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Islam et le christianisme en Afrique sub-saharienne aujourd’hui
Chapitre I : L’islam en tant que religion dans son parcours historique et sa
pénétration en Afrique subsaharien
I.1- Naissance et parcours historique de l’islam
I.2-Les débuts de l’Islam en Afrique noire.
I.3 Les voies de pénétration.
I.4 La stratégie de la conquête de l’Afrique subsaharienne.
I.5 L’esclavage, premier facteur d’islamisation de l’Afrique noire.
I.6 La tradition.
I.7 La politique.
Chapitre II : tensions qui font la vie des croyants africains dans leur
effort de conversion, d’adhésion au message coranique,
II. 1 le mariage précaire entre le monothéisme du désert et l’animisme noir.
II.2 Un mariage à travers le commerce d’esclave :
II.3 L’héritage maraboutique :
II. 4 Mariage Foi et cultures : des caractéristiques communs
II.5 Confréries
Chapitre III Le christianisme en Afrique
II.1 Quatre phases de pénétrations
II.2 Caractères et méthodes de la christianisation
Les missionnaires
Les “récipiendaires”
Les circonstances générales et la résistance des autres traditions religieuses.
a) Les traites négrières en Afrique: b) L’inculturation c) La langue comme moyen d’évangélisation
Chapitre IV Rapport musulman et chrétien dans l’Afrique
subsaharien
La pluralisation de l’Afrique par le religieux
Chapitre V Une coexistence possible: tension et perspectives V.1 Que veut dire dialogue?
V.2 Une coexistence possible à partir de la notion de le famille africaine
V.3 Une coexistence possible à partir des fondements biblique et coraniques
V.4 Une coexistence possible à partir de la notion de la cotoyenneté
Conclusion général
2
Introduction générale.
Le 15 Novembre 1884, les grandes puissances mondiales se retrouvent à Berlin pour
organiser le partage de l’Afrique. Cet événement fixa définitivement le début de la colonisation de
l’Afrique jusqu'à son indépendance théorique qui pour la plupart de ces pays a commencé vers les
années 1960. Si d’une part l’indépendance un est fait ressent Afrique, d’autre part, les religions en
particuliers l’islam et le christianisme avaient déjà précédés l’indépendance et ont fortement marqué
la religiosité africaine. Selon une étude du ʺcentre d'études américain Pew Research Centerʺ,
L'Afrique subsaharienne est une des parties du monde les "plus religieuses", où le nombre de
musulmans comme de chrétiens s'est multiplié par plus de 20 au cours du siècle dernier1,
Pendant que l’Europe se donne le temps d’organiser sa présence en Afrique, le monde
Islamique venu de l’orient parle en termes de conquête, Djihad et islamisation de l’Afrique qui
«(…) occupe une place particulière dans l’histoire de L’Islam. Elle vient aussitôt après l’Asie pour
le nombre2 des musulmans qui y vivent »3.
L’Islam est la deuxième religion du monde, considérant le nombre de fidèles, même si 62% d’entre
eux vivent en Asie. Actuellement les Musulmans sont présents sur les cinq continents. Il est donc
important de connaître l’Islam, dans sa nature et dans son développement historique, et voir
comment il se situe face au Christianisme et aux autres religions4. La réalité islamique en Afrique
précède bien la colonisation et a marqué son histoire tant du point de vue politique, traditionnel que
religieux.
Notre présentation ici ne devrait surtout pas avoir la prétention de parler de l’islam ou de la foi
musulmane comme une idée abstraite, un objet extérieur. En même temps on ne peut pas prétendre
parler de cet autre si ce n’est que lui-même qui peut en dire ce qu’il est, ce qu’il dit et ce qu’il fait.
Cependant dans l’optique de la connaissance réciproque un musulman peut très bien entreprendre la
recherche dans le sens inverse. Ce serait d’ailleurs à souhaiter, pour un dialogue plus pénétrant pour
mieux définir nos terrains d’échanges. En plus le dialogue entre musulman et chrétien a toujours
marqué la vie du prophète de l’islam depuis la Mecque jusqu'à Médine dès la naissance de l’islam.
Désormais, dans la conscience collective de nos leaders religieux jusqu’aux croyants ordinaires
l’impératif de vivre ensemble s’impose. Le Concile Vatican II à travers des encycliques et des
déclarations à invité les chrétiens au dialogue de vérité avec les autres religions. L’université Al
1 http://www.jeuneafrique.com/depeches/90318/politique/lafrique-subsaharienne-une-des-parties-du-monde-les-
plus-religieuses/ 3 Jacques Jomier, Pour connaitre l’islam, CERF 1994, p. 39 4 Afriquespoir n° 74 Avril - Juin 2016
3
Hazar qui représente une des institutions majeures de l’islam ayant une autorité morale importante a
publié récemment publié des déclarations sur la nécessité de la cohabitation entre les musulmans et
les chrétiens. A titre d’exemple c’est en parlant de l’autre que les musulmans et les chrétiens du
Liban sont arrivés à un commun accord d’avoir la fête du 25 Mars, fête de l’annonciation comme
une fête nationale.
- Dans un premier temps, on s’attardera à présenter l’islam en tant que religion dans son
parcours historique et sa pénétration en Afrique subsaharienne. Cette analyse s’avère
fondamentale pour la suite de l’exposé car nous ne pourront jamais saisir la pensée
religieuse musulmane en dehors de son histoire fondatrice.
- Dans un deuxième moment on se focalisera sur l’analyse des tensions qui font la vie des
croyants africains dans leur effort de conversion, d’adhésion au message coranique,
dans leur effort pour garder cet héritage religieux et le faire prospérer. On approfondira
davantage les relations entre les tenants de la pureté islamique et les fervents jaloux des
traditions africaines, entre les militants de la modernité et les dévots de l’archaïsme5.
- Un troisième moment sera consacré à une lecture brève de la pénétration du christianisme et
de la pluralisation de l’Afrique par le religieux. Ce chapitre nous permettra de saisir la
problématique du dialogue interreligieux et de la cohabitation pacifique dont le second
conférencier en développera davantage.
- Un dernier moment sera dédié aux tensions et aux menaces fondamentalistes qui guettent
l’islam en Afrique subsaharienne et présenter les perspectives d’avenir dans la ligne de la
cohabitation pacifique entre les religions et la culture negro africaine.
5 René Luc Moreau, Africains musulmans, Présence africaine, 1982, p. 7
4
Chapitre I : L’islam en tant que religion dans son parcours historique et sa
pénétration en Afrique subsaharien
Introduction
La réalité islamique en Afrique précède bien la colonisation et a marqué son histoire tant sur le
point politique, traditionnel que religieux. L’analyse de René Luc Moreau a montré qu’à l’époque
coloniale, on a eu souvent tendance à présenter la vie musulmane africaine comme figée. On a parlé
« d’islam noir », comme si cet islam n’était pas authentique, comme s’il s’agit d’un fait
sociologique pittoresque. On en reconnaissait la force sociale, mais on percevait celle-ci comme
malléable. Cependant après 20 ans et plus d’indépendance politique, le regard porté sur ces
communautés s’est modifié. C’est pourquoi René refuse de prendre position face à l’expression
« islam africain » qui heurte à juste titre nombre de musulmans. Car les variations de cet islam sont
très amples entre l’Est et l’Ouest du continent noir, accompagné par des multiples nuances
traditionnelles et modernes6. Notre parcours ici partira de la naissance de l’islam, son parcours
historique pour arriver à sa pénétration en Afrique subsaharienne.
I.1- Naissance et parcours historique de l’islam
Avant d’abord l’islam en Afrique subsaharienne il serait bien de présenter l’histoire de l’islam
subdivisée en trois grandes périodes :
-Le premier parcours historique de l’islam part de la naissance du prophète jusqu’à sa mort.
-Le deuxième parcours, fut le temps des quatre premiers califes appelés les califes bien guidés
-Le troisième parcours est la succession des dynasties et des empires au sein de l’islam jusqu'à
l’abolition totale des califats après la chute de l’empire ottoman.
De la naissance à la mort du prophète
571 : année de l’éléphant, naissance de Mouhammad (SAW) à La Mecque, de Amina et de
Abdallah ibnou Abd al Moutalib
595 : Mouhammad épouse Khadija, qu’Allah l’agrée
6 Ibid., p. 6
5
610 : première Révélation Coranique, 26 Ramadhan, dans la grotte de Hira, près de La Mecque. La
révélation continuera pendant 22 ans. (23 selon certaines sources)
612 : début de la prédication de Mouhammad à la Mecque, où les tribus arabes venaient adorer 360
idoles dans la Ka’ba et des divinités païennes : Alat, Houbal, Azat, Manat…
615 : Abyssinie (actuelle Éthiopie) : Le Négus reçoit favorablement les émissaires du Prophète
dirigés par Djaffar Ibnou Abi Talib
619 : Al Isra oul Mi’raj, Ascension et Voyage Nocturne du Prophète de La Mecque à la Mosquée
éloignée de Jérusalem. Décès de Khadija, son épouse
622 : Al Hijra, émigration du Prophète vers la ville de Yathrib, qui deviendra ’ Madina tourraçoul ’
ou Médine (la ville de l’Envoyé). Le Calife Oumar ibnoul Khattab, qu’Allah l’agrée, instituera cette
année comme point de départ du calendrier musulman.
624 : victoire de Badr sur les Mecquois dirigés par Abou Soufiane ; Allah ordonne le changement
de Qibla (la prière est dirigée vers La Mecque et non plus vers Jérusalem) et fixation du jeûne du
mois de Ramadhan.
625 : bataille de Ohod, an 3 de l’Hégire ou le Prophète fut blessé et son oncle Hamza, tué. Les
musulmans fléchissent et furent désemparés pour avoir désobéi au Prophète.
627 : bataille du Fossé (Al Khandaq ) avec les Mecquois. Stratagème de Salman Al farissi qui sauve
Médine. Défaite des Banou Qoreidha, alliés des Mecquois.
628 : convention entre les musulmans et les Mecquois à Houdeibya : trêve de dix ans avec garantie
de sécurité réciproque et promesse de laisser les musulmans faire le Hadj (Pèlerinage Canonique)
l’année suivante, après évacuation de La Mecque pendant trois jours. Grand succès diplomatique du
Prophète.
628 : le Prophète(SAW) reçoit une délégation d’évêques chrétiens nestoriens ( qui considèrent deux
personnes en Jésus – Christ : Divine et Humaine ) Les Nestoriens sont alors en Arabie, en Perse et
en Irak. Malgré des divergences théologiques, le Prophète leur permet de célébrer la messe des
’ Rameaux ’ dans une partie de sa mosquée à Médine.
629 : deux mille musulmans font le Hadj à la Mecque (an 7 de l’Hégire), en compensation du
Pèlerinage manqué de 628 selon les accords de Houdeibya.
6
630 : reddition de La Mecque aux musulmans sans combat. Après violation du traité de Houdeibya
par les Qoraichites, Mouhammad entre triomphalement et pacifiquement à La Mecque et pardonne
à tous ses adversaires y compris Abou Soufiane.
631 : pèlerinage et Sermon de l’Adieu. A son retour à Médine, le Prophète dit à Khoumm : ’ Pour
quiconque je suis un ami, Ali est mon ami : Ô Dieu soit ami de celui dont il est l’ami et l’ennemi de
celui dont il est l’ennemi. ’
632 : mort du Prophète, le 8 juin, trois mois après cet unique Pèlerinage, sans laisser d’héritier mâle,
ni de successeur désigné. Abou Bakr, qu’Allah l’agrée, est élu Calife (Khalifa), selon la
concertation. Durant son Khalifat, l’islam se stabilise en Arabie et amorce la conquête de la Syrie et
de la Perse. Abou Bakr décédera en 624.
Le temps des quatre premiers califats : l’événement après la mort du prophète
C’est par un lundi de juin 632 que prend corps la discorde. L’été brule l’air a Médine, dans la
chambre de son épouse préférée, Aicha, Mahomet agonise. Peu avant midi, rapporte Tabbari, le
plus fameux chroniqueur : « il ouvrit la bouche, la referma, et son âme s’envola7». Le prophète
(qpssl) avait 63 ans il était bien fatigué et avait beaucoup donné ! Il avait traversé tellement
d'épreuves: il avait été orphelin, il avait perdu son père, sa mère, son grand-père, son oncle qui le
protégeait, 7 de ses enfants étaient morts (4 filles et 3 garçons), Les persécutions et les guerres ont
surement eu un impact négatif sur sa vie physique. Le corps du prophète n’était pas encore lavé que
déjà la dissension. Entre sa mort et son ensevelissement, trois jours vont s’écouler, un laps de temps
énorme, inhabituel en terre orientale où compte tenu du climat on enterre le lendemain du décès.
Martine Gonzlan estime que le grand problème qui allait diviser l’islam s’annonce dans ce moment
de deuil. Pas un verset tombé du ciel d’Allah pour instruire les orphelins croyants sur leur futur et
sur les leaders du nouveau groupe à peine formé à Médine. Seulement des allusions, de vagues
confidences murmurées par le prophète dans la semaine qui ont précédé sa fin semble être dit8.
Cependant nous ne trouvons aucune trace historique, bien que, certains hadiths de shiia en font
mention. Cette absence apparente d’un leader après la mort du prophète fut une des raisons
fondamentales qui a donné lieu à des interprétations diverses conduisant au grand schisme dans
l’islam naissante. Abou Bakar est le principal candidat des notables de la cité natale. Il ne veut pas
entendre parler de la nomination d’Ali, d’un successeur par le sang. Les voix tonnent et les menaces
sifflent. Affrontement, tractations, achats d’alliances se succèdent rapidement dans les alentours
formant des groupes et des appartenances. Abou Bakar prononce son discours d’intronisation en 7 Martine Gozlan, sunnites, chiites, pourquoi ils s’entretuent, Éditions du Seuil, 27, rue jacob paris, 2008, p. 19
8 Ibid., p. 21
7
endossant l’habit du successeur. I fallait aller vite pour éviter le risque que l’islam devienne une
foire aux marchandages et une fragmentation des tribus.
On trouve ainsi du coté d’Abou Bakar, le pouvoir et ses stratégies de conquête (il est homme riche
et serait marié à une fille de la Médine, ce qui lui vaut une position meilleur que Ali). Du coté d’Ali,
l’émotion pure, l’intime, la douleur nue. Deux concepts de l’islam sont en train de surgir9. Du coté
d’Ali, la proximité avec la mort, le deuil absolu, le partage de l’affliction, le dégoût des luttes pour
le pouvoir temporel. Voila fixée à jamais la sensibilité de ceux qui prendront son parti, les shia, les
« partisans », ce qui s’entendra toujours, par extension, comme les partisans d’Ali, les chiites. Du
coté d’Abou Bakr, le pragmatisme froid, l’autorité sans partage, la volonté implacable de structurer
une majorité. Voila fixé le choix de ceux qui, à sa suite, organiseront la domination de l’islam, les
sunnites.
634 : Omar Ibnoul Khattab, deuxième Calife de l’islam (mort en 644). Désigné par Abou Bakr, il
est l’artisan de l’expansion musulmane.
636 : conquête de la Syrie. Bataille de Yarmouq : victoire de Khalid Ibnou Walid sur les Byzantins.
Mou’awia est gouverneur de la Syrie.
637 : Khalid Ibnou Walid, vainqueur des Perses à Qad issia.
638 : prise de Jérusalem (Al Qods, La Sainte) par Omar, qu’il n’occupe que partiellement. Il refuse
de prier dans l’Église de la Nativité pour ne pas en faire une tradition.
642 : conquête de l’Égypte (Misr) par Amr Ibnoul Aç. Prise d’Alexandrie par les musulmans et
conquête de la Perse.
644 : khalifat de Othman ibnou Affan, qu’Allah l’agrée. Compilation définitive, sous forme de
livre, du Coran.
656 : khalifat d’Ali ibnou Abi Talib. Il quitte Médine pour Bassora (Basra) en Irak. L’élection
régulière de ces quatre Califes les désigne sous le terme : ’ Khoulafa rachidoune ’, les Califes bien
guidés.
657 : bataille de Siffine entre Ali et Mou’awia. Ali sous la pression d’une partie de ses compagnons
accepte l’arbitrage de Abou Moussa et de Amr ibnoul Aç. Une autre partie rejette cet arbitrage : les
Kharijites (khawaridjes) qui assassinent Ali.
9 Ibid., p. 27
8
La succession des dynasties et des empires au sein de l’islam (voir le tableau)
I.2-Les débuts de l’Islam en Afrique noire.
Dans la vaste péninsule Ouest de l’Arabie Centrale naquit la religion islamique au début du VII
siècle. Dix ans après la mort du fondateur en 632 la nouvelle religion identifiée désormais à la
culture arabe commença son expansion dans les régions environnantes et plus tard dans les contrées
lointaines.
Les sources documentaires que nous avons consulté signalent qu’avant même l’arrivée de l’Islam,
les arabes voyageaient sur les cotes Est de l’Afrique, de l’autre coté de la mer Rouge et sur les rives
de la corne de l’Afrique, sans doute plus au sud également : il s’agissait de comptoirs pour le
commerce et la traite des esclaves. Les arabes (ou bien plus les musulmans arabes) ont commencé à
extraire des millions de noirs esclaves africains depuis des siècles avant que les nations chrétiennes
occidentales en fassent un commerce de droit. Les marchands d'esclaves arabes enlevaient des
esclaves d'Afrique pendant environ 13 siècles, par rapport à trois siècles de la traite négrière
atlantique.
« La mer rouge qui sépare la péninsule arabique du continent africain, n’a jamais constitué
une vraie frontière. Bien avant la naissance de Mohamed, l’Ethiopie et les royaumes d’Arabie
du sud essayaient avec un succès changeant, d’imposer leur domination les uns sur les autres.
La tradition la plus ancienne nous rapporte qu’aux moments les plus critiques pour
Mohamed et sa jeune communauté de la Mecque, un bon nombre de disciples furent recueillis
par le Negus d’Ethiopie et traités avec bienveillance »10
.
Cette précision permet de démasquer la présence arabe en Afrique noire pour des intérêts
commerciaux ou de transhumance (à la recherche du pâturage) et de rapport de convivialité avec la
population autochtone. Ce constat s’avère encore d’actualité avec le phénomène de migration des
éleveurs d’une part et de sédentarisation des agriculteurs d’autre part.
L’islam qui naitra plus tard comme religion intrinsèquement lié au monde arabe viendra donner une
couleur religieuse à ce rapport ʺd’intérêt préexistantˮ entre le monde arabe et l’Afrique noire. Il
s’agissait surtout de navigateurs et de commerçants qui avaient vraisemblablement commencé leurs
entreprises avant l’avènement de l’islam. Ils créaient des comptoirs, sans chercher à s’assimiler aux
populations locales et sans faire de prosélytisme religieux11. Cette connexion de la religion à la
culture arabe sera désormais la clé d’interprétation des relations tant sur le plan commercial que
culturel avec l’Afrique noire. Au fait, la plupart des historiens s’accordent à affirmer l’existence des
10 Josef stamer, L’islam en Afrique au sud du sahara, VERBO DIVINO, 1995, p.13 11
René Luc Moreau, po. cit, 1982, p. 49
9
quartiers occupés par ces arabes très tôt dans les villes du Ghana d’alors. C’est ainsi qu’on notait
leur présence en Afrique noire.
«L’islamisation de certains centres à l’intérieur du continent fut bien plus tardive et
directement liée au commerce de l’ivoire et des esclaves. A partir du XVIII siècle, ce
commerce florissant donna à Zanzibar une position de leadership sur toute la région. On sait
qu’en 1852, il y avait une colonie de musulmans à la cour du Kabaka, le roi des Baganda»12
.
Beaucoup d’indices historiques nous laissent comprendre que l’Afrique subsaharienne était vue par
l’Islam comme un terrain propice pour son expansion après l’Asie, car l’Égypte fut conquise moins
de dix ans après la mort de Mohamed. Cette conquête donna une grande espérance à la nouvelle
religion dans sa volonté de conquête vers le sud.
I.3 Les voies de pénétration.
Il y a une grande différence de pénétration de l’islam dans l’Afrique du Nord par rapport à
l’Afrique saharienne. Après la conquête des cités prestigieuses du Proche-Orient, Damas en 636,
Jérusalem en 638 et Alexandrie en 642, la voie semble ouverte vers l’Afrique sub-saharienne. Le
Nord de l’Afrique fut pris tout de suite à cause de la facilité du désert et du voisinage avec le monde
arabe. On se demande pourquoi cette pénétration vers le cœur de l’Afrique se fait rapidement
malgré quelques résistances des tribus Nubiennes. Qu’est ce qui à favorisé cette pénétration et le
chemin emprunté par les musulmans?
La majorité des historiens s’accordent sur trois voies par lesquelles l’islam a pénétré en
Afrique noire. Ces trois voies ouvrirent définitivement la route pour l’islam vers le centre de
l’Afrique. Comme toute pénétration ou conquête celle-ci a aussi rencontré l’hostilité dans ses
premières heures vers l’Afrique Noire. Ces voies il faut le dire on servit d’abord dans un premiers
temps pour des intérêts commerciaux, avec la naissance de la nouvelle religion, les arabes convertis
à l’islam vont associer à leur commerce, l’islamisation.
« L’islam a pénétré l’Afrique des savanes par trois voies opposées: dès l’an 640. Il
tenta de progresser par la vallée du Nil, mais se heurta tout de suite aux États chrétiens
devant lesquels il piétina pendant près de neuf cent ans. A l’Ouest, la prédication des
nomades sahariens fut relayée par les Noirs eux-mêmes qui se passèrent le flambeau en
progressant vers l’est. Au centre, l’islam arabe réussit dès le Xème siècle en direction
du Tchad »13
.
12 P. Josef Stamer, p.15 13
J.C. Froelich, Les musulmans d’Afrique Noire. P. 17
10
La première possibilité de pénétration fut celle de la cote orientale de l’Afrique qui déjà
géographiquement donnait une grande facilité de passage entre le monde de l’Arabie Saoudite et
l’Afrique grâce à la Mer rouge. En effet cette Mer rouge qui sépare la péninsule arabique du
continent africain n’a jamais constitué une vraie frontière, car bien avant la naissance de
Mohammed, l’Éthiopie et le royaume d’Arabie du sud essayaient, avec un succès changeant,
d’imposer leur domination les uns aux autres14.On se souvient qu’au moment de la persécution de la
jeune communauté musulmane naissante de la Mecque, il eut une tentative d’assassinat des
disciples de Mohamed pas les Mecquois. Devant cette hostilité le prophète obligea ses disciples à
s’enfuirent en Éthiopie à travers cette voie de la cote de l’Afrique orientale déjà connu par les
arabes. Quand les arabes ou les musulmans parlent de la cote orientale de l’Afrique, la grande
référence est faite à l’activité commerciale qui liait ces deux cotes. Son islamisation proprement dite
n’était pas la priorité pour les premiers musulmans venus. Cependant l’islam était une occasion
propice pour augmenter les intérêts commerciaux. L’hypothèse qu’il y ait eu de conflits majeurs
entre les autochtones et les arabo-musulmans présents sur la côte est à écarter.
« …ils ne cherchaient pas à étendre leur influence sur les populations bantoues de
l’intérieur en essayant de convertir leur rois ou leur chefs. Le seul fruit de cette longue
cohabitation entre musulmans arabes et animistes bantous fut la langue swahili, langue
à structure bantoue avec un vocabulaire emprunté en grande partie à l’arabe »15
.
Malgré la lenteur d’islamisation de cette cote, il faut bien noter que l’islam dans cette partie de
l’Afrique fut portée vers les pays du centre par les africains de la cote, convertis à l’islam. Cette
propagation prit alors une autre couleur de l’islam qu’on pourra qualifier véritablement de l’islam
africain. Une sorte de syncrétisme entre la nouvelle religion et les religions africaines se
rencontrent et se mêlent formant un islam particulier dans un contexte africain. On ne peut pas
parler de résistance comme dans le cas des tribus Nubiennes, mais plutôt une conversion radicale à
l’islam. Ceux qui avaient accueilli l’islam sur ces cotes n’avaient aucune envie de quitter leur
pratique traditionnelle. L’islam venait renforcer le pouvoir des chefs traditionnelles et garantissait
une obéissance aveugle à la hiérarchie de la communauté traditionnelle.
La deuxième voie de pénétration de l’islam au sud du Sahara est intrinsèquement liée à la
conquête de l’Égypte par les musulmans en 641. Profitant de la discorde entre L’église Byzantine et
l’église copte orthodoxe d’Égypte. L’islam pénétra en Égypte avec une grande facilité. En effet une
bonne partie de l’Afrique du Nord avait été sous le joug très dur de Byzance, ce qui poussait les
14
P. Josef Stamer, L’Islam en Afrique au sud du Sahara. p.13 15
Ibid. p.15
11
chrétiens à accueillir les arabes en libérateurs. L’islamisation de l’Afrique du nord ne rencontra pas
de résistance dans un premier temps. Cependant dans sa progression vers le sud nubien et le soudan,
l’islam rencontra une farouche résistance des tribus habitant le long du Nil. La décadence de ces
royaumes ouvrit grandement la porte à l’islam vers le centre de l’Afrique en passant par le soudan
ensuite le Tchad.
« La chute des royaumes chrétiens de Nubie coïncida avec une nouvelle vague
d’invasions de tribus arabes couvrant l’Afrique, d’est en ouest. Une infiltration de plus
en plus massive d’éléments arabes, non seulement accéléra l’islamisation, mais fut à
l’origine de l’arabisation complète de ces régions »16
.
C’est le long du Nil, au sud de la première cataracte et jusqu’au delà du confluent du Nil blanc
et du Nil bleu que s’étendaient les trois royaumes chrétiens de Nubie ont fortement résisté à l’islam
il s’agit de: Nobatia, Makurria et Alwa. Cette résistance se conclut par un traité qui donna la voix de
la pénétration en profondeur vers le sud. Il s’agit du traité de Bakt en 65117. Ce traité fut signé
lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd impose aux chrétiens de Nubie (les habitants de la
vallée supérieure du Nil) la livraison de 360 esclaves par an. La convention, très formelle, se traduit
par ce traité (bakht) entre l'émir et le roi de Nubie Khalidurat. Par ce même traité on reconnaissait
aussi la liberté de la pratique de la religion chrétienne moyennant la livraison des esclaves. En effet
ce fameux traité ne faisait que confirmer une pratique déjà présente chez les Touaregs, qui est la
branche méridionale de la grande famille berbère. Ce peuple assurait déjà la sécurité des routes
caravanières et servait de guide aux commerçants d’Afrique du Nord attirés par les richesses
fabuleuses en or des régions au-delà du grand désert. Si d’un coté les intérêts commerciaux avaient
prit de la valeur par cette voies, de l’autre coté les conversions à l’islam au sud du Sahara ne
suivaient aucun critère commun mais plutôt des idéologies des leaders musulmans.
« En effet, si les Berbères furent progressivement, et non sans difficultés, soumis à la
domination musulmane, ils adoptèrent d’abord la foi musulmane sous une forme
schismatique »18
.
De tout point de vue la pénétration de l’islam par le Nil est celle qui a ouvert les portes aux
différents mouvements islamiques radicaux vers l’Afrique sub-saharienne. Ces mouvements
radicaux sous le nom de la Mahdi vont essayer de rendre pur l’islam en le débarrassant du
syncrétisme crée par les confréries de tendances soufistes.
16
Ibid., 12-13 17
Ibid., 13 18
Ibid., p. 16
12
La troisième voie de la pénétration de l’islam en Afrique noire n’est pas très différente de
la deuxième que nous venons d’analyser. L’islam qui a envahi le nord de l’Afrique a trouvé deux
chemins vers le sud. La première par le Nil bleu. La deuxième est celle qui a longé les cotes de
l’Océan Atlantique. En effet la voie par l’Ouest était déjà ouverte par les commerçants et surtout
par les missionnaires Portugais qui l’empruntaient pour l’évangélisation et le commerce en Afrique.
Les arabes et les musulmans les ont suivit avec le temps sans grand enthousiasme pour diffuser
l’islam.
« A l’Ouest, l’islam a pénétré le monde noir par le Sénégal et l’Aïr, il a assuré
quelques frêles liaison caravanières avec le monde arabe. Progressant d’Ouest en est,
il est parvenu au Tchad au XIX siècle ou il a rencontré l’islam arabe, qui de son coté,
avait péniblement progressé le long de la vallée du Nil et à travers les savanes du
soudan »19
.
Cette troisième voie fut probablement celle de l’islam soufi qui avait donné une marque et une
couleur spécifique à l’Islam africain. Moins violent dans sa progression l’islam soufi avait une
facilité de pénétrer les cultures africaines et d’avancer vers le cœur de L’Afrique. A titre d’exemple
le cas de l’islam au Sénégal souligne avec clarté cette connotation souffiste.
« L’islam sénégalais est d’abord un islam ethnique. Chaque ethnique le vit selon sa
tradition, même si l’élément wolof prédomine. Le passage à l’islam des ressortissants
d’ethnie minoritaires, suite à l’urbanisation, comporte toujours une certaine
wolofisation »20
.
Cette caractéristique soufi va être vite imprégner la culture africaine pendant longtemps avant la
venue d’un islam fondamentaliste qui cherchera par la violence à faire un nettoyage du soufisme en
Afrique sub-saharienne.
I.4 La stratégie de la conquête de l’Afrique subsaharienne.
Pourquoi cette nouvelle religion a-t-elle trouvé facilement sa place dans une Afrique qui
avait déjà une culture ancestrale et une croyance religieuse diversifiée ? Quelle fut la stratégie de
l’islam en Afrique noire ? Nous savons bien que dans l’Afrique saharienne et dans d’autres
contrées, l’islam s’imposa par la conquête, la guerre. C’était l’islamisation par force sous peine de
mort ou d’expulsion. C‘est ainsi que beaucoup des tribus du nord eurent à se soumettre à l’islam
19
J.C. Froelich, Les musulmans d’Afrique Noire. 21 20
P. Josef Stamer, L’Islam en Afrique au sud du Sahara. P. 84
13
pour sauver leur territoire leur ethnie et éviter d’être contraint à l’expulsion, tel fut le cas des juifs
vivants à Médine qui refusèrent dans un premier temps d’embrasser l’Islam. Lors d’une bataille
Mohamed ordonna de les faire décapiter. Selon Jacques Jomier «il existe des atlas historiques
dans lesquels des cartes indiquent les principales poussées de l’expansion musulmane, les unes
militaires, les autres pacifiques, menées par le prosélytisme de commerçants, de professeurs
ou des prédicateurs appartenant souvent à des confréries»21
.
L’islamisation de l’Afrique noire fut tout de même différente par rapport aux autres pays du nord
d’Afrique ou l’islam à proclamer une guerre sainte aux mécréants et une réponse aux années de
croisades entre chrétiens et musulmans.
«La guerre sainte ne fut certainement pas le facteur le plus déterminant. Elle n’a joué
un rôle que localement. (…). L’islamisation en Afrique subsaharienne n’a pas été, en premier
lieu, une histoire d’affrontements violents laissant dans la mémoire des peuples des traces
douloureuses et des antagonismes, latents, toujours prêts à resurgir, comme c’est le cas dans
d’autres régions du monde touchés par l’islam».22
Un regard profond de la culture africaine subsaharienne laisse entrevoir des aspects
communs, des mentalités communes et populaires qui ont permis à l’islam de trouver bon accueille.
Cette nouvelle religion ne trouvera pas en Afrique noire une terre vierge, car l’Afrique noire avait
déjà ses croyances ancestrales et une culture complètement différente de la péninsule arabe La
question que beaucoup des historiens africains se posent aujourd’hui est de savoir qu’est ce qui a
fait adopter l’islam à plus de cent millions d’Africains de préférence à toute une autre religion ?
Évidement les situations et les motivations seront diverses, mais il y a quelques constances qui se
dégagent comme valable pour l’ensemble du continent.
I.5 L’esclavage, premier facteur d’islamisation de l’Afrique noire.
Comme nous l’avons signalé plus haut, l’esclavage existait déjà en Afrique noire avant
l’arrivée de l’islam. D'autre part, la traite transatlantique de l'époque moderne n'aurait pas été
possible sans la participation de négriers africains. Lorsqu'ils débarquaient sur les côtes occidentales
de l'Afrique, les marchands européens achetaient ou troquaient les esclaves noirs capturés à
l'intérieur des terres. Sur le littoral de l'Afrique de l'est, les marchands arabes, indiens, malais et
même chinois venaient s'approvisionner auprès des intermédiaires noirs. L'Égypte islamique a
largement fait usage des esclaves soldats et la majorité venaient d’Afrique noire, des peuples vivant
au long du fleuve Nubie. Dès lors la recherche des esclaves est devenue une des principales raisons
21 Jacques Jomier, pour connaitre l’Islam, édition CERF, paris 1994 22 Jacques Jomier, p. 22
14
de la venue des arabes musulmans de plus en plus dans cette partie de l’Afrique. Même si ce
premier souvenir de l’esclavage demeure douloureux pour l’islam noir face aux arabes blanc et
musulmans, il fut tout de même digéré dans certains pays, car les autochtones furent les initiateurs
de ce commerce. (On en parlera en détails plus loin).
I.6 La tradition.
Le deuxième facteur qui permit à l’islam de prendre racine facilement en Afrique noire fut le
facteur traditionnel et la conception de la chefferie. Il faut noter que dès les premières heures de
l’islam, beaucoup des chefs traditionnels ou des chefs des villages furent les premiers à accueillir la
nouvelle religion et à se convertir. La conversion des chefs des royaumes fut une grande opportunité
pour que ses sujets puissent le suivre. On peut ainsi trouver un village dans lequel tous sont
musulmans car les chefs du village fut le premier à embrasser la nouvelle religion. «La grande
majorité des cent cinquante millions de musulmans africains sont musulmans par tradition familiale
et ethnique»23. Cette habitude de suivre la volonté du chef permits aux missionnaires musulmans de
lier souvent des amitiés avec l’autorité traditionnelle. Ainsi donc l’islam dans ces lieux devient
l’adhésion populaire sans grande motivation.
I.7 La politique.
Très tôt les musulmans ont reçu de la part des autorités locales des fonctions des conseillers
et administrateurs. Ainsi l’adhésion à l’islam devint en quelque sorte une issue plus facile pour
l’obtention d’un poste dans l’administration. Cette dernière stratégie fut la plus développée au 20ème
siècle dans les pays ou l’autorité suprême est dans la main d’un musulman (le cas du Soudan du
Nord et de l’Egypte le démontre bien. Il suffit de regarder la composition du gouvernement et
certains postes clés de l’administration). C’est la politisation de la religion.
Chapitre II : tensions qui font la vie des croyants africains dans leur effort de conversion,
d’adhésion au message coranique,
Introduction :
On peut décrire la vie religieuse des africains qui ont choisi l’islam en se contentant de mettre en
relief leurs particularisme, comme si ceux-ci suffisaient à définir l’islam en Afrique. Il faut tenter de
saisir, dans leur mouvement, les jeux subtils entre les populations croyantes et le message
23 Jacques Jomier p. 32
15
coranique24. Pour comprendre l’adhésion des africains à l’islam, il est nécessaire de se référer à
l’histoire, de retourner aux origines, de connaitre les péripéties du développement de la foi
musulmane sur le continent, d’être attentif aux événements plus récents qui ont déterminé plus
directement la situation présente25. (On fait référence ici aux sources livresques mentionnées par
l’auteur).
II. 1 : le mariage précaire entre le monothéisme du désert et l’animisme noir.
Héritage arabo-berbères : La vie religieuse des africains musulmans doit beaucoup aux arabes et
aux berbères arabisés et ceux-ci sont à la source de leur foi, l’histoire nous le montre amplement. En
effet d’importantes minorités berbères s’étaient refugiées dans le désert libyen fuyant un Maghreb
déchiré par des luttes politico-religieuses. Le berbères étaient connus originellement comme des
peuples venant de la Libye, mais ils étaient très tôt dispersés dans le nord d’Afrique. (Le nom de
« berbère » est issu du mot « barbarus », par lequel les Grecs, puis le romains, désignaient tout
peuple dont ils ne comprenaient pas la langue, qui s'exprimaient par « onomatopées : « bar-bar », et
qui ignoraient les coutumes et la civilisation gréco-romaine. Par la suite, les Romains ont maintenu
l'usage du mot « Berbères » pour désigner les peuples d'Afrique du Nord qu'ils n'ont jamais réussi à
soumettre totalement, même après la prise de Carthage au IIIème siècle avant Jésus-Christ. Jalouse
de leur identité culturelle, ces populations rejetaient l’obédiences sunnites et Quraychites pour se
réclamer du kharijisme, parce qu’il ne tenait pas compte, lors de la dévolution du pouvoir, de
considération raciales. (Par exemple, un noir pouvait assumer l’autorité pourvu qu’il soit un croyant
fidele). Leur déplacement s’accentuait vers le kawar et le Kanem où l’on rencontrait les premières
populations noires26. Probablement les berbères du nord à cause de leur invasion dans le nord
d’Afrique, auraient contribué facilement à la vente d’esclaves avec les commerçants arabes. Les
bororos seraient des descendants de ces berbères.
II.2 : Un mariage à travers le commerce d’esclave :
Il est difficile de savoir comment se sont opérés les premières conversions à l’islam : les
cheminements en furent divers, d’ailleurs assez lents. Le ralliement d’un chef locale ne fut surement
pas la voie la plus fréquente. Il a fallut que d’autres membres de son entourage aient ouvert le
chemin. L’islamisation la plus rapide s’est réalisée par et dans l’esclavage : moins par la conversion
de ceux qui essayaient de cette manière d’échapper à la captivité que par la vie des esclaves
qu’auprès de leur maitres musulmans. Obligés de vivre aux rythmes de leurs propriétaires en
24
Ibid. 21 25
Ibid, p. 41 26
Ibid, p. 56
16
participants aux prières quotidiennes et aux fêtes, ils adoptaient par la force des choses toutes les
mœurs, et en particulier la religion. De plus les enfants nés de pères musulmans chez les femmes
esclaves étaient automatiquement musulmans de par la foi islamique. (L’histoire des sœurs
comboniennes au Soudan).
« C’est plus au nord, dans le Maghreb proprement dit, que se sont constitués des noyaux
d’Africains déportés qui ont eu une influence, repérable encore aujourd’hui, sur la religiosité
populaire et la mystique confrérique27».
Avec la constitution de royaumes islamiques, puis de grands empires, on franchit ainsi une étape
décisive en vue de l’enracinement de l’islam comme religion africaine. En effet l’islam, et la culture
qu’il a inspirée vont guider l’organisation de l’état et la justifier28
Le monde des clercs : Aujourd’hui et même dans l’histoire musulmane en générale on parle très
peu de la branche spirituelle de l’islam qui avait marqué fondamentalement l’islam africain. Très
tôt, derrières les commerçants et les guerriers arabes, souvent au milieu d’eux, sont venus en
Afrique des personnages essentiellement religieux, Ce monde clérical, institué ni par le Coran ni par
Muhammad, a surgi dès les premières générations (pendant la période de devisions sunnite et Shia)
pour répondre aux besoins logiques de la communauté : besoin de compétence et besoin
d’initiation, pour que l’ensemble des croyants réponde pleinement à la volonté divine. Aussi devint-
il rapidement influent, face au pouvoir des khalifes plus soucieux du temporel que du spirituel. Les
musulmans berbères et soudanais qui ont d’abord été à l’école des Cheick arabes, ont eu ensuite
leurs propres maitres29. Plus tard les royaumes ont disparu, mais les hommes de religion n’en ont
pas pour autant perdu leur rôle. Ils ont au contraire permis à l’islam d’atteindre les couches rurales,
de s’enraciner dans les mentalités, d’innover en matière d’initiation religieuse30.
II.3 : L’héritage maraboutique
Si nous voulons scruter les origines de ce qu’on a appelé « le maraboutisme » et qui serait l’un des
caractères fondamentaux de l’islam en Afrique Noire, nous devons remonter aux premières
générations musulmanes du monde arabe. La relation de maitre à disciple, de directeur spirituel à
novice tient sa source dans le coran et de la vie de la première communauté après la disparition de
Mohamed. Le coran lui-même est direction spirituel sur le « chemin de Dieu ». Les regards rapides
27
IBID, 69 28
Ibid, 82 29
Ibid, 114 30
Ibid, 114
17
et superficiels des observateurs étrangers les confondent allègrement avec leur caricature que sont
les « charlatans » qui abusent de la crédulité publique en se faisant passer pour des leurs.
A l’origine, le marabout est une émanation directe de l’islam, du Coran et des premières générations
musulmanes, non pas d’Afrique. Le marabout est un militant dévoué (mujahid) pour la cause de
Dieu et de l’islam. Tel est l’authentique marbut ou murabit (tantôt savant, tantôt guérisseur). Le
marabout s’était brutalement modifié à l’époque contemporaine, lors de la colonisation, et depuis
les indépendances politiques elle a encore évolué.
C’est face à la carence de ces personnages (Prophètes et califes), que les savants qui s’étaient
spécialisés par dévotion dans l’étude du Coran se virent reconnaitre la fonction de guide
conformément à la parole de Dieu. Ce fut l’origine des sufis, qui créèrent dans la communauté
musulmane non seulement des relations d’enseignements, de maitre à élève, mais aussi des relations
d’initiation, de maitre à novice31. Ces derniers ont visité très tôt les peuples noirs, les rois locaux,
petits et grands : leur rôle fut longtemps important et n’a sans doute pas été aussi négatif qu’on se
plait à le répéter couramment.
En effet la genèse du maraboutisme vient du phénomène maghrebin. Le maraboutisme qui devint la
religiosité populaire maghrébine à partir du XIIIe siècle, est passé par plusieurs phases
d’élaboration théoriques et spirituelles avant de prendre sa forme définitive. La sacralisation de
l’espace par les marabouts ne tardait pas à avoir des conséquences tant sur l’histoire que sur les
mentalités collectives locales. A partir du XVème siècle, le mouvement mystique dans sa force de
tribalisation commençait à disputer le pouvoir tantôt aux dignitaires bérbéro-arabes, héritiers de la
noblesse depuis la conquête arabe (VIIIe siècle), tantôt aux seigneuries bédouines. Les marabouts
faisaient valoir leur propre noblesse pour déprécier celle des maîtres des lieux. Avec le XVe siècle,
et avant même que les puissances ibériques n’interviennent au Maghreb central, le pouvoir politique
était déjà en passe d’être totalement exercé par les marabouts dont l’influence ne cessait de monter
en flèche. Les maitres en voyage faisant escale pour une dure plus ou moins longue, ouvrant une
école temporaire, ou recevant l’hospitalité des notables. Dans les milieux fervents, soudés par leur
commune science, on ne peut qu’accueillir avec faveur l’initiation mystique offerte par les
confréries.
II. 4 : Mariage Foi et cultures : des caractéristiques communs
Les africains musulmans d’aujourd’hui vivent de façon très actuelle ces héritages dont les origines
peuvent remonter très haut. Il existe toujours une religion arabo-berbère en Afrique Noire. Mais il 31
Ibid, 115
18
nous faut essayer d’aller plus loin dans l’analyse pour comprendre comment ont pu s’étendre et se
lier l’Afrique et l’islam. Il s’agit ici de repérer les passages entre la foi islamique, originellement
arabe, et les cultures africaines, retrouver les tensions reconnues dans les siècles passés, qui ont fait
la vie même des communautés et la font encore. Tensions entre identité africaine et pureté
islamique, entre cultures locales et arabisation, entre vie urbaine et vie rurale, sédentaire ou nomade,
entre la fidélité aux traditions et les soucis de reformes, entre la religion du savoir et celle du
pouvoir. C’est la tension réelle de l’islam aujourd’hui en Afrique. Loin d’être des handicaps, ces
tensions sont sans cesse pour la religion autant de contradictions qui lui appartient de surmonter,
autant de défis qu’elle se doit de relever. C’est ici que le rôle des confréries devient majeur du fait
qu’elles ont contribué à enraciner la foi islamique dans les milieux ruraux et dans le monde urbain.
L’islam s’est présenté d’emblée comme une religion « orale » : le livre a été prêché et vénéré
avant d’être lu et scruté. Les maitres étrangers et africains sont intervenus par la parole vivante, par
la prédication, par le Coran récité et proclamé. Il faut dire que les récits ancestraux sont racontés le
soir autour du feu ou sous l’arbre à palabre.
Le deuxième caractéristique réside dans l’animisme qui devrait être incompatible avec l’islam,
pourtant la prédication coranique, la parole monothéiste, s’est adressée à l’origine à des arabes
animistes, pour lesquels le sacré était immanent à la vie de la nature. « L’animisme, idolâtrie, et
polythéisme ne sont pas synonymes mais redisent un mot du sacré32 ». Le monothéisme coranique
n’a sans doute pas directement mis en cause l’animisme, mais il a violement contesté le polythéisme
et les idoles. C’est sur fond animiste, non sur fond judéo-chrétien ni a fortiori, que le monothéisme
a été annoncé aux compatriotes de Muhammad puis aux Africains. Ce monde des esprits a été un
précieux terrain de rencontre et de passage entre l’Afrique et l’Islam (le monde des Jiins).
Un troisième terrain c’est la manipulation de la magie traditionnelle et les pouvoirs des
marabouts : C’est l’art de la manipulation des plantes, des poudres et des gris-gris divers, pour
réussir dans une affaire. En effet les propagateurs de l’islam au cœur du continent noir n’ont pas
dédaigné les demandes et les besoins des populations, tout en offrant des réponses qui orientaient
d’emblée vers le Coran et son auteur premier, Dieu unique. On ne peut pas parler du syncrétisme
ici. Il s’agit plutôt du jeu normal du dialogue et des échanges culturels, conforme aux lois de
l’adaptation et de l’adoption, dans un mouvement aux rythmes et aux phases diversement modulés.
32
Ibid, 219
19
II.5 Confréries soufistes en Afrique
Qu’est ce que le soufisme?
« Fais-moi entrer ô Seigneur, dans les profondeurs de l’Océan de ton unité infinie » : tels
étaient les mots par lesquels débutait une prière qu’avait coutume de dire le grand soufi
andalou Muhyi ‘d-Dîn’arabî33
. Le soufisme est la vocation, la discipline et la science permettant
de se plonger dans les flux de l’une de ces vagues et d’être ramené avec elle à la source éternelle et
infinie34. Cette définition met en exergue le degré de la spiritualité de ce courant musulman. Si dans
l’islam en générale, la relation spirituelle est une approche de la « umma » vers Dieu, donc de la
communauté, le soufisme pour sa part privilégie la personne humaine dans son élan de cœur avec le
transcendant. La conscience du croyant devient le centre de la communication avec Dieu. Car ce
qui, par la réalisation spirituelle, est ramené à la Source peut être désigné comme le centre de
conscience. Il faut dire en se basant sur des textes des auteurs soufis comme Rumi et Al Ghazali que
c’est la sainteté qui est le but final du soufisme. Tout art sacré dans le vrai et plein sens du terme est
comme une cristallisation de la sainteté, de même que le saint est comme une incarnation dans
quelque monument sacré, l’un et l’autre étant des manifestations de la Perfection divine35. Certains
poussant plus loin, considèrent que le mystique, dans sa quête de Dieu, peut se passer de cette base
formelle qu’est la chari’a. Pour les soufis, la connaissance de Dieu est le seul but désirable, c’est la
seule réalité vraie (ma’arifa). La vie de l’âme et l’amour de Dieu sont les sources pures de la
religion et les soufis considèrent que l’absolue vérité ne peut être obtenue que par la force de
l’intuition36. Ce désir d’élévation apparait souvent dans les textes soufis. Déjà au lendemain de la
mort d’Al Ghazali le grand soufi du 10ème siècle on trouva sous sa tête un poème qu’il avait écrit
durant sa dernière maladie en ce terme :
« Je suis un oiseau : ce corps était ma cage, mais je me suis envolé, le laissant comme
un signe »37
.
Nous n’avons pas la prétention de faire ici l’histoire du soufisme. Notre intérêt est de dégager les
lignes du soufisme qui ont permis de faire le greffage avec la culture de l’Afrique sub-saharienne.
René Luc Moreau fait remarquer que l’apparition des confréries sur le continent noir date des XV-
XVIème, mais le mouvement ne prit l’ampleur qu’au 19ème siècle et dans la première moitié du
20ème avec les grandes dynasties maures et Al-Hajj ‘Umar. En effet les confréries sont nées en
33
Martin Lings, Qu’est ce que le soufisme, éditions du Seuil, 2010, p. 9 34
Ibid, p. 9 35
Ibid, p. 19 36
J.C. Froelich, Les musulmans d’Afrique Noire. 185 37
Martin Lings, Qu’est-ce que le soufisme? P. 11
20
Orient et se sont répandues dans l’ensemble du monde musulman à partir 12ème dans les pays arabes
comme dans les autres régions, même au cœur des lieux saints que sont la Mekke et Médine, jusqu'à
l’avènement du pouvoir wahhabite des princes saoudiens.
Le soufisme va opérer un déplacement radical en direction de la culture africaine. Le soufi arrivera
à rayonner spirituellement sur les populations noires à partir du nomadisme de la cote vers
l’intérieur. Les grandes familles confrériques sont surtout mauritaniennes et sénégalaises, et
leur étude nous permet de mieux identifier ce qui se vit un peu partout, de façon plus limitée et plus
discrète, entre fideles et maitres musulmans africains. Au plan religieux, les confréries ne sont que
des moyens divers et facultatifs, au sein du même et unique islam. Malgré la diversité des
confréries soufi dans l’Afrique sub-saharienne on ne note pas des grandes différences ou des
divergences entre elles. Cette unité traditionnelle des confréries, même si on en parle peu a permit
fortement de résister contre les idées réformistes actuelles et fait ressortir ainsi la particularité de
l’accueil de l’islam dans les cultures afruccaine
« Que nous soyons de la Quadririyya, de la tijaninyya, mourides ou hamallistes, c’est la même
chose, nous sommes tous musulmans 38
».
D’un point de vue spirituel la vie traditionnelle privilégie le mystique sufi, en droit de l’école
malikite. Dans le foyer réformistes, on se méfie au contraire des pratiques sufis, on dénonce les
abus : En droit et en théologie, l’ouverture s’élargit aux autres écoles surtout hanbalites et néo-
hanbalites en se référant de plus en plus aux auteurs modernes égyptiens et maghrebiens.
Les missionnaires soufistes avaient su comment récupérer ces pratiques traditionnelles pour
l’inculturer dans leur doctrine. C’est ainsi que les pêcheurs sénégalais affirmaient leur attachement
aux rites traditionnels du fleuve même une fois convertis à l’islam.
« Nous avons gardé notre culture aux génies aquatiques parce qu’un jour des guerriers
musulmans, poursuivis par l’ennemi, ont été sauvé en traversant le fleuve Sénégal grâce
aux esprits du fleuve… et les musulmans nous ont permis de garder notre culture.»39
.
A titre d’exemple on peut citer ici trois confréries qui ont eu une influence majeure dans la
formation de l’islam noir. Cependant on peut en trouver plus que cela en Afrique noire.
38
Ibid, 183 39 René Moreau, l’islam en Afrique noire p.14
21
La confrérie Quadiriyya en Afrique de l’Ouest fondé par Abd-el Qadir Al ilani (1077-1166).
Cette confrérie avait imprégné des générations de musulmans africains d’un esprit de tolérance et de
rectitude morale.
- La confrérie Shadhiliyya fondé au 13ème siècle par Abu al-Hassan al-shadhili. Pendant de
longs siècles, cette confrérie a été prépondérante en Afrique du Nord, mais elle a pénétré
que de manière sporadique en Afrique de l’Ouest.
- La confrérie Tijaniyyya : fut fondée en Afrique du Nord par Ahmed al-Tijani (1737-1818).
Elle connut très vite une grande extension à travers tout le monde musulman arabe. En
Afrique de l’Ouest, grâce au Jihad de Al-Haj Umar Tall.
Chapitre III : Le christianisme en Afrique
Dans son livre intitulé « Comment le christianisme a-t-il rencontré l’Afrique ? », Jacques Gadille
precise qu’il y a de l’intensité dans ce terme de “rencontre”. Pour lui, rencontre peut signifier une
reconnaissance mutuelle entre deux êtres humains, et même entre deux cultures - par conséquent,
être l’occasion d’un échange où le recevoir l’emporte sur le savoir et le donner… Cette rencontre
porte alors en elle une “fécondité” insoupçonnée au départ. A la richesse humaine, la tradition
biblique avait nommé l’étranger inconnu, - auquel on fait honneur en respectant les lois de
l’hospitalité - ambassadeur de Dieu, voire Dieu lui-même, ce Dieu en trois personnes qu’Abraham
reçut sous le chêne de Mambré, qui semble avoir été le lieu d’habitation favori des patriarches.
(Genèse, 18)40. La demande fondamentale en partant de cette référence biblique est de savoir ici si
le terme de “rencontre” a-t-il la même signification lorsque l’on parle des relations entre
christianisme et Afrique ? L’histoire nous montre que le christianisme en Afrique peut même se
targuer d’une grande antiquité qui fait que d’un point de vue historique, la chrétienté n’est pas
récente en Afrique L’Égypte - où dit-on, le Christ séjourna quelque temps pour se protéger des
persécutions d’Hérode - fut le premier pays d’Afrique à accueillir l’évangile, qui se diffusa alors en
Éthiopie et en Nubie (actuel Soudan).
III.1 : Les phases d’évangélisation de l’Afrique subsaharienne
Selon la revue « La croix » quatre phases d’évangélisation de l’Afrique subsaharienne sont à
identifier
40
http://www.congoforum.be/upldocs/Gadille%20rencontre%20chr%20-%20Afr.pdf
22
Première phase
Dès le Ier siècle, sous la figure tutélaire de l'évangéliste Marc, des communautés chrétiennes sont
fondées en Afrique du Nord et la Bonne Nouvelle se répand en Égypte à travers des judéo-
chrétiens, des esclaves et des marins. Du IIe au IVe siècle, le grand nombre de saints et martyrs
ainsi que la notoriété des immenses théologiens africains (Origène, Athanase, Cyrille, Tertullien,
Cyprien, Augustin) prouvent l'intense activité apostolique dans ces régions. D'Égypte - où le
monachisme chrétien naît au IVe siècle avec Antoine et Pacôme -, le christianisme descend en
Nubie et en Éthiopie. Mais après la conquête vandale (Ve siècle) puis l'expansion de l'islam dans
toute l'Afrique du Nord (VIIe siècle), le christianisme s'effondre.
Deuxième phase
Aux XVe-XVIe siècles, les explorateurs portugais procèdent à une évangélisation le long des côtes
atlantiques (Cap-Vert, Principe, São Tomé, Angola), puis d'autres missionnaires occidentaux
entrent dans les régions du Bénin, Congo, Mozambique, Madagascar Écoles et hôpitaux catholiques
commencent à s'implanter. Le XVIIIe siècle voit cependant s'éteindre la quasi-totalité des missions
au sud du Sahara.
Troisième phase
Au XIXe siècle, des congrégations missionnaires, parfois en concurrence entre elles (Pères Blancs,
spiritains et de très nombreuses religieuses), ainsi que des missionnaires protestants de toutes
confessions, pénètrent plus avant dans les terres et s'établissent durablement. Parfois, des convertis
paient le baptême de leur vie, tel Charles Lwanga et ses compagnons en Ouganda : ces 22 premiers
martyrs d'Afrique noire en 1886 seront béatifiés en 1920 et canonisés en 1964. Dans l'élan du
colonialisme et grâce à d'importants financements occidentaux, institutions et infrastructures
ecclésiales se mettent en place : préfectures ou vicariats apostoliques, puis évêchés.
Quatrième phase
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, c'est de plus en plus par les catéchistes et le clergé
autochtone que l'Évangile continue d'être annoncé à l'Afrique41.
41
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Quatre-phases-d-evangelisation-en-Afrique-_NG_-2009-10-02-540050
23
III.2 : Caractères et méthodes de la christianisation
Les travaux des historiens et théologiens, des sociologues et ethnologues de ce siècle, qu’ils soient
africains ou étrangers à l’Afrique nous font comprendre cette aventure de la mission conduite
parallèlement et souvent en concurrence par les protestants et les catholiques, comme une pièce à
trois rôles.
- Les missionnaires qui, eux-mêmes, ont dû se plier au contexte colonial, tout en gardant leurs
distances vis-à-vis de l’Administration, avec plus ou moins de succès suivant leur nationalité
d’origine.
- Les “récipiendaires” de la parole dont il convient de mesurer les “réactions” vis-à-vis de la
domination coloniale et au nouveau message religieux.
- Les circonstances générales et la résistance des autres traditions religieuses. Là-dessus, nous
disposons de trois critères principaux qui peuvent nous servir à établir des contours assez précis de
la mission en Afrique :
a) Les traites négrières en Afrique: C’est le mérite d’un certain nombre de missionnaires d’avoir
compris que l’évangélisation était incompatible avec le statut servile, dès avant son abolition. De
nombreux missionnaires luttèrent contre l’esclavage et répandirent l’instruction en traduisant la
Bible dans la plupart des langues indigènes.
b) L’inculturation est adaptation de la théologie chrétienne pour la placer dans le contexte de la
culture traditionnelle africaine28. Au sens le plus étroit, il s'agit pour les missions de présenter la foi
chrétienne en fonction des croyances africaines afin de la faire accepter par la mentalité locale.
Dans des sens plus larges, la théologie chrétienne de l'inculturation est un discours sur Dieu, une
compréhension de la foi, en accord avec les mentalités et les besoins des africains.
c) Au niveau culturel, c’est par les langues, que le missionnaire a pénétré dans la connaissance de
ces civilisations de l’oralité : grâce aux lexiques, aux traductions de l’écriture, des textes de prières,
de catéchèse et de cantiques. Ainsi, par le biais de l’étude de la langue, s’est effectué une vraie
promotion des cultures locales, avec la publication de recueils de contes ou de proverbes, voire de
récits historiques
Chapitre IV : Rapport musulman et chrétien dans l’Afrique subsaharienne :
Si dans le Nord de l’Afrique on parle de confrontation et relation de l’islam avec le christianisme,
au sud de l’Afrique le christianisme ne constituait pas dans un premier temps le partenaire de
24
dialogue, mais plutôt les religions traditionnelles qui étaient directement visées. Autrement dit
l’islam et le christianisme ont constamment à se référer à la religion traditionnelle, à se situer par
rapport à elle chacune de ces deux religions doit répondre à une vocation africaine, doit préciser
cette vocation à partir du message spirituel qu’elle porte42. Dans un article parut dans Jeune Afrique
édition 15 Avril 2010, selon une étude du centre américain Pew Research Center il a été affirmé
que l'Afrique subsaharienne est une des parties du monde les "plus religieuses", où le nombre de
musulmans comme de chrétiens s'est multiplié par plus de 20 au cours du siècle dernier. Cependant
cette croissance n’est pas un fait de concurrence entre les deux religions mais plutôt une
appropriation de la religion révélée dans un milieu culturel. Bien entendu, l’influence de la politique
et du fondamentalisme religieux actuel ont voulu utilisé les religions pour des fins définis.
« Ni le christianisme, ni l’islam ne progressent en Afrique subsaharienne aux dépends de l’une ou
l’autre religion »43
Géographiquement, alors que le nord de l’Afrique est massivement musulman et le sud
majoritairement chrétien « la zone de rencontre se situe au milieu du continent, sur une ligne qui va
de la Somalie au Sénégal ». Une chose surprenante dans l’étude, a été de voir le grand degré de
tolérance que les Africains, musulmans ou chrétiens, ont les uns vis-à-vis des autres. Cette adhesion
massive dans l’islam ou dans le christianisme paradoxalement n’exclut pas l’appartenance culturelle
ou traditionnelle au point qu’on pourrait être porté à juger comme un fait du syncrétisme. Fort est de
constater qu’en même temps, les croyances et les pratiques religieuses traditionnelles africaines
continuent d’être adoptées par un grand nombre de musulmans comme de chrétiens.
Désormais, un chrétien sur cinq dans le monde et un musulman sur sept vivent en Afrique
subsaharienne. Sur le continent africain « les deux religions s’équilibrent »
IV.1 : La pluralisation de l’Afrique par le religieux
S’inscrivant dans des contextes de crise et d’incertitude politique, de bouleversements sociaux et de
questionnement identitaire, de quête d’autonomie et d’émancipation des individus, ces processus
ont contribué à une démultiplication de l’offre religieuse, à un éclatement des dénominations
existantes et à une fragmentation des acteurs. La compétition religieuse s’est ainsi trouvée
complexifiée et sensiblement renforcée. Les conséquences de ce processus peuvent être
appréhendées à plusieurs niveaux.
42
P. Josef Stamer, L’Islam en Afrique au suddu Sahara. P. 119 43
http://www.jeuneafrique.com/depeches/90318/politique/lafrique-subsaharienne-une-des-parties-du-monde-les-plus-religieuses/
25
D’abord, au niveau de l’offre religieuse même, cette pluralisation s’est traduite par l’émergence de
nouveaux acteurs, qui sont venus concurrencer des mouvements implantés depuis longtemps, en se
développant soit au sein de ces expressions religieuses dominantes, soit en marge de celles-ci. Au
niveau de l’islam, l’auteur Godeu Ladiba signale que ces organisations sont de la volonté de
certains pays islamiques africains de venir au secours des musulmans d’autres pays par solidarité ou
désir d’étendre une vision particulière de l’islam au reste de l’Afrique44. À l’intérieur des grandes
forces religieuses, la pluralisation s’est traduite par l’expansion des courants évangéliques et
pentecôtistes au niveau du christianisme. Des tendances réformistes pour l’islam ou des
mouvements néo-traditionnels au sein de l’ensemble des cultes endogènes se manifestent ici et là.
Cette reforme, peut être appréhendée au sein même d’institutions religieuses précises. Au niveau du
catholicisme, par exemple, ce processus renvoie au développement de groupes charismatiques ou de
communautés nouvelles (Sant’Egidio) tandis que le développement de mouvements réformistes au
sein du soufisme (exemple du néo-confrérisme) en est une illustration musulmane. La pluralisation
se manifeste aussi par l’émergence de nombreux acteurs ne s’inscrivant pas dans une de ces
lignées et dont l’influence demeure circonscrite à certaines sphères sociales45
En effet, il apparait dans les manuels de l’histoire africaine, que le rapport chrétiens-musulmans
n’était pas à la une dans le temps précédent les réformistes de l’islam. Malgré la différence des
langues qui ne permet pas une unité, les musulmans africains comme les chrétiens africains ont une
forte cohérence culturelle à partir de ce qu’on appelle la « négritude »46. Concept qui selon certains
auteurs demeure toujours sans une définition claire. Autrement dit les deux religions étrangères
n’avaient pas des grandes influences négatives dans le rapport musulman et chrétien
« Il n’en est pas moins vrai que l’Africain qui adhère à l’islam ne connait pas, du point de
vue familial, le dépassement de son compatriote chrétien. Il retrouve dans le Coran le culte de la
vie qui fait partie de son propre héritage, comme d’ailleurs de celui de la Bible (Genèse 1, 28). Une
nombreuse descendance est bénédiction de Dieu! La conversion ne retire pas de ce milieu de vie
qu’est la grande famille, et qui est composée des oncles et des cousins, des femmes du père et des
tantes, rassemblés autour du chef. Et la grande famille tant musulmane qu’africaine a même eu
tendance à intégrer les esclaves à la parenté, ainsi que toute une clientèle47».
Mais au delà du cadre politique et administratif, on peut noter que musulmans et chrétiens
entretenaient de bon rapports souvent amicaux et fraternels du fait que dans la même famille on
44
Gondeu Ladiba, L’émergence des organisations islamiques au Tchad, L’harmattan 2011, p. 90 45
https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2009-1-page-83.htm 46
René Luc Moreau, Africains musulmans, édition Inades, 1982, Paris, p.20 47
Ibid, p.212
26
peut trouver ces deux confessions de foi, alors que d’autres membres de cette famille restent
attachés aux pratiques traditionnels. On peut aussi remarquer l’assistance au grandes fêtes
religieuses qui sont des occasions de sympathie réciproque entre les chrétiens et les musulmans sont
le regard bienveillants des autorités politiques. Beaucoup des gestes de convivialité entre ces deux
communautés sont assez remarquable dans les premières heures de cohabitation. Les moments de
deuils, des naissances, les mariages mixtes, en générale étaient toujours des occasions de relation et
de dialogue entre les musulmans et les chrétiens de l’Afrique noire. Il faut dire que la notion de la
famille africaine est une catégorie sur laquelle toutes les autres considérations se reposent. L’église
africaine à travers différentes occasions de rencontres au niveau national qu’international a toujours
placé au centre du débat la question de la connivence entre musulmans et chrétiens. Déjà le message
final de la 16e Assemblée plénière du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de
Madagascar (SCEAM)48 a très tôt compris et souligne avec force la notion de la famille africaine
qui va au delà des divisions religieuses. Cette philosophie de la famille est vitale pour la pensée
africaine. C’est pourquoi le synode a qualifié l’église comme « Église famille de Dieu qui est… ».
Chapitre V: Une coexistence possible
Un retour historique nous fait dire que dès le début, la cohabitation entre chrétiens et musulmans a
donc connu un modèle pacifique certes, mais un modèle ambigu qui sera cause de tant
d’incompréhension, de suspicion et de conflits tout au long de l’histoire et jusqu’à nos jours. D’un
coté le musulman est convaincu qu’il respecte complètement la foi chrétienne en assurant au
chrétien une place dans la cité musulmane et qu’il lui fait la faveur en le protégeant. Le chrétien lui,
se sent dégradé en citoyen de second ordre, exclu des instances de décision, limité dans ses
mouvements et ses droits49. Il s’agit ici de l’application du concept de Dhimma (payement d’une
taxe pour vivre en territoire musulman) en islam. Cette forme de cohabitation ne pouvait pas tenir
longtemps du fait qu’elle est basée sur la peur réciproque et sur un principe économique dans lequel
le rapport humain ne peut être contenu. Aujourd’hui la cohabitation en Afrique subsaharienne n’a
rien à voir avec le concept de dhimma. La coexistence et la rencontre entre le christianisme (ou la
culture africaine) et la religion musulmame se produisent particulièrement aux grands moments de
la vie sociale, naissance, mariage, décès, et lors des grandes fêtes musulmanes. Le rituel musulman
est extrêmement sobre, naissance et mariages ne donnent pas lieu à ce que les chrétiens appellent 48 Du 8 au 15 juillet 2013, a eu lieu à Kinshasa, République démocratique du Congo, la 16e Assemblée plénière du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) sur le thème « L’Église-Famille de Dieu en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ». Au cours de l’Assemblée, le comité exécutif composé d’un président, de deux vice-présidents et d’un secrétaire général a été renouvelé. Au terme de leurs travaux, Mgr Gabriel Mbilingi, archevêque de Lubango, Angola et président nouvellement élu du SCEAM a rendu public le message final suivant 49
Josef Stanner, op. cit.., 10
27
« sacrements », au contraire, les traditions africaines célèbrent presque toujours avec exubérance
ces grandes phases de la vie. Lors de fêtes, musulmanes comme les fêtes chrétiennes les gens
reprennent des signes qui leur parlent depuis toujours. Il faut surtout dire que les relations islamo-
chrétien se croisent au carrefour culturel et dans la vie sociale en Afrique subsaharienne
V.1 Que veut dire dialogue?
Le dialogue, voici le mot qu’on entend dire quand on veut rétablir une relation rompu par un
événement ou un fait advenu entre les personnes. Le dialogue est aussi le mot qu’on entend quand
les religions se rencontrent soit sur le plan international ou simplement dans un rapport de
convivialité dans un coin du monde. Le dialogue est définit comme « contact et discussion entre
deux parties à la recherche d’un accord, d’un compromis »50 Il est aussi le mot utilisé couramment
dans nos langages quand on bute à une difficulté de relation et qu’on veut bien arriver à finir avec
ce qui nous oppose. Des les premiers contacts historiques entre musulmans et chrétiens on évoquait
déjà la question du dialogue islamo-chrétien. Déjà à Médine le prophète avait signé un pacte avec
les chrétiens médinois. Plus loin encore au moment ou la cinquième croisade assiégeaient les
musulmans devant la ville de Damiette, en Égypte, Saint François, « poussé par l’Esprit d’en
Haut », décida de quitter le camp des croisés avec son compagnon, pour aller trouver le Sultan. Ils
allaient sans arme et sans escorte. Ils voyaient dans les musulmans, des créatures de Dieu à qui, il
faut annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Contrairement à toute attente, le Sultan les reçut
avec courtoisie51. Si invraisemblable que cela paraisse, la visite de Frère François au Sultan Al-
Malik alKâmil est un fait historique qui a bien eu lieu en 1219. Du coté de l’Église catholique, il
suffit de porter un regard sur les documents officiels de l’Église pour se rendre compte que la
question du dialogue est au cœur de la réflexion ecclésiale après le concile Vatican II52. Malgré les
divergences et mal compréhensions sur certains points historiques, théologiques, dogmatiques et
sociales, les grandes institutions religieuses tel que le Vatican et Al-Hazar ont toujours cherché à
dialoguer, à créer des occasions de rencontres pour la promotion de la paix et de la cohabitation
pacifique. Les événements actuels du fondamentalisme, du terrorisme et de l’intolérance religieuse
observés ci et là rendent la question du dialogue pertinente jusqu’au niveau académique.
50
Le Nouveau petit Robert de la langue française, Nouvelle Edition MILLENISME, 2008 51
http://www.freres-capucins.fr/Saint-Francois-et-le-Sultan-Dieu.html. 1° Siège de Damiette (1218 – 1219) – La quatrième croisade, il faut bien l’avouer, se solda par un triste échec. En 1215, l’infatigable Innocent III en décida donc une nouvelle au concile de Latran, qu’il n’eut cependant pas le temps de voir. Cette dernière ne commença en effet qu’en 1217. Arrivés à l’embouchure du Nil, les croisés mirent le siège devant Damiette. La place forte, bien défendue, secourue par le sultan du Caire, résista 17 mois. Avant que la ville ne fut prise, le sultan d’Egypte, Mélik el Kâmil, offrit Jérusalem en échange du retrait des croisés. 52
Le document du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux, intitulé ʺLe dialogue interreligieux dans l’enseignement officiel de l’Église catholiqueʺ rassemble tous les textes officiels en matière de dialogue interreligieux.
28
Aujourd’hui l’enseignement de la cohabitation pacifique est un fait même dans les pays à majorité
musulmane. Le Liban déjà avec la guerre civile de 1978 à 199053 entre chrétiens et musulmans a
désormais apprit la valeur et la nécessité du dialogue et de la cohabitation pacifique. Même si ce
pays fait exception avec le plus grand nombre des chrétiens, il faudrait tout de même considérer la
croissance musulmane et le contexte arabe. Le Liban reste le pays de référence et de modèle de
cohabitation entre les différentes branches religieuses chrétiennes et musulmanes. Jean Paul II disait
que « la vérité, c’est que les contact interreligieux, ainsi que le dialogue œcuménique, apparaissent
maintenant comme des voies obligatoires pour parvenir surement à ce que les nombreux et
douloureuses blessures infligées au cours des siècles ne se renouvellent pas, et même que, s’il en
subsiste encore, elles soient bientôt guéries ».54
Une invitation est lancée ainsi au différentes
confessions religieux de faire un pas vers un dialogue qui ne s’arrête pas à la résolution d’un conflit
historique mais un dialogue qui touche à la dimension de la foi de chaque croyant. « Avant chaque
dialogue interreligieux, il faudrait poser la question : Qui parle à qui? De là résulte la nécessité
d’une anthropologie du dialogue, non pas au sens d’une structure imposée, mais à partir du sens
religieux des interlocuteurs eux-mêmes, où chacun s’interrogerait : Pourquoi dialoguer? Qu’est-ce
que le dialogue? Qui suis.je en tant que dialoguant? Qui est l’autre et quel statut je lui
accorde? »55 Le dialogue sous-tend toute action pour la paix au sens profond du terme. Car la paix
n’est pas simplement une absence de guerre comme nous l’enseigne la mentalité actuelle. Dans le
Coran et dans la Bible, la paix est d’abord un attribut de Dieu, voire le nom de Dieu et ne pourrait
être réduite à une simple notion vide de contenu théologique. La paix est une forme de témoignage
de l’amour de Dieu pour tous les croyants quelle que soit leur confession chrétienne, leur religion
ou leur idéologie. L’éducation à l’écoute, au respect sans crainte de l’autre doit commencer dans la
famille pour s’étendre à tous les secteurs de la vie. Le dialogue entre nous-mêmes, et le dialogue
avec les autres. En somme, promouvoir le dialogue est, pour l’Église-Famille, une manière d’être au
service de la société dans toutes ses composantes en vue d’une vie harmonieuse. Toutefois, ce
dialogue doit se faire dans la vérité, le respect des autres et la tolérance ».
V.2: Une coexistence possible à partir de la notion de la famille africaine
Parler de la famille surtout en Afrique subsaharienne vise à sortir du cadre conceptuel occidental
(dans laquelle la famille est constituée de père, mère et les enfants s'il y a) pour une nouvelle
définition. La famille africaine est plus complexe, du fait qu’elle s’élargit même aux membres
lointains comme les cousins, les neveux, nièces et. En effet cette famille élargie constituait et 53
http://www.lesclesdumoyenorient.com/guerre-civile-libanaise.html 54
Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Éditions de Solesmes 2006. Citation à la couverture verso. 55
Mohamed Aziz Lahbabi, la personne en Islam. Liberté et témoignage, Éditions Jésuites, 2015. P.5
29
constitue encore la base de toute coopération et responsabilité sociale. Dans tous les cas, en Afrique,
la famille est l’unité sociale de base, fondée sur la parenté, le mariage et l’adoption, comme aussi
sur d’autres aspects relationnels. La famille, ensuite, peut être patriarcale, matrilinéaire,
patrilinéaire, multi locale, multi parentalité, multiethnique et multi religieuse à cause des
migrations, du mariage et de la conversion56
Les crises économiques ont ébranlé ce système et favorisé un repli sur « la famille conjugale ou
famille élémentaire » regroupant père, mère et enfants.
La famille est la cellule de base de toute société humaine. Cette réalité s’impose partout dans le
monde, quel que soit le système social en vigueur et malgré l’ampleur des problèmes qu’elle
affronte aujourd’hui.
V.3: Une coexistence possible à partir des fondements biblique et coranique
Face à la problématique de la coexistence dont nous venons de parler, nous en tant que jeunes
musulmans et chrétiens, nous sommes les premiers à être touchés. Étant des hommes de foi, notre
première référence en matière de dialogue sera le livre sacré de notre religion. La foi qui nous
anime va nous pousser à trouver des arguments dans les textes révélés pour bâtir notre désir de
vivre ensemble. Dans la révélation chrétienne, le Christ Jésus a toujours invité les hommes et en
particulier ses disciple a placer au centre de leur vie, l’amour. Un amour désintéressé, un amour
agapè, capable d’accepter l’autre tel qu’il est, un amour orienté même vers l’ennemi. L’evangile de
Mathieu nous fait comprendre le sens du vrai amour qui doit exister entre les hommes.
Mathieu 5, 46-47 « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les
publicains aussi n'agissent-ils pas de même? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous
d'extraordinaire? Les païens aussi n'agissent-ils pas de même? 48Soyez donc parfaits, comme votre
Père céleste est parfait ».
Matthieu 22,34-46 « Les pharisiens apprirent qu'il avait réduit au silence les sadducéens. Ils se
rassemblèrent et l'un d'eux, professeur de la loi, lui posa cette question pour le mettre à l'épreuve:
«Maître, quel est le plus grand commandement de la loi?». Jésus lui répondit: «Tu aimeras le
Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C'est le premier
commandement et le plus grand. Et voici le deuxième, qui lui est semblable: Tu aimeras ton
prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes.».
56
http://www.osservatoreromano.va/fr/news/la-famille-en-afrique
30
Quelques passages coraniques nous montrent aussi une volonté de vivre en paix les uns avec les
autres malgré nos différences :
Coran, 2 : 256 « Nul contrainte en religion »
Coran 88, 21-22 « eh bien, rappelle! Tu n’es qu’un rappeleur, et tu n’es pas un dominateur sur eux »
Coran 10 : 99 « si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi
de contraindre les gens à devenir croyants? »
Coran 109 : 6 « A vous votre religion et à moi ma religion ».
Coran 18 : 29 « La vérité émane de votre seigneur. Quiconque le veut, qu’il croit, et quiconque le
veut qu’il mécroie ».
En plus de ces quelques versets on trouve dans les hadiths des récits qui montrent a suffisance la
relation que le prophète a cherché avec les gens du livre.
Le Christianisme se caractérise comme la religion d’amour et l’islam se définit comme la religion
de la paix. Paix et amour apparaissent dans les textes révélés comme des attributs de Dieu avec
lesquels les hommes sont appelés à prononcer et a les vivres chaque jour.
V.4 : Une coexistence possible à partir de la notion de la citoyenneté
Le siècle des lumières, le développement industrielle, les deux guerres mondiaux, la chute du mur
de Berlin… voila tant d’événement historique qui ont d’un coté marqué la vie des hommes et de
l’autre coté ont permit de faire évoluer des systèmes de pensé et de gouvernance qui devrait
empêcher que l’histoire se répète négativement. Des lors la question de la bonne gouvernance et des
systèmes politique devinrent le langage quotidien des prélats et des prolétaires de tout genre.
Chaque régime ou système politique bannit de son vocabulaire théorique le mot « dictature » pour
le remplacer par le mot « démocratie ». Selon Guy Hermet à travers son livre intitulé «Le passage
à la démocratie », cette notion de la démocratie doit nous conduire à la notion de la citoyenneté.
« Comment l’esprit démocratique vient-il aux peuples, c'est-à-dire comment devient-on
citoyen57»? En effet la notion de citoyenneté trouve son origine dans le cadre de la cité ou "polis"
de la Grèce antique, fondée sur l'égalité de ceux qui ont le statut de citoyens. Contrairement aux
métèques ou aux esclaves, les citoyens participaient aux débats dans l'agora et aux décisions (lois,
57
Guy Hermet, le passage à la démocratie, note de couverture de la page, édition Presse de la fondation Nationale 1996
31
guerres, justice, administration) et pouvaient posséder la terre58. Cette notion de la citoyenneté doit
être placée en tête des principes qui régissent la société. L'éducation à la citoyenneté est un thème
fédérateur qui doit avoir une place primordiale dans l’enseignement et dans le vécu quotidien.
Conclusion
Il y a eu entre l’islam et les Africains des complicités, des affinités mais aussi des conflits. Si on ne
veut retenir que les affinités, on dira que l’islam a d’abord été en relation avec les marchands, puis
avec les royaumes, beaucoup plus tard avec une Afrique en voie de décolonisation. L’islam et le
christianisme en Afrique doivent passer du stade du conformisme à celui de l’engagement. La
question de l’identité doit être fondamentale dans notre recherche de la coexistence. Toute religion
étrangère embrasse nécessairement une identité culturelle qui l’accueille. Chacune de ces deux
religions a rongé l’espace de la religion traditionnelle. Celle-ci continue pourtant à vivre et à
s’exprimer soit à travers les adaptations des deux grandes religions, soit à travers une multitude de
sectes importées ou d’Églises indépendantes59. En somme on est tenté de dire avec Josef Stamer que
ni l’islam, ni le christianisme ne peuvent prétendre avoir totalement répondu à l’attente religieuse
des Africains dans un continent en pleine mutation. Ce qui importe ici et maintenant c’est
d’observer les changements intervenus depuis une trentaine d’année du coté des chrétiens et plus
récemment dans les communautés musulmanes africaines. Cependant il faudrait bien se poser des
questions pour savoir si ce changement favorisent-ils ou éloignent-ils une meilleur compréhension,
une rencontre véritable entre croyants africains. Ce dialogue dont nous rêvons tous peut se faire de
bien des manières selon la diversité des situations concrètes. Beaucoup des auteurs impliqués dans
le dialogue islamo-chrétiens estiment qu’il y a tout les champs des relations humaines allant du
voisinage et de l’amitié entre personnes jusqu’au partage de l’engagement social et politique sur la
base explicite de la commune foi en Dieu. Ce qui importe en premier lieu, c’est cette volonté de
regarder toujours au-delà des limites de la communauté chrétienne visible60.
Ce parcours historique de l’islam et du christianisme, nous a permit de restituer les faits et d’ouvrir
des chemins de réflexion
Questions de carrefour
A partir de la conférence, quels sont les points forts historiques que vous avez retenu?
58
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Citoyennete.htm 59
Josef Stamer, op. Cit. P.128 60
Ibidem., p. 132
32
Souligner quelques particularités de l’islam et du christianisme africains qui apparaissent dans
l’exposé ou qui vous semble important mais n’a pas été mentionné.
Qu’est ce qui parait important pour vous dans l’exposé et qui mérite d’être développé pour une
bonne connaissance de nos différence.
Quels sont les points de forces et les points faibles qui ressortent de la déclaration de Marrakech et
celle d’Al Hazar? Faire la lecture du texte, relever les ponts et discuter entre vous.
Quel serait pour toi le slogan pour la promotion de la cohabitation pacifique entre les religions
p. Claude Ondongar mccj