Voil les raisons qui l'ont alors amen m'adopter ; il estdonc bien vident qu'il n'tait ni hors de son bon sens, ni sousl'influence d'une femme moins que mon adversaire neveuille donner ce nom la solitude et la privation de pos-trit. 21 J'aurais plaisir apprendre de mon adversaire,qui se prtend si raisonnable, lequel Mnkls devait adopterparmi ses proches. Est-ce son fils lui ? Mais il ne le lui auraitpas donn pour se priver lui-mme de descendance. Non, cethomme n'est pas cupide ce point. Est-ce le fils de sa sur,de sa cousine ou de son cousin '^ ? Mais il n'avait absolu-ment aucun parent de ce degr. 22 II lui fallait doncncessairement adopter quelqu'un d'autre ou bien vieillirsans enfants, ce qu'il aurait d faire, au gr de mon adver-

    I. Il faut tenir compte de l'hellnisme dans l'emploi de oXXov. Onn'entendra donc pas : en l'absence de tout autre parent par le sang ; ledfendeur ne va pas jusqu' se donner pour un auyyvjr,; de Mnkls ;cf. L. Gernet (i?eu. des tudes Grecques, igao, p. i35, note i).

    a. Il n'y a aucune raison de croire que Mnkls ait eu une sur oudes cousins germains; Ise indique les divers degrs de la parent troite.

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    II. nEPI TOT MENEKAEOrS KAHPOT 4if^^ELV, Kal lyo Tv aT6v xpTTOv oTiEp ^va ovTaTxaxpa ^iauToO e8ep&7TEu6v te Kal ipaxuv6^r|v, Kal EyoKal T^ Y"^^ A ^l^^' "^'^' EKEVOV TTp TO SrUlTa ETTaL-VELV aTtavTac;.

    19 "Otl 5 ou Tiapavocov ouS y^^***-*^^ ttl96^evoc; MEVEKXfj ETioLfjaaTo, XX' EU c^povcov, evSvSe eotIv^LV pStOV ETTlYVCDVaL. flpCOTOV \xkv Y^p f^ 8EXcf>f] , TlEplfj oQtO t6v TlEtaTOV TOO AyOU TTETTOLr)TaL, a> EKElvrittelgBeI k\ik ETioLfiaaTo, ttoXX TtpxEpov ^v ekSeSo^ivt]TTplv ] Ti^v TrotrjaLv Y^vaSai, ot' el y' EKEivr) -nELcBElc; t6vv ETTOLETO, tSv EKELVT^C; TiatScV Tv ETEpOV ETTOLfjaaT' avZ

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    43 IL LA SUCCESSION DE MNKLSsaire. Pour moi, je pense que, de votre avis tous, il nepouvait choisir personne qui ft plus proche de lui * quemoi pour l'adopter. Que mon adversaire vous montre quel-qu'un d'autre ; mais il en serait bien incapable ; car iln'existait aucun parent hormis ceux que j'ai dits.

    23 Mais, en ralit, le grief que mon adversaire laisseclairement apparatre contre Mnkls n'est pas qu'il n'aitpoint adopt son fils, mais bien qu'il ait adopt un fds etqu'il ne soit pas mort sans enfants ; voil son grief, en quoison attitude est odieuse et injuste^. Alors qu'il a lui-mmedes enfants, on le voit s'en prendre un homme qui n'enavait pas pour son malheur. 24 Tous les autres hommes,Grecs et Barbares, jugent sage cette loi sur l'adoption et pourcette raison, elle est d'une pratique universelle^. Mais mononcle ici prsent n'a pas honte de refuser son frre unefacult, celle d'adopter, que jamais personne n'a contestemme des trangers. 25 Je suppose que si quelqu'unlui demandait ce qu'il aurait fait, frapp du mme malheurque le dfunt, il ne trouverait rien rpondre sinon qu'ilet adopt un fds pour le soigner de son vivant et l'enseveliraprs sa mort * ; et il est bien clair que l'adoption aurait eulieu dans les mmes conditions lgales que la mienne. Etalors lui, s'il n'avait pas eu d'enfant, en aurait adopt, maisMnkls, qui a agi comme lui-mme et fait, est accus parlui d'avoir adopt par folie et par faiblesse pour une femme.26 N 'est-il pas vident que ses propos sont misrables?Pour moi je pense que c'est lui qui draisonne, comparerle langage qu'il tient actuellement et ses actes. Ses paroles

    1. Mme quivoque sur le mot ozso; qu'au ii.2. Tout le dveloppement qui suit est un lieu commun, frquent

    dans les discours relatifs une adoption conteste.3. Isocrate (Aigintique, 5o) se contente d'allguer que la pratique

    lgale de l'adoption est d'usage courant chez tous les Grecs, ce qui estappuy par les tmoignages pi graphiques.

    4. Tels taient les deux devoirs essentiels du fils envers le pre,lesquels taient en mme temps des obligations lgales : les honneursfunbres ne peuvent pas plus tre ngligs impunment que la pen-sion alimentaire.

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    II. nEPi TOT menekap:ots KAHPOY 4'Ey Totvuv TivTa [v9p(!TTouc;] av oT^iat ^ioXoyfiaat^S q oK v TioiT]atiEvoc; tXXov olKEiTEpov ^oOTXoifjaaT' av. Ael^octco yp oCto ^v. 'AXX' ouk &vTioTE 8\&vaLT0- fjv y^P oSeIc; aXXoc; auYY^vf] aTcp nXfjvTOTCV.

    23 'AXX vOv ouTo etiltl^ov aTco aLVETaL ou)( bxtTv bv oK ETTOLfjaaxo t6v aToO, XX' bxL t6 TrapdtTravETIOLfjaaTO Kal OUK ETEXEUTrjaSV OtTUaL" ToOt' EOTLV O ETIL-TL^&, ETiL

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    43 IL LA SUCCESSION DE MENEKLESvont manifestement Tencontre des lois, de l'quit et de saconduite ventuelle et il ne rougit pas, quand il s'agit de lui,d'invoquer l'autorit de la loi relative l'adoption, quand ils'agit de son frre, de chercher infirmer cette mme loi.

    27 D'o lui vient maintenant cet esprit de querelle quile pousse priver son frre de descendance ? 11 vaut la peine,juges, que vous l'appreniez. S'il me conteste la jouissance dunom et rpugne m'entendre appeler fils de Mnkls, n'est-ce pas une basse envie? S'il allgue des raisons pcuniaires,qu'il vous montre un domaine, un immeuble de rapport,une maison laisse par le dfunt et possde par moi aujour-d'hui. Si la succession ne comportait rien de tel et si tout lereliquat, une fois la restitution faite l'orphelin de son argent*a t accapar par mon adversaire du vivant mme de Mn-kls, n'est-il pas surabondamment convaincu d'impudence?28 Je vais vous faire connatre la situation. Quand il fallutrendre l'orphelin son argent, Mnkls n'avait pas la sommencessaire et le^ intrts s'taient accumuls depuis fort long-temps ; il voulait donc vendre sa proprit. Cet individu,profitant de l'occasion et dsireux de chercher querelle M-nkls par dpit de mon adoption, mettait obstacle la vente,afin qu'il y eut saisie de la proprit et que Mnkls ftcontraint de l'abandonner l'orphelin. Il revendiqua doncune partie de la proprit, revendication qu'il n'avait jamaisleve prcdemment, et fit dfense aux amateurs de *seporter acqureurs. 29 Mnkls tait furieux, naturelle-ment ; et il fut forc de rserver la part que l'autre revendi-quait. Il cde le reste Philippos de Pithos- pour soixante-dix mines et s'acquitte ainsi envers l'orphelin en lui versantun talent et sept mines sur le prix de la vente ^ ; contre sonfrre, il intente une action en raison de son opposition. Gomme

    1 . Il s'agit sans doute de l'an des enfants de Nikias, qui samajorit peut devenir tuteur de ses frres et surs ; sur le cas, voirla notice.

    2. La situation du dme de Pithos n'est pas connue.3. La vente rapporte environ six mille cinq cents francs et il en

    faut verser environ six mille deux cents (soixante-sept mines).

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    IL nEPI TOT MENEKAEOYS KAHPOY 43TToiE. ToL TE >(p v6\JiOic; Kal To SiKatoL Kal oT axic;ettoIt^oev v Tvavxta Xycv c|>atvETaL Kal ok ala)(\3vETataT |Jiv t6v v6^iov t6v TtEpl xfj TroifjaECc; ttolv KiipLov,T 8 SEXcjj xv aTv toOtov ^r)Tv tKUpov Ttoif^aai.

    27 Etxa vOv St tu 8LaEp6^iEVo ^t]tel oCto Tv&SeX4>6v t6v auToO anaLSa KaTaaTi^aat, cu6v axLV,S tvSpE, KoOaat. El (lv ^p TiEpl toO v^ax ^ot5iaa6f)TEiouv aT ^pou TLv6c; toO x^p-o^, npie.pov ou8ettc1tiot^cj)La6r)Tf|aac;, Kal TriypEUE to vou^voL \ii\ vE-aGai. 29 KkeIvoc; ^yavdcKXEi, ot^iaL, Kal f^vayK^ETOnoXElTTEaSat oC t^ti(|)a6fjTT]av oSxo. T8 8 &XXo no-8l8oTaL iXl7TTrc T FIlSel E68o^r]KOVTa jivv Kal otco8LaXt3EL t6v p4)av6v, etitA ^lySc; Kal T

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    4A II. LA SUCCESSION DE MNKLSon avait discut beaucoup et que rinimiti grandissait, ilnous parut que, pour viter que je ne fusse accus d'trecupide et de semer l'hostilit entre deux frres, il fallait nousen remettre l'arbitrage du beau-frre de mon adversaire etd'amis communs ^ 30 Ceux-ci nous dclarrent que, sinous voulions les charger de trancher la question de droit, ilsne joueraient pas ce rle, car ils ne dsiraient pas se brouil-ler avec les uns ou les autres; mais si nous les autorisions dcider de notre intrt commun, ils accepteraient d'trearbitres. Et nous, pour tre dbarrasss des tracas, du moinsnous le pensions, nous nous en remmes eux sous cettecondition. 31 Les arbitres, aprs nous avoir jur devantl'autel d'Aphrodite Kphal ^ qu'ils dcideraient de l'int-rt commun, prononcrent qu'il nous fallait renoncer lapart revendique par l'autre et lui en faire cadeau ; ils assu-rrent qu'il n'y avait nulle conciliation possible si nos adver-saires n'obtenaient pas un morceau des biens de Mnkls.32 Ils dcidrent qu' l'avenir nous devions nous bien com-porter entre nous dans nos paroles et nos actes, et ils nousforcrent les uns et les autres jurer devant l'autel que nousle ferions. Nous jurmes de nous bien comporter les uns l'gard des autres l'avenir, dans toute la mesure possible,en paroles et en actes. 33 Et maintenant que le sermenta t prononc et que ces gens ont la part qui leur a t assi-gne par les familiers de mon adversaire, voil leur belleconduite envers nous : ils veulent priver le mort de postritet moi, me chasser outrageusement de sa maison. Pour tousces faits, je ferai comparatre comme tmoins ceux-l mmesqui ont rendu la dcision, s'ils veulent bien comparatre car ils sont lis avec mes adversaires ; leur dfaut vousentendrez ceux qui taient prsents. 3A Lis-moi les tmoi-gnages que voici ; toi, arrte l'horloge ^.

    I. Le 33 reprsente les arbitres comme lis seiilement avec lapartie adverse, ce que l'on croira difficilement.

    a. Sanctuaire local d'Aphrodite connu par une inscription.3. L'horloge eau rglait la dure des plaidoiries, non compris

    la lecture des textes de lois et des tmoignages.

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    IL nEPI TOT MENEKAE0T2 KAHPOY aToppfjGEco. A6ycv 5 TToXXcv YEVo^vcv Kttl )^QpaTToXXfj ISo^Ev f)titv xp^v''-i ''^va ^ir) tiote ELTir| Tic; jiiXo)(pr|^aTEv Kttl ^Spoc; 8X4)oiLJc; Svxac; aToKaBiaTcivaL, tniip^oii tco te Kr|SEaTf| tw toi^tou Kal to4>lXoL StaLTfjaai. 30 'Ekevol 5' etiov t^^v, eI jivETTLTpTioL^EV auTo ooTE t S'iKata SLttyvvaL, oOk vE(paaav StaiTt^aat* oSv -^p SEaSai Ti)(6a9aL o5e-TpOL l^jJLV* eI S' aO^EV aUTO Y^^^^''- "^^ CTU^C|)pOVTaTtSaLV, E(p toutcov oIkeoi eI jir),To TtapaYEVojivou. 34 Kat ^aoi tA ^apTUplaq vdt-yvcoBi TauTaal* ai) 8' ETitXaE T 08cop.

    6 Yvotj.v(juv A: XsyoJLivtov Q 1| 7 -et; eFTir, Q || 8 auTo; Bremi: ajTOuAQ II 9 xaO'.oxavai Baiter-Sauppe : -ovetv AQ || xtjosut^ Q || 30 i tfj.v Bek. : e {AT] A om. Q || 2 tayvwvai A : Yvwvat Q || 3 TTs/^OeaaiAQ 11 6 w Y or] ojo^xsOa Sauppe : toaTS 8r,w(xe0a AQ || 31 2 Ksia