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It'Bvolation de la IWatièPe

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PRINCIPALES PUBLICATIONS DU Dr GUSTAVE LE BON

i» KI:< IIIIUIIIS ivrfimiiMAi isLa Fumré du Tabac. 3' édition riigmeniéf de recherches nouvelles sur

l'acide pru-si.pi'-, l'oxyde de raihom; i-i d'vT-i dealolde-» autres que h nico-tine, que h fumée 'lu tabac cniit'ciil. (/.yw/vh)

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l'auteur (publié par la Société or"!/rophi>jue de l'arh).Voyage au Népal, avec nombreuses illustrations, d'après les photographie»

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L'Homme et les Sociétés. — Leurs origines et leur histoire.Tome \" : Développement physique el intellectuel de l'homme. — Tome 11

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Les Civilisations do l'Inde. Grand in-4°, illustré de 352 photogravuresel 2 cartes, d'après les photographies exécutées par l'auteur. 2' édition.(Flammarion.)

Les Monuments de l'Inde, In-folio, illustré de 400 planches d'aorès lesdocuments, photographies, plans el. dessins de l'auteur. (Firmin-DMot )

Les Lois psychologiques de l'évolution des peuples. 1 vol. in-18.(F. Alcan.) 0« édition.

Psychologie des foules. 1 vol. in-18. (F. Alcan.) 8' édition.Psychologie du Socialisme. 1 vol. in-8\ (F. Alcan.) 4* édition.Psychologie de l'Éducation. 1 vol. in-18. (Flammarion.) 5' édition.

Il existe des traductions en Anglais, Allemand, Espagnol, Italien, Danois,Russe, Polonais, 7chèque, Iliudostani, etc., de quelques-uns des précédentsouvrages.

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Published, Paris, 10 juin 1903.Privilège of Copyright in tho United States reserved under the Act

approved Mardi 3, 1905,by ERXEST FLAMMARION, Paris.

Publié à Paris, le dix juin mil neuf cent cinq.Privilège du droit d'auteur aux États-Unis, réservé en vertu do la loi

sanctionnée le 3 mars 1905,

par ERNEST FLAMMARION, éditeur à Paris.

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INTRODUCTION

Ce livre est consacré à l'étude de l'évolution de lamatière', c'est-à-dire de l'élément fondari.mtal deschoses, du substralum des mondes et des êtres quivivent à leur surface.

Il représente la synthèse des recherches expérimen-tales que nous avons publiées pendant huit ans dans denombreux mémoires. Elles ont eu nom* conséquencede montrer l'insuffisance de certains principes scien-tifiques fondamentaux, sur lesquels l'édifice de nosconnaissances physiques et chimiques repose.

Suivant une doctrine qui semblait établie pour tou-jours et dont l'édification avait demandé un siècle depersévérant travail, alors que toutes les choses del'Univers étaient condamnées à périr, deux élémentsseuls, la matière et l'énergie, échappaient à cette lo;fatale. Sans cesse ils se transformaient, mais enrestant indestructibles et par conséquent immortels.

Les faits mis en évidence par nos recherches aussibien que par celles qui en furent la suite, montrentque, contrairement à ces croyances, la matière n'estpas éternelle et peut s'évanouir sans retour. Ils prou-vent également que l'atome est le réservoir d'une éner-gie jadis insoupçonnée, bien qu'elle dépasse par son

1

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2 L liVoLUTION DE LA MATHiftE

immensité les forces que nous connaissons et qu'ellesoit peut-être l'origine de la plupart des autres, l'élec-tricité et la chaleur solaire notamment. Ils révèlentenfin qu'entre le monde du pondérable et celui del'impondérable, considérés jusqu'ici comme profon-dément séparés, existe un monde intermédiaire.

Pendant plusieurs.années je fus seul ft défendreces idées. Elles ont fini par s'imposer pourtant lorsquede nombreux physiciens eurent retrouvé par des voiesdiverses les faits que j'avais signalés, principalementceux qui démontrent l'universalité de la dissociationde la matière. Ce fut surtout la découverte duradium, très postérieure à mes premières recher-ches, qui fixa l'attention sur ces questions.

Que le lecteur ne se laisse pas effrayer par. lahardiesse de quelques-unes des vues qui serontexposées ici. Des laits d'expériences les appuieronttoujours. C'est en les prenant pour guides que nousavons essayé de pénétrer dans des régions ignoréesoù il fallait s'orienter à travers de profondes ténèbres.Ces ténèbres ne se dissipent pas en un jour, c'estpourquoi celui qui essaie de jalonner une roule nou-velle au prix de rudes efforts est bien rarement appeléà contempler les horizons où elle peut conduire.

Ce n'est pas sans un long travail ni sans de lourdesdépenses que les faits rassemblés dans cet ouvragefurent établis*. Si je n'ai pas encore rallié les suf-frages de tous les savants et si j'ai irrité nombred'entre eux en montrant la fragilité de dogmes qui

1. Pour rendre plus facile la lecture de cel ouvrage, les détails des expériencesont été réunis à la fin du volume. Ils en forment la seconde partie. Toutes lesfigures explicatives de mes expériences ont été dessinées ou photographiées parmon dévoué préparateur, M. F. Michaux. Je lui exprime mes remerciements pourson assistance journalière à mon laboratoire pendant les longues années qu'ont

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INTRODUCTION 3

possédaient l'autorilôde vérités révélées, j'ai rencontrédu moins de vaillants défenseurs parmi des physi-ciens éminenls, et mes recherches en ont provoquéheancoup d'autres. On ne peut demander davantage,surtout lorsqu'on touche à des principes dont quel-ques-uns étaient considérés comme inéhranlaldcs.Ce n'est pas une vérité éphémère qu'exprimait legrand Lamarck quand il disait : « Quelques difficultésqu'il y ail à découvrir des vérités nouvelles, il s'entrouve encore de plus grandes à les faire recon-naître ».

Je posséderais d'ailleurs une bien faible dose dephilosophie si je restais surpris des attaques deplusieurs physiciens, de l'exaspération d'un certainnombre de braves gens cl surtout du silence dela plupart des savants qui ont utilisé mes expé-riences.

Les dieux et les dogmes ne périssent pas en unjour. Essayer do prouver que les atomes de tous lescorps que l'on croyait éternels, ne le sont pas, heur-tait toutes les idées reçues. Tacher de montrer que lamatière considérée jadis comme inerte est un réser-voir d'une énergie colossale, source probable de laplupart des forces de l'univers, devait choquer plusd'idées encore. Des démonstrations de cette sortetouchant aux racines mêmes de nos connaissances, etébranlant des édifices scientifiques séculaires, sontgénéralement accueillies par l'irritation ou le silencejusqu'au jour où, ayant été refaites en détail par les

duré mes recherches. Je dois aussi d<3 vifs remerciements a mon ami lv. Sénéchaliii.nl les connaissances en mathématiques m'ont été souvent précieuses. J'adressules mêmes remerciements à l'éminenl profes-eur D. I)\velsliauvcrs-l>oiy, membrecorrespondant de l'institut, qui a bien voulu revoir mes calculs et toutes lesépreuves de ce volume.

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A L EVOLUTION DE LA MATHîHIÎ

nombreux chercheurs dont Pallentio/i fut éveillée,elles sont devenues si éparpillées et si banales qu'ilest presque impossible d'indiquer leur initiateur.

11 importe peu, en réalité, que celui qui a semé nerécolte pas. Il suffit que la récolte grandisse. De toutesles occupations qui peuvent remplir les heures sibrèves de la vie, nulle ne vaut peut-être la recherchede vérités ignorées, l'ouverture de sentiers nouveauxclans l'inconnu immense dont nous sommes enve-loppés.

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L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

LIVRE PREMIER

LES IDÉES NOUVELLES SUR LA MATIÈRE

CHAPITIIK PUKMlEtt

La théorie de l'énergie intra-atomiqueet do l'évanouissement de la matière.

5 1. - LES IDÉES ACTUELLES SUR LA DISSOCIATIONDE LA MATIÈRE.

Le dogme de l'indestruclibilité de la matière est dutrès petit nombre de eeux que la science moderneavait reçus de la science antique sans y rien changer.Depuis le grand poète romain Lucrèce, qui en Taisaitl'élément Fondamental de son système philosophique,jusqu'à l'immortel Lavoisier, qui l'appuya sur deshases considérées comme éternelles, ce dogme sacrén'avait subi aucune atteinte et nul ne songeait à lecontester.

Nous verrons dans cet ouvrage comment il a étéattaqué. 8a chute fut préparée par toute une série dedécouvertes antérieures qui ne semblaient pas le con-

l.

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6 L'ÉVOLUTION DE LA MAT1ÈHE

cerner: rayons cathodiques, rayons X, émissions descorps radio-aclifs, etc.. ont fourni les armes destinéesà l'ébranler. Il fut plus atteint encore, dès que j'eusprouvé que des phénomènes considérés d'abordcomme particuliers à quelques corps exceptionnels,tels que l'uranium, pouvaient être observés sur tousles corps de la nature.

Les faits prouvant que l'atome est susceptibled'une dissociation apte à le conduire à des formesoù il a perdu toutes ses qualités matérielles sontaujourd'hui très nombreux, Parmi les plus importantsil faut noter l'émission par tous les corps de parti-cules animées d'une immense vitesse, capables derendre l'air conducteur de l'électricité, de traverserles obstacles et d'être déviées par un champ magné-tique. Aucune des forces actuellement connues nepouvant produire de tels effets et, en particulier,l'émission de particules dont la vitesse approche decelle de la lumière, il était évident que l'on se trou-vait en présence de choses complètement inconnues.Plusieurs théories furent présentées pour les expli-quer. Une seule, celle de la dissociation des atomes— que j'ai proposée dès l'origine de ces recherches —a résisté à toutes les critiques et pour cette raisonest à peu près universellement adoptée maintenant.

Plusieurs années se sont écoulées depuis que j'aiexpérimentalement prouvé, pour la première fois, queles phénomènes observés dans les corps dits radio-aclifs, tels que l'uranium

— le seul corps de celteespèce alors connu — pouvaient être observés surtous les corps de la nature, et n'étaient explicablesque par la dissociation des atomes de ces corps.

L'aptitude de la matière à se désagréger en émet-tant des effluves de particules analogues à celles desrayons cathodiques, animées d'une vitesse de l'ordre decelle de là lumière et capables de traverser les subs-tances matérielles, est universelle. La lumière frap-

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TIIEOIUE DE L ENERGIE INTn.V-ATOMIQlE 7

pant une substance quelconque, une lampe qui brûle,des réactions cbimiques for' diverses, une déchargeélectrique, etc., provoquent l'apparition de ceseffluves. Les corps dits radio-actifs, comme l'uni--niiiiii ou le radium, ne font que présenter à un liantdegré un phénomène que toute matière possède à undegré quelconque.

Lorsque je formulai pour la première fois cettegénéralisation en l'appuyant d'expériences pourtantfort précises, elle ne frappa à peu près personne. Ilne se rencontra dans le monde entier qu'un seulphysicien, le savant professeur de Heen qui en saisitla portée et l'adopta après en avoir vérifié la parfaiteexactitude.

Les expériences étant trop probantes pour per-mettre de longues contestations, la doctrine de ladissociation universelle de la matière finit par triom-pher. La lumière est faite aujourd'hui et peu de phy-siciens nient que cette dissociation do la matière —cette radio-activité comme on dit maintenant — soitun phénomène universel aussi répandu dans Funiversque la chaleur ou la lumière.

On trouve aujourd'hui de la radio-activité à peuprès partout. Dans un travail récent, le professeurJ.-J, Thomson a montré son existence dans la plupartdes corps, l'eau, le sable, l'argile, la brique, etc. 11

en a retiré une « émanation » qui se produit d'unefaçon continue, analogue à celle provenant des corpsradio-actifs tels que le radium et jouissant des mêmespropriétés.

(Jue devient la matière en se dissociant? l'eul-on.supposer que les atomes en se désagrégeant ne fontque se diviser en parties plus petites formant ainsiune simple poussière d'atomes? Nous verrons qu'iln'en est rien et que la matière qui se dissocie sedématérialise en passant par des phases successivesqui lui font perdre graduellement ses qualités de

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8 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÉflK

matière jusqu'à ce qu'elle soit finalement retournée àl'élber impondérable d'où elle semble issue.

Après avoir reconnu que les atomes peuvent sedissocier, il fallait rechercher où ils puisent l'immensequantité d'énergie nécessaire pour lancer dans l'espacedes particules avec une vitesse de Tordre de celle dela lumière.

L'expiicalion était en réalité assez simple puisqu'ilsuffisait de constater, comme,j'ai essayé de le montrer,que loin d'être une chose inerte capable seulement derestituer l'énergie qui lui a été artificiellement fournie,la matière est un réservoir énorme d'énergie —l'énergie inlra-atomique.

Mais une telle doctrine heurtait trop de principes'scientifiques fondamentaux séculaircment établis pourêtre immédiatement admise et avant qu'on l'acceptâtdiverses hypothèses furent successivement proposées.

Habitués à considérer comme des vérités absoluesles principes rigides de la thermodynamique, per-suadés qu'un système matériel isolé ne peut posséderd'autre énergie que celle qui lui a d'abord été fourniedu dehors, la plupart des physiciens persistèrent long-temps, et quelques-uns persistent encore, à recher-cher à l'extérieur les sources de l'énergie manifestéependant la dissociation de la matière. Naturellementils ne la trouvèrent pas, puisqu'elle est dans la matièremême et non extérieure à elle.

La réalité décolle forme nouvelle d'énergie, de cetteénergie inlra-atomique dont nous n'avons cessé d'affir-mer l'existence depuis l'origine de nos recherches,ne s'appuie nullement sur la théorie, mais sur desfaits d'expérience. IJien qu'ignorée jusqu'alors elle estla plus puissante des forces connues, et probablement,suivant nous, l'origine de la plupart des autres. Sonexistence si contestée d'abord est de plus en plusacceptée aujourd'hui.

Des recherches expérimentales que nous avons

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THÉORIE DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE 9

exposées en divers mémoires et qui seront résumées<];uis cet ouvrage se dégagent les propositions sui-vantes :

V La matière supposée jadis indestructible s'éva-nouit lentement par la dissociation continuelle desatomes qui la composent.

2° Les produits de la démalérialisalion des atomesconstituent des substances intermédiaires par leurspropriétés entre les corps pondérables et l'éther impon-dérable, c'est-à-dire entre deux mondes considérésjusqu'ici comme profondément séparés.

'.}' La matière, jadis envisagée comme inerte et nepouvant restituer que l'énergie qu'on lui a d'abordfournir, est au contraire un colossal réservoir d'énernie— l'énergie intra-alomique — qu'elle peut dépensesans rien emprunter au dehors.

•i" C'est de l'énergie intra-atomique qui se manifestependant la dissociation de la matière que résultent laplupart des forces de l'univers, l'électricité et la cha-leur solaire notamment.

C'est à l'examen de ces propositions diverses qu'unegrande partie de cet ouvrage sera réservée. Admet-tons qu'elles soient établies cl recherchons dès main-tenant les changements qu'elles entraînent dansnoire conception générale de la mécanique de l'uni-vers. Le lecteur pourra ainsi se rendre compte del'intérêt (pie présentent les problèmes à l'étude des-quels ce volume est consacré.

8 2. - LA MATIERE ET LA FORCE.

I.c problème de la nature de la matière et de laforce est un de ceux qui ont le plus exercé la sagacitédes savants et des philosophes. Sa solution complète atoujours échappe parce qu'elle implique en réalité la

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10 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

connaissance, inaccessible encore, de la raison pre-mière des choses. Les recherches que nous expose-rons ne sauraient donc permettre de résoudre entière-ment cette grande question. Elles conduisent cepen-dant à une conception de la matière et de l'énergiefort différente de celle qui a cours aujourd'hui.

Lorsque nous étudierons la structure de l'atome,nous arriverons à cette conclusion qu'il est unimmense réservoir d'énergie uniquement constituépar un système.d'éléments impondérables maintenusen équilibre par les rotations, attractions et répul-sions des parties qui le composent, De cet équi-libre résultent les propriétés matérielles des ,co:pstelles que le poids, la forme et l'apparente perma-nence.

Cette conception conduit à considérer la matièrecomme une variété de l'énergie. Aux formes déjàconnues de l'énergie : chaleur, lumière, etc., il fauten ajouter une autre, la matière ou énergie intra-atomique. Elle est caractérisée par sa colossale gran-deur et son accumulation considérable sous un trèsfaible volume.

Il découle des énoncés précédents, qu'en dissociantdes atomes on ne fait que donner à la variété d'énergienommée matière une forme différente, telle que l'élec-tricité ou la lumière, par exemple.

Nous essaierons de nous rendre compte des formessous lesquelles l'énergie inlra-alomique peut êtrecondensée dans l'atome, mais l'existence du fait lui-même a beaucoup plus d'importance que les théoriesqu'il fait naître. Sans prétendre donner la définitionsi vainement cherchée de l'énergie, nous nous borne-rons à faire remarquer que toute phénoinénalilé n'estqu'une transformation d'équilibre. Lorsque les trans-formations déquilibre sont rapides, nous les nommonsélectricité, chaleur, lumière, etc.; lorsque les change-ments d'équilibre sont plus lents, nous leur donnons

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THÉORIE DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE.

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le nom de matière. Pour aller plus loin, il fautpénétrer dans la région des hypothèses et admettre,avec plusieurs physiciens, que les éléments dont l'en-semble est représenté par les forces en équilibredans l'atome, sont constitués, par des tourbillons for-més au sein de l'éther. Ces tourbillons possèdent uneindividualité, supposée jadis éternelle, mais que,maintenant, nous savons n'être qu'éphémère. L'indi-vidualité disparait et le tourbillon se dissout dansl'éther dès que les forces qui maintiennent son exis-tence cessent d'agir.

Les équilibres de ces éléments dont l'ensembleconstitue un atome peuvent être comparés à ceux quimaintiennent les astres dans leurs orbites. Dès qu'ils*sont troublés, des énergies considérables se. mani-festent, comme elles se manifesteraient si la terre ouun astre quelconque était brusquement arrêté en sacourse.

De telles perturbations dans les systèmes plané-taires atomiques peuvent se réaliser, soit sans raisonapparente, comme pour les corps très radio-actifslorsque, par des causes diverses, ils sont arrivés àun certain degré d'instabilité, soit artificiellement,comme pour les corps ordinaires, quand ils sontsoumis à l'influence d'excitants divers : chaleur,lumière, etc. Ces excitants agissent alors commel'étincelle sur une masse de poudre, c'est-à-dire enlibérant des quantités d'énergie fort supérieures à lacause très légère qui a déterminé leur libération.

Et comme l'énergie condensée dans l'atome est enquantité immense, il en résulte qu'à une perte extrê-mement faible de matière correspond la créationd'une quantité énorme d'énergie.

Eu nous plaçant à ce point de vue, nous pouvonsdire des diverses formes de l'énergie résultant de ladissociation des éléments matériels, telles que la cha-leur, l'électricité, la lumière, etc., qu'elles représentent

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12 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

les dernières étapes que revêt la matière avant sadisparition dans l'élber.

Si, étendant ces notions, nous voulions les appli-quer aux-différences que présentent les divers corpssimples qu'étudie la chimie, nous dirions qu'un corpssimple ne diflère d'un autre que parce qu'il contientplus ou moins d'énergie inlra-atomiquc. Si nous pou-vions dépouiller un élément quelconque d'une quan-tité suffisante de l'énergie qu'il renferme, nous arri-verions à le transformer entièrement.

Quant à l'origine^ nécessairement hypothétique,des énergies condensées dans l'atome, nous la recher-cherons dans un phénomène analogue à celui qu'in-voquent les astronomes pour expliquer la formation«lu soleil et des énergies qu'ii détient. Cette forma-tion est pour eux la conséquence nécessaire de lacondensation de la néhulcuse primitive. Si celtethéorie est valable pour le système solaire, une expli-cation analogue l'est également pour l'atome.

Les conceptions qui viennent d'être brièvementrésumées n'ont nullement pour but de nier l'existencede la matière ainsi que la métaphysique l'a parfoistenté. Elles font simplement disparaître la dualitéclassique entre la matière et l'énergie. Ce sont deuxchoses identiques sous des aspects différents. 11 n'ya pas de séparation entre la matière et l'énergie,puisque la matière est simplement une forme stablede l'énergie et rien d'autre.

Il serait sans doute possible à une intelligencesupérieure de concevoir l'énergie sans substance, carrien ne prouve qu'elle doive avoir nécessairement unsupport, mais une telle conception no nous est pasaccessible. Nous ne comprenons les choses qu'en lesfaisant entrer dans le cadre habituel de nos pensées.L'essence de l'énergie étant inconnue, il est nécessairede la matérialiser si on veut pouvoir raisonner surelle. On arrive ainsi — mais uniquement pour les

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THÉORIE" DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE 13

besoins des démonstrations — aux définitions sui-vantes :

I/éther et la matière représentent des entités demôme ordre. Les diverses formes de l'énergie :électricité, chaleur, lumière, matière, etc., en sontdes manifestations. Elles ne diffèrent que par lanature et la stabilité des équilibres formés au seinde l'éthcr. C'est par ces manifestations que l'universnous est connu.

Plus d'un physicien, l'illustre Faraday spécialement,avaient déjà essayé do faire disparaître la dualitéétablie entre la matière et l'énergie. Quelques philo-sophes le tentèrent également, en faisant remarquerque la matière ne nous était accessible que par l'inter-médiaire des forces agissant sur nos sens. Mais tousles arguments de cet ordre étaient considérés avecraison comme d'une portée purement métaphysique.On leur objectait que jamais on n'avait pu transformerde la matière en énergie cl qu'il fallait la seconde pouranimer la première. Des principes scientifiques consi-dérés comme très sûrs enseignaient que la matièreétait une sorte de réservoir inerte ne pouvant pos-séder d'autre énergie que celle qui lui a d'abord ététransmise. Elle ne pouvait pas plus la créer qu'unréservoir ne crée le liquide qu'il contient.

Tout semblait donc bien montrer nue la matière etl'énergie sont des choses irréductible*- »iussi indé-pendantes l'une de l'autre, que le poids Test de lacouleur. Ce n'était donc pas sans raison qu'on lesconsidérait comme appartenant à deux mondes trèsdifférents.

Il y avait sans doute quelque témérité à reprendreune question qui semblait abandonnée pour toujours.Nous ne l'avons fait que parce, que notre découvertede la dissociation universelle de la matière nous aenseigné que les atomes de tous les corps peuvents'évanouir sans retour en se transformant en énergie.

2,

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14 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

La transformation de la matière en énergie se trou-vant ainsi démontrée, il en résultait que l'antiquedualité entre la force et la matière doit disparaître.

§ 3. — LES CONSÉQUENCES DU PRINCIPE DE L'ÉVANOUISSEMENT

DE LA MATIÈRE.

Les faits résumés ci-dessus montrent que la matièren'est pas éternelle, qu'elle constitue un réservoirénorme de forces, et disparaît en se transformant end'autres formes d'énergie avant de retourner à ce qui,pour nous, est le néant.

Nous pouvons donc dire que si la matière ne peutêtre créée elle peut au moins être détruite sans retour.A l'adage classique : rien ne se crée, rien ne se perdil faut substituer celui-ci : rien ne se crée ruais toutse perd. Les éléments d'un corps qui brûle ou qu'onessaie d'anéantir par un moyen quelconque se trans-forment mais ils ne se perdent pas puisque la balancepermet de constater que leur poids n'a pas changé.Les éléments des atomes qui se dissocient sont aucontraire irrévocablement détruits. Ils ont perdutoutes les qualités de la matière y compris la plusfondamentale de toutes, la pesanteur. La balance neles retrouve plus. Rien ne peut les ramener à l'étatde matière. Ils se sont évanouis dans l'immensité del'éther qui remplit l'espace et ne font plus^)artie denotre univers.

L'importance théorique de ces principes est consi-dérable. A une époque où les idées que je défendsn'étaient pas encore défendables, plusieurs savantsavaient pris soin d'indiquer à quel point la doctrineséculaire de la conservation de la matière constituaitun fondement scientifique nécessaire. C'est ainsi, parexempla, qu'Herbert Spencer dans un chapitre desPremiers principes- intitulé YIndeslructibilitë de lamatière, dont il fait une des colonnes de son système.

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THÉORIE DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE 15

déclare que « si l'on pouvait suppose^ que la matièrepeut devenir non existante, il serait nécessaire deconfesser que la science et la philosophie sont impos-sibles ». Cette assertion semblera évidemment exces-sive. La philosophie n'a jamais éprouvé de peine à.s'adapter aux découvertes scientifiques nouvelles..Elle les suit, mais ne les précède pas.

Ce ne sont pas les philosophes seuls qui déclaraientimpossible de toucher au dogme de l'indcslruclibilitéde la matière. Il y a quelques années à peine, le savantchimiste Naquet, alors, professeurà la Faculté de Méde-cine de Paris, écrivait :

« Nous n'avons jamais vu le retour du pondérableà l'impondérable. La chimie tout entière est mômefondée sur celte loi qu'un tel retour n'a pas lieu, cars'il îivait lieu, adieu les équations chimiques! »

Evidemment, si la transformation du pondérable enimpondérable était rapide, ilfaudrait renoncer nonseulement aux équations de la chimie mais encore àcelles de la mécanique. Cependant, au point de vuepratique, aucune de ces équations n'est encoreatteinte, parce que la destruction de la matière sefait d'une façon si lente qu'elle n'est pas' perceptiblepar les moyens d'observation anciennement employés.Des pertes de poids inférieures au centième de milli-gramme étant insaisissables à la balance, les chimistesn'ont pas à en tenir compte.

L'intérêt pratique de la doctrine de l'évanouisse-ment de la matière, par suite de sa transformationen énergie, n'apparaîtra que quand on trouvera lemoyen de provoquerfacilementune dissociation rapidedes corps. Ce jour-là, une source presque indéfinied'énergie étant gratuitement à la disposition del'homme, le monde changera nécessairement de face.Mais nous n'en sommes pas encore là.

<*

Actuellement, toutes ces questions n'ont qu'unintérêt scientifique pur et restent provisoirement aussi

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16 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

dépourvues d'applications que l'était l'électricité autemps de Yolta. Cet intérêt scientifique est considé-rable, car les notions nouvelles prouvent que les seulséléments de l'univers auxquels la science accordait ladurée et la fixité ne sont, en réalité, ni fixes, nidurables.

Chacun sait qu'il est facile de dépouiller la matièrede tous ses attributs, un seul excepté. La solidité, laforme, la couleur, les propriétés chimiques disparais-sent facilement. Le corps le plus dur peut cire trans-formé en une invisible vapeur. Mais, à travers tousces changements, la masse des corps mesurée parleur poids reste invariable et se retrouve toujours.Celte invariabilité constituait le seul point fixe dansl'océan mobile des phénomènes. Elle permettait auchimiste, comme au physicien, de suivre la matière àtravers ses perpétuelles transformations et c'est pour-quoi ils la considéraient comme quelque chose demobile, mais d'éternel.

.

C'est à cette propriété fondamentale de l'invaria-bilité de la masse qu'il fallait revenir toujours. Lesphilosophes et les savants avaient renoncé depuislongtemps à découvrir une définition exacte de lamatière. L'invariabilité de la masse d'une quantitédonnée de substance, c'est-à-dire son coefficientd'inertie, mesuré par son poids, demeurait le seulcaractère irréductible de la matière.

En dehors de celle notion essentielle, tout ce quenous pouvions dire de la matière, c'est qu'elle consti-tue l'élément mystérieux et changeant dont sont for-més les mondes et les êtres qui les habitent.

La permanence cl, par conséquent, rindeslruc-tibilité de la masse, que l'on constate à travers leschangements de la matière étant le seul carac-tère par lequel on puisse saisir celle grande incon-nue, son importance était nécessairement devenueprépondérante. C'est sur elle que les édifices de

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THÉORIE DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE 17

la chimie et de la mécanique ont éle péniblementInUis.

A celle notion première, il avait fallu cependanten ajouter une seconde. La matière paraissant inca-pable par elle-même de sortir du repos, on avaitrecours pour l'animer à des causes diverses, d'essenceinconnue, désignées sous le nom de forces. La phy-sique en comptait plusieurs qu'elle séparait jadisnettement, mais une science plus avancée avait finipar les fusionner dans une grande entité, l'énerflic, àlaquelle le privilège de l'immortalité avait été égale-ment conféré.

Et c'est ainsi que, sur les débris des anciennesdoctrines et après un siècle de persévérants efforts,s'étaient élevées deux puissances souveraines quisemblaient éternelles : la matière comme trame fon-damentale des choses et l'énergie pour l'animer.Avec les équations qui les reliaient, la sciencemoderne croyait pouvoir expliquer les phénomènes.Dans ses formules savantes, tous les secrets de l'Uni-vers étaient enfermés. Les divinités des vieux âgesétaient remplacées par des systèmes ingénieux d'équa-tions différentielles.

Ce sont ces dogmes fondamentaux, bases de lascience moderne que les recherches exposées danscet ouvrage tendent à détruire. Si le principe de laconservation de l'énergie — qui n'est d'ailleurs qu'unegénéralisation hardie d'expériences faites sur des castrès simples — vient également à périr sous les coupsqui déjà l'atteignent, il en faudra conclure que riendans le monde n'est éternel. Les grandes divinités dela science seraient condamnées elles aussi à subir cecycle invariable qui régit les choses : naître, grandir,décliner et mourir.

Mais si les recherches actuelles ébranlent les fon-dements mémo de l'édifice de nos connaissances et,par voie de conséquence, toute notre conception de

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18 L'ÉVOLUTION m: LA MATIÈRE

l'Univers, il s'en faut de beaucoup qu'elles nous révè-lent les secrets do cet Univers. Imites nous montrentque le monde physique, qui .semblait quelque chosede très simple, régi par un petit nombre de lois élé-mentaires, est au contraire d'une effrayante com-plexité. Malgré leur infinie petitesse, les atomes detous les corps, ceux par exemple dont se composentles éléments du papier sur lequel sont écrites ceslignes, apparaissent maintenant comme de véritablessystèmes planétaires, guidés dans leur vertigineusevitesse par des puissances formidables dont nousignorons totalement les lois.

Les voies nouvelles que les recherches récentesouvrent aux investigations des chercheurs commen-cent à se dessiner à peine. C'est déjà beaucoup dosavoir qu'elles existent et que la science a devant elleun monde merveilleux à explorer.

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CHAPITRE 11

Historique de la découverte de la dissociationde la matière et de l'énergie Intra-atomique.

Comment ont été mis en évidence les faits et lesprincipes résumés dans le chapitre précédent et quiseront développés dans cet ouvrage? C'est ce quenous allons indiquer maintenant.

La genèsed'une découverteest rarement spontanée.Elle ne semble l'être que parce qu'on ignore géné-ralement les difficultés et les hésitations qui envelop-pèrent le plus souvent ses débuts.

Le public se préoccupe fort peu de la façon dontse font les inventions, mais les psychologues s'inté-resseront sûrement à certains cotés de l'exposé quiva suivre 1. Ils y trouveront, en effet, de précieuxdocuments sur la naissance des croyances, sur le rôleexercé, jusque dans les laboratoires, parles sugges-tions et les illusions, et enfin sur l'influence prépon-dérante du prestige considéré comme un élément prin-cipal de démonstration.

.Mes recherches ont précédé, à leur origine, toutescelles exécutées dans la môme voie.

C'est en effet, en 1896, que je fis insérer dans les

1. Pour ne pas trop allonger cet historique je ne donne ici hucun lies textessur lesquels il s'appuie. Le lecteur les trouvera à la lin de notre ouvrage.

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20 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Complus rendus de l'Académie dus sciences et simple-ment pour prendre date, une courte note résumantles recherches que je poursuivais depuis deux ans etdont il résultait que la lumière tombant sur les corpsproduit des radiations capables de traverser les subs-tances matérielles. N'ayant pu identifier ces radiationsavec rien de connu, j'indiquais, toujours dans cettepremière note, qu'elles devaient probablement cons-tituer une force inconnue — assertion sur laquelle jesuis revenu bien des fois — et pour lui donner unnom, je choisis celui de lumière noire.

Au début de mes expériences, j'ai confondu forcé-ment des choses dissemblables qu'il a fallu successi-vement séparer. Dans l'action de la lumière tombantsur la surface d'un corps, on observe en effet deuxordres de radiations très distinctes :

1° Des radiations de la famille des rayons catho-diques. Elles ne se réfractent pas, ne se polarisentpas et n'ont aucune parenté avec la lumière. Ce sontces radiations que les corps dits radio-actifs, tels quel'uranium, émettent constamment.

2° Des radiations infra-rouges de grando longueurd'onde qui, contrairement à tout ce qu'on enseignaitautrefois, traversent le papier noir, l'ébonite, le bois,la pierre, en un mot la plupart des corps non conduc-teurs. Elles sont naturellement susceptibles de réfrac-tion et de polarisation.

Il n'était pas très facile de dissocier ces divers élé-ments à une époque où personne ne supposait qu'ungrand nombre de corps, considérés comme absolu-ment opaques, sont au contraire fort transparentspour la lumière infra-rouge invisible, et où l'énoncéde l'expérience consistant à photographier en deuxminutes à la chambre noire une maison à travers uncorps opaque, eût semblé absurde.

Tout en ne perdant pas de vue l'élude des radiationsmétalliques je consacrai quelque temps k l'examen

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ni'xouviaiTE ni: LA DISSOCIATION »K LA MATIKIU: 21

dos [trojn-i^t^s do l'infra-rouge'. Cet examen me con-duisit à ^couvrir la luminescence invisible, phéno-mène qui n'avait jamais été soupçonné et qui me per-mit de photographier des objets res'.és dans l'obscuritédix-huit mois après qu'ils avaient vu la lumière.

t'es recherches terminées, je pus continuer l'étudedes radiations métalliques.

(Je fut au commencement de l'année icS97 quej'énonçai dans une note publiée par les Comp'esrendus de l'Académie des Sciences, que tous les corpsfrappés par la lumière émettent des radiations capablesde rendre l'air conducteur de l'électricité \

Quelques semaines plus tard je donnais, dans lesmêmes Comptes rendus, le détail des expériences demesure destinées à confirmer ce-qui précède et j'indi-quais l'analogie de ces radiations émises par tous lescorps sous l'action de la lumière avec Jes radiationsde la famille des rayons cathodiques, analogie quepersonne ne soupçonnait alors.

C'est à la môme époque que M. Becquerel publiaitses premières recherches. Reprenant les expériencesoubliées de Niepco de Saint-Victor et se servantcomme lui de sels d'urane, il fit voir, comme l'avaitdéjà montré ce dernier, que ces sels émettaient dansl'obscurité des radiations capables d'impressionnerles plaques photographiques. Poursuivant plus long-temps que son prédécesseur l'expérience, il constataque l'émission semblait persister indéfiniment.

1. Pour ne pas confondre dos choses différentes, j'ai réservé le terme deImniïr? noir* pour ces radiations. Elles seront examinées dans un autre volume<".oi;-..-!çn; à l'étude île l'énergie. Leurs propriétés différent considérablement detr !-s île la lumière ordinaire, non pas seulement par leur invisibilité, carajtfcicsans Miipo.-tance qui ne lient qu'à la structure de notre ail, mais par des pro-pii'-'és absolument spéciales, celle, par exemple, de traverser un grand nombreil*- rorp-î opaques et d'agir en sens exactement inverse des autres radiations dufp-.M-l,...

'-'. Celte piopiielé est toujours restée le caractère le plus londamenlal descorps iadio-m.-iifs. C'est en se basant uniquement sur elle que le radium et leP"!..j.ium, ont pu être isolés.

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22 L'ÉVOLUTION DE LA MATI:' E

En quoi consistaient ces radiations ? Toujours sousl'influence des idées do Niepcp de Saint-Victor,M. Becquerel crut d'abord qu'il s'agissait de ce queNiepce appclaitde la « lumière emmagasinée», c'est-a-diro d'une sorte de phosphorescence invisible, et, pourle prouver, il institua des expériences longuementdéveloppées dans les Comptes rendus de l'Académiedes Sciences et qui lui firent croire que les radiationsémises par l'uranium se réfractent, se réfléchissentet se polarisent.

Ce point était fondamental. Si les émissions del'uranium pouvaient se réfracter et se polariser, ils'agissait évidemment do radiations identiques à lalumière et constituant simplement une sorte de phos-phorescence invisible. Si la réfraction et la polarisa-

.tion n'existaient pas, il s'agissait, de quelque chosed'absolument différent et tout à fait inconnu.

No pouvant faire cadrer les expériences de M. Bec-querel avec les miennes, je les répétai avec desappareils divers et j'arrivai & cette conclusion queles radiations de l'uranium ne se polarisent nullement.Il s'agissait donc bien, non pas d'une forme quel-conque de la lumière, mais d'une chose entièrementinconnue, constituant, comme je l'avais assuré dès ledébut de mes recherches, une force nouvelle : « lespropriétés de l'uranium n'étaient donc qu'un casparticulier d'une, loi très générale ». C'est sur celtedernière conclusion que je terminai une de mes notesinsérées dans les Comptes rendus de l'Académie desSciences de 1897.

,Pendant près de trois ans je fus absolument seul àsoutenir que les radiations uraniques ne se polari-saient pas. Ce fut seulement à la suite des expériencesdu physicien américain Rulherford, que M. Becquerelfinit par reconnaître qu'il s'était trompé.

On considérera,- je pense, comme très curieux etconstituant un des chapitres les plus instructifs do

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DÉCOUVERTE DE LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 23

l'histoire des sciences, qup, pendant trois ans, il nese soit pas rencontré dans l'univers un seul physicienrpii'ait songé à répéter, répétition extraordinaircmentfacile cependant, les expériences de M. Becquerel sur

réfraction, la réflexion et la polarisation des rayonsaniques. Bien au contraire, les plus éminents écri-ront de savants mémoires pour expliquer cetteflexion, cette réfraction et cette polarisation.Ce fut une réédition de l'histoire de l'enfant à lant d'or sur lequel les savants de l'époque écrivi-

AppareV-t emplmrs en 1S0~,ar Cmlare le Hou pour itt-nontrer, pur l'nl-scue dépolit-isation, que les radimioiitmises pir les seli d'uraue «V-aienl pas de la lumière inri-il<lc comme lé soutenait aloi*1. Becquerel.

Un Je ces deux appareils est: système classique de lour-iali:ics à axes croisés, trop.onnu pour qu'il soit îaVessairoE le décrire. Il ne diffère declui rues lequel ». lîecquerclroyait avuîr démontré la pola-salion «les rayons tirnriiqu.esurj parce que les tourmalinesil été incrustées dans uneme épaisse Je métal, de façon.empêcher l'émanation de l'ura-iim de tourner .autour d'elles.; second appareil fut imaginéir nous pour vérifier les résul-is négatifs obtenus avec lesiirrnalines. lise compose d'uneme métallique dans' laquellea découpé dos raies très fines

couvertes d'une lame de spathslande. Si l'on .interpose cestême entre une source demère visible ou invisible et une plaque, photographique on obtient, par suitela double réfraction, un dédoublement des lignes qui indique la polari-ion des rayons émergents. Ce dédoublement se voit très nettement sur .'aBiographie de l'appareil reproduit ici et qui a ilé obtenu avec de la lumièrelinaire.

Fie. 1.

Fie. 2.

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24 LYÏVOLUTION DP LA MATIÙIIE

rent d'importants mémoires, jusqu'au jour où unsceptique eut l'idée d'aller voir si l'enfant en questionétait réellement né avec une dent d'or.

Il sera difficile, après un tel exemple, do nierqu'en matière scientifique, le prestige constitue l'élé-ment essentiel des convictions. Il ne faut donc pastrop railler les hommes du moyen âge qui ne con-naissaient d'autres sources do démonstration que lesdires d'Aristote.

Laissant aller à sa destinée la doctrine que pendantplusieurs années je fus seul à défendre,' je continuaimes recherches, étendis le cercle de mes investiga-tions, et montrai que les mômes radiations se pro-duisent non seulement sous l'action de la lumière,mais encore sous des influences fort diverses, lesréactions chimiques, notamment. Il devenait doncde plus en plus évident que les radiations de l'ura-nium n'étaient, comme je l'avais soutenu tout d'abord,qu'un cas particulier d'une loi très générale.

Celle loi générale, dont je n'ai cessé de poursuivrel'élude, est la suivante. Sous des influences diverses :lumière, réactions chimiques, actions électriques, clsouvent même spontanément, les atomes des corpssimples, aussi bien que des corps composés, sedissocient et émettent des effluves de la famille desrayons cathodiques.

Cède généralisation est à peu près universellementadmise aujourd'hui, mais l'exposé qui précède montrequ'il y avait quelque hardiesse à la formuler lapremière fois. Comment aurait-on pu supposer laparenté des rayons uraniques avec des effluves quel-conques, cathodiques ou autres, puisque tous lesphysiciens admettaient alors, sur la foi de M. Becque-rel, la polarisation et la réfraction de ces rayons ?

Lorsque la question de la polarisation fut définiti-vement tranchée, il fallut peu de temps pour recon-naître l'exactitude des faits que j'avais exprimés.

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DÉCOUVERTE DE LA DISSOCIATION DE LA MATIERE 2o

Mais ce fut seulement quand les physiciens allemands,Giesel, Meyer et Schweider découvrirent, en 189!), queles émissions des corps radio-actifs étaient, commeles rayons cathodiques,, déviables par. un aimant,que l'idée d'une analogie probable entre tous cesphénomènes commença à se répandre.

Plusieurs physiciens s'attachèrentalors à celte éludedont l'importance grain'it chaque jour. Les faits nou-veaux surgirent de toutes parts et la découverte duradium par Curie imprima une vive impulsion à cesrecherches.

M. de Ilecn, professeur de physique à l'Universitéde Liège et directeur du célèbre Institut de Physiquede la même ville, fut le premier qui accepta entiè-rement la généralisation que j'avais essayé d'établir.Après avoir repris et développé mes expériences ildéclara dans un de ses mémoires qu'il les assimilaitpour l'importance à la découverte des rayons X. Ellesfurent, pour lui, l'origine de nombreuses recherchesqui le conduisirent à des résultats remarquables. Lemouvement étant donné, il fallut bien le suivre. Onse mit de tous côtés à rechercher la radio-activité,c'csl-à-dire les produits de la dissociation de lamatière et on en trouva partout. L'émission spontanéeest le plus souvent très faible, mais devient considé-rable si on soumet les corps à l'influence de diversexcitants : lumière, chaleur, etc.

Tous les physiciens sont maintenant d'accord pourclasser dans la môme famille les rayons cathodiques,les émissions de l'uranium et du radium, et celles descorps dissociés par la lumière ou par la chaleur, etc.

Si, malgré mes affirmations et mes expériences,ces analogies n'ont pas été admises immédiatement,c'est que la généralisation des phénomènes estparfois bien plus difficile à découvrir que les faitsd'où celte généralisation découle. C'est cependant deces généralisations que les progrès scientifiques

3

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20 L'ÉVOLUTION DE 14 MATIÈRE

dérivent. « Tout grand progrès dans les sciences,dit lo philosopho Jovons, consiste on une grandogénéralisation révélant dos ressemblances profondeset cachées ».

La généralité des phénomènes do dissociation do lamatiôro aurait été bion plus tôt aperçue si on avaitregardé d'un>peu près une foulo do faits connus, maison no les regardait pas. Ils étaient disséminés d'ail-leurs dans des chapitres fort différents do la physique.

Il y a longtemps, par exemple, que la déperditiondo l'électricité par la lumière ullra-violctto étaitconnue, mais on no songeait guôro à la rattacher auxrayons cathodiques. Il y a plus de cinquante ans queNiopco do Saint-Victor avait vu quo, dans l'obscurité,les sols d'urario provoquent des impressions photo-graphiques pendant plusieurs mois,, mais, comme lophénomène ne s.e rattachait on apparence à rien deconnu, on le laissait de côté. La décharge des corpsélcclrisés par* les gaz des flammes était observéedepuis cent ans, sans, que personne so fût préoccupéd'approfondir la cause do co phénomène. La déper-dition électrique sous l'influence de la lumière'ordi-naire avait été signalée depuis plusieurs années, maison l'envisageait comme un fait particulier à quelquesmétaux, sans soupçonner à quel point il était généralet important.

<v

La constatation de la dissociation de la matiôro apermis de pénétrerdans un monde ignoré régi par dèsforces nouvelles où la matière, perdant ses propriétésde matière, devient impondérable pour la balance duchimiste, traverse sans difficulté les obstacles, et pos-sède toute une série de propriétés imprévues.

J'ai eu la satisfaction de voir" reconnaître de monvivant l'exactitude des faits sur lesquels j'ai basé lesthéories qui seront exposées bientôt; Pendant'long-temps j'avais renoncé â pareille espérance et songéplus d'une fois à abandonner mes recherches. Elles

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DKCOUVKM'K DR LA DISSOCIATION Di: LA MATIK.'li: 27

avaient été, on effet, assez mal accueillies en France.Plusieurs des notes que j'envoyais à l'Académie desSciences provoquaient de véritables tempêtes. Laplupart des membres do la section do physique,- pro-testaient avec énergie et les journaux scientifiques'faisaient chorus. Nous sommes tellement hiérar-chisés, tellement hypnotisés cl domestiqués par notreenseignement officiel, que l'expression d'idées indé-pendantes semble intolérable.

Aujourd'hui que mes idées se sont lentement infil-trées dans l'esprit des physiciens j'aurais mauvaisegrâce à me plaindre des critiques ou du silence de laplupart d'entre eux à mon égard. Il me suffit doconstater qu'ils ont su profiter de mes recherches.Le livre de la nature est un roman d'une si passion-nante lecture que le plaisir d'en déchiffrer quelquespages suffit à récompenser do la peine que bien sou-vent ce déchiffrement demande. Je n'aurais certespas consacré plus de huit années à ces très coûteusesexpériences si je n'avais compris do suite leur intérêtphilosophique immense et la perturbation profondequ'elles finiraient par apporter dans des théoriesscientifiques fondamentales.

A la découverte de la dissociation universelle de ,1amatière se rattache celle de l'énergie intra-atomique,par laquelle j'ai réussi à expliquer les phénomènes 'radio-actifs. La seconde a été la conséquence de lapremière.

La découverte de l'énergie intra-atomique n'est paslotit à fait assimilable cependant à celle de l'univer-salité de la dissociation de la matière. Cette dissocia-tion universelle est un fait, l'existence de l'énergieintra-atomique constitue seulement une interpréta-tion. L'interprétation était d'ailleurs nécessaire puis-qu'après avoir essayé diverses hypothèses pourexpliquer les phénomènes radio-actifs, presque touo.

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C'8 L'ÉVOLUTION UK LA MATTIRE

les physiciens oui flni par se ranger à l'explicationfpio j'avais proposer! lorsque j'énonçais «pic la. sciencese Irouvail en présence d'une force nouvelle entière-ment inconnue.

Il peut être intéressant pour le lecteur de savoircomment les recherches, dont le résumé vient d'êtrebrièvement tracé, Curent accueillies dans divers pays.C'est à l'étranger surtout qu'elles provoquèrent unevive impression. En Kiauce. elles furent accueilliesavec une hostilité qui ne fut pas cependant unanime,comme le prouve cet extrait d'une étude publiée parM. Dastre, professeur à la Sorbonnc et membre del'Institut.

« Dans l'espace do cinq années on a parcouru un assez long che-min dans la voie de la généralisation du l'ait de la radio-activité.On est parti de l'idée d'une propriété spécifique de l'uranium etl'on arrive à la supposition d'un phénomène naturel presque uni-versel. Il est juste de rappeler que ce résultat avait été prédit avecune perspicacité prophétique par Gustave Le lion. Depuis le début,ce savant, s'est efforcé do démontrer que l'action de la lumière,certaines réactions chimiques, enfin les actions électriques pro-voquent la manifestation de ce mode particulier d'énergie... Loind'être rare, la production de ces rayons est incessante. Il netombe pas un rayon de soleil sur une surlace métallique, il n'éclatepas une étincelle électrique, il ne se produit pas une décharge, pasun corps ne devient incandescent sans qu'apparaisse le rayoncathodique pur ou transformé. C'est à Gustave Le Non que revientle mérite d'avoir perçu, dès l'abord, la grande généralité de cephénomène. Encore bien qu'il se soit servi du terme impropre delumière noire il n'en a pas moins saisi l'universalité et les princi-paux caractères de cette production. (I a surtout remis le phéno-mène à sa vraie place en le transportant du cabinet du physiciendans le grand laboratoire de la nature. » I'ev. des Deux Mondes, 1901.

Dans une des Revues des travaux de physique,qu'il public annuellement, M. le professeur LucienPoincaré a très clairement résumé mes recherchesdans les lignes suivantes.

« M. Gustave Le lion, à qui l'on doit de nombreuses publicationsrelatives aux phénomènes d'émission de divers rayonnements par

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iiiV.iti;vi-:ii'iT: m: J.A DISSOCIATION ni; I.A MAÏII:UK '2'J

la matière et M"' ,ul ''ertainement l'un des premiers à penser quela radio-activité est un pluiionii-iir: général de la nature, admet que,sniis des influences très diverses, lumière, actions rliimiques,arti1111s électriques, et souvent même spontanément, les atomesI|I-^ ciips simples peuvent se dissocier et émettre d-s <tili\es (juismit de la famille «les rayons cathodiques et des rayons \ ; maistuiit<s ces 111 a 11 i ft -st ;t t i o 11 s seraient des aspects particuliers d'unef.irui'' d'énergie entièrement nouvelle, entièrement distincte dol'énergie électrique et aussi répandue dans la nature qui- la chaleur.M. de Ili.'cn adojite des idées analogues.

» (lirv. dis Sciences, jan-vier MO.').)

.le n'ai qu'un fragment de phrase à rectifier dansles lignes qui précèdent. C'est celui où l'émiiientsavant dit que je fus « un des premiers » a montrerque la radio-activité est un phénomène universel.C'est le « premier » qu'il faut lire. Il suffit de sereporter aux textes et à leurs dates de publicationpour en être convaincu 1.

11 est assez naturel qu'on ne soit pas prophètedans son propre pays. 11 suffit qu'on le soit un peuailleurs. L'importance des résultats mis en lumièrepar mes recherches a été très vite comprise à l'étran-ger. Des diverses études qu'elles ont provoquées, jeme bornerai à reproduire quelques fragments.

Le premier est une partie du préambule dont M. leprofesseur Pio a fait précéder les quatre articles qu'ila consacrés, à mes expériences dans la revue anglaiseL'nylisch mechanic and World o/'science-:

« Depuis six ans, Gustave Le lion poursuit ses recherches surr.erlaines radiations qu'il appela d'abord Lumière noire. II scanda-lisa les physiciens orthodoxes par son audacieuse assertion qu'il

1. M un premier mémoire sur la railio-ariivité île Ions l.»s corps sous l'action•i': 'i limiiOra a paru dans la Ucrue Srit'.tli/ii/m; il-j uni )S'.>7. Celui >nr la radio-ai-ii.:l.' p.ir les actions chimiques a t'-l-i ]ni!j!i>^ en avril l'.IHi. Ci.-lui mo îlraul lara 1-, anivilé sputilati'ji: des corps ordinair'-'s a paru — Lo^jj-'Urs ilnns la in'inep:-.::.-- — I.TI noveinliru l'J02. Les premières cxpérienc.js par iPSipicHos les physi-rii'iis aient cherché à prouver qu>J la ra<li'">-a'-:ivité pouvait s'ohserver avec îlescoips auiios ipie l'uranium, le tlioriuru et le radium n'uni été publiées parStrult,J-oiciaii, Jlurion, etc., que de juin a aoiU j'JOJ.

2. Numéros de janvier à avril 1003.

3.

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30 L'KVOMJTION DK LA MATJI-IIK

existe quoique chose qui avait été entièrement ignoré, dépendantses expériences décidèrent d'autres expérimentateurs à vérifier sesassortions et beaucoup do laits imprévus mit élé découvris.Rmherlord ou Amérique, Xodon ou L'raneo, de Iléon en Belgique,Louant eu Autriche, 1-11 s loi* ot Geitel ou Suisse, sont outres avec;succès dans lo sillage, de Gustave. Le lion. Résumant aujourd'huiles expériences laites par lui dopiih six ans, Gustave Le lioumontre qu'il a découvert une force nouvelle de la nature se mani-festant dans tous los corps. Ses expériences jettent une vive lumièresur des sujets aussi mystérieux que les rayons X, la 'radio-activité,la dispersion électrique, l'action de la lumière ultra-violette, etc.Les livres classiques sont muets sur toutes ces choses et les pluséminents électriciens ne savent comment expliquer tous ces phéno-mènes. »

Le second «les articles, auxquels je viens de faireallusion est celui publié par M. Lcggc dans la revueThe Academy du G décembre 1902 sous ce litre : ANew form of iïneryy :

« Rien n'est plus remarquable que la révolution profonde effectuéedepuis dix ans dans les idées des savants en ce qui concerne laforce et la matière... La théorie atomique d'après laquelle chaqueportion do matière se composait d'atomes indivisibles ne pouvant secombiner qu'en proportions définies, était un article de foi scienti-fique. Il conduisait à des déclarations comme celle d'un des der-niers présidents de lu Chemical Society, qui assurait à ses audi-teurs, dans une allocution annuelle, que l'âge des découvertes enchimie était clos, et que, par conséquent, il fallait se consacrerexclusivement h une sérieuse classification des phénomènes chi-miques connus. .Mais cette prédiction était à peine formulée que safausseté devenait évidente, Grookcs découvrait la matière radiante,Roentgen révélait les rayons qui portent son nom, et maintenantGustave Le lion, dans une série de mémoires, va plus loin encore. Ilnous montre que ces nouvelles idées ne sont pas plusieurs choses,mais une seule chose, que les phénomènes observés sont la consé-quence de la production d'une forme do matière toute spécialeressemblant plus à la force qu'A la matière... Les conséquences desrecherches de Gustave Lo Bon seraient en réalité immenses. Toutl'édifice chimique serait démoli en bloc et on pourrait écrire unsystème entièrement nouveau dans lequel on verrait la matièrepasser à travers la matière et les éléments constituer des formesdiverses de la mémo substance. -Mais ceci HO serait rien encore,comparé aux résultats qui suivraient l'établissementd'un pont dans

.

l'espace entre lo pondérable et l'impondérable que Gustave Le lion

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DKCOUYJCIlTi: l)K I.A DISSOCIATION l)H LA MATII-KK 31

items annonce déjà comme un des résultats do ses découverteset que sir William (Irookes semblait avoir pressenti dans un do

sus discours à la Jîuijtit Socitfy. »

Je terminerai ces citations par un passage desdivers articles que M. de Hccii, professeur de physiqueà l'Université do Liège, a bien voulu consacrera mesrcelierchcs:

» On connaît lo retentisseincnt quo produisit dans lo monde ladécouvert'; dis rayons X, découverte qui fut immédiatement .suivied'une autre plus modeste en apparence, aussi importante peut-êtreen réalité, celle de la lumière noire, résultat des recherches do(iustave Lo lion. Ce dernier prouva que les corps frappés par lalumière, les métaux notamment, acquièrent la faculté de produiredis rayons analogues aux rayons X et reconnut bientôt qu'il nos'agissait pas là d'un phénomène exceptionnel, mais au contraired'un ordre de phénomènes aussi répandu dans la nature que lesmanifestations calorifiques, électriques ou lumineuses; thèse quonous avons toujours défendue également depuis celle époque. »

Le lecteur excusera, je l'espère, le petit, plaidoyerqui précède. Les oublis répétés de certains physi-ciens m'ont obligé à le faire. Les phénomènes nou-veaux quo j'ai découverts le furent au prix de tropd'efforts, de dépenses et d'ennuis pour que je ne tiennepas à conserver un bien si difficilement acquis.

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i LIVRE II

L'ÉNERGIE INTRAjrATOMIQUE ET LES FORGES

QUI ?EN DÉRIVENT

CHAPITRE PREMIERi

L'Énergie intra-afomique. Sa grandeur.

§ 1. — L'EXISTENCE DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE •

Nous iivons donné le nom iYihxerqie inlra-atomiqueh la force nouvelle cnlièremcnl différente de cellesobservées jusqu'ici qui produit la dissociation dola matière, c'est-à-dire l'ensemble fies phénomènesradio-actifs. Au point de vue chronologique, nousaurions dû évidemment décrire d'abord celte disso-ciation. Mais, comme l'énergie inlra-atomique dominetous les phénomènes examinés dans cet ouvrage, il

nous a semblé préférable de débuter par son élude.Nous supposerons donc déjà connus les faits

concernant la dissociation de la matière que nousexposerons plus tard et nous nous bornerons à rap-peler présentement un <\a-> plus fondamentaux d'entroeux : l'émission dans l'espace par les corps en voie dedissociation de particules immatérielles animées d'une

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J.'l-NKUGIK I.NÏftA-ATOMIOUi: — SA CRAMJKUH 33

vitesse capable d'atteindre et souvent môme dedépasser le tiers de celle de la. lumière.

Une telle vitesse est immensément supérieure àcelle que nous pourrions produire à l'aide des foréesconnues dont nous disposons. C'est un point qu'ilimporte de bien marquer tout d'abord. QuelquescluIVressuffironlà mettre en évidence celle différence.

Un calcul très simple montre, en ell'cl, que [jourdonner à une petite balle de fusil la vitesse des par-ticules émises par la matière qui se dissocie, il fau-drait posséder une arme à feu capable de contenirtreize cent quarante mille barils de poudre 1.

I)ès que l'immense vitesse des particules qu'émet-tent les corps radio-actifs eût été mesurée par lesméthodes très simples que nous indiquerons ailleurs,il devint évident qu'une quantité énorme d'énergieétait libérée pendant la dissociation atomique. Les

1. Voici, d'aileurs, les éléments de ce calcul:Détermination de la dépense d'énergie nécessaire pour donner à une

masîe matérielle une vitessa égale à celle des particules de matièresdissrcicss.

-Si o.a nt'jçli;;e la résistance de l'air qui entraînerait !i d\s calculs

:o.:.| '..'i'i'-.-i, on peut détenniner facilement >j11f11os dimensions devrait avoir uneI/J-i —- j.'-jlérielk- pour prendre sous l'in(1 u-.-nco d'une dépense d'énr-rKio déter-„:].,,,.. „ |.(.i[f; employée par fcxemple pour lancer une balle do fusil, — unevie-»-'- de l'ordre de grandeur do celle des particules de matières dissociées.<> iiliui montnia immédiatement la pui«-.ance de l'énergie inlf a-atomique.

l/é:i'-if.d'-' développée par uno halle de fu-il ordinaire- animée d'une vitesse del'A 1) m-ires ji.'ir .seconde est donnée par 11 foi mule

\ 1 o.o ir»T = — m V» = ~ -

X UiO* = 3 3 kfrm.2 2 9,81

!!'•• !;en lions le poids .r qu'il faudrait donner .à uno i,aile pour que, avec !»mé::,'- quantité d'énergie, elle prenne une vitesse de 100.00) kilomètres parte: onde dans le vide. '

1 rOn a :ii:j = -j- —-XlCKi.OOO.OOO'. Ion effectuant le calcul on Voit qu'il

fi'i'i :il dv/iner .'i la balle un poids un peu supérieur a 0 divinillivriiènies de rnilli-v • < pour qu'elle prit la vitesse des particuios de ir.aiièic dissociée, avec.lt(I.•:!,•: d; pr,ii-||i. nécessaire pour lancer une Italie de fu-il.

A'.'' les donuée.i précédentes, et sachant qu'il faut 2 m. 7."> de |tOii'!re pourlire' u.'.e halle l.'bcl tlti poids 'le 1"i fjiariutc's, on c.i!'pul'! .ii-éni"nt que pourd :,';•: à (•••te luIle une vilcs-.c de 10'J.O'JO kiloiiièit.-, par seconde, il faudrait•>; ::. ':.',n-; de kilogrammes de poudre, soit 1.310.000 )-aiils de poudre peiant00 \., , chacun.

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-04 >, I/ÉA^pLUTION DE LA JfÀTIÈnB*

physiciens cherchèrent alors vainement, et beaucoupcontinuent à chercher encore, la provenance exté-rieure de cette énergie. On admettait, en effet, commeun principe fondamental, que la matière est inerte etne peut que restituer, sous une forme quelconque,l'énergie qui lui a d'abord été fournie. La sourced'énergie manifestée ne pouvait .donc être qu'exté-rieure.

Lorsque je prouvai que la radio-activité est unphénomène universel et non particulier à un petitnombre do corps exceptionnels, la question devintplus embarrassante encore. Mais, comme celle radio-activité apparaissait surtout sous l'influenced'un agentextérieur. : lumière, chaleur, forces chimiques, etc.,il était compréhensible qu'on recherchât dans cescauses externes l'origino do l'énergie constatée, bienqu'il n'y eût aucun rapport entre la grandeur deseffets produits et leur cause supposée. Pour les corpsspontanément radio-actifs, aucune explication dumémo ordre n'était possible, c'est pourquoi la ques-tion posée plus haut restait sans réponse et sem-blait constituer un inexplicable mystère.'

La solution du problème est cependant, en réalité,très simple. Pour découvrir l'origine des forces quiproduisent les phénomènes do radio-activité, il suffitde laisser do côté quelques dogmes classiques,

Remarquons, avant tout, qu'il est prouvé par expé-rience que les particules émises pendant la dissocia-tion possèdent des caractères identiques,, quels quesoient le corps employé et les méthodes usitées pourle dissocier. Qu'il s'agisse do l'émission spontanée duradium, de collé d'un métal sous l'action de la lumièreou encore do celle de l'ampoule de Crookcs, les parti-cules émises sont semblables. L'origine de l'énergiequi produit les elfets observés semblodonc toujours.être la même. N'étant pas extérieure A la matière elleno peut exister que dans cette dem'èic.

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L'ÉXEROIE INTRA-ATOMIQUE — SA GRANDEUR 35

C'est cette énergie que nous avons désignée sous lenom (Vénergie intra-atomique. Quels sont ses carac-tères fondamentaux?

Klle diffère de toutes les forces que nous connais-sons par sa concentration très grande, par sa prodi-gieuse puissance et par la stabilité des équilibresqu'elle peut former. Nous verrons bientôt que, si aulieu de réussir à dissocier seulement des millièmes domilligramme de matière, comme on le fait mainte-nant, on pouvait en dissocier quelques kilogrammes,nous posséderions une source d'énergie auprès delaquelle toute la provision de houille que nos minescontiennent représenterait un insignifiant total.

C'est en raison de la grandeur de l'énergie intra-atomique que les phénomènes radio-actifs se mani-festent avec l'intensité observée. C'est elle qui produitl'émission de particules douées d'une immensevitesse, la pénétration des corps matériels, l'apparitiondes rayons X, etc. ; phénomènes que nous étudieronsen détail dans d'autres chapitres. IJornons-nous, pourl'instant, à remarquer que de tels effets ne peuventêtre engendrés par aucune des forces anciennementconnues.

L'universalité dans la nature de l'énergie inlra-atomU/ue est un de ses caractères le plus facile àconstater. On reconnaît son existence partout, puis-qu'on trouve maintenant de la radio-activité partout.

Les équilibres qu'elle forme sont très stablespuisque la matière se dissocie si faiblement que pen-dant longtemps on a pu la croire indestructible. Cesont, d'ailleurs, les effets produits sur nos sens parces équilibres stables que nous appelons la matière.Les autres formes d'énergie, lumière, électricité, etc.,sont caractérisées par des équilibres très instables.

L'origine de l'énergie intra-atomique n'est pas dif-ficile à élucider, si on admet avec les astronomesque la condensation de notre nébuleuse suffisait u

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36 L'ÉVOLUTION DE LA MATIKHE

elle seule pour expliquer la constitution de notre .sys-tème solaire. On conçoit qu'une condensation ana-logue de l'éther ait pu engendrer les énergies quel'atome contient. On pourrait comparer grossièrementce dernier à une sphère dans laquelle un gaz nonliquéfiable aurait été comprimé à des milliards d'at-mosphères à l'origine du monde.

Si celte force nouvelle — la plus répandue et laplus puissante de toutes celles de la nature — estrestée entièrement ignorée jusqu'ici, c'est, d'abord,parce que les réactifs nous manquaient pour la cons-tater et, ensuite, parce que l'édifice atomique constituéà l'origine des âges est si stable, si solidementagrégé, que sa dissociation — au moins par lesmoyens actuels — demeure extrêmement faible. S'ilen était autrement, le inonde se sciait évanoui depuislongtemps.

Mais comment une constatation aussi simple quecelle de l'existence de l'énergie intra-atomique n'a-t-clle pas été faite depuis la découverte de la radio-activité et surtout depuis que j'ai démontré la géné-ralité de ce phénomène? On ne peut l'expliquer qu'en.-o souvenant qu'il était contraire à tous les prin-cipes connus d'admettre que la matière peut pro-duire de l'énergie par elle-même. Or; les dogmesscientifiques inspirent la même crainte .superstitieuseque les dieux des vieux àges, bien qu'ils eu aient par-lois toute la fragilité.

ï 2. - ÉVALUATION DE LA QUANTITÉ D'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUECONTENUE DANS LA MATIÈRE.

Nous avons dit quelques mots de la grandeur del'énergie intra-atomique, essayons à présent de lu

mesurer.Les chiffres qui vont suivie montreront que, quelle

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L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE — SA GRANDEUR 37

que soit la méthode employée, on arrive dans lamesure de l'énergie libérée par un poids déterminéde matière dissociée, à des chiffres immensémentsupérieurs à tous ceux obtenus par les réactions chi-miques antérieurement connues, la combustion de lahouille par exemple. C'est parce qu'il en est ainsique, malgré leur dissociation si faible, les corps peu-vent produire pendant ce phénomène les effetsintenses que nous aurons à énumérer.

Les diverses méthodes en usage pour mesurer laï. vitesse des particules de matière dissociée, qu'il

s'agisse du radium ou d'un métal quelconque, onttoujours donné des chiffres voisins. Cette vitesse

tapproche de celle de la lumière pour certaines émis-

V sions radio-actives. Elle est de un tiers de celte vitessey pour d'autres. Acceptons le moins élevé de ces chiffres,f celui de 100.000 kilomètres par seconde, et essayons!; d'après cette base de calculer l'énergie que produi-i rait la dissociation complète de i gramme d'une ma-

tière quelconque.h Prenons, par exemple, une pièce de cuivre de> 1 centime, pesant, comme on le sait) 1 gramme, etï supposons qu'en exagérant la rapidité de sa dissocia-

tion, nous puissions arriver à Ja dissocier enlière-'.. ment.

?L'énergie cinétique possédée par un corps en moii-

.veinent étant égale à lu moitié du produit de sa masse

';. par le carré de sa vitesse, un calcul élémentaire%

donne la puissance que représenteraient les particules;

de ce gramme do matière, animées de la vitesse que% nous avons supposée. On a en effet' 0V 001 1 2* I'

—-Tfrrr XrX 100.000.000 = 510 milliards

y.M z;.. le kilogrammètres, chiffre qui correspond à environ/> milliards 800 millions de chevaux-vapeur si ce

'ranime do matière était arrêté en une seconde. Cette

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38 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

quantité d'énergie répartie convenablement seraitsuffisante pour actionner un train de marchandisessur une route horizontale d'une longueur égale à unpeu plus de quatre fois et un quart la circonférencede la terre 1.

Pour faire effectuer à l'aide du charbon ce trajetau même train, il faudrait en employer 2.830.000 kilo-grammes qui, au prix de 24 francs la tonne, néces-siteraient une dépense d'environ 68.000 francs. Cechiffre de 68.000 francs représente donc la valeurmarchande de l'énergie intra-atomique contenue dansune pièce de 1 centime.

Ce qui détermine la grandeur des chiffres précé-dents et les rend au premier abord invraisemblables,c'est rénorme vitesse des masses mises en jeu,vitesse dont nous ne pouvons approcher par aucundes moyens mécaniques connus. Dans le facteur m Va,la masse de 1 gramme est assurément fort petite,mais la vitesse étant immense, les effets produitsdeviennent également immenses. Une balle de fusiltombant de quelques centimètres de hauteur sur lapeau ne produit aucun effet appréciable en raison desa faible vitesse. Dès que cette vitesse grandit, leseffets deviennent de plus en plus meurtriers et, avecles vitesses de 1.000 mètres par seconde donnéespar les poudres actuelles, la balle traverse de trèsrésistants obstacles. Réduire la masse d'un projec-tile est sans importance, si on réussit à augmentersuffisamment sa vitesse. Telle est justement la ten-dance de l'artillerie moderne qui réduit de plus

1. J'ai supposé dans ce calcul un irain de marchandises normal, comprenant40 voilures de 12 tonnes 1/2, soit un poids de .r»00 tonnes roulant à une vitessede 3C kilomoiits à l'heure en terrain horizontal et. nécessitant un effort de trac-tion de G kilogrammes i la tonne pi r seconde, soit 3.000 kilogrammes pour l«500 tonnes. Le travail Jo la machine remorquant ce train a la vitesse de 3G kilo-mètres serait de 400 chevaux-vapeur. A raison de 1 kil. 1/2 de chaufjo:i

par cheval et par heure, elle dépenserait poor 1.722 heurfis (durée du trajet)4.722 X 'IOOX 1,0= 3.&J0.000 kilogrammes f

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L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE —SA GRANDEUR $9

en plus le calibre des balles de fusil, mais tâched'augmenter leur vitesse.

Or, les vitesses que nous pouvons produire ne sontabsolument rien auprès do celle des particules dematière dissociée. Nous ne pouvons guère dépasserun kilomètre à la seconde par les moyens dont nousdisposons, alors que la vitesse des particules radio-actives est 100,000 fois plus, forte. De là l'énormitédes effets produits. On se rend compte de ces diffé-rences en sachant qu'un corps, animé d'une vitessede 100,000 kilomètres par seconde, irait de la terre àla lune en moins de quatre secondes, alors qu'unboulet de canon emploierait environ cinq jours.

En ne tenant compte que d'une partie de l'énergielibérée dans la radio-activité, Rulhcrford est arrivé,par une méthode différente, à des chiffres inférieursà ceux donnés plus haut, mais encore colossaux.D'après lui, 1 gramme de radium émettrait pendantsonexistence 109 calories-grammes, c'est-à-dire un millionde grandes calories équivalant chacune à 425 kilo-grammètres, soit au total 425 millions de kilogram-rnèlres, représentant 5,666,660 chevaux-vapeur pen-dant une seconde.

Ce chiffre est évidemment trop faible. Itutherfordadmet, en effet, que l'énergio de radiation de 1 grammede radium n'est que de 15,000 calories-gramme paran, alors que les mesures de Curie ont prouvé que1 gramme do radium émot 100 calories-grammes parheure, ce qui ferait 870,000 calories par an, au lieude 15,000. Nécessairement, ces calories, malgré leurnombre élevé, ne représentent qu'une infime partiedo l'énergie intra-atomiquo, puisque cette dernièreest dépensée en divers rayonnements.

Le fait do l'existence d'une considérable conden-sation d'énergie dans l'atome ne semblé choquant quoparce qu'il est en dehors des choses qu'enseignaitautrefois l'cxpôricnco ; on peut faire remarquercepen-

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40 l/ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

dant que, mémo en laissant de côté les faits révéléspar la radio-activité, des concentrationsanalogues noussont montrées par des observations journalières.N'est-il pas de toute évidence, en effet, que l'électri-cité se trouve nécessairement dans les composés chi-miques à un degré d'accumulation énorme, puisque,par Pélcclrolyse de l'eau, on constate que 1 grammed'hydrogène possède une charge électrique de 96,000coulombs. On a une idée du degré de condensation oùl'électricité s'y trouvait avant sa libération, en consta-tant que la quantité qui vient d'être indiquée estimmensément supérieure à celle qu'il est possible demaintenir sur les plus grandes surfaces dont nousdisposons. Les traités élémentaires ont signalé, depuislongtemps, que le vingtième à peine de la quan-tité précédente suffirait à charger un globe grandcomme la terre sous un potentiel de 6,000 volts. Lesplus volumineuses machines statiques de nos labora-toires ne débitent guère que 1/10,000 de coulomb parseconde. Elles devraient,par conséquent, fonctionnersans discontinuer pendant un peu plus de trente anspour donner la quantité d'électricité contenue dansles atomes de 1 gramme d'hydrogène 1.

L'électricité existant dans les composés chimiquesà l'état de condensation considérable, il est évidentque, depuis longtemps, l'atome aurait pu être consi-déré comme une véritable condensation d'énergie,Pour arriver ensuite à la notion que la quantité docette énergie devait être tout ù fait extraordinaire, ilsuffisait de tenir compte de la grandeur des attrac-tions et répulsions qu'exercent des charges électriquesen présence. 11 est curieux de voir que plusieurs phy-siciens ont côtoyé celte question sans en pressentir

I. Klies doueraient, il est vrai, ces coulomlis sons des tensions de 50.000volts cnviion, ce i]irl fa:! que l'i travail produit (volts X ampùres) serait trèssupérieur, au Ijout Je trente ans, au travail engendré par Uti.COO coulombs sousrrno pression de l volt.

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L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE — SA GRANDEUR 41

les conséquences. C'est ainsi, par exemple, que Cornufait observer que si on pouvait concentrer une chargede 1 coulomb sur une sphère très petite et à l'amenerà 1 centimètre d'une autre sphère portant une chargeégale de 1 coulomb, la force produite par leur répul-sion serait de 9'8 dynes ou environ 9 trillions de kilo-grammes *. '

Or, nous avons vu plus haut que, par la dissociationde l'eau, nous pouvons retirer de 1 gramme d'hydro-gène une charge électrique de 90,000 coulombs. 11

suffirait, et c'est justement l'hypothèse énoncéerécemment par J.-J. Thomson, de disposer les par-ticules électriques à des distances convenables dansl'atome, pour obtenir, par leurs attractions, répul-sions et rotations, des énergies extrêmement grandes,concentrées dans un espace extrêmement faible. Ledifficile n'était donc pas de concevoir que beaucoupd'énergie pût exister dans l'atome. Il est môme surpre-nant qu'une notion si évidente ne soit pas venue àl'idée depuis longtemps.

Notre calcul de l'énergie radio-active a été établidans les limites de vitesse où l'expérience démontre(|iic l'inertie de ces particules ne varie pas sensible-ment, mais il est possible qu'on ne puisse — commeon le fait généralement cependant — assimiler leurinertie à celle des particules matérielles et, alors,les chiffres trouvés pourraient être différents.

1. Le chiffre de Cornu ne donne que la valeur de la force de répulsiontnireles doux sphères. On peut déterminer le travail qu'une telle force accom-plirait dans certaines conditions de temps et d'espace. Si l'on suppose que l'écart'•.s "Ifus sphères passe sous l'influence de la force considérée de 1 centimètreà l di'cimètro en 1 seconde, le travail produit sera représenté dans le sys-tème G. G. S. par la formule :

T =/

F ds = «J.10«»/ A~

— 8.1 X 10«« ergs.

Traduite en kilof-Tammùtres, celte expression donne 82 milliards tl demi doUiogniinmîilres, 3oit plus de 1 milliard de chevaux-vapeur pendant une seconde.

4.

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42 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Ils n'en seraient pas moins extrêmement élevés.Quels que soient les méthodes adoptées et les élé-ments de calculs employés : vitesse des particules,calories émises, attractions électriques, etc., onretombe sur des chiffres différents, sans doute, maisextraordinairement élevés. C'est ainsi, par exemple,que Rutherford considère l'énergie des particules adu thorium comme 600 millions de fois plus grandeque celle d'une balle de fusil. D'autres physiciensqui, depuis la publication d'un de nos mémoires,se sont exercés sur ce sujet, sontarrivés à des chiffresparfois bien plus hauts. En assimilant la masse desélectrons à celle des particules matérielles, MaxAbraham arrive à cette conclusion que « le nombred'électrons suffisants pour peser 1. gramme portentavec eux une énergie de 6xl013 joules ». En rame-nant ce chiffre à notre unité ordinaire, on voit qu'ilreprésente 80 milliards environ do chevaux-vapeurpendant une seconde, chiffre à peu près 12 fois supé-rieur à celui que j'ai trouvé pour l'énergie émise par1 gramme de particules doué d'une vitesse de100.000 kilomètres par seconde.

J.-J. Thomson s'est livré, lui aussi, à des évalua-tions sur la grandeur de l'énergie contenue dansl'atome, en partant de l'hypothèse que l'atome maté-riel serait uniquement composé de particule? élec-triques. Ses chiffres, quoique également très élevés,sont inférieurs aux précédents. Il trouve que l'énergieaccumulée dans un gramme de matière représente1,02x 1019 ergs, soit environ 100 milliards de kilo-grammètres1. Ce chiffre ne représenterait, suivantlui. qu'une très petite fraction (ea:ccediurjly small

1. Elecliïïily and Mallci 1905. J. J. Thomson arrive à ce chiffre en suppo-sant l'atome composé d'électrons négatifs distribues dans une sphère chargéed'une iiunntiié égale d'élcdricité positive et recherche le travail nécessaire pourles séparer. En appelant n le nombre d'électrons par atome (1000 pour l'hydro-gène) a le rayon de l'atome (10-* cm. d'après ia théorie cinétique des gaz) t la

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L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE— SA GRANDES.

43

raciion) de celle que les atomes possédaient à l'ori-gine et qu'ils ont graduellement perdue par rayon-îcment.

§ 2. — FORMES SOUS LESQUELLES L'ÉNERGIE PEUT ÊTRECONDENSÉE DANS LA MATIÈRE

Sous quelles formes l'énergie intra-atomique peut-Ile exister? Comment des forces si colossales peuvent-

"llcs être concentrées dans des particules très petites?L'idée d'une telle concentration semble, au premier

bord, inexplicable, parce que notre expérienceisuelle montre que la grandeur de la puissancenécanique est toujours associée à la dimension desippareils producteurs. Une machine d'une puissancele mille chevaux possède un volume considérable,^ar association d'idées nous sommes donc conduits à'roire que la grandeurde l'énergie mécanique impliquea grandeur des appareils qui la produisent.

C'est là une illusion pure résultant de l'inférioritéle nos systèmes mécaniques et facile à détruire par derès simples calculs. Une des plus élémentaires for-milcs de la dynamique nous montre que l'on peuttccroilre à volonté l'énergie d'un corps de grandeurjonslantc, en accroissant simplement sa vitesse. Onicut donc concevoir une machine théorique forméel'une tête d'épingle tournant dans le chaton dunejague et qui, malgré sa petitesse, posséderait, grâcei sa force giratoire, une puissance mécanique égalei celle de plusieurs milliers de locomotives.

Pour lixer les idées, supposons une petite sphèrele bronze (densité 8,842) d'un rayon de trois milli-

iijifc'c c-ii unités i-lectro-slutiques de chaque électron (lj.4 x 10-'°) N le nombre

nt'.'iiic-à contenus dans 1 gramme (10,2XlU7 X— ) on arrive pour la quantité

entrgie contenue dans 1 gramme d'hydrogène à la formule

Nllli =1,02X10'» ci gs.a

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44 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

mètres, et, par conséquent, du poids de 1 gramme.Admettons qu'elle tourne dans le vide autour d'un

de ses diamètres avec une vitesse équatoriale égale àcelle des particules de matière dissociée (100.000 kil.par seconde), et que, par un procédé quelconque, onait rendu la rigidité du métal suffisante pour qu'ilrésiste à la rotation. En calculant la force vive decelle sphère en mouvement) on voit qu'elle corres-pond à 203.873 millions de kilogrammôtres. C'est àpeu près le travail que fourniraient en une heure1510 locomotives d'une puissance moyenne de 500chevaux-vapeur 1.

Telle est la quantité d'énergie que pourrait contenirune toute petite boule animée d'un mouvement de rota-tion dont la vitesse serait égale à celle des particulesde matière dissociée.

Si la même petite boule tournait sur elle-même avecla vitesse de la lumière (300.000 kil. par seconde) quireprésente à peu près la vitesse des particules {5 duradium, sa force vive serait neuf fois plus grande.Elle dépasserait 1.S00 milliards de kilogrammèlres et

i. Nous avons calculé ces chiiïres de la façon suivanle :La force vive d'un solide invariable tournant autour d'un aie avec une vilesse

angulaire o a pour expression :

1 désignant le moment d'inertie du solide. Pour le calculer on rapporte le mou-vement du solide à un système de coordonnes rectangulaires dans lequel onprend l'axe de rotation pour l'axe des s. Lo moment d'inertie I est alors donnépar la formule suivanle :

Dans le cas spécial que nous considérons d'une sphère homogène de rayonK et de poids spécifique 1*, celte intégrale a pour valeur:

,

ce qui donne pour expression de l'énergie

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L'ÉXKRGIE INTRA-ATOMIQUE — SA GRANDEUR 45

représenterait le travail que fourniraienten une heure13500 locomotives, nombre supérieur à toutes leslocomotives du réseau français 1.

Ce sont précisément ces mouvements de rotationexcessivement rapides sur leur axe et autour d'uncentre que paraissent posséder les éléments qui cons-tituent les atomes, et c'est leur vitesse qui est l'originede l'énergie qu'ils contiennent. On a été conduit àadmettre l'existence de ces mouvements de rotationpar des considérations mécaniques diverses bienantérieures aux découvertes actuelles. Ces dernièresn'ont fait que contirmer des idées anciennes et reportersur les éléments de l'atome les mouvements qu'onattribuait à l'atome lui-même quand on le considéraitcomme insécable. Ce n'est sans doute que p.arcequ'ils possèdent de telles vitesses de rotation que leséléments constitutifs des atomes peuvent, en quittantleurs orbites sous l'influence de causes diverses, êtrelances tangentiellement à travers l'espace avec lesvitesses observées dans les émissions de particulesde la matière en dissociation.

La rotation des éléments de l'atome est d'ailleursune condition même de leur stabilité, comme ellel'est pour une toupie ou un gyroscope. Quand, sousl'influence d'une cause quelconque, la vitesse de rota-tion tombe au-dessous d'un certain point critique,

1. Précédemment, nous avons simplement examiné l'énergie d'un (-ranimede matière dissociée, animé non plus du mouvement de rolation que nous venonsde supposer, mais d'un mouvement de translation en ligne droite tel d'ailleursqu'on l'observe dans les émissions de rayons cathodiques.

l)ans ce dernier cas les uhiiïrcs étaient encore supérieurs a ceux que nousveions de donner pour une sphère du poids de 1 gramme tournant sur elle-même avec une vitesse de 100.000 kilomètres par seconde.

Le calcul montre, en filet, que l'énergie d'une sphère en rotation repré-sente seulement les 2/5 de celle que posséderait la même sphère animée d'unevitesse de translation égale à la vitesse équatoriale V primitivement supposée :

lie n'est qu'une conséquence de ce fait h'en connu que le carié 'îu layon defiration d'une sphère est les 2/5 du carré du rayon de cette sphère.

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40 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

l'équilibre des particules devient instable, leur énergiecinétique augmente, et elles peuvent être expulséesau dehors, phénomène qui constitue le commence-ment de là dissociation de l'atome.

§ i. — L'UTILISATION DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE.

Les dernières objections à la doctrine de l'énergieintra-atomique s'évanouissent chaque jour, et on neconteste plus guère que la matière soit un réservoirprodigieux d'énergie.

La recherche des moyens de libérer facilementcette énergie constituera sûrement un des plus impor-tants problèmes de l'avenir.

Il importe de remarquer, en effet, que si lesnombres trouvés par des voies diverses indiquentdans la matière l'existence — si imprévue jadis — deforces immenses, ils ne signifient pas du tout queces forces soient déjà disponibles. En fait, les corpsqui se dissocient le plus rapidement, comme leradium, n'en dégagent que de très minimes quantités.Tous ces millions de kilogrammètres qu'un simplegramme de matière contient, reviennent à très peu dechose si, pour les obtenir, il faut attendre des mil-liers d'années. Supposons qu'un coffre-fort contenantplusieurs milliards en poudre d'or, soit fermé par unmécanisme tel qu'on ne puisse extraire chaque jourqu'un milligramme du précieux métal. Malgré sagrande richesse, le possesseur d'un tel coffre sera enréalité très pauvre, et il le restera tant que ses effortsn'auront pas réussi à lui faire trouver le secret dumécanisme qui lui permettra de l'ouvrir.

Ainsi sommes-nous à l'égard des forces que lamatière renferme. Mais, pour parvenir à les capter,il fallait d'abord connaître leur existence et c'est cedont on n'avait pas la moindre' idée, il y a quelques

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j/ÉNERGIE 1NTRA-AT0MIQUE — SA GRANDEUR 47

années. On se croyait môme très certain qu'ellesn'existaient pas.

Arriverons-nous à libérer facilement la colos-sale puissance que les atomes recèlent en leursein?Nul ne pourrait le prévoir. On n'eût pu dire nonplus, au temps de Galvani, que l'énergie électrique quiréussissait péniblement à agiter des pattes de gre-nouille et à attirer de petits fragments de papier,véhiculerait un jour d'énormes trains de chemin defer.

Dissocier complètement l'atome sera peut-être tou-jours au-dessus de nos forces, parce que la difficultédoit croître à mesure qu'avance la dissociation, maisil suffirait de pouvoir en dissocier facilement unefaible partie. Que le gramme de matière dissociéesupposé plus haut soit emprunté à une tonne dematière ou môme à beaucoup plus, il n'importe. Lerésultat serait toujours le môme au point de vue del'énergie produite.

Les recherches que j'ai tentées dans cette voie etqui seront exposées ici, montrent qu'il est possibled'activer considérablement la dissociation de diversessubstances.

Les méthodes de dissociation sont, comme nousle verrons, nombreuses. La plus simple est l'actionde la lumière. Elle a en plus l'avantage de ne riencoûter.

Sur un terrain aussi neuf, devant le monde nouveauqui s'ouvre à nous, aucune de nos vieilles théories nedoit arrêter les chercheurs. « Le secret de tous ceuxqui font des découvertes, dit Liébig, est qu'ils neregardent rien comme impossible. »

Les résultats à obtenir dans cet ordre de recherchesseraient en vérité immenses. Dissocier facilement lamatière mettrait à notre disposition une source indé-finie d'énergie et rendrait inutile l'extraction de lahouille dont la provision s'épuise rapidement. Le

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48 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈKE

savant qui trouvera le moyen de libérer économi-quement les forces que contient la matière changerapresque instantanément la face du monde. Une sourceillimitée d'énergie étant gratuitement à la dispositionde l'homme, il n'aurait pas à se la procurer par undur travail. Le pauvre serait alors l'égal du riche etaucune question sociale ne se poserait plus.

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CHAPITRE Iï

Transformation de la matière en énergie

La science moderne avait établi entre la matière etl'énergie une séparation complote. Les idées clas-siques sur cette scission se trouvent très nettementexposées dans le passage suivant d'un ouvrage récentde M. le professeur Janet :

« Le monde où nous vivons est, on réalité, un monde double, ouplutôt il est composé de deux mondes distincts : l'un qui est lemonde de la matière, l'autre le monde de l'énergie. Le cuivre, lel'or, le charbon, voilà des formes delà matière. Le travail méca-nique, la chaleur, voilà des formes de l'énergie. Ces deux mondessont dominés chacun par une loi identique. On ne peut ni créer,ni détruire de la matière, en 113 peut ni créer, ni détruire dol'énergie.

« Matière ou énergie peuvent revêtir un grand nombre de formesdiverses, sans que jamais la matière puisse so transformer enénergie, ou l'énergie en matière.

« Nous ne pouvons pas plus concevoir de l'énergie sansmatière, que delà matière sans énergie 1. »

Jamais, en effet, comme le dit M. Janet, on n'avaitpu jusqu'ici transformer de la matière en énergie,ou, pour être plus précis, la matière n'avait jamaissemblé manifester d'autre énergie, que celle qui luiavait d'abord été fournie. Incapable de la créer, ellene pouvait que la restituer. Les principes fondamen-

1. JIMT. Leçons d'électricité, 2« édition, p. 2 et 5. "- -

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50 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈHE

taux de la thermodynamique enseignaient qu'un sys-tème matériel isole de toute action extérieure ne peutengendrer spontanément de l'énergie.

Toutes les observations scientifiques antérieuresparaissaient confirmer cette notion qu'aucune subs-tance n'est capable de produire de l'énergiesans l'avoird'abord empruntée au dehors. La matière peut servirde support à l'électricité comme dans le cas d'uncondensateur; elle peut rayonner de la chaleurcomme dans le cas d'une masse de métal d'abordchauffée; elle peut manifester des forces produites parde simples changements d'équilibres comme dans lecas îles transformations chimiques ; mais en toutesces circonstances l'énergie dégagée n'est que la resti-tution en quantité exactement égale de celle d'abordcommuniquée à la matière ou employée pour pro-duire une combinaison.

Dans tous les cas précédemment énumérés et danstous ceux du môn\c ordre, la matière ne fait que res-tituer l'énergie qu'on lui a d'abord donnée sous uneforme quelconque. Elle n'a rien créé, rien sorti d'elle-même.

L'impossibilité de transformer de la matière enénergie paraissait donc évidente, et c'est avec rai-son que cette impossibilité était invoquée dans lesouvrages classiques pour établir une séparation trèsnette entre le monde de la matière et le monde del'énergie.

Pour que cette séparation pût disparaître, il fallaitréussir à transformer de la matière en énergie sansrien lui fournir de l'extérieur.

Or, c'est justement cette transformation spontanéede la matière en énergie qui résulte de toutes lesexpériences de dissociation de la matière exposéesdans cet ouvrage. Nous y verrons que la matière peuts'évanouir sans retour, en ne laissant derrière elleque l'énergie provenant de sa dissociation.

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ï.!:\X?F0nMATI0N DE LA MATIÈRE EN ENERfilJi 51

]/,\ production spontanée de l'énergie alors consta-tée, production si contraire aux idées scientilijuesactuelles, parut d'abord entièrement inexplicable auxphysiciens préoccupés de trouver au dehors l'originede l'énergie manifestée et ne la trouvant pas. Nousavons l'ait voir que l'explication devient très simpledés <pie l'on consent à admettre que la matièrecontient un réservoir d'énergie qu'elle peut perdrepartiellement, soit spontanément, soit sous desinlliiences légères.

Ces iiilhiences légères agissent un peu comme uneétincelle sur une masse de poudre, c'est-à-dire en libé-rant des énergies très supérieures à celles de l'étin-celle. Sans doute on peut dire à la rigueur que cen'est pas alors de la matière qui se transforme enénergie, mais simplement une énergie intra-atomiquequi se dépense. Mais, comme cette énergie ne peutêtre engendrée sans que de la matière s'évanouissesans retour, nous sommes fondés à dire que les chosesse passent exactement comme si de la matière s'étaittransformée en énergie.

Une telle transformation devient d'ailleurs trèscompréhensible dès qu'on réussit à bien se pénétrerde celle idée que la matière est simplement celteforme d'énergie douée de stabilité que nous avonsappelé l'énergie intra-atomique. Il en résulte quequand nous disons que de la matière s'est trans-formée en énergie, cela signifie simplement quel'énergie intra-atomique a changé d'aspect pourrevêtir ces formes diverses auxquelles on donne lesnoms de lumière, d'électricité,etc.

Et si, comme nous l'avons précédemment montré,une très petite quantité de matière peut, en se dis-sociant, produire une grande quantité d'énergie,c'est parce qu'une des propriétés les plus caracté-ristiques des forces inlra-alomiques est d'être con-densées en quantité immense dans un espace extrême-

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52 LÏ:VOI.UTIO"N DE LA MATIÈRE

mont faible. C'est pour une raison analogue qu'un gazcomprime' sous une pression très grande, flans unréservoir très petit, peut donner un volume de gazconsidérable si l'on vient à ouvrir le robinet quil'empêchait de s'échapper.

Les conceptions qui précèdent étaient très neuvesquand je les ai formulées pour la première fois. Pardes voies diverses plusieurs physiciens y arriventmaintenant.

Ils n'y arrivent pas, d'ailleurs, sans des difficultésconsidérables, parce que quelques-unes de ces notionsnouvelles sont fort difficilement conciliaires aveccertains principes tout à fait classiques. Beaucoupde savants éprouvent autant de peine à les admettrequ'ils en éprouvèrent, il y a cinquante ans, à consi-dérer comme exact le principe de la conservation dol'énergiq. Rien n'est plus difficile que de se débarrasserde riiéritage des idées qui dirigent inconsciemmentnos pensées.

On peut se rendre compte de ces difficultés en lisantune communication récente, faite par le plus émi-nent des physiciens actuels, lord Kelvin, à une séancede la Br'ttish Association, à propos de la chaleurémise spontanément par le radium pendant sa disso-ciation. Cette émission n'est pourtant pas plus sur-prenante que la projection continue de particulesayant une vitesse de l'ordre de celle de la lumièrequ'on peut obtenir non seulement avec le radium, maisavec un corps quelconque.

« 11 est complètement impossible (ulterly impos-sible), écrit lord Kelvin, que la chaleur produite puisseprovenir de la provision d'énergie du radium. Il mesemble donc absolument certain que si l'émission dechaleur se conlinue.au môme taux, elle doit êtrefournie du dehors*. »

i. Pliilosophical ilagaùne, février 190i, p. 122.

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TlUNSFOnMATION DE LA MATIÈRE EX. ÉXEnGIE 53

Kl lord Kelvin revient à la médiocre hypothèseformée d'abord sur l'origine do l'énergie des corpsradio-actifs, attrihuablo, croyait-on, à l'absorptiondn certaines forces mystérieuses du milieu ambiant.Cette supposition n'avait d'ailleurs aucune expériencepour soutien. Elle était simplement la conséquencethéorique de l'idée que la matière, étant tout àfait incapable de créer de l'énergie, ne pouvait querestituer celle qui lui avait été fournie. Les principesfondamentaux de la thermodynamique, que lordKelvin a tant contribué à fonder, nous disent, eneffet, qu'un système matériel isolé de toute actionextérieure ne peut engendrer spontanément de l'éner-gie. Mais l'expérience a toujours été supérieure auxprincipes, et, quand elle a parlé, les lois scientifi-ques, qui semblaient les plus stables, sont condamnéesà rejoindre dans l'oubli les dogmes usés et les doc-trines qui ne servent plus.

D'autres physiciens plus hardis, comme Rutherford,après avoir admis le principe de l'énergie intra-atomique restent hésitants. Voici comment s'exprimece dernier dans un travail postérieur à son livre surla radio-activité.

« 11 serait désirable de voir apparaître une sortede théorie chimique pour expliquer les faits et poursavoir s'il faut considérer que l'énergie est empruntéeà l'atome lui-môme.ou à des sources extérieures ' ».

Beaucoup de physiciens s'en tiennent donc encore,comme lord Kelvin, aux anciens principes ; c'estpourquoi les phénomènes de radio-activité, notammentl'émission spontanée de particules animées d'unegrande vitesse et l'élévation de la température pen-dant la radio-activité, leur semblent totalement inex-plicables et constituent une énigme scientifique,comme l'écrivait récemment M. Mascart. L'énigme

1. Archives de» Science) physiques de Genève, 1905, p. 55. '

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5i l/ÉVOI.UTION I)K LA MATIKRK

est bien simple pourtant avec l'explication que nousavons donnée.

On ne saurait espérer d'ailleurs que des idées aus*icontraires aux dogmes classiques que celles de l'éner-gie iulra-alomiqueotde la transformationde la matièreen énergie puissent se répandre très vite. Il est mêmecontraire à l'évolution habituelle des idées scien-tifiques qu'elles se soient déjà répandues et aientprovoqué toutes les discussions dont on trouvera lerésumé dans le chapitre consacré à l'examen desobjections. On no peut s'expliquer ce succès relatifqu'en se souvenant que la foi dans certains principesscientifiques avait été déjà fortement ébranlée pardes découvertes aussi imprévues que celles desrayons X et du radium.

C'est qu'en effet, les idées scientifiques qui régis-sent l'ame des savants de chaque époque ont toutela solidité des dogmes religieux. Fort lentes à s'éta-blir, elles sont très lentes aussi à disparaître. Lesvérités scientifiques nouvelles ont assurément l'expé-rience et le raisonnement pour base, mais elles nese propagent que par le prestige, c'est-à-dire quandelles sont énoncées par des savants auxquels leursituation officielle donne du prestige aux yeux dupublic scientifique. Or, c'est justement celte catégoriede savants qui, non seulement ne les énonce pas,mais use de son autorité pour les combattre.

Des vérités d'une importance aussi capitale que laloi de Ohm, qui domine toute l'électricité, et la loi dola conservation de l'énergie, qui domine toute la phy-sique, furent accueillies, à leurs débuts, avec indiffé-rence ou mépris et restèrent sans action, jusqu'aujour où elles furent énoncées de nouveau par dessavants doués dinfluence.

C'est en étudiant l'histoire des sciences, si peu cul-tivée aujourd'hui, qu'on arrive à comprendre la genèsedes croyances et les lois de leur propagation. Je

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TliANSFONMATION UK LA MATIKIOE KN KnKI'.fiN-; i)5

viens de faire allusion à «loi.- découvertes qni furentparmi les plus importantes du dernier siècle et serésument on deux lois dont on peut dire qu'ellesauraient dû frapper tous les esprits par leur mer-veilleuse simplicité et leur imposante grandeur. Nonseulement, elles ne frappèrent personne, mais lessavants les plus éminents de l'époque ne s'en occu-pèrent pas, sinon pour lâcher de les couvrir de ridi-cule».

Ouc le simple énoncé de pareilles doctrines n'aitalors frappé personne montre avec quelles difficultésune idée nouvelle est acceptée quand elle ne cadrepas avec des dogmes antérieurs.

l.c prestige seul, je le répète, et fort peu l'expé-rience, est l'élément habituel de nos convictions,scientifiques et autres. Les expériences, en apparenceles plus convaincantes, n'ont jamais constitué unélément immédiat de démonstration quand elles heur-taient des idées depuis longtemps admises. Galiléel'apprit à ses dépens quand, ayant réuni tous lesprofesseurs de la célèbre université de Pisc, il s'ima-gina leur jtrouver par l'expérience que, contrairement

1. yti.'inJ Ohm eut iltl'couvci'l In loi qui immortalisera son nom et sur laque]],'toute 11 .--exiice de l'électricité rejiose, il la publia dans un livre rempli d'expé-riences tellement simples, tellcsni'iil concluant'!.*, qu'elles pouvaient être <onij.i iscspar uii élève des écoles primaires. Non seulement, il m convainquit personne,mais les savants les plus inllucuts de l'époque le traitèrent île telle façon qu'ilperdit la place dont il vivait et. pour no pas mourir de faim, fut fort heureux deti'.ir.fr une situation de 1,200 francs par an dans tin collège, situation qu'ilc-iMipa six ans. On no lui rendit justice qu'à la fin de sa vie. liobert M.'ncr,iiii.ins heureux, n'obtint mémo pas celle tardive satisfaction. Quand il découvritla plus importante des grandes lois scientifiques modernes, celle de la con-oiva-tion de l'énergie, il rencontra très difficilement une revue consentant à insérerson mémoire, mais aucun savant n'y apporta la moindre attention; pas plusd'ailleurs qu'à ses publications successives, y compris celle- sur l'équivalentmécanique de la chaleur, publiée eh 1850. Après avoir lente de se suicider, .Mayerperdit la raison et resta pendant longtemps ignoré au point que, lorsque Ilelinholtzrelit de son coté la même découverte, il ne savait pas avoir eu un prédécesseur.Ilelinholtz ne se vit pas, d'ailleurs, encouragé davantage à ses débuts, il le plusn:p"!i.'nu des journaux scientifiques de l'époque, les Annales de l'oygendorfl,refusa rinsert:on de son célèbre mémoire : la Coiiserralion de ii'iwryie, le consi-c'éruiii comme une spéculation fantaisiste indigne do lecteurs sérieux.

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50 L'ÉVOLUTION DK LA MATIÈRE

aux idées alors reçues, les corps «le poids différentstombent avec la même vitesse. La'démonstration deGalilée était assurément très concluante, puisquefaisant tomber en même temps du haut d'une tourune petite balle do plomb et un boulet de même métal,il montr.i que les deux corps arrivaient ensemble surle sol. Les professeurs se bornèrent, à invoquer l'auto-rité d'Arislotc et ne modifièrent nullement leur opi-nion. Bien des années se sont écoulées depuis cetteépoque, mais le degré de réceptivité des esprits pourles choses nouvelles ne s'est pas sensiblement accru.

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CHAPITRE III

Les forces dérivées de l'énergie infra-atomique ;Forces moléculaires,

Electricité, chaleur solaire, etc.

§ 1. - ORIGINE DES FORCES MOLÉCUUIRE3.

Bien que la matière fût jadis considérée commoinerte, capable seulement de conserver et de restituerl'énergie a clleid'abord communiquée, on avait cepen-dant dû constater dans son sein l'existence de forcesparfois considérables, la cohésion, l'affinité, les attrac-tions et répulsions osmotiques, etc., paraissant indé-pendantes de tous les agents extérieurs. Les autresforces comme la chaleur rayonnante et l'électricitéqui sortaient, elles aussi, de la matière, pouvaientêtre considérées comme de simples restitutions d'uneénergie empruntée au dehors.

Mais, si la cohésion qui fait un bloc rigide de lapoussière d'atomes dont les corps sont formés, si l'af-linitc qui sépare ou précipite les uns sur les autrescertains éléments et crée les combinaisons chimiques,si les attractions et répulsions osmotiques qui tien-nent sous leur dépendance les plus importants phé-nomènes de la vie, sont visiblement des forces inhé-rentes à la matière môme, il était tout à faitimpossible, avec les idées anciennes, d'en déterminerla source.

,

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ES L'ÉVOLUTION ni: LA MATILUI-:

L'origine de ces forces cesse d'être mystérieusequand on sait que la matière est un réservoir colossald'éner::ie. L'observation ayant démontré, depuis long-temps, qu'une l'orme d'énergie quelconque se prêteà un grand nombre de transformations, nous con-cevons facilement comment de l'énergie intra-ato-iniqiie peuvent dériver toutes les forces moléculaires :

cohésion, affinité, etc., jadis -si inexpliquées. Noussoin mes loin do les connaître, mais nous voyons aumoins la source d'où elles dérivent.

En dehors des forces visiblement inhérentes a lamatière que nous venons de citer, il en est deux,l'électricité et la chaleur solaire, dont 1 origineest toujours restée inconnue et qui trouvent égale-ment, ainsi que nous allons le voir, une explicationfacile par la théorie de l'énergie inlia-atomiquo.

§ 2. - ORIGINE DE L'ÉLECTRICITÉ.

Quand nous aborderons l'étude détaillée des faitssurlesquels reposent les théories exposées dans cetouvrage, nous verrons que l'électricité est une des plusconstantes manifestations de la dissociation de lamatière. La matière n'étant autre chose que l'énergieintra-atomique elle-même, on peut dire que dissocierde la matière c'est simplement dissocier un peu del'énergie intra-atomique et l'obliger à prendre uneautre forme. L'électricité est précisément une deces formes.

Depuis un certain nombre d'années le rôle del'électricité a constamment grandi. Elle est à la basede toutes les réactions chimiques considérées de plusen plus comme des réactions électriques. Elle appa-raît maintenant une force universelle et on tend àlui rattacher toutes les autres. 11 est établi que lalumière est l'une de ses formes.

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im:<:i;s i>i::nivf;i:s ni: I/I::NI:RGII: JNTUA-ATOMIQUI: 59

Oii'unc force, dont les manifestationsonlcolte impor-tance cl colle universalité, ail pu èlre ignoréu desmilliers d'années constitue un dos faits les plus frap-pants de l'histoire ^\c^ sciences, un de ceux qu'il l';mtton jours avoir présents à l'esprit pourcompivndrc quenous pouvons être entourés de forces 1res puissantes-ans les apercevoir.

Tout ce qu'on a su de l'électricité pendant dossiècles se réduisait à ceci, que certaines substancesrésineuses attirent les corps légers après avoir étéfrottées. D'autres corps ne jouiraient-ils pas de lamême propriété? En faisant porter le frottement sur«les surfaces plus étendues n'obticndrail-on pas deseffets plus intenses? Nul ne songeait à se le demander.

Les âges se sont succédé avant que naquit unesprit assez pénétrant pour se poser de telles ques-tions, puis assez curieux pour rechercher par l'expé-rience si un corps frollé sur une large surfacen'exercerait pas des actions d'une énergie supé-rieure à celles produites par un petit fragment dumémo corps. De cette vérification, qui parait actuel-lement si facile, mais qui demanda tant de sièclespour s'accomplir, devait bientôt sortir la machineélectrique à frottement de nos laboratoires avec lesphénomènes qu'elle produit. Les plus saisissants furentcelte apparition d'étincelles et ces décharges violentesqui révélèrent au monde étonné l'existence d'uneforce nouvelle mettant dans les mains de l'hommeune puissance dont il croyait que les dieux seuls pos-sédaient le secret.

L'électricité n'était produite alors que bien pénible-ment, et on la considérait comme un phénomènetrès exceptionnel. Aujourd'hui, nous la retrouvonspartout et nous savons que le simple contact docorps hétérogènes suffit à l'engendrer. Le difficilemaintenant n'est plus de dire comment produire del'électricité, mais comment ne pas en l'aire naître

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60 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

dans la production d'un phénomène quelconque. Unegoutte d'eau qui tombe, une masse gazeuse que lesoleil échauffe, un fil tordu dont on élève la tempé-rature, une réaction capable de modifier la natured'un corps sont des sources d'électricité.

.Mais si.toutes les réactions chimiques sont desréactions électriques, ainsi qu'on le dit aujourd'hui,si le soleil ne peut transformer la température d'uncorps sans dégager de l'électricité, si une goutte depluie ne peut tomber sans la produire, il est évidentque'son rôle dans la vie dos êtres doit être prépondé-rant. C'est en effet ce que Ton commence à admettre.Il ne s'opère pas un seul changement dans les cellules,il ne s'accomplit aucune réaction vitale dans les tissussans que l'électricité intervienne. M. Berthelot amontré récemment le rôle important des tensionsélectriques auxquelles sont constamment soumis lesvégétaux. Les variations du potentiel électrique del'atmosphère sont énormes, puisqu'elles peuventosciller entre 600 et 800 volts par des temps sereins,et s'élever à 15.000 volts par la chute de la moindrepluie. Ce potentiel croît de 20 à 30 volts par mètre dehauteur par un beau temps et de 400 à 500 voltspar un temps de pluie pour la même élévation. « Ceschiffres, dit-il, donnent une idée de la différence depotentiel qui existe, soit entre la pointe supérieured'une lige dont l'autre extrémité est enfoncée dansle sol, soit entre les sommets d'une plante ou d'unarbre qui s'y trouve installé et la couche d'air quibaigne cette pointe ou ces sommets. » Le mômesavant a prouvé que les effluves engendrés par cesdifférences de tension pouvaient provoquer de nom-breuses réactions chimiques : fixation de l'azote surles hydrates de carbone, dissociation de l'acide car-bonique, en oxyde de carbone et oxygène, etc.

Lorsque nous avons constaté le phénomène de ladissociation générale de la matière, nous nous soin-

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FGP.CE5 DÉRIVÉES DE L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE 61

mes demandé si l'universelle électricité, dont l'originerestait si inexpliquée, n'était pas précisément la consé-quence de l'universelle dissociation de la matière.

Nos expériences ont pleinement vérifié celte hypo-thèse. Elles ont prouvé que l'électricité est une desformes les plus importantes de l'énergie intra-ato-mique libérée par la dématérialisation de la matière.

Nous avons été amené à cette conclusion après avoirconstaté que les produits qui s'échappent d'un corps'clectrisé sous une tension suffisante, sont tout à faitidentiques à ceux que donnent les substances radio-actives en voie de se dissocier. Les divers moyensemployés pour obtenir de l'électricité, le frottement,notamment, ne font que hâter la dissociation de lamatière.

Nous renverrons pour les détails de cette démons-tration au chapitre où ce sujet est traité, nous bor-nant dans celui-ci à indiquer sommairement lesdiverses généralisations qui découlent de la doctrinede l'énergie intra-atomique. Ce n'est pas l'électricitéseule mais aussi la chaleur solaire, comme nous allonsle voir, qui peut être considérée comme une de sesmanifestations.

§3 - ORIGINE DE LA CHALEUR SOLAIRE

A mesure que nous avons approfondi l'élude de ladissociation de la matière, l'importance de ce phéno-mène a constamment grandi.

Après avoir reconnu que l'électricité peut êtreconsidérée comme une de ses manifestations, nousnous sommes demandé si celle dissociation de lamatière et sa résultante, la libération de l'énergieinlra-alomique, ne seraient pas également la cause, siignorée encore, de l'entretien de la chaleur solaire.

Les diverses hypothèses invoquées jusqu'ici pour6

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G2 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

expliquer le maintien de celle chaleur — la problé-matique chule de météorites sur le soleil, par exem-ple, — ayant toujours semblé d'une insuffisanceextrême, il était nécessaire d'en chercher d'autres.

Etant donnée l'énorme quantité d'énergie accumu-lée dans les atomes, il suffirait que leur dissocia-tion fût plus rapide qu'elle ne l'est aujourd'hui surles globes refroidis pour fournir la quantité dechaleur nécessaire au maintien de l'incandescencedes astres.

Et il ne serait nullementbesoin de présumer, commeon l'a fait, alors qu'on supposait que le radium était leseul corps capable de produire de la chaleur en sedissociant, l'invraisemblable présence de celte subs-tance dans le soleil, puisque les atomes de tous lescorps contiennent une immense provision d'énergie.

Soutenir que les astres, tels que le soleil, peuvententretenir d'eux-mêmes leur température par lachaleur résultant de la dissociation de leurs atomesconstitulifs, semble revenir à dire qu'un corps chaudserait capable de maintenir lui-môme sa températuresans aucun apport extérieur. Or, chacun sait qu'unematière incandescente, un bloc de métal chauffé parexemple, abandonnée à elle-même, se refroidit trèsvite par rayonnement, bien qu'elle soit le siège d'unedissociation atomique importante.

Elle se refroidit, en effet, mais simplement, parceque l'élévation de température produite par la disso-ciation de ses atomes pendant son incandescence estinfiniment trop faible pour compenser sa perle dechaleur par le rayonnement. Les corps qui se disso-cient le plus rapidement, comme le radium, peuventà peine maintenir leur température à plus de 3° à 4°au-dessus de celle du milieu ambiant.

Mais supposons que la dissociation d'un corpsquelconque soit seulement un millier de fois plusrapide que celle du radium, la quantité d'énergie

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FORCES DÉRIVÉES DE L'ÉNERGIE INTRA-ATO.MIQUE 63

émise serait alors plus que suffisante pour le main-tenir en état d'incandescence.

Toute la question est donc de savoir si, à l'originedes choses, c'est-à-dire à l'époque où les atomes seformèrent par des condensations de nature ignorée,ils ne possédaient pas une quantité d'énergie tellequ'ils aient pu ensuite maintenir grâce à leur lentedissociation les astres en incandescence.

Cette supposition a pour appui les divers calculsque j'ai présentés sur la grandeur immense de l'éner-gie contenue dans les atomes. Les chiffres donnéssont considérables, et cependant J.-J. Thomson, quia repris récemment la question, aboutit à cetteconclusion que l'énergie actuellement concentrée dansles atomes n'est qu'une insignifiante portion de cellequ'ils contenaient jadis cl qu'ils ont perdue par rayon-nement. D'une façon indépendante, et antérieurement,le professeur Filippo He était arrivé à une conclusionidentique.

Si donc les atomes renfermaient jadis une quantitéd'énergie très supérieure à celle, pourtant formi-dable, qu'ils possèdent encore, ils ont pu, en se dis-sociant, dépenser pendant de longues accumulationsd'âges, une partie de la gigantesque réserve de forcesentassées dans leur sein à l'origine des choses. Ils ontpu et peuvent encore, par conséquent, maintenir àune très haute température les astres tels que le soleilet les étoiles.

Cependant, dans la suite des temps, la provisiond'énergie intra-atomique des atomes de certainsastres a fini par se réduire et leur dissociation estdevenue de plus en plus lente. Finalement, ilsacquirent une croissante stabilité, se dissocièrent trèslentement et sont devenus tels qu'on les observeaujourd'hui sur les astres refroidis comme la terre etles autres planètes.

Si les théories formulées dans ce chapitre sont

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G4 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

exactes, l'énergie intra-atomique manifestée pen-dant la dissociation des atomes constitue l'élément

,fondamental dont la plupart des autres forcesdérivent. Ce n'est pas seulement l'électricité qui seraitune de ses manifestations, mais encore la chaleursolaire, source première de la vie et de la plupart des

»énergies dont nous disposons. Son étude, qui nousrévèle la matière sous un jour tout nouveau, permetdéjà de jeter des lueurs imprévues sur la Mécaniquesupérieure de notre univers.

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CHAPITRE IV

Les objections à la doctrine de l'énergieIntra-atomique.

Les critiques provoquées par mes recherches surl'énergie intra-atomique prouvent qu'elle ont intéressébeaucoup de savants. Une théorie nouvelle ne pouvantêtre solidement établie que par la discussion, je lesremercie de leurs objections, et vais tâcher d'yrépondre.

La plus importante a été soulevée par un desmembres les plus éminents de l'Académie des scien-ces, M. Henri Poincaré. Voici ce que m'écrivait l'il-lustre mathématicien après la publication de mesrecherches.

« J'ai lu votre mémoire avec lo plus grand intérêt. 11 soulôvc biendes questions troublantes. Un point sur lequel je voudrais attirervotre attention, c'est l'opposition entre votre conception et celle del'origine de la chaleur solaire d'après llclinholtz et lord Kelvin.

« Quand la nébuleuse se condense en soleil, son énergie primiti-vement potcntiello se transforme en chaleur qui se dissipe ensuitepar rayonnement.

« Quand les sous-afomes se réunissent pour former un atome, cettecondensation emmagasine de l'énergie sous forme potentielle, etc'est, quand l'atome se désagrège que cotte énergie reparaît sousforme de chaleur (dégagement de chaleur par le radium).

•iAinsi, la réaction : nébuleuse-soleil, est exothermique. La

réaction sous-atomes isolés, atomes est cndotlieimiquc, mais sicelte « combinaison» estciidothcrmique, comment est-elle si extra-ordinairement stable?»

G.

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66 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

M. Naquct, ancien professeur de chimie à la Facultéde médecine de Paris, qui ne connaissait pas lesréflexions de M. Poincaré, m'a fait dans un longarticle 1, exactement la mémo objection. Voici com-ment il s'exprime :

« Il est un point cependant que je trouve embarrassant, surtout sije me rallie à l'hypothèse de Gustave Le Bon, la plus sédui-sante do toutes... Si les atonies dégagent de la chaleur en sedétruisant, ils sont endothermiques, et, par analogie, ils devraientêtre excessivement instables ; or c'est au contraire ce qu'il y a deplus stable dans l'univers.

« Il y a là une contradiction inquiétante. Il ne faudrait cependantpas attacher à celte difficulté plus d'importancequ'elle n'en a. —Toutes les fois que de grands systèmes ont surgi, il s'est rencontrédes difficultés de cet ordre. Leurs auteurs ne s'en sont pas préoc-cupés. Si Newton et ses successeurs s'étaient laissé arrêter parles perturbations qu'ils observaient, la loi de la gravitation univer-versclle n'aurait jamais été formulée. »

L'objection de MM. Henri Poincaré et Naquct estd'une justesse évidente. Elle serait irréfutable si elles'appliquait à des composés chimiques ordinaires,mais les lois applicables aux équilibres chimiquesmoléculaires ne semblent pas l'être du tout aux équi-libres inlra-alomiques. L'atome possède ces deuxpropriétés nettement contradictoires : être à la foistrès stable et très instable. 11 est très stable, puisqueles réactions chimiques le laissent suffisammentintact pour que nos balances retrouvent toujours sonpoids. 11 est très instable puisque des causes aussilégères qu'un rayon de soleil, une élévation minimede température suffisent à commencer sa dissociation.Cette dissociation est très faible, sans doute, rela-tivement à la quantité énorme d'énergie accumuléedans l'atome, elle ne change pas plus sa masse quela pelîetée de terre retirée d'une montagne n'enchange le poids appréciable, elle est certaine pour-tant. 11 s'agit donc de phénomènes particuliers aux-

1. ïkiuc d'Italie, mars il avril l'JOi.

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OBJECTIONS A LA DOCTRINE DE L'ÉNERGIE 67

quels nulle des lois habituelles de la chimie ordinairene semble applicable. Découvrir les lois particulièresqui régissent ces faits nouveaux ne saurait êtrel'oeuvre d'un jour.

M. Armand Gautier, membre de l'Institut et pro-fesseur de chimie à la Faculté de médecine de Paris,s'est aussi occupé de Vciiergie inlra-atomique dans unarticle qu'il a publié 1 à propos de mes recherches.J'en détache les lignes suivantes :

« (lot énorme emmagasinement d'énergie que Gustave Le Bon voitdans la matière, et qui va jusqu'à lui faire penser que celle-cin'est, en définitive, que l'énergie elle-même momentanémentcondensée dans ce que nous nommons l'atome et prête a enrenaître par une transmutation bien autrement extraordinaire quecelle de la matière, je le vois dans l'atome et ses particules sousforme d'énergie giratoire, insensible aux sens et au thermomètre,mais apte, en se transformant en énergie vibratoire ou de transla-tion a produire la chaleur, la lumière et les phénomènes de radio-activité dont il a été l'un des premiers à montrer toute la généralitéet l'importance, aussi bien que tout l'intérêt, au point de vue desphénomènes qui semblent nous montrer la dissociation de l'atomesimple lui-même. »

Je n'ai rien à objecter à l'explication du savantprofesseur, car je pense comme lui que c'est sousforme de mouvements giratoires que l'énergie intra-alomiquc peut exister. Je n'avais pas voulu entrerdans trop de détails sur ce point dans mon mémoire,parce qu'il constitue évidemment une hypothèse, et•c m'étais borné à comparer l'atome à un systèmesolaire, comparaison à laquelle plusieurs physicienssont arrivés par des voies diverses. Sans de telsmouvements giratoires on ne pourrait concevoir decondensation d'énergie dans l'atome. Avec ces mou-vements, elle devient facile à expliquer. Trouvez lemoyen, comme je l'ai précédemment expliqué, d'im-primer à un corps de dimension quelconque, fût-elleinférieure à celle d'une tète d'épingle, une \ilesse de

1. Hfnte Sciciiti/hiuc, féviier HK'ï, |». 21J.

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68 LY:\OLUTION DE LA MATIÈRE

rotation suffisante, et vous lui communiquerez uneprovision d'énergie aussi considérable que vous pouvezle souhaiter. C'est cette condition que réalisent pré-cisément les particules des atomes pendant leur disso-ciation.

M. l'ingénieur Despaux repousse entièrement aucontraire, l'existencede l'énergie intra-atomique.Voicises raisons :

o C'est la dissociation de la matière qui, suivant Gustave Le Bonserait la cause de l'énergie énorme manifestée dans la radio-activité.

«C'est bien là une vue nouvelle, révolutionnaire au premier chef.La science admet l'indestructibilité de. la matière, et c'est le dogmefondamental de la chimie ; elle admet la conservation de l'énergieet elle en a fait la base de sa mécanique ; ce sont là deux conquêtesauxquelles il faudrait donc renoncer; la matière se transformeraiten énergie et inversement.

« Cette conception est assurément séduisante, et, au plus hautpoint, philosophique, mais cette transformation, si elle s'opère,ne se fait que par une évolution lente et, pour une époquedonnée, tous les phénomènes étudiés par la science portent àcroire que la quantité do matière et la quantité d'énergie sont inva-riables.

« Une autre objection se dresse, d'ailleurs formidable. Est-il pos-sible qu'une quantité si minime de matière porte dans ses flancsune quantité si considérable d'énergie ? Notre raison se refuse à lecroire 1. »

Laissons de côté le principe de la conservation del'énergie qui ne peut être évidemment discuté enquelques lignes et qui reste, au surplus, partiellementintact, si on admet que l'atome, en se dissociant, nel'ait que restituer l'énergie qu'il a emmagasinée àl'origine des âges, pendant sa formation. Les objec-tions de M. Despaux se réduisent alors à ceci : 1" lesfaits étudiés par la science faisaientcroire la matièreindestructible; 2° la raison se refuse à admettre quela matière puisse receler une quantité si considérabled'énergie.

Sur le premier point, il est certain que la science

1. l'a'iuc Scientifique, du 2 janvier 190i.

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OBJECTIONS A LA DOCTRINE DE L'ÉNERGIE 69

avait de bons arguments pour soutenir avec Lavoi*sier l'indestructibilité de la matière.Elle a aujourd'huide meilleurs arguments en laveur du contraire; devantles faits il n'y a qu'à s'incliner.

Sur le second point, que la raison se refuse àadmettre une énorme accumulation d'énergie dans lamatière, je me bornerai à répondre qu'il s'agit encored'un fait d'expérience suffisamment prouvé par l'émis-sion de particules douées d'une vitesse de l'ordre decelle de la lumière et par la grande quantité de caloriesque dégage le radium. Le nombre de choses que laraison s'est d'abord refusée à reconnaître et qu'ellea cependant dû finir par admettre est considérable.Pendant longtemps elle se refusait également à croire,que la terre tourne autour du soleil et les argumentsne lui manquaient pas.

Pourtant, je reconnais volontiers que cette concep-tion de l'atome, source énorme d'énergie et d'énergietelle qu'un gramme d'un corps quelconque renfermel'équivalent de plusieurs milliards de kilogram-mètres, est trop contraire aux idées reçues pourpénétrer rapidement les esprits, mais cela tient uni-quement à ce que les moules intellectuels fabriquéspar l'éducation ne changent pas facilement. M. A. Du-claud l'a fort bien dit dans un article sur le mêmesujet dont voici un extrait* :

« Les conséquences des expériences de Gustave Le Bon, et surtoutle premier et le dernier de ses trois points fondamentaux, qui sem-blent s'élever contre les dogmes scientifiques do la conservation del'énergie et de l'indestructibilité de la matière, ont suscité do nom-breuses objections. Il en ressort que les esprits se prêtent difficile-ment à admettre que la matière puisse émettre spontanément (c'est-à-dire d'elle-même, sans aucun concours extérieur), des quantitésplus ou moins considérables d'énergie. Cela provient de ce très vieuxconcept de la « dualité de force et matière » qui, nous portant àles considérer comme deux termes distincts, nous fait regarder la

1. Haut Scientifique, 2 avril 1901.

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matière comme inerte par elle-même... on peut regarder la matièrecomme non inerte, comme étant « un colossal réservoir de forcesqu'elle peut dépenser sans rien emprunter au dehors », sans pourcela porter atteinte an principe de la conservation de l'énergie.

« Mais l'attaque paraît plus grave, qui vise à l'iiidcstriictibilité dela matière: Toutefois, je crois qu'en y réfléchissant bien, on ne doitToir là qu'une question de mots.

« En elîet, Gustave Le Bon nous présente quatre stades succes-sifs de la matière... I'n exposant que tout retourne à l'étlicr, ilaccorde aussi que tout en provient. « Les mondes y naissent, etls y vont mourir », nous dit-il.

« Le pondérablesort de l'étlicr et'y retourne, sous des influencesmultiples. C'est-à-dire que l'éther est le réservoir, à la fois récep-tacle et déversoir de la matière. Or, à moins d'admettre qu'il ya'* déperdition de la part de l'éther, fuite du réservoir durant leco TS de ce perpétuel échange entre le pondérable et l'impondé-ràb \ on ne peut pas conclure qu'il y ait disparition d'une quan-lité quelconque de matière. Kt l'idée d'une déperdition de la partde l'éther est inadmissible, car elle conduit à cette conclusionabsurde que les pertes devraient se ' lypandre hors do l'espace,puisque, par hypothèse, l'éther remplit tout l'espace. »

Je n'ai aucune raison do contredire M.Duelaud surle sort de lamatière lorsqu'elle a disparu. Tout ce quej'ai voulu établir, en effet, c'est que la matière pon-dérable s'évanouit sans retour en libérant les forcesénormes qu'elle contient. Revenue dans l'éther,la matière a irrévocablement cessé d'exister pournous. Son individualité a complètement disparu. Elleest devenue quelque chose d'inconnaissable éliminéde la sphère du monde accessible à nos sens. Il y asûrement beaucoup plus de distance entre la matièreet l'éther qu'entre le carbone ou l'azote et les êtresvivants formés par leurs combinaisons. Le carboneet l'azote peuvent, en effet, recommencer indéfini-ment leur cycle en retombant sous les lois de lavie, alors que la matière retournée à l'éther nepeut plus redevenir matière ou, au moins ne le pour-rait que par les accumulations colossales d'énergiequi demandèrent de longues successions d'âges pourse former et que IIOHS ne saurions produire sans

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0DJECTI0NS A LA DOCTRINE DE L'ÉNERGIE 71

posséder la puissance attribuée par la Genèse aucréateur.

Ce sont, généralement, les mathématiciens et lesingénieurs qui accueillirent mes idées avec le plus defaveur. Dans son discours d'inauguration, comme pré-sident de l'Association française pour l'avancementdes Sciences, le savant professeur Laisant a reproduitune de mes plus importantes conclusions et montrétoute la portée qu'elle pourrait avoir dans l'avenir.

Mais c'est surtout à l'étranger que ces idées onttrouvé le plus d'écho. M. le professeur Filippo Re lesa longuement exposées dans la Hivisla di Fisica, etdans une revue technique uniquement destinée auxingénieurs 1 M. le professeur Somcrhausen leur aconsacré un mémoire dont je vais donner quelquesextraits, parce qu'ils montrent que les principesfondamentaux de la science actuelle n'avaient pasinspiré des convictions bien inébranlables à beaucoupd'esprits réfléchis.

« Une révolution scientifique. Ce titre se trouve bien ici à sa place,car les laits et les hypothèses dont nous allons parler ne tendentrien moins qu'à saper deux principes que nous admettions commeles fondements les plus inébranlables de l'édifice scientifique... Sion se libère de la tendance à ranger les faits nouveaux sous descatégories connues, on devra admettre que les faits si remar-quables que nous avons examinés ne peuvent s'expliquer par lesmodalités connues de l'énergie et qu'il faut nécessairement lesinterpréter avec Gustave Le Bon comme une manifestation dol'énergie insoupçonnée.

« Nous avons constaté, d'une part, le phénomène nouveau de ladissociation atomique, d'autre paît, la production d'une énergieconsidérable sans explication possible par les modes connus. Il estévidemment conforme à la logique de rattacher les deux faits l'unà l'autre et d'attribuer à la destruction de l'atome, la mise enliberté de l'énergie nouvelle, de l'énergie inlra-atomique.

« ... Gustave Le Bon admet que l'atome dissocié a acquis des)iopriétés intermédiaires entre la matière et l'éther; entre le pon-dérable et l'impondérable; mais, au point de vue des effets tout se

1. liullcliii de l'Association des '-jénieurs de l'École polylechnitpie deUni telles, décembre l'J03.

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passe comme s'il y avait transformation directe do la matière enénergie... Nous voyons donc intervenir ici la matière comme sourcedirecte d'énergie, ce qui met en défaut toutes les applications duprincipe de la conservation de l'énergie. Et comme nous avons d'jadmettre la possibilité de la destruction de la matière, nous devonsadmettre la possibilité do création d'énergie. Nous entrevoyonsmaintenant la possibilité, en combinant les termes matière eténergie, d'arriver a une équation définitive que l'on pourra regardercomme le symbole le plus élevé des phénomènes de l'univers.

« Ce sera certes une des plus grandes conquêtes de la science,après avoir franchi le stade de l'unité de la matière, d'arriver àjoindre le domaine de la matière avec celui do l'énergie et dofaire disparaître ainsi la dernière discontinuité dans la structuredu monde. »

Parmi les objections que je dois mentionner, il. enest une qui a dû venir certainement à l'esprit deplusieurs personnes. Elle fut formulée par M. le pro-fesseur Pio, dans un des quatre articles que, sousce titre : Interatomxc cnergy, il a publie sur mesreclicrebes dans une grande revue scientifiqueanglaise *. Je la discuterai après la reproduction dequelques passages de ces articles.

« Tous les nouveaux phénomènes, rayons cathodiques, effluves duradium, etc., ont trouvé leur explication dans la doctrine de ladissociation de la matière, de Gustave Le Bon... Le phénomène de ladissociation de la matièic, découvert par ce dernitr, est aussi mer-veilleux qu'étonnant. 11 n'a pas excite cependant la môme atten-tion que la découverte du radium, parce qu'on n'a pas compris lelien étroit qui rattachait ces deux découvertes... Ces expériencesouvrent aux inventeurs une perspective qui dépasse tous les rêves.Il y a daiis la nature une source immense de forces que nous neconnaissons pas... La matière n'est plus une choso inerte, mais unprodigieux magasin d'énergie... La théorie do Véncrgie inlra-atu-înfqiie conduit à uno conception entièrement nouvelle des forcesnaturelles... Nous no connaissions jusqu'ici que des forces agissantdu dehors sur les atomes: gravitation, chaleur, lumière, affinité,etc. Maintenant l'atome apparaît comme un générateur d'énergieindépendant do toute force extérieure. Tous ces phénomènes >er-virout de fondement à une théorie nouvelle de l'énergie. »

1. Eugtixh mechaiiic nii'.t xvorld tf science, numéro du 21 janvier, 4 mars,15 avril et l'ô mai l'JOi.

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OBJECTIONS A LA DOCTMNE DE i/ÉNEIlGlE 73

L'objection do l'auteur à laquelle je faisais allusioncsl, celle-ci :

Comment, demande-t-il, des particules émises sousl'influence de l'énergie inlra-atomique avec uneénorme vitesse, ne rendent-elles pas incandescentspar leur choc les coips qu'elles viennent frapper? Oùl'énergie dépensée va-t-elle?

La réponse est la suivante : si les particulessont lancées en nombre suffisant, elles peuvent,en effet, rendre incandescents les métaux par leurchoc, comme cela s'observe sur l'anticathode desampoules de Crookes. Avec le radium, et à plus forteraison avec les corps ordinaires infiniment moinsactifs, l'énergie est produite trop lentement pourengendrer des effets aussi importants. Elle peut toutau plus, ainsi qu'il arrive pour le radium, échaufferde 2 ou 3 degrés la masse du corps lui-môme. Loradium dégageant, suivant les mesures de Curie,100 calories-gramme par heure, cette quantité nopourrait échauffer que de 1° en une heure la tempé-rature do 100 grammes d'eau. C'est trop peu évidem-ment pour élever c'une façon sensible la températured'un métal, surtout si on considère qu'il se refroiditpar rayonnement en même temps qu'il s'échauffe.

Certes, il en serait tout autrement si le radium outout autre corps se dissociait rapidement au lieu domettre des siècles à le faire. Le savant qui trouvera lemoyen de dissocier instantanément 1 gramme d'unmétal quelconque, radium, plomb ou argent, ne verrapas les résultats de son expérience. L'explosion pro-duite serait tellement formidable que son laboratoireet toutes les malsons voisines seraient instantanémentpulvérisées avec leurs habitants. On n'arrivera proba-blement jamais à une dissociation aussi complète,bien que M. de Ilcon attribue à des explosions docelte sorte la brusque disparition de quelques étoiles,mais on peut espérer rendre moins lente la dissocia-

7

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74 L'ÉVOLUTION DE LA ÎIAÏIÈRE

tion partielle des atomes. Je fonde cette assertion,non sur la théorie, mais sur l'expérience, puisque,par des moyens exposés dans la suite de ce travail,j'ai pu rendre des métaux, presque entièrement privésde radio-activité, comme l'étain, quarante fois plusradio-actifs, à surface égale, que l'uranium.

Les discussions précédentes montrent que la doc-trine de l'énergie intra-atomique a beaucoup plusattiré l'attention que celle de l'universalité de la dis-sociation de la matière. La première n'était pourtantque la conséquence de la seconde, et il fallait bienétablir les faits avant de rechercher leurs consé-quences.

Ce sont surtout ces conséquences qui ont frappé.Une de nos plus importantes publications, l'Annéescientifique*, l'a très clairement marqué dans unrésumé dont voici quelques extraits :

« ...M. Gustave Le Bon fut le premier, ne l'oublions pas, à jeterun peu de lumière dans ce chaos ténébreux, en montrant que laradio-activité n'est pas particulière à quelques corps rares connuel'uranium, le radium, etc., mais une propriété générale do lamatière, possédée à des degrés divers par tous les corps.

« ...Telle est, en traits sommaires et dans ses grandes lignes, ladoctrine de Gustave Le Bon, qui bouleverse toutes nos connaissancestraditionnelles sur la conservation de l'énergie et de l'indestructi-bilité de la matière.

« La radio-activité, propriété générale et essentielle de la matièreserait la manifestation d'une nouvelle modalité de l'énergie, d'uneforce inconnue jusqu'ici, intra-atomique.

« ...Nous ne savons pas encore libérer et maîtriser cette réservedo force incalculable, dont hier encore nous ne soupçonnions pasmême l'existence. Mais il est évident que le jour où l'homme auratrouvé un moyen de s'en rendre maître, ce sera la plus formidablerévolution que les annales du génie de la science aient jamais euà enregistrer, une révolution telle que nos pauvres cervellesauraient peine à en concevoir toutes les conséquences et toute laportée. »

•i. 47« aanée, p. 6, S8 et S9.

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LIVRE III

LE MONDE DE L'IMPONDÉRABLE

CHAPITRE PREMIER

La séparation classique entre le pondérable etl'Impondérable. Existe-t-il un monde Intermé-diaire entre la matière et l'éther?

La science classait autrefois les divers phénomènesde la nature dans des cases nettement séparées, entrelesquelles n'apparaissait aucun lien. Ces distinctionsexistaient dans toutes les branches de nos connais-sances, aussi bien en physique qu'en biologie.

La découverte des lois de l'évolution a fait dispa-raître des sciences naturelles des divisions qui sem-blaient former jadis d'infranchissables abîmes et, duprotoplasraa des êtres primitifs jusqu'à l'homme, lachaîne est aujourd'hui à peu près ininterrompue. Leschaînons absents se reconstituent chaque jour et nousentrevoyons comment, des êtres les plus simples auxplus compliqués, les changements se sont opérésprogressivement à travers le temps.

La Physique a suivi une route analogue, mais ellen'est pas arrivée à l'unité encore. Elle s'est cepen-

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7G L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

dant débarrassée des fluides qui l'encombraient jadis;elle a découvert les relations existant entre lesdiverses forces et reconnu qu'elles ne sont que desmanifestations variées d'une ebose supposée indes-tructible : l'énergie. Elle a ainsi établi la permanencedans la série des phénomènes, montré l'existence ducontinu îà où n'apparaissait jadis que le discontinu.La loi de la conservation de l'énergie n'est en réalitéque la simple constatation de cette continuité.

Il lui reste cependant deux fossés profonds à com-bler avant que la continuité puisse être établie par-tout. Elle maintient toujours, en effet, une largeséparation entre la matière et l'énergie et une autrenon moins considérable entre le monde du pondé-rable et celui de l'impondérable, c'est-à-dire entrela matière et l'éther.

La matière, c'est ce qui se pèse. La lumière, lachaleur, l'électricité et tous les phénomènes produitsau sein de l'impondérable élher, n'ajoutant rien aupoids des corps, sont envisagés comme appartenantà un monde fort différent de celui de la matière.

La scission de ces deux mondes semblait définiti-vement établie. Les plus illustres savants de nos joursétaient même arrivés à considérer la démonstrationde cette séparation comme une des plus grandesdécouvertes de tous les âges. Voici comment s'expri-mait à ce sujet M. Berthelot à l'inauguration récentedu monument do Lavoisier :

« Lavoisier établit, par les expériences les plus précises, une dis-tinction capitale et méconnue avant lui entre les corps pondérableset les agents impondérables, chaleur, lumière, électricité. Cettedistinction fondamentale entre la matière pondérable et les agentsimpondérables est une des plus grandes découvertes qui aient étéfaites; c'est l'une des bases des sciences physiques, chimiques etmécaniques actuelles. »

Base fondamentale, en effet, et paraissant jusqu'iciinébranlable. Les phénomènes dus à des transforma-

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SÉPARATION ENTRE LE PONDÉRABLE ET L'IMPONDÉRABLE 7"/

tions de l'impondérable élher, tels que la lumière,par exemple, no présentent aucune analogie appa-rente avec ceux dont la matière est le siège. Lamatière peut changer de forme, mais, sous tous leschangements, elle conserve un poids invariable.Quellesque soient les modifications que les agents impondé-rables lui fassent subir, ils no s'ajoutent pas à elle etne font jamais varier son poids.

Pour bien saisir là pensée scientifique moderne, ilfaut rapprocher la citation qui précède de celle rela-tive à la séparation de la matière et de l'énergiereproduite dans un précédent chapitre. Elles mon-trent que la science actuelle est en présence, non pasd'une, mais do plusieurs dualités très distinctes.Elles se traduisent par les propositions suivantes :1° La matière est entièrement distincte de l'énergie etne peut par elle-même créer de l'énergie; 2° l'étherimpondérable est entièrement distinct de la matièrepondérable et sans parenté avec elle.

La solidité do ces deux principes semblait défierles âges. Nous essaierons de démontrer, au contraire,que les faits nouveaux tendent à les renverser entiè-rement.

En ce qui concerne la non-existence de la séparationclassique entre la matière et l'énergie, nous n'avonspas à y revenir, puisque nous avons consacré unchapitre à montrer que la matière peut se transformeren énergie. 11 ne nous reste donc qu'à rechercher sila distinction entro la matière et l'éther peut dispa-raître également.

Quelques rares savants avaient déjà signalé tout ceque celte dernièredualité a de choquant et combien ellerend impossible l'explicationde certains phénomènes.Larmor a employé récemment les multiples ressourcesde l'analyse mathématique pour lâcher de faire dispa-raître ce qu'il appelle « l'irréconciliable dualité do lamatière et de l'éther ».

7.

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78 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Mais, si cette dualité est destinée à s'évanouir,l'expérience seule peut montrer qu'elle doit dispa-raître. Or, les faits récemment découverts, notam-ment ceux relatifs à la dissociation universelle de lamatière, sont assez nombreux pour qu'on puissetenter de relier les deux mondes si profondémentséparés jusqu'ici.

Au premier abord, la tâche semble ardue. On nevoit pas facilement, en effet, comment une substancematérielle, pesante, à contours bien définis, telle unepierre ou un morceau de plomb, peut être parentede choses aussi mobiles et aussi subtiles qu'un rayonde soleil ou une étincelle électrique.

Mais nous savons, par toutes les observations dola science moderne, que ce n'est pas en rapprochantles termes extrêmes d'une série qu'on peut recons-tituer les formes intermédiaires ot découvrir les ana-logies cachées sous les dissemblances. Ce n'est pasen comparant les êtres qui naquirent à l'aurore dola vie, aux animaux supérieurs dont notre globe sepeupla plus tard, qu'on découvrit les liens qui lesunissent.

En procédant en physique comme on l'a fait en bio-logie, nous verrons, au contraire, qu'il est possible dorapprocher des choses en apparence aussi dissem-blables que la matière, l'électricité cl la lumière.

Les faits qui permettent de prouver l'existence d'unmonde intermédiaireentre la matière et l'éthcr devien-nent en réalité chaque jour plus nombreux. Ils nedemandaient qu'à être synthétisés et interprétés.

Pour être fondé à dire qu'une substance quelconquepeut être considérée comme intermédiaire entre lamatière et l'élher, il faut qu'elle possède des carac-tères permettant à la fois de la rapprocher et de ladifférencier de ces deux éléments. C'est parce qu'ilsont constaté chez les singes anthropoïdes dos carac-tères de cette sorte que les naturalistes les considô-

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SÉPARATION ENTRE LE PONDÉRABLE ET L'IMPONDÉRABLE 79

rcnt aujourd'hui comme établissant un lien entre lesanimaux inférieurs et l'homme.

La méthode que nous appliquerons sera celle desnaturalistes. Nous rechercherons les caractères inter-médiaires permettant de dire qu'une substance, touten ressemblant encore un peu à la matière, n'est plusde la matière, et, tout en se rapprochant de l'élher,n'est pas encore de l'éther.

Plusieurs chapitres de cet ouvrage seront consacrésà cette démonstration dont nous ne pouvons qu'indi-quer maintenant les résultats. Nous essaierons demontrer, en prenant toujours l'expérience pour guide,que les produits de la dématérialisation de la matière,c'csl-à-dire les émissions produites durant sa disso-ciation, sont constitués par des substances dont lescaractères sont intermédiaires entre ceux de l'élbcrcl ceux de la matière.

En quoi consistent ces substances? En quoi ont-elles perdu les propriétés des corps matériels?

Pendant plusieurs années, les physiciens ont per-sisté à ne voir dans les émissions des corps radio-actifs que des fragments plus ou moins ténus dematière. Ne pouvant se débarrasser du concept desupport matériel,, ils admettaient que les particulesémises étaient simplement des atomes, chargésd'électricité sans doute, mais toujours cependant con-stitués par de la matière.

Cette opinion semblait confirmée par le fait queles émissions radio-actives s'accompagnent le plus sou-vent d'une projection de particules matérielles. Dansl'ampoule de Crookes, l'émission de particules solidesjaillics de la cathode est tellement considérable qu'ona pu métalliscr des corps exposés à leur projection.

Cet entraînement de matière s'observe d'ailleursdans la plupart des phénomènes électriques, notam-ment lorsque l'électricité amenée à un potentiel sul-lisant passe entre deux électrodes. Le spcclroscopo

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80 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

révèle toujours, en effet, dans la lumière des étin-celles, les raies caractéristiques des métaux quiforment ces électrodes.

Une autre raison encore semblait prouver la maté-rialité des émissions précédentes. Elles sont déviablespar un champ magnétique, donc chargées d'électri-cité ; or, n'ayant jamais vu de transport d'électricitésans support matériel, on considérait comme évidentel'existence de ce support.

Cette sorte de poussière matérielle supposée consti-tuer les émissions cathodiques et celles des corpsradio-actifs présentait de singuliers caractères en tantque substance matérielle. Non seulement elle présen-tait les mômes propriétés, quel que fût le corpsdissocié, mais de plus elle avait perdu tous les carac-tères de la matière qui lui donna naissance. Lenardle montra clairement lorsqu'il chercha à vérifier unede ses anciennes hypothèses d'après laquelle leseffluves engendrés par la lumière ultra-violette quifrappe la surface des métaux seraient composés depoussières arrachées à la surface de ces métaux.Prenant un corps, le sodium, très dissociable par lalumière et dont en môme temps il est possible, aumoyen du spectroscope, de constater des traces infi-nitésimales dans l'air, il reconnut que les effluvesalors émis ne contenaient aucune trace de sodium.Si donc, les émissions dés corps dissociés étaient dela matière, ce serait une matière ne possédant aucunedes propriétés des corps dont elle provient.

Les faits de cette nature se sont assez multipliéspour prouver que, dans le rayonnement cathodiqueaussi bien que dans la radio-activité, la matière setransforme en quelque chose qui ne peut plus ôtre dela matière ordinaire, puisqu'aucune de ses propriétésn'est conservée. C'est celte chose dont nous étudieronsles caractères et que nous montrerons faire partie dumonde intermédiaire entre la matière et l'éther.

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Tant que fut ignorée l'existence de ce mondeintermédiaire, la science s'est trouvée en présence defaits qu'elle ne pouvait pas classer. C'est ainsi, parexemple, que pendant longtemps les physiciens nesurent où placer les rayons cathodiques qui fontjustement partie des substances intermédiaires entrela matière etTéther, c'est pourquoi ils les rangèrentsuccessivement dans le monde de la matière, puisdans celui de l'éther considérés pourtant comme sidifférents.

On ne pouvait naturellement pas les classer ailleurs.Puisque la physique admet que les phénomènes nepeuvent faire partie que de l'un de ces deux mondes, cequi n'appartient pas à l'un appartient nécessairementà l'autre.

En réalité, ils n'appartiennent ni à l'un ni à l'autre,mais à ce monde intermédiaire entre l'éther et lamatière que nous étudierons dans cet ouvrage. Il estpeuplé d'une foule de choses entièrement nouvellesque nous commençons à peine à connaître.

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CHAPITRE II

La base Immatérielle de l'UniversL'Éther.

La plus grande partie des phénomènes de la phy-sique : lumière, chaleur, électricité rayonnante,£tc, sont considérés comme ayant leur siège dansl'éther. La gravitation, d'où dérive la mécanique dumonde et la marche des astres, semble encore une deses manifestations. Toutes les recherches théoriquesformulées sur la constitution des atomes conduisent àadmettre qu'il forme leur trame.

Bien que la nature intime de l'éther soit à peinesoupçonnée, son existence s'est imposée depuislongtemps et paraît à quelques-uns plus certaine queoelle de la matière môme.

Elle s'est imposée lorsqu'il a fallu expliquer la pro-pagation des forces à distance. Elle parut expérimen-talement démontrée quand Fresnel eut prouvé que lalumière se propage par des ondulations analogues àcelles produites par la chute d'une pierre dans l'eau. Enfaisant interférer des rayons lumineux il obtint dol'obscurité par la superposition des parties saillantesd'une onde lumineuse aux parties creuses d'uneautre onde. La propagation de la lumière se faisant parondulations, ces ondulations se produisaient néces-sairement dans quelque chose. C'est ce quelque chosequ'on appelle l'éther.

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LA BASE IMMATÉRIELLE DE L'UNIVERS — L'ÉTHER 83

Son rôle est devenu capital et n'a cessé de grandiravec les progrès de la physique. La plupart des phé-nomènes seraient inexplicables sans lui. Sans étheril n'y aurait ni pesanteur, ni lumière, ni électricité,ni chaleur, rien en un mot de tout ce que nous con-naissons. L'univers serait silencieux et mort, ou serévélerait sous une forme que nous ne pouvons mêmepas pressentir. Si on pouvait construire une chambrede verre de laquelle on aurait retiré entièrementl'éther, la chaleur et la lumière ne pourraient la tra-verser. Elle serait d'un noir absolu et probablementla gravitation n'agirait plus sur les corps placés dansson intérieur. Ils auraient donc perdu leur poids.

Mais dès que l'on cherche à définir les propriétésde l'éther, des difficultés énormes apparaissent. Ellestiennent sans doute à ce que cet élément immatériel,ne pouvant être rattaché à rien de connu, les termesde comparaison manquententièrement pour le définir.Devant des phénomènes sans analogie avec ceuxhabi-tuellement observés, nous sommes comme un sourdde naissance à l'égard de la musique ou un aveugle àl'égard des couleurs. Aucune image ne pourrait leurfaire comprendre ce que peuvent bien être un sonou une couleur.

Quand les livres de physique disent en quelqueslignes que l'éther est un milieu impondérable rem-plissant l'univers, la première idée qui vient à l'espritest de se le représenter comme une sorte de gaz assezraréfié pour qu'il soit impondérable par les moyensdont nous disposons. Il n'est pas difficile d'imaginerun tel gaz. M. Muller a calculé que si on diffusait lamatière du soleil et des planètes qui l'entourent dansun espace égal à celui qui sépare les étoiles lesplus rapprochées, le myriamôtre cube de cettematière, amenée ainsi à l'état gazeux, pèseraità peine un millième de milligramme et serait parconséquent impondérable pour nos balances. Ce fluide

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Si ' L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

si divisé, qui représente peut-être l'état primitif donotre nébuleuse serait un qualrillon de fois moinsdense que le vide au millionième d'atmosphère d'untube de Crookes.

Malheureusement les propriétés de l'éther ne per-mettent pas do le rapprocher en aucune façon d'ungaz. Les gaz sont très compressibles et l'éther nepeut pas l'être. S'il l'était, en effet, il ne pourraittransmettre presque instantanément les vibrations dela lumière.

Ce n'est guère que dans les fluides théoriquementparfaits ou mieux encore dans les solides, qu'on peutdécouvrir do lointaines analogies avec l'éther, mais ilfaut alors imaginer une substance ayant des propriétésbien singulières. Elle doit avoir une rigidité supérieureà celle de l'acier, autrement elle ne pourrait trans-mettre les vibrations lumineuses avec une vitesse de300.000 kilomètres par seconde. Un des plus ômincnlsphysiciens actuels, lord Kelvin, considère l'éthercomme « un solide élastique remplissant tout l'espace.»

Le solide élastique formant l'éther jouit de pro-priétés fort étranges pour un solide et que nous nerencontrons chez aucun d'eux. Son extrême rigiditédoit se combiner avec une densité extraordinairementfaible, c'est-à-dire assez minime pour qu'il ne puisseralentir par son frottement la translation des astresdans l'espace. Hirn a montré que si la densité del'éther était seulement un million de fois moindre quecelle de l'air, pourtant si raréfié, contenu dans untube de Crookes, il produirait une altération séculaired'une demi-seconde dans le moyen mouvement de lalune. Un tel milieu, malgré une densité si réduite,arriverait cependant bien vile à expulser l'atmosphèrede la terre. On a calculé que s'il avait les propriétés quenous attribuons aux gaz, il acquerrait, par son choccontre la surface d'astres dépouillés d'atmosphèrecomme la lune, une température de 38.000 degrés.

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LA BASE IMMATERIELLE DE L'UNJVERS '^-. L'ÉTHER 85

Finalement on est acculé à cette idée que l'élher estun solide sans densité ni poids, quelque inintelligibleque cela puisse sembler.

D'autres physiciens ont soutenu récemment que ladensité de l'éther devrait être au contraire trèsgrande.Us se basent sur la théorie électro-magnétique de lamatière qui attribue à l'éther l'inertie de la matière.Dans cette théorio la masse d'un corps ne serait autrechose que la masse de l'éther qui l'enveloppe retenueet entraînée par les lignes do force qui entourent lesparticules électriques dont seraient formés lesatomes. Toute l'inertie des corps, c'csl-à-dire leur,masse, serait due à l'inertie de l'élher. Toute énergiecinétique serait due aux mouvements do l'élheremprisonné par les lignes de force qui le relient auxatomes. J.-J. Thomson, qui défond cette hypothèse 1,ajoute «.qu'elle exigerait que la densité de l'éthersoit supérieure à celle do tous les corps connus. » Onne voit pas d'ailleurs très bien pourquoi.

La grandeur des forces que l'éther peut transmettreconstitue également un phénomène très difficile àinterpréter. Un électro-aimant agit à travers le vide,donc par l'intermédiaire do l'éther. Or, comme le faitremarquer lord Kelvin, il exerce à distance sur le ferune force qui peut atteindre 110 kilogrammes parcentimètre carré. « Comment se fait-il, écrit ce phy-sicien, que ces forces prodigieuses soient développéesdans l'éther, solide élastique, et que cependant, lescorps pondérables soient libres de se mouvoir à tra-vers ce solide? » Nous ne le savons pas et nous nepouvons pas dire si nous le sauronsjamais.

On no peut presque rien indiquer do la constitu-tion do l'éther. Maxwell le supposait constitué depetites sphères animées d'un mouvement do rotationtrès rapide qu'elles transmettraient de proche en

1. Èlertrirfty and Malter, Westminster 1901 ; et Oit ihe the dynamic o( Elec-trified Field. (Proettdkgt o{ ihe Cambridge PItilotophical sociely, 1903,p. 83.)

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I L EVOLUTION DE LA MATIERE

proche ». Frcsnel regardait son élasticité commeconstante, mais sa densité comme variable. D'autresphysiciens croient, au contraire, sa densité constanteet son élasticité variable. Pour la plupart il n'est pasdéplacé par les mouvements des systèmes matérielsqui le traversent. D'après d'autres il est, au contraire,entraîné.

On est, en tout cas, d'accord pour reconnaître quel'éther est une substance très différente de la matière,et soustraite aux lois de la pesanteur. Elle est sanspoids, immatérielle au sens usuel de ce mot. etforme le monde de l'impondérable.

Si l'éther n'a pas de pesanteur, il faut cependantqu'il ait une masse, puisqu'il présente de la résistanceau mouvement. Cette masse est faible, puisque lavitesse de propagation de la lumière est très rapide.Si elle était nulle, la propagation de la lumière seraitprobablement instantanée.

La question de l'impondérabilité de l'éther discutéependant longtemps semble définitivement tranchéeaujourd' hui. Elle a été reprise tout récemment parlord Kelvind et, par des raisons mathématiques queje ne puis exposer ici, il arrive à la conclusion quel'éther est constitué par une substance entièrementsoustraite aux lois de la gravitation, c'est-à-dire im-pondérable. Mais, ajoute-t-il, « nous n'avons aucuneraison de le considérer comme absolument incom-pressible et nous pouvons admettre qu'une pressionsuffisante peut le condenser ».

C'est probablement de celte condensation effectuéeà l'origine des âges, par un mécanisme ignoré entiè-rement, que dérivent les atomes considérés par plu-sieurs physiciens, Larmor notamment, comme desnoyaux de condensation dans l'éther ayant la formede petits tourbillons animés d'une énorme vitesse de

i. On the Clustering of graiïtalional maller in any part of the Vntrert.(Philosophkal ilagaiine, Janvier 1902).

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LA BASE IMMATÉRIELLE DE L'UINIVERS — L'ÉTIIER 87

rotation. « La molécule matérielle, écrit ce dernierphysicien, est constituée entièrement par de l'éther etpar rien d'autre 1 ».

Telles sont les propriétés que l'interprétation desphénomènes fait attribuer à l'éther. Il faut se bornerà constater, sans pouvoir le comprendre, quenous vivons dans un milieu immatériel plus rigideque l'acier, auquel nous pouvons imprimer facile-ment, simplement en brûlant un corps quelconque,dvs mouvements dont la vitesse de propagation dé-passe 100.000 fois celle d'un boulet de canon. L'étherest un agent que nous entrevoyons partout, que nouspouvons faire vibrer, dévier et mesurer à volonté,mais sans pouvoir l'isoler. Sa nature intime demeureun irritant mystère.

On peut résumer ce qui précède en disant quesi nous savons très peu de chose de l'éther, nousdevons cependant considérer comme certain quela plupart des phénomènes de l'univers sont desconséquences de ses manifestations. Il est sans doutela source première et le terme ultime des choses, lesubstratum des mondes et de tous les êtres quis'agitent à leur surface.

Nous essaierons de montrer bientôt commentl'éther impondérable peut être relié à la matière et desaisir par conséquent le lien qui rattache le matérielà l'immatériel. Pour être préparés à comprendreleurs relations, nous étudierons d'abord quelques-uns des équilibres qu'il est possible d'observer dansl'éther. Nous n'en connaissons qu'un petit nombre,mais ceux que nous pouvons observer, nous permet-tront par voie d'analogie de pressentir la nature deceux que nous ne connaissons pas.

i. £thtr and llatttr. Londres 1900.

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CHAPITRE III

Les formes diverses d'équilibredans l'éther.

Les phénomènes les plus importants de la nature :chaleur, lumière, électricité, etc.. ont, comme BOUS

venons de le voir, leur siège dans l'éther. Us sontengendrés par certaines perturbations de ce fluideimmatériel sorti de l'équilibre ou retournant à l'équi-libre. Les forces de l'univers ne sont connues, enréalité, que par des perturbations d'équilibre. L'étatd'équilibre constitue la limite au delà de laquellenous ne pouvons plus les suivre.

La lumière n'est qu'une altération d'équilibre del'éther caractérisée par ses vibrations ; elle cessed'exister dès que l'équilibre est rétabli. L'étincelleélectrique de nos laboratoires aussi bien que la foudresont de simples manifestations des changementsdu fluide électrique sorti de l'équilibre pour unecause quelconque et s'efforçant d'y retourner. Tantque nous n'avons pas su tirer le fluide électrique del'état de repos, son existence a été ignorée.

Toutes les modifications d'équilibre produites dansl'éther sont très instables et ne survivent pas à lacause qui les a fait naître. C'est là justement ce quiles différencie des équilibres matériels. Les formes

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LES FORMES DIVERSES D'ÉQUILIBRE DANS L'ÉTHER 89

diverses d'équilibre observées dans la matière sontgénéralement ass<?z stables, c'est-à-dire survivent àla cause qui les a engendrées. Le monde de l'élbcrest le monde des équilibres mobiles, alors que lemonde do la matière est celui des équilibres capablesde fixité.

Dire qu'une chqse n'est plus en équilibre, c'estconstater qu'elle a subi certains déplacements. Lesmouvements connus qui déterminent l'apparition desphénomènes ne sont pas très nombreux. Ce sont prin-cipalement des attractions, répulsions, rotations, pro-jections, vibrations et tourbillons.

De ces mouvements divers, les mieux connus sontceux que produisent les attractions et les répulsions.On a presque exclusivement recours à eux pourmesurer les phénomènes. La balance mesure l'attrac-tion exercée par la terre sur les corps, le galvano-mètre l'attraction exercée par un courant électriquesur un aimant, le thermomètre les attractions ourépulsions de molécules d'un liquide soumis à l'in-fluence de la chaleur. Les équilibres osmotiques quitiennent sous leur dépendance la plupart des phéno-mènes de la vie sont révélés par les attractions etrépulsions des molécules au sein des liquides.

Les mouvementsdes diverses substances et les varié-tés d'équilibre qui en résultent jouent donc un rôlefondamental dans la production des phénomènes. Ilsconstituent leur essence et forment les seules réalitésqui nous soient accessibles.

Jusqu'à ces dernièresannées on n'avait étudié que lesmouvements vibratoires réguliers de l'éther qui pro-duisent la lumière. On pouvait supposer cependantqu'un fluide au sein duquel on peut produire commedans un liquide des vagues régulières est susceptibled'autres mouvements. On fidmet maintenant qu'ilpeut être le siège de mouvements variés : projections,rotations, tourbillons, etc.

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00 I/KVOLUTION ni; LA MAUI*;HE

Parmi les formes des mouvements de l'élber étu-diés dans ces dernières années, les tourbillons sem-blent jouer, au moins au point fie vue théorique, unrôle prépondérant. Larrnor 1 et d'autres physiciensconsidèrent les électrons, éléments supposés du fluideélectrique — el pour quelques savants des atomesmatériels— comme des tourbillonsou gyroslats formésau sein/le l'élber. Le professeur de Jleen 2 les com-pare à un fil rigide enroulé en hélice. Le ?cns de leurrotation déterminerait les attractions et répulsions.Sutherland cherche dans la direction des mouvementsde ces. gyroslats l'explication des phénomènes deconduction électriques et thermiques. « La conductionélectrique, dit-il, est due à la vibration des gyroslatsdans la direction de la force électrique et la conduc-tion thermique aux vibrations de tourbillons danstoutes les directions3 ».

C'est l'analyse mathématique seule qui con-duisit les physiciens à attribuer un rôle fonda-mental aux tourbillons dans l'élber, mais, les expé-riences faites sur des fluides matériels donnent àces hypothèses une base précise puisqu'elles per-mettent, comme nous allons le voir, de reproduireles attractions et répulsions observées dans lesphénomènes électriques el de constituer avec lestourbillons de substances matérielles des formes géo-métriques.

Un tourbillon matériel peut élre formé par unfluide quelconque, liquide ou gazeux, tournant autourd'un axe. Par le fait de sa rotation il décrit des spi-rales. L'étude de ces tourbillons a été l'objet dorecherches importantes de la part de divers savants,Bjerkness et Wcyber * notamment. Us ont fait

1. A'Ahcr and Maller, V.m.2. l'roJroviM d'une throrie de lélectricité, 1000.3. The clectric origine of Hi'jlJihj. [l'hilosophical Magazine, rnai IGOi.k. Sur les lourl/illous, In-81, '£' (Milion.

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M:S I-OI'.MKS DIVI;HSES U'ÉQUIMURK DANS L'ÉTIIER 91

voir qu'on peut produire avec eux toutes lesattractions et répulsions constatées en électricité, lesdéviations de l'aiguille aimantée par les courants, etc.

On fait naître ces tourbillons par la rotation rapided'un axe muni de palettes ou plus simplement d'unesphère. Autour de la sphère s'établissent des cou-rants gazeux dyssimélriqucs par rapport au plan del'équateur et il en résulte l'attraction ou la répul-sion des corps qu'on en approche, suivant la posi-tion qu'on leur donne. On peut môme, comme l'aprouvé Weyher, obliger ces corps à tourner autourde la sphère sans la toucher comme les satellitesd'une planète.

Ces tourbillons constituent une des formes queprennent le plus facilement les particules matériellespuisqu'un simple souffle suffit à faire tourbillonner unfluide. Ils peuvent produire, ainsi d'ailleurs que tousles mouvements de rotation, des équilibres très stables,capables de lutter contre les effets de la pesanteur. Latoupie en mouvement reste debout sur sa pointe. Ilen est de même de la bicyclette qui tombe latéra-lement dès qu'elle cesse de rouler. Les hélices à axevertical dites hélicoptères employées dans certainsprocédés d'aviation s'élèvent dans l'atmosphère en s'yvissant dès qu'on les met en rotation et s'y main-tiennent tout le temps que dure cette rotation. Dèsqu'elles sont au repos, ne pouvant plus lutter contrela pesanteur elles tombent lourdement sur le sol.On conçoit donc aisément que ce soit dans les mou-vements de rotation qu'on ait trouvé la meilleureexplication des équilibres des atomes.

C'est par des tourbillonnements dans l'éther queplusieurs auteurs, cherchent également à interpréter lagravitation. M. le professeur Armand Gautier a donnédans un travail écrit à propos de mon mémoire surl'énergie intra-atomique, une explication semblable.Si elle pouvait être considérée comme définitive,

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92 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

elle aurait l'avantage d'expliquer de quelle façon l'im-pondérable peut sortir du pondérable:

« L'atome matériel animé de mouvements giratoires doit trans-mettre sa giration à leliier qui l'environne et par lui aux autrescorps matériels éloignés qui baignent dans cet ctlier. Il s'ensuitque, la giration de l'un se transmettant à l'aut:.;, les corps maté-riels, en vertu de leur inertie mémo, tendent - jur ainsi dire à sevisser l'un sur l'autre par l'intermédiaire iu tourbillonnementcommun de l'cther où ils baignent; en un mr.t, res corps matérielsdoivent s'attirer. Il suflit d'admettre pour cela qu'il y ait commeune sorte de viscosilê entre les particules de l'éther, ou plutôt unesorte d'entraînement de ces particules les unes par les autres.

« Mais si l'état giratoire des édifices atomiques parait être ainsila cause de leur, attraction mutuelle, c'est-a-dire de la pesanteur,celle-ci devra disparaître en tout ou en partie si l'énergie de gira-tion est totalement ou partiellement transformée en énergie dotranslation dans l'espace. Ne peut-il en être ainsi de l'éleclron,c'est-à-dire do l'atomuscule arraché à l'atome et lancé hors del'édifice matériel avec la vitesse de la lumière atominalc danslequel la vitesse de giration a disparu transformée en vitesse detranslation? Ces électrons ainsi empruntés à la matière, s'ils nesont plus en état do giration sensible ou concordante, pourrontdonc perdre tout ou partie do leur poids en gardant leur masse, ettout en continuant à suivre la loi qui mesure l'énergie qu'ils trans-portent par le demi-produit do leur masse par le carré do leurvitesse de translation '. »

Les expériences faites sur les mouvements tour-billonnaircs dans les fluides ne produisent pas seu-lement des attractions, des répulsions et des équi-libres de toutes sortes. Ils peuvent être associés defaçon à donner naissance à des formes géométriquesrégulières ainsi que l'a montré M. Benard 2 dans unecérie d'expériences. Il a fait voir qu'un

livide enlame mince soumis à certaines perturbât..';r. (cou-rants de convection voisins de la stabilité) se divisaiten prismes verticaux à base polygonale qu'on peutrendre visibles par certains procédés optiques ou plussimplement en y mélangeant des poudres très fines.»<

Ce sont, dit l'auteur, les lieux géométriques des

1. Revue Scientifique, 13 janvier J'JOi.2. Reiue des Sciences, 1900.

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LES FOnMES DIVERSES D'ÉQUIMnitE DANS l/ÊTHER 93

tourbillons nuls qui forment les parois planes riesprismes hexagonaux et les axes verticaux de cesprismes. Les lignes de tourbillons sont des courbesfermées centrées sur l'axe de ces prismes. » Lesmétaux refroidis brusquement après avoir été fonduset étalés en lames minces se divisent souvent de lamôme façon et présentent à l'observation des cellulespolygonales.

Ces expériences nous montrent que les moléculesd'un liquide peuvent revêtir des formes géométriquessans que ce dernier cesse d'ôlre liquide. Ces formesd'équilibre momentanées ne survivent pas à la causequi les fait naître. Elles sont analogues à celles quenous avons pu produire et rendre visibles en combi-nant convenablement des éléments de matières disso-ciées, comme nous le verrons bientôt.

Les analogies entre les molécules des fluidesmatériels et celles des fluides immatériels sont nom-breuses, mais elles ne conduisent jamais à des iden-tités en raison de deux différences capitales entreles substances matérielles et les substances immaté-rielles. Les premières sont en effet soumises à l'ac-tion de la pesanteur et elles ont une masse trèsgrande. Elles obéissent donc assez lentement auxchangements de mouvement. Les secondes échappentà la pesanteur ,et ont une masse fort petite. Lafaiblesse de cette masse leur permet de prendre,sous l'influence de forces très faibles, des mouve-ments rapides et d'être par conséquent extrêmemen.mobiles. Si, malgré leur, faible masse, les molé-cules immatérielles peuvent, produire des effets méca-niques assez grands, ainsi qu'on l'observe par exempledans les tubes de Crookes, dont les miroirs rougissentsous l'influence du bombardement cathodique, c'estque la petitesse des masses est compensée par leur

mv-extrême vitesse. Dans la formule T = ——- on peut,fCr

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!)'l L'KVOLUTION DE LA MATHinK

sans changer In résultat, réduire à volonté in à con-dition *lo grandir ».

Kn considérant le rôle considérable que jouent lesdiverses formes d'équilibresdon test susceptible l'élber,on arrive facilement à celte conception que la matièren'est qu'un état particulier d'équilibre de l'élber.Donc, lorsque nous chercherons en d'autres chapitresà découvrir les liens qui rattachent les choses maté-rielles aux choses immatérielles, nous devrons exa-miner surtout les diverses formes d'équilibre quepossède le monde intermédiaire dont nous admettonsl'existence, et rechercher les analogies et les dissem-blances que présentent ces équilibres avec ceux desdeux momies que nous nous proposons de relier.

Les dissemblances résulteront surtout de la qua-lité différente des éléments sur lesquels s'exercerontles mêmes lois. Les analogies résulteront de ce queces éléments différents pour nos sens et pour les ins-truments qui les complètent appartiennent en réalitéà la même famille. La nature semble toujours portéeà économiser ses cflorts. Elle varie les choses à Tin-fini, mais elle ne change pas les lois générales qui enguident le cours.

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LIVKE IV

LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MATIÈRE

CHAPITRE PREMIER

Les diverses Interprétations des expériencesrévélant la dissociation de la matière.

§ I. — LES PREMIÈRES INTERPRÉTATIONS

L'cther el la matière forment les deux termesextrêmes de la série des choses. Entre ces termessi éloignés l'un de l'autre il existe des éléments inter-médiaires dont l'observation révèle maintenant l'exis-tence.

Aucune des expériences que nous exposerons nenous montrera la transformation de l'éther en sub-stances matérielles. 11 faudrait disposer d'une colos-sale énergie pour réaliser une telle condensation.Mais la transformation inverse,c'est-à-dire celle delàmatière en éther ou en substances voisines del'élbcr,est au contraire réalisable. La dissociation de la ma-tière permet celte réalisation.

C'est dans la découverte des rayons cathodiques,puis des rayons X que se trouvent les germes de lathéorie actuelle de la dissociation de la matière.

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Ofi L'ÉVOLUTION DK LA MATltltK

Cettedissocialion,spontanée ou provoquée, se révèletoujours, en elVel, par rémission, dans l'espace, d'ef-lluvcs identiques aux rayons cathodiques et auxrayons X. L'assimilation entre ces deux ordres dephénomènes, que pendant plusieurs années je fusseul à défendre, est enfin universellement admiseaujourd'hui.

La découverte des rayons cathodiques et desrayons X qui les accompagnent invariahlcment,marque une des étapes les plus importantes de lascience moderne. Sans elle la théorie de la disso-ciation de la matière n'aurait jamais pu être établie;sans elle on aurait à jamais ignoré que c'est à celledissociation que sont dus des phénomènes connusdepuis longtemps en physique mais restés inexpli-qués.

Chacun sait aujourd'hui en quoi consistent lesrayons cathodiques.

Si dans un tube muni d'électrodes et où l'on apoussé le vide très loin, on envoie un courant élec-trique à tension suffisante, la cathode émet des rayonsqui se propagent en ligne droite, échauffent Jes corpsqu'ils frappent et sont déviés par un aimant. Lacathode métallique ne sert d'ailleurs qu'à rendre lesrayons plus abondants, puisque j'ai prouvé par mesexpériences qu'avec un tube do Crookcs sans cathodeni trace de matière métallique quelconque, on obser-vait absolument les mêmes phénomènes.

Les rayons cathodiques sont chargés d'électricité etpeuvent traverser des lames métalliques très minces etreliées à la terre en conservant leur charge. Toutesles fois qu'ils frappent un obstacle, ils donnentimmédiatement naissance à ces rayons particuliersdits rayons X, différant des rayons cathodiques ence qu'ils ne sont pas déviés par un aimant et tra-versent des lames métalliques épaisses capablesd'arrêter entièrement ces derniers.

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I.I:S DIVKIISES iNTi;iti'ni;T.\TioNs DI:S J:X['I::HII;NCKS 07

Hayons cathodiques et rayons X produisent <)o

l'électricité sur tous les corps, gaz ou matièressolides, qu'ils rencontrent. Ils rendent donc, parconséquent, l'air conducteur de l'électricité.

Los premières idées que l'on se fil de la nature desrayons cathodiques furent bien autres que cellesqui ont cours aujourd'hui. Crookes, qui mit le pre-mier en évidence les propriétés de ces rayons, attri-buait leur action «à l'état d'extrême raréfaction où setrouvent les molécules des gaz quand le vide a étépoussé très loin. A cet état « ultra-gazeux » lés molé-cules raréfiées représentaient pour lui un état parti-culier qu'il qualifiait de quatrième état de la matière.Il était caractérisé par ce fait que, n'étant plus en-travées dans leur parcours par le choc des autresmolécules, la trajectoire libre des molécules raréfiéess'allonge au point que leurs chocs réciproquesdeviennent négligeables en comparaison de leurs par-cours total. Kilos peuvent alors se mouvoir librementen tous sens, et, si l'on dirige leur mouvement parune force extérieure telle que le courant électriquede la cathode, elles sont projetées dans une seuledirection comme la mitraille d'un canon. Hencon-Iranl un obstacle, elles produisent par leur bombar-dement moléculaire les effets de phosphorescence etde chaleur, que les expériences de l'illustre physi-cien ont mis en évidence.

Celte conception était inspirée par l'anciennethéorie cinétique des gaz que je vais rappeler enquelques lignes.

Les molécules des gaz seraient constituées departicules parfaitement élastiques (condition néces-saire pour qu'elles ne perdent pas d'énergie par leurchoc) et assez éloignées les unes des autres pourne pas exercer d'attraction mutuelle. Elles seraientanimées d'une vitesse, variable suivant les gaz,évaluée à 1.800 mètres environ par seconde pour

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08 L'ÉVOLUTION DK LA MATJLHU:

l'hydrogène, c'est-à-dire le double environ de celled'un boulet de eanon. Celle vitesse est d'ailleurspurement théorique, car, en raison des chocs qu'ellesexercent les unes sur les autres, chacune de ces par-ticules a un libre parcours limite à un millième demillimètre environ. Ce sont les chocs de ces molé-cules qui produiraient la pression exercée par un gav;sur les parois qui le renferment. Si on réduit domoitié l'espace renfermant le même volume de molé-cules, on double la pression, on la triple si on réduittrois fois l'espace. C'est ce fait qu'exprime la loi deMariette.

Dans un ballon où on a fait le vide au millionièmed'atmosphère, les choses se passaient, suivant Crookcs,fort différemment. Sans doute il contient encore énor-mément de molécules gazeuses, mais la très granderéduction de leur nombre fait qu'elles se gênentréciproquement beaucoup moins qu'à la pressionordinaire. Leur libre parcours peut donc augmen-ter considérablement. Si, dans ces conditions, unepartie de ces molécules d'air qui restent dans le tubeesl éleclrisée et projetée, comme je le disais plushaut, par un courant électrique intense, elles pour-ront traverser l'espace librement et acquérir unevitesse énorme, alors qu'à la pression ordinaire cettevilesse est supprimée par les molécules d'air rencon-trées.

Les rayons cathodiques représentaient donc sim-plement, dans l'ancienne théorie de Crookes, desmolécules de gaz raréfié, éleclrisées au contact de lacalhode et lancées dans l'espace vide du tube avecune vitesse qu'elles ne sauraient jamais atteindre, sielles étaient entravées comme dans les gaz à pressionordinaire par le choc d'autres molécules. Elles restaientcependant des molécules matérielles, non pas disso-ciées, mais simplement écartées, ce qui ne sauraitchanger leur structure. Personne ne songeait, eu

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LES D1VEHSES INTERPItÉTATlONS DES EXPÉRIENCES 09

effet, à celte époque, que l'atome fui susceptible dodissociation.

Il n'est rien resté de la théorie de Crookes depuisque la mesure de la charge électrique des particuleset de leur masse a prouvé qu'elles étaient mille foisplus petites que celles de l'atome d'hydrogène, le pluspetit des atomes connus. Sans doute, on pouvaitsupposer, â la rigueur, et on l'a fait d'abord, quel'atome était simplement subdivisé en d'autres ato-mes conservant les propriétés «le la matière dont ilsprovenaient; mais cette hypothèse devenait insoute-nable devant le fait que les gaz les plus différents,contenus dans l'ampoule de Crookes, donnent des pro-duits de dissociation identiques où on ne retrouveaucune propriété des corps dont ils sont issus. Ilfallut donc bien admettre que l'atome était, non pasdivisé, mais dissocié en éléments doués de pro-priétés entièrement nouvelles, identiques pour tousles corps.

Il s'en faut de beaucoup, d'ailleurs, comme nousallons le voir, que la théorie de la dissociation, dontje viens de donner l'indication en quelques lignes, sesoit établie en un jour. En réalité, elle n'a été nette-ment formulée, qu'après la découverte des corpsradio-actifs et les expériences qui me servirent àprouver l'universalité de la dissociation de la matière.

Ce n'est qu'au bout de plusieurs années de re-cherches que les physiciens finirent par reconnaître,conformément à mes assertions, l'identité des rayonscathodiques et des effluves de particules émis par lescorps ordinaires pendant leur dissociation.

t 2. — LES INTERPRÉTATIONSACTUELLES

A l'époque où les rayons cathodiques étaient seulsconnus, l'explication de leur nature donnée parCrookes semblait très suffisante. Lors de la décou-

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100 I.'KVOI.UTION l)K LA MATIÈRE

verte des rajons X ot dos omissions dos corps spon-tanément radio-actifs, lois que l'uranium, l'irisuffi-saucc do l'ancienne théorie apparut nottenioiit.

Une dos manifestations dos rayons X ot dos omis-sions radio-aclivcs qui frappèrent lo plus les physi-ciens ot fut l'origine dos explications actuelles, estla production d'électricité sur tous les corps solideset gazeux, frappés par les nouvelles radiations. Losrayons X et les émissions des corps radio-actifs pos-sèdent, en ell'et, co caractère commun de produirequelque'ohose, qui rend l'air ot les autres gaz conduc-teurs de l'électricité. Avec ces gaz devenus conduc-teurs, on peut, en les faisant passer entre les lames d'uncondensateur, neutraliser des charges électriques. Ouadmit comme conséquence qu'ils étaient électrisés.

C'était là un phénomène très imprévu, car toutesles expériences antérieures avaient toujours montréque les gaz ne sont pas éleclrisables. On les maintienten elîel, indéfiniment au contact d'un corps éloctriséà un très haut potentiel, sans qu'ils prennent nulletrace d'électricité. S'il en était autrement, aucunesurface électrisée — la houle d'un éleclroscope, parexemple—ne pourrait conserver sa charge.

On se trouvait donc en présence d'un fait entière-ment nouveau, beaucoup plus nouveau même qu'onne le crut tout d'abord, puisqu'il impliquait, en réalité,la dissociation de la matière que personne ne soup-çonnait alors.

Lorsqu'on constate un fait imprévu, on lâche d'abordde le rattacher à une théorie ancienne. Une seulethéorie, colle de l'ionisation des solutions salines dansl'éleclrolysc donnant une explication apparente desfaits nouvellement observésons'empressa de l'adopter.On admit donc que dans un corps simple existaient,de même que dans un corps composé, deux élémentsséparablcs: l'ion positif ctl'ion négatif, chargés chacund'électricité de signes contraires.

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LES DIVERSES INTEIU'HÉTAÏIONS DES EXI'ÉMENCES iOi

Mais l'ancienne théorie «le l'ionisation no s'apjili-rjnail qu'à «les corps composés et nullement à descorps simples. On pouvait séparer

—ioniser, comme

on «lit maintenant — les éléments des corps com-posés, séparer, par exemple, le chlorure de potas-sium en ses ions chlore et ses ions potassium; maisquelle analogie pouvait bien exister entre celle opéra-tion et la dissociation du chlore ou du potassiumlui-même, puisque l'on considérait comme un dogmefondamental qu'un corps simple ne pouvait être dis-socié? Il y avait d'autant moins d'analogie entrel'ionisation des solutions salines et celle des corpssimples que, quand on sépare, par le courant élec-trique, les éléments d un sel, on en relire des corpsfort différents, suivant le composé dissocié. Le chlo-rure de potassium, dont nous parlions plus haut,donne du chlore et du potassium; avec l'oxyde dosodium, on obtient de l'oxygène et du sodium, etc.Quand, au contraire, on ionise un corps simple, onen retire toujours les mêmes éléments. Qu'il s'agissed'hydrogène, d'oxygène, d'azote, d'aluminium, doradium ou de toute autre substance, ce qu'on en relireest chaque fois identique. Quel que soit le corps ionisé,et quelle que soit la méthode d'ionisation, on obtientuniquement ces particules — ions et électrons — dontla charge électrique est la même pour tous les corps.L'ionisatio

id'une solution saline et celle d'un corps

simple, tel qu'un gaz, par exemple, sont donc deuxchoses qui ne présentent en réalité aucune analogie.

De celle constatation que des corps simples, telsque l'oxygène, l'hydrogène, etc., on ne peut retirerque des éléments identiques, on aurait pu facilementdéduire: d'abord, que les atomes peuvent se disso-cieret ensuite qu'ils sont formés des mêmes éléments.Ces conclusions sont devenues évidentes aujourd'hui,mais elles étaient beaucoup trop en dehors des idéesrégnantes alors, pour qu'on songeât à les formuler.

9.

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102 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Le termed'ionisation appliqué à un corps simple nesignifiait pas grand'chose, mais il constituait uneébauche d'explication, et c'est pourquoi on s'em-pressa de l'accepter. Nous l'accepterons égalementd'ailleurs, pour ne pas troubler l'esprit du lecteur,mais tout en ayant soin de bien marquer que le termed'ionisation appliqué à un corps simple signifie uni-quement dissociation de ses atomes et pas autre chose.

Cette ionisation des corps simples, c'est-à-dire lapossibilité d'en extraire des ions positifs et négatifsporteurs de charges électriques de noms contraires,étant admise, il s'est présenté quantité de diffi-cultés, passées d'ailleurs soigneusement sous silence,parce qu'il est vraiment impossible de leur trouverune explication.

Ces ions électriques, cette électricité ionique, sije puis m'exprimer ainsi, diffère singulièrementpar ses propriétés de l'électricité ordinaire, tellequ'un siècle de recherches nous l'a fait connaître.Il suffit de quelques rapprochements pour le montrer.

Sur un corps quelconque isolé, nous ne pouvonsfixer qu'une fort petite quantité d'électricité, s'il estsolide, et aucune s'il est gazeux. L'électricité ioniqueserait nécessairement condensée, au contraire, enquantité immense, sur des particules infinimentpetites. — L'électricité ordinaire, eût-elle l'intensité dela foudre, ne peut jamais traverser une lame métal-lique reliée à la terre, comme l'a depuis longtempsmontré Faraday. On a même fondé sur cette propriétéclassique la confection de vêtements en gaze métal-lique légère qui permettent de préserver absolumentdes plus violentes décharges les ouvriers d'usinesfabriquant de l'électricité à haut potentiel. L'élec-tricité ionique traverse facilement, au contraire, lesenceintes métalliques.— L'électricité ordinaire suit lesfils conducteurs avec la rapidité de la lumière, maisne saurait être conduite comme un gaz dans un tube

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LES DIVERSES INTERPRÉTATIONS DES EXPÉRIENCES 103

creux enroulé sur lui-même. L'électricité ionique seconduit, elle, au contraire, ainsi qu'une vapeur, et peutcirculer lentement à travers un tube. — L'électricitéionique jouit enfin de la propriété de donner nais-sance aux rayons X quand les ions animés d'unecertaine vitesse viennent à toucher un corps quel-conque.

Sans doute, on peut prétendre que l'électricité,engendrée par l'ionisation de la matière revêtant uneforme spéciale, celle d'atomes électriques, doit possé-der sous cette forme des propriétés très différentes del'électricité ordinaire. Mais alors si les propriétésde l'atome dit électrique sont absolument différentesde celles de l'électricité, par quoi peut bien être jus-tifié le qualificatif d'électrique? Dans toutes les expé-riences que nous exposerons, l'électricité nousapparaîtra le plus souvent comme un effet et noncomme une cause. Elle est à cette cause inconnue cequ'est à la chaleur ou au frottement l'électricité qu'ilsengendrent. Quand une balle de fusil ou un jet devapeur produisent de l'électricité par leur choc, nousne disons pas que cette balle de fusil ou ce jet devapeur sont de l'électricité, ni môme qu'ils en sontchargés. Il ne viendrait alors à personne l'idée de con-fondre l'effet avec la cause, comme on persiste à lefaire pour les émissions radio-actives.

Les phénomènes observés dans la dissociation dela matière, tels que l'émission de particules ayant UWÎvitesse de l'ordre de celle de la lumière, et la pro-priété d'engendrer des rayons X, sont évidemmentdes caractères que ne possède aucune des formesd'électricité connues, et ils auraient dû conduire lesphysiciens à admettre aveemoi qu'ils sont bien la consé-quence d'une forme d'énergie entièrement nouvelle.Mais l'impérieux besoin mental de chercher des analo-gies, de rapprocher l'inconnudu connu, a fait rattacherces phénomènes à l'électricité sous le prétexte que,

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104 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

parmi les effets observés, un des plus constants étaitla production finale d'électricité.

11 est visible d'ailleurs que plusieurs physicienssont très près d'arriver par des voies diverses à laconception que toutes ces émissions radio-activesqu'on essaie de rattacher à l'électricité par la théoriede l'ionisation, représentent des manifestations del'énergie inlra-atomiquc, c'est-à-dire d'une énergiequ'on ne peut rattacher à rien de connu.

Les faits montrant que l'électricité n'est qu'unedes formes de cette énergie se multiplient chaquejour.

Le plus important est la découverte due à Rulher-ford dont j'aurai à parler bientôt, que la plus grandepartie dés particules émises pendant la radio-activitéproviennent d'une émanation ne possédant absolumentaucune charge électrique, bien que capable de donnernaissance à des corps pouvant produire de l'électri-cité. Emanations, ions, électrons, rayons X, électri-cité, etc., ne sont, en réalité, comme nous le verronsque des phases diverses de la dématérialisalion de lamatière, c'est-à-dire de la transformation de l'énergieintra-atomique.

« Il semble, écrivait M. le professeur de Ileen àpropos do mes expériences, que nous nous trouvionsvis-à-vis d'états qui. par degrés successifs, s'écartentde la matière en passant par les émiss'ons catho-diques et par les rayons X pour se rapprocher do lasubstance qu'on a désignée sous le nom d'éther. Lesrecherches ultérieures de Gustave Le Bon ont plei-nement justifié ses premières affirmations que tousces effets sont sous la dépendance d'un mode d'énergienouveau. Celle force nouvelle est aussi peu connueencoreque l'était l'électricité avant Volta. Nous savonssimplement qu'elle existe. »

Mais quelles que soient les interprétations que l'onpuisse donner aux faits révélant la dissociation de la

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LES DIVERSES INTERPRÉTATIONS DES EXPÉRIENCES i05

jmatiôre, ces faits sont incontestables et c'est seule-ment leur démonstration qui présente de l'impor-tance.

Sur ces faits on esta peu près d'accord aujourd'hui.On l'est également sur l'identité des produits de ladissociation de la matière, quelle que soit la causedo cette dissociation.

Qu'ils soient engendrés par la cathode de l'ampoulede Crookes, par le rayonnement d'un métal sousl'action de la lumière, ou par le rayonnement de corpsspontanément radio-actifs, tels que l'uranium, le tho-rium et le radium, etc., les effluves sont do mômenature. Ils subissent la môme déviation magnétique,le rapport de leur charge à leur masse est le môme.Leur vitesse seule varie, mais elle est toujoursimmense.

On peut donc, quand on veut étudier la dissocia-tion de la matière, choisir les corps pour lesquels lephénomène se manifeste de la façon la plus intense,soit, par exemple, l'ampoule de Crookes où un métalformant cathode est excité par le courant électriqued'une bobine d'induction, soit, plus simplement, descorps très radio-actifs tels que les sels de thorium oude radium. Des corps quelconques dissociés par lalumière ou autrement donnent, d'ailleurs, les mômesrésultats, mais la dissociation étant beaucoup plusfaible, l'observation des phénomènes est plus diffi-cile.

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CHAPITRE II

Les produits de la démaférialisationde la matière.

(Ions, électrons, rayons cathodiques, etc.)

Si.- CLASSIFICATION DES PRODUITS DE LA DÉMATÉRIALISATION

DE LA MATIÈRE.

Nous avons exposé dan* le précédent chapitre lagenèse des idées actuelles sur l'interprétation desfaits relatifs à la dissociation de la matière. Nousallons étudier maintenant les caractères des produitsde cette dissociation. Pour ne pas compliquer unsujet déjà fort obscur, j'accepterai sans les discuterles théories présentement admises en me bornant àtâcher de les préciser un peu et à réunir les chosessemblables désignées souvent par des mots très diffé-rents.

Nous avons dit que quels que soient le corpsdissocié et la méthode de dissociation employée, lesproduits de cette dissociation sont toujours de mêmenature. Qu'il s'agisse des émissions du radium, decelles d'un métal quelconque sous l'influence de lalumière, de celles produites par des réactions chimi-ques ou par la combustion, de celles qu'émet unepointe électrisée, etc., les produits seront identiques,comme il a été déjà dit, bien que leur quantité et leurvitesse d'émission puissent être fort différentes.

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PRODUITS DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MATIÈRE 107

Cette généralisation a mis longtemps à s'établir.Il était, par conséquent, naturel que des chosesreconnues semblables plus tard, ayant d'abord étéconsidérées comme différentes aient été désignées pardes termes particuliers.

11 importe donc de nettement définir tout d'abordla valeur exacte des termes employés. Sans des défini-tions précises, aucune généralisation n'est possible.La nécessité de telles définitions se fait d'autant plussentir que la plus grande confusion existe maintenantsur le sens de termes couramment employés.

On conçoit aisément qu'il en soit ainsi. Une sciencenouvelle enfante toujours une terminologie nouvelle.Cette science n'est même constituée que quand sonlangage est fixé. Les phénomènes récemment décou-verts devaient nécessairement amener la formationd'expressions spéciales traduisant à la fois les faitsconstatés et les théories que ces faits inspirent.

Mais, ces phénomènes ayant été examinée, par deschercheurs divers, les mêmes mots ont reçu parfoisdes significations fort variées.

Souvent des mots anciens possédant un sens biendéterminé, ont servi à désigner des choses récemmentdécouvertes. C'est ainsi, par exemple, qu'on emploiele même mot ton pour désigner les éléments séparésdans une dissolution saline, et ceux provenant de ladissociation des corps simples. Des physiciens, commeLorcnz, emploient indifféremment les termes ions etélectrons qui, pour d'autres, indiquent des choses trèsdistinctes. J.-J. Thomson qualifie de corpuscules lesatomes électriques que Larmor et d'autres auteursappellent électrons, etc.

En ne tenant compte que des faits révélés parl'expérience, et sans nous préoccuper des théoriesd'où les définitions dérivent, on constate que les pro-duits divers de la dissociation de la matière actuelle-ment connus peuvent se ranger dans les six classes

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108 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

suivantes : 1° Emanations; 2° Ions négatifs; 3° Ions '

positifs ; 4° Electrons; 5° Rayons cathodiques; 6°Rayons X et radiations analogues.

§.2.— CARACTÈRES DES ÉLÉMENTS

FOURNIS PAR LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE

L'Émanation*— Ce produit que nous étudierons

plus longuement dans le chapitre consacré à l'étudedes matières spontanément radio-actives est unesubstance demi-matérielle ayant quelques caractèresd'un gaz mais capable de s'évanouir spontanément enparticules électriques. Elle a été découverte parRutherford dans le thorium et le radium. D'après lesrecherches de J.-J. Thomson, ello existe dans la plu-part des corps ordinaires: l'eau, le sable, la pierre,l'argile, etc. On peut donc la considérer comme undes stades habituels de la dissociation de la matière.

Si nous venons de qualifier « l'émanation » desubstance demi-matérielle, c'est parce qu'elle pos-sède à la fois les propriétés des corps matériels etcelle des corps qui ne le sont pas ou ont cessé del'être. On peut la condenser, do mémo qu'un gaz, à latempérature de l'air liquide et voir, grâce à sa phos-phorescence, comment elle se comporte. On peut laconserver pendant quelque temps dans un tube de verrescellé, mais elle s'en échappe bientôt en se transfor-mant en particules, électriques et cesse alors d'êtrematérielle. Ces particules électriques comprennent desions positifs (rayons y. do Rutherford) auxquels suc-cèdent, au bout de quelque temps, des électrons(rayons jï du môme auteur), et des rayons X (rayons '().Ces divers éléments seront étudiés plus loin.

Ramsay a constaté que l'émanation enfermée pen-dant quelque temps dans un tube présente le spectrede l'hélium qu'elle ne montrait pas tout d'abord, et ilen conclut à la formation spontanée de ce gaz. L'hélium,

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PRODUITS DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MATIÈRE 109

qu'on suppose ainsi formé, parait s'évanouir sponta-nément ensuite. Il posséderait donc des propriétéstotalement différentes de celles de l'hélium ordinairequi, enfermé dans un tube, n'en disparait jamais etne subit aucune transformation. Il est d'autant plusdifficile d'admettre cette transmutation supposée,déduite uniquement d'ailleurs de l'apparition de raiesspectrales transitoires, que les atomes, d'après la gran-deur de l'énergie qu'ils recèlent, doivent nécessiterdes quantités énormes d'énergie pour se former.

Bien que « l'émanation » puisse produire des parti-cules électriques par sa dissociation, elle n'est paschargée d'électricité.

Les ions positifs et les ions négatifs. — Rappelonstout d'abord, pour l'intelligence de ce qui va suivre,que, d'après une théorie déjà ancienne, mais qui apris une grande extension dans ces derniers temps,tous les atomes contiendraient des particules élec-triques de grandeur déterminée, dites électrons.

Supposons maintenant qu'un corps quelconque, ungaz par exemple, soit dissocié, c'est-à-dire ionisécomme on le dit. Selon les idées actuelles, il se for-merait dans son sein des ions positifs et des ionsnégatifs suivant un processus comprenant les troisopérations suivantes :

1° L'atome primitivement neutre, c'est-à-dire com-posé d'éléments qui se neutralisent, perd quelques-uns '

de ses électrons négatifs; 2° Ces électrons s'entourent,par attraction électrostatique, de quelques-unes desmolécules neutres des gaz qui les entourent de mêmeque les corps électrisés attirent les corps voisins. Cetensemble d'électrons et de particules neutres formentlion négatif] 3° L'atome ainsi juive d'une partie deses électrons possède alors un excès de charge posi-tive, il s'enveloppe à son tour d'un cortège de molé-cules neutres et forme l'ion positif.

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110 1/liVOLUTION DK IJA MATIÈHE

Telle est — ramenée à. ses points essentiels — lathéorie actuelle que les recherches de nombreuxexpérimentateurs,«le J.-.I. Thomson particulièrement,ont fini par faire adopter malgré toutes les objectionsqu'elle soulève.

Les choses ne se passent d'ailleurs, comme il vientd'être dit, que dans un gaz à la pression ordinaire.Dans le vide, les électrons no s'entourent pas d'un,cortège «le molécules matérielles; ils restent à l'étatd'électrons et peuvent prendre une grande vitesse.On n'observe donc pas dans le vide la formationd'ions négatifs. L'ion positif ne s'y entouro pas davan-tage de particules neutres, mais, étant composé detout ce qui reste de l'atome, il est toujours volumi-neux, c'est pourquoi sa vitesse est relativement trèsfaible.

Il peut arriver cependant, et c'est justement lecas «le l'émission dcs,corps radio-actifs, que les élec-trons négatifs soient expulsés «le l'atome dans l'at-mosphère, à la pression ordinaire, avec une vitessetrop grande pour «pic leur attraction sur les moléculesneutres puissent s'exercer. Ils no se transforment pasalors en ions, restent a l'état d'électrons et circulentaussi vite «juo ceux émis «lans le vide. Ce sont euxqui constituent les rayons fi de KullieiTor«l.

Les ions positifs, malgré leur volume, seraient sus-ceptibles également de prendre une vitesse très grandi;dans rémission des corps radio-actifs. C'est là, dumoins, le résultat des recherches de Hulberford quiadmet «pie les rayons a — constituant 99 p. 100 «lel'émission du radium — sont formés d'ions positifslancés avec une vitesse égale au 1/10' do celle de lalumière. Ce point aurait besoin d'ôlro élucidé par«le nouvelles recherches.

Lorsque les facteurs pression et vitesse n'inter-viennent pas et «pie les ions négatifs et positifs seforment à la pression atmosphérique, ils ont à

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PRODUITS DE LA DÉMATÉMAL1SATION DE LA MATJÊflE liipeu près le in ,mo volume. Co n'est que quand ilsnaissent dans le vide, ou qu'ils sont émis avec unevitesse très grande que leurs dimensions différentconsidérablement. Dans le vide, en effet l'électron —noyau de l'ion négatif — ne s'entoure pas, comme il

a été dit plus haut, de molécules matérielles, etrcslo à l'état d'électron. Sa masse, d'aj '-s diversesmesures dont nous aurons à parler dlcurs, nodépasse pas la millième partie de celle de l'atomed'hydrogène. Co qui rcslo de l'atome privé d'unepartie de ses électrons, c'est-à-dire l'ion positif, pos-sède une masse à peu près égale à celle do l'atomed'hydrogène, et par conséquent mille fois supérieureà celle de l'électron.

Il faut donc, quand on parle des propriétés desions, distinguer: 1° s'ils ont été for/nés dans un gazà la pression ordinaire ; 2° s'ils ont pris naissance dansle Yido; 3° si, par une cause quelconque, ils ont étélancés dans l'espace avec une grande vitesse aumoment de leur formation. Leurs propriétés varientnécessairement suivant ces divers cas, comme nous loverrons dans d'autres parties de ce travail.

Mais, dans tous ces cas divers, la structure généraledes ions resterait la même. Leur noyau fondamentalserait toujours formé d'électrons, c'est-à-dire d'atomesélectriques.

Il est naturel d'admettre que les dimensions et lespropriétés des ions formés dans un gaz à la pres-sion ordinaire, diffèrent notablement de celles desélectrons, puisqu'on suppose ces derniers dégagésde tout mélange matériel, mais il semble difficile,avec les théories actuelles, d'expliquer quelques-unesdos propriétés des ions, notamment celles qu'on peutobserver avec les gaz simples, corps faciles à ioniserpar des moyens très divers. On constate alors qu'ilsforment par leur ensemble un fluide tout à fait spécialdont les propriétés se rapprochent de celles d'un gaz,

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112 L'ÉVOLUTION DE LÀ MATIÈrtE

sans qu'il en possède toutefois la stabilité. Il peutcirculer pendant quelque temps, avant de se détruireà travers un serpentin métallique relié à la terre, ceque ne pourrait jamais faire l'électricité. 11 possèdeune notable inertie, comme le prouve sa faiblemobilité. Un tel fluide a des propriétés trop particu-lières pour qu'on ne lui donne pas un nom; c'estpourquoi j'ai proposé celui de fluide ionique. Nousverrons qu'on peut, grâce à son inertie, le trans-former en figures géométriques très régulières.

Nous verrons également dans la partie de cetouvrage consacrée à nos expériences que si les ionspossèdent des propriétés communes permettant de lesclasser dans la même famille, ils possèdent aussi cer-taines propriétés qui permettent de les différenciernettement.

Les électrons.—Lesélectrons ou atomes électriques,dénommés par J.-J. Thomson « corpuscules », sont,comme nous l'avons vu, le noyau de l'ion négatif.On les obtient dégagés de tout élément étranger, soitau moyen de l'ampoule de Crookes (ils prennent alorsle nom de rayons cathodiques), soit au moyen descorps radio-actifs (on leur applique alors la désigna-tion de rayons ,3). Mais, malgré ces différences d'ori-gine, ils semblent posséder des propriétés semblables.

Une des plus frappantes propriétés des électrons—en dehors de celle d'engendrer des rayons X — estde passer à travers des lames métalliques sans perdreleur charge électrique, ce qui est contraire, je lerépète, à une fondamentale propriété de l'électricité.Les décharges les plus violentes sont, comme on lesait, incapables de traverser une lame métalliquereliée a la terre, si mince qu'on la suppose.

Ces électrons présumés être des atomes d'élec-tricité pure ont une grandeur définie (et probable-ment aussi une rigidité considérable). Ils portent,

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PRODUITS DE LA DÉMATÉIUALISATION DE LA MATIÈRE 113

quelle que soit leur origine, une charge électriqueidentique, ou peuvent au moins produire la neutra-lisation d'une quantité d'électricité qui est toujoursla même.

Leur masse apparente, c'est-à-dire leur inertie,est, nous le verrons dans un autre chapitre, unefonction de leur vitesse. Elle devient très grande etmême infinie quand cette vitesse approche de celle dela lumière. Leur masse réelle au repos — s'ils, enont une — ne serait donc qu'une fraction de la masseapparente qu'ils possèdent en mouvement.

Les mesures de l'inertie des électrons n'ont portéque sur les électrons négatifs, les seuls qu'on puisseisoler entièrement de i.a matière. Elles n'ont pas étéefiectuées sur les ions positifs. Etant inséparables dela matière, ces derniers doivent en posséder la pro-priété essentielle, c'est-à-dire une masse constanteindépendante de la vitesse.

Les électrons en mouvement se conduisent commeun courant électrique, puisqu'ils sont déviés par unchamp magnétique.

Leur structure est beaucoup plus compliquée en réa-lité que semble l'indiquer le bref exposé qui précède.Sans entrer dans des détails, nous nous borneronsà dire qu'on les suppose constitués par des tourbil-lons d'élher analogues à des gyroscopes. Au repos,ils sont entourés de rayons rectilignes de lignes deforce. En mouvement, ils s'environnent d'autreslignes de force circulaires — et non plus rectilignes— d'où résultent leurs propriétés magnétiques. S'ilssont ralentis ou arrêtés dans leur course, ils rayon-nent des ondes hertziennes, de la lumière, etc.Nous reviendrons sur ces propriétés en résumant dansun autre chapitre les idées actuelles sur l'électricité.

Les rayons cathodiques. — Ainsi qu'il a été dit dansun précédent chapitre, les physiciens ont beaucoup

10.

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114 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

varié sur la nature des rayons cathodiques. On lesconsidère aujourd'hui comme composés d'électrons,c'est-à-dire d'atomes d'électricité pure dégagés de toutélément matériel.

On les obtient par des procédés divers, notammentau moyen des substances radio-actives. La façonla plus simple de les produire en grande quantité estd'envoyer un courant d'induction dans un ballon deverre muni d'électrodes, où l'on a faille vide au millioniôme d'atmosphère. Dès que la bobine fonctionne,il sort de la cathode une gerbe de rayons dits catho-,diques, déviables par un aimant.

Le bombardement produit par ces rayons a pourconséquence des effets très énergiques, tels que lafusion des métaux frappés. D'après leur action sur lediamant, on a évalué à 3,500° la température qu'ilspeuvent engendrer.

Leur pouvoir do pénétration est assez faible, alorsque celui des rayons X, qui en dérivent, est, au con-traire, très grand. Lcnard qui, le premier, fit sortitles rayons cathodiques de l'ampoule de Grookes,avait employé, pour obturer l'orifice percé dans letube, une lame d'aluminium n'ayant que quelquesmillièmes de millimètre d'épaisseur.

Une portion des particules électriques constituantles rayons cathodiques est chargée d'électricité néga-tive. L'autre — celle produite dans la région la pluscentrale de l'ampoule — est composée d'ions positifs.On a nommé ces derniers « rayons canaux ». Hayonscathodiques et rayons canaux de l'ampoule de Grookesont la môme composition que les radiations a. et j2,émises par les corps radio-actifs, tels que le radiumet le thorium.

Les rayons cathodiques jouissent de la propriété derendre Pair conducteur de l'électricité et de se trans-former en rayons X dès qu'ils rencontrent un obs-tacle. Dans l'air ils se diffusent très vite, contraire-

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PRODUITS DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MATIÈRE 115

mentaux rayonsX qui ont une marche rigoureusementrectiligne. Lorsque Lenard fit sortir les rayonscathodiques d'un tube de Crookes h travers une lamede métal mince, il constata qu'ils formaient unehouppe très diffuse ne s'étendant pas au delà dequelques centimètres. Dans les gaz très raréfiés onpeut au contraire, au moyen d'un diaphragme, leslimiter à un cône exempt de diffusion sur une lon-gueur de 1 mètre.

Quel que soit le gaz introduit dans l'ampoule deCrookes avant d'y faire le vide, vide très relatif puis-qu'il y reste encore des milliards de molécules, mêmequand la pression est réduite au millionième d'atmos-phère, on constate que les rayons cathodiques qui seforment ont les mômes propriétés et portent lesmémos charges électriques. J.-J. Thomson en a concluque les atomes des corps les plus différents contien-draient les mômes éléments.

Si, au lieu do l'ampoule de Crookes, on s'était servid'une matière très radio-active, le thorium ou leradium, on aurait retrouvé la plupart des phéno-mènes précédents avec de simples variations quanti-tatives. On trouve, par exemple, plus de rayonschargés d'électricité négative dans les tubes deCrookes que dans les émanations du radium char-gées surtout d'électricité positive ; mais la nature desphénomènes observés dans les deux cas reste iden-tique.

Vitesseet charge électrique des particules cathodi-ques et radio-actives.— La mesure de la vitesse de lamasse et de lacharge électriquedes particulesdontsontformés les rayons cathodiques et l'émission des corpsradio-actifs a, comme on vient de le dire, prouvé leuridentité. Il faudrait un long chapitre pour exposerles méthodes diverses qui ont permis ces détermina-tions. On en trouvera les détails dans les mémoires

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116 L'É\OLUTION DE LA MATIÈOE

do J.-J. Thomson, Rutherford, Wilson, etc. Jo mebornerai ici à indiquer très sommairement le prin-cipe de ces méthodes.

En ce qui concerne la vitesse des particules qui estde l'ordre de celle de la lumière, il peut sembler fortdifficile de mesurer la vitesse de corps se mou-vant avec une telle rapidité. Cette mesure est cepen-dant très simple.

Un étroit faisceau de radiations cathodiques obtenupar un moyen quelconque — avec l'ampoule deCrookes ou un corps radio-actif, par exemple — estdirigé sur un écran susceptible do phosphorescence.En le frappant, il y produit une petite tache lumi-neuse.

Ce faisceau de particules étant électrisé est dôviablepar un champ magnétique. On peut CL : l'infléchirau moyen d'un aimant disposé de façon à ce que seslignes de forces soient à angle droit de la direction,des particules. Le déplacement de la tache lumi-neuse sur l'écran phosphorescent indique la déviationque fait subir aux particules un champ magnétiqued'intensité connue. La force nécessaire pour dévierd'une certaine quantité un projectile de masse connuepermettant de déterminer la vitesse de ce dernier, onconçoit que de la déviation des particules cathodi-ques il soit possible de déduire leur vitesse. Elle n'estguère inférieure au 1/10 de celle de la lumière, soit30.000 kilomètres par seconde et atteint parfois les9/10 de cette vitesse. Quand le pinceau de radiationscontient des particules de vitesse différente, ellestracent une ligne plus ou moins longue sur l'écranphosphorescent au lieu de se manifester par unsimple point et on peut ainsi calculer la vitesse dechacune d'elles.

Pour déterminer le nombre, la masse et la chargegélectrique — ou du moins le rapport —de la charge

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PRODUITS DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MATIÈRE 117

à la masse — des particules cathodiques on opèrede la façon suivante :

On commence d'abord par déterminer la chargeélectrique d'un nombre de particules inconnu contenudans un volume de gaz connu. Une quantité de gazdéterminée contenant les particules radio-actives estenfermée entre deux plaques métalliques parallèles,l'une isolée, l'autre chargée positivement. Les parti-cules positives sont repoussées vers la plaque isolée,les particules négatives attirées et leur charge peutêtre mesurée à l'électromètre.

Connaissant la charge totale des particules, lacharge de chacune d'elles sera déterminée par unesimple division quand on connaîtra leur nombre.

Plusieurs méthodes permettent de déterminer cenombre. La plus simple, d'abord employée parJ.-J. Thomson, est basée sur le fait que lorsqu'onintroduit des particules cathodiques dans un réservoircontenant de la vapeur d'eau, chaque particule agitcomme noyau de condensation de la vapeur et formeune goutte autour d'elle. Leur ensemble constitue unnuage de gouttelettes. Ces dernières sont beaucouptrop petites pour qu'on puisse les compter, mais onpeut déduire leur nombre de leur vitesse de chutedans le récipient qui les contient, vitesse que la vis-cosité de l'air rend très lente.

Connaissant le nombre de goutelettes et par consé-quent de particules cathodiques contenues dans unvolume donné de vapeur d'eau ; connaissant, d'autrepart la charge électrique de la totalité de ces parti-cules, une simple division donne, comme je le disaisplus haut, la charge électrique de chacune d'elles.

C'est en opérant comme il vient d'être dit qu'il apu être démontré que la charge électrique des parti-cules cathodiques était une grandeur constante quelleque fût leur origine (particules des corps radio-actifs,des métaux ordinaires frappés par. la lumière, etc.).;

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118 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈnE

Leur charge électrique est représentée par environ 108.6La valeur do — de l'ion d'hydrogène dans l'élcctrolysc

des liquides étant seulement égale à 105, il s'ensuitque la masse do l'ion négalif dans les corps dissociésest la millième partie de cello de l'atome d'hydrogènele plus petit des atomes connus.

Les chiffres précédents ne s'appliquent qu'aux ionsnégatifs. Ce sont les seuls dont la grandeur soit cons-tante pour tous les corps. Pour les ions positifs quicontiennent la plus grande partie de l'atome nondissocié leur charge varie naturellement suivant lescorps. Leur dimension n'est jamais inférieure à cellede l'atome d'hydrogène,

Les rayons X. — Lorsque les rayons cathodiques,c'est-à-dire les électrons émis par un tube de Crookesou par un corps radio-actif, rencontrent un obstacle,ils donnent naissance à des radiations spécialesnommées rayons X, quand elles proviennent de l'am-poule de Crookes, et rayons Y quand elles sont émisespar un corps radio-actif.

Ces radiations se propagent en ligne droite etpeuvent traverser d'épais obstacles. Elles ne se réflé-chissent pas, ne se réfractent pas et ne se polarisentpas, ce qui les différencie absolument de la lumière.Elles ne sont pas déviées par un aimant, et par làse séparent nettement des rayons cathodiques, dontle pouvoir de pénétration est d'ailleurs infinimentplus faible.

Les rayons X ou Y possèdent la propriété de rendrel'air conducteur de l'électricité, par conséquent dedissiper les charges électriques. Us rendent phos-phorescentes diverses substances et impressionnentles plaques photographiques.

Lorsque les rayons X touchent un corps quelconque,ils provoquent la formation de rayons, dits secon-

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PRODUITS DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MATIÈRE 119

daires, identiques aux rayons cathodiques, ce quisignifie simplement que les rayons X dérivés de ladissociation de la matière jouissent de la propriétédo produire une nouvelle dissociation de la matièrequand ils viennent à la frapper, propriété que lesradiations lumineuses, celles do la région ultra-vio-lette notamment, possèdent également.

C'est à peu près uniquement à la constatation deces attributs que se borne ce que nous savons desrayons X, malgré les recherches do centaines de phy-siciens depuis leur découverte. Comme ils ne serattachent à rien de connu, on ne peut les assimilerà rien.

On a essayé cependant de les relier à la lumièreultra-violette, dont ils ne différeraient que parl'extrême petitesse de leur longueur d'onde. Cettehypothèse semble bien peu soutenable. Sans parlerde la vitesse que devraient avoir les rayons catho-diques pour imprimer, à l'élher des vibrations cor-respondantes à celles de la lumière, et laissant decôté l'absence de polarisation et de réfraction quejustifierait la petitesse des ondes supposées, n'est-ilpas frappant de voir que plus on avance dans l'ultra-violet, et que par conséquent on se rapproche de lalongueur d'onde supposée aux rayons X, plus lesradiations deviennent peu pénétrantes. Dans la régionextrême du spectre, elles finissent par ne plus pou-voir franchir les plus faibles obstacles. Pour l'extrêmeultra-violet aux environs de 0^,160 à 0,100 étudiérécemment par Schumann et Lenard, 2 centimètresd'air sont opaques comme du plomb, une feuille demica de 1 centième de millimètre d'épaisseur estégalement opaque. Or les rayons X supposés si voi-sins de cette région extrême de l'ultra-violet traver-sent, au contraire, tous les obstacles, y comprisd'épaisses lames métalliques. S'ils ne produisaientpas de la fluorescence et des actions photographiques,

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120 L'ÉVOLUTION DE LA MATIKIIE

on n'eût certainement jamais songé à les rapprocherde la lumière-ultra-violette.

L'impossibilité d'imprimer aux rayons Xla déviationpar un champ magnétique que subissent les rayonscathodiques les fait considérer comme n'ayant plusrien d'électrique, mais cette conclusion pourrait étroaisément contestée. Supposons, en effet, que lesrayons X soient constitués d'atomes électriques plusraffinés encore que les électrons négatifs ordinaires etque leur vitesse de propagation soit voisine decelle de la lumière. D'après les recherches que j'ex-poseiî ' bientôt, des électrons doués d'une pareillevitesse auraient une masse infinie. Leur résistance aumouvement étant infinie, il est évident qu'ils ne pour-raient pas être déviés par un champ magnétique, bienque formés d'éléments électriques.

Ce qui semble le plus évident maintenant c'estqu'il n'y a pas plus de raison de rattacher les rayons Xà l'électricité qu'à la lumière. De telles assimilationssont filles de ces habitudes d'esprit qui nous con-duisent à rapprocher les choses nouvelles des chosesanciennement connues. Les rayons X représententsimplement une des manifestations de l'énergie intra-atomique libérée par la dissociation de la matière.Ils constituent une des étapes de l'évanouissementde la matière, une forme d'énergie ayant ses carac-tères particuliers et qu'il ne faut définir que parses caractères, sans chercher à la faire rentrer dansle cadre des choses antérieurement classées. L'uni-vers est plein de forces ignorées qui, de mémoque les rayons X aujourd'hui ou l'électricité, il y aun siècle, ont été seulement découvertes quand ona possédé des réactifs capables de les révéler. Si lescorps phosphorescents et les plaques photogra-phiques avaient été inconnus, l'existence des rayons Xn'aurait pu être constatée. Les physiciens ont manié,pendant --vingt-cinq ans, les tubes do Crookes d'où

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PRODUITS DK LA DKMATKWALISATION DJ2 LA MATIÙItK 121

sorlcnt avec abondance ces rayons sans les aper-cevoir.

S'il est probable que les rayons X ont leur siège dansl'éther, il semble certain qu'ils ne sont pas consti-tués par des vibrations analogues a celles de lalumière, l'our nous ils représentent l'extrême limitedes choses matérielles, une des dernières étapes «lel'évanouissement de la matière avant son retour àl'éther.

Ayant suffisamment décrit, d'après les idées ac-tuelles, la constitution supposée des produits quedonne la matiè/e par sa dissociation, nous allons étu-dier maintenant les formes diverses de celte dissocia-tion et montrer que nous retrouverons toujours leséléments qui viennent d'être énumérés.

il

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CHAPITRE III

La dômatôrlallsation des corps très radio-actifs.Uranium, Thorium, Radium, etc.

g I. — LE8 PRODUITS DE LA DÉMATÉRIALISATION DES CORPSTRÈS RADIO-ACTIFS.

Nous allons relater dans ce chapitre, les recher-ches effectuées sur les corps très radio-actifs, c'est-à-dire se dissociant spontanément d'une façon rapide.Les plus importants sont l'uranium, le thorium etle radium.

Dans les produits do leur dématérialisation, nousretrouverons ce que donne un corps quelconquedissocié par un moyen quelconque, mais les produitsémis seront en quantité beaucoup plus considérable.Sous des noms différents, nous reyerrons toujoursl'éman"'ion, les ions, les électrons et les rayons X.

Il ne faudrait pas croire que ces substances repré-sentent toutes les étapes de la dématérialisation do lamatière. Celles dont l'existence est connue ne sontque des fragments d'une série probablement trèslongue.

Si nous retrouvons toujours les mêmes élémentsdans les produits de tous les corps soumis à la dis-sociation, c'est que les réactifs dont on fait actuelle-ment usage n'étant sensibles qu'à certaines substances

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DÊMATÉRÎALISÂTION DES CORPS TRÈS RADIO-ACTIFS 123

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124 txL'ÉVOLUTION DE LAiyrYwtE

Irons identiques à ceux qui constituent les rayonscathodiques, les radiations 7 .^pnt semblables auxrayons X. Ces trois espaces dptradlètions sont très nette-ment indiquées dans le schéma représenté fig. 3.

A ces radiations diverses se joint, comme phéno-mène primitif, d'après Ruthcrford, l'émission d'unesubstance demi-matérielle nommée par lui émanation.Elle ne possède aucune charge électrique mais subi-rait des stades postérieurs de dissociation qui latransformeraient en particules v. et ?.

Examinons maintenant les propriétés des produitsque nous venons d'énumérer. Nous n'aurons leplus souvent qu'à répéter ou compléter ce que nousavons précédemment dit dans un autre chapitre.

§ 2. — LES RAYONS a OU IONS POSITIFS.

Les rayons a sont constitués par des ions positifs.Ils sont déviés par un champ magnétique intense,mais en sens inverse des rayons |3. Le rayon de cour-bure de leur déviation est 1.000 fois plus grand quecelui des particules $.

Les particules a forment 99 0/0 du total delà radia-tion du radium. Elles rendent l'air conducteur del'électricité. Leur action sur la plaque photographiqueest presque nulle et leur force de pénétration trèsfaible, puisqu'elles sont arrêtées par une simplefeuille de papier. Ce mince pouvoir de pénétrationpermet de les séparer facilement des autres radia-tions pour lesquelles le papier n'est pas un obstacle.

Ruthcrford admet, d'après divers calculs, que lesparticules «. auraient une masse voisine de celle del'atome d'hydrogène et une charge semblable. Leurvitesse déduite du degré de leur déviation par unchamp magnétique d'intensité connue, serait le 1/10de celle de la lumière.

La quantité de ces particules varie suivant les corps.Pour l'uranium et le thorium, elle serait pour un

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DKMATÉIUALISATION DES CORPS TRÈS nADIO-ACTIFS 125

gramme de 70.000 par seconde et pour le radium de100 milliards. Celte émission pourrait durer sansinterruption pendant plusieurs centaines d'années.

L'émission de particules a. ou ions positifs, serait,avec la production de l'émanation, le phénomènefondamental do la radio-activité. L'émission des parti-cules # et celle des rayons Y, qui, à elles deux, for-ment à peine 1 °/0 de l'émission totale, représen-terait un stade de dissociation plus avancée desatomes radio-actifs.

En frappant les corps phosphorescents, les parti-cules y. les rendent lumineux. C'est sur celte propriétéqu'est fondé le spinlhariscope, instrument qui rendvisible la dissociation permanente de la matière. Il con-siste simplement en un écran do sulfure de zinc, au-dessus duquel se trouve une petite tige de métal dontl'extrémité a été trempée dans une solution de chlo-rure de radium. En regardant l'écran à la loupe, on voitjaillir sans interruption une pluie de petites étincellesproduite par le choc des particules a, et cette émis-sion pourra durer pendant des siècles, ce qui montrel'extrême petitesse des particules provenant de ladésagrégation des atomes. Si l'émission est visible,c'est, comme le dit Crookes, parce que « chaque par-ticule est rendue apparente uniquement par l'énormedegré de perturbation latérale produite par son chocsur la surface sensible, de môme que des gouttesde pluie tombant dans l'eau produisent des rides quidépassent leur diamètre ». J'ai réussi, en utilisantcertaines variétés de sulfures phosphorescents, àfabriquer des écrans permettant d'observer le phéno-mène do la dissociation, non seulement avec des selsde radium, mais encore avec diverses substances, léthorium et l'uranium notamment1.

1. Le sulfure phosphorescent est étalé en couche assez mince pour êtretransparent sur une lamelle de verre d'abord couverte de vernis. On applique

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126 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

L'oxtrômo vitesse des particules a oemblo biendifficile à expliquer. Cette vitesse se comprendraitassez pour les rayons fi composés d'atomes d'élec-tricité pure et qui, possédant sans doute une inertietrès faible, peuvent prendre sous l'influence doforces minimes une vitesse très grande; mais pourles particules a. dont la dimension semble identiqueà celle do l'atome d'hydrogène, une vitesse de30.000 kilomètres par seconde semble bien diffici-lement explicable et je crois que, sur ce point,les expériences de Rutherford et do ses élèves auraientbesoin d'être reprises.

Il n'est guère supposable, d'ailleurs, que cesvitesses se produisent instantanément. Elles no socomprennent que dans l'hypothèse où les particulesdes atomes seraient comparables à de petits systèmesplanétaires animés de vitesses énormes. Ils garde-raient leur vitesse en sortant de leur orbilo commele fait une pierre lancée par une fronde. La vitessede rotation invisible des éléments de l'atome seraitdonc simplement transformée par sa dissociation envitesse de projection visible ou du moins accessibleà nos instruments.

§ 3. - LES RAYONS g OU ÉLECTRONS NEGATIFS

Les rayons j3 sont considérés comme composésd'électronsidentiques à ceuxdes rayonscathodiques.Ilsseraient donc formés d'atomes électriques négatifsdégagés de toute matière. Leur masse serait commecelle des particules cathodiques, la 1.000" partie de

ensuite le côté enduit de malière phosphorescente sur le corps à examiner eton observe l'autre face du verre avec' Une loupe. Tous les minéraux d'urane etde thorium, et même un simple manchon de lampe à Incandescence, donnent unescintillation lumineuse indiquant la dissociation delà malière; mais'il est néces-saire, pour l'observer que l'oeil ait été rendu sensible par un séjour préalabled'un quart d'heuro dans l'obscurité.

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DEMATÉRIALISATION DES CORPS TRÈS RADIO-ACTIFS 127

celle de l'atome d'hydrogène. Leur vitesse varieraitentre 33 % et 96% de celle do la lumière.

Ils sont émis en proportion beaucoup plus faibleque celle des particules a puisqu'ils forment à peino1 °/o ('u total do la radiation. Ce sont eux qui produi-sent les impressions photographiques.

Leur puissance de pénétration est considérable.Alors que les rayons a. sont arrêtés par une feuille dopapier ordinaire, les rayons J3 traversent plusieursmillimètres d'aluminium. C'est probablement en rai-son de leur grande vitesse qu'ils sont beaucoup pluspénétrants que les rayons cathodiques du tube doCrookes capables seulement de traverser des feuillesd'aluminium de quelques millièmes de millimètresd'épaisseur.

Ils rendent immédiatement lumineux les corps sus-ceptibles de phosphorescence en les frappant alorsmémo qu'ils en sont séparés par une mince lamed'aluminium, La phosphorescence est très vive avecle platino-cyanure de baryum et les variétés de dia-mant — d'ailleurs assez rares — capables de phospho-rescence K

Les particules jî semblent assez complexes, comme16 prouve la vitesse différente des éléments qui lescomposent. On se rend compte aisément de cetteinégalité de vitesse par l'étendue de l'impressionphotographique qu'elles produisent lorsqu'elles sontsoumises à l'action d'un champ magnétique. Onconstate également en recouvrant la plaque photo-

î. C'est même sur cetle propriété que je me base pour mesurer l'intensitédes divers échantillons de radium que j'ai eu occasion d'étudier. Quand letube contenant un sel de radium rend le diamant phosphorescent à travers unemince lame d'aluminium on peut considérer ce sel comme très actif. Seulsles diamants du Brésil, cl jamais ceux du Cap, peuvent être utilisés pour celteexpérience. Les premiers, en effet, sont susceptibles de phosphorescence par lalumière et les seconds ne le sont pas. Je l'ai constaté dans des expériences quiont porté sur plusieurs centaines d'échantillons et dont U détail est donné dansmon mémoire sur la phosphorescence.

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128 L'KVOLUTION DE LA .MATIKHK

graphique d'écrans d'épaisseurs différentes que lesdiverses particules a possèdent des pouvoirs de péné-tration différents. Il est donc fort probable qu'ellesreprésentent des stades très divers de dissociation dola matière que nous ne savons pas encore séparer.

§ 'j. — LES RAYONS Y OU RAYONS X.

A côté des radiations a et £ chargées, les premièresd'électricité positive, les secondes d'électricité néga-tive, les corps radio-actifs émettent en proportionextrêmement faible (moins de 1 %) des radiations ytout à fait analogues, par leurs propriétés, auxrayons X, mais possédant un pouvoir de pénétrationsupérieur, puisqu'elles peuvent traverser plusieurscentimètres d'acier. Cette propriété permet de lesséparer facilement des radiations ce et jî, arrêtéespar une lame do plomb de quelques millimètresd'épaisseur.

On est d'ailleurs assez peu renseigné sur leur naturoet si on les dit analogues aux rayons X, c'est uni-quement parce qu'elles ne sont pas déviées par unchamp magnétique et possèdent un grand pouvoir dopénétration.

Ce qui complique singulièrement l'étude des émis-sions précédentes (a, fi et 7), c'est qu'aucune ne peuttoucher un corps gazeux ou solide sans provoquerimmédiatement, — en raison sans doute de l'ébran-lement produit par leur énorme vitesse, — une dis-sociation d'où résulte la production de rayons ditssecondaires analogues par leurs propriétés auxrayons primitifs, mais moins intenses. Ces radia-tions secondaires impressionnent également lesplaques photographiques, rendent l'air conducteur del'électricité et sont déviées par un champ magné-tique. Elles peuvent produire par leur choc des

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r);';MATi':iiiAi.!SATioN m:s CORPS TTIKS HAWO-AOTIIS 129

rayons tertiaires jouissant des mêmes propriétés, etainsi de suite. Ce sont les rayons secondaires fournispar les rayons y qui sont les plus actifs. Une impres-sion photographique à travers une plaque métalliqueest parfois accrue par l'interposition de celte plaque,parce que les rayons secondairesviennent alors super-poser leurs effets ù celui des rayons primitifs.

§ 5. - ÉMANA1ION DEMI-MATÉRIELLE PROVENANT DES CORPS

RADIOACTIFS.

Une des plus curieuses propriétés des corps radio-actifs, comme d'ailleurs de tous les corps, esti!'émcllrosans cesse un produit non électrisé, désigné sous lenom d'émanation, pac Hutherford. Celle émanationreprésente les premiers stades de la dissociation dola matière, et, en se désagrégeant elle-même, engendreles émissions de particules étudiées dans le précé-dent paragraphe. C'est à elle encore quo serait duela propriété de rendre radio-actifs les corps placésdans le voisinage du radium.

L'émanation a été étudiée surtout sur le radium etle thorium. L'uranium n'en donne pas assez pour queles réactifs puissent le révéler. Il est, cependant, trèsprobable qu'il en dégage, contrairement à ce quecroit Ruthcrford, puisque, d'après les recherchesrécentes de J.-J. Thomson, la plupart des corps de lanature, l'eau, le sable, etc., en produisent.

On relire l'émanation des corps radio-actifs, soit enles dissolvant dans un liquide quelconque in<roduitdans un ballon communiquant avec un tube fermé,soit en les chauffant au rouge dans un appareil ana-logue. L'émanation qui se dégage dans le tube le rendphosphorescent par sa présence, ce qui permet devoir comment elle se comporte.

On peut condenser l'émanation au moyen du froid

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130 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

produit par l'air liquide. La condensation est révéléepar la localisation de la phosphorescence, mais iln'apparaît aucune substance susceptible d'être appré-ciée par la balance.

A. la température ordinaire, les corps radio-actifsà l'état solide émettent de l'émanation, mais le cen-tième seulement de la quantité émise à l'état dosolution. En introduisant du sulfure de zinc dans unballon communiquant par un tube avec un autreballon contenant une solution de chlorure de radium,

,1e dégagement de l'émanation rend le sulfure phos-phorescent.

•Le radium chauffé perd la plus grande partie de son

activité par suite de la grande quantité d'émanationqui s'en dégage, mais il la reprend en totalité en unevingtaine de jours. La môme perte se manifeste sion fait bouillir une solution de ce sel.

Après qu'on a chauffé au rouge le chlorure déradium solide ou qu'on a fait bouillir longtemps sasolution, il conserve encore le quart de. son activitéprimitive, mais cette activité est due alors unique-ment à des particules a, comme on le constate par lafaible pénétration des rayons émis qui ne peuventplus traverser une feuille de papier. Ce n'est qu'aubout d'un temps assez long qu'apparaissent de nou-veau les particules $, capables de traverser desmétaux.

L'activité de l'émanation se perd assez vite. Larapidité de cette perte varie suivant les corps. Cellede l'actinium se détruit en quelques secondes, celledu thorium en quelques minutes, celle du radium aubout de trois semaines seulement, mais elle est déjàréduite de moitié en quatre jours.

Suivant Rutherford, le radium ou le. thorium,pourrait produire diverses sortes d'émanations. Il encompte déjà quatre ou cinq pour ce dernier. La pre-mière engendre la seconde, et ainsi de suite. Elles

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DÉMATÉRIALISATION DES CORPS TRÈS RADIO-ACTIFS 131

représentent sans sans doute des stades successifsde la dématérialisation de la matière.

C'est à l'émanation que seraient dus ha trois quartsde la chaleur produite constamment par le radium etqui maintient sa température à 3" ou 4° au-dessus decelle du milieu ambiant. Si on prive en effet le radiumde son émanation en le chauffant, il n'émet plus quele quart de la chaleur qu'il émettait d'abord.

Il résulte, comme je l'ai dit déjà, des expériencesde Ranisay, que si on abandonne plusieurs joursdans un tube de l'émanation du radium, on peut yobserver les raies spectrales de l'hélium qui ne s'yrencontraient pas tout d'abord.

Avant de tirer trop de conclusions de cette trans-formation, il faut remarquer d'abord que l'hélium estun gaz qui accompagne tous les minéraux radio-actifs,c'est môme de ces corps qu'on l'a retiré pour la pre-mière fois. Ce gaz n'entre dans aucune combinaison,il est le seul qu'on n'ait pu encore liquéfier et il seconserve indéfinimentdans les tubes où il est enfermé.Celui dérivé du radium serait un hélium très spécial,puip;i'.'il parait posséder la propriété de s'évanouirspontanément. Son unique ressemblance avec l'héliumordinaire résiderait dans la présence momentanée dequelques raies spectrales. Il me semble donc bien diffi-cile d'admettre la transformationdu radium en hélium.

Rutherford considère l'émanation comme un gazmatériel, parce qu'elle se diffuse et se condense à la fa-çon des gaz. Sans doute, l'émanation a des propriétéscommunes avec les corps matériels, mais ne diffère-t-elle pas singulièrement de ces derniers par sa pro-priété de s'évanouir en quelques jours, môme enfer-mée dans un tube scellé, en se transformant enparticules électriques? C'est,ici surtout que se montrel'utilité do la notion, que nous avons cherché à éta-blir, d'un intermédiaire entre le matériel et l'imma-tériel, c'est-à-dire entre la matière et l'éther.

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132 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

L'émanation des corps radio-actifs représente, sui-vant nous, une de ces substances intermédiaires. Elleest matérielle en partie, puisqu'on peut la condenser,la dissoudre dans certains acides et la retrouver parôvaporation.Elle n'est qu'incomplètement matérielle,puisqu'elle finit par disparaître entièrement en setransformant en particules électriques.

Cette transformation qui se fait, môme dans untube de verre scellé, a été mise en évidence par lesexpériences de Rutherford. Il a montré qu'en dispa-raissant l'émanation donne d'abord naissance à desparticules a et. plus tard seulement à des particules 3et à des radiations y.

Pour prouver que l'émanation du radium ou duthorium n'engendre d'abord que des particules posi-tives a, on l'introduit dans un cylindre de cuivre de0mm,05 d'épaisseur qui retient toutes les particules a,mais permet aux particules 3 et aux rayons 7 depasser. En déterminant, à intervalles réguliers, laradiation extérieure du cylindre, au moyen d'unélectroscope, on constate que ce n'est qu'au bout detrois ou quatre heures qu'apparaissent les particules 8.Les particules a se montrent, au contraire de suite,comme le prouve leur action sur un électroscopeen relation avec l'intérieur du cylindre.

Rutherford conclut de ses expériences que « l'éma-nation » n'émet d'abord que des rayons a. qui nedonneraient naissance à des rayons 3 et 7 qu'en arri-vant au contact des parois des récipients contenantl'émanation. On peut admettre à la rigueur que lesparticules a puissent engendrer des particules 3 parleur choc, mais on conçoit difficilement, d'après toutce que nous savons en électricité, une émission departicules uniquement positives sans qu'une chargenégative exactement égale se produise en moinetemps.

Quoi qu'il en soit si la théorie précédente est exacte

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DÉMATÉRIALISATION DES CORrS TRÈS RADIO-ACTIFS 133

l'émanation, en disparaissant, fournirait d'abord desions positifs, relativement volumineux, puis des élec-trons négatifs, qui le sont mille fois moins, et enfindes radiations 7.

Celte émanation, qui produit une si grande quan-tité de particules électriques, est-elle électrisécelle-même? En aucune façon. Rutherford le dit som-mairement, mais ce point important a été très clai-rement mis en évidence par les recherches du profes-seur Mac Clclland. « Ce fait, dit-il, que l'émanation neporte aucune charge a une importance significativeau point de vue de notre conception de la manièresuivant laquelle l'atome du radium se détruit. L'atomedu radium produit assurément des particules y. char-gées positivement. Mais les particules de l'émanationne peuvent être ce qui reste de l'atome, après l'émis-sion des particules c., parce que, dans ce cas, ellesseraient chargées négativement. » Il résulte de cesexpériences et des observations que j'ai faites pré-cédemment, que tout ce qui concerne les particules y.,formant les 99 % de l'émission des corps radio-actifs, est à revoir entièrement.

; G. — LA RADIO-ACTIVITÉ INDUITE.

C'est l'émanation qui, en se dégageant et en pro-jetant ses particules désagrégées à la surface «les

corps, produirait la radio-activité dite induite. Ce phé-nomène consiste en ceci, que toutes les substancesplacées dans le voisinage d'un composé radio-actifdeviennent momentanément radio-actives. Elles nele deviennent pas si le sel activant est enfermé dansun tube de verre.

Les rayons (Ï et 7 seraient seuls capables de pro-duire la radio-activité induite. Les particules a ne laposséderaient pas.

12

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134 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

La radio-activité, artificiellement provoquée surtous les corps, ne disparaît qu'après un temps assezlong.

Tous les gaz ou les métaux, placés dans le voisinaged'une substance radio-active ou sur lesquels oninsuffle, au moyen d'un long tube, l'émanation quis'en dégage, deviennent momentanément radio-actifs. Si on admet que la radie activité est engen-drée par un dégagement de particules électriques,il faut reconnaître que ces particules, capables d'êtreentraînées par l'air et de se fixer aux corps commeune poussière, possèdent des propriétés singulière-ment différentes de celles de l'électricité ordinaire.Rutherford a constaté que les émanations du thoriumpeuvent traverser de l'eau et de l'acide sulfuriquesans perdre leur activité. Si on expose un fil métal-lique chargé d'électricité négative aux émanations duthorium, il devient radio-actif; si on traite ce fil parde l'acide sulfurique, et qu'on évapore ensuite lerésidu, on constate que ce dernier est encore radio-actif. On ne voit vraiment pas comment de l'électri-cité pourrait subir un pareil traitement.

La radio-activité induite communiquée à une subs-tance inaclive peut être beaucoup plus intense quecelle des corps radio-actifs d'où elle émane. Lorsquedans une enceinte contenant de l'émanation d'uncorps radio-actif, du thorium, par exemple, on intro-duit une lame de métal chargée d'électricité négativeà un haut potentiel, toutes les particules émises parle thorium se concentrent sur elle, et, d'après Ruther-ford, cette lame devient dix mille fois plus active, àégalité de surface, que le thorium lui-même. Si lalame do métal est chargée positivement, elle ne de-vient pas radio-active. Ces faits ne sont, pas plus queles précédents, explicables avec la théorie actuelle.

Si un métal, rendu artificiellement radio-aclif, estchauffé au rouge blanc il perd sa radio-activité qui

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DÉMATÉRIALISATION DES CORPS TRÈS RADIO-ACTIFS 135

se répand sur les corps voisins. Ici encore, nousvoyons les atomes dits électriques se conduire d'unebien étrange façon.

Le phénomène do la radio-activité induite est donctout à fait inexplicable avec les idées actuelles sur lesparticules électriques. Il est inadmissible que de tellesparticules déposées sur un métal puissent rester pen-dant des semaines à l'état d'atomes électriques et êtreentraînées par des réactifs. Il semblerait, d'après lesexpériences de M. Curie, que du bismuth, plongé dansune solution de bromure de radium et soigneusementlavé ensuite, resterait radio-actif pendant au moinstrois ans. Cette radio-activité persisterait même aprèsun traitement chimique énergique. Peut-on considérercomme vraisemblable que des particules électriquesse comportent d'une telle façon ? Et, puisqu'ellesagissent si différemment de l'électricité, comnlentest-il possible, ainsi que je l'ai répété tant de fois, depersister à leur appliquer le terme d'atomes élec-triques?

Je ferai remarquer, à propos de la radio-activitéinduite, que certaines formes d'énergie peuvent êtreemmagasinées dans les corps pendant un temps trèslong et se dépenser fort lentement. Dans mes ancien-nes expériences sur la phosphorescence,j'ai constatéque du sulfure de calcium, exposé au soleil durantquelques secondes, rayonne pendant dix-huit moisde lai lumière invisible, comme le prouve la possibi-lité de photographier l'objet insoléà la chambre noire,dans l'obscurité la plus complète. Au bout de dix-huitmois, il ne rayonne plus rien, mais garde encore unecharge résiduelle qui persiste indéfiniment et qu'onpeut rendre visible en faisant tomber à la surfacedu corps des rayons infra-rouges invisibles.

On a comparé un corps radio-actif à un aimant quigarde toujours son aimantation et peut, sans s'alfai-blir, aimanter d'autres corps.

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13G L'ÉVOLUTION DE LA MATIÙUE

La comparaison est peu fondée, car l'aimant n'estpas le siège d'une émission constante de particulesdans l'espace. On pourrait cependant l'utiliser pourexpliquer grossièrement le phénomène de la radio-activité induite, qui peut se ramener à ce fait qu'uncorps radio-actif communique ses propriétés à uncorps voisin, comme l'aimant donne de l'aimantationaux fragments de fer situés dans son voisinage. Si lesmolécules de l'air étaient magnétiques —elles le sontd'ailleurs un peu — un aimant les aimanterait, et,elles-mêmes pourraient en aimanter d'autres. Si ellesconservaient leur aimantation, on aurait un gaz qui,de mêmeque l'émanation des corps radio-actifs, seraitcapable de circuler dans des tubes, et persister à lasurface d'un métal sans perdre ses propriétés.

De tout ce qui précède, une vue d'ensemble sedégage nettement et elle confirme ce qui aété dit, au commencement de ce chapitre, que lesstades de dissociation de la matière doivent êtreextrêmement nombreux et que nous en connais-sons encore très peu. Sans pouvoir les isoler, noussoin mes au moins certain qu'ils existent puisquel'inégale déviation des particules fi par un aimantprouve nettement qu'elles sont composées d'élémentsdifférents. Nous savons également que dans le produitdemi-matériel, désigné en bloc sous le nom d'éma-nation, on constate déjà quatre ou cinq stades trèsdivers de dissociation de la matière.

Les mêmes expériences confirment également cetteautre vue, ]ue la matière, en se dissociant, émet desproduits de plus en plus subtils, de plus en plusdématérialisés, qui conduisent progressivement àl'élher. L'ion positif est encore très chargé de matière.Les électrons négatifs se rapprochent davantage del'élher. Ils représentent eux-mêmes des stades variésde dissociation puisque leur inégale déviation parun même champ magnétique prouve qu'ils sont

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DÉMATIÎMALISATION DES COrtPS TrtKS RADIO-ACTIFS 137

composés d'éléments divers. Finalement, on arriveaux radiations y qu'aucun obstacle n'arrête plus,qu'aucune attraction magnétique ne peut dévier clqui semblent constituer l'une des dernières phases dela dissociation de la matière avant son retour final àl'élher.

12.

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CHAPITRE IV

La dématérialisation des corps ordinaires.

§1.— CAUSES DIVERSES DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LAMATIÈRE. MÉTHODES EMPLOYÉES POUR LA CONSTATER.

Plusieurs années se sont écoulées depuis que j'aiprouvé que la dissociation de la matière qu'on ob-serve dans les corps dits radio-actifs, tels nue l'ura-nium et le radium, était, contrairement aux idéesalors reçues, une propriété de tous les corps de lanature, susceptible de se manifester sous l'influencedes causes les plus diverses, et mémo spontanément.La radio-activité spontanée de quelques corps, commel'uranium et le thorium, qui a tant surpris les physi-ciens, est en réalité un phénomène universel, unepropriété fondamentale de la matière.

Dans un travail récent 1, le professeurJ.-J. Thomsonarepris la question et réussi à montrer l'existence dela radio-activité dans la plupart des corps, l'eau, lesable, l'argile, la brique, etc. 11 en a retiré uneu émanation » qui se produit d'une façon continue,analogue à celle extraite par Rutherford du radium, etjouissant des mêmes propriétés de radio-activité.

Ces expériences confirment toutes celles que j'avais

1. O/i Ihe présence 0/ radio active mallcr in ordinanj substances. (l'roceJingsof Ihe Cambridge philosophical Sociciy, avril 190i, p. 391.

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DÉMATÉBIALISATION DES CORPS ORDINAIRES 139

déjà publiées sur la dissociation spontanée de lamatière, mais elles ne prouvent nullement, comme lecroient Elster. et Geitel, qu'il y ait du radium partout.C'était la seule explication à laquelle pouvaient serattacher les derniers partisans de la doctrine de l'in-dcstfuctibilité de la matière. Admettre que les atomesde deux ou trois corps exceptionnels peuvent se disso-cier est moins gênant que reconnaître qu'il s'agit d'unphénomène absolument général.

Nos expériences ôtent d'ailleurs toute vraisem-blance à de telles explications. Quand nous réussis-sons à faire varier énormément la radio-activité d'uncorps par certaines réactions chimiques, lorsque nousrendons très radio-actifs par leur mélange des corpstels que l'étain et le mercure qui, séparément, ne lesont pas, est-il vraiment possible d'imaginer que leradium soit pour quelque chose dans l'apparition dela radio-activité alors observée ?

Ce n'est que grâce à des expériences longues etminutieuses que j'ai pu établir l'universalité de ladissociation de la matière. Elles seront exposées dansla seconde partie de cet ouvrage. On n'indiquera dansce chapitre que le résumé des résultats obtenus.

Sur quels phénomènes peut-on s'appuyer pourdémontrer la dissociation de la matière ordinaire?

Exactement sur ceux qui prouvent la dissociationdes corps particulièrement radio-actifs, tels que leradium et le thorium, c'est-à-dire sur la productionde particules émises avec une immense vitesse,capables de rendre l'air conducteur de l'élecliicité etd'être déviées par un champ magnétique.

Il existe d'autres caractères accessoires : impres-sions photographiques, production de phosphores-cence et de fluorescence, etc., par les particulesémises, mais ils sont d'une importance secondaire.Les 99 °/0 de l'émission du radium se composentd'ailleurs de particules sans action sur la plaque

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140 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

photographique et il existe des corps radio-actifstels que le polonium, qui n'émettent que des radia-tions semblables.

Le plus important parmi les caractères énumérésplus haut est l'émission de particules pouvant rendrel'air conducteur de l'électricité et par conséquentdécharger à distance un électroscope. Il a été exclu-sivement utilisé pour isoler le radium. C'est donc àlui que nous aurons principalement recours.

La possibilité de dévier ces particules par unchamp magnétique constitue ensuite le phénomènele plus caractéristique. Il a permis d'établir d'unefaçon indiscutable l'identité entre les particules émisespar les corps doués de radio-activité, spontanée ouprovoquée, et les rayons cathodiques de l'ampoulede Crookcs. C'est le degré de déviation de ces parti-cules par un champ magnétique qui a permis demesurer leur vitesse.

§ 2.— DISSOCIATION DE LA MATIÈRE PAR LA LUMIÈRE.

Ce fut en étudiant attentivement l'action de lalumière sur les métaux et en constatant l'analogiedes effluves qu'ils émettaient avec les rayons catho-diques que je fus conduit à découvrir l'universalitéde la dissociation de la matière.

On verra dans la partie expérimentale de cet ouvrageque la technique des expériences démontrant la dis-sociation des corps sous l'influence de la lumière estassez simple, puisqu'elle se résume à envoyer sur unélectroscope chargé positivement les effluves de ma-tière dissociée qu'émet une lame métallique frappéepar la lumière. Ces effluves no sont pas produitsuniquement par les métaux, mais par la plupart descorps. Pour quelques-uns, l'émission peut, à sur-face égale, être 40 fois plus considérable que celle

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DÉMATÉRIALISATION DES CORPS ORDINAIRES 141

produite par certains corps spontanément radio-actifstels que le thorium et l'uranium.

On a contesté pendant longtemps la composition doces effluves que j'affirmais être de la nature des rayonscathodiques et des radiations émises par les corpsradio-actifs, mais aujourd'hui aucun physicien nenie cette identité.

Les effluves produits sous l'action de la lumièrerendent.'comme les rayons cathodiques, l'air conduc-teur de l'électricité, ils sont également dèviables parun aimant. La charge électrique des particules quiles composent, mesurée par J.-J. Thomson, a ététrouvée égale à celle des particules cathodiques.

Nous montrerons dans la partie expérimentale docet ouvrage que les diverses parties du spectre pos-sèdent un pouvoir de dissociation très différent et quela résistance des divers corps à la dissociation par lalumière est fort inégale. L'ultra-violet est la région laplus active. Dans les régions extrêmes de l'ultra-violetproduites par des étincelles électriques, régions quin'existent pas dans le spectre solaire — parce quel'atmosphère les absorbe — on constate que tous lescorps se dissocient avec une rapidité beaucoup plusgrande qu'à la lumière ordinaire. Dans cette partie duspectre, des corps qui, ainsi que l'or et l'acier, ne sontpas influencés s '.siblement par la lumière solaire,émettent des effluves en quantité assez abondante pourdécharger presque instantanément réleelroseope. Sila terre n'était pas protégée de l'ultra-violet solaireextrême par son atmosphère, la vie, dans ses condi-tions actuelles, serait probablement impossible à sasurface.

La lumière solaire ne jouit pas de la propriété dedissocier les molécules des gaz. Celles-ci ne peuventl'être que par les radiations tout à fait extrêmes del'ultra-violet. Si, comme cela est probable, ces radia-

ilions existent dans le spectre solaire avant leur

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142 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

absorption par l'enveloppe atmosphérique, une disso-ciation énergique des gaz de l'air doit se produire surles confins de notre atmosphère. Cette cause a dûcontribuer dans la suite des âges à priver certainsastres comme la lune de leur atmosphère.

5 3.- DISSOCIATION DE LA MATIÈRE PAR LES RÉACTIONS

CHIMIQUES.

Nous arrivons ici à une des parties les pluscurieuses et les plus imprévues de nos recherches.Persuadés dû caractère général des phénomènes quenous avions constatés, nous nous sommes demandési les réactions chimiques n'engendreraient pas deseffluves analogues à ceux produits par la lumière surles corps, effluves possédant toujours ce caractèrecommun de dissiper les charges électriques. L'expé-rience a pleinement vérifié cette hypothèse.

C'était là un fait absolument insoupçonné. Onsavait depuis fort longtemps, puisque l'observationremonte à Laplaco et à Lavoisier, que l'hydrogènepréparé par l'action du fer sur l'acide sulfuriquc étaitélectrisé. Ce fait aurait dû d'autant plus frapper lesphysiciens que l'électrisation directe d'un gaz estimpossible. Un gaz laissé indéfiniment en contactavec un plateau métallique chargé d'électriciténe s'électrise jamais. Si l'air pouvait s'dleclriseril ne serait plus isolant, un élcctroscopc ne pourraitgarder aucune charge et la plupart des phénomènesde l'électricité nous seraient encore inconnus. Mais cefait d'une importance si grande, puisqu'il contenaitla preuve, alors cachée, que la matière n'est pas indes-tructible, était passé complètement inaperçu.

Les phénomènes les plus frappants n'attirent guèrenotre attention que lorsqu'ils sont illuminés pard'autres phénomènes ou qu'une grande généralisationcapable de les expliquer oblige à les regarder d'un peu

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DÉMATÉMALISATION DES CORPS ORDINAIRES 143

près. Si dans l'expérience de Lavoisier, que je viensde rappeler, l'hydrogène fut trouvé électrisé, c'étaituniquement parce que les atomes de ce corps avaientsubi un commencement de dissociation. Il est curieuxde constater que la première expérience dont onpouvait déduire que la matière est périssable a euprécisément pour auteur le savant illustre dont leplus grand titre de gloire est d'avoir cherché à prouverque la matière est indestructible.

Les expériences réunies à la fin de cet ouvrageprouvent qu'un grand nombre de réactions chimiques,accompagnées ou non d'un dégagement de gaz, pro-duisent des effluves analogues aux rayons catho-diques et révélant par conséquent une destructionsans retour de la matière pendant les réactions.

Parmi ces réactions, je me bornerai à mentionner:la décomposition do l'eau par le zinc et l'acidesulfurique ou simplement par l'amalgame de sodium,la formation d'acétylène au moyen du carbure docalcium, la formation d'oxygène par décompositionde l'eau oxygénée au moyen du bioxyde de manga-nèse, l'hydratation du sulfate de quinine.

En ce qui concerne le sulfate de quinine il présentedes phénomènes fort curieux. Ce corps, on le savaitdepuis longtemps, devient phosphorescent par l'ac-tion de la chaleur, mais ce qu'on ne savait pas dutout, c'est que, lorsqu'il a perdu Sa phosphorescence,en le chauffant suffisamment, il redevient vivementlumineux par le refroidissement et radio-actif. Aprèsavoir recherché la cause de sa phosphorescence parrefroidissement, et prouvé qu'elle était due à unehydratation très légère, j'ai constaté que, par suite decette hydratation, le corps devient radio-actif pendantquelques minutes. Ce fut le premier exemple que jedécouvris de dissociationde la matière, c'est-à-dire deradio-activité par réactions chimiques, et il me con-duisit à en trouver beaucoup d'autres.

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lAÛ L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Rutherford a fait vérifier mes résultais relatifs ausulfate de quinine par un de ses élèves qui leur aconsacré un mémoire. Ce travail, fort bien fait, aété publié par la Ph/sical Jie;new. Rulherford en aadopté et reproduit les conclusions dans son grandouvrage sur la radio-activité.

L'auteur a constaté, comme moi, que l'air devenaitconducteur de l'électricité et que le phénomène étaitbien produit, ainsi que je l'avais dit, par hydratationdu sulfate de quinine, mais il croit que la radio-acti-vité est due alors à une réaction chimique ou « à unesorte de lumière ultra-violette » engendrée par laphosphorescence.

Que la radio-activité soit due à une réaction chi-mique, c'estjustemcnt ce que j'avais voulu démontrer ;qu'elle soit due à de la lumière ultra-violette est impos-sible, pour cette raison que la phosphorescence per-siste beaucoup plus longtemps que la radio-activité,ce qui n'aurait pas lieu si cette dernière était la con-séquence de la lumière produite par la phosphores-cence.

Rutherford croit que les radiations ainsi produitesdiffèrent de celles des corps radio-actifs parce que,dit-il, elles sont peu pénétrantes. Il n'ignore pas,cependant, que cette pénétration ne prouve rien,puisque, suivant lui, les 99 % de l'émission duradium sont arrêtés par une mince feuille de papieret que certains corps très radio-actifs, tels que lepolonium, émettent uniquement des radiations, nepossédant aucune pénétration. Je crois qu'en écrivantce qui précède, l'éminent physicien était encore sousl'influence de l'idée, très répandue d'abord, quela radio-activité était l'apanage exclusif d'un petitnombre de corps exceptionnels.

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DÉMATÉRIALISATION DES CORPS ORDINAIRES 145

§4. — DISSOCIATION DE LA MATIÈRE PAR LES ACTIONSÉLECTRIQUES

Certaines actions électriques extrêmement intenses,par exemple des étincelles d'induction de 50 centi-mètres de longueur entre lesquelles est placé lecorps à expérimenter, exercent bien une légère action,c'est-à-dire rendent un peu radio-actifs les corpssoumis à leur influence; mais l'effet est beaucoupplus faible que celui produit par un simple rayon delumière ou par la chaleur.

Il n'est pas très étonnant qu'il en soit ainsi. L'élec-tricité, ainsi que je le montrerai bientôt, est un pro-duit de la dissociation de la matière. Elle pourraitassurément engendrer, comme les rayons cathodiquesou les émissions radio-actives, des radiations secon-daires sur les corps frappés, mais les ions auxquelselle donne naissance dans l'air ont une trop faiblevitesse pour pouvoir produire beaucoup d'effet.

.Sans doute on sait, d'après les expériences d'Elster

et Geitel, qu'un fil électrisé à haut potentiel acquiertune radio-activité temporaire, mais on peut alorssupposer que le fil, par suite de son électrisation,ne fait qu'attirer les ions existant toujours dans l'at-mosphère.

C'est en.poursuivant l'étude de la radio-activitéprovoquée par l'électricité, que j'ai été conduit à réa-liser l'expérience dont il sera parlé ailleurs, per-mettant d'obliger les particules de matière dissociée àtraverser visiblement, sans déviation, des lamesminces de verre ou d'ébonite.

§ 5. — DISSOCIATION DE LA MATIÈRE PAR LA COMBUSTION

Si de faibles réactions chimiques, telle qu'unesimple hydratation, peuvent provoquer la dissociation

13

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146 L'ÉVOLUTION DK LA MATIÈRE

de la matière, on conçoit que les phénomènesde combustion qui constituent de puissantes réac-tions chimiques, doivent réaliser le maximum do ladissociation. C'est ce qu'on observe en ciïet. Un corpsqui brûle est une source intense de l'ayons catho-diques analogues à ceux qu'émet un corps radio-actif,mais ne possédant pas, en raison de leur faible vitesse,une grande pénétration.

Depuis un siècle au moins on savait que lesgaz des flammes déchargent les corps électrisés.Iiranly avait montré que mémo refroidis les gazconservent celte propriété. Tous ces faits restaientsans interprétation et on ne soupçonnait guèrequ'en eux résidait une des preuves de la dissociationdes atomes.

C'est cependant la conclusion à laquelle on devaitarriver. Elle a été nettement confirmée par les recher-ches récentes de J.-J. Thomson. Il a montré qu'unsimple fil do métal ou do charbon porté au rougeblanc — par exemple, le fil de carbone d'une lampeà incandescence — est une source puissante et indé-finie d'électrons et d'ions, c'est-à-dire de particulesidentiques à celles des corps radio-actifs. Il l'a prouvéen constatant que le rapport de leur charge àleur masse était le môme. « Nous sommes donc con-duit à celte conclusion, dit-il, que d'un métal incan-descent ou d'un fil de charbon chauffé sont projetésdes électrons. » Leur quantité est énorme, fait-ilremarquer, car la quantité d'électricité que peuventneutraliser ces particules correspond à plusieursampères par centimètre carré de surface. Nul corpsradio-actifne pourrait produire des électrons en telleproportion. Si on considère que le spectre du soleilindique la présence de beaucoup do carbone dans saphotosphère, il en résulte que cet astre doit émettreune masse énorme d'électrons, qui, en frappant lescouches supérieures de notre atmosphère, produisent

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DEMATKRIÀLISATION DES CORPS ORDINAIRES 1-47

pout-ôtrc les aurores boréales en raison de leur pro-priété de rendre phosphorescents les gaz raréfiés.Celte observation cadre parfaitement avec notre théo-rie de l'entretien de la chaleur du soleil par la disso-ciation de la matière qui le compose.

§ 6. — DISSOCIATION DE LA MATIERE PAR LA CHALEUR

Une chaleur très inférieure à celle produite par lacombustion, c'est-à-dire ne dépassant pas 300°, estsuffisante à provoquer la dissociation de la matière.Mais ici le phénomène est assez compliqué et sonexplicationnous a demandé de très longues recherches.

C'est qu'en réalité la chaleur ne parait pas agir alorscomme agent de dissociation. Nous montrerons dansle chapitre consacré à nos expériences qu'elle agitcomme si le métal contenait une provision limitée d'unesubstance analogue à l'émanation des matières radio-actives qu'il émettrait sous l'influence de la chaleuret ne récupérerait ensuite que par le repos. C'estpour cette raison que quand un métal a été renduradio-actif par une légère chaleur, il perd bientôttoute trace de radio-activité et no la reprend qu'aprèsplusieurs jours. C'est du reste de la même façon quese conduisent, en réalité, les corps radio-actifs, maisen raison de leur activité beaucoup plus grande quecelle des corps ordinaires, ce qu'ils perdent cons-tamment se reconstitue à mesure de la perte, à moinsqu'on ne les chauffe au rouge. Dans ce cas, la pertene se compense qu'au bout d'un certain temps.

Lorsque j'ai publié ces expériences J.-J. Thomsonn'avait pas encore fait connaître ses recherchesprouvant que presque tous les corps de la naturecontiennent une émanation comparable à celle descorps radio-actifs, tels que le radium et le thorium.Ses observations confirment les miennes pleinement.

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148 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

§ 7.— DISSOCIATION SPONTANÉE DE LA MATIÈRE

Mes expériencesauxquellesje viens do faire allusionprouvent que la plupart des corps contiennent une pro-vision de matière radio-active qui peut ôtre expulséepar une légère chaleur et se reconstitue spontané-ment ; ces corps sont donc, comme les substancesradio-actives ordinaires, soumis à une dissociationspontanée. Elle est d'ailleurs extrêmement lente.

Dans les expériences précédentes cette dissociationspontanée n'a pu ètro mise en évidence que par unelégère chaleur. On peut cependant, à l'aide d'artificesdivers, par exemple en repliant le métal sur lui-même,de façon à en faire un cylindre fermé, laisser se formeren son intérieur des produits radio-actifs dont onconstate ensuite la présence par l'électroscope, maisle corps expérimenté cesse bientôt d'être actif.

Il n'a pas pour cela épuisé toute sa provision doradio-activité; il a simplement perdu ce qu'il peutémettre à la température sous laquelle on opère. Mais,de même qu'à l'égard des corps phosphorescentsou desmatières radio-actives, il suffit de le chauffer un peupour qu'il produise une' émission plus considérable,d'effluves actifs.

Les recherches que je viens de résumer prouventque tous les corps de la nature sont radio-actifs etque cette radio-activité n'est en aucune façon unepropriété particulière à un petit nombre de corps.

Toute matière tend donc spontanément vers ladissociation. Cette dernière est le plus souventminime,parce qu'elle est empêchée par l'action de forces anta-gonistes. Ce n'est qu'exceptionnellement, et sousdiverses influences telles que la lumière, la combus-tion, les réactions chimiques, etc., capables delutter contre ces forces, que la dissociation atteintune certaine intensité.

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DÛMATÉRFAUSATION DKS CORPS ORDINAIRES 149

Ayant prouvé par les expériences qui viennentd'être résumées et dont on trouvera le détail à la finde ce volume que la dissociation de la matière est'un phénomène général, nous sommes fondés à direque'la doctrine de l'invariabilité du poids des atomessur lequel toute la chimie moderne est basée n'estqu'une trompeuse apparence résultant uniquement dudéfaut de sensibilité des balances. Il suffirait qu'ellesfussent suffisamment sensibles pour que toutesnos lois chimiques fussent considérées comme desimples approximations. Avec des instruments précisnous constaterions, dans une foule de circons-tances, et, en particulier, pendant les réactionschimiques, que l'atome perd une partie de son poids.Il nous est donc permis d'affirmer, contrairement auprincipe posé comme base de la chimie par Lavoisier,que : on ne retrouve pas dans une combinaison chimi-que le poids total des corps employés pour produirecette combinaison.

'§ 8. — ROLE DE LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE

DANS LES PHÉNOMÈNES NATURELS.

Nous venons de voir que des causes très diverseset agissant d'une façon continuelle, telles que lalumière, peuvent dissocier la matière et la trans-forment finalement en éléments no possédant plusaucune des propriétés de la.matière et ne pouvantplus redevenir de la matière.

Cette dissociation qui s'accomplit depuis l'originedes âges a dû jouer un grand rôle dans les phénomènesnaturels. Elle est probablement l'origine de l'électri-cité atmosphékvque.

Elle est sans doute aussi celle des nuages, et parconséquent des pluies qui exercent un si grand rôle surles climats. Une des propriétés caractéristiques des

13.

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150 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈLE

émissions radio-activcs est do condcnsor la vapeurd'eau, propriété que possèdent d'ailleurs toutes lespoussières et qu'on démontre par une expérienceconnue depuis longtemps. Un ballon plein d'eau enébullilion est mis en communication par des tubesde verre avec deux autres ballons, l'un rempli d'airordinaire pris dans un appartement, l'autre plein dumôme air dépouillé do ses poussières par simpleflllralion, à travers de la ouate. On constate alorsque la vapeur arrivant dans le ballon contenant del'air non dépouillé de poussières se condense immé-diatement en un épais brouillard, alors que la vapeurarrivant dans lo ballon contenant de l'air pur ne secondense pas.

Nous voyons combien s'accroît l'importance duphénomène do la dissociation de la matière à mesureque nous poursuivons son élude. Son universalités'étend chaque jour, et l'heure n'est pas loin, je crois,où clic sera considérée comme l'origine d'un grandnombre de phénomènes observés à la surface donotre planète.

Mais ce ne sont pas là les plus importants desphénomènes dus à la dissociation de la matière. Nousavons déjà montré qu'elle était la source de la chaleursolaire et nous verrons bientôt qu'elle csl l'origine del'électricité.

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CHAPITRE V

Les équilibres artificiels des élémentsprovenant de la dématérialisation de la matière.

Nous verrons dans un prochain chapitre que lesparticules qui s'échappent d'une pointe éleclriséoen rapport avec un des pôles d unemachine électrique en mouvementsont composés d'ions et d'électronsayant la même composition que lesparticules de matière dissociée émi-ses par les corps radio-actifs ou parun tube de Crookes. Elles rendentégalement l'air conducteurde l'élec-tricité et sont déviées par un champmagnétique.

Si donc nous voulons étudier 'leséquilibres dont sont susceptibles lescléments de matière dis-sociée nous pouvonsremplacer un corps ra-dio-actif par une pointeélectriséo en rapportavec un des pôles d'unemachine électrique.

Ces particules sont soumises aux lois des attrac-tions et répulsions qui régissent tous les phénomènes

Fie. 4.liaijomicmejttde particu-les île matière dissociéenon soumises à îles at-tractions ou à des répul-sions.

Fie. 5.A tlraclions île particulesde matière disso-

ciée chargée d'électricité vosilive etnégative.

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155L EVOLUTION DE LA MATIÈRE

électriques. En utilisant ces lois nous pourrons obte-nir à volonté les équilibres les plus variés.Do tels équilibres ne pourront élro maintenus

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ÉQUILIBRES DE LA MATIÈRE DISSOCIÉE 153

Dans les figures 8 à 11 nous voyons des figuresdroites et courbes produites par les répulsions exer-cées entre particules do matière dissociée ayant

des charges électriques do même signe. Dès que cesparticules sont suffisamment rapprochées, elles serepoussent et n'arrivent pas à se toucher, comme lemontrent les lignes noires qui les séparent, et le rac-courcissement considérable du rayonnement du côtéoù les particules sont en présence. En multipliant les

Fie. 8. Fie. 9.

Figures diverses obtenues en obligeant les particules de matière dissociée à se mouvoiret à se repoussersuivant certaines directions.

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154 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

décharges, au moyen d'un système de fines aiguilles,on arrive aux formes régulières des figures 12 à 15.

Les formes polygonales, représentées dans quelques-unes de nos photographies, ne sont pas, bien entendu,la reproduction d'images planes, mais bien de formespossédant trois dimensions, dont la photographie nepeut évidemment donner que la projection. Ce sontdonc bien des figures dans l'espace que nous avonsobtenues en maintenant momentanément, dans l'équi-libre que nous leur imposions, des particules dematière dissociée.

Les particules qui formèrent le modèle des imagesici reproduites, ne se composent pas uniquementd'électrons. D'après les idées actuelles, on doit lesconsidérer comme constituées par des atomes élec-triques entourés d'un cortège de particules maté-rielles. Elles sont donc formées de ces ions que nousavons étudiés dans un précédent chapitre. Mais lenoyau de ces derniers est constitué par ces atomesélectriques que produit la dématérialisation de lamatière.

Parmi les formes d'équilibre diverses que nouspouvons faire prendre aux particules de matière disso-ciée, il en est une, la forme globulaire, dont la théorien'estpas établie encore, car les attractions et répulsionsne suffisent pas à l'expliquer. 11 est vraisemblable queles atomes électriques doivent s'y trouver dans unétat d'équilibre tourbillonnaire spécial. Cet équilibre,quoique encore momentané, est cependant beaucoupplus stable que dans les expériences précédentes.

L'électricité sous celte forme a été observée pendantplusieurs orages, mais assez rarement pour qu'on sesoit cru fondé pendant longtemps à nier son exis-tence. Elle se présente alors sous l'aspect de globesbrillants, pouvant atteindre la grosseur d'une têted'enfant. Ils circulent lentement et finissent paréclater bruyamment, comme un obus, en produisant

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ÉQUILIBnES DE LA MATIÈRE DISSOCIÉE 155

do grands ravages. L'énergie qui y est enfermée estdonc considérable, et j'invoque volontiers cet exemplepour faire comprendre ce que peut être de l'énergie

condensée dans un état d'équilibre doué de stabilité,au moins momentanée.

Nous ne pouvons espérer engendrer dans nos

Fie. 12. FJO. 13.

FIG. 14. Fie. 15.Ualèrialisations apparentes produites dans l'espace en utilisant les répulsions

des particules de matière dissociée. — Dans la figure 12, on voit comment sefont les répulsions entre particules sorties de quatre pointes électrisées voi-sines. Dans les figures 13, 14 et 15, on a multiplié le nombre des pointes eton est arrivé finalement à créer dans l'espace des figures dont les photo-graphies représentent les projections et dont quelques-unes rappellent, parleurs formes, le3 cellules des êtres vivants.

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156 L'ÉVOLUTION DE LA MATIKHE

laboratoires des phénomènes d'une telle intensité,mais nous pouvons les reproduire sur uno petiteéchelle.

On obtient de petites sphères lumineuses imitantla foudre globulaire par diverses méthodes. Celle deM. Leduc permet de les former avec une grande faci-'lité. Il suffit de placer sur une plaque photographique,à quelques centimètres l'une de l'autre, deux tigestrès fines en relation chacune avec l'un des pôles d'unemachine statique. 11 sort bientôt de la tige reliée aupôle négatif de petites sphères lumineuses de 1 mil-limètre environ de diamètre apparent qui se dirigenttrès lentement vers l'autre tige et s'évanouissenten la touchant.

Mais, avec celte façon d'opérer, on peut toujourssupposer l'existence d'une forme particulière d'effluvesagissant entre les deux pôles. J'ai donc cherché àobtenir l'électricité en boule avec un seul pôle. J'yai réussi par un yuoeédé très simple. Une tiged'un demi-centimètre environ de diamètre, termi-née par une aiguille, dont on appuie la pointe surune plaque couverte de gélatiro-bromure d'argent,est reliée au pôle négatif d'une machine de "Wirns-hurst. L'autre pôle est mis à la terre. La machineétant en mouvement, on voit bientôt se détacher dela pointe de l'aiguille une ou plusieurs boules lumi-neuses qui cheminent lentement et disparaissentbrusquement après un parcours de quelques centi-mètres, en laissant sur la plaque la trace de leurtrajet.

Si, au lieu d'employer une grosse tige terminée parune aiguille, on se servait d'une tige fine, on n'obtien-drait pas la formation de sphères lumineuses. Le phé-nomène semble se passer, — bien que probablementil se produise tout autrement, — comme si l'électricitéde la grosse tige s'aeoumulait à la pointe de l'aiguilleà la façon d'une goutte.de liquide.

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ÉQUILIBRES DE LA MATIÈRE DISSOCIÉE 157

Il est difficile de préciser le rôle du gélatino-bro-mure de la plaquo photographique dans ces expé-riences. Sa présence facilite le résultat, mais est-elleindispensable? Quelques auteurs disent avoir obtenul'électricité en boule avec de simples lames de verreou de mica, mais je n'ai pas réussi à les produirede cette manière.

Quoi qu'il en soit, les sphères lumineuses for-mées par un des procédés que j'ai indiqués, jouissentde propriétés très singulières et notamment d'unestabilité considérable. On peut les toucher et leschanger de place avec une lame métallique sans lesdécharger 1. Un champ magnétique — au moins celuid'intensité assez faible dont je disposais — est sansaction sur elles. Si ces sphères ne sont constituéesque d'ions agglomérés, ces derniers doivent s'y trouverdans un état très spécial. Leur stabilité ne peut résulterque de mouvements tourbillonnaires extrêmementrapides, analogues à ceux du giroscope qui, on le sait,ne doit son équilibre qu'au mouvement de rotationdont il est animé.

Dans les expériences précédentes» nous avonsréalisé avec des particules de matière dissociée cesfigures géométriques d'une stabilité momentanée etne survivant guère à la cause qui les engendrait;mais il est possible de maintenir pour un temps assezlong certaines formes du fluide électrique sur unesurface et de lui faire prendre la forme de figures géo-métriques planes a contours arrêtés. '

1. Dans un cas de foudre globulaire observé à Autun, cité dans les ComptesRendus l'i l'Académie des SeUittes du 29 août 1904, M. Roche rapporte quele globe de feu, après avoir parcouru 500 mètres en arrachant les portes elrasant troi3 gros corps de cheminées, a occasionné une très forte commotion surla sous-préfecture surmontée d'un paratonnerre. Le narrateur en tire cette conclu-sion : a 11 semble donc que la paratonnerre soit sans action sur la foudre globu-laire ». Ce dernier fait est à rapprocher de l'impossibilité constatée dans nosexpériences de décharger un globale électrique en le touchant avec un corpsmétallique.

14

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158 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

En parlant des propriétés des gaz ionisés, nousavons qualifié de fluide ionique le fluide que les par-ticules ionisées constituent par leur ensemble. Grâceà son inertie, il est aisé, en suivant la méthode

indiquée par M. le professeurde Heen, de le transformeren figures géométriques ré-gulières possédant une cer-taine fixité. L'expérience esttrès simple. On prend un grandplateau carré de colophane de30 à 40 centimètres de côté eton commence par l'électriseren promenant sa surface surun des pôles d'une machineélectrique en mouvement. Onexpose ensuite plusieurs secon-des la face électrisée de ce pla-teau à quelque distance dedeux sources d'ionisation, parexemple deux brûleurs deBunsen, placés à 5 ou 6 centi-mètres l'un de l'autre. Les ionspartis de ces sources arrivent aucontact du plateau, repoussentl'électricité, puis, quand ilsont en présence, s'arrêtentet forment une ligne droite

(fig. 16). On rend visible cette ligne invisible en saupou-drant le plateau de soufre en poudre avec un tamis. Ensecouant ensuite légèrement le plateau, il ne reste à sasurface que la ligne droite tracée par le fluide ionique.

Si, au lieu de deux brûleurs, on en dispose un cer-tain nombre formant les sommets de figures géomé-triques, on obtient sur le plateau des images variées :triangles, hexagones, etc., aussi réguliers que si onles avait tracés avec une règle (fig. 17 à 19). Il est

Fie. 16 à 19. - photo-graphies de figures géo-métriques oltenues par le.fluideioniquelocalisé surdesplateauxde colophane,

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ÉQUILIBRES DE LA MATIÈRE DISSOCIÉE 159

évident qu'avec un gaz ordinaire, nous ne pourrionsrien produire de pareil, puisqu'en se diffusant dansl'atmosphère, il s'échapperait hors du plateau.

Dans les diverses expériences précédemment énu-mérées, nous avons matérialisé, cristallisé en quelquesorte, pour un instant, ce fluide si immatériel enapparence, composé de la réunion des éléments pro-venant de la dissociation de la matière. Nous pouvonsentrevoir maintenant comment, avec des équilibresplus compliqués et surtout avec les forces colossalesdont elle dispose, la nature a pu créer ces élémentsstables qui constituent les atomes matériels. En évo-luant vers l'état de matière, l'éther a dû passer sansdoute par des phases intermédiaires d'équilibre ana-logues à celles indiquées dans ce chapitre et aussipar des formes diverses dont nous ignorons l'histoire.

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CHAPITRE VI

Comment, malgré sa stabilité, la matièrepeut se dissocier.

g 1. - LES CAUSE8 8U8CEPTIBLE8 DE MODIFIER LES É0IFICE8MOLÉCULAIRES ET ATOMIQUES

La première objection qui vient à l'esprit d'un chi-miste auquel on expose la théorie do la dissociationde la matière est celle-ci : comment des corps aussistables quo les atomes et qui paraissent résister auxréactions les plus violentes, puisqu'on retrouve tou-jours leur poids invariable, peuvent-ils se dissocier,soit spontanément, soit sous des influences aussilégères qu'un rayon de lumière a peine capable d'in-fluencer un thermomètre?

Dire, comme nous le soutenons, quo la maticro estun réservoir considérable do forces, montre simple-ment qu'il n'est pas besoin do rechercher au dehorsl'origine do l'énergiedépensée pendant la dissociation,mais cola n'explique nullement comment l'énergieintrà-atomiquocondensée sous une forme évidemmenttrès stable peut s'affranchir dos lions qui la main-tiennent. La doctrine do l'énergie intra-alomiquo nefournit donc pas do réponso a la question qui vientd'être posée. Kilo no saurait diro pourquoi l'atome,qui est, au moins en apparence, la plus stable deschoses do l'univers, peut, dans certaines conditions,

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COMMENT LA MATIÈRE PEUT SE DISSOCIER 1G1

perdre sa stabilité au point de se désagréger faci-lement.

Si nous voulons découvrir la solution de ce pro-blème, il sera d'abord nécessaire de montrer, pardivers exemples que pour produire dans la matièredes changements d'équilibre très profonds, ce n'estpas toujours la grandeur de l'effort qui importe, maisbien la qualité de cet effort. Chaque équilibre de lamatière n'est sensible qu'à un excitant approprié,et c'est cet excitant qu'il faut trouver pour obtenirun effet cherché. Quand on l'a découvert, on constateaisément que de très faibles causes peuvent modifierfacilement l'équilibre des atomes et déterminer,comme l'étincelle sur une masse de poudre, deseffets dont l'intensité dépasse beaucoup celle de lacause provocatrice.

Une analogie acoustique bien connue permet depréciser celte différence entre l'intensité et la qua-lité de l'effort au point de vue des elfets produits.Le coup de tonnerre le plus violent, l'explosion laplus bruyante, peuvent être impuissants à faire vi-brer un diapason, tandis qu'un son très faible, mais depériode convenable, suffirai le mettre en mouvement.Quand un diapason entre en vibration parce que l'ona produit dans son voisinage un son identique à celuiqu'il peut rendre, on dit qu'il vibre par rôsonnance.On sait le rôle joué aujourd'hui aussi bien en acous-tique qu'en optique par la résonnunco : c'est elle quiexplique le mieux les phénomènes d'opacité et dotransparence. Elle peut servir, avec tous les faits queje vais citer, à expliquer que des causes infimespuissent produire sur la matière de grandes transfor-mations.

Bien que nos moyens d'observer les variationsintérieures des corps soient très insuffisants, desfaits, déjà nombreux, prouvent qu'il est facile dechanger profondément les équilibres moléculaires et

n

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102 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE.,

'

•* ;.'' ••..•atomiques, quand on sait faire agir sur eux les exci-tants appropriés. Do ces faits je me bornerai à rap^peler quelques-uns.

.Un simple rayon do lumière, dont l'énergie estpourtant bien faible, modifie en tombant à la surfacede corps tels que le sélénium, le sulfure d'argent,l'oxyde de cuivre, le noir do platine, etc., leur résis-tance électrique dans des proportions considérables.

Plusieurs diélectriques deviennent bi-rëfringontsquand on les éleclrise. La boracite, bi-réfringento àla température ordinaire, devient mono-réfringente,lorsqu'elle est chauffée. Certains alliages de fer et denickel deviennent instantanément magnétiques par la-chaleur, et perdent Jeur magnétisme par le refroidis-sement. Si un corps transparent placé dans un champmagnétique est traversé par un rayon lumineux, onobserve la rotation du plan de polarisation.

Tous ces changements do propriétés physiquesimpliquent nécessairement des changements d'équi-libres moléculaires. Il a suffi de faibles causes pouramener ces changements, parce que les équilibres

,

moléculaires étaient sensibles à ces causes. Des forcestrès supérieures, mais non appropriées, seraientrestées au contraire sans action. Prenons un sel quel*

conque, du chlorure de potassium par exemple, nouspouvons indéfiniment le br6yer, le pulvériser avec lesmachines les plus puissantes, sans jamais réussir& séparer les molécules dont il se compose. Etpourtant pour dissocier ces molécules, pour séparerce qu'on nomme les ions, c'est-à-dire le chlore et lepotassium, il suffit, d'après les théories modernessur l'électrolyso, do faire dissoudre le corps dans unliquide de façon que la dissolution soit suffisammentétendue.

Nombreux sont les exemples analogues. Pourécarter les molécules d'une barre d'acier, il faudrait lasoumettre à des tractions mécaniques énormes. Il

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COMMENT LA MATIÈRE PEUT SE DISSOCIER 163

suffit cependant de l'échauffer légèrement, ne fût-cequ'en la touchant avec la main, pour qu'elle s'allonge.On peut môme, comme le faisait Tyndall, rendre l'al-longementde la barre par le contact de la main visibleà tout un auditoire au moyen d'un levier et d'unmiroir convenablement disposés. Un phénomèneanalogue s'observe pour l'eau. Elle est a peu prèsincompressible sous la plus forte pression, et cepen-dant il suffit d'abaisser légèrement sa températurepour qu'elle se contracte.

Nous pouvons produire dans un métal des dépla-cements moléculaires bien plus profonds encore queceux déterminés par la chaleur, puisqu'ils impliquentun changement completde l'orientation des molécules.Aucune force mécanique ne saurait produire do telletransformations. On les obtient pourtant instantané-ment,en approchantunebarrede fer d'un aimant.Toutesses molécules changent immédiatementd'orientation.

L'emploi récent de températures élevées que nousno pouvions autrefois produire, ainsi que l'interven-tion des hauts potentiels électriques, qui ont permisde produire des combinaisons chimiques nouvelles,devaient naturellement conduire à penser que ce serasurtout avec l'emploi do ces forces énormes quecertaines transformations seront possibles. Sans douteon réussit par ces moyens nouveaux à créer certainséquilibres chimiques jadis ignorés, mais, pour modi-fier l'instable matière il n'est pas besoin do ces effortsgigantesques. Nous en avons la preuve en voyantcertains rayons lumineux d'une longueur d'onde déter-minée, produire instantanément sur diverses subs-tances les réactions chimiques qui engendrent la phos-phorescence, et des radiations d'une longueur d'ondeplus courte donner naissance à des réactions inversesdétruisant non moins instantanément cette phospho-rescence. Une autre preuve nous en est fourniequand nous constatons que les ondes hertziennes

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164 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

produites par les étincelles électriques, transformentà 500 kilomètres de distance la structure molécu-laire de limailles métalliques, ou encore quand nousconstatons que le voisinage d'un simple aimant changeimmédiatement, malgré tous les obstacles interposés,l'orientation des molécules d'une barre de fer.

Dans la dissociation de la matière on observe desfaits analogues. Des métaux très ratlio-actifs, sousl'influence de radiations lumineuses d'une certainelongueur d'onde, ne le sont presque pas sous l'in-fluence de radiations de longueur d'onde peu diffé-rentes. Les choses semblent se passer ici comme dansle phénomène de la résonnance. On peut, comme je lerappelais précédemment, faire vibrer un diapason oumême une lourde cloche en produisant auprès d'euxune note d'une certaine période vibratoire, alors queles bruits les plus violents peuvent les laisser insen-sibles.

Lorsque nous connaîtrons mieux les causes capablesde dissocier un peu l'agrégat d'énergie condensée dansl'atome, nous arriverons certainement n une dissocia-tion plus complète et nous pourrons l'utiliser pourles besoins de l'industrie.

L'ensemble des faits qui précèdent iustifie notreassertion que, pour obtenir des transformationsd'équilibre moléculaire profondes, ce n'est pas l'in-tensité de l'effort qui importe, mais bien sa qualKé.

Ces considérations permettent de comprendre quedes édifices aussi stables que les atomes puissent sedissocier sous l'influence de causes aussi faiblesqu'un rayon de lumière. Si des radiations ultra-violettes invisibles peuvent dissocier les atomes d'unbloc d'acier sur lesquels toutes les forces mécaniquesseraient sans action, c'est parce qu'elles constituentun excitant auquel la matière est sensible. Les élé-ments de la rétine ne sont pas sensibles à cet exci-tant et c'est pourquoi la lumière ultra-violette, qui

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COMMENT LA MATIÈRE PEUT SE DISSOCIER 165

est capable de dissocier l'acier, est sans aclion surl'oeil qui ne s'aperçoit môme pas de sa présence.

La matière, insensible à des actions considérablespeut donc ôtre, je le répète, sensible à des actions mi-nimes. Sous des influences appropriées, un corps trèsstable peut devenir très instable. Nous verrons bientôtque des traces parfois impondérables de substancespeuvent modifier profondément les équilibres d'autrescorps, et agir, par conséquent comme ces excitantslégers, mais appropriés, auxquels obéit la matière.

§ 2. —MÉCANISME DE LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE.

Dans les idées actuelles sur la constitution desatomes, chacun d'eux peut être considéré comme unpetit système solaire comprenant une partie centraleautour de laquelle tournent, avec une immensevitesse, un millier au moins de particules et quelque-fois beaucoup plus. Ces dernières doivent donc pos-séder une grande énergie cinétique. Qu'une causequelconquo appropriée vienne à troubler leur trajec-toire, ou que leur vitesse de rotation devienne suffi-sante pour que la force centrifuge, qui en résulte,dépasse la force d'attraction qui les maintient dansleur orbite, et les particules périphériques s'échap-peront dans l'espace en suivant la tangente de lacourbe qu'elles parcourent. Par cette émission ellesdonneront naissance aux phénomènes de radio-acti-vité. Telle est, du moins, une des hypothèses que l'onpeut provisoirement formuler.

Lorsqu'on admettait que la radio-activité était unepropriété exceptionnelle n'appartenant qu'à un trèspetit nombre de corps tels que l'uranium et le radium,on croyait — et beaucoup de physiciens croient encore— que l'instabilité de ces corps était une conséquencede l'élévation de leur.poids atomique. Cette expli-

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iGG L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

cation s'évanouit devant le fait, démontré par mesrecherches, que ce sont justement les métaux dontle poids atomique est le plus faible, tel que le magné-sium et l'aluminium, qui deviennent le plus facilementradio-actifs sous l'influence de la lumière, alors quece sont, ou contraire, les corps possédant un poidsatomique élevé, comme l'or, le platine et le plomb,dont la radio-activité est la plus faible. La radio-activité est donc indépendante du poids atomique etprobablement due, très souvent, comme je l'expli-querai bientôt, à certaines réactions chimiques denature inconnue.Deuxcorps qui ne sont pas radio-actifsle deviennent quelquefois par leur combinaison. Lemercure et l'élain, peuvent être rangés parmi les corpsdont la dissociation, sous l'action de la lumière, est laplus faible ; J'ai montré cependant que le mercure deve-nait exlraordinairement i-adio-actif sous cette mômeinfluence dès qu'on lui ajoute des traces d'étain.

Toutes les interprétations qui précèdent ne consti-tuent assurément que des ébauches d'explication. Lemécanisme de la dissociation de la matière nous estinconnu. Mais quel est le phénomène physique dont lescauses profondes ne soient pas également inconnues?

§ 3. — LES CAUSES SUSCEPTIBLES DE PRODUIRE LA DISSOCIATIONDES CORPS TRÈS RADIO-ACTIFS.

Des causes variées, nous l'avons vu, peuvent pro-duire la dissociation do la matière ordinaire. Maisdans la dissociation des corps spontanémr t trÔ3 radio-actifs, le radium et le thorium par exemple, aucunecause extérieure ne semble amener le phénomène.Comment dès lors peut-on l'expliquer?

Contrairement aux opinions émises au début desrecherches sur la radio-activité, nous avons toujourssoutenu que les phénomènes observés avec le radiumprovenaientdo certaines réactionschimiquesspéciales,

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COMMENT LA MATJÙnE PEUT SE DISSOCIER 107

analogues à celles qui se produisent dans la phos-phorescence. Ces réactions se passent entre corpsdont l'un est en proportion infinitésimale à l'égardde l'autre. Nous n'avons publié ces considérationsqu'après avoir découvert des corps devenant radio-aclifs dans de telles conditions. Les sels de quinine,par exemple, ne sont pas radio-aclifs. En les laissants'hydrater légèrement après dessication, ils ledeviennent et sont phosphorescents pendant toute ladurée de l'hydratation. Le mercure et l'étain ne pré-sentent pas de radio-activité sensible sous l'influencede la lumière, mais qu'on ajoute au premier de cescorps une trace du second et aussitôt sa radio-activité devient très intense. Ces expériences nousont môme conduit ensuite à modifier entièrement lespropriétés de certains corps simples par addition dequantités minimes do corps étrangers.

La désintégration de la matière implique nécessai-rement un changement d'équilibre dans la dispositiondes éléments qui composent un atome. Ce n'est qu'enpassant à d'autres formes d'équilibre qu'il peut perdrede son énergie et, par conséquent, rayonner quelquechose.

Les changementsdont il est alors le siègediffèrent deceux que la chimie connaît par ce point fondamental,qu'ils sont intra-atomiques, alors.que les réactionshabituelles no touchant qu'à l'architecture des groupe-ments d'atomes, sont extra-atomiques. La chimieordinaire ne peut que varier la disposition des pierresdestinées à bâtir un édifice. Dans la dissociation desatomes, les matériaux mômes avec lesquels l'édificeest construit sont transformés.

Le mécanisme de cette désagrégation atomiqueest ignoré, mais il est do toute évidence qu'ellecomporte des conditions d'un ordre particulier, trèsdifférentes de celles étudiées jusqu'ici par la chimie.Les quantités de matières mises en jeu sont infini-

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168 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

merit petites et les énergies libérées extraordinàiremcntgrandes, ce qui est le contraire de ce que nous obte-nons dans nos réactions ordinaires.

Une autre caractéristique de ces réactions intra-atomiques produisant la radio-activité, c'est qu'ellessemblent se passer, comme je le disais plus haut,entre" corps dont l'un se trouve en quantité extrême-ment petite à l'égard de l'autre. Ces réactions particu-lières sur lesquelles nous reviendrons dans un autrechapitre s'observent pendant la phosphorescence.

Des corps purs tels que le sulfure de calcium, lesulfure de strontium, etc., ne sont jamais phospho-rescents. Ils ne le deviennent qu'après avoir étémélangés à des quantités très petites d'autres corps;ils forment alors des combinaisons mobiles, capablesd'être détruites et régénérées avec la plus grandefacilité et qui s'accompagnent de phosphorescenceou de disparition de phosphorescence. D'autres réac-tions nettement définies, telles qu'une légère hydra-tation, peuvent également produire à la fois do laphosphorescence et de la radio-activité.

Celte conception que la radio-activité aurait pourorigine un processus chimique spécial a fini parrallier l'opinion de plusieurs physiciens. Elle a éténotamment adoptée et défendue par llulherford.

« La radio-activité, dit ce dernier, est due à une succession dochangements chimiques dans lesquels do nouveaux types de ma-tière radio-active sont formés continuellement. Elle est un proces-sus d'équilibre où le taux do la production do nouvelle radio-activitéc?t balance par la perte do la radio-activité déjà produite. La radio-activité est maintenue par la continuelle production do nouvellesquantités do matière possédant de la radio-activité temporaire.

u Un corps radio-actif est, par co fait même, un corps qui sotransforme. La radio-activité est l'expression do sa perte inces-sante. Son changement est nécessairement une désagrégation ato-mique. Lc3 atomes qui ont perdu quelque chose sont, par ce faitmême, de nouveaux atomes '. »

1. l'hilosophical Magazine, février 1903.

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COMMENT LA MATIÈRE PEUT SE DISSOCIER {09

On pourrait considérer comme singulière — et entout cas comme peu conforme à ce que nous montrentles observations de nos laboratoires — l'existence deréactions chimiques se continuant presque indéli-niment. Mais nous trouvons également dans la phos-phorescence des réactions capables de s'effectuer avecune extrême lenteur. J'ai montré par mes expériencessur la luminescence invisible que des corps, phospho-rescents étaient capables de conserverdans l'obscuritépendant deux ans après leur insolation la propriété derayonner, d'une façon continue, une lumière invisiblecapable d'impressionner les plaques photographiques.La réaction chimique pouvant détruire la phospho-rescence, continuant à agir durant deux années, oncomprend que d'autres réactions, telles que cellessusceptibles de produire la radio-activité, puissent seperpétuer pendant beaucoup plus longtemps.

Bien que la quantité d'énergie raybnnéo par lesatomes pendant leur désagrégation soit très grande,la perte de substance matérielle qui se produit estextrêmement faible, en raison de l'énorme condensa-tion d'énergie contenue dans l'atome. M. Becquorelavait évalué la durée de 1 gramme de radium à 1 mil-liard d'années. M. Curie se. contente de 1 milliond'années. Plus modeste encore, M. Rutherford parleseulement de 1 millier d'années et M. Crookcs d'unecentaine d'années pour la dissociation de un grammede radium. Ces chiffres, dont les premiers sonttout à fait fantaisistes, se réduisent de plus enplus à mesure que les expériences se précisent.M. lleydweiler 1, d'après des pesées directes, évaluelà perte de 5 grammes de radium à 0m6r02 envingt-quatre heures. Si la perte se continuait aumême taux, ces 5 grammes de radium auraientperdu 1 gramme de leur poids en cent trente-sept ans.

s. l'hysikalische Zcitschrift, 15 octobre 1902.

15

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170 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Nous sommes déjà ôionrtemment loin du milliard d'an-nées supposé par M. Becquerel. Le chiffre de Heyd-weilcr serait même, d'après certaines de nos expé-riences, trop élevé encore. Il a mis, en masse, dansun tube, le corps sur lequel il opérait, alors que nousavons constaté quo la radio-activité l'une mômesubstance augmente considérablement si le corps estétendu sur une grande surface, ce qu'on obtient enlaissant dessécher le papier qui a servi à liltrer unesolution de cette substance. Nous sommes alors arrivésà celte conclusion que 5 grammes de radium perdentprobablement le cinquième de leur poids en vingt anset par conséquent que 1 gramme durerait cent ans,ce qui est justement le chiffre donné par M. Crookes.En réalité ce seront seulement des expériences répé-tées qui permettront de trancher la question.

Mais alors môme que nous accepterions le chiffrede un millier d'années donné par M. Ruthcrford pourla durée de l'existence de 1 gramme de radium, ilsuffirait à prouver que si les corps spontanémentradio-actifs, tels que io radium, avaient existé auxépoques géologiques, ils se seraient évanouis depuisfort longtemps et par conséquent n'existeraient plus.Et ceci vient encore à l'appui de notre théorie d'aprèslaquelle la radio-activité spontanée rapide, n'estapparue qu'après que les corps ont été engagésdans certaines combinaisons chimiques particulièrescapables d'atteindre la stabilité de leurs atomes,combinaisons que nous pourrons peut-être arriver ûreproduire un jour.

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COMMENT LA MATIÈRE PEUT SE DISSOCIER 171

g 4. — PEUT-ON AFFIRMER AVEC CERTITUDEL'EXISTENCE DU RADIUM?

Si, la radio-activité est la conséquence de certainesréactions chimiques, il semblerait qu'un corps abso-lument pur ne saurait être radio-actif. C'est sur cetteraison appuyée de diverses expériences que je m'étaisfondé pour assurer, il y a plusieurs années, que l'exis-tence du métal le radium était très problématique.En fait, bien que l'opération consistant à séparer unmétal dé ses combinaisons soit très facile, la sépara-tion du radium n'a jamais pu être effectuée. Ce qu'onobtient aujourd'hui sous le nom de radium n'est enaucune façon un métal, mais du bromure ou du chlo-rure de ce métal supposé. Je considère comme trèsprobable que si le radium existe et qu'on réussisse àl'isoler, il aura perdu toutes les propriétés qui rendentses combinaisons si intéressantes.

La préparation des sels de radium permet de pres-sentir de quelle façon ont pu se former, sans qu'onconnaisse leur nature, les combinaisons donnant naissance à la radio-activité.

On sait comment les sels de radium furent décou-verts. M. Curie ayant constaté que certains mineraisd'urane agissaient beaucoup plus sur l'ôlcctroscopeque l'uranium lui-môme, il fut naturellement conduità tâcher d'isoler la substance à laquelle était duo cetteactivité spéciale.

La propriété de rendre l'air plus ou moins con-ducteur de l'électricité constatée par l'éleclroscopeétant le seul moyen d'investigation utilisable, ce futuniquement l'action sur l'éleclroscope qui servit deguide dans cette recherche. C'est par elle seulement,en effet, qu'on pouvait savoir dans quelle partie desprécipités se trouvaient les substances les plus actives.Après avoir dissous le minerai dans des dissolvants

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1Î2 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

divers et précipité les produits contenus dans ces dis-solvants par. des réactifs appropriés, on recherchait au.moyen de l'électroscope les parties les plus actives,on les redissolvait, on les divisait de nouveau parprécipitations et on répétait les mêmes manipulationsun grand nombre de fois. L'opération fut- terminéepar des cristallisations fractionnées et on obtint fina-lement une petite quantité d'un sel très actif. C'est au-métal, non.isolé encore, du sel ainsi obtenu que futdonné le nom de radium.

Les propriétés chimiques des sels de radium sontidentiques à celles des combinaisons du baryum. Ilsn'en différent, en dehors de la radio-activité, quepar quelques raies spectrales. Le poids atomiquesupposé du radium, calculé d'après de très petitesquantités de sels de radium, a tellement varié suivantles observateurs qu'on ne peut rien en déduire surl'existence de ce métal,

Sans pouvoir être absolument affirmatif, je croisjje le répète, que l'existence du radium est très contes-table. Il est, en tout cas, certain qu'il n'a pu être isolé.J'admettrai beaucoup plus volontiers l'existence d'unecombinaison inconnue du baryum capable de donnerà ce métal les propriétés radio-actives. Le chlo-rure de radium radio-actif serait au chlorure debaryum inactif ce qu'est le sulfure de baryum impurmais phosphorescent, au sulfure de baryum pur etpour cette raison non phosphorescent.

Il suffit, comme je l'ai fait remarquer plus haut, detraces de corps étrangers pour donner à certainssulfures, ceux de calcium, de baryum ou de stron-tium, etc., la propriété merveilleuse de devenir phos-phorescents sous l'action de la lumière. Cette pro-,priété nous frappe peu parce que nous la connaissonsdepuis longtemps, mais en y réfléchissant, il faut bien'reconnaître qu'elle est tout aussi singulière que laradio-activité et moins explicable encore.

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COMMENT LA MATIÈRE PEUT. SE DISSOCIER 173

J'ajouterai qu'en opérant avec des sels de radiumpeu actifs, c'est-à-dire mélangés encore à des corpsétrangers, le rôle des réactions chimiques se montreassez nettement. C'est ainsi, par exemple, que laphosphorescence de ces sels se perd par la chaleuret ne reparaît qu'au bout de quelques jours. L'humi-dité la détruit entièrement.

Qu'il s'agisse donc de la phosphorescence ordinaireou des propriétés radio-actives, elles semblent pro-duites par des réactions chimiques, dop* ' x nature estencore complètement inconnue.

La théorie qui précède me fut d'un grand secoursdans mes recherches. C'est grâce à elle que j'ai étéconduit à découvrir la radio-activité qui accompagnecertaines réactions chimiques, à trouver des combi-naisons capables d'accroître énormément la dissocia-tion d'un corps sous l'influence de la lumière et enfin à.modifier, d'une façon fondamentale, les propriétés decertains corps simples.

1J

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LIVRE V

LE MONDE INTERMÉDIAIREENTRE LA MATIÈRE

ET L'ÉTHER

CHAPITRE PREMIER

Propriétés des substances intermédiairesentre ia matière et l'éther.

Toutes les substances que nous avons éUididcs,comme produits de la dissociation de la matière, sesont présentées avec des caractères visiblement inter-médiaires entre ceux de la matière et ceux de l'élbcr.Elles possèdent parfois des qualités matérielles. Tellel'émanation du thorium et du radium qu'on peutcondenser de même qu'un gaz et enfermer dans untube. Elles présentent également plusieurs qualitésdes choses immatérielles comme celle même éma-nation qui, à certaines phases de son évolution,s'évanouit en se transformant en particules élec-triques.

11 est nécessaire de préciser davantage. Quels sontles caractères permettant d'affirmer qu'une sub-stance n'est plus tout à fait de la matière sans être

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PROPRIÉTÉS DES SUBSTANCES INTERMÉDIAIRES 175

encore de l'éthor et qu'elle constitue quelque chosed'intermédiaire entre ces deux substances?

G'e'st uniquement si nous voyons la matière perdreun de ses caractères irréductibles, c'est-à-dire un deceux dont on ne pourrait la priver par aucun moyen,que nous serons autorisés à dire qu'elle a perdu saqualité de matière.

Nous avons déjà vu que ces caractères irréductiblesne sont pas nombreux, puisqu'on n'a pu en trouverqu'un seul jusqu'ici. Toutes les propriétés habituellesde la matière, la solidité, la forme, la couleur, etc.,sont destructibles. Un bloc de rocher peut, par lachaleur, être transformé en vapeur. Une seule pro-priété, la masse mesurée par le poids, reste inva-riable à travers toutes les transformations des corpset permet de les suivre et de les retrouver, malgréla fréquence do leurs changements. C'est sur celteinvariabilité do la masse que la chimie et la méca-nique ont été bâties.

La masse n'est, on le sait, que la mesure de l'iner-tie, c'est-à-dire de la propriété d'essence inconnuepossédée par la matière de résister au mouvement ouaux changements de mouvement. Sa grandeur quipeut être traduite par un poids est une quantité abso-lument invariable pour un corps donné quelles quesoient les conditions où on pourra le placer. On estdonc conduit à considérer comme quelque chose detrès différent de la matière une substance dont l'inertiecl. par conséquent, la masse peut être rendue variablepar un moyen quelconque.

Or, c'est justement cette variabilité de la masse,c'est-à-dire de l'inertie, que l'on constate dans les par-ticules électriques émises par les corps radio-actifspendant leur désagrégation. La variabilité de celle pro-priété fondamentale nous permettra de dire que leséléments résultant de la dissociation des corps et quisont d'ailleurs si différents par leurs propriétés génô-

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176 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

raies des substances matérielles, forment une subs-tance intermédiaire entre la matière et l'éther.

Bien avant les théories actuelles sur la structuredu fluide électrique que, l'on suppose maintenantformé par la réunion d'atomes particuliers, onavait constaté qu'il possède de l'inertie, c'est-à-dire de la résistance au mouvement ou au chah-,gement de mouvement ; mais, dans ces dernierstemps seulement, on est arrivé à mesurer cetteinertie.

Les décharges oscillantes des bouteilles de Leydefurent un des premiers phénomènes qui révélèrent,l'inertie du fluide électrique. Ces décharges oscil-lantes sont comparables aux mouvements que, parsuite de son inertie, prend un liquide versé dans untube en U, avant d'atteindre sa position d'équilibre.C'est également en vertu de l'inertie que se produi-sent les phénomènes de self-induction.

Tant qu'on n'a pas su mesurer l'inertie des parti-cules électriques, il était permis de la supposer iden-tique à celle de la matière; dès qu'on a pu calculeileur vitesse d'après l'intensité de la force magnétiquenécessaire à les dévier de leur trajectoire, il futpossible de mesurer leur masse. C'est alors qu'on areconnu qu'elle variait avec la vitesse.

Les premières expériences sur ce sujet sont duesà Kaufmann et Abraham. En observant sur uneplaque photographique la déviation, sous l'influencod'un champ magnétique et d'un champ électriquesuperposés, des particules émises par un corps radio-actif, ils ont constaté que le rapport de la chargeélectrique e, transportée par une particule radio-active, à la masse m de cette particule, varie avec savitesse. Comme il n'est pas supposable que, dans cerapport, ce soit la charge qui change, il est évidentque c'est la masse qui varie.

La variation de la masse des particules avec leur

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PROPRIÉTÉS DES SUBSTANCES INTERMÉDIAIRES 177

vitesse est d'ailleurs d'accord avec la théorie électro-magnétique de la lumière et avait déjà été signaléepar divers auteurs, Larmor entre autre. Cette varia-tion de la masse suffirait à prouver que les substancesprésentant une telle propriété ne sont plus de lamatière. C'est pourquoi Kaufmann déduit de ses obser-

vations que l'électron dont se composent certainesémissions radio-actives « n'est autre chose qu'unecharge électrique, distribuée sous un volume ou unesurface de dimensions très petites ».

En mettant sous forme de. Courbe l'équationd'Abraham on voit très bien de quelle laçon la massedes éléments do matière dissociée varie avec leur

Fie. 20.

Courle traduisant une des propriétés fondvnenlaks de la substance intermé-diaire entre la matière pondérableet l'éllier impondérable. — La masse au lieud'tire une grandeur constante, comme celle de la matière, varie avec lavitesse

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178 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

vitesse. D'abord constante môme pour des vitessestrès grandes, elle augmente brusquement et tend trèsvite à devenir infinie dès qu'elle s'approche de lavitesse de la lumière 1.

Tant que la masse n'a pas atteint une vitesseégale à 20 % de celle de la lumière, c'est-à-dire nedépassant pas 60.000 kilomètres par seconde, sagrandeur représentée par 1 à l'origine, reste àpeu près constante (1,012). Quand la vitesse estégale à la moitié de celle de la lumière, soit150.000 kilomètres par seconde, la masse n'est encoreaccrue que de 1/10 (1,119). Quand la vitesse est égaleaux 3/4 do celle de la lumière, l'augmentation do lamasse est encoro très faible (1,369). Lorsque lavitesse est égale aux 9/10 de celle de la lumière, lamasse n'a pas encore tout à fait doublé (1,82); mais

i. Max Abraham a donné pour «primer ces variations l'équation suivanto :

ou ;«o représente la valeur do la masso éleclriquo pour de petites vitesses,

s = -, lo rapport do la vitesse q de celle masse à cclio c de la lurni6rc cl

Dans le but d'obtenir une représentation graphique do la variation de la masseen fonction de sa vitesse, j'ai mis l'équation piécédcnle sous une forme où le

rapport — apparaisse comme une fonction explicite du rapport s = - : on prendt*o c

pour abscisses les valeurs du rapport % = x et pour ordonnées les valeurs du

rapport — = y.

L'équation de la courbe devient alors :

L'horizontale y = 1 correspond à — = 1 cl représente la grandeur consumede la masse mécanique. Pour détacher plus.vile la courbe, j'ai adopté une échelledes ordonnées égale à 10 fois celle des abscisses. La réduction trop grande dela courbe nécessitée par lo format de ce livre a rendu les nombres peu lisibles.J'ai calculé les chiffres exprimant les variations do la masse en fonction dela vitesse avec 8 décimales. Les plus intéressants sont donné» dans le texte.

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PROPRIÉTÉS DES SUBSTANCES INTERMÉDIAIRES 179

dès que la vitesse atteint les 0,999 de celle de lalumière, la masse est sextuplée (6,678).

Nous sommes bien près de la vitesse de la lumièreet la masse n'a fait encore que sextupler, mais c'estmaintenant que les chiffres déduits de l'équation \-ontgrandir singulièrement. Pour que la masse de l'atomeélectrique devint 20 fois plus grande (20,49), il fau-drait que sa vitesse ne différât de celle de la lumièreque d'une fraction de millimètre. Pour que sa massedevint 100 fois plus grande, il faudrait que sa vitessene différât de celle de la lumière que d'une fractionde millimètre représentée par une fraction compre-nant 58 chiffres. Si enfin la vitesse de l'atome élec-trique devenait exactement égale à celle de la lumière,sa masse deviendrait théoriquement infinie.

Ces derniers résultats ne sontvérifiables par aucuneexpérience et ne sont évidemment qu'une extra-polation. Il ne faudrait pas cependant considérercomme absurde a priori l'existence d'une substancedont la masse augmenterait dans d'immenses propor-tions quand sa vitesse déjà très grande no varieraitque d'une faible fraction de millimètre. L'accroissementconsidérable d'un effet sous l'influence de la varia-tion très petite d'une cause s'observe dans beau-coup de lois physiques traduisibles par des courbesasymptoliques. Les variations immenses de grandeurde l'image d'un objet pour un déplacement très petitde cet objet quand il est très près du foyer principald'une lentille en fournissent un exemple. Supposonsqu'un objet soit placé à 1/10 de millimètre du foyerd'une lentille ayant 10 centimètres de foyer. L'équa-tion générale des lentilles nous montre que sonimago sera grandie millo fois. Si l'objet est rapprochéde 1/100 do millimètre, son image sera théoriquementgrandie cent mille fois. Si enfin l'objet est placé aufoyer môme do la lentille, son image sera théorique-ment infinie. Toutes les fois qu'une loi physique peut

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180 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

se traduire par des courbes analogues à la.précé-dente, la moindre variation de la variable entraînedes variations'extrêmement considérables de la fonc-tion dans le voisinage delà limite 1.

Laissant' de côté ces considérations théoriques etrevenant aux données do l'expérience, nous pouvonsdire ceci : les particules produites pendant la disso-ciation de la matière possèdent une propriété quiressemble à l'inertie et en ceci elles se rapprochentde la matière, mais cette inertie, au lieu d'être unegrandeur constante, varie avec la vitesse et, sur cepoint, les particules de matière dissociée se différen-cient nettement des atomes matériels.

L'étude des propriétés de l'inertie do ces élémentsentraine, on le voit, à les considérer comme quelquechose qui, sorti de la matière, possède des propriétésun peu voisines, mais cependant notablement diffé-rentes de celles dès atomes matériels. Représentantune des phases de la dématérialisation de la matière,,elles ne peuvent conserver qu'une partie des pro-.priétés de cette dernière.

Nous verrons dans un autre chapitre que le fluideélectrique possède également des propriétés intermé-diaires ehtre celles de la matière et celles de l'éthcr.

Quelques physiciens ont supposé, sans pouvoir,d'ailleurs, en fournir aucune preuve, que l'inertie de lamatière est duo aux particules électriques dont elleserait composée et par conséquent que toute l'iner-tie des substances matérielles serait entièrementd'origine électro-magnétique. Rien n'indique qu'on

i. Je ferai remarquer en passant, et celle observation explique bien desévénements historiques, que ce no sont pas seulement les phénomènes phy-siques, mais beaucoup Je phénomènes sociaux qui peuvent être également traduitspar des courbes jouissant des propriétés que nous venons de dire, tt où l'onvoit par conséquent les changements Iri3 petits d'une caus« produire des effet*1res grands. Cela tient & ce que, quind une cause agit longtemps dan? 'emémo sens, ses effets croissent en progression géométrique, alors que la causte varie qu'en progression arithmétique. Les causes sont les lo'jaiïllimcs deseiïeu.

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PROPRIÉTÉS DES SUBSTANCES INTERMÉDIAIRES 181

puisse identifier l'inertie matérielle avec celle desparticules de matière dissociée. La masse de ces der-nières n'est, en réalité, qu'une masse apparenterésultant simplement de son état de corps électriséen mouvement. Elles paraissent d'ailleurs avoir unemasse longitudinale (celle qui mesure l'opposition àl'accélération dans la direction du mouvement), diffé-rente de la masse transversale (celle perpendiculaireà la direction du mouvement). De toutes façons, ilest évident que les propriétés d'un élément de matièredissociée diffèrent considérablement de celles d'unatome matériel.

Par quoi donc sont constitués ces atomes supposésélectriques émis par tous les corps pendant leur dis-sociation?

La réponse à cette question fournit le lien cherchéentre le pondérable et l'impondérable.

Il est impossible, dans l'état actuel de la science,de pouvoir définir une particule dite électrique,mais au moins nous pouvons dire ceci :

Une substance ni solide, ni liquide, ni gazeuse, quine pèse pas, qui traverse les obstacles et qui n'a dopropriété commune avec la matière qu'une certaineinertie et encore une inertie variant avec la vitesse,se différencie très nettement do la matière. Elle sedifférencie aussi de l'éther, dont elle ne possède pasles alttributs. Elle forme donc une transition entreles deux.

Ainsi donc les effluves émanés des corps sponta-nément radio-actifs ou capables do le devenir, sousl'influence des causes si nombreuses que nous avonsdécrites, forment un lien entre la matière et l'éther.

Et puisque nous savons que ces effluves nopeuvent se produire sans perte définitive de matière,nous sommes fondés à dire que la dissociation de la.matière réalise d'une incontestable façon la transfor-mation du pondérable en impondérable.

tG

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182 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Cette transformation, si contraire à toutes les idées

que la science nous avait léguées, est cependant undes phénomènes les plus fréquents de la nature. Elle

se produit journellement sous nos yeux, mais commeon ne possédait jadis aucun réactif pour la constater,on ne l'avait pas vue.

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CHAPITRE II,'i

L'électricité considérée comme une substancedemi-matérielle engendrée

par la dématérialisation de la matière.

§ I. — LES PHÉNOMÈNES RADIO-ACTIFS ET LES PHÉNOMÈNESÉLECTRIQUES.

En poursuivant nos recherches sur la dissociationde la matière, nous avons été progressivementamenés, par l'enchaînement des expériences, à recon-naître que l'électricité, dont l'origine était si ignorée,représentait un des plus importants produits de ladissociation do la matière et, par conséquent, pouvaitêtre considérée comme une manifestation de l'énergieinlra-atomique libérée par la dissociation des atomes.

Nous avons vu dans le chapitre précédent que lesparticules provenant des corps radio-actifs consti-tuaient une substance dérivée de la matière et possé-dant des propriétés intermédiaires entre la matièreet l'ôther. Nous allons voir maintenant que les produitsde la dissociation de la matière sont identiques à ceuxqui se dégagent des machines électriques de noslaboratoires. Cette généralisation bien établie, l'élec-tricité tout entière, et non pas seulement quelques-unes de ses formes, nous apparaîtra comme le lienvéritable entre le monde do la matiôro et celui dol'ôther.

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184 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Nous savons que les produits de la dissociation detous les corps sont identiques et différent seulementparla puissance de leur pouvoir de pénétration résultantde leurs différences de vitesse. Nous avons constatéqu'ils se composent : 1° d'ions positifs volumineux àtoutes les pressions et comprenant toujours dans leurstructure des parties matérielles; 2° d'ions négatifsformés d'atomes électriques dits électrons, qui peu-vent s'entourer dans l'atmosphère de particulesneutres matérielles; 3l d'électrons dégagés de toutélément matériel et pouvant créer par leur choc,quand leur vitesse est suffisante, des rayons X.

Ces éléments divers sont engendrés par tous lescorps qui se dissocient et notamment par les subs-tances spontanément radio-aclives. On les retrouveavec des propriétés identiques dans les produits pro-venant des tubes de Crookes, c'est-à-dire des tubesdans lesquels on envoie des décharges électriques,après y avoir fait le vide. La seule différence existantentre un tube de Crookes en action et un corpsradio-actif se dissociant est, comme nous l'avonsdéjà vu, que le second produit spontanément,c'est-à-dire sous l'influence d'actions inconnues,ce que le premier produit seulement sous l'influencede décharges électriques.

Ainsi donc l'électricité, sous des formes diverses, seretrouve toujours comme produit ultime de la disso-ciation do la matière quel que soit le procédé employépour sa dissociation. C'est ce fait d'expérience quinous a déterminé à rechercher si d'une façon géné-rale l'électricité engendrée par un moyen quel-conque, une machine statique par exemple, ne seraitpas simplement une des formes de la dissociation dela matière.

Mais si l'analogie entre un tube de Crookes et uncorps radio-actif a fini par devenir si évidente qu'ellen'est plus contestée, il était moins facile d'établir

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L'ÉLECTRICITÉ ENGENDRÉE PAR LA DÉMATÉRIALISATION 185

l'analogie entre les phénomènes qui se passent dansle même tube et les décharges électriques dans l'air àla pression ordinaire. Ce sont pourtant deux chosesidentiques, bien que leur aspect diflère. Nous allonsle montrer maintenant.

Lorsque deux tiges métalliques en relation avecles pôles d'un générateur d'électricité se trouvent àune petite distance l'un de l'autre, les deux fluidesélectriques de nom contraire dont elles sont char-gées tendent à se recombiner en vertu de leursattractions. Dès que la tension électrique est devenuesuffisante pour surmonter la résistance de l'air, ils serecombinent violemment en produisant de bruyantesétincelles.

L'air, en raison de ses propriétés isolantes, présenteune grande résistance au passage de l'électricité, maissi nous supprimons cette résistance en introduisantles deux électrodes dont il vient d'être question dansun ballon où on a fait le vide, les phénomènes seronttrès différents. Mais en réalité rien n'a été créé dans létube. Tout ce qu'on y trouve, ions et électrons rési-dait déjà dans l'électricité qui y fut introduite. Toutau plus peut-il s'y former de nouveaux électrons pro-venant du choc de ceux venus de la source électriquecontre les particules de gaz raréfié que contientencore le tube.

Si les effets obtenus par une décharge dans un tubevide sont fort différents de ceux produits par la mêmedécharge dans un tube plein d'air, c'est que dans levide, les particules électriques ne sont pas gênées parles molécules d'air entravant leur marche. Dans levide seul les électrons peuvent prendre la vitessenécessaire pour produire les rayons X quand ilsviennent frapper les parois du tube.

De toutes façons, je le répète, ions et électrons nese sont pas formés dans le tube vide, ils ont élôapportés du dehors. Ce sont des éléments produits

16.

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186 L'ÉVOLUTION DE E.V M'ATIÈDE

par le générateur de l'électricité. Ce n'est pas' dans letube de Crookes que la matière se dissocie, elle y estamenée déjà dissociée.

S'il en est réellement ainsi nous devons retrouverdans les décharges électriques produites dans l'airpar une machine électrique, les éléments divers —ions et électrons — dont nous avons constaté l'exis-tence dans l'ampoule de Crookes et que nous savonsêtre engendres également par les corps radio-actifs.

Eludions donc l'électricité telle qu'elle est fourniepar les machines statiques de nos laboratoires. Nouspourrions. prendre comme type des générateursd'électricilé:le plus simple de tous, un bâton de verreou de résine fiviL1» donnant de l'électricité sous unetension de 2 à '3.000 volts, mais son emploi seraitincommode pour plusieurs expériences. La plupartdes machines électriques des laboratoires ne diffè-rent d'ailleurs de cet appareil élémentaire que parla plus grande surface que présente le corps frotté etparce qu'il est possible à l'aide de divers artifices derecueillir séparément l'électricité positive et néga-tive à deux extrémités différentes nommées pôles.

Dans ce qui va suivre, nous nous occuperons uni-quement de l'électricité produite par les machinesélectriques à frottement. Celle qu'engendrent lespiles et l'induction est identique, mais son étude nousentraînerait trop loin.

L'électricité sortant d'une machine statique possèded'ailleurs au point de vue qui nous occupe un avantageconsidérable. Son débit est très faiL!<:, mais l'électri-cité en sort sous une tension extrêmement élevéepouvant facilement dépasser 50.000 volts.

C'est précisément cette circonstance qui nous per-mettra de montrer dans les particules électriquesprojetées par les pôles isolés d'une machine statiqueune analogie étroite avec les particules émises parles corps radio-actifs. L'électricité des piles est évi-

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L'ÉLECTRICITÉ ENGENDRÉE PAR LA DÉMATÉRIALISATION 187

demment identique à celle des machines statiques,mais comme elle n'en sort que sous une tension dequelques volts, elle ne saurait produire les mômeseffets de projection.

Il est probable aussi que le frottement sur lequelles anciennes machines statiques sont fondées cons-titue un moyen de dissociation de l'atome et, parconséquent, met en jeu l'énergie intra-atomique.Cette dernière n'agit pas sans doute dans la disso-ciation moléculaire des corps composés sur lesquelsles piles sont basées, et c'est vraisemblablement pour-

quoi l'électricité en sorten quantité très grande,mais sous une tensiontrès faible dépassant àpeine 2 volts pour lesmeilleures piles. Si ledébitd'une machine sta-

; tique pouvait atteindrecelui d'une petite pileordinaire, ce serait unagent excessivementpuissant capable de produire un travail indus-triel énorme.Supposonsqu'une machine élec-

trique mue à la main, et donnant de 1 électricité sousune tension de 50.000 volts, ait seulement un débitde 2 ampères, c'est-à-dire celui de la plus modestepile, son rendement représenterait un travail de100.000 watts, soit 136 chevaux-vapeur par seconde.Etant donné qu'une libération d'énergie considérablerésulte de la dissociation d'une très faible quantité dematière, on peut considérer comme possible lafuture création d'une telle machine, c'est-à-dire d'unappareil fournissant un travail extrêmement supérieurà celui dépensé pour le mettre en mouvement. C'est

Fie. 21. — Vue en projection du rayonne-ment des particules électriques d'un seulpôle. (F'hotographie instantanée).

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188 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

un problème dont l'énoncé eût paru tout à faitabsurde,' il y a seulement une dizaine d'années. Pourle résoudre, il suffirait de trouver le moyen de mettrela matiôro dans un.état où elle se dissocie faci-lement ; or, nous verrons qu'un simple rayon desoleil est un agent actif de cette dissociation. Il estprobable qu'on en découvrira bien d'autres.

Examinons maintenant notre machine électrique ordi-naire en fonction et recherchons ce qui s'en dégage •

Si les tiges terminales formant les pôles sont fortécartées, on perçoit à, leur extrémité des gerbes detrès petites étin-celles nommées ai-grettes (fig. 21 et 22)qui se dégagent avecun bruissement ca-ractéristique. Dansla production de ceséléments réside lephénomène fonda-mental. C'est enexaminantleurcom-position qu'on cons-tate les analogiesqui existent entre lesproduits des corpsradio-actifs, destubes de Crookes etceux d'une machineélectrique.

Les effets obte-nus avec les éléments qui sortentdes pôles varientsuivant la façon de disposer ces pôles, et c'est cequ'il importe de rappeler tout d'abord.

Si nous réunissons les deux pôles par un fil delongueur quelconque, dans le circuit duquel nousintercalerons un galvanomètre, la déviation de

FIG. 22. — Photographiedes aigrette* produitespar tes particules électriques qu'émet un despôles d'une machine statique.

FIG. 23. — Particules électriques positives etnégatives forméesaux dentpôles et l'attirant.

Fir.. 24. — Concentrationdes particules élec-triques en un petit nombre de lignes d'oùrésulte la décharge sous forme d'étincelles.

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L'ÉLECTRICITÉ ENGENDRÉE PAR LA DÉMATÉRIALISATION 189

de l'aiguille aimantée de ce dernier nous révélerala production silencieuse et invisible de ce qu'onappelle un-courant électrique. 11 est identique à celuiqui sillonne nos lignes télégraphiques et est cons-titué par un fluide formé, d'après les idées actuelles,de la réunion des particules électriques dites électronsque la machine engendre constamment.

Au lieu de relier les pôles par un fil, rapprochons-les un peu, mais en maintenant entre eux cependantune certaine distance. Les éléments électriques denoms contraires s'attirant, les aigrettes dont nousavons déjà constaté l'existence s'allongent considéra-blement et, avec une machine un peu puissante, onles voit former dans l'obscurité un nuage de parti-cules lumineuses reliant les deux pôles (fig. 23).

Si nous rapprochons un peu plus les pôles, ou si,sans les rapprocher, nous augmentons la tensionde l'électricité au moyen d'un condensateur, lesattractions entre les particules électriques de nomscontraires deviennent beaucoup plus énergiques. Cesparticules se condensent alors sur un petit nombre delignes ou sur une seule ligne, et la recombinaisondes deux fluides électriques se fait sous forme dolongues étincelles étroites, bruyantes et lumineuses(fig. 24). Ce sont toujours les mômes éléments queprécédemment qui les constituent, car la distanceentre les pôles ou l'élévation de la tension sont lesseuls facteurs que nous ayons fait varier.

Los divers effets que nous venons de décrire sontnaturellement fort différents de ceux observés quandla décharge électrique se fait dans un ballon où l'aira été plus ou moins raréfié. L'absence de l'air produitces différences, mais ce gaz n'exerce aucune actionsur les éléments électriques dégagés par les générateurs d'électricité. En quoi consistent ces éléments?

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190 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

I 3.- COMPOSITION ET PROPRIÉTÉS DES ÉLÉMENTS ÉMIS

PAR LES POUS D'UNE MACHINE ÉLECTRIQUE.

LEUR ANALOQIE AVEC LES ÉMISSIONS UE8 CORPS RADIO-ACTIFS-

Pour analyser ces éléments, il faut les étudier avantla recombinaison des particules électriques, c'est-à-diro quand les pôles sont entièrement écartés et pro-duisent les aigrettes signalées plus haut.

Nous retrouverons chez elles les propriétés fonda-•mentales des émissions des corps radio-actifs,

notamment celles de rendre l'air conducteur del'électricité et d'être déviées par un champ magné-tique. Du pôle positif de la machine partent desions positifs. Du polo négatif partent ces atomesd'électricité puro de grandeur définie nommés élec-trons, mais contrairement à ce qui se passe dans levide, ces électrons deviennent immédiatement uncentre d'attraction do particules gazeuses et" se trans-forment en ions négatifs identiques à ceux qui. soproduisent dans l'ionisation des gaz et dans toutes lesformes d'ionisation.

Ces émissionsd'ions s'accompagnentdo phénomènessecondaires, chaleur, lumière, etc., que nous exami-nerons plus loin. Ils s'accompagnent aussi d'une pro-jection de poussières arrachées au métal des pôles,dont la vitesse peut atteindre, d'après J.-J. Thomson,1.80Ô mètres par seconde, c'est-à-dire à peu près ledouble de celle d'un boulet de canon.

La vitesse de projection des ions dont, l'ensembleconstitue les aigrettes des pôles d'une machine sta-tique dépend naturellement de la tension électrique.En l'élevant à plusieurs centaines de milliers de voltsavec un résonateur de haute fréquence, j'ai puobliger les particules électriques des aigrettes à tra-verservisiblement (fig. 25 et 26) et sans aucune dévia-

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L'J';I.KCTRICITK J;NGI;NDIU:;I: I«AU LA DÉMATKIIIALISATION 191

lion des lames de corps isolants de 1/2 millimètred'épaisseur. C'est une expérience faite autrefois avecla collaboration du l)r Oudin et que j'ai déjà publiéeavec photographies à l'appui. On trouvera dans lapartie expérimentale de ce livre les indications tech-niques nécessaires pour la répéter. Elle a peu frappéles physiciens malgré son importance, et bien que cefût la première fois qu'on eût réussi à faire traverservisiblement de la matière par des atomes électriques.En plaçant une lame de verre entre les pôles rap-prochés d'une bobine d'induction, on arrive facile-ment à la percer, comme on le sait depuis longtemps,mais c'est là une simple action mécanique. Lesaigrettes, dans notre expérience, traversent les corpssans les altérer, absolument comme le ferait lalumière. Les photographies suffisent à montrer qu'ilne s'agit nullement d'un effet de condensation.

L'émission par les pôles d'une machine élec-trique d'électrons, bientôt transformés en ions, s'ac-compagne de phénomènes divers que l'on retrouvedans les corps radio-actifs sous des formes peu diffé-rentes.

Pour les étudier, il est préférable de terminer lespôles de la machine par des pointes. On constate alorsfacilement que ce qui sort d'une pointe élecîrisée estidentique à ce qui sort d'un corps radio-actif.

La seule difiérence réelle est que la pointe ne pro-duit pas.de rayons X à la pression ordinaire. Quandon veut observer ces derniers il faut relier la pointeavec un conducteur permettant d'opérer la déchargedans un ballon où on a fait le vide. Dans ce cas, laproduction des rayons X est assez abondante pourrendre visible sur un écran de platino-cyanure debaryum, le squelette de la main, môme en ne seservant que d'un seul pôle.

La non production de rayons X à la pression ordi-naire est d'ailleurs conforme à la théorie. Les

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fie. 25. — ramage visible à travers un obstacle matériel formé d'une lame de terre ou d'ibo-nite, des effluve} produits par la dêmatérialisatton de la matière. On a pointillé les effluves

comme ils ;e montrent Si l'oeil. I.a figure suivante représente la photographie du phéno-mène. Le pointillé a disparu par suite de la nécessité de prolonger la pose photographique.

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L'ÉLECTRICITÉ ENGENDRÉE PAR LA DÉMATÉRIALISATION i93

rayons X no naissent que par le choc d'électrons possé-dant une grande vitesse. Or, les électrons formésdans un milieu gazeux à la nression almosidiérinuo

se transformantimmédiatement,

en ions, par l'ad-jonction d'un cor-tège Je particulesneutres, ne peu-vent, par suite docette surcharge,garder la vitessenécessaire pourengendrer lesrayons X.

En dehors docette propriétéd'engendrer desrayons X que nepossèdent pas,d'ailleurs, tousles corps radio-actifs

,les parti-

cules qui se déga-gent d'une pointeélectriséc sonttout à fait com-narables à celles

résultant de la dissociation des atomes ue tous lescorps.

Elles rendent, en effet, l'air conducteur de l'électri-cité ainsi que Branly l'avait montré depuis longtempset sont, comme l'a prouvé J. J. Thomson, déviées parun champ magnétique.

•La projection des particules de matière dissociée,c'est-à-dire des ions, contre les molécules de l'airproduit ce nu'on appelle le vent électrique, avec lequel

Fie. 2G.Photographiedes eflluves provenant de, la dimali-

rialisation de la matière pendant leur passageà travers un obstacle matériel : lame de verre.

outTéùoHtle.

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194 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

on peut éteindre une lampe, faire fonctionner un tour-niquet, etc. Il n'est nullement dû, comme on lerépète dans tous les traités de physique, à l'élcctrisa-tion des particules de l'air, car un ^az ne peut êtreéleclrisé par aucun moyen, sauf quand on le décom-pose. C'est l'énergie cinétique des ions transmise auxmolécules de l'air qui cause le déplacement do cesdernières.

Les ions qu'émettent les pointes par lesquelles nousavons terminé les pôles d'une machine électriquepeuvent produire des effets de fluorescence très ana-logues à ceux observés avec le radium. Us permettentd'imiter les effets du spinthariscope qui rend visiblela dissociation de la matière. 11 suffit, suivant les indi-cations de M. Leduc, de rapprocher dans l'obscurité,à quelques centimètres d'un écran de platino-cyanurcde baryum, une tige terminée par une pointe très fineen relation avec un des pôles, — le pôle positif depréférence, — d'une machine statique, l'autre pôleétant à la terre. Si on observe alors l'écran à laloupe, on constate exactement la môme pluie de finesétincelles que, dans le spinthariscope, et la cause enest probablement identique.

Les ions qui sortent des pôles d'une machine sta-tique ne sont pas en général très pénétrants, — pasplus d'ailleurs que les ions a qui forment les 09 %de l'émission du radium. Cependant j'ai pu obtenirdes impressions photographiques très nettes à traversune feuille de papier noir en élevant suffisammentla tension électrique (fig. 27). Il suffit de placerl'objet à reproduire, une médaille par exemple, au-dessus d'une plaque photographique posée sur unefeuille de métal en relation avec un des pôles, tandisque, au-dessus de la médaille, se trouve une tigecommuniquant avec l'autre pôle. Quelques petitesétincelles suffisent. On ne peut attribuer la repro-duction ainsi obtenue à la lumière ultra-violette que

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L'ÉLECTRICITÉ ENGENDRÉE PAR LA DÉMATÉRIALISAT10N 195

la décharge produit, puisque la médaille est séparéede la plaque par une feuille de papier noir et que,dans ces conditions, il est évident qu'aucune lumièrevisible ou invisible n'arriveraità produire une impres-sion des détails de la médaille. Le phénomène estd'ailleurs très complexe et sa discussion complèteentraînerait trop loin. C'est pourquoije n'y insiste pas.

Les ions émis par les pointes électrisées s'accom-

pagnent le plus souvent d'émission de lumière, phé-nomène observé également dans certains corps radio-actifs. Le spectre de cette lumière est singulière-ment étendu. Il va, en effet, d'après mes recherches,depuis des ondes hertziennes n'ayant pas plus de2 ou 3 millimètres de longueur jusqu'à des ondesultra-violettes dont la longueur est inférieure àX = 0 \J. 230. Si on donnait un centimètre de longueur-à un spectre solaire de diffraction, le spectre despointes électrisées aurait à la.môme échelle 30 mètresenviron de longueur.

Fie. 27. — Impressions produites par les ions issus d'unepointe électrist'c à Irarers mie feuille de papier noir.

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196 I/KVOLUTION DE LA MATIÈRE

La production de lumière ultra-violette dans lesspectres d'étincelles électriques est connue et utiliséedepuis fort longtemps, mais c'est, je crois, M. Leducqui l'a signalée pour la première fois dans lesaigrettes des pointes.

Il me restait cependant un doute sur son existence.Dans toute la région environnant une pointo élcc-trisée existe un champ électrique intense, capabled'illuminer, à une distance assez grande, un tube rieGcissler, et capable peut-être aussi d'illuminer lescorps fluorescents. Il fallait donc éliminer sonaction.

Pour séparer l'action de Pultra-violct de celle pou-vant être fine à un champ électrique, j'ai utilisé unegrande machine à i2 plateaux du Dr Oudin dont l'ac-tion est tellement puissante que les aigrettes pro-duites peuvent, à plusieurs mètres, illuminer unécran de plalino-cyanure de baryum ou un tube deGcissler.

La séparation de l'action du champ électrique decelle de la lumière ultra-violette a été faite d'unefaçon catégorique par l'expérience suivante réaliséeavec le concours du Dr Oudin.

On introduit dans une cage de bois enveloppée degaze métallique, reliée à la terre, — de façon à suppri-mer toute action électrique, — des tubes de Gcissler,et des lames de métal sur lesquelles on a tracé deslettres avec du platino-cyanure do baryum broyédans une solution de gomme arabique. On constatealors que les tubes de Gcissler qui, à côté de la cage,brillent vivement, cessent entièrement d'être lumi-neux, lorsqu'ils sont placés dans son intérieur, alors,au contraire, que les lettres tracées avec le platino-cyanure mises dans la cage métallique continuent àbriller. L'illumination de ces dernières est donc bienduc uniquement à la lumière ultra-violette.

Il résulte de ce qui précède que la formation

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L'ÉLECTRICITÉ ENGENDRER PAR LA DIMATÉRIALISATION 197

d'aigrettes électriques s'accompagne d'une productionénorme de lumière invisible. Avec un résonateurde haute fréquence, sa quantité est telle que l'illumi-nation du platino-cyanure se produit jusqu'à plus decinq mètres.

Je n'ai pas à rechercher ici comment agit la lumièreultra-violette sur les corps fluorescents. On admet,depuis Stokes, que la fluorescence provient de latransformation des ondes ultra-violettes invisibles enondes plus grandes et pour cette raison visibles. Maisje ferai remarquer en passant qu'il serait peut-êtreplus simple de supposer la fluorescence due à laproduction — sous l'influence de la lumière ultra-violette, dont l'action ionisante énergique est bienconnue — de petites décharges électriques atomiquesdes corps que leur structure rend susceptibles dofluorescence.

Pour déterminer les limites de l'ultra-violet produitdans les expériences précédentes, j'ai fait usage dedivers écrans placés sur le platino-cyanure et dontj'avais préalablement déterminé la transparence auspectrographedans des recherchesantérieures.L'ultra-violet actif, c'est-à-dire capable de produire la fluo-rescence, s'étend jusqu'à A=0J/,230 environ.

Mais une pointe électrisée qui se décharge n'est passeulement une source de lumière ultra-violette, elleémet aussi des ondes hertziennes, ce qu'on ignoraitabsolument avant mes recherches. J'ai indiqué dans lapartie expérimentale de cet oui rage, les moyensemployés pour les révéler. En ra ison de leur faiblelongueur qui no dépasse probabl rnient pas 2 milli-mètres, elles ne se propagent guère à plus de 40 ou50 centimètres1.

1. L'onde hertzienne qui accompagne toujours les étincelles électriques n'estplus de l'électricité mais un phénomène vibratoire de 1 ether et elle paraît nedifférer de la lumière que par la longueur d'onde. Sortie de l'électricité elle peutcependant reprendre la forme électrique ordinaire uand elle vient à toucher UQ

17.

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198 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Cclto production d'ondes hertziennes, de lumièrevisible et de lumière ultra-violette invisible, compagnesconstantes do toutes les émissions de particules élec-triques, doit être retenue, car elle nous fournira plustard la clef du processus final de la transformation de lamatière en vibrations de Tel lier, lorsque nous abor-derons cette question dans un autre chapitre.

Comme résumé de ce qui précède, nous pouvonsdire qu'un corps électrisô par un moyen quelconque,le frottement, notamment, est simplement un corpsdont les atomes ont subi un commencement do disso-ciation. Si les produits de cette dissociation sont émisdans le vide, ils sont identiques à ceux qu'engendrentles substances radio-actives. S'ils sont émis dans l'air,ils possèdent des propriétés qui ne diffèrent de cellesdes émissions radio-aclives qu'en ce que leur vitesseest moindre.

Envisagée à ce point de vue, l'électricité nous appa-raît comme une des plus importantes phases de ladématérialisation de la matière, et, par conséquent,comme une forme particulière de l'énergie intra-alo-mique. Elle constitue par ses propriétés une subs-tance demi-matérielle intermédiaire entre la matièreet l'éllier.

corps. Elle lui communique alors une charge conslalable à l'élcclroscopc cl peutproduire des étincelles. C'est intima sur ce dernier phénomène que Hertz s'estbasé pour découvrir l'existence des ondes qui portent son nom.

Il y a entre l'onde hertzienne et l'électricité une différence de même ordrequ'entre la chaleur rayonnante et la chaleur par conduction que l'on confondaitautrefois. Ce sont deux phénomènes fort différents puisque l'un se passe dansla matière, l'autre dans l'éther. Ils peuvent cependant se transformerégalementl'un dans l'autre. Un corps'chauffé émet des ondes dans l'clher analogues acelles que produit une pierre lancée dans l'eau. Ces ondes, en frapipant unesubstan:e matérielle, sont absorbées par elle et se transforment en chaleur. I)esque la sublance matérielle est échauffée elle rayonne aussitôt dans l'éther desondes calorifiques, de même que l'onde hertzienne en touchant un corps l'élec-Uisc et lui donne la facullé d'émettre, à son tour, d'autres onde3 hertziennes.

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CHAPITRE III

Comparaison des propriétés du fluide électriqueet des fluides matériels.

Nous avons fait voir que les particules électriqueset le fluide qu'elles forment par leur réunion possè-dent une inertie d'une nature spéciale différent decelle de la matière et qui, jointe à d'autres propriétés,permet de considérer l'électricité sous toutes sesformes comme composant un monde intermédiaireentre la matière et l'élhcr.

Les propriétés de ce monde intermédiaire, nousallons les retrouver encore en comparant les lois del'écoulement des fluides matériels à celles qui régis-sent la distribution du fluide électrique.

Les différences entre ces divers fluides sont tropvisibles pour qu'il soit nécessaire de les indiquer lon-guement. Le fluide électrique est d'une mobilité quilui permet de circuler dans un fil métallique avec lavitesse de la lumière, ce que ne pourrait aucune subs-tance matérielle. Il échappe aux lois de la gravitation,alors que les équilibres des fluides matériels sont régispar ces seules lois, etc.

Les différences sont donc très grandes, mais lesanalogies le sont également. La plus remarquable estconstituée par l'identité des lois qui régissent l'écoule-mentdes fluides matérielset du fluide électrique.Quand

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200 L EVOLUTION DE LA MATIERE

on connaît les premières on connaît les secondes.Cette identité qui a mis assez longtemps à s'éta-

blir, est devenue classique aujourd'hui. Les traitésles plus élémentaires insistent à chaque page surl'assimilation qu'on peut établir entre la distributionde l'électricité et celle des liquides. Ils ont soin néan-moins de faire ; marquer que cette assimilation estsymbolique e». ao s'applique pas à tous les cas. En yregardant d'un peu plus près il a fallu cependant recon-naître qu'il ne s'agissait nullement d'une simple assi-milation. Dans un travail récent1, le savant mathéma-ticien Bjerkness a montré qu'il suffit d'employer uncertain système d'unités électriques pour que « lesformules électriques et magnétiques deviennent iden-tiques aux formules hydrodynamiques ».

Quelques exemples mettront de suite en évidencela similitude de ces lois. Pour leur donner plus d'auto-rité je les emprunte à un travail de Cornu publié ily a quelques années8.

Il fait d'abord remarquer que la loi fondamentale

de l'électricité, celle de Ohm (i= -\ aurait pu être

déduite du mouvement des liquides dans les tuyauxde conduite dont les propriétés étaient connuesdepuis longtempsdes ingénieurs.

Voici d'ailleurs, pour les cas les plus importants,la comparaison des lois régissant ces divers phéno-mènes. Une des deux colonnes s'applique aux fluidesmatériels, l'autre au fluide électrique.

Le débit d'un liquide dansl'unité do temps, par un tubede commuacation, est pro-portionnel à la différence deniveau et en raison inverse dela résistance du tube.

L'intensité d'un courant dansun fil donné est proportion-nelle à la différence de potentielexistant entre les deux extré-mités et en raison inverse de larésistance.

i. BJEMLUSS. Les actions hydrodynamiquesà distance.2. CORSU. Cerrélation des vhinomtius d'électricité statique et dynamique.

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COMPARAISON DES PROPRIETES DES FLUIDES 201

Dans la chute d'un liquide àtravers un tube de communica-tion d'un niveau donné à unautre niveau également fixe, lotravail disponible est égal auproduit de la quantité de liquidepar la. différence de niveau.

La hauteur du niveau dansun vase croit proportionnelle-ment à la quantité de liquideversé et en raison inverse de lasection du vase.

Deux vases remplisde liquide,mis en communication conve-nable, sont en équilibre hydros-tatique, lorsque leurs niveauxsont les mômes.

La quantité totale de liquidese partage alors proportionnel-lement aux capacités des vases.

Dans le passage à travers unfil de l'électricité d'un potentieldonné à un autre potentiel éga-lement fixe, le travail disponibledes forces électriques est égalau produit de la quantité d'e-lectricité par la différence de.potentiel (chute) d'électricité.

Le potentiel électrique d'unconducteur croît proportionnel--lement à la quantité d'électricitécédée (charge) et en raison in-verse de la capacité du conduc-teur.

Deux conducteurs électrisésmis en communication sont enéquilibre électrostatique lorsqueleurs potentiels sont les mômes.

La charge électrique totalose partage alors proportionnel-lement aux capacités des con-ducteurs.

Cornu, qui a multiplié ces analogies beaucoup plusque je ne viens de le faire, a soin de rappeler que cesont là des assimilations d'un usage courant dans lapratique, « une canalisation électrique doit êtretraitée comme une distribution d'eau : en chaquepoint du réseau il faut assurer la pression nécessaireau débit ».

Tous les phénomènes précédents observés avec lefluide électrique aussi bien qu'avec les fluides maté-riels, sont le résultat de perturbations d'équilibre d'unfluide qui obéit à certaines lois pour reprendre sonéquilibre.

Les perturbations d'équilibre'produisant les phéno-mènes électriques se manifestent lorsque, par unmoyen quelconque, le frottement par exemple, onarrive à séparer les deux éléments, positif et négatif,dont on suppose formé le fluide électrique. Le réta-

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202 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

blissement de l'isuilibre est caractérisé par la recom-binaison de ces deux éléments.

Il n'y a, comme je l'ai dit déjà, que les phéno-mènes résultant de perturbations d'équilibre quinous soient accessibles. Le fluide électrique neutre,c'est-à-dire le fluide électrique n'ayant subi aucunchangement d'équilibre, est une chose dont on peutsupposer l'existence, mais qu'aucun réactif ne révèle.Il est cependant naturel de croire qu'il a une exis-tence aussi réelle que celle de l'eau renfermée dansdes réservoirs entre lesquels ne se trouve aucunedénivellation susceptible de produire un effet méca-nique, révélateur de la présence du liquide. Ce quenous appelons électricité, provient uniquement desphénomènes résultant du déplacement du fluide ditélectrique ou doses éléments.

Nous venons de montrer que l'électricité en mou-vement se conduit comme un fluide matériel ; maispourquoi ces deux substances, évidemment si diffé-rentes, obéissent-elles aux mêmes lois ? L'analogiedes effets indiquerait-elle l'analogie des causes ?

Nous savons qu'il n'eu est rien. La pesanteur estsans action appréciable sur l'électricité, alors qu'elleest l'unique raison des lois de l'écoulement des li-quides. Si un liquide passe d'un niveau supérieur àun niveau inférieur, c'est qu'il obéit à la gravitation,ce qui n'est pas du tout le cas de l'électricité. Lepotentiel d'une chute d'eau, c'est-à-dire la différencede hauteur entre son point de départ et son pointd'arrivée, est dû tout entier à la pesanteur et si del'eau emmagasinée à une certaine hauteur représentede l'énergie, c'est qu'elle est attirée vers le centre dela terre, attraction à laquelle les parois qui l'empri-sonnent l'empêchent seules d'obéir. Quand on laisse leliquide s'écouler en perçant le réservoir, sa chuteproduit, par suite de l'attraction terrestre, un travailcorrespondant à celui employé pour l'élever. Arrive

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COMPARAISON DES PROPRIÉTÉS DES FLUIDES 203

à la surface du sol il ne pourra plus produire detravail.

Si la gravitation qui détermine l'écoulement desliquides est entièrement étrangère aux phénomènesconstatés dans la circulation du fluide électrique,quelle est leur cause?

Nous savons que celle cause agit exactement commela gravitation,mais que, forcément, elle en diffère. Bienque sa nature intime soit inconnue ; nous pouvonsla pressentir, puisque l'observation enseigne que lefluide électrique, en vertu de la répulsion réciproquede ses molécules, présente cette espèce de tendanceà l'expansion nommée tension. C'est cette tensionqui agit comme la gravitation. Et on ne trouvera passurprenant qu'elle agisse .d'une façon identique si onse souvient que tous les modes d'énergie, se présen-tant sous forme de quantité et de tension, obéissentaux mêmes lois générales.

Nous voyons donc se poursuivre les analogies —tantôt rapprochées, tantôt lointaines — entre leschoses matérielles et celles qui ne le sont plus. C'estprécisémentà la nature intermédiaire de ces dernièresentre l'éther et la matière, que sont dues les diffé-rences et les ressemblances constatées.

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CHAPITRE IV

Les mouvements, des particules électriques.Théorie moderne de l'Électricité.

Nous venons de montrer les analogies du fluideélectrique et des fluides matériels et constaté que leslois de leur distribution sont identiques.

Ces analogies deviennent très faibles et mêmefinissent par s'évanouir quand au lieu d'examinerl'électricité à l'état de fluide, on étudie les propriétésdes éléments dont ce fluide parait formé. On sait que,d'après les idées actuelles, il se composerait de par-ticules dites électrons.

Cette conception de la structure discontinue, c'est-a-diro granulaire do l'électricité, qui remonte àFaraday et Helmholtz, a trouvé un grand appui dai:sles découvertes récentes.

Convenablement interprétée, elle nous permettra derapprocher dans une vue d'ensemble, non seulementles phénomènes dits radio-actifs, mais encore ceuxantérieurementeonnusen électricité et en optique, telsque le courant voltaïque, le magnétisme et la lumièrenotamment. La plupart de ces phénomènes peuventêtre produits par de simples changements d'équilibreet do mouvement des particules électriques, c'est-à-dire par des déplacements d'une même chose. C'estce que nous allons maintenant montrer.

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MOUVEMENTS DES PARTICULES ÉLECTRIQUES 205

Au lieu d'envisager un atome électrique ou élec-tron, corps hypothétique, nous le remplacerons, pourla majorité des cas, par une petite sphère métal-lique électrisée. Cette simple substitution, qui nemodifie pas la théorie, a l'avantage de rendre possibleles vérifications expérimentales.

Suivant que cette sphère sera en repos, en mouve-ment ou arrêtée dans son mouvement, elle pourra,comme nous allons le voir, produire toute la sériedes phénomènes électriques et lumineux.

Prenons donc notre petite sphère métallique, isoléepar un moyen quelconque, et commençons parl'électriser. Rien n'est plus simple, puisqu'il suffit dela mettre en contact avec une substance hétérogène.Deux métaux diiFérents, séparés après s'être touchés,restent comme on le sait chargés d'électricité. L'éiec-trisation par frottement sur lequel les anciennesmachines étaient basées ne représente qu'un cas par-ticulier de l'électrisation par contact. Le frottementne fait, en effet, que multiplier et renouveler les sur-faces hétérogènes en présence.

Ceci posé, éloignons un peu notre sphère élec-trisée du corps avec lequel elle avait été d'abordmise en contact. On constate alors par divers moyensqu'elle lui est reliée pas des lignes dites de forceauxquelles J.-J. Thomson attribue une structurefibreuse. Ces lignes tendent à rapprocher les corpsentre lesquels elles existent et jouissent de la pro-priété de se repousser 1. Faraday les comparait à desressorts tendus entre les corps. Ce serait l'extrémitéde ces ressorts qui constituerait les charges élec-triques.

Eloignons maintenant à une grande distance notresphère de la substance qui a servi à l'électriser par

(1) Voir des photographies de ces répulsions de lignes de force ou plutôt departicules suivant la direction de lignes de force, fig. G, p. 152.

18

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206 L'ÉVOLUTION DE LA MATJÈKE

son contact. Les lignes de force qui reliaient les deuxcorps restent attachées à chacun d'eux et rayonnenten ligne droite dans l'espace 1. C'est à leur ensemblequ'on donne le nom de champ do force électro-statique.

Si notre sphère ainsi électrisée et entourée delignes de force rayonnantes est bien isolée, elle con-servera sa charge électriqueet pourra produire tous lesphénomènes étudiés en électricité statique : attrac-tion des corps légers, production d'étincelles, etc.

Dans cet état de repos, la sphère électrisée ne pos-sède aucune action magnétique comme le prouve sonabsence d'effet sur une aiguille aimantée. Elle nepeut acquérir cette propriété qu\*<près avoir été miseen mouvement.

Mettons-la donc en mouvement et admettons que savitesse soit uniforme.

Notre sphère électrisée va acquérir par le fait seulde son mouvement toutes les propriétésdu courant vol-taïque ordinaire, c'est-à-dire du courant qui circule lelong des fils télégraphiques. On admet même dansla théorie actuelle qu'il ne peut y avoir d'autrecourant que celui produit par le mouvement desélectrons.

Mais, puisque notre sphère électrisée en mouve-ment se conduit comme un courant voltaïque, elledoit en posséder toutes les propriétés, et, parconséquent, l'action magnétique. Elle s'entoure, enell'et, par le l'ait de son mouvement de lignes doforce circulaires constituant un champ magnétique.Ces dernières enveloppent la trajectoire du corps élcc-trisé et se superposent à son champ électro-statiquecomposé comme nous l'avons dit de lignes droitesrayonnantes.

(1) Voir p. 151, flp. 4, une photographie qui représente assez bien les lignesde force d'un corps uIecLri.se au repos.

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MOUVEMENTS DES PARTICULES ÉLECTRIQUES 207

Ce champ magnétique dont s'entoure un corpsélectrisé en mouvement n'est pas du tout une simplevue théorique, mais un fait d'expérience révélé parla déviation imprimée à une aiguille aimantée placéedans son voisinagel. On montre facilement l'existencede ces lignes circulaires de force qui entourent uncourant en lui faisant parcourir une tige métalliquerectiligne traversant perpendiculairement â son planune feuille de carton saupoudrée de limaille de fer.Ces limailles, attirées par le champ magnétique ducourant, se disposent en cercles autour de la tige.

Ainsi donc par le fait seul qu'un corps électriséest en mouvement, il acquiert les propriétés d'uncourant électrique et d'un aimant. Cela revient à direque toute variation d'un champ électrique produitun champ magnétique.

Mais ce n'est pas tout encore. Nous avons supposéque la vitesse de notre sphère électrisée en mouve-ment était uniforme. Faisons maintenant varier cemouvement, soit en le ralentissant, soit en l'accélé-rant. De nouveaux phénomènes très différents desprécédents vont apparaître.

Le changement de vitesse du corps électrisé apour conséquence, par suite de l'inertie des parti-cules électriques, la production des phénomènes ditsd'induction, c'est-à-dire la naissance d'une force élec-trique nouvelle qui se manifeste dans une direction

(I) Ce fol Rowland qui dans uno expérience, mémorable (_origine de tentes lesthéories actuelles), prouva le premier qu'un corp3clcctri.se en mouvementpossèdelc3 propriété* d*un courant électrique dirigé- dans le sens du mouvement et parconséquentoat entouré d'un champ magnétique. Un disque isolant, couvert de sec-teurs métalliques chargés d'électricité, qu'on met en mouvement dévie une aiguillaaimantée placée au-dessous de lui, exactement comme le fait un courant vollalqucordinaire. Il y a quelques années un élève du laboratoire de M. Lippmauu avaitcru pouvoir contester cette expérience fondamentale, mais un savarl physicienM. I'ender l'obligea a reconnaître son erreurenlui montrantqu'il ne réussirait pasà obtenir la déviation prouvant l'existence d'un courant, simplement parce qu'ilavait eu la malheureuse idée do recouvrir les secteurs métalliques d'un vernisisolant qui absorbe l'élec'ricilé.

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208 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

perpendiculaire à celle des lignes magnétiques etpar conséquent dans la direction du courant. Javariation d'un champ magnétique a donc pour effetde produire un champ électrique. C'est sur ce phéno-mène que beaucoup de machines industrielles pro-duisant de l'électricité sont basées.

Un autre résultat de la superposition de cette forcenouvelle au champ magnétique du corps électrisédont on a modifié le mouvement, est l'apparition dansl'élher de vibrations qui s'y propagent avec la vitessede la lumière. Ce sont des ondes de cette sortequ'utilise la télégraphie sans fil. Dans la théorieélectro-magnétique de la lumière, acceptée par tous,les physiciens actuels, on admet môme que ces vibra-tions sont la cause unique de la lumière dès qu'ellessont assez rapides pour être perçues par la rétine.

Dans tout ce qui précède, nous avons supposé quele corps électrisé en mouvement se déplaçait dansl'air ou dans un gaz à la pression ordinaire. Si onl'oblige à se mouvoir dans un milieu très raréfié, denouveaux phénomènes fort différents encore des pré-cédents apparaissent. Ce sont les rayons cathodiquesdans lesquels l'atome électrique paraît être entière-ment dégagé de tout support matériel, puis lesrayons X engendrés par les chocs de ces atomesélectriques contre un obstacle. Ici, évidemment, nousne pouvons plus avoir recours à notre image d'unesphère métallique électrisée. Il faut considérer uni-quement la charge électrique débarrassée de la sphèrematérielle qui la portait.

Ainsi donc, comme nous le disions en commen-çant, il suffit de modifier le mouvement et l'équi-libre do certaines particules pour obtenir tous lesphénomènes électriques et lumineux.

La théorie qui précède est vérifiée, dans la plupartdes cas, par l'expérience. Elle n'est môme, en réalité,qu'une traduction théorique de l'expérience.

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MOUVEMENTS DES PARTICULES ÉLECTRIQUES 209

En ce qui concerne les phénomènes lumineuxcependant elle n'avait reçue, avant les recherchet' deZceman, aucune confirmation expérimentale. C'étaitpar hypothèse seulement qu'on admettait que ce sontles atomes électriques et non la matière qui entreen vibration dans les corps incandescents. On suppo-sait qu'une flamme contient des électrons en mouve-ment autour d'une position d'équilibre avec unevitesse suffisante pour, donner naissance à des ondesélectro-magnétiques capables de se propager dansl'ôther et de produire sur l'oeil la sensation de lalumière quand elles sont assez rapides.

Pour justifier cette hypothèse il fallait pouvoirdévier les électrons des flammes par un champ magné-tique puisqu'un corps électrisé en mouvement estdéviable par un aimant. C'est cette déviation queZeeman réussit à produire en faisant agir sur uneflamme un électro-aimant puissant. Il constata alorsen regardant la flamme au spectroscopo que les raiesspectrales étaient déviées et dédoublées.

De la distance qui sépare les lignes spectrales ainsiécartées, Zeeman a pu déduire le rapport — existant

mentre la charge électrique e de l'électron dans laflamme et sa masse m. Ce rapport s'est trouvé exac-tement égal à celui des particules cathodiques dol'ampoule de Crookes. Cette mesure contribue à prou-ver l'identité d'une flamme ordinaire avec les rayonscathodiques.

On voit le rôle fondamental que jouent dans lesidées actuelles les électrons. Pour beaucoup de phy-siciens ils formeraient l'unique élément du fluideélectrique. « Un corps électrisé positivement, ditJ. J. Thomson, serait simplement un corps ayantperdu quelques-uns de ses électrons. Le transport del'électricité d'un point à un autre est réalisé par letransport des électrons de la place où il y a un excès

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210 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

d'électrisation positive à celle où il y a un excèsd'électrisation négative ». L'aptitude des éléments àentrer dans les composés chimiques dépendrait del'aptitude de leurs atomes à acquérir une charged'électrons. Leur instabilité proviendrait de la perteou de l'excédent de leurs électrons.

La théorie des électrons permet d'expliquer d'unefaçon très simple beaucoup de phénomènes, maislaisse subsister bien des incertitudes.

Par quel mécanisme s'opère la propagation sirapide des électrons dans les corps conducteurs, unfil télégraphique par exemple? Comment se fait-ilque les électrons traversent les métaux alors que cesderniers constituent un obstacle absolu aux étincellesélectriques les plus violentes ? Pourquoi les électronsqui traversent les métaux ne peuvent-ils traverserun intervalle de 1 millimètre d'espace vide, commeon le constate en rapprochant dans un tube où a étéfait le vide complet (vide de Hiltorf), deux électrodesen relation avec une bobine d'induction. Alors mêmeque cette dernière donnerait 50 centimètres d'étin-celle, c'est-à-dire pourrait traverser 50 centimètresd'air, l'électricité sera impuissante à franchir 1 mil-limètre de vide*.

L'électron est devenu aujourd'hui, pour beaucoupde physiciens, une sorte de fétiche universel aveclequel ils croient pouvoir expliquer tous les phéno-mènes. On lui a transféré les anciennes propriétésde l'atome et plusieurs le considèrent comme l'élé-ment fondamental de la matière qui ne serait ainsiqu'un agrégat d'électrons.

De sa structure intime nous ne pouvons rien dire.Ce n'est pas donner une explication très sûre qued'assurer qu'il est constitué par un tourbillon d'éther

(1) L'n remplaçant les électrodes par de fines aiguilles j'ai pu obtenir quelque-fois le passage du courant, mais je ne lire aucune conclusion de l'expérieuc©n"élant pas certain que le vide du tube était complet.

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MOUVEMENTS DES PARTICULES ÉLECTRIQUES 211

comparable à un gyrostat. Ses dimensions seraientde toutes façons extraordinairement petites, maispeut-on le considérer comme indivisible, ce quiimpliquerait qu'il possède une rigidité infinie? Neserait-il pas lui-môme d'une structure aussi compli-quée que celle attribuée maintenant à l'atome et neformerait-il pas, comme ce dernier, un véritable sys-tème planétaire? Dans l'infini des mondes, la gran-deur et la petitesse n'ont qu'une valeur relative.

Ce qui nous semble le plus vraisemblable dansl'état actuel de nos connaissances, c'est que l'on con-fond sous le nom d'électricité, des choses extrêmementdilTérentes ayant cet unique caractère commun deproduire finalement certains phénomènes électriques.C'est une idée sur laquelle nous sommes revenus déjàplusieurs fois. Nous ne sommes pas plus fondé à qua-lifier d'électricité tout ce qui produit de l'électricitéque nous serions fondé à qualifier de chaleur toutesles causes capables d'engendrer de la chaleur.

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LIVRE VI

LE MONDE DU PONDÉRABLE.

NAISSANCE, ÉVOLUTION ET FIN DE LA MATIÈRE.

CHAPITRE PREMIER

Constitution de la Matière. — Les forces quimaintiennent les édifices matériels.

S I. — LES IDÉES ANCIENNES SUR LA STRUCTURE DES ATOMES

Avant d'exposer les idées actuelles relatives à laconstitution de la matière, nous rappellerons briève-ment celles dont la science a vécu jusqu'ici.

Suivant des idées qui sont encore classiques, lamatière serait composée de petits éléments indivisiblesnommés atomes. Comme ils semblent persister àtravers toutes les transformations des corps, onadmet pour cette raison qu'ils sont indestructibles.Les molécules des corps, dernières particules sub-sistant avec les propriétés de ces corps, se compose-raient d'un petit nombre d'atomes.

Cette notion fondamentale a plus de 2.000 ansd'existence. LP grand ooôte romain Lucrèce l'a

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CONSTITUTION DE LA MATIERE 213

exposée dans les termes suivants, que les livresmodernes ne font guère que reproduire.

« Les corps no sont pas anéantis en disparaissant à nos yeux : lanature forme de nouveaux êtres avec leurs débris et co n'estque par la mort des uns qu'elle accorde la vie aux autres. Leséléments sont inaltérables et indestructibles... Les principes de lamatière,, les cléments du grand tout sont solides et éternels —nulle action étrangère ne peut les altérer. L'atomo est le plus petitcorps de la nature... 11 représente le dernier terme do la division.11 existe donc dans la naturo des corpuscules d'essence immuable...leurs différentes combinaisons changent l'essence des corps. »

Jusqu'à ces dernières années on n'avait ajouté à ce quiprécède que quelques hypothèses sur la structure desatomes. Newton les considérait comme des corps dursincapables d'être déformés. W. Thomson, revenant auxidées de Descartes, les supposait constitués par destourbillons analogues à ceux qu'on peut former enfrappant à son extrémité postérieure une boite rec-tangulaire pleine de fumée et dont la face antérieureest percée d'un trou. Il en sort des tourbillons dola forme d'un tore composé de filets gazeux tournantautour des méridiens de ce tore. L'ensemble se déplacetout d'une pièce et n'est pas détruit par- le contactd'autres tores. Tous ces tourbillons présenteraientdes oscillations et des vibrations permanentes dontl'intensité et la fréquence seraient modifiables pardiverses,influences, telles que celle de la chaleur.

C'est en grande partie sur l'ancienne hypothèsedes atomes que fut fondée pendant le dernier sièclela théorie dite atomique. On admet d'abord que tousles corps amenés à l'état gazeux contiennent le mômenombre de molécules sous le même volume. Leurpoids à volume égal étant supposé proportionnel àcelui de leurs atomes, on peut, par une simple pet^odu corps en vapeur, connaître co que l'on appelle sonpoids moléculaire d'où l'on déduit, par des procédésd'analyse que je n'ai pas à exposer ici, ce qu'on

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214 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

désigne conventionnellement sous le nom de poidsatomique. Il est rapporté à celui de l'hydrogène prispour unité.

Celte théorie atomique, que tous les livres ensei-gnent encore, est un ries meilleurs exemples à citer deces hypothèses scientifiques, que chacun défend sansy croire. Berthelot, la qualifie de « roman ingénieuxet subtil * », mais comme on n'en possédait pasd'autres et qu'elle facilitait considérablement lescalculs, on la gardait avec soin, de môme que l'on con-servait jadis la théorie de l'émission en optique. Il nefaut pas examiner longtemps les bases des sciencesles plus précises en apparence, celles de la mécaniquepar exemple, pour découvrir qu'elles sont formées leplus souvent d'hypothèses d'une fragilité évidente,bien que d'une utilité certaine. En fait on ne savaitabsolument rien delà nature des atomes.

§2. - LES IDÉES ACTUELLES SUR LA CONSTITUTION DE LA MATIÈRE

Il est très difficile d'exposer les idées actuelles surla constitution de la matière, car elles sont encoreen voie de formation. Nous sommes dans unepériode d'anarchie où l'on voit s'évanouir les théoriesanciennes et surgir celles qui serviront à édifier lascience de demain.

Les savants, qui suivent dans les Revues et lesMémoires scientifiques publiés à l'étranger les expé-riences et les discussions auxquelles sont attachésles noms des plus éminents physiciens, assistentà un curieux spectacle. Ils voient fondre jour aprèsjour des conceptions scientifiques fondamentales quisemblaient assez solidement établies pour rester éter-nelles. C'est une véritable révolution qui s'accomplit.

Les interprétations découlant des faits récemment

1. BEr.TnELOT. La Synthèse chimique, 187G, p. 1G'».

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CONSTITUTION DE LA MATIÈRE 215

.découverts, bouleversent entièrement les bases mêmesdo la physique et de la chimie et semblent appeléesà renouveler toutes nos conceptions de l'univers.Notre enseignement supérieur officiel est trop exclu-sivement occupé en France à faire réciter les manuelspréparant aux examens et trop hostile aux idéesgénérales pour se préoccuper de ce prodigieux mou-vement. La philosophie nouvelle des sciences en voiede naître ne l'intéresse pas.

La révolution scientifique qui s'accomplit semblerapide, mais celte rapidité est beaucoup plus apparenteque réelle. La transformationdes idées présentes sur laconstitution de la matière qui semble s'être effectuéeen quelques années fut préparée, en réalité, par unsiècle de recherches.

Les idées scientifiques ne changent qu'avec uneextrême lenteur. Lorsqu'elles paraissent se modi-fier brusquement, on constate toujours que cettetransformation est la conséquence d'une évolu-tion souterraine ayant demandé de longues annéespour s'accomplir.

Cinq découvertes fondamentalesforment la base surlaquelle s'édifièrent lentement les idées nouvelles rela-tives à la constitution de la matière. Ce sont : 1° les faitsrévélés par Fétude de la dissociation électrolytique ;2° la découverte des rayons cathodiques; 3° celle desrayons X ; 4° celle des corps dits radio-actifs commel'uranium et le radium ; 5° la démonstration que laradio-activité n'appartient pas uniquement à certainscorps, et constitue une propriété générale de lamatière.

La plus ancienne de ces découvertes, puisque, enréalité, elle remonte àDavy, c'est-à-dire au commen-cement du dernier siècle, est celle de la dissociationdes composés chimiques par un courant électrique.Divers physiciens, Faraday notamment, complétèrentplus tard son étude. Elle a conduit progressivement

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2iG L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

à la théorie de l'électricité atomique et à l'influenceprépondéranteque jouent les élémentsélectriques dansles réactions chimiques et les propriétés des corps.

La seconde des découvertes mentionnées plus haut,celle des rayons cathodiques, fit entrevoir qu'ilpourrait bien exister un état de la matière différentdo ceux déjà connus ; mais celle idée resta sansinfluence jusqu'au jour où Roentgen, regardant deplus prés les tubes de Crookes, que les physiciensmaniaient depuis vingt ans sans y rien voir, remarquaqu'il en sortait des rayons particuliers, absolumentdifférents de tout ce que l'on connaissait, auxquels ildonna le nom de rayons X. Une chose imprévue,entièrement nouvelle, ne présentant d'analogie d'au-cune sorte avec les phénomènes connus, faisait ainsiirruption dans la science.

La découverte de la radio-activité de l'uranium, puisdu radium, et enfin celle de la radio-activité univer-selle de la matière suivit de très près celle desrayons X. On ne vit pas, d'abord, le lien qui ratta-chait tous ces phénomènes de si dissemblable appa-rence. Il fut établi par mes recherches qu'ils ne for-maient qu'une seule chose.

Bien avant ces dernières découvertes, on savait fortbien que l'électricité jotie un rôle essentiel dans lesréactions chimiques, mais on la croyait simplementsuperposée aux molécules matérielles. Par ladécouverte de l'électrolyse, Faraday avait montréque les molécules des corps composés portent unecharge d'électricité neutre de grandeur définie etconstante qui se dissocie en ions positifs et en ionsnégatifs, quand les solutions des sels métalliques sonttraversées par un courant électrique.

Les molécules des corps furent alors considéréescomme composées de deux éléments, une particulematérielle, puis une charge électrique qui lui seraitcombinée ou superposée.

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CONSTITUTION DE LA MATIÈRE 217

Les idées le plus généralement admises avant lesdécouvertes récentes sont bien exprimées dans lopassage suivant d'un travail publié, il y a quelquesannées, par M. Nernst, professeur de chimie à l'Uni-versité de Goettingen.

« Les ions sont uno sorte do combinaison chimique entre leséléments ou radicaux et les charges électriques... la combinaisonentre la matière et l'électricité est soumise aux mômes lois queles combinaisons entre matières différentes : lois des proportionsdéfinies; lois des proportions multiples... Si nous admettons que lefluide électrique est continu, les lois de l'électro-chimie semblentinexplicables; si, au contraire, nous supposons que la quantitéd'électricité se compose de particules de grandeur invariable, les loisprécitées en seront évidemment une conséquence. Dans la Uièoriechimique de Vélectricité, en plus des éléments connus, il y en auraitdeux autres : l'électronpositif et l'électron négatif. »

Dans cette phase d'évolution des idées, l'électronpositif et l'électron négatif étaient simplement deuxsubstances à ajouter à la liste des corps simples etcapables de se combiner avec eux. L'ancienne idéede l'atome matériel persistait toujours.

Dans la période d'évolution actuelle, on tend àaller beaucoup plus loin. Après s'être demandé si cesupport matériel de l'électron était vraiment néces-saire, plusieurs physiciens sont arrivés à la conclu-sion qu'il ne l'était pas du tout. Ils le rejettent entiè-rement et considèrent l'atome uniquement constituépar un agrégat de particules électriques sans d'autreséléments. Ces particules pourraient se dissocier enions positifs et en ions négatifs, suivant le mécanismeprécédemment exposé.

C'était un pas énorme, et il s'en faut de beaucoupque tous les physiciens l'aient franchi.

Une grande incertitude règne encore dans leurs idéeset leur langage. Pour la plupart, le support matérielreste nécessaire, et les particules électriques, c'est-à-dire les électrons, sont mêlés ou superposésaux atomesmatériels. Ces électrons, toujours d'après eus, circu-

19

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218 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

taraient à travers les corps conducteurs, tels que lesmétaux, avec une vitesse de Tordre do celle do lalumière, par un mécanisme d'ailleurs totalementinconnu.

Pour les partisans de la structure exclusivementélectrique de la matière, l'atome se composeraituniquement do tourbillons électriques. Autour d'unpetit nombre d'éléments positifs tourneraient avecune extrême vitesse des électrons négatifs, dont lenombre ne serait pas inférieur à un millier et souventtrès supérieur. Leur ensemble formerait un atomequi serait ainsi une sorte do système solaire enminiature. « L'atome de matière, écrit Larmor, secompose d'électrons et de rien d'autre ».

Sous sa l'orme habituelle l'atome serait électri-quement neutre. Il deviendrait positif ou négatifseulement lorsqu'on le dépouillerait d'électronsde noms contraires, comme on le fait dans l'élec-trolyse. Toutes les réactions chimiques seraient duesà des perles ou à des gains d'électrons.

Si, au lieu d'être en mouvement rapide dansl'atome les électrons étaient en repos ils se prépa-raient les uns sur les autres, mais la vitesse dont ilssont animés fait que leur force centrifuge fait équi-libre à leurs attractions réciproques. Quand la vitessede rotation est réduite par une cause quelconque,telle qu'une perte d'énergie cinétique due à la radia-tion des électrons dans i'éther, l'attraction peut l'em-porter et les électrons tendent à se réunir; si c'est, aucontraire, la force centrifuge qui l'emporte, ilss'échappent dans l'espace, comme on le constate dansles phénomènes radio-actifs.

L'atome, et par conséquent la matière, n'est donc enéquilibre stable que grâce aux mouvements des élé-ments qui la composent. On peut comparer ces élé-ments à une toupie, qui lutte contre la pesanteur tantque l'énergie cinétique due à sa rotation dépasse une

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CONSTITUTION DE LA MATIÈRE 219

certaine valeur. Si elle descend au-dessous do cettevaleur, l'instrument perd son équilibre et tombe surle sol.

Les mouvements des éléments atomiques sontbien autrement compliqués encore que ceux quiviennent d'être supposés. Non seulement ils sontdans la dépendance les uns des autres, mais encoreils sont reliés à l'élher par leurs lignes de forceet ne semblent être en réalité que des noyaux de con-densation dans l'éther.

Tel est, dans ses grandes lignes, l'état actuel desidées en voie de formation sur la constitution desatomes dont la matière est formée. Ces idées peuventse concilier très bien avec celles que je me suisefforcé d'établir dans cet ouvrage et d'après lesquellesl'atome serait un réservoir colossal d'énergie con-densée sous la forme déjà expliquée.

Quel que soit l'avenir de ces théories on peutdéjà dire avec certitude que l'ancien atome deschimistes, jadis estimé si simple, est d'une extrêmecomplication. Il apparaît de plus en plus comme une.sorte de système sidéral comprenant un ou plusieurssoleils et des planètes gravitant autour de lui avecune immense vitesse. De l'architecture de ce systèmedérivent les propriétés des divers atomes, mais leurséléments fondamentaux semblent identiques.

§ 3. - GRANDEUR DES ÉLÉMENTS DONT SE COMPOSELA MATIÈRE.

Les molécules des corps et, à plus forte raison, lesatomes, ont une petitesse extrême. Les plus infimesmicrobes sont d'énormes colosses auprès des élémentsprimitifs de la matière.

Des considérations diverses ont permis d'évaluerleurs grandeurs. Elles conduisent à des chiffres qui

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220 J/KVOLUTION DE LA MATIÈRE

no disent plus rien à l'esprit parce que les nombresinfiniment petits sont aussi difficiles à se représenterque les nombres infiniment grands.

C'est grâce à l'extrême petitesse des éléments dontsont formés les atomes que la matière, en se disso-ciant, peut émettre d'une façon permanente et sansperdre sensiblement de son poids, une véritable pous-sière de particules.

Nous avons parlé, dans un précédent chapitre, desmillions de corpuscules par seconde que peut émettredurant des siècles 1 gramme d'un corps radio-actif.De tels chiffres provoquent toujours une certainedéfiance, parce que nous n'arrivons pas à nous repré-senter l'extraordinairepetitessedes éléments de la ma-tière. Cette défiance disparait quand on constate quedes substances très ordinaires sont susceptibles, sanssubir aucune dissociation, d'être pendant des annéesle siège d'une émission de particules abondantes,faciles à constater par l'odorat, sans que cette émis-sion soit appréciable aux plus sensibles balances.

M. Berthelot s'est livré sur ce sujet à d'intéres-santes recherches *. Il a essayé de déterminer laperte de poids que subissent des corps très odorantsbien que fort peu volatils. L'odorat est d'une sensi-bilité infiniment supérieure à celle de la balance,puisque, pour certaines substances telles que l'iodo-forme, la présence de 1 centième de millionième demilligramme peut, suivant M. Berthelot, être facile-ment révélée.

Ses recherches ont été faites avec ce corps et il estarrivé à la conclusion que 1 gramme d'iodoforme perdseulement 1 centième de milligramme de son poidsen une année, c'est-à-dire 1 milligramme en cent ans,bien qu'émettant sans cesse un flot de particules odo-rantes dans toutes les directions. M. Berthelot ajoute

1. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, 21 mai 1C05.

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CONSTITUTION DE LA MATURE 221

quo si, au lieu d'iodofonno, on s'était servi de musc,les poids perdus auraient été beaucoup plus petits« mille fois plus peut-être », ce qui ferait 100.000 anspour la perte de 1 milligramme. '

Le môme savant fait remarquer dans un travailpostérieur « qu'il n'est presque aucun corps métal-lique ou autre qui ne manifeste, surtout par friction,des odeurs propres », ce qui revient à dire que tousles corps s'évaporent lentement.

Ces expériences nous donnent une idée de l'immen-sité du nombre de particules quo peut contenir uneminime quantité de matière 1.

D'après des expériencesdiverses dont les auteurs lesplus récents Rutlierford, Thomson,etc., ont accepté lesrésultats, 1 millimètre cube d'hydrogène contiendrait36 millions de milliards de molécules. C'est un chiffredont on ne peut comprendre la grandeur qu'en le trans-formant en unités faciles à interpréter. On aura uneidée de son énormitô en recherchant quelle serait ladimension d'un réservoir nécessaire pour contenir unnombre égal de grains do sable cubiques ayant chacun1 millimètre de côté. Ces 36 millions de milliardsde grains de sable ne pourraient être enfermés quedans un réservoir parallôlipipédiquedont la base aurait100 mètres sur chacune de ses faces et une hauteurde 3.600 mètres. Il faudrait rendre ce dernier chiffre

1. Des considérations diverses antérieures, d'ailleurs, aux théories actuellesavaient conduit depuis longtemps t donner aux molécules des corps une extrêmepetitesse. On a calculé qu'il fallait 6 à 700 millions de bactéries pour faire lepoids de 1 milligramme.Ceriaines de ces bactéries donnent naissance en 24 heuresà 16 millions d'individus. Le professeur Mackendrick fait remarquer qu'un germeorganique contient nécessairement un nombre immense de molécules puisqu'ildoit renfermer les caractéristiques hérédiliires d'une longue série d'ancêtres. 11

cite des spores ayant 1/20.000' de millimètreau-dessous desquels il y en a proba-blement qus nous ne voyons pas comme le prouverait l'action de solutions filtréesoù le microscope ne découvre rien. Suivant Wismann un corpuscule du sang dontla dimension est d'environ 7 millièmes de millimètre, contiendrait3 milliards G25 mil-lions de particules. La tête d'un spermatozoïde suffisante pour la fécondationd'unoeuf et ayant un diamitre de 1/20* de millimètre, contiendrait 25 milliards de« molécules organiques » composées chacune de plusieurs atomes.

10.

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222 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

1.000 fois plus grand encore si on voulait représenterla quantité de particules que pourrait donner 1 milli-mètre cube d'hydrogène par la dissociation de sesatomes.

§ 4. — LES FORCES QUI MAINTIENNENTLES ÉDIFICES MOLÉCULAIRES.

Nous avons vu que la matière est constituée par laréunion d'éléments de structure très compliquéenommés molécules et atomes. On est obligé d'ad-mettre que ces éléments ne se touchent pas, car,autrement, les corps ne pourraient ni se dilater, nise contracter, ni changer d'étal. Il a fallu égalementsupposer ces particules animées de mouvements gira-toires permanents. Les variations de ces mouvementspeuvent seuls expliquer, en effet, les absorptions etles dépenses d'énergie qui se constatentdans l'édifica-tion et la destruction des composés chimiques.

Nous devons donc nous représenter un corps quel-conque, un bloc d'acier ou un fragment rigide derocher, comme composé d'éléments isolés en mou-vement ne se touchant jamais. Les atomes dontchaque molécule est formée contiennent eux-mêmesdes milliers d'éléments décrivant autour d'un ou plu-sieurs centres des courbes aussi régulières que cellesdes astres.

Quelles sont les forces qui maintiennent en pré-sence les particules dont est formée la matière etl'empêchent de tomber en poussière?

L'existence de ces forces est évidente, mais leurnature reste totalement inconnue. Les noms de cohé-sion et d'affinité par lesquels on les désigne ne nousapprennent rien. L'observation révèle seulementque les éléments de la matière exercent des attrac-tions et des répulsions. Nous pouvons cependantajouter à cette brève constatation que l'atome étant

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CONSTITUTION DE LA MATIÈRE 223

un énorme réservoir de forces, on peut admettre,comme je l'ai fait remarquer déjà dans un autre cha-pitre, que la cohésion et l'affinité sont des manifesta-tions de l'énergie intra-atomique.

.La stabilité des édifices moléculaires reliés par lacohésion est généralement assez grande. Elle ne l'estcependant pas assez pour que la chimie ne puissela modifier ou la détruire par divers moyens, lachaleur notamment, c'est pourquoi il est possible deliquéfier les corps, les réduire en vapeurs et lesdécomposer. La stabilité des édifices atomiques, dontles molécules sont formées, est au contraire si grandequ'on se croyait fondé à déclarer, après des expé-riences séculaires, l'atome inaltérable et indestruc-tible.

La cohésion qui maintient les éléments des corpsen présence, se manifeste par des actions attractiveset répulsives exercées par les molécules les unessur les autres.

La grandeur des forces produisant la cohésion semesure par l'effort que nous sommes obligés de pro-duire pour déformer un corps. II. reprend son étatprimitif quand on cesse d'agir sur lui, ce qui prouvel'existence au sein de la matière de forces attrac-tives. Il résiste, quand on tente de le comprimer,ce qui montre l'existence de forces de répulsionlorsque les molécules se rapprochent au delà d'unecertaine limite.

Les attractions et répulsions par lesquelles se ma-nifestent la cohésion sont intenses, mais leur rayond'activité est extrêmement restreint. Elles n'exercentaucune action à distance, comme le fait, par exemple,la gravitation. Il suffit pour les annuler d'écartersuffisamment les molécules des corps par la chaleur.La force de cohésion étant abolie, le corps le plusrigide est aussitôt transformé en liquide ou en vapeur.

En dehors des attractions et répulsions qui s'exer-

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22\ L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

cent entre les particules d'un même corps, il en estd'autres se produisant entre les particules do corpsdifférents et qui varient suivant ces corps. On lesdésigne sous le terme général d'affinité. Ce sont ellesqui déterminent la plupart des réactions chimiques.

Les attractions et répulsions résultant de l'affinitéengagent les atomes dans dss combinaisons nouvellesou permettent de les séparer de ces combinaisons.Les réactions chimiques ne sont que des destructionset des rétablissements d'équilibre dus aux affinitésdes corps en présence. On sait, par les effets desexplosifs, la puissance des actions que l'affinité peutproduire quand certains équilibres sont troublés.

C'est de la façon dont l'énergie d'affinité groupe lesatomes que résultentlesédilicesmoléculaires. Ils peu-vent être très instables et alors le moindre excitant,un choc ou môme le frottement d'une barbe de plume,suffisent à les détruire. Tels le fulminato do mercure,l'iodure d'azote et divers explosifs. L'édifice peut être,au contraire, si solide qu'il est difficilement destruc-tible. Tels ces sels organiques d'arsenic, comme lecacodylatc de soude, où la molécule est si stablequ'aucun réactif ne peut révéler la présence de laquantité pourtant énorme d'atomes d'arsenic qu'ellecontient. L'eau régale, l'acide nitrique fumant, l'acidechromique sont sans action sur l'édifice moléculaire:c'est une forteresse solidement construite.

5 5. — LES ATTRACTIONS ET REPULSIONSDES MOLÉCULES MATÉRIELLES ISOLÉES

ET LES FORMES D'ÉQUILIBRE QUI EN RÉSULTENT.

Les énergies d'affinité et de cohésion se manifestentdonc par des attractions et des répulsions. Nous avonsdéjà vu que c'est par ces deux formes de mouvement,— qu'il s'agisse de particules matérielles ou élec-triques, — que se traduisent généralement les phéno-

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CONSTITUTION DE LA MATIÈRE 225

mènes ; c'est pourquoi leur étude a toujours tenu dansla science une place prépondérante. Beaucoup dephysiciens ramonent encore les phénomènes de l'uni-vers à l'étude d'attractions et de répulsions de molé-îules soumises aux lois do la mécanique. « Tous lesphénomènes terrestres, disait Laplace, dépendent desattractions moléculaires, comme les phénomènescélestes dépendent de la gravitation universelle ».

Il paraît probable aujourd'hui que les choses do lanature sont plus compliquées. Si les attractions etrépulsions semblent jouer un si grand rôle, c'est quede tous les effets que les forces peuvent produire,ces mouvements nous sont lo plus facilement acces-sibles.

Les équilibres déterminés par les attractions etrépulsions naissant au sein des corps solides, sonttrès difficilement discernables, mais nous pouvonsles rendre visibles en isolant leurs particules. Lemoyen est facile puisqu'il n'y a qu'à dissoudre lescorps dans un liquide convenable. Les moléculessont alors à peu près aussi libres que si le corpsétait transformé en gaz et on observe facilement leseffets des attractions et des répulsions mutuelles. Onsait, d'ailleurs, que les molécules d'un corps dissousse meuvent au sein du dissolvant en y développantla même pression que si elles étaient gazéifiées dansle même espace.

Ces attractions exercées par les molécules en libertésont d'une observation journalière. A elles sont duesles formes que prend la goutte de liquide restantattachée à l'extrémité d'une baguette de verre. Ellessont l'origine de ce qu'on a nommé la tension super-ficielle des liquides, tension en vertu de laquelle unesurface se comporte comme si elle était formée d'unemembrane tendue.

Toutes les attractions et répulsions ne peuvents'exercer qu'aune certaine distance.On dônne./commeY

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226 L EVOLUTION DE LA MATIERE

on le sait, lo nom do champ do force à l'espace danslequel elles s'exercent et celui do lignes de force auxdirections suivant lesquelles se produisent les effetsattractifs et répulsifs.

C'est dans les phénomènes dits osmotiques que semanifestent le mieux les attractions et répulsionsmoléculaires. Lorsque au-dessus d'une solutionaqueuse de certains sels, du sulfate de cuivre, parexemple, on verse lentement de l'eau, on remarque,par la simple différence de couleur, que les liquides

sont d'abord séparés, mais bientôt on voit les molé-cules du sel dissous se diffuser dans le liquide quiles surmonte. Il existe donc en elles une force leurpermettant de vaincre la pesanteur. Cette force dediffusion est la conséquence de l'attraction réciproquedes particules de l'eau et du sel dissous. On lui adonné le nom de pression ou de tension osmotique.

Toutes les substances jouissant de la propriété dese dissoudre dans un liquide attirent leur dissolvant

1. Les photographies 28 à 32 ont été exécutées par M. le professeur StéphaneLeduc.

Fie. 28. Fie. 29.Répulsions et attraction» de molécules au sein d'un liquide*.

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CONSTITUTION DE LA MATIERE 227

et inversement sont attirées par lui. Do la chaux misedans un vase at-tire rapidement lavapeur d'eau dol'atmosphère etaugmente de vo-lume au point debriser le vase.

Les attractionsosmoliques sonttrès énergiques.Dans les cellulesdes plantes, ellespeuvent faire équi-libre à des pres-sions de 160 at-mosphères, etmême beaucoupplus, d'après cer-tains auteurs.Elles sont rare-ment inférieures àune dizaine d'at-mosphères.

Bien que la gran-deur de la pres-sion osmotiquesoit considérable,puisque 342 gr. desucre dissous dansun litre d'eau,exercent une pres-sion de 22 atmos-phères, cette pres-sion ne se mani-feste pas sur les parois du vase, parce que le dis-solvant oppose de la résistance au mouvement des

Fie. 30.

Fie. 31.Fig. 30 el 31 : Photographies de cellules arti-

ficielles résultant des attractions et répulsionsmoléculaires au sein d'un liquide.

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S2S L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

molécules. Pour la mesurer, il faut séparer les corpsen présence par une cloison imperméable à l'und'eux. De telles cloisons sont dites, pour cette raison,semi-perméables. II serait plus correct peut-être dedire : inégalement perméables. Chez les cellules desplantes, la cloison est formée par leurs parois.

Dans les phénomènes osmotiques, il y a toujoursproduction de deux courants en sens inverse ditsd'exosmose ou d'endosmose, dont l'un peut primerl'EAitrc.

Ces simples attractions et répulsions moléculaires,agissant au sein des liquides, régissent un grandnombre de phénomènes vilaux et sont, peut-être,une des causes les plus importantes de la forma-tion des êtres vivants. « La pression osmotique,

Fie. 32.

l'holographie de cellules artificielles ollenues par diffusion.

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CONSTITUTION DE LA MATIÈRE 229

dit Yan't Hofî, est un facteur fondamental dans lesdiverses fonctions vitales des animaux et des végé-taux. D^près Vriès, c'est elle qui règle la croissancedes plantes ; selon Massart, elle gouverne, la vie desgermes pathogènes. ».

Les molécules qui existent au sein d'un liquidepouvant s'attirer ou se repousser à distance, sontnécessairement entourées d'un champ de force, c'est-à-dire d'une région dans laquelle s'exerce leur action.

En utilisant les attractions et répulsions des molé-cules en liberté dans un liquide, M. Leduc a r' issià créer des formes géométriques tout à fait analoguesà celles des cellules des êtres vivants. Suivant lesmélanges employés, il a pu mettre en présence desparticules qui s'attirent ou se repoussent, comme lesatomes électriques. En étendant sur une plaque deverre une solution de nitrate de potasse sur laquelleon verse, à deux centimètres l'une de l'autre* deuxgouttes d'encre de Chine, on obtient deuxpôles dont leslignes de force se repoussent. Pour obtenir deux pôlesde nom contraire et dont, par conséquent, les lignesde force s'attirent, on place dans une solution étenduedu sel indiqué plus haut, un cristal de nitrate depotasse et à 2 centimètres une goutte de sang défi-briné. En réunissant plusieurs gouttes, pouvant pro-duire .des pôles de môme nom, on obtient des polyè-dres ayant l'aspect des cellules des êtres vivants(fig. 32). Si, enfin, on fait cristalliser un sel dansune solution colloïdale, de la gélatine, par exemple,le champ de force de cristallisation, pouvant agir ensens inverse des attractions osmotiques, la forme ducristal se trouve changée. Ces recherches jettentune vive lumière sur l'origine des phénomènes vitauxfondamentaux.

Les données qui précédent sur la constitution de lamatière peuvent se résumer ainsi : dès qu'on a pu

20

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230. L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE.

soulever le voile des apparences, la matière, si inerted'aspect, s'est montrée d'une organisation extrême-ment compliquée et possédant une vie intense. Sonélément primitif, l'atome, est un système solaire enminiature composé de particules tournant les unesautour des autres sans se toucher et poursuivantincessamment leur course éternelle sous l'influencedes forces qui les dirigent. Si ces forces cessaientd'agir un seul instant, le monde et tous ses habitantsseraient instantanément réduits eh une invisiblepoussière.

À ces équilibres prodigieusement compliqués de lavie intra-atomique se superposent, par suite de l'asso-ciation des atomes, d'autres équilibres qui lé- com-pliquent encore. Des lois mystérieuses uniquementconnues par quelques-uns de leurs effets, interviennentpour édifier avec les atomes les édifices matériels dontles mondes sont formés. Relativement très simplesdans le règne minéral, ces édifices se sont compli-qués graduellement, comme nous allons le montrermaintenant, et ont fini, après de lentes accumula-tions d'âges, par engendrer ces associations chi-miques extrêmement mobiles qui conslituent lesêtres vivants.

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CHAPITRE II

Mobiiité et sensibilité de la Matière.Variations des équilibres matériels sous

l'influence des milieux.

§. I - MOBILITÉ ET SENSIBILITÉ DE LA MATIÈRE.

Nous sommes actuellement à cette phase de l'his-toire des atomes où, sous l'influence de causes igno-rées, dont nous ne pouvons que constater leseffets, ils ont fini par former les divers composésconstituant notre globe et les êtres vivants. La matièreest née et va persister pendant une longue successiond'âges.

Elle persiste avec des caractères divers dont le plusnet en apparence est la stabilité de ses éléments. Ilsservent à construire des édifices chimiques dont laforme varie facilement, mais dont la masse reste pra-tiquement invariable à travers tous les changements.

Ces édifices chimiques, formés par les combinai-sons atomiques, semblent très fixes, mais ils sont, enréalité, d'une mobilité très grande. Les moindresvariations de milieu — température, pression, etc. —modifient instantanément les mouvements des élé-ments constitutifs de la matière.

C'est qu'en effet un corps aussi rigide en appa-

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232 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

rence qu'un bloc d'acier, représente simplementun état d'équilibre entre son énergie intérieure etles énergies extérieures, chaleur, pression, etc., quil'entourent. La matière cède à l'influence de cesdernières comme un fil élastique obéit aux tractionsexercées sur lui mais reprend sa forme dès que latraction a cessé, si elle n'a pas été trop consi-dérable.

La mobilité des éléments de la matière est un de sescaractères les plus faciles à constater, puisqu'il suffitd'approcher la main du réservoir d'un thermomètrepour voir la colonne liquide se déplacer aussitôt.Ses molécules se sont donc écartées sous l'influenced'une légère chaleur. Quand nous approchons lamain d'un bloc de métal, les mouvements de seséléments se modifient, également, mais d'une façon sifaible pour nos sens qu'ils ne les perçoivent pas etc'est pourquoi la matière nous apparaît comme trèspeu mobile.

La croyance générale à sa stabilité semble con-firmée d'ailleurs par l'observation, que pour fairesubir à un corps des modifications considérables, parexemple pour le fondre ou le réduire en vapeur, ilfaut des moyens très puissants.

Des méthodes d'investigation suffisamment pré-cises montrent, au contraire, que non seulement la;matière est d'une mobilité extrême, mais encoredouée d'une sensibilité inconsciente dont la sensi-bilité consciente d'aucun être vivant ne sauraitapprocher.

Les physiologistes mesurent comme on le sait, lasensibilité d'un être par le degré d'excitation néces-saire pour obtenir de lui une réaction. On le con-sidère comme fort sensible lorsqu'il réagit sous desexistants très faibles. En appliquant à la matièrebrute un procédé d'investigation analogue, on constateque la substance la plus rigide et la moins sensible en

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MOBILITÉ ET SENSIBILITÉ DE LA MATIÈRE

apparence, est au contraire d'une sensibilité invrai-semblable. La matière du bolomètre, constitué endernière analyse par un mince fil de platine, est tel-lement sensible qu'elle réagit — par une variation deconductibilité électrique — quand elle est frappéepar un rayon de lumière d'une intensité assez faiblepour ne produire qu'une élévation de température deun cent-millionième de degré.

Avec les progrès des moyens d'étude, cette extrêmesensibilité de la matière se manifeste de plus enplus. M. H. Steelc a constaté qu'il suffit de toucherlégèrement du doigt un fil de fer pour qu'il devienneaussitôt le siège d'un courant électrique. On sait qu'àdes centaines de kilomètres les ondes hertziennesmodifient profondément l'état des métaux qu'ellesatteignent puisqu'elles changent dans d'énormesproportions leur conductibilité électrique. C'est, surce phénomène que la télégraphie sans fil estbasée.

L'extraordinaire sensibilité de la matière qui apermis de créer le bolomètre et la télégraphie sansfil, est utilisée dans d'autres instruments d'un emploiindustriel ; tel, par exemple, le télégraphone doPoulsen, qui permet de conserver et de reproduire laparole par les changements de magnétisme provo-qués à la surface d'un ruban d'acier se déroulantentre les pôles d'un électro-aimant aux bornes duquelest relié un microphone. Quand on parle devant lamembrane de ce dernier, les très minimes fluctua-tions du courant dans le circuit microphonique occa-sionnent dans les molécules du ruban d'acier desvariations de magnétisme dont le métal garde la trace.Ce sont elles qui permettront de reproduire à volontéla parole en faisant repasser le même ruban entre lespôles d'un électro-aimant inséré dans le circuit d'untéléphone.

Cette sensibilité de la matière, si contraire à ce que20.

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234 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

l'observation vulgaire semblait indiquer, devient deplus en plus familière aux physiciens; c'est pourquoiune expression comme celle-ci : « la vie de la matière»,dénuée de sens, il y a seulement vingt-cinq ans,est devenue d'un usage courant. L'étude de la matièrebrute révèle de plus en plus chez elle, en effet, despropriétés semblant jadis l'apanage exclusif des êtresvivants. En se basant sur ce fait que « le signe le plusgénéral et le plus délicat de la vie est la réponseélectrique », M. Bose a prouvé que cette réponseélectrique « considérée généralement comme l'effetd'une force vitale inconnue » existe dans la matière.Et il montre par des expériences ingénieuses « lafatigue » des métaux et sa disparition après le repos,l'action des excitants, des déprimants et des poisonssur ces mêmes métaux.

Il ne faut pas trop s'étonner de rencontrer dans lamatière des propriétés qui paraissaient apparteniruniquement aux êtres vivants, et il serait inutile d'ychercher une explication simpliste du mystère siimpénétré encore de la vie. Les analogies cons-tatées tiennent vraisemblablement à ce que la naturene varie pas beaucoup ses procédés et construit tousles êtres, du minéral jusqu'à l'homme, avec des maté-riaux semblables et doués, par conséquent, de pro-priétés communes. Elle applique toujours ce principefondamental do la moindre action, qui suffirait à luiseul à établir les équations fondamentales de lamécanique. Il consiste, comme on le sait, dans ceténoncé si simple et d'une portée si profonde : parmitous les chemins conduisant d'une situation à uneautre, une molécule matérielle sollicitée par une forcene peut prendre qu'une seule direction, cd'o quidemande le moindre effort. On s'apercevra proba-blement un jour que ce principe n'est pas applicableseulement à la mécanique, mais aussi à la biologie.11 est peut-être la cause secrète de ces lois de

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MOBILITÉ ET SENSIBILITÉ DE LA MATIÈRE 235

continuité observées dans beaucoup de phéno-mènes.

§ 2. - VARIATION DES ÉQUlLlDRES MATÉRIELS

SOUS L'INFLUENCE DES MILIEUX

La matière est donc, comme tous les êtres, dansl'étroite dépendance du milieu et modifiée par les.moindres changements de ce milieu. Si ces change-ments ne dépassent pas certaines limites, la vitesseet l'amplitude du mouvement des molécules maté-rielles sont modifiées sans que la position relative deces molécules soit changée. Si ces limites sont dépas-sées les équilibres matériels sont détruits ou trans-formés. La plupart des réactions chimiques nous fontassister à de telles transformations.

Mais de toutes façons la matière est si mobile et sisensible que les changements les plus insignifiants demilieu, par exemple une élévation ou un abaissementde température de un millionième de degré, se tra-duisent par des modifications que les instrumentspermettent de constater.

La matière, telle que nous la connaissons ne repré-sente, comme il a été déjà dit, qu'un état d'équilibre,une relation entre les forces intérieures qu'elle recèleet les forces externes pouvant agir sur elles. Lessecondes ne sont pas modifiables sans que les pre-mières changent également, de même qu'on ne peuttoucher à l'un des plateaux d'une balance équilibréesans faire osciller l'autre.

On peut donc dire, employant le langage mathé-matique, que les propriétés de la matière sont unefonction de plusieurs variables, la température et lapression notamment.

Ces diverses influences sont susceptibles d'agirséparément, mais elles peuvent aussi combiner leurs

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236 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

actions. C'est ainsi qu'il existe une température,— variable pour chaque corps, — dite critique, au-dessus de laquelle ce corps ne peut exister à l'étatliquide. Il passe alors immédiatement à l'état gazeuxet y demeure, quelle que soit la pression exercéesur lui. Si on chauffe de l'eau dans un tube fermé,il arrive un moment où, brusquement, elle se trans-forme totalement en un gaz tellement invisibleque le tube semble absolument vide. Pendant long-temps, beaucoup de gaz n'ont pu être liquéfiés,précisément parce qu'on ignorait que l'action dela pression est entièrement nulle si la températuredu gaz n'a pas été d'abord abaissée au-dessousde son point critique. L'acide carbonique se liquéfietrès facilement par la pression à une températureinférieure à 31 degrés. Au-dessus de cette tempé-rature aucune pression ne pourrait l'amener à l'étatliquide.

Il faut donc considérer la matière comme une chosetrès mobile, en équilibre très instable et ne pouvantêtre conçue indépendante de son milieu. Elle ne pos-sède aucune propriété indépendante en dehors de soninertie d'où résulte la constance de sa masse. Cettepropriété est absolument la seule qu'aucun change-ment de milieu, pression, température, etc., puissechanger. Si on dépouillait la matière de son inertie,on ne voit pas comment il serait possible de définirune chose aussi changeante.

Malgré l'extrême mobilité de la matière, le mondeparait cependant très stable. Il l'est, en effet, maissimplement parce que dans sa phase actuelle d'évo-lution le milieu qui l'enveloppe varie dans des limitesassez, restreintes. La constance apparente des pro-priétés de la matière résulte uniquement de la cons-tance actuelle du milieu où elle est plongée.

Cette notion d'influence du milieu, un peu négligéedes anciens chimistes, a fini par prendre une grande

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MOBILITÉ ET SENSIBILITÉ DE LA MATIÈRE 237

importance, depuis qu'il a été prouvé que beaucoupde réactions sont placées sous sa dépendanceet varient en sens très différents, suivant des écartsparfois extrêmement faibles de température et depression. Quand les écarts sont considérables, onvoit se transformer entièrement ou devenir impos-sibles beaucoup de réactions. Si on ne pouvait exa-miner les corps qu'à certaines températures, onles considérerait comme fort différents des mômescorps observés aux températures ordinaires. A latempérature de l'air liquide, le pbospbore perd saviolente affinité pour l'oxygène et est sans actionsur lui ; l'acide sulfurique, si actif habituellement surle papier de tournesol, ne le rougit pius. A une tem-pérature élevée, nous voyons naître, au contraire,des affinités inexistantes à la température ordinaire.L'azote et le carbone qui ne se combinent avec aucuncorps aux températures peu élevées, se combinentfacilement avec plusieurs à la température de 3.000°et forment des corps autrefois inconnus, le carburede calcium, par exemple. L'oxygène, sans actionsur le diamant, a une si énergique affinité pour cecorps à une haute température, qu'il se combine aveclui en devenant incandescent. Le magnésium a uneaffinité assez faible pour l'oxygène, mais à unetempérature suffisamment haute, son affinité pourlui devient telle que, plongé dans une atmosphèred'acide carbonique, il le décompose, s'empare deson oxygène et continue à brûler lorsqu'on l'aallumé.

Ainsi donc les éléments de la matière sont en mou-vement incessant : un bloc de plomb, un rocher, unechaîne de montagnes n'ont qu'une immobilité appa-rente. Ils subissent toutes les variations du milieu etmodifient constamment leurs équilibres pour s'yadapter. La nature no connaît pas le repos. S'il setrouve quelque part, ce n'est ni dans le monde que

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238 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

nous habitons, ni dans les êtres vivant à sa surface.Il n'est pas davantage dans la mort, qui ne faitque substituer à certains équilibres momentanésd'atomes d'autres équilibres dont la durée sera aussiéphémère.

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CHAPITRE III

Les aspects divers de la matière. État gazeux,liquide, solide et cristallin.

§ I. - LES ÉTATS GAZEUX, LIQUIDES ET SOLIDES.

Suivant les forces extérieures auxquelles elle estsoumise, la matière revêt trois états qu'on a nommés :

solide, liquide et gazeux. Les recherches les plusrécentes ont nettement prouvé qu'il n'existe d'ail-leurs entre eux aucune séparation profonde. La conti-nuité des états liquides et gazeux a été mise enévidence par les études do Van der VVaals. La conti-nuité des états liquides et solides par divers expéri-mentateurs. Sous une pression suffisante les solidesse conduisent comme des liquides, leurs moléculesglissent les unes sur les autres et un métal solide finitpar couler comme un liquide. « Les lois de l'hydro-statique et de l'hydrodynamique, dit Spring, sontapplicables aux solides soumis à de fortes pressions ».

Cette propriété des corps les plus durs de se com-porter ainsi que des liquides sous certaines pres-sions a été utilisée par l'industrie en Amérique pourfabriquer des outils avec des blocs d'aciers soumisà une compression suffisante et sans qu'il soitbesoin d'élever la température. Ce métal peut cepen-

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240 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

dant être considéré comme le type des substances peumalléables.

L'état cristallin lui-mémo ne peut établir uneséparation très nette entre les états solides et liquides.11 existe, comme Lehman l'a montré, des cristauxdemi-liquides ; j'ai moi-môme trouvé le moyen d'enpréparer très facilement1. Nous avons vu ailleurs quedes liquides, tout en restant liquides, peuvent prendredes formes géométriques voisines de l'état cristallinet dont certains procédés optiques permettent demontrer l'existence.

D'une façon générale, cependant, l'état cristallinconstitue, comme nous allons le voir, un stade trèsparticulier de la matière qui lui donne une indivi-dualité et la rapproche à certains points de vue desêtres vivants.

§ 2. —L'ÉTAT CRISTALLIN DE LA MATIÈRE. VIE DES CRISTAUX.

Parmi les forces inconnues, dont nous ne saisis-sons l'existence que par quelques-uns do leurseffets, se trouvent celles qui obligent les moléculesdes corps à prendre les formes géométriques rigou-reuses portant le nom de cristaux.

Tous les corps solides tendent vers la forme cristal-line. Les équilibres géométriques dont ces formesrésultent donnent une sorte d'individualité aux molé-cules de la matière. Elle les individualise au mêmelitre que l'être vivant individualise, en les incorpo-rant à lui-même, les éléments empruntés à sonmilieu.

Celte expression d'individualisation do la matière

1. Simplement en maintenant quelques minutes, avec une longue pince,une lame de magnésium dans du mercure eu élmllition. Par le refroidissementletiit'lalitre se prend en lames cristallines dont les cristaux ont 11 consistance duLeurre pendant l'été et so déforment par conséquent sous la pression du doigt

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ASPECTS DIVERS DE LA MATIERE 241

donnée à sa transformation en corps géométriquesn'a rien d'excessif. L'être minéral est caractérisé parsa forme cristalline comme l'être vivantest caractérisépar sa forme anatomique. Le cristal subit en outre,comme l'animal ou la plante, une évolution progres-sive avant d'atteindre sa forme définitive. Commel'animal ou la plante encore, le cristal mutilé sait

réparer sa mutilation. Le cristal est en réalite ladernière étape d'une forme particulière de la vie.

Parmi les faits pouvant servir de soutien à cesconsidérations, il faut surtout citer les belles expé-riences du professeur Scliron sur la succession destransformations qui amènent les molécules maté-rielles à revêtir la forme cristalline. Les trois prin-cipales sont: 1° une phase granuleuse; 2° une phasefibreuse; :i° une phase homogène. Elles sont représen-tées par les trois photographies reproduites ici et queje dois à l'obligeance de ce savant. Dans la solution

21

Fie. 33. Fis. 3i. Fio. 35.

Les trois phases de formation successives d'un cristal, d'après les photographie}du professeur Schrtïu.

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242 L'ÉVOLUTION DE LA MATIKRK

qui va cristalliser se forment d'abord dos globules ausein desquels apparaissent bientôt des granulations(fig. 33). Ces granulations s'allongent, prennent unaspect fibreux (fig. 34) auquel succède plur- l,;rd l'étalhomogène (fig. 3">) qui constitue la forme définitive ducristal. Alors l'être cristal a terminé son cycle.

Ces lois delà formation des cristaux sont généraleset s'observent aussi bien pour les cristaux de subs-tances minérales que pour ceux qui, selon Schriïn,accompagnent les micro-organismes. Parmi les sécré-tions de chaque microbe apparaîtraient toujours,d'après lui, des cristaux caractéristiques de chaqueespèce microbienne.

Ces observations montrent que pendant sa périodeprécristallinc, c'est-à-dire durant sa jeunesse, le futurcristal se conduit comme un être vivant. Il repré-sente un tissu en évolution. C'est un être organisésubissant une série de transformations dont le termeest la forme cristalline, comme le chêne est le termedo l'évolution du gland. Le cristal serait donc laphase ultime de certains équilibres do la matière nepouvant s'élever à des formes de vie supérieure.

Les recherches exécutées dans des voies diversesviennent confirmer les conclusions précédentes.C'est ainsi que M. Carlaud a constaté que lesmétaux polis, puis attaqués par l'acide picriquoen solution dans l'acétone, montrent u un réseaucellulaire microscopique complètement fermé ».

« Cellules et cristaux présentent entre eux, dit-il,une évidente filiation : les plages de même orientationcristalline offrent le caractère de posséder une maillecellulaire de forme et de disposition spécifiques, coqui permet d'envisager un cristal comme un agrégatdç cellules semblables et semblablcinent disposées ».La structure cellulaire serait donc une phase embryon-naire et la structure cristalline une forme adulte.

Loin d'être un état exceptionnel, la forme cristal-

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ASPKCTS DIVERS DE LA MATIKRK 243

Une est en réalité celle vers laquelle tendent tous lescorps et qu'ils atteignent des que se réalisent cer-taines conditions de milieu. Les sels dissous dans unesolution qui s'évapore, un métal fondu qui se refroi-dit, tendent toujours à prendre la forme cristal-line, et si on considère, comme on le fait aujourd'hui,que les solutions présentent d'étroites analogies avecles gaz, on pourrait dire que les deux formes les plushabituelles de la matière sont la forme gazeuse et laforme cristalline.

Il n'y a guère dans la nature que le cristal qui pos-sède véritablement une forme stable et définie. Unêtre vivant .ordinaire est, au contraire, quelque chosed'extrêmement mobile, de toujours changeant, quine continue à vivre qu'à la condition de mourir et dese régénérer sans cesse. Sa forme ne paraît biendéfinie que parce que nos sens perçoivent seulementdes fragments des choses. L'oeil n'est pas fait pourtout voir. Il trie dans l'océan des formes ce qui luiest accessible et croit que cette limite artificielle estune limite véritable. Ce que nous connaissons d'unêtre vivant n'est qu'une partie de sa forme réelle. Ilest entouré des vapeurs qu'il exhale, des radiationsde grande longueur d'onde qu'il émet constammentpar suite de sa température. Si nos yeux pouvaienttout voir, un être vivant nous apparaîtrait commeun nuage aux changeants contours 1.

D'où vient le cristal qui apparaît dans une solu-tion? Quel est le point de départ des transforma-tions que subissent les molécules de celte solutionavant de devenir un cristal?

1. Noire n.'il n'est pas sensible aux radiations infra-rouges que les filresvivants rayonnent sans cesse, mais supposons un Cire dont IVil — tel que l'estpcut-Ctre celui îles animaux nocturnes — soit organisé de. façon à ne percevoirque les radiations de grande longueur d'onde et non celles du reste du spectrequi pour nous sont la lumière. A cet Cire ainsi organisé un animal apparaîtraitsous la forme d'un nuage am contours indécis rendu -ilih par la réflexion desradiations inl'fa-r<~.uge3 sur la vapeur d'eau qui l'enveloppe.

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2-14 L'ÉVOLUTION DE LA MATIKHE

L'observation démontre que tous les êtres vivants,de la bactérie jusqu'à l'homme, dérivent toujoursd'un être antérieur. En serait-il de même pour locristal? Dérive-t-il, lui aussi, par filiation, d'un êtreantérieur ou naît-il spontanément?

11 paraît bien prouvé aujourd'hui, surtout depuisles recherches d'Oswald, que ces deux modes de gé-nération existent pour les cristaux. Dans certaine.?conditions déterminées de milieu, c'est-à-dire depression, de concentration des solutions, etc., lesliquides ne peuvent cristalliser que quand ils ontpréalablement reçu un germe cristallin. Les cristauxqui se forment peuvent alors, suivant l'expression doDastre dans son beau livre la Vie et la Mort, êtreconsidérés comme la postérité d'un cristal antérieurabsolument comme les bactéries développéesdans unesolution représentent la postérité des bactéries qu'ony a d'abord introduites.

Il existe cependant d'autres conditions de milieudans lesquelles la cristallisation spontanée s'observesans aucune introduction préalable de germes. Cesconditions diverses étant connues et susceptibles d'êtreproduites à volonté, on peut placer une solutiondans les conditions qui lui permettent de cristalliserspontanément ou dans celles où elle ne cristalliseraqu'après l'Introduction de germes convenables. 11

est donc permis de dire que les cristaux présententdeux modes de reproduction très distincts : la géné-ration spontanée et la génération par filiation.

Cette faculté de la génération spontanée, possiblepour l'être cristal est impossible, comme on le .sait,pour l'être vivant. Ce dernier ne se reproduit que parfiliation et jamais spontanément. Cependant, il fautbien admettre qu'avant de naître par filiation, lespremières cellules des temps géologiques ont dûnaître sans parents. Nous ignorons les conditionsqui permirent à la matière de s'organiser sponta-

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ASI'KCTS DIVERS DE LA MATJEUE ZÏD

nément pour la première fois, mais rien n'indiqueque nous les ignorerons toujours.

Nous voyons donc s'accentuer cette notion que lecristal forme un être intermédiaire entre la matièrebrute et la matière vivante placé plus près de laseconde que de la première. Il possède en communavec les êtres vivants les qualités que nous avons men-tionnées et en particulier quelque chose ressemblantsingulièrement a une vie ancestralo. Les germes cris-tallins que nous introduisons dans une solution pourla faire cristalliser semblent indiquer toute une sériede vies antérieures. Ils rappellent les germes des êtresvivants, c'est-à-dire les spermatozoïdes qui résumentl'ensemble des formes successives de la vie d'unerace et contiennent, malgré leur petitesse, tous lesdétails des transformations successives que présen-tera l'être vivant avant d'arriver à l'état adulte.

Tous les faits de cet ordre appartiennent à lacatégorie de ces phénomènes inexpliqués dont Janature est pleine, et qui se multiplient dès qu'onpénètre dans les régions inexplorées. La complicationdes choses semble grandir à mesure qu'on les étudiedavantage.

21.

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CHAPITRE IV

L'unité de composition des corps simples

§ I. — LES DIVERS CORPS SIMPLES SONT-ILS COMPOSÉS

D'UN MÊME ÉLÉMENT?

Lorsqu'on soumet à certaines opérations chimiquesles composés divers existant dans la nature, onarrive à les séparer en éléments qu'aucune réactionne peut décomposer davantage. Ces éléments irréduc-tibles sont qualifiés de corps simples ou élémentschimiques. De leur combinaison est formé notreglobe et les êtres qui l'habitent.

L'idée que tous les corps supposés simples dérive-raient d'un élément unique à divers états de conden-sation ou de combinaison vient si naturellement à,

l'esprit qu'elle fut émise dès que la chimie se con-stitua. Après avoir été abandonnée, faute de preuves,elle renaît depuis que les expériences récentes sur ladissociation de la matière ont paru montrer que lesproduits résultant de la dissociation des divers corpssont formés des mômes éléments.

Des faits anciennement connus indiquaient déjàque les atomes des corps les plus différents possè-dent certaines propriétés communes. Les plus im-portantes sont l'identité de la chaleur spécifique etde la charge électrique quand, au lieu d'opérer sur

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L'.MTK m: COMPOSITION DES cours SIMPI.KS 247

des poids semblables de matière, on opère sur desquantités proportionnelles aux poids atomiques.

Chacun sait que la chaleur spécifique des corps,c'est-à-dire la quantité de chaleur, exprimée en calo-ries, qu'il faut leur communiquer pour élever leurtempérature d'un môme nombre de degrés, variebeaucoup suivant les corps. C'est ainsi qu'avec laquantité de chaleur nécessaire pour élever un kilo-gramme d'eau de 3°, on peut élever de 97° la tempé-rature de un kilogramme de mercure. Mais si au lieude comparer des poids égaux des diverses substanceson compare des quantités proportionnelles à leurspoids atomiques, on constate que tous les corpséprouvent le même échaulîement par la môme quan-tité de chaleur.

On constate égalementpar l'électrolyse qu'ils portentune charge électrique identique pour un mômepoids atomique.

A ces laits, anciennement connus, se joignentceux résultant des recherches récentes exposées danscet ouvrage, qui montrent que, par la dissociation dela matière, on retire des corps les plus différents desproduits semblables. On peut donc admettre commeinfiniment probable, que tous les corps sont formésd'un môme élément.

Mais, alors même que la démonstration de cetteunité de composition serait complote, elle ne pré-senterait qu'un intérêt pratique assez faible. Parl'analyse chimique, on retrouve les mômes élé-ments dans un tableau de Rembrandt ou dans l'ensei-gne d'un marchand de vins ; on constate égalementque le corps d'un chien et celui d'un homme ontla môme composition. De telles constatations nenous disent absolument rien de la structure des corpsanalysés. En ce qui concerne les atomes, ce que nousdésirerions connaître ce sont les lois architectu-rales, qui ont permis de créer avec des matériaux

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248 L'ÉVOLUTION mz LA MATIKHE

semblables des édifices complètement différents. Queles atomes du eblore, du diamant et du zinc soientcomposés d'un même élément, rien n'est plus vrai-semblable, mais comment cet élément peut-il donneraux atomes des divers corps des propriétés si diffé-rentes? Voilà ce qui est ignoré, à un point tel qu'onne peut mémo pas formuler sur ce sujet la moindrehypothèse.

Quelle que soit la nature des équilibres existantentre les éléments des atomes des divers corpssimples, il est certain que ces équilibres possèdent,malgré leur mobilité, une stabilité très grandepuisque, après les réactions chimiques les plus vio-lentes, les corps simples se retrouvent toujours inal-térés. Toutes les transformations que l'on fait subir àune quantité donnée d'un élément quelconque nemodifient ni sa nature ni son poids. C'est mômepour cette raison, que les atomes avaient été consi-dérés jusqu'ici comme indestructibles.

Cette indestructibilité apparente a toujours donnéune grande force à la croyance dans l'invariabilitédes espèces chimiques. Nous allons voir cependantqu'en regardant les choses d'un peu plus près, cetargument perd beaucoup de sa valeur, puisque, mômesans invoquer le phénomène de la dissociation de lamatière, nous constaterons que les mêmes corpspeuvent subir en réalité des transformations trèsprofondes de leurs propriétés ressemblant singulière-ment parfois à de véritables transmutations.

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UNITÉ DE COMPOSITION DES CORPS SIMPLES 249

§ 2. — LES CORPS SIMPLES PEUVENT-ILS ÊTflE CONSIDÉRÉS

COMME DES ÉLÉMENTS D'UNE FIXITÉ INVARIABLE?

Aux débuts do la chimie les méthodes d'analysemanquaient un peu do sensibilité, et les procédésd'investigation physique, tels que la spectroscopic,étaient ignorés. On ne pouvait donc séparer, et parconséquent connaître, que des corps ayant despropriétés bien tranchées. Ces corps étaient visible-ment trop différents pour qu'on pût les rapprocher.C'est ainsi que naquit la doctrine, analogue à cellealors admise en biologie, que les espèces chimiquesétaient, comme les espèces vivantes, invariables.

Après un demi-siècle d'observations patientes, lesbiologistes ont fini par renoncer à leur idée d'inva-riabilité des espèces, mais les chimistes la défendentencore.

Les faits découverts ont cependant montré qu'ilexiste entre les espèces chimiques, tout comme entreles espèces vivantes, des transitions incontestables. Ila fallu reconnaître qu'un assez grand nombre decorps simples ne présentent pas du tout des pro-priétés nettement tranchées permettant de les séparerfacilement. Il en e: ste au contraire beaucoup, quisont tellement voisins les uns des autres, c'est-à-dire qui possèdent des propriétés tellement ana-logues, qu'aucune réaction chimique ne permet deles différencier. C'est môme pour cette raisonqu'ils furent pendant lorigtemps ignorés. Près duquart des corps simples connus, c'est-à-dire unequinzaine environ, se ressemblent par leurs carac-tères' chimiques, au point que, sans l'emploi de cer-taines méthodes d'investigation physique (raies spec-trales, conductibilité électrique, chaleur spécifique,etc., etc.), on ne les aurait jamais séparés. Ces corpssont les métaux dont les oxydes forment ce qu'on

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250 L'ÉVOLUTION DE LA livnÈnE

appelle les terres rares. « Ils ne so distinguent,écrivent MM. Wyroubolï et Verneuil, à deux ou troisexceptions près, que par leurs propriétés physiqueset se trouvent chimiquement identiques. Ils le sontù ce point qu'aucune réaction n'arrive jusqu'ici à lesséparer et qu'on est réduit, pour les obtenir à l'étatplus ou moins pur, au procédé empirique et grossierdu fractionnement ».

D'autres faits, récemment découverts, montrent queles espèces chimiques les plus caractérisées, telsque les métaux ordinaires, présentent des variétésnombreuses. Il existe probablement autour do chaqueélément toute une série de variétés présentant descaractères communs, mais possédant cependant despropriétés assez caractéristiques pour qu'on puisseles différencier, ainsi que cela s'observe pour lesespèces vivantes. L'argent, comme nous le verronsbientôt, n'est pas un métal unique. Il existe au moinscinq ou six espèces d'argent constituant des corpssimples différents. De môme pour le fer et probable-ment aussi pour tous les autres métaux.

L'ancienne chimie avait bien noté l'existence decorps semblant identiques par leur nature, quoiquedifférents par leurs propriétés. Elle appelait allo-tropiques ces états différents d'un môme corps. Sielle ne les considérait pas comme des corps simplesindépendants, c'est qu'au moyen de divers réactifs,on pouvait toujours les ramener à un état commun.Le phosphore rouge diffère complètement du phos-phore blanc, et le diamant ne diffère pas moins ducharbon ; mais le phosphore blanc ou le phosphorerouge peuvent donner un mémo compose : l'acidephosphorique. Avec du charbon ou du diamant, onpeut faire également un môme composé : l'acidecarbonique.

Sans ces propriétés communes, on n'eût jamaissongé à rapprocher des corps aussi profondément

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UNITÉ DE COMPOSITION DES CORPS SIMPLES 251

dissemblables que le charbon et le diamant, le phos-phore blanc et le phosphore rouge. Le phosphoreLiane est un des corps les plus avides d'oxygène etle phosphore rouge un des moins avides. Le phos-phore blanc fond à 44°, alors que lo rouge ne fondà aucune température et se réduit en vapeur sanspasser par l'état liquide. Lo premier est un des corpsles plus toxiques que l'on connaisse, alors que lesecond est des plus inoffensifs. Des différences aussiaccentuées existent entre le charbon et le dia-mant.

Tant que les états allotropiques n'ont été observésque sur un très petit nombre de corps, on pouvaitles considérer comme des exceptions, mais desméthodes d'investigation plus sensibles ont prouvéque ce que l'on considérait comme exceptionnelconstituait, au contraire, une loi très générale.Le savant astronome Deslandrcs, admet que lesgrandes différences qu'on peut observer dans lesspectres de beaucoup de corps, le carbone et l'azotepar exemple, suivant la température à laquelle ils seproduisent, sont dus à des états allotropiques de cescorps 1.

Sans qu'il soit besoin d'invoquer les indicationsfournies par l'analyse spectrale on constate facilementque les corps les plus usuels, les mieux définis enapparence, tels que le fer et l'argent, présentent denombreux états allotropiques, permettant de lesconsidérer certainement comme des espèces diffé-rentes d'un même genre. On connaît déjà une derni-douzaine d'espèces différentes do fer et d'argent,ayant des caractères nettement tranchés, bien quepossédant certaines réactions communes qui, autre-fois, les faisaient confondre. Il est probable qu'avecdes méthodes d'observation nouvelles, le nombre de

1. Comptes rendus de {'Académie des Sciences, M septembre 1903.

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2o2 L EVOLUTION DE LA MATILRE

ces espaces se multipliera beaucoup. Les recherchesrécentes sur les métaux colloïdaux, dont nous parle-rons dans un autre chapitre, montrent môme quecertaines espèces métalliques sont capables d'ôtremodifiées au point de perdre la totalité des propriétésdu métal dont elles dérivent, et de se rapprocherdavantage des substances organisées que des métaux.

Mais, sans mémo envisager ces cas extrêmes desmétaux colloïdaux et en ne considérant que les corpsles plus communs, préparés par les méthodes abso-lument classiques, il a fallu reconnaître commenous allons le voir, que le même métal pouvait seprésenter sous des formes impossibles à confondre.

On sait que la chaleur absorbée ou dégagée par lesdivers corps simples, dans leurs, combinaisons, estune quantité constante, représentée par des chiffresprécis, et qui constitue un de leurs caractères essen-tiels; Ces chiffres, jadis considérés comme invariablespour chaque corps, avaient servi à fonder une sciencospéciale : la thermo-chimie.

Dès que les formes allotropiques des métaux ontété connues, on a repris ces chiffres, et il a fallureconnaître que, suivant le mode de préparation' dumétal, ils pouvaient être vingt fois plus forts ou plusfaibles que les chiffres trouvés pour le môme corps pré-paré par des méthodes différentes. On ne peut doncmôme pas dire, d'un grand nombre des chiffres publiésjusqu'ici, qu'ils soient grossièrement approximatifs.

C'est M. Berthelot lui-môme, un des fondateurs dela thermo-chimie, qui a contribué à cette consta-tation '. Il est bien probable que, s'il l'avait faitetrente ans plus tôt, la thermo-chimie ne serait pasnée- i

Au point de vue défendu par nous, de la variabi-

1. Voici d'ailleurs pour l'argent, d'après les Comptes Rendus du 4,février 1901,les nombres obtenus par M. Berilielot, suivant l'espèce de métal employée. Les

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lité des espèces chimiques, ces résultats sont du plushaut intérêt. Au point de vue des idées jadis régnantescl sur lesquelles la thermo-chimie fut fondée, ils sontnettement désastreux. M. Berthelot lo fait pressentirdans les considérations suivantes :

« De telles inégalités d'énergie étant ainsi établies par l'expérienco,il est clairquo l'on no saurait appliquer avec certitudo aux métauxliidinaircs, ni plus généralement aux éléments, dans la discussiondo leurs réactions, les valeurs thermo-chimiques obtenues en par-tant d'états différents.

«Les états de l'argent que j'ai étudies, sauf un, no répondent pasau chiffre do + 7 cal. pour la chaleur do formation do l'oxydoA g 20 qui figure dans les traites do thermo-chimie.

«Dans lo cas de l'argent,la différence thermo-chimiquo des étatsde cet élément peut s'élever, pour un atomo d'argent,à 2 calories,ce qui fait, pour la formation d'oxyde, avec 2 atomes d'argent(A g 20) un écart do + 4 calories. »

Les chiffres donnés dans les livres seraient donc,pour le cas précédent, erronés de près de 50%. L'au-teur se demande ensuite s'il n'en serait pas de mômepour le 1er qui présente tant do formes allotropiques.L'observation est évidemment applicable, non seule-ment au fer, mais à tous les autres corps. Et alors,quereste-t-il de tous les chiffres de la thermo-chimieprésentés jadis comme si absolus?

Il en restera probablement bien peu de chose, caralors môme qu'on partirait de métaux préparés de iamôme façon, on ne serait jamais sûr de partir d'unmôme corps, puisque sa simple température de dessi-

cliiiïrcs représentent la chaleur de dissolution d'un même poids du corps dansle mercure :

1' Argent battu en feuilles minces : +2 cal. 03;2° Argent produit par la transformation du métal précédent chauffé 20 heures

K 500-550° dans un courant d'oxygène : + 0 cal. 47;3° Argent cristallisé en aiguilles, obtenu par électrolyse da l'azotate d'argent

dissous dans 10 parties d'eau : -f- O cal. 10;4" Argent précipité de son azotate par le cuivre; lavé et séché d'une part à la

température ordinaire : +1 cal. 10;5» Argent précédent desséché à 120" : -f 0 cal. 76;6" Argent précédent chauffé au rouge sombre : -f* Ocal. 08.

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254 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÎ:RE

cation permet de faire varier sa chaleur de combi-naison et qu'il suffit de changer très peu son étatphysique pour changer ses propriétés thermiques.Faraday avait remarqué il y a longtemps, que de l'argentdéposé sur une lame de verre, par voie chimique,a un grand pouvoir réflecteur et une très faibletransparence. Si on porte de 250 à 300e la Jame deverre l'argent perd la plus grande partie de son pou-voir réflecteur et acquiert une forte transparence.Faraday en concluait que l'argent, dans ces deux cas,devait représenter des formes très différentes. Cesont des prévisions que l'expérience a entièrementconfirmées.

A l'époque où furent établis les chiffres de la ther-mo-chimie, les chimistes ne pouvaient pas raisonnerautrement qu'ils l'ont fait, puisqu'ils ne savaientalors différencier les corps que par des réactionsincapables de mettre en évidence certaines dissem-blancespourtant fondamentales. De l'argent, d'originequelconque, traité par de l'acide nitrique, donnaitinvariablement du nitrate d'argent de môme com-position centésimale, et on pouvait toujours en retirerla même quantité d'argent métallique. Commentaurait-on pu, dès lors, soupçonner qu'il existait, enréalité, des métaux divers, quoique présentant lemême aspect connus sous le nom d'argent?

Nous le savons aujourd'hui, parce que nos mé-thodes d'investigation se sont perfectionnées. Quandelles le seront davantage, il est probable, comme je ledisais plus haut, que le nombre des espèces chimiquesdérivées d'un même corps se multipliera encore.

Les faits précédemment exposés mettent en évi-dence cette loi générale importante, que les corpssimples ne se composent pas du tout d'élémentsfixes de structure invariable, mais bien d'élémentsqu'on peut faire varier dans des limites assez étendues.Chaque corps simple représente seulement un type

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UNITÉ DE COMPOSITION DES CORPS SIMPLES 255

d'où dérivent des variétés très différentes. En adoptantpour la classification des métaux cello des espècesvivantes, on pourrait dire qu'un métal, comme l'ar-gent ou le fer, constitue un genre comprenant plu-sieurs espèces. Toutes la espèces d'un mémo genre,le genre 1er et le genre argent, par exemple, se diffé-rencient nettement, bien que possédant des caractèrescommuns. Et si nous considérons quo dans le mondeminéral les espèces sont assez facilement modifiables,puisque, par exemple, l'espèce phosphore blanc peutdevenir Pespôco phosphore rouge, ou que l'espèceargent, capable de dégager beaucoup de calories parses combinaisons, peut devenir une espèce qui endégage moins, il est permis d'affirmer que lesespèces chimiques sont bien plus aisément transfor-mables que les espèces animales. On ne saurait s'enétonner, puisque l'organisation des secondes est bienautrement compliquée qua celle des premières.

Ainsi donc les espèces chimiques sont susceptiblesde variabilité. Nous savons, d'autre part, que, soumisà certaines actions appropriées, les atomes peuventsubir un commencement de dissociation. La variabi-lité des corps simples est-elle limitée ? Pout-onespérer, au contraire, réussir à transformer un corpssimple entièrement ? C'est le problème que nousexaminerons maintenant.

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CHAPITRE Y

La variabilité des espèces chimiques.

' §. I - LA VARIABILITÉ DES CORPS SIMPLES.

« 11 csl bien rare, écrivait il y a plus tic soixanteans le célèbre chimiste Dumas, qu'on parvienne àsaisir les lois d'une classe do phénomènes, en étu-diant ceux où l'action se présente avec la plus hauteintensité. C'est ordinairement le contraire que l'onobserve et c'est presque toujours par l'analyse patiented'un phénomène faible ou lent qu'on parvient àtrouver les lois de ceux qui échappaient d'abord àcette analyse. »

L'histoire entière des sciences confirme cette vue.C'est en examinant attentivement les oscillationsd'une lampe suspendue que Galilée découvrit la plusimportante des lois de la mécanique. C'est en étu-diait longuement l'ombre d'un cheveu quo Fresnclédifia les théories qui transformèrent l'optique. C'esten analysant avec des appareils rudimentaires deminuscules phénomènes électriques que Volta,Ampère et Faraday firent surgir du néant une sciencequi devait bientôt constituer un des plus importantsfacteurs de notre civilisation.

« Il est certain quo dans l'avenir comme dans lepassé, écrit M. Lucien Poincaré, les découvertes lesplus profondes, celles qui viendront subitement

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VARIABILITÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 257

révéler des régions entièrement inconnues, ouvrir deshorizons tout à fait nouveaux, seront laites parquelques chercheurs de génie nui poursuivrontdans la méditation solitaire leur labeur obstinéet qui, pour vérifier leurs conceptions les plushardies, ne demanderont sans doute que les moyensexpérimentaux les plus simples et les moins coûteux. »

De telles considérations devraient toujours êtreprésentes à l'esprit des chercheurs indépendants,lorsqu'ils se voient arrêtés par l'insuffisance de leursressources et l'indifférence où l'hostilité qui accueillele plus souvent leurs travaux. Il n'existe peut-être pasun phénomène physique qui, étudié avec patiencesous tous ses aspects, ne finisse par révéler, grâceà des moyens d'investigation très simples, des laitscomplètement imprévus. C'est ainsi que l'étude atten-tive des effluves engendrés par la lumière sur lemorceau de métal qu'elle vient frapper, a été l'originede toutes les recherches consignées dans cet ouvrageet nous a conduit finalement à montrer le peu defondement du dogme séculaire de l'indestructibilitéde la matière.

Le grand intérêt de telles recherches, lorsqu'ellessont poursuivies opiniâtrement, c'est qu'on voit sanscesse apparaître des faits inconnus et qu'on no saitjamais dans quelle région ignorée on sera conduit. Jel'ai constaté plus d'une l'ois pendant les nombreusesannées consacrées à mes expériences. Faites dansun tout autre but elles m'ont amené à étudier expé-rimentalementla question do la variabilité des espèceschimiques, et, si j'ai donné les explications précé-dentes, c'est un peu pour m'excuser d'avoir traitéun sujet qui semble au premier abord en dehorsdu cadre de mes recherches.

Au point do vue philosophique, le problème do lavariabilité des espèces chimiques est du mémo ordreque celui de la variabilité des espèces vivantes qui a

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258 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

pendant si longtemps agité la science. Niée énergi-quement d'abord, cette variabilité des espècesvivantes organisées a fiyj par être admise. Le prin-cipal argument qui l'a fait accepter est l'étenduedes variations qu'on peut faire subir aux êtresbien qu'on n'ait jamais réussi encore à obtenirexpérimentalement la transformation d'une seuleespèce.

Si donc nous réussissons à obtenir des variationstrès grandes de quelques espèces chimiques, la possi-bilité de leur transformation pourra être admise pourdes raisons du même ordre que celles qui ont sembléprobantes aux biologistes.

Cette variabilité des espèces chimiques, mise enévidence dans le chapitre précédent par la simplediscussion de faits déjà connus, demandait à êtrediscutée d'abord pour préparer le lecteur à l'interpré-tation des expériences que nous allons exposer main-tenant.

Pour obtenir la transformation de certains corpsnous n'aurons recours à aucun moyen énergique, telsque les températures élevées, les hauts potentielsélectriques, etc. Nous avons déjà montré que lamatière, très résistante à des agents fort puissants,est sensible, au contraire, à des excitants légers, à lacondition qu'ils soient appropriés. C'est précisémentpour cette raison qu'elle peut, malgré sa stabilité,so dissocier sous l'influence do causes aussi légèresqu'un faible rayon do lumière.

J'ai déjà signalé, le rôle tout à fait considérableque jouont des traces de substance étrangère ajoutéesà certains corps. Son importance m'apparut dès queje vis des propriétés aussi curieuses que la phospho-rescence, aussi capitales que la radio-activité, seproduire sous l'influence do tels mélanges.

Si des phénomènes aussi importants peuventêtre créés par des moyens d'une telle simplicité, no

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VARIABILITÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 259

pouvait-on parvenir, en procédant d'une façon ana-logue, à modifier toutes les propriétés fondamentalesde certains éléments ?

Par propriétés fondamentales d'un élément nouscomprenons celles en apparence irréductibles surlesquelles les chimistes s'appuient pour les clas-ser. C'est ainsi, que la propriété de l'aluminiumde ne pas décomposer l'eau à froid et do ne pass'oxyder à la température ordinaire constitue une descaractéristiques fondamentales de ce métal. Si onl'oblige à s'oxyder ù froid et à décomposer l'eau, enlui ajoutant simplement des traces de certains corps,on sera évidemment autorisé à dire qu'on a modifiéses propriétés fondamentales.

Ces expériences étant accessoires pour nous,puisqu'elles sortaient de l'ensemble de nos recher-ches, nous les avons fait porter seulement sur troismétaux, l'aluminium, le magnésium et le mercure.Comme elles nécessitent, bien que très simples,certaines explications techniques, nous renvoyons leurdescription détaillée à la partie purement expérimen-tale de cet ouvrage. On y verra que, en mettant lesdeux premiers de ces métaux en présence do tracesde diverses substances, par exemple, d'eau distilléeayant servi à laver un flacon vide dans lequel s'étaittrouvé précédemment du mercure, il nous a été pos-sible do modifier leurs caractères au point que, si onles classait d'après leurs propriétés nouvelles, il fau-drait changer leur place dans les classifications. Cesmétaux habituellement sans action sur l'eau la décom-posent violemment, l'aluminium s'oxyde instantané-ment à l'air, en se recouvrant do houppes épaissesqu'on voit grandir sous les yeux et qui donnent à unmiroir d'aluminium poli l'aspect d'une prairie.

Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquerces faits lorsqu'ils furent présentés en mon nom àl'Académie des Sciences. M. Ùerthclot fit remarquerque

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260 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

les métaux en présence pouvaient former des couplesélectriques qui seraient l'origine des phénomènesconstatés, et que ce ne seraient pas dès lors lespropriétés des métaux qu'on observait, mais celles deleurs couples. C'est là, évidemment, une explicationfort insuffisante, bien que dans les théories actuelleson considère un peu tous les corps comme de véri-tables piles formées par la combinaison d'ions posi-tifs et négatifs séparables par divers moyens.

D'autres savants comparèrent les métaux ainsitransformés à des alliages qui, d'après certaines idéesactuelles, seraient constitués par des combinaisonsen proportions définies, dissoutes dans un excédentde l'un des métaux en présence. Mais dans les alliages,les changements obtenus: dureté, fusibilité, etc., sontsurtout d'ordre physique, et dans aucun d'eux onn'observe de transformations chimiques analogues àcelles que nous avons obtenues.

En étendant ces recherches, on trouvera certaine-ment un grand nombre de faits du môme ordre. Lachimie en possède déjà un certain nombre. Il n'estpas, je l'ai dit, do corps plus dissemblables peut-êtreque le phosphore blanc et le phosphore rouge. Parcertaines de leurs propriétés chimiques fondamen-tales, leur oxydabilité entre autres, ils diffèrentpresqueaulant l'un de l'autreque le sodium se distinguedu fer. Cependant il suffit d'ajouter au phosphoreblanc des traces d'iode ou de sélénium pour le trans-former en phosphore rouge.

Les exemples du fer et de l'acier, du fer pur et dufer ordinaire, ne sont pas moins typiques. Chacunsait que l'acier, si dissemblable du fer par sa duretéet son aspect, n'en diffère chimiquement que par laprésence de quelques millièmes de carbone. On saitaussi que les propriétés du fer pur sont absolumentdifférentes de celles du fer ordinaire. Ce dernier, eneffet, ne s'oxyde pas dans l'air seo. Le fer pur obtenu,

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!VA1UÀDIL1TÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 26i '

on réduisant par l'hydrogène à chaud du sesquioxydode fer, est tellement oxydable au contraire qu'il prendspontanément feu à l'air, d'où le nom. dé fer pyropho-rique qu'on lui a donné.

On pourrait môme, en présence de tels faits, sedemander si les propriétés classiques de plusieursmétaux usuels ne seraient pas uniquement dues à l'in-fluence d'une quantité infinitésimale d'autres corps,dont la présence nous échappe souvent, et que nousqualifions d'impuretés lorsque l'analyse nous lesrévèle. Nous verrons que les plus importants com-posés de la chimie organique, les diastases, perdenttoutes leurs propriétés dès qu'on les dépouille destraces de certains métaux dont l'existence n'était pasautrefois soupçonnée.

Les faits mis en évidence par nos recherches ettous ceux du môme ordre que nous en avons rappro-chés semblent donc bien prouver que les atomes descorps simples n'ont pas l'invariabilité qu'on leur sup-posait.

Admettre qu'ils ne sont pas invariables, c'est direqu'on pourra arriver à les transformer, et revenirà ce vieux problème de la transmutation des corps,qui a tant occupé les alchimistes du moyen âge, et quela science moderne avait fini par juger aussi indignede ses recherches que la quadrature du cercle ou lemouvement perpétuel. Considéré comme chimériquependant longtemps, il renaît aujourd'hui sous desformes variées, et préoccupe les plus éminents chi-mistes.

« La grande découverte.moderne qu'il y aurait àréaliser aujourd'hui, écrivait il y a quelques annéesM. Moissan, ne serait donc pas d'accroitre d'une unitéle nombre de nos éléments, mais au contraire de lediminuer en passant d'une façon méthodique d'uncorps simple à un autre corps simple... Arriverons-nous enfin à cetie transformation des corps simples

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2G2 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

les uns dans les autres qui jouerait en chimie unrôle aussi important que l'idée de combustion saisiepar l'esprit pénétrant de Lavoisier?... De grandesquestions restent à résoudre. Et cette chimie miné-rale, que l'on croyait épuisée, n'est encore qu'à sonaurore. »

En réalité, avec la théorie actuelle sur la dis-sociation électrolytique, les chimistes sont obligésd'admettre comme choses très courantes des trans-mutations tout aussi singulières que celles rêvéespar les alchimistes, puisqu'il suffirait de dissoudreun sel dans l'eau pour transformer entièrement sesatomes.

.On sait que, suivant cette théorie déjà ancienne

mais très développée il y a quelques années parArrhônius, dans une solution aqueuse d'un sel, lechlorure de potassium, par exemple, les atomes duchlore et du potassium se sépareraient et resteraienten présence au sein du liquide. Le chlorure de potas-sium serait dissocié par le fait seul de sa dissolutionen chlore et en potassium.

Mais, comme le potassium est un métal qui ne peutséjourner dans l'eau sans la décomposer avec violence,ni se trouver en présence du chlore sans se combinerénergiquement avec lui, il faut bien admettre que lechlore et le potassium do cette solution jouissent depropriétés nouvelles sans analogie avec les propriétésordinaires de ces corps. Il en résulte que leurs atomesont été transformés entièrement. On le reconnaît,d'ailleurs, puisqu'on interprète le phénomène endisant que les différences constatées tiennent à ce quedans la solution les atomes chlore et les atomes potas-sium sont formés d'ions porteurs de charges élec-triques de nom contraire neutralisés dans le chlore etdans le potassium ordinaires. Il existerait donc deuxespèces de potassium très différentes, le potassiumdes laboratoires, jouissant do toutes les propriétés

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VARIABILITÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 2G3

que nous lui connaissons, et le potassium ionisé sansparenté aucune avec le premier. De môme pour lechlore.

Cette théorie a été acceptée parce qu'elle facilite lescalculs, mais il est évident qu'elle conduirait à consi-dérer l'atome comme la chose la plus facile à trans-former, puisqu'il suffirait de dissoudre un corps dansl'eau pour obtenir une transformation radicale de seséléments caractéristiques.

Plusieurs chimistes étaient allés d'ailleurs assez loindans celte voie. H. Sainte-Claire Deville déclarait à sesélèves qu'il ne croyait pas à la persistance des élé-ments dans les composés. W. Ostwald, professeur dechimie à l'Université de Leipzig, affirme égalementque les éléments ne sauraient subsister dans les com-binaisons chimiques. « Il est, suivant lui, contraireà toute évidence d'admettre que la matière subissantune réaction chimique ne disparaisse pas pour faireplace à une autre douée de propriétés différentes. »De l'oxyde de fer, par exemple, ne contiendrait nulle-ment du fer et de l'oxygène. Lorsqu'on fait agirl'oxygène sur le fer, on opère une transformationcomplète de l'oxygène et du fer, et si de l'oxydeainsi formé on retire ensuite de l'oxygène et du fer,ce n'est qu'en opérant une transformation inverse.« N'est-ce pas un non-sens, écrit M. Ostwald, quede prétendre qu'une substance définie existe encoresans plus posséder aucune de ses propriétés? Enfait, cette hypothèse do pure forme n'a qu'un but,mettre d'accord les faits généraux dp la chimie avecla notion tout à fait arbitraire d'une matière inalté-rable. »

Il paraît bien résulter de ce qui précède que leséquilibres des éléments constituant les atomes peu-vent être modifiés facilement, mais il est incontestableaussi qu'ils ont une tendance invincible à retourner àcertaines formes d'équilibre spéciales à chacun d'eux

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264 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

puisque, après toutes les modifications possibles,ils peuvent toujours revenir à leur forme primitived'équilibre. On peut donc dire que dans l'élat actuelde la science, la variabilité des espèces chimiquer estprouvée, mais qu'avec les moyens dont nous dispo-sons elle n'est réalisable que dans certaines limites.

§ 2. - LA VARIABILITÉ DES CORPS COMPOSÉS.

Ce que nous venons de dire de la variabilité descorps simples et des moyens qui permettent del'obtenir, s'applique également aux espèces chimiquescomposées. Il existe aujourd'hui une très importanteindustrie, celle des lampes à incandescence, fondéejustement sur le principe de la transformation decertaines propriétés des corps composés en présencede faibles quantités d'autres corps.

Lorsqu'on imbibe les mancluns de ces lampesd'oxyde de thorium pur, ils no deviennent pas lumi-neux quand on les chaufle, ou le deviennent trèspeu, mais si l'on additionne l'oxyde de thorium de1 pour cent d'oxyde de cérium, ce mélange donne aumanchon la luminosité éclatante que tout le mondeconnaît. Avec l'augmentation ou la diminution de laquantité d'oxyde de cérium ajouté à celui de thoriuml'incandescence diminue aussitôt. C'était là un phé-nomène fort imprévu, et c'est pourquoi la création dece mode d'éclairage à demandé do très longuesrecherches.

Mais c'est peut-être dans les phénomènes chimiquesqui se passent au sein des êtres vivants que le mômeprincipe se vérifie le plus fréquemment. Diversesdiastascs perdent entièrement leurs propriétés si onles dépouille des traces de substances minéralesqu'elles contiennent, le manganèse notamment. Il

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VARIABILITÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 265

est probable que des corps comme l'arsenic, qu'onretire maintenant à doses infinitésimales de beaucoupde tissus, exercent une influence importante quel'ancienne chimie ne soupçonnait pas.

C'est probablement à ces actions exercées par laprésence.de corps en quantité très faible que sontdues les différences observées entre des composés con-sidérés autrefois comme identiques et qui varieraientau contraire suivant leur origine. Jadis les principesbien définis, tels que le sucre, la chlorophylle, l'hémo-globine, la nicotine, les essences, etc., étaient consi-dérés comme identiques, quel que fut l'être vivantdont ils provenaient.

Armand Gautier a établi que c'était une erreur :

« quoique restant toujours de même famille chimi-que, ces principes, lorsqu'on les isole et les étudie deprès, se sont, d'une race végétale à l'autre, modifiéspar isomérisation, substitution, oxydation ; ils sontdevenus en somme d'autres espèces chimiques définies...Il en est de même chez l'animal. II n'y a pas unehémoglobine, mais des hémoglobines, chacune propreà chaque espèce ».

Tout en constatant ces différences entre corps sem-blables de diverses origines, Armand Gautier n'endonne pas.les causes. C'est par analogie que j'aisupposé les différences reconnues produites par destraces de certaines matières et par la variation deleur quantité. J'ai déjà fait remarquer que les fer-ments organiques perdent leurs propriétés dès qu'onles dépouille de la petite proportion de matières métal-liques qu'ils contiennent toujours. L'hémoglobine, quiparaît agir comme ferment catalytique, contient desquantités de fer, très, variables suivant les espècesanimales.

Ce principe de la tranlormation des propriétés d'unesubstance par l'addition d'une très petite quantitéd'autres corps a donc, comme on le voit, une impor-

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266 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÙHE

tance générale 1. Ce n'est cependant que l'énoncéd'observations empiriques dont les causes secrètesrestent toujours cachées. Les combinaisons particu-lières ainsi formées et sur lesquelles nous revien-drons dans un prochain chapitre, échappent absolu-ment aux lois fondamentales de la chimie.

Les applications diverses.que j'ai faites de ce prin-cipe m'ont prouvé qu'il sera fécond et trouvera sonapplication non seulement en chimie et en physio-logie mais encore en thérapeutique.

Je base celte dernière assertion sur des études quej'ai entreprises, il y a plusieurs années, relativementaux propriétés tout à fait nouvelles que prend lacaféine associée dans certaines condilions à de trèsfaibles doses de théobromine (alcaloïde n'agissantsur l'organisme qu'à très haute dose quand il estisolé). D'après des expériences faites sur un grandnombre de sujets avec des appareils enregistreurs etdont plusieurs ont été répétées dans un des labora-toires de la Sorbonne par M. le professeur CharlesHenry, la caféine théobromôc serait le plus énergiquedes excitants musculaires connus. Des observationsfaites sur un certain nombre d'artistes et d'écrivains

1. L'intérêt do ces considérations n'a pas échappé à lous les chimistes.J'en trouve la preuve dans une note de M. Duboin, professeur de chimie à laFatuité des Sciences de Grenoble, publiée dans la Revue scientifique du 2 jan-vier 190i, et dont j'extrais le passage suivant :

MLa lecture des derniers mémoires de Gustavo Lo l'on m'a conduit à une

théorie nouvelle do la constitution des corps présentant plusieurs états allotro-piques.

« Je crois que de3 trois variétés connues du phosphore : phosphore Manc, phos-phore rouge, phosphore violet, une seule serait un corps simple, les deux autresétant des combinaisons do celle-là aveu un élément a poids atomique extrême-ment faible, analogue anx particules émanées des corps radio-aclifs.

« Lorsque l'oxygène oxyde lentement le phosphore blanc, il lui enlèverait cetélément et se combinerait avec lui pour donner l'ozone, qui serait ainsi unecombinaison d'oxygène et do cet élément inconnu.

(i C'est là sans doute une hypothèse, mais si des expériences la confirmaient,

ce serait une incursion dans ce domaine de la chimie sans balance, dontGustave Lo lion a le premier fait entrevoir l'étendue. »

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VARIABILITÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 267

m'ont prouvé également sa puissance singulière surl'activité intellectuelle.

Les expériences sur la variabilité des espèces chi-miques composées n'ont pas évidemment la mêmeimportance que celles relatives à la variabilité descorps simples puisque la chimie savait depuis long-temps modifier par des réactions diverses les corpscomposés. Si je les ai relatées, c'est pour montrerque le principe do la méthode permettant de fairevarier les propriétés dos corps simples est applicableà beaucoup de corps composés et pour faire pressentirses conséquences.Dans l'ancienne chimie minérale, lescorps composés quelconques, le nitrate d'argent parexemple, étaient considérés comme des substancestrès définies formées par la combinaison de certainséléments en proportion rigoureusement constante.Il n'en est rien probablement. La loi des propor-tions définies n'est sans doute qu'une loi approchéecomme la loi de Mariotto et ne doit son exactitudeapparente qu'à l'insuffisance de nos moyens d'obsor-vation.

En ce qui concerne la variabilité des corps simplesil faut faire remarquer qu'une raison très sérieuse,déduite de nos recherches, s'opposera sans doutetoujours a ce que l'atome puisse subir des trans-formations d'équilibre complètes. Nous avons fait voirqu'il est un colossal réservoir d'énergie. Il scmblodonc probable que pour le transformerentièrement ilfaudrait mettre on jeu des quantités d'énergie très su-périeures à celles dont nous disposons.

Mais l'expérience prouve que, sans pouvoir définiti-vement détruire les équilibres atomiques, il nous estpermis de les modifier. Nous savons aussi que, pardes moyens très simples, nous pouvons provoquer ladissociation de la matière et par conséquent libérerune partie do son énergie. Si donc il nous est impos-sible d'ajouter assez d'énergie à l'atome pour le trans-

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2G8 1,'ÉVOLLTION DE LA MATIÈRE

former, nous [pouvons au moins espérer arriver àle dépouiller d'une partie de son énergie, c'est-à-direlui faire descendre une série qu'il ne saurait remonterdans l'échelle de ses étals successifs. L'atome,dépouillé d'une certaine quantité d'énergie, ne pour-rait plus être ce qu'il était avant de l'avoir perdue.C'est alors qu'apparaîtrait sans doute une véritabletransmutation.

En rapprochant les faits précédemment exposésnous arrivons à celle conclusion, que la matière àlaquelle nos expériences avaient déjà ôté l'immortalitén'a pas davantage la fixité qu'on lui supposait, lienrésulte que toutes les idées encore régnantes sur l'in-variabilité des espèces chimiques paraissent con-damnées à disparaître.

Quand on voit combien sont profondes les trans-formations dilcs allotropiques, les transformationsdes corps dans les solutions éleclrolytiqucs, les trans-formations complètes de plusieurs métaux en présencede faibles quantités de certaines substances, la facilitéavec laquelle les corps se dissocient et se réduisentaux mêmes éléments, on est nécessairement conduit àrenoncer aux idées classiques cl à formuler le prin-cipe suivant :

Les espaces chimiques, pas 2^lls Que 'cs csfùcesvivantes^ ne sont invariables.

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CHAPITRE VI

Les équilibres chimiques des élémentsmatériels.

$ I. - LES ÉQUILIBRES CHIMIQUES DES SUBSTANCESMINÉRALES.

Les divers éléments peuvent en se combinantdonner naissance à des corps de complexité crois-sante, depuis les minéraux qui constituent notreglobe jusqu'aux composés formant les tissus des êtresvivants.

Depuis longtemps la cbiinio étudie ces combinai-sons. On pourrait donc supposer que nous allonspénétrer maintenant dans un domaine très connu.On n'y séjourne pas longtemps sans reconnaître qu'ilconstitue au contraire un monde rempli de partiestotalement ignorées.

Le règne minéral étant le seul qui fût accessibleaux anciennes méthodes chimiques, c'est par lui natu-rellement que les études ont commencé. Kilos étaientrelativement faciles, et c'est pourquoi lu chimie a sem-blé d'abord une science simple cl précise.

Les substances minérales sont, en ellet, forméesgénéralement par les combinaisons d'un très petitnombre d'éléments : oxygène, hydrogène, soufre, etc.Ces combinaisonspossèdent une composition constanteet représentent des édilices moléculaires d'une slruc-

V:J.

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270 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

lure peu complexe. C'est seulement quand on arriveaux composés élaborés dans les tissus des êtres vivantsque les phénomènes deviennent difficiles à interpréter.Les édifices moléculaires possèdent alors une com-plication excessive et une instabilité très grande néces-sitée par la rapide production d'énergie que demandel'entretien de la vie. L'édifice élémentaire du mondeminéral, ne comprenant que quelques pierres, estdevenu une ville. La structure des substances orga-nisées arrive parfois à se compliquer tellement quele plus souvent elle nous échappe entièrement.

Mais si simples en apparence que paraissent lesédifices minéraux, il s'en faut do beaucoup que nousdiscernions la nature des équilibres capables do leurdonner naissance. Ce sont uniquement les effets pro-duits par ces équilibres qui nous sont accessibles. Ilnous est impossible de savoir en quoi un atome desoufre diffère d'un atome d'oxygène ou de tout autreatome, et impossible également de comprendre lacause des différencesde propriété des composés forméspar leurs combinaisons. Tout ce qu'il est possible dedire, c'est que la position relative des atomes sembledéterminer les propriétés des corps, bien plus que lesattributs supposés inhérents à ces atomes. Il n'y aguère de propriétés des éléments que l'on ne par-vienne à transformer en modifiant la structure desédifices moléculaires dans lesquels ils sont engagés.Quelles sont les propriétés du rigide diamant qu'onretrouve dans l'acide carbonique gazeux résultantde la combinaison du diamant avec l'oxygène? Quellessont les propriétés du chlore suffocant, du sodiumaltérable, qu'on rencontre dans le sel marin formé parleur association? Le cacodyle et l'arsenic sont descorps très toxiques, la potasse est un corps fort caus-tique; tandis que le cacodylate de potasse, qui ren-ferme 42 °/o d'arsenic, est un corps nullementcaustique et tout à fait inoffensif.

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ÉQUILIBRES CHIMIQUES DES ÉLÉMENTS MATÉRIELS 271

Les propriétés des éléments sont donc susceptiblesd'être entièrement transformées par le changementde position des atomes qui entrent dans leur structure.En chimie, comme en architecture, la forme de l'édi-fice a une importance beaucoup plus grande que celledes matériaux qui le constituent.

C'est principalement dans les corps isomères, c'est-à-dire possédant une composition centésimale iden-tique, bien que manifestant des propriétés différentesque se montre l'importance de la structure des édificesmoléculaires. Dans les corps isomères dits métamôres,il y a non seulement môme composition centésimale,mais souvent le même nombre d'atomes par molé-cule. L'identité est complète en apparence, mais lesdifférences de propriétés montrent qu'elle ne sauraitl'être.

Dans les corps dits polymères, la composition cen-tésimale reste également identique, mais le poidsmoléculaire varie, soit par condensation, s pardédoublement des molécules. Telle est du moinsl'explication. Si nous pouvions créer des élémentspolymères des métaux que nous connaissons, nousarriverions probablement à créer des corps nouveaux,tout comme en polymérisant l'acétylène, simplementen le chauffant, nous le transformons en benzine. Parle fait seul que trois molécules d'acétylène C2112 sesont unies à elles-mêmes, elles ont formé un corpsentièrement différent: le tri-acétylène ou benzine3(C2II2) = C6H8.

Tant que la chimie n'eut qu'à manier les combi-naisons très simples du monde minéral, l'eau, lesacides, les sels minéraux, etc., dont la compositionlui était bien connue, elle a réussi, en faisant varierméthodiquement leur composition, à transformerleurs propriétés et à créer des corps nouveaux àvolonté.

Si on prend, par exemple, une combinaison peu

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272 L'ÉVOLUTION DE LA MATIKHK

compliquée, le gaz des marais pu formèno, composéde carbone et d'hydrogène (GH*), on peut, en rempla-plaçant successivement un atome d'hydrogène par unatome do chlore, obtenir des produits très divers, telsque le formène monochloré ou chlorure de méthylo(OU 3 Cl), le formèno bichloré (GI12 Cl2), le formènotrichloré ou chloroforme (G II Cl'*). Si on enlève àcombinaison son dernier atome d'hydrogène, ellodevionl le pcrchloruro do carbono (CCI*).

Toutes ces réactions, étant très simples, peuvents'exprimer par des formules également très simples.Si la chimie en était restée à cette phase, ello auraitpu être considérée comme une science parfaitementconstituée. I/étude des équilibres chimiques des sub-stances organisées est venue montrer l'insuffisance desanciennes notions.

§ S. - LES ÉQUILIBRES CHIMIQUES DES SUBSTANCESORGANISÉES.

Dès quo la chimie a dépassé les limites du mondeminéral pour pénétrer dans l'étude du monde orga-nisé, les phénomènes .sont devenus de plus en pluscompliques. On constata facilement l'existence d'équi-libres indépendants de la composition centésimale descorps, et quo par conséquent les formules habituellesne pouvaient traduire, à moins de donner la mémoformulo à des corps très dissemblables. Il fallut doncrenoncer aux anciennes méthodes cl recourir a desfigures géométriques pour représenter approximati-vement les structures qui se révélaient. On supposad'abord — contre toute vraisemblance d'ailleurs —que les atomes se disposaient sur un plan suivant deslignes'géomôtriqucsdont le type était l'hexagone. Puis,on finit par comprendre qu'ils étaient forcément dis-posés suivant les trois dimensions do l'espace et onarriva alors à les représenter par des figures solides

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•ÉQUlLIbRES CHIMIQUES DES ÉLÉMENTS MATERIELS 273

dont le type est le tétraèdre. Ainsi est née la stéréo-chimio^ui, sans lien nous dire assurément de l'inae-cessiblo archilccturc des atomes, a permis do syn-thétiser certains faits connus et d'en trouver d'autres.

Ces structures schématiques, sans aucune parentéavec la réalité, finirent cependant par se montrerelles-mêmes très insuffisantes. On fut alors conduit àsupposer que les éléments des corps ne sont pas enéquilibre statique, mais en équilibre dynamique. D'où,une nouvelle chimie en voie d'organisation que l'onpourrait nommer la chimie cinématique. Dans ses for-mules, les atomes sont représentés par de petitscercles, autour desquels on trace une flèche indi-quant le sens supposé de leur rotation. L'idée que lesatomes et leurs éléments composants sont en perpé-tuel mouvement dans les corps est bien conformeaux notions que nous avons exposées, mais Uaduiro[tardes figures des mouvements aussi compliqués estévidemment au-dessus de nos ressources.

Ce qui ressort do plus net des conceptions actuelles,c'est rjuo les composés chimiques apparaissent deplus en plus commodes équilibres mobiles, variablesavec les conditions extérieures, telles que la tempé-rature et la pression auxquelles ils sont soumis.

Les réactions indiquées parles équations chimiquesne doivent leur apparente rigueur qu'à ce que lesconditions de milieu où elles se réalisent ne varientpas notablement. Quand elles se modifient beaucoup,les réactions changent aussitot'ct les équations habi-tuelles ne sont plus applicables. Ce qu'on appelle,en chimie, la loi des phases, est née de cette cons-tatation. Une combinaison chimique quelconque doitêtre toujours considérée comme un état d'équilibreentre les forces extérieures qui entourent un corps etles forces intérieures que ce corps contient.

Tant que la chimie n'a eu qu'à étudier des composésminéraux ou organiques très simples, des lois élu-

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274 L'ÉVOLUTION DE LÀ MATIÈRE

mentaires ont pu suffire, mais une étude plus appro-fondie a montré qu'il existe des substances pour les-quelles aucune des lois connues de la chimie no pou-vait être appliquée. Or ces substances sont justementcelles qui jouent le rôle prépondérant dans les phéno-mènes de la vie.

Un être vivant est constitué par un ensemble decomposés chimiques provenant de la combinaisond'un très petit nombre d'éléments associés de façon àcomposer des édifices moléculairesd'une mobilité 1resgrande. Cette mobilité, nécessaire pour la productionrapide d'une grande quantité d'énergie, est une desconditions mômes de l'existence. La vie est liée à laconstruction et à la destruction incessante d'édificesmoléculaires très compliqués et très instables. Lamort est caractérisée, au contraire, par le retour àdes édifices moléculaires peu compliqués d'une sta-bilité d'équilibre très grande.

Un grand nombre des composés chimiques, dontl'ensemble constitue un être vivant, possèdent unestructure et des propriétés auxquelles aucune des loisde l'ancienne chimie ne sont applicables. On y trouvetoute une série do corps : diastases, toxines, anti-toxines, alexincs, etc.,dont l'existence n'a été révéléele plus souvent que par des caractères physiologiques.Aucune formule ne peut traduire leur composition.Nulle théorie n'explique leurs propriétés. Us tiennentsous leur dépendance la plupart des phénomènes dela vie et possèdent ce caractère mystérieux de pro-duire des elTets très grands sans changer de com-position apparente et par leur simple présence. C'estainsi que le protoplasma, c'est-à-dire la substancefondamentale des cellules, ne semble jamais chan-ger, bien que, par sa présence, il détermineles réactions chimiques les plus compliquées,notamment celles qui ont pour résultat de trans-former les corps contenant de l'énergie à bas potentiel

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ÉQUILIBRES CHIMIQUES DES ÉLÉMENTS MATÉRIELS 275

en d'autres corps dont le potentiel est élevé.La plante sait fabriquer avec des composés

peu compliqués, tels que l'eau et l'acide carboniquedes édifices moléculaires oxydables très compli-qués, chargés d'énergie. Avec l'énergie à faibletension qui l'entoure, elle fabrique donc de l'énergieà haute tension. Elle bande le ressort que d'autresêtres débanderont pour utiliser sa force.

Les édifices chimiques, que savent fabriquerd'humbles cellules, comprennent, non seulement lesopérations les plus savantes de nos laboratoires :éthôrification, oxydation, réduction, polymérisation,etc., etc., mais beaucoup d'autres bien plus savantesencore, que nous ne saurions imiter. Par des moyensque nous ne soupçonnons pas, les cellules vitalessavent construire ces composés compliquéset variés :albuminoïdes, cellulose, graisses, amidon, etc., néces-saires à l'entretien de la vie. Elles savent décomposerles corps les plus stables, comme le chlorure desodium, extraire l'azote des sels ammoniacaux, lephosphore des phosphates, etc.

Toutes ces opérations si précises, si admirablementadaptées à un but, sont dirigées par des forces dontnous n'avons aucune idée, et qui se conduisent exac-tement comme si elles possédaient une clairvoyancetrès supérieure à la raison. Ce qu'elles accomplissentà chaque instant de notre existence est très au-dessusde ce que peut réaliser la science la plus avancée.

Un être vivant est un agrégat de vies cellulaires.Tant que nous ne pourrons pas comprendre les phé-nomènes qui se passent au sein d'une cellule isoléeet que nous n'aurons pas découvert les forces qui lesdirigent il sera bien inutile de bâtir des systèmes phi-losophiques pour expliquer la vie. La chimie a réaliséau moins ce progrès de nous montrer que nous noustrouvions devant un monde de réactions totalementinconnues. Aux anciennes certitudesd'une science trop

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jeune elle a fini par substituer les incertitudes dontest toujours chargée une science plus avancée. Il nefaut pas trop les montrer pourtant, car la longueurdu chemin à parcourir paralyserait nos efforts.Heureusement, ceux qui débutent dans ces éludesno voient pas combien elles: sont peu avancées etbien souvent leurs maîtres ne le voient pas davan-tage. Il ne manque pas de formules savantes pourcacher nos ignorances.

Quel rôle peut jouer l'énergie intra-atomique dansles réactions si inconnues encore qui se passent ausein des cellules ? C'est ce que nous allons recherchermaintenant.

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CHAPITRE VII

La chimie intra-atomiqueet les équilibres Ignorés de la matière.

§ i. ~ LA CHIMIE INTRA-ATOMIQUE.

Nous venons de montrer sommairement l'existencede réactions chimiques révélant des équilibres do lamatière complètement ignorés. Sans prétendre pou-voir déterminer la nature de ces équilibres ne serait-il pas déjà possible do pressentir un peu leurs origines?Il semble extrêmement probable qu'un grand nombredes réactions inexplicables dont nous avons parlé, aulieu d'atteindre seulement les édifices moléculaires,atteignent, également, les édilices atomiques et met-tent en jeu les forces considérables dont nous avonsprouvé l'existence dans leur sein. La chimie ordinairesait déplacer les matériaux dont les composés sontformés, mais elle n'avait pas songé jusqu'ici à toucherà ces matériaux, qu'elle considérait comme indes-tructibles.

Quelle que soit l'interprétation que l'on veuilledonner aux faits dont l'exposé va suivre, il est certainqu'ils prouvent l'existence d'équilibres de la matièrequ'aucune des anciennes théories de la chimie nopourrait expliquer.

On y voit des actions considérables produites par24

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278 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

des réactions si faibles, que nos balances ne les aper-çoivent pas, des phénomènes qu'aucune des doctrineschimiques n'auraient pu prévoir et qui sont le plussouvent en contradiction avec elles. Nous sommesau seuil d'une science nouvelle où les réactifs usuelset la balance ne peuvent être d'aucun secours, puis-qu'il s'agit de réactions dont les effets sont énormes,bien qu'il n'y ait que des quantités infiniment petitesde matière mises en jeu.

Les phénomènes fondamentaux révélant la dissocia-tion des atomes, ayant été étudiés ailleurs, il seraitinutile d'y revenir à présent. Les faits que nous allonsénumérer prouvent, suivant nous, que celte dissocia-tion joue un rôle important dans beaucoup de phé-nomènes inexpliqués jusqu'ici.

Ces faits ne sauraient être classés d'une façonméthodique, puisqu'il s'agit d'une science qui n'est pasencore née. Nous nous bornerons donc à les décriredans une suite de paragraphes, sans essayer do lesprésenter avec un ordre que leur caractère fragmen-taire ne comporte pas.

§ 2. - LES MÉTAUX COLLOÏDAUX.

Un des meilleurs types des substances, échappantaux lois ordinaires de la chimie, est représenté parles métaux colloïdaux. Le moyen employé pour lespréparersuffirait à indiquer à lui seul, à défaut de leurspropriétés toutes spéciales, que l'atome doit y êtrepartiellement dissocié.

Nous avons vu que des pôles métalliques d'une ma-chine statique en mouvement sortent des électrons etdes ions, résultant de la dissociation de la matière.Au lieu d'une machine statique, prenons, uniquementpour la commodité de l'expérience, une bobine d'in-duction et terminons ses pôles par des tiges formées

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LA CHIMIE INTRA-ATOMIQUE ET LES ÉQUILIBRES 279

du métal à dissocier, de l'or ou du platine, parexemple, que nous plongerons dans de l'eau distillée.En faisant éclater des étincelles entre les deux tiges,suivant la méthode décrite par Bredig, on voit seformer un nuage autour des électrodes. Au bout d'uncertain temps, le liquide se colore et contient, enplus de particules métalliques arrachées des élec-trodes et faciles à séparer par filtration, quelquechose d'inconnu provenant de la dissociation dumétal. C'est à cette chose inconnue qu'on donne lenom de métal colloïdal 1. Si on prolonge l'opération,le métal colloïdal ne se forme plus, comme si leliquide était saturé.

Les propriétés des métaux à l'état colloïdal sontabsolument différentes de celles du corps dont ellesémanent. A la dose prodigieusement faible de l/300ede milligramme par litre, le métal colloïdal exercedéjà les actions très énergiques que nous indiqueronsplus loin.

Le liquide où se trouve le métal colloïdal est coloré,mais il est impossible d'en rien séparer par filtration,ni d'y apercevoir au microscope aucune particule ensuspension, ce qui montre que ces particules, si ellesexistent, sont inférieures aux longueurs d'onde de lalumière.

La théorie des ions étant applicable à la plupart desphénomènes, on l'a naturellement appliquée aux col-loïdes. Une solution colloïdale est considérée aujour-d'hui comme contenant des granules porteurs decharges électriques, les unes positives, les autresnégatives.

Quoiqu'il en soit de cette théorie un peu simpliste,il est évident qu'un métal colloïdal n'a gardé aucune

1. Il existe des méthodes chimiques pour préparer les métaux, l'argent notam-ment, à l'état dit colloïdal, niais il n'est pas du tout démontré qu'ils soient iden-tiques aux corps obtenus avec l'étincelle électrique, suivant la méthode que joviens d'indiquer.

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280 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE.

des propriétés du même métal à l'état ordinaire. Sesatomes ont probablement subi un commencement dedissociation et c'est justement pour cette raison qu'ilsne possèdent plus aucune de leurs anciennes proprié-tés. Du platine ou de l'or colloïdal ne sont plus cer-tainement ni de l'or, ni du platine, bien que fabriquésavec ces métaux.

Les propriétés des métaux colloïdaux sont, en effet,sans aucune analogie avec celles d'un sel du mêmemétal en solution. Par certaines de leurs actions, ilsse rapprochent beaucoup plus des composés orga-niques, les oxydases notamment, que des sels miné-raux. Ils présentent les plus grandes analogies avecles toxines et les ferments, d'où le nom de fermentsinorganiques qu'on leur donne quelquefois. Le platinecolloïdal décompose l'eau oxygénée comme le fontcertains ferments du sang ; il transforme l'alcool paroxydation en acide acétique comme le fait le myco-dcrma aceli. L'iridium colloïdal décompose le formiatede chaux en carbonate de chaux, acide carbonique ethydrogène à l'instar de certaines bactéries. Chose pluscurieuse encore, les corps qui, de même que l'acideprussique, l'iode, etc., empoisonnent les fermentsorganiques, paralysent ou détruisent de la mômefaçon l'action des métaux colloïdaux.

Les propriétés si spéciales et si énergiques de cesmétaux devaient conduire à étudier leur action surl'organisme. Elle est très intense. C'est à leur présencedans diverses eaux minérales que M. le professeurGarrigou attribue plusieurs propriétés de ces eaux,celle d'enrayer des phénomènes d'intoxication parexemple. M. Robin a employé les métaux colloï-daux en injectant à des malades 5 à 10 centimètrescubes d'une solution contenant 10 milligrammes demétal par litre contre diverses affections : fièvretyphoïde et pneumonie notamment. Le résultat a étél'accroissement considérable des échanges organiques

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LA CHIMIE INTRA-ATOMIQUE ET LES ÉQUILIBRES 28i

et do l'oxydation des produits d'élimination révéléepar une surproduction d'urée et d'acide urique. Cessolutions étant malheureusement très rapidementaltérables, leur utilisation pratique est fort difficile.

Il n'y a, on le voit, aucune parenté ni rapprochéeni lointaine entre les métaux colloïdaux et ceuxd'où ils dérivent. Aucuneréaction chimique ne sauraitexpliquer les propriétés qu'ils possèdent. Leur modede préparation autorise à supposer qu'ils contiennent,comme je l'ai dit plus haut, des éléments de matièredissociée. Je n'ai constaté cependant chez eux aucunphénomène de radio-activité mais on comprend quesi ces phénomènes se produisent pendant la disso-ciation de la matière, il n'y a aucune raison pourqu'ils apparaissent quand la matière est déjà disso-ciée.

En dehors des métaux, beaucoup de substancespeuvent exister à l'état dit colloïdal et on tend aujour-d'hui à faire jouer à cette forme inconnue des équi-libres matériels un rôle prépondérant en physio-logie. Le protoplasma, par exemple, ne serait qu'unmélange de substances colloïdales, ce qui, d'ailleurs,ne nous éclaire nullement sur ses merveilleuses pro-priétés.

§ 3. - LES DIASTASES, LES ENZYMES, LES TOXINES

ET LES ACTIONS DE PRÉSENCE.

Des métaux colloïdaux obtenus par la dissociationde divers corps simples, il faut rapprocher les com-posés classés sous le nom de diastases, toxines,enzymes, etc., dont les réactions sont très voisinesde celles des métaux colloïdaux. Leur constitutionchimique est profondément ignorée. Ils agissentpresque exclusivement par leur présence et sontparfois d'une toxicité extrême à des doses presqueimpondérables. Suivant Armand Gautier 2 gouttes

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282 L'ÉVOLUTION DR LA MATlfcnK

do toxine tétanique contenant 99 % d'eau et 1% seu-lement do corps actif, — ce qui représente a peine1 milligramme, — suffisent à tuer un cheval *, Ungramme de ce corps suffirait, dit-il, à tuer 75.000hommes. Do pareilles énergies font songer à cellesquo peuvent manifester de très faibles dissociationsatomiques.

A l'époque où l'on croyait que les bactéries consti-tuaient l'agent actif des intoxications, il était pos-sible d'expliquer par leur multiplication rapide l'in-tensité des effets observés, mais on sait maintenantquo les toxinos restent aussi actives après avoir étéséparées par flllralion des bactéries. La substancovivante dite levure do bière transforme la glucose enalcool et acide carbonique, mais, après avoir tué cettelevure on la chauffant à une certaine température,on peut en cxlrairo un corps dépourvu do toute orga-nisation appelé zymaso aussi apte a produiro la fer-mentation que la levure vivante elle-même. Les phé-nomènes attribués il y a quelques années a desmicro-organismes sont donc dus à des substanceschimiques non vivantes fabriquées par oux.

Lo rôle des divers corps dont je vions de parlerest, je l'ai fait remarquer déjà, tout à fait prépondé-rant dans les phénomènes do la vie. La chimio s'estmonlréo complètement impuissante à expliquer leurstructure aussi bien quo leur action. Lo plus souventce sont seulement des réactions physiologiques quirévèlent leur existenco et permettent do les isoler.Tout ce qu'on sait d'eux, c'est qu'ils perdent leurspropriétés si on les dépouille dos quantités infini-

1. Des traces Insiguillantcs do diverse» substances suffisent h paralyser l'actionde» diaslascs. Co Ront des poisons ijul ont leurs |iolsons. lillcs résistent A certainsréacliU lîncrgl'jucset sont inlluencc'cs pur des traces do corps qui semblent bienliioll'erisifs. I)"S produit» aussi violents que l'acido prussiqin-, lo subliméet le nitrated'urgent, MOIII .naiis action Rtir lo venin do cobra, alors que des traces d'un selalcalin l'enipCcbelit d'uglr.

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LA CIIIMIK INTIU-ATOMIQUE ET LES ÉQUILIBRES 283

ment polîtes de matières minérales qu'ils contiennentsous une forme qu'on suppose voisin de l'état colloïdal.

La plupart des corps précédents : métaux colloï-dauxj diastascs, ferments, etc., possèdent la pro-priété, trôs inexpliquée encore, do n'agir — dumoins en apparence — que par leur présence. Usn'apparaissent pas dans les produits des réactionsqu'ils provoquent.

Ces actions do présence dites aussi catalytiquesont été observées en chimie depuis fort longtemps;on savait, par exemple, que l'oxygène et l'acide sul-fureux sans action l'un sur l'autre s'unissent pourformer do l'acide sulfurique en présence du noir deplatine, sans que ce dernier intervienne dans la réac-tion; que le nitrate d'ammonium habituellement inal-térable donne un dégagement continu d'azote en pré-sence du mémo noir de platine. Ce dernier corps nese combine pas avec l'oxygène mais il peut en absor-ber 800 fois son volume. On suppose — mais cen'est évidemment qu'une hypothèso —qu'il agit géné-ralement en empruntant l'oxygène a l'air pour leporter sur les corps avec lesquels il est on contact.

Parmi les corps dont on pourrait dire à la rigueurqu'ils n'agissent que par leur présence, se trouve lavapeur d'eau, qui, à dose extrêmement petite, joue ungrand rôle dans diverses réactions. Do l'acétylèneparfaitement desséché est sans action sur l'hydrurode potassium, mais, en prôsenco d'une trace d'humi-dité, les deux corps réagissent l'un sur l'autre avecune tcllo violence que lo mélange devient incan-descent.

li'acide carbonique bien desséché est égalementsans action sur le même hydruro do potassium ;

en présence d'une faible quantité de vapeur d'eau ilproduit un formiatc. Do mémo pour beaucoup d'autrescorps, lo gaz, ammoniac et le gaz chlorhydrique, parexemple, qui se combinent habituellement en donnant

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284 L'ÉVOLUTION DE LA MATIKHE

d'épaisses fumées blanches,mais ne se combinent plusdus qu'ils ont été soigneusement desséchés. On se rap-pelle que j'ai constaté qu'en ajoutant à des sels dequinine desséchés des traces de vapeurs d'eau, ilsdeviennent phosphorescents et radio-actifs.

Bien que les actions catalyiiques soient ancienne-ment connues, c'est depuis quelques années seule-ment qu'on a constaté qu'elles jouaient un rôleprépondérant dans la chimie des êtres vivants. Onadmet maintenant que les diastascs et les fermentsdivers dont le rôle est si capital, n'agissent que parleur présence.

En examinant de près le rôle des corps agissant parleur simple présence, on constate qu'ils se compor-tent comme si de l'énergie était transportée du corpscatalyseur au corps catalysé. Ce fait ne peut guères'expliquer, croyons-nous, que si le corps catalyseursubit un commencement de dissociation atomique.Nous savons que, en raison de l'énorme vitesse dontsont animées les particules de la matière pendant sadissociation, des quantités considérables d'énergiepeuvent être produites par la dissociation d'unequantité de matière tellement impondérable qu'elleéchappe à toute pesée. Les corps catalyseurs seraientdo-:c simplement des libérateurs d'énergie.

S'il en est réellement ainsi nous devrons constaterque le corps catalyseur finit à la longue par subir unecertaine altération. Or c'est justement ce qui sevérifie par l'observation. Le noir de platine et les mé-taux colloïdaux finissent par s'user, c'est-à-dire qu'àforce de servir ils perdent une grande partie de leuraction catalysante.

§4. — LES ÉQUILIBRES CHIMIQUES OSCILLANTS

Toutes les réactions précédemment indiquées sont,nous le répétons, inexplicables avec les idées actuelles.Elles sont même contraires aux lois les plus impor-

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tantes do la chimie, telles que celle des proportionsdéfinies et celle des proportions multiples. Nousvoyons, en effet, des corps se transformer sous l'in-fluence de doses impondérables do certaines subs-tances, d'autres provoquer des réactions intensespar leur simple présence, etc.

L'élude de l'ancienne chimie laissait dans l'esprit lanotion de produits très stables, de composition biendéfinie et constante, ne pouvant être modifiés quepar des moyens violents, tels que des températuresélevées. Plus tard est née la notion de composésmoins fixes, capables d'éprouver toute une sériede modifications en rapport avec les variationsde milieu, température et pression, qu'ils subissent.Dans ces dernières années on a vu se dessiner deplus en plus, cette notion qu'un corps quelconquereprésente simplement un état d'équilibre entre leséléments intérieurs dont il est formé et les élémentsextérieurs qui agissent sur lui. Si cette relation n'ap-paraît pas nettement pour certains corps, c'est qu'ilssont constitués de façon à ce que leurs équilibres semaintiennent sans changements apparents dans deslimites de variation de milieu assez grandes. L'eau,peut rester liquide pour des variations de tem-pérature comprises entre 0° et 100° et la plu-part des métaux ne paraissent pas changer d'étatpour des écarts plus considérables encore.

Il est nécessaire maintenant d'aller plus loin etd'admettre qu'en dehors des seuls facteurs envisagéspar la chimie jusqu'ici : masse, pression et tempéra-ture, il en est d'autres où interviendraient les élé-ments résultant de la dissociation des atomes. Ceséléments seraient capables par leur influence dedonner aux corps des équilibres d'une mobilité telleque ces équilibres pourraient se détruire ou se régé-nérer dans un temps très court sous des influencesextérieures très légères.

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Celle succession do changements s'accompagneraitfie la libération d'une certaine quantité do l'énergieinlra-atomiquc quo la matière contient. Los actionsde présence d'une si grande importance dans lesphénomènes de la vie trouveraient peut-être danscette théorie une explication.

Ce sont nos études sur !a phosphorescence quinous ont conduit a cette hypothèse. On se rappelleque les corps purs, sulfures divers, phosphates dechaux, etc., ne sont jamais phosphorescents et ne ledeviennent que chauffés au rouge pendant un tempsassez long avec des traces de divers corps : bismuth,manganèse, etc. Nous avons montré, d'autre part,que cette élévation de température provoque toujoursune dissociation de la matière. Il est donc permisd'admettre que les éléments provenant de cette disso-ciation ont une part d'action dans les composésinconnus alors formés, qui donnent aux corps l'upti-tude à la phosphorescence.

Les combinaisons ainsi obtenues ont justement lecaractère, signalé plus haut, d'être d'une mobilitéextrême, c'est-â-dire de pouvoir se détruire et serégénérer très rapidement. Un rayon de lumière bleuetombant sur un écran de sulfure de zinc, l'illumineen un dixième de seconde, et un rayon de lumièrerouge tombant sur le même écran détruit la phospho-rescence dans le même temps, c'est-â-dire ramènel'écran à son état primitif. Ces deux opérations con-traires impliquant nécessairement deux réactionsinverses, peuvent être indéfiniment répétées.

Quoiqu'il en soit, les faits énumérés dans ce cha-pitre, nous montrent que la chimie est au seuil dephénomènes entièrement nouveaux, caractérisés trèsprobablementpar des réactionsintra-atomiquesaccom-pagnées d'une libération d'énergie. En raison de laquantité énorme d'énergie inlra-atoinique que la ma-tière contient, des perles de-substances trop petites

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LA CIIIM1K JNTHA-ATOMIQUK F.T LES F/jUIMBUKS 287

pour être appréciées par nos balances peuvent s'accom-pagner d'un dégagement «l'énergie ln':s grand.

iïn essayant do faire intervenir le phénomène de ladissociation des atomes dans des réactions chimiquesinexpliquées, je n'ai fait évidemment qu'une hypo-thèse dont la justification n'est pas suffisante encore.Mlle a, du moins, l'avantage d'expliquer des faitsrestés jusqu'ici sans interprétation. Il est certainqu'un phénomène aussi capital et aussi fréquent quecelui «le la dissociation «le la matière «loit jouer unrôle dominant dans diverses réactions. La chimieintra-atomiquo est une science dont nous entrevoyonsseulement l'aurore. Dans cette science nouvelle levieux matériel des chimistes, leurs halances et leursréactifs, resteront prohahlemenl sans emploi.

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CWAPlTitR VIII

Naissance, Évolution et Fin do la Matière.

S 1 - GENÈSE u' EVOLUTION DES ATOMES.

Il y a quarante avis à peine, il eût été impossibled'écrire sur le sujet que nous abordons maintenant,une seule ligne déduite d'une observation scientifiqueet on pouvait penser que d'épaisses ténèbres envelop-peraient toujours l'histoire de l'origine et du dévelop-pement des atomes. Comment d'ailleurs supposer

.u'ils pouvaient évoluer? N'était-il pas univcrselle-

nwit admis qu'ils étaient indestructibles ? Toutchangeait dans le monde et tout était éphémère. Lesêtres se succédaient en revêtant des formes toujoursnouvelles, les astres finissaient par s'éteindre, l'atomeseul ne subissait pas l'action du temps et semblaitéternel. La doctrine de son immuabilité régnaitdepuis deux mille ans et rien ne permettait de sup-poser qu'elle pût un jour être ébranlée.

Nous avons exposé les expériences qui ont fini parruiner celte antique croyance. Nous savons mainte-nant que la matière s'évanouit lentement et, parconséquent, n'est pas destinée à durer toujours.

Mais si les atomes sont condamnés eux aussi à uneexistence relativement éphémère, il est naturel desupposer qu'ils ne furent pas autrefois ce qu'ils sont

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NAISSANCE, ÉVOLUTION ET FIN DE LA MATIÈRE 2S9

aujourd'hui et qu'ils ont dû évoluer pondant la suiteries âges. ï'ar quelles phases successives ont-ilspassé? Quelles formes graduelles ont-ils revêtues?Qu'étaient autrefois les diverses matières qui nousentourent : la pierre, le plomh, le fer, tons les corpsi;n un mol?

L'astronomie seule pouvait répondre un peu à dotelles questions. Sachant pénétrer par l'analyse spec-trale dans la structure des astres d'âges divers quiilluminent nos nuits, elle a pu révéler les trans-formations que subit la matière quand elle vient àvieillir.

On sait que l'analyse spectrale prouve qu'un corpsincandescent a un spectre d'autant plus étendu versl'ullra-violet que sa température est plus élevée. Cespectre a d'ailleurs un maximum d'éclat qui sedéplace également vers l'ultra-violct quand la tempé-rature de la source lumineuse augmente et vers lerouge quand elle diminue. On sait, d'autre part, queles raies spectrales d'un môme métal varient avecsa température. Watteville a môme montré quesi on introduit du potassium dans une flamme,son spectre change suivant que le métal se trouvedans des régions plus ou moins chaudes de cetteflamme.

Le spectroscope nous donne donc les moyens desavoir de quels éléments se composent les astres etcomment ils varient avec la température. C'est ainsiqu'on a pu suivre leur évolution.

Les nébuleuses, qui ne présentent que les spectresde gaz permanents, comme l'hydrogène, ou de pro-duits dérivés du carbone, constitueraient, suivantNorman Lockyer, la première phase d'évolution descorps célestes. En se condensant, elles formeraient denouveaux stades de la matière qui aboutiraient à laformation des étoiles. Ces dernières représentent despériodes d'évolution très diverses.

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290 L'ÉVOLUTION DK LA MATII-HE

Les étoiles les plus blanches, qui sont aussi lesplus chaudes, comme le prouve la prolongation doleur spectre dans l'ultra-violct, ne se composentque d'un 1res petit nombre d'éléments chimiques.Sirius et a de la Lyre, par exemple, contiennent pres-que exclusivement do l'hydrogène incandescent. Dansles étoiles rouges et jaunes, astres moins chaudsqui commencent à se refroidir, cl sont par consé-quent plus âges, on voit successivement apparaîtreles autres éléments chimiques. D'abord, le magné-sium, le calcium, le sodium, le fer, etc., puis lesmétalloïdes. Ces derniers ne s'observent que dans lesétoiles les plus refroidies. C'est donc avec l'abaisse-ment de la température que les éléments des atomessubissent des nouvelles phases d'évolulion dontle résultat est la formation de certains corpssimples.

Il est probable que les éléments solides que nousobservons, l'or, l'argent, le platine, etc., sont descorps ayant perdu des quantités différentes de leurénergie intra-atomiquo. Les corps simples à l'étatgazeux : azote, hydrogène, oxygène, sont les moinsnombreux sur notre globe. Pour passer à l'état solide,ce qu'ils ne peuvent faire qu'à une température extrê-mement basse, ils doivent perdre d'abord une trèsgrande quantité d'énergie.

Il paraît fort douteux que la chaleur soit la seulecause de l'évolution sidérale des atomes. D'autresforces ont dû probablement agir. Nous savons queles variations de pression peuvent, comme l'a montréDeslandres, faire varier considérablement les raies duspectre; « aux pressions croissantes on voit surgir denouvelles séries qui existaient seulement en germeaux pressions plus basses ».

En résumé, l'observation des astres nous montrel'évolution des atomes, et la formation des divers corpssimples sous l'influence de celte évolution.

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NAISSANCE, ÉVOLUTION ET FIN DE LA MATIÈRE 291

Nous ignorons la nature et le modo d'action desforces capables de condenser une partie de l'éther quiremplit l'univers en atomes d'un gaz quelconque telque l'hydrogène ou l'hélium, puis de transformer ceira/, en substances comme le sodium, le plomb oul'or, mais les changements observés dans les astressont la preuve que les forces capables de produirede telles transformations existent, qu'elles ont agidans le passé et continuent a agir encore.

Dans le système du monde développé par Lapiace,le soleil et les planètes auraient d'abord été unegrande nébuleuse au centre de laquelle s'est formé unnoyau animé d'un mouvement de rotation et duquelse détachèrent successivement des anneaux qui for-mèrent plus tard la terre et les autres planètes.D'abord gazeuses, ces masses se sont progressivementrefroidies et l'espace que remplissait primitivementla nébuleuse n'a plus été occupé que par un petitnombre de globes tournant sur eux-mêmes et autourdu soleil. Il est permis de supposer que les atomes nese sont pas formés autrement. Nous avons vu quechacun d'eux peut être considéré, comme un petitsystème solaire comprenant une ou plusieurs partiescentrales, autour de laquelle tournent, avec uneimmense vitesse, des milliers de particules. C'est dela réunion de ces petits systèmes solaires en minia-ture que la matière se compose.

Notre nébuleuse, comme toutes celles qui brillentencore dans la nuit, provenait forcément de quelquechose. Dans l'état actuel de la science, on ne voitque l'éther qui ait pu constituer ce point de départcosmique et c'est pourquoi toutes les investigationsramènent toujours à le considérer comme l'élémentfondamental de l'Univers. Les mondes y naissent etils vont y mourir.

Nous, ne pouvons pas dire comment s'est constituél'atome et pourquoi il finit par lentement s'évanouir;

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292 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

mais au moins nous savons qu'une évolution analogueso poursuit sans trêve, puisque nous pouvonsobserver des mondes à toutes les phases d'évolutiondepuis la nébuleuse jusqu'à l'astre refroidi, en pas-sant par les soleils encore incandescents commele nôtre. Les transformations du inonde inorganiqueapparaissent maintenant aussi certaines que cellesdes êtres organisés. L'atome et par conséquent lamatière n'échappent pas à cette loi souveraine quifait naître, grandir et périr les êtres qui nous entou-rent et les astres innombrables dont est peuplé lefirmament.

§ 2. — LA FIN DE LA MATIERE.

Nous avons essayé dans cet ouvrage de déterminerla nature des produits de la dématérialisation de lamatière et de montrer qu'ils constituent des sub-stances intermédiaires par leurs propriétés entre lamatière et Téther.

Le terme ultime de la dématérialisaiion de la ma-tière semble être l'éther au sein duquel elle estplongée. Comment y revient-elle? Quelles formesd'équilibre prend-elle pour y retourner?

Nous sommes évidemment ici sur l'extrême limitedes choses que l'intelligence peut connaître, etfatalement nous devrons faire des hypothèses.Elles ne seront pas vaines s'il est possible de leurdonner quelques faits précis et des analogies poursoutiens.

En étudiant l'origine de l'électricité nous avonsvu qu'elle pouvait être envisagée comme une desformes les plus générales de la dématérialisation de lamatière. Nous avons reconnu également que lesproduits ultimîs de la dissociation des corps radio-

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NA.!-•-./• >;CE, ÉVOLUTION ET FIN DE LA. MATIÈRE 293

actifs étaient formés d'atomes électriques. Ces der-niers représenteraient donc une des dernières phasesd'existence des substances matérielles.

Quel est le sort de l'atome électrique après la dis-sociation de la matière. Est-il éternel alors que lamatière ne l'est pas? S'il possède une individualité,combien de temps la conscrve-t-il? Et s'il ne laconserve pas que devient-il?

Que l'atome électrique soit destiné à. ne pas avoir defin, cela est bien peu probable. Il est sur la limiteextrême des choses. Si l'existence de ces élémentsavait persisté depuis leur formation sous l'influencedes causes diverses qui produisent la lente dissocia-tion de la matière, ils auraient fini par s'accumulerau point de pouvoir former un nouvel univers outout au moins une sorte de nébuleuse. Il est doncvraisemblable qu'ils finissent par perdre leur exis-tence individuelle. Mais alors comment peuvent-ilsdisparaître? Devons-nous supposer que leur destinéeest celle de ces blocs de glace flottant dans les régionspolaires et gardant une existence individuelle tantque la seule cause de destruction qui puisse lesanéantir — une élévation de température — ne lesatteint pas? Dès que cette cause de destruction agitsur eux, ils s'évanouissent dans l'océan et dispa-raissent. Tel est, sans doute, le sort final de l'atomeélectrique. Quand il a rayonné toute son énergie ils'évanouit dans l'éther et n'est plus rien.

L'expérience permet de donner quelque appui àcette hypothèse. Nous avons montré à propos des élé-ments de matière dissociée émis par les machinesde nos laboratoires, que les atomes électriques s'ac-compagnent toujours dans leurs mouvements, devibrations de l'étlier. De telles vibrations ont reçu lesnoms d'ondes hertziennes, de chaleur rayonnante, delumière visible, de lumière ultra-violette invisible, etc.,suivant les effets qu'elles produisent sur nos sens ou

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294 I.'IÏVOLUTION m: LA MATIÈRE

sur nos instruments, mais nous savons que leur natureest la môme. Kilos sont comparables aux vagues del'océan qui ne diffèrent que par leur grandeur.

Ces vibrations de )'éthcr, accompagnant toujours lesatomes électriques, représentent très vraisemblable-ment la forme sous laquelle ils s'évanouissent enrayonnant leur énergie.

La particule électrique d'une individualité propre,«l'une grandeur définie et constante, constitueraitdonc l'avant-dernière étape de la disparition de lamatière. La dernière serait représentée par les vibra-tions de l'élher, vibrations qui ne possèdent pas plusd'individualité durable que les vagues formées dansl'eau quand on y jette une pierre cl qui bientôt s'éva-nouissent.

Comment les atomes électriques provenant de ladématérialisation de la matière peuvent-ils perdreleur individualité et se transformer on vibrations del'étlier?

Toutes les recherches modernes conduisent à con-sidérer ces particules comme constituées par destourbillons, analogues à des gyroscopes, formés ausein de l'élher cl en relation avec lui par leurs lignesde force.

La question se réduit dès lors à celle-ci : commentun tourbillon formé dans un fluide peut-il disparaîtredans ce fluide en y produisant des vibrations?

Ramenée a celte forme, la solution du problèmene présente pas de sérieuses difficultés. On voit facile-ment, en effet, comment un tourbillon engendré auxdépens d'un liquide peut, lorsque son équilibre esttroublé, s'évanouir en rayonnant l'énergie qu'il con-tient sous forme de vibrations du milieu où il eslplongé. C'est de celte façon, par exemple, qu'unetrombe marine formée d'un tourbillon liquide perdson individualité et disparaît dans l'océan.

11 en est sans doute de môme des vibrations de

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NAISSANCK, ÉVOLUTION KT FIN DK LA MATIKÎU: 295

l'éther. Kilos représentent le dernier terme rie ladématérialisation rJc la matière, celui qui précède sadisparition finale. Après ces vibrations éphémères,l'éther revient au repos et la matière a définitive-ment disparu. Elle est revenue à ce néant primitifd'où des centaines de millions de siècles et des forcesinconnues pourraient seules la faire de nouveau surgircomme clic a surgi déjà aux âges lointains où s'es-quissèrent dans le chaos des choses les premierslinéaments de notre univers.

Si les vues exposées dan :et ouvrage sont exactes,la matière a successivement passé par des stadesd'existence fort différents.

Le premier nous reporte à l'origine mémo desmondes et échappe à toutes les données de l'expé-rience. C'est la période du chaos des vieilles légendes.Ce qui devait former l'univers n'était alors constituéque par des nuages informes d'éther.

En ^'orientant et en se condensant sous l'influencede forces inconnues agissant pendant des entasse-ments d'âges, l'éther a fini par s'organiser sous formed'atomes. C'est de l'agrégation de ces derniers que secompose la matière telle qu'elle existe dans notreglobe ou telle que nous pouvons l'observer dans lesastres à diverses phases d'évolution.

Pendant cette période de formation progressive lesatomes ont emmagasiné la provision d'énergie qu'ilsdevaient dépenser sous des formes diverses : chaleur,électricité, etc., dans la suite des temps.

En perdant lentement ensuite l'énergie, d'abordaccumulée par eux, ils ont subi des évolutionsdiverses et revêtu par conséquent des aspects variés.Quand ils ont rayonné toute leur énergie sous formede vibrations lumineuses, calorifiques ou autres, ilsretournent par le fait même des rayonnements consé-cutifs à leur dissociation, à l'éther primitif, d'où ils

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29G LÏ;VOI.IJTION DK LA MATU-IU:

dérivcnl. Ce dernier représente donc le nirvana finalauquel reviennent tontes choses après une existenceplus ou moins éphémère.

Ces aperçus sommaires sur les origines de notreunivers et sur sa fin ne constituent évidemment quede faibles lueurs projetées dans les ténèbres profondesqui enveloppent notre passé et voilent notre avenir.Ce sont de bien insuffisantes explications. La sciencene peut en proposer d'autres. Elle n'entrevoit pasencore le moment où elle pourra découvrir la véritableraison première des choses, ni même atteindre lescauses réelles d'un seul phénomène. Il lui faut donclaisser aux religions et aux philosophies le soin d'ima-giner des systèmes capables de satisfaire notre besoinde connaître. Sans doute tous ces systèmes ne repré-sentent que la synthèse de nos ignorances et de nosespérances, et ne sont par conséquent que des illu-sions pures ; mais ces créations de nos rêves furenttoujours plus séduisantes que les réalités et c'estpourquoi l'homme n'a pas cessé et ne pourra jamaiscesser de les choisir pour guides.

§ 3. — CONCLUSIONS.

Les expériences analysées dans cet ouvrage nousont permis de suivre l'atome depuis sa naissance jus-qu'à son déclin. Nous avons vu que la matière, jadisconsidérée comme indestructible, s'évanouit lentementpar la dissociation des éléments qui la composent.Celte matière, envisagée autrefois comme inerte etne pouvant que restituer l'énergie qui lui avait étécommuniquée, s'est au contraire montrée à nouscomme un immense réservoir de forces. De ces forcesdérivent la plupart des modes d'énergie connus, lesattractions moléculaires, la chaleur solaire et l'élec-tricité notamment.

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NAISSANCE, ÉVOLUTION ET FIN DK LA MATIÈIlK ^U7

Nous avons montré que la matière peut se dissociersous l'influence de causes très multiples et que lesproduits de ses dématérialisalions successives consti-tuaient des substances intermédiaires !par leurs pro-priétés entre la matière et l'éllier. 11 en est résultéque l'antique dualité entre le inonde du pondérableet celui de l'inpondérable, jadis si séparés, devaitdisparaître.

L'élude des phases successives d'existence de lamatière nous a conduit à celte conclusion que leterme final «le son évolution était le retour à l'éthcr.

En essayant ainsi d'entrevoir les origines de lamatière, son évolution et sa fin, nous sommes pro-gressivement arrivés aux dernières limites !e cesdemi-certitudes que la science peut atteindre et audelà desquelles il n'y a plus que les ténèbres del'inconnu.

Notre travail est donc terminé. 11 représente lasynthèse de laborieuses investigations poursuiviespendant de longues années. Parti de l'observationattentive des effets produits par la lumière sur unfragment de métal, nous avons été successivementconduit par l'enchaînement des phénomènes à explorerdes régions très diverses de la physique.

Sans doute l'expérience a toujours été notre prin-cipal guide, mais pour interpréter les résultats ob-tenus et en découvrir d'autres, il a fallu édifier plusd'une hypothèse. Dès qu'on pénètre dans les régionsobscures de la science, il est impossible de procéderautrement. Si on se refuse à choisir l'hypothèsepour guide, il faut se résigner à prendre le hasardpour maître. « Le rôle de l'hypothèse, dit Poincaré,est tel que le mathématicien ne saurait s'en passeret que l'expérimentateur ne s'en passe pas davan-tage. ». Faire des hypothèses, les vérifier par desexpériences, puis tâcher de relier, à l'aide de géné-ralisations, les faits constatés, représente ics stades

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298 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

nécessaires de l'édification de toutes nos connais-sances.

Ce n'est pas autrement que les grands édificesscientifiques ont été construits. Si imposants qu'ilssoient déjà, ils contiennent encore un grand nombrede théories invérifiées, et ce sont souvent les moinsvérifiables qui jouent le plus grand rôle dans ladirection des recherches de chaque époque.

On dit avec raison que la science est fille de l'expé-rience, mais il est bien rare que l'expérience n'ait pasl'hypothèse pour guide. Celle-ci est la baguette ma-gique qui fait sortir le connu de l'inconnu, le réel del'irréel, et donne un corps aux plus ondoyantes chi-mères. Des âges héroïques aux temps modernes, l'hy-pothèse fut toujours un des grands ressorts de l'acti-vité des hommes. C'est avec des hypothèses reli-gieuses que les plus imposantes civilisations ont étéfondées, c'est avec des hypothèses scientifiques queles plus grandes découvertes modernes ont étéaccomplies. La science moderne n'en accepte pasmoins que n'en acceptaient nos pères. Leur rôle est,en réalité, beaucoup plus grand aujourd'hui qu'il nele fut jamais, et aucune science ne pourrait progressersans elles.

Les hypothèses servent surtout à fonder ces dogmessouverains qui jouent clans la science un rôle aussiprépondérant que dans les religions et les philoso-phies. Le savant, autant que l'ignorant, a besoin decroyances pour orienter ses recherches et diriger sespensées. 11 ne peut rien créer si une foi ne l'animepas, mais il ne doit pas s'immobiliser trop longtempsdans sa foi. Les dogmes deviennent dangereux dès.qu'ils commencent à vieillir.

Il importé peu que les hypothèses et les croyancesqu'elles enfantent soient insuffisantes; il suffitqu'elles soient fécondes, et elles le sont dès qu'ellesprovoquent des recherches. D'hypothèses rigoureu-

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NAISSANCE, ÉVOLUTION ET FIN DE LA MATIÈRE 299

sèment vérifiables, i! n'en existe pas. De lois phy-siques absolument sûres, il n'en existe pas davan-tage. Les plus importants des principes sur lesquelsdes sciences entières reposent ne sont que desvérités approchées à peu près vraies dans certaineslimites, mais qui, en dehors de ces limites, perdenttoute exactitude.

La science vit de faits, mais ce sont toujours lesgrandes généralisationsqui les font naître. Une théoriefondamentale ne peut être modifiée sans que l'orien-tation des recherches scientifiques change aussitôt.Par le fait seul que les idées sur la constitution etl'invariabilité des atomes sont en voie de se trans-former, les doctrines qui servaient de base à des par-ties fondamentales de la physique, de la chimie etde la mécanique devront changer et la directiondes recherches changera également. Cette orientationnouvelle des investigations amènera nécessairementune éclosion de faits nouveaux et imprévus.

Personne ne pouvait songer à étudier le mondedes atomes à l'époque, si récente encore, où on lescroyait formés d'éléments très simples, irréductibles,inaccessibles et indestructibles. Aujourd'hui noussavons que la science a quelque prise sur ces élé-ments et que chacun d'eux est un petit universd'une structure extraordinairement compliquée, siègede forces jadis ignorées et dont, la grandeur dépasseimmensément toutes celles connues jusqu'ici. Ceque la chimie et la mécanique croyaient le mieuxconnaître était en réalité ce qu'elles connaissaientle moins.

C'est dans ces univers atomiques, dont la naturefut méconnue pendant si longtemps, qu'il faudrachercher l'explication de la plupart des mystères quinous entourent. L'atome, qui n'est pas éternel commel'assuiaient d'antiques croyances, est bien autrementpuissant que s'il était indestructible et par conséquent

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300 l/ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

incapable de changement. Ce n'est plus quelque chosed'inerte, jouet aveugle de toutes les forces de l'uni-vers. Ces forces sont au contraire créées par lui. Ilest l'âme môme des choses. Il détient les énergies quisont le ressort du monde et des êtres qui l'animent.Malgré sa petitesse infinie, l'atome contient peut-êtretous les secrets de l'infinie grandeur.

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DEUXIEME PARTIE

RECHERCHES EXPÉRIMENTALES

Toutes les théories exposées dans les pages qui précèdentreposent sur une longue série d'expériences. Une doctrine scienti-fique ou philosophique, n'ayant pas l'expérience pour base, estdépourvue d'intérêt et ne constitue qu'une dissertation littérairesans portée.

Je ne puis donner dans les pages qui vont suivre qu'un brefrésumé des expériences que j'ai publiées pendant prés de dixans. Les mémoires où elles ont été exposées ayant occupé400 colonnes environ de la Revue scientifique, je ne pouvais songerà les reproduire ici. Il en est comme celles sur la phosphorescence,lesondes hertziennes, l'infra-rouge, etc., que j'ai dû laisserentière-ment de côté.

Dans tout ce qui va suivre, j'ai tenu surtout à donner desexpériences très simples et, par conséquent, faciles à répéter. Jene reviendrai pas naturellement sur celles indiquées déjà dans lecorps de l'ouvrage toutes les fois qu'elles pouvaient être exposéessans qu'il fut nécessaire d'entier dans trop de détails tech-niques.

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CHAPITRE PREMIER

Méthodes générales d'observations permettant deconstater la dissociation de la matière.

J'ai déjà explique, dans un chapitre de cet ouvrage, les principesdes méthodes employées pour étudier la dissociation de la matière,c'est-à-dire sa dématérialisation. Avant de les décrire en détail, jerappellerai ce que j'ai déjà dit en quelques lignes.

Les moyens employés pour déterminer la dissociation d'un corps,qu'il s'agisse du radium ou d'un métal quelconque,sont identiques.Le phénomène caractéristique à étudier est toujours l'émission departicules animées d'une immense vitesse, déviablcs par un champmagnétique, et capables de rendre l'air conducteur de l'électricité;c'est uniquement ce dernier caractère qui a été utilisé pour isoler leradium.

11 existe d'autres caractères accessoires, tels que les impressionsphotographiques, la production de phosphorescence et de fluores-cence, etc., par les particules émises, mais ils sont d'une impor-tance secondaire. Les 99°/o de l'émission du radium se composentd'ailleurs de particules sans action sur la plaque photographique,et il existe des corps radio-actifs, tels que le polonium qui n'émet-tent que île telles radiations.

La possibilité de dévier ces particules, par un champ magnétique,constitue après l'aptitude à rendre l'air conducteur de l'électricité,le phénomène le plus important. 11 a permis d'établir, d'une façonindiscutable, l'identité entre les particules émises par les corpsradio-actifs et les rayons cathodiques de l'ampoule de Crookcs.(yest le degré de déviation de ces particules par un champ magné-tique qui a rendu possible la mesure de leur vitesse.

La mesure de la déviation magnétique des particules radio-actives exigeant des appareils très délicats et fort coûteux, il estimpossible de la faire figurer parmi les expériences d'une répétitionfacile. Ne voulant donner ici que de telles expériences, je n'aurairecours qu'à la propriété fondamentale des particules de matièredissociée de rendre l'air conducteur de l'électricité.

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METHODES GENERALES D OBSERVATIONS 303

Moyen de constater que l'air a été rendu conducteur del'électricité par les corps radio-actifs. — Le procédé classiqueemployé pour prouver qu uncorps émet des particules d'a-tomes dissociés, capables derendre l'air conducteurdel'élcc-tricité, est fort simple. Il n'exi-ge, en effet, d'autre instrumentqu'un électroscope gradué. Lasubstance A", supposée capablede se dissocier, est placée surun plateau quelconque A (fig.3G).Au-dessus, on dispose une pla-que métallique B en relationavec un électroscope chargé C.Si des particules conductrices— ions ou électrons

—- sont émises par le corps A', l'air devientconducteur entre les deux plaques et l'électroscope se décharge.La vitesse de chute des feuilles est proportionnelle à l'intensité del'émission des particules provenant de la dissociation.'

On obtient absolument les mêmes résultats en plaçant les corpsàétudîcr dans une cuve métallique,placée directementsur l'électros-cope. C'est le moyen auquel j'ai eu habituellement recours.

11 ne faudrait pas croire que l'électroscope constitue un pro-cédé sommaire d'examen incapable de donner des mesuresprécises. Ilutherford, qui l'a longuement étudié, montre, au con-traire, que c'est un instrument fort précis, très supérieur, pourla plupart des expériences, à l'élcctromètre à quadrants et beau-coup plus sensible, quand il est bien construit, que le meilleurdes galvanomètres. La capacité c d'un système à feuille d'or de4 centimètres de longueur est, suivant lui, d'environ 1 unité élec-tro-statique. Si on appelle v la chute du potentiel des feuilles en /secondes, l'intensité du courant t'a travers le gaz est donné, par la

formule t = -r .On peut ainsi mesurer un courantde2Xl0",5ampc-

res, ce que ne permettrait aucun galvanomètre.Mais, pour les expériences ordinaires, une telle sensibilité est

absolument inutile, et, le plus souvent, on peut se borner à seservir d'un électroscopeà plateau, au-dessus duquel ou sur lequelon dispose, suivant les cas, !e corps à expérimenter. Il est seule-ment nécessaire, point tout à fait capital, que le diélectrique, àtravers lequel passe la tige supportant les feuilles d'or, soit unisolant parfait.

Cette dernière et très essentielle condition n'est réalisée malheu-reusement dans aucun des élcctroscopcs fabriqués à Paris. Il n'y aque ceux dont l'isolant est fait avec du soufre pur qui soient vrai-

Tir,, go.

Méthode classique employerpour mesurerla radio-acliiïté des corps.

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305 L'ÉVOLUTION DE LA MATIERE

ment utilisables, et le commerce n'en livre pas. Il faut donc lesconstruire soi-inémc. Les supports formés de paraffine, ou d'unmélange de soufre et de para -'iuc, ne restent pas isolants pendantlongtemps, et l'instrument perd sa charge. Si on se résigne à en

faire usage, il fautnettoyer, au moinsune fois par jour,l'isolant avec unefeuille de papier àl'émori, opérationd'autant plus né-cessaire que la sur-face du diélectriquefinit à la longue parse charger d'élec-tricité. Un élec-troscopo n'est uti-lisable, pour cegenre de recher-ches, que quand il

ne donne pas un<ïperte supérieure à1° angulaire, en uneheure, lorsqu'il estrecouvert de sonchapeau.

Au lieu des deuxfeuilles d'or classi-ques, il est préfé-rable de ne faireusage que d'unefeuille d'or aveclame centrale ri-gide, en cuivreoxydé. L'écart an-gulaire de la feuilled'or est alors trèssensiblement pro-portionnel à lagrandeur du poten-tiel. Avec les élec-

troscopes dont je lais usage, un écart de 90'' de la feuille d'orcorrespond à une charge de 1,!)00 volts, soit environ \\ volts pardegré angulaire. Avec «les artifices divers, qu'il serait sans intérêtd'exposer ici, on peut construire des électroscopes dont la sensi-bilité est telle que 1 degré représente 1/10 de volt.

IV,. 37.Appareil destina à réduire la rapidité de la déper-

dition électrique produite pur Ici corps radio-actif*.

— l.-i matière radio-aclive est mi?c dans une cuve•le mêlai placée jiur le plateau île lYdeclioscope eton fait varier la vitesse do la décharge a'i moyendune lame inélalli.iue dinposle à des distancesplus ou moins grandes «le ce plateau.

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MÉTHODES GÉNÉRALES D'OBSERVATIONS 305

Pour lire la chuto dos feuilles d'or, le procédé classique dumicroscope à micromètre est peu commode, surtout quand il s'agitde chutes rapides, comme celle produite par la lumière. Il esttrès préférable de fixer, contre un des verres fermant la cage dol'instrument, un rapporteur en corne, divisé en degrés, derrièrelequel on met une feuille de papier à calquer. Pour lire les divi-sions, on place une petite lampe à quelques mètres de l'instrumentdans un endroit obscur. La feuille d'or se projette par sa tranchesur le papier dépoli, et on peut lire ainsi le quart de degré.

Pour réduire la sensibilité parfois gênante de l'électroscopcdansles expérience» avec des corps radio-actifs, il n'y a qu'à placer unelame métallique à des distances variables du plateau (lig. 37). Kl leagit non seulement par sa capacité, mais encore en réduisant laquantité d'air sur laquelle agissent les ions. Une matière rad'o

-aciive qui produisait par exemple 18° de décharge psr minute,n'en donnait plus que 12 si la lame était a 5 centimètres du pla-teau et 8 si on la rapprochait à 2 centimètres.

Pour certaines expériences délicates on est obligé de faire usaged'un instrument que j'ai imaginé, et désigné sous le nom d'électros-cope condensateur différentiel. Kn voici la description.

Elcctroscope condensateur différentiel. — Ayant constatépar diverses expériences que les effluves provenant de la matièredissociée contournent les obstacles, j'ai été conduit à imaginerun instrument où ce contournement fût impossible, (i'est sonemploi qui m'a révélé que tous les corps contiennent, comme lessubstances radiu-actives, une « émanation » qui se reforme cons-tamment. Pour les corps ordinaires elle no se dissipe rapidementque sous l'influence do la chaleur et met plusieurs jours à sereformer comme on lo verra dans la suite de ces recherches. Jeme bornerai maintenant à donner la description de l'instrument.

A (lig '.]'$) représente la boule d'un électroscope monté sur unetige métallique A la partie inférieure de laquelle sont lixées desfeuilles d'or. Celte lige est supportée P*'' un cylindre isolant desoufre I). Sur ce cylindre est posé un cylindre d'aluminium M ferméà sa partie supérieure. Un second cylindre C, également en alumi-nium, recouvre le premier. Il forme cage de faraday, et on ne lemet en place que quand l'élcclroscope a été chargé. Cette cage estla seule partie du système qui ne doive pas être isolée, et on évitequ'HIe le soit en la reliant» la terre par une chaîne V. Kilo est d'ail-leurs posée sur la partie métallique de l'élcclroscope, condition quiempêcherait à elle seule son isolement électrique.

Il est nécessaire de fabriquer soi-même ces cylindres d'alumi-nium, ce qui est très facile. On se procure do l'aluminium mincedans le commerce. Après l'avoir découpé à la hauteur et a la lar-geur nécessaire, on l'enroule sur un mandrin et on maintient ses

20.

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306 L EVOLUTION DE LA MATIERE

parties latérales en les enduisant do colle forte et fixant sur toutela longueur du cylindre une bande de papier. La partie supé-rieur."; du cylindre est fennec avec une mince lame d'élnin qu'onreplie et qu'on colle autour.

Le cylindre (', constitue, comme on le voit, une cage de Fara-day, c'est-à-dire un écran complètement à l'abri de toutes les

influence» électriques extérieures.. Les feuilles étant chargées et legrand cylindre (î posé, il est impossible de décharger l'électroscope,alors même qu'on ferait tomber en (J une pluie d'étincelles coinmonous l'avons constaté.

Pour charger l'instrument on opère de la facrm suivante :

I'IG. :&.Ëlcctroscopc condensateur différentiel de l'auteur.

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MÉTHODES GÉNÉHALES D'OBSERVATIONS 307

Le cylindre extérieure étant retiré et le petit cylindre IJ entou-rant le bouton laissé en place, on charge l'instrument par influenceen approchant un bâton de verre frotté et touchant le cylindre B

avec le doigt. On voit aisément que dans ces conditions le cylindre B

est chargé négativement, la boule A positivement et les feuillesd'or négativement. On met alors en place le cylindre extérieur C,qu'on relie par une chaîne à la terre, excès de précaution qui n'estnullement indispensable, et on expose le système aux influencesqu'on veut faire agir sur lui. Si le cylindre C est traversé, lesfeuilles d'orse rapprochent plus ou moins rapidement.

On peut obtenir, au contraire, que l'électroscope se charge sousles mêmes influences. On opère alors de la façon suivante :

L'instrument étant chargé comme précédemment, on enlr'ouvrcla boîte de l'électroscope, et avec une pointe de métal on touche latige V, à laquelle sont (ixées les feuilles d'or. Mlles retombent aussi-tôt. Lorsque ensuite on expose l'instrument aune influence radio-active, la lumière solaire, par exemple, les feuilles s'écartent len-tement de plusieurs degrés.

Le mécanisme de cette charge est facile à comprendre. Suppo-sons, pour l'expliquer, que l'instrument ait été chargé avec unbâton d'ébonile frotté.

Ce n'est pas naturellement la lumière qui produit l'électricitécapable de charger l'instrument. Son action est indirecte. Entouchant les feuilles d'or, on les a dépouillées de leur charge posi-tive et c'est pourquoi elles sont retombées, mais on n'a pu annulerla charge négative de la boule, retenue par l'électricité positive dupetit cylindre. Lorsque ce petit cylindre commence à se déchar-ger , sous l'influence des effluves qui traversent le grand cylindre,il ne pourra plus maintenir la même quantité d'électricité négativesur la boule. Une partie de l'électricité de cette dernière s'écouleraalors dans les feuilles qui, se trouvant chargées d'électricité demémo nom, divergeront.

Plus le petit cylindre se déchargera, plus les feuilles d'or s'écar-teront. La boule et le cylindre forment, en quelque sorte, lesdeux plateaux d'une balance fort sensible. L'écaitcmcnt desfeuilles d'or traduit les plus faibles différences fie poids de cesdeux plateaux. C'est en raison de cette analogie que j'ai donné àl'instrument le nom d'êfecfroscope condensateur difjâcnlicl.

'l'ois sont d'une façon générale les instruments fondamentauxutilisés dans nos recherches. Nous en emploierons plusieurs autresmais ils seront décrits dans les chapitres consacrés aux diversesexpériences.

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CHAPITRE II

Méthodes d'observation employées pour étudier ladissociation des corps par la lumière.

Les corps à étudier sont disposés en lames inclinées à 45° au-dessus du plateau d'un électroscopo(fig. 3!) et 45) chargé d'électricitépositive et sans aucune relation directe avec lui. Lorsque les corpson expérience sont frappés par la lumière solaire, ils émettent deseffluves qui déchargent .'électroscopo à la condition que ce dernierait reçu une charge positive, (les effluves sont presque- sans actionsi la charge de l'élcctroscopc est négative.

Pour les expériences de démonstration, on peut se borner àl'emploi d'une simple lame d'aluminium ou de zinc, d'abord frottéeavec du papierà l'émcri, tenue par un moyen quelconque au-dessusd'un électroscopo à plateau chargé positivement.

l'our les expériences do mesure j'ai eu recours au dispositifreprésenté lig. .'j'J, mais il faut éviterautant que possible l'emploi del'héliostat et envoyer directement la lumière sur le inétal à expéri-menter. Avec un héliostat, la décharge est réduite notablement parsuite de l'absorption de l'ultra-violet par la surface du miroir. Le

verre en effet ne réfléchit guère que 5 % de l'ultra-violet. Quantaux meta.ix, leur pouvoir réflecteur très grand dans l'infra-rougediminue considérablement avec la longueur d'onde. L'argent poli,par exemple, réfléchit à peine 10 à 15 °/0 des radiations ultra-violettes incidentes de l'extrémité du spectre solaire» Au commen-cement de l'ultra-violet (Oz/iOO) il réfléchit au contraire près de80 "h, des radiations.

L'élcctroscope peut êtrechargé avec une pile sèche ou par influenceavec un bâton d'ébonite frotté. On a soin que les feuilles d'or soienttoujoursportéesau même potentielet parconséquentécartéesduinèinonombre «le degrés de la verticale (20 degrés dans nos expériences).La tranche des feuilles est projetée sur une lame en verre dépolidivisée en degrés qu'onvoit sur 1103 figures. On éclaire l'instrument

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lie. 3Î). — Appareil employé pour démontrer la dissociation de la matière toutI action de la lumière notaire. — A gauetio est une lame de mêlai placée nu-ilviiiM d'un •'•lu' tro-ico|iO chargé positivement et sans relation nvec lui. Au milieu(lu la libère fst 11ri sujipoit sur lequel se placent les écrans destinés a, éliminerdiveues parties ilii spectre. A ilmile csl un hélioslat envoyant le soleil sur h lame'le métal. Il faul éviter autant i|iie possible l'emplii île ce ilernier, a cmiie «le 11

grande absorption de l'ultia-viokt par la suifa.ee du miroir.

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310 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

avec une lampe placée à \ ou 5 mètres dans un endroit obscur aufond de la pièce ou se font les expériences.

Les sources lumineuses employées ont été: 1° le soleil pour lesradiations dont le spectre s'étend jusqu'à 0/,2î)5 ; 2° pour lesradiations allant plus loin dans l'ultra-violet et que le spectre solairene contient pas, on a pris, comme source de lumière, les étin-celles d'un condensateur éclatant entre des tiges d'aluminiumplacées dans une boîte fermée par une lame de quartz recouverted'une gaze métallique encadrée elle-même par une feuille de inétalreliée à la terre de façon à se mettre à l'abri de toute influenceélectrique (fig. 40).

Dans le but de rendre les expériences comparables les corps surlesquels doit agir la lumière sont tous taillés ou lames carréesde 0m,10 de côté placées à 15 centimètres de l'électroscope. Lebouton de ce dernier est remplacé par un large plateau de cuivrecondition indispensable pour obtenir une déebarge rapide. Lecuivre est un métal très peu sensible à la lumière solaire mais trèssensible à la lumière électrique. 11 n'est donc pas nécessaire —bien que nous l'ayons fait — de soustraire ce dernier à l'action dola lumière quand on op:V.'; au soleil. Il est au contraire indispen-sable de le soustraire à l'action de la source lumineuse quand onemploie la lumière électrique. On y arrive par le dispositif trèssimple indiqué par la figure V).

l'our séparer les diverses régions du spectre et déterminer l'ac-tion de chacune d'elles, on a interposé entre la lumière et le corpsfrappé par elle divers écrans (cuve de quartz contenant imn solu-tion transparente de sulfate de quinine, verre épais de 3 millimè-tres, verre de 0rilm.l, mica de 0m,n,01, sel gemme, quartz, etc.).On avait déterminé d'abord la transparence de ces écrans, pourles diverses radiations, en les plaçant devant un spectrographe etrecherchant au moyen des raies spectrales photographiées la lon-gueur d'onde des radiations que chaque corps transparent laissepasser. Les spectres représentés (lig. 'il et 42) montrent les résultatsde quelques-unes do ces photographies. Les verres de couleur,sauf le rouge et le vert, n'ont pu être utilisés, car ils retiennent enréalité fort peu de chose et ne sont que des réducteurs d'intensité.

A propos de l'absorption, je ferai remarquer que les corps absor-bants semblent pouvoir être divisés en deux classes, les absorbantsspécifiques et les absorbants d'intensité. Les premiers arrêtent netle spectre dans une légion déterminée, toujours la même quelleque soit la pose. Les seconds, tout en étant des absorbants spéci-fiques pour certaines légions, n'agissent dans une limite assezétendue qu'en réduisant l'intensité ; l'absorption dépendra donc <lela durée de la pose. Des solutions de bichromate de potasse ou desulfate de quinine sont des absorbants spécifiques. Ils ne laissentpasser qu'une région déterminée du spectre, et cette légion ne se

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Fie. 40. ~ Appareil employé pour démontrer la dissociation tic lamatière sous l'influence de la lumière ultra-violette produite par dcièlincclka èkelriijucs. — On n'a pus représenté fo bobino dïniliiriion,les bouteilles ilo l.eyde et h toile inél'illiiiiie <|ui prot^o la b"Itooù éclatent le» étincelles. On voit sur la ligure l'npp.-ircil destiné hrévéler nu moyen d'un tube a limaille» do lininly et d'uno sonnerie,r«»i->li.'iii:o d'ondes hertziennes qui troublent parfois les expériencescomme il est expliqué dans lo texte.

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312 L'ÉVOLUTION Dlï LA MATIÊnE

prolonge pas quelle que soit la pose. Le verro incolore exerce bienune absorption spécifique pour certaines régions, mais dans une

partie relativement étendue il agit surtout en réduisant l'intensitédes rayons actifs, c'est-à-dire en les absorbant partiellement, etc'est pourquoi l'impression n'est pas nettement arrêtée dans un

FIG. 41. Fie. 42.

Delaminalinn aumoyen île la photo-graphie de la lians-parence des corpspourlesdiversesré-gions du spectre.—Le prpmierspectreà droite de la lîg. 42représente le spec-tre ultra-violet invi-sible des étincellesdu fer sans inter-position d'aucun

corps. Les troisautres spectres, àgauche de la mémofig. 42, représen-tent l'absorptionproduite par unverre incolore deO1""^ d'épaisseur.Les deux spectres,adroite delafigur41, représentent lacontinuation du

spectre ultra-violetdu fer sans aucuneinterposition d'é-

crans. Les deuxspectres, à gauchede la même fig. 41,représentent l'ab-sorption

,

produitepar une lame deverre incolore de0""M d'épaisseur.Cette lame, del'épaisseur d'une

feuillede papier, est entièrementopaque pour une région assez étenduedu spectre.Les chiffres représentent la graduation des spectres en longueur d'onde. Lespectre de la fig. 42 va de X = 0n,400 à > = 0*1,286. Le spectre de la fig. 41représente la continuation de la région ultra-violette. Il est gradué de >. = 0^,263à ÀE.OJI.230. Le spectre solaire s'étend, comme on le sait, beaucoup moinsNn, puisqu'il ne dépasse pas >«=0j*,295.

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MÉTHODES D'OBSERVATION 313

point déterminé. Les absorbants spécifiques sont en nombre res-treint, les absorbants d'intensité sont innombrables. Tous lesverres do couleur (le rouge- et lo vert foncé excepte) no font quoréduire l'intensité. On en a la preuve évidente en photographiantun spectre solaire derrière des verres do couleur. En prolongeantlégèrement la pose on obtient la totalité du spectre solaire visible,à travers des verres bleu, jaune, violet, etc. Ce point est intéres-sant à noter pour les physiologistes, parce qu'il montre que lesdiverses expériences faites sur des animaux et des plantes avecde la lumière solaire filtrée par des verres de couleur no prouventabsolument rien. Les différences observées sont dues à do toutautres causes que celles invoquées.

Voici le tableau de transparence des divers écrans ou liquidesque nous avons employés pour isoler les diverses régions duspectre. Dans la région de l'extrême ultra-violet du spectre, j'aieu recours à l'obligeance de mon savant ami Deslandres pour lagraduation des longueurs d'onde.

Tableau de la transparence de divers écrans.

!uii'r.E PORTION DU SPECTUEPU CORPS ABSORBANT. OIE L'ABSOBBAJT LAISSE PASSER.

Eau distillée sous une( Laisse passer tout le spectre visible

tisseur de 1 centimètre..

ct * P,us 8""*° Partl° de lultra"* ( violet.

Solution aqueuse de sut- ! Laisse passer lo spectre visiblefale de quinine à 10 °/0 aci- ) jusqu'aux enviions de h et retientdifiè à l'acide suifunique

. .(tout l'ultra-violet.( Laisse passer tout le spectre vi-

Esculine eu solution al- \ siblo sauf une petite portion ducoolique j violet entre h ct H. Retient tout( l'ultra-violet.

Sulfate de cuivre ammo- ( Laisse passer le spectre visibleniacal . , . ( depuis b et l'ultra-violet jusqu'à N.

( Absorbe tout l'ultra-violet ct leSolution aqueuse de bi- \ spectre visible jusque entre E et D,

cfirornate de potasse à 10 °/a. ) c'est-à-dire un peu au delà des li-\ mites du vert.

Verre d'urane de 1/2 ( Laisse passer tout le spectre yi-cenlirnèlre d'épaisseur

. . . ( sible et l'ultra-violet jusqu'à N.

I Laisse seulement passer la partiedu spectre visible comprise entreE. et G.

27

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314 I.'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRS

/ Laisse passer tout l'infra-rougo

„ ,.' \ depuis ). — 2 S* environ et la partieVerre rouge ivbis

. . .{ ' , '. .... , ,

'. .J i rouge du spectre visible. Arrcto tout' lo resto du spectre.

/ laisse passer tout le spectre vi-Verre à vilre tommun ) siblo et l'ultra-violet jusqu'à N et

de. 3mn,3 d'c'jiaissew.. . . i mûmo Jusqu'à 0 si la pose et lo' temps sont convenables.

tr • i » /i„„ o ( Laisse passer avec tout le spectreVerre incolore de 0mm,8 \ ..,,,,,. • , . , .'

dVnm'KiHtr\ visib,° 1 ultra-violot jusquaux envi-aipameur ( ,ons do >.=0:*,2!6.

,, . , -„ .( laisse passer tout Je spectre VisibleVerre mince de 0mm,1\

. „ ., ', ,, , . ,.,, • ,, M i 1 ctl ultra-violetjusqu'aux environsdedepameur [Lamelle de rm- < . A. 0.0 ï. ...'

>

v ) ;. « 0-*,2o2. hntiercment opaquecroscoije) ,,>>,,... f, . . . .

' '' ' I pour la région suivante.

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CHAPITRE III

Expériences sur la dissociation de la matière dans lesdiverses régions du spectre.

Action des diverses parties du spectre sur la dissociationde la matière. — Kn opérant suivant la méthode décrite, c'est-à-dire en interposant divers écrans, dont la transparence a étédéterminée -par la photographie spectroscopique, entre la lum'èreet les corps sur lesquels elle doit agir, il a été possible de déter-miner, d'après la rapidité de décharge de l'élcctroscope, la propor-tion d'cfiliivcs émise par chaque corps pendant la dissociationsuivant les régions du spectre auxquelles il est soumis, c'est-à-dirol'i..: --nsito de la dissociation. On reconnaît ainsi que les corp3soin très inégalement dissociés par la lumière et que l'actionexercée par les diverses régions du spectre est très différente. Voiciles résultats obtenus :

1° Corps sensibles aux radiations comprises dans le spectre solaire,c'est-à-dire ne dépassant pas 0.l21Jo. — La plupart des corps sontsensibles, mais dans des proportions extrêmement différentes.L'action peut varier en effet depuis 20' de décharge do l'élcctros-cope en 5 secondes jusqu'à 1° seulement en 1 minute. Certainscorps sont donc environ 500 fois moins sensibles que d'autres.

Les corps les plus sensibles à la lumière du jour sont, dansl'ordre de leur sensibilité, les suivants : Etain amalgamé. — Cuivreamalgamé. — Aluminium récemment nettoyé. — Argent amalgamé.— Magnésium nettoyé. — Zinc nettoyé. — Plomb amalgamé. —Mercure contenant des traces d'étain.

Los corps les moins sensibles, c'est-à-diro ne donnant que 1 à2° de décharge en 2 minutes, sont les suivants: or, argent, pla-tine, cuivre, cobalt, mercure pur, étain, carton, bois, sulfuresphosphorescents, substances organisées. Pour les corps à faibledissociation, tels que ceux qui viennent d'être mentionnés endernier lieu, on n'observe généralement d'effet que quand lesrayons solaires contiennent la région du spectre cillant de M à U,

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810 I.'LVOLLTION I)K LA MATIÙMÏ

région qui disparaît souvent, mémo quand le temps est très clair,connue je l'expliquerai bientôt.

Si on recherche au moyen dos écrans dont il a été parlé plushaut et d'après l'action sur l'électroscopo, l'énergie dos diversesrégions «H spectre solaire sur les corps très sensibles, comme.Tétain amalgamé, ou l'aluminium, on trouve, en représentant pal100 la totalité do l'action produite, les chiffres suivants:

Ailidri do li région du çpcclresol-'iire all;inl jusqu'à V = 0;i,<00.

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A'-lion de !i région ailmt «le. . */. = 0;l/,00 ,'t #. = fj^,:jf/j..

'.) •/,.Action do 1T région allam do. . >=0^.3C0 4 'i. — O/^'X,.

.60 •/«•

On peut par divers artifices sensibiliser certains corps pour desrégions où ils ne le sont pas. Le mercure et l'étain sont des corpsfort peu sensibles. Il suffit cependant d'ajouter au premier 1/0000de son poids du second pour le rendre très sensible pour la régionde l'ultra-violet comprise entre ). =0>,360 et ).—0^,200. Le mer-cure ainsi préparé est un réactif excellent pour étudier les varia-tions de l'ultra-violet suivant l'heure, lo jour et la saison. Si laquantité d'étain ajoutée s'élève à 1 °/0 lo mercure est sensiblepour presque tout le reste du spectre.

2° Corps ne devenant très sensibles qu'aux radiations dont lalongueur d'onde est inférieure à 0-l,2-f5. — Parmi ces corps jeciterai surtout les suivants: le cadmium, l'étain, l'argent et loplomb.

,'1° Corps qui ne sont très sensibles qu'aux radiations dont lalongueur d'onde, est inférieure A">. = 0:l,2o2. — Ces corps sont lesplus nombreux. On peut citer parmi eux les suivants : or, platine,cuivre, fer, nickel, substances organisées et composés chimiquesdivers (sulfates et phosphates de soude, chlorure do sodium,chlorure d'ammonium, etc ). .Après les métaux, les corps les plusactifs sont le noir de fumée (20 degrés de décharge par minute) etle papier noir. Les moins actifs sont les corps organisés vivants :feuilles et plantes notamment.

Les divers composés chimiques so dissocient comme les corpssimples sous l'influence de la lumière, mais dans des proportionsassez différentes. Le phosphate de soude et le sulfate de soudedonnent14° par minute, le chlorure d'ammonium 8°, le chlorure desodium 4°, etc. Pour observer la décharge, on dissout les corps àsaturation dans le dissolvant, on verso la solution sur une lame deverre et on fait évaporer. La lamo do verre est ensuite disposéecomme à l'ordinaire au-dessus do l'élcctroscope.

Les variations de décharge que nous avons données n'ont dovaleur que pour les régions du spectre déterminées qui ont étéindiquées. A mesure qu'on fait agir des régions do plus en plusréfrangiblcs la sensibilité des divers corps devient do moins en

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I:XI*J':[III;NCI:S SUR I.A DISSOCIATION DK LA MATIKHB 317

moins différente et tend a s'égaliser mais sans y arriver cepen-dant. Dans l'ultra-violet solaire, l'or, par exemple, est presqueinartif, environ T/X) fois inoins que l'aluminium. Dans l'ullra-violetextrême lionno par la lumière électrique (à partir do 0>,2.">2,, il a, aucontraire, a peu près la même sensibilité que ce dernier métal.Dans cette région de l'ullra-violet, la diirérenco d'action entre lescorps les moins sensibles (acier, platine et argent;, et les plussensibles (étairi amalgamé par exemple), ne varie guère que dusimple au double.

f.es corps médiocrement conducteurs : noir rie fumée, composéschimiques, bois, etc., ont dans cette région avancée du spectre unesensibilité inférieure à celle des métaux. La décharge produitepar les effluves du noir de fumée, par exemple, est beaucoupmoindre que celle do l'étain.

Influence du nettoyage — L'action du nettoyage est tout à faitcapitale pour les mélaux soumis aux radiations contenues dans lospectro solaire. Ils doivent être nettoyés vigoureusement toutes lesdix minutes, avec de la toile d'émeri bien fine, sous peine de voirla décharge devenir environ deux cents fois moins rapide. Dansl'ultra-violet à partir de 0.A,2.">2, l'influence du nettoyage estencore manifeste, mais beaucoup moindre que pour la lumièresolaire. Il suffit que la surface ne soit pas restée sans être net-toyée plus d'une dizaine de jours. Après ces dix jours, ladécharge n'est guère que moitié de ce qu'elle est après un net-toyage récent.

Influence de la matière dos électrodes. — Lorsqu'on faitusage, pour obtenir des radiations s'étendant beaucoup plus loin dansl'ultra-violet que celles contenues dans le spectre solaire, des étin-celles d'un condensateur (deux bouteilles do Leyde placées endérivation sur le circuit induit d'une bobine d'induction), l'intensité«le la dissociation varie beaucoup avec la nature du métal desélectrodes.

Les pointes d'aluminium donnent une lumière produisant unedécharge qui, toutes choses égales d'ailleurs, est près de (roisfois supérieure à celle des pointes d'or. Les électrodes docuivre et d'argent donnent à peu près les chiffres des électrodesd'or.

I,i première explication venant à l'esprit est que certains métauxpossèdent un spectre plus étendu dans l'ultra-violet que d'autres.Mais cette explication est détruite par les mesures récentes d'Eder,qui a montré ' que les spectres de la plupart des métaux s'étendent

1. Edcr M Valc-nia, Normal Sieclrum einiger FJtmenle (Kaiserlichen Académieder Witteiuchaftcn, Wien, 1809;.

27.

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318 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

à peu près à ta môme distance dans l'ultra-violct. C'est ainsi, parexemple, que le spectre des étincelles do l'or, dont les élec-trodes sont justement les moins actives, s'étend tout aussi loin(). = O.vlSô) que le spectre de l'aluminium, métal dont les élec-trodes sont les plus actives.

Il ne semble pas non plus quo les différences d'effet observéessous l'influence de la lumière que produisent les étincelles desdivers métaux soient dues à des différences d'intensité lumineuse.J'en trouve la preuve dans co fait quo du papier photographiqueau chlorure d'argent, placé pendant 00 secondes devaiu la fenêtrede quartz qui ferme la boite où éclatent les étincelles produitesavec divers métaux, présente la môme intensité d'impression,sauf devant les électrodes d'acier où elle est plus intense quodevant les étincelles produites par l'aluminium, ce qui est précisé-ment le contraire de ce quo l'on observe pour la puissance de l'actiondissociante de leur lumière. Pendant ces courtes poses, ce sont seule-ment les radiations inférieures à t>,310 qui agissent sur le papier,comme le prouve cette observation, que l'interposition d'un verremince choisi de façon à arrêter les radiations de longueur d'ondeplus courtes que ). = 0:*,310, arrête aussi l'impression.

Les faits qui précèdent, relatifs à la différence très grande d'ac-tion des électrodes suivant les métaux qui les composent, semble-raient prouver que le spectre des divers métaux contient, en plusde la lumière, quelque chose que nous ne connaissons pas,

Influence de la variation de composition de la lumièresolaire sur son aptitude à produire la dissociation des corps.Disparition de Pultra-violet solaire à certains moments. —Lorsqu'on opère à la lumière solaire, on constate bien vite quedes facteurs nombreux peuvent faire varier la production deseffluves résultant de la dissociation do la matière et par con-séquent l'intensité de la décharge dans d'énormes proportions.Nous reviendrons sur ce sujet à propos de la déperdition ditenégative.

11 est cependant une cause de variation tellement capitale quenous devons la mentionner immédiatement, car si on n'en tenaitpas compte, on pourrait observer des résultats fort différents doceux que nous avons signalés. Je veux parler de la variation docomposition de la lumière solaire.

Dès que j'eus organisé une série d'observations régulières con-sistant à expérimenter avec des corps doués d'action constante, jem'aperçus qu'en opérant plusieurs jours de suite à la môme heurepar des temps en apparence identiques, j'observais brusquementdes différences d'action considérables sur l'clectroscope. Aprèsavoir élimine successivement tous les facteurs pouvant intervenir,je me trouvai en présence d'un seul, les variations de la composi-

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EXPÉRIENCES SUR LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 319

tion de la lumière du jour. Co n'était là qu'uno hypothèse ot ilfallait la vérifier. Comme les variations portaient probablement surles parties invisibles du spectre, un unique moyen do vérifica-tion était à ma disposition, la photographie au spectroscope docette région invisible. La seule indication figurant dans les livresétait que l'ultra-violet disparaît quand le soleil se rapproche do

Tliorizon, co que l'action sur l'électroscope aurait sulli d'ailleursà indiquer. Mais comme j'observais des variations d'effet à des

heures identiques de la journée, et alors que le soleil était trèsélevé, l'indication précédente no pouvait rien expliquer.

Des photographies du spectre répétées pendant plusieurs moisme montrèrent, conformément à mes prévisions, que d'un jour àl'autre, et souvent le môme jour, sans que le phénomène pût sorattacher a aucune cause apparente, la plus grande partie del'ultra-violet solaire, depuis les raies L ou M, disparaissait parfoisbrusquement (fig. 43). Ce phénomène coïncidait toujours avec lalenteur de la déchargo do l'électroscope. L'état apparent du cieln'était pour rien dans cette disparition de l'ultra-violet, car elle semanifestait parfois par des temps très clairs, alors que j'observaisau contraire le maintien do l'ultra-violet avec un ciel très nuageux.Voici d'ailleurs quelques-uns des résultats obtenus.

Fie. 43.

Photographies montrant la disparition de l'ultra-violet solaire à certains jourssous des'influences inconnues. — La bande supérieure représente im spectresohirc ordinaire allant jusqu'aux environs do la raie N. La bande placéeau-dessous montre la disparition de l'utra-violet solaire à partir de laraie L malgré la prolongation de la pose. La bande inférieure représente lasuppression totale de l'ultra-violet quand on photographie le spectre à traversune solution transparente de sulfate de quinine.

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320 L'KVOLUTION DK LA MATILT.E

23 août 1901, 3 li. 50. Très beau temps, disparition do l'ultra-violet à partir do la raio M;

30 août 1901, 11 heures du matin, très beau temps, disparitiondo l'ultia-violet à partir do L;

31 août 1901, 3 heures du soir, temps très brumeux, ciel entiè-rement couvert de nuages. Pas de disparition de l'ulUa-violet ;

20 octobre ot 12 novembre 1C01, 2 heures, beau temps. Dispari-tion de l'ultra-violct à partir do M.

On voit par ce qui précède que si l'oeil, nu lieu d'être sensibleaux radiations qui vont «les raies A à II, était sensible seulementaux radiations allant de II à U, nous nous trouverions de temps àautre, en plein soleil, brusquement plongés dans l'obscurité.

L'ultra violet possède,-d'après mes expérience;:, une action sispéciale et si énergique qu'il n'est pas supppsable qu'il no jouopas un rôle actif dans les phénomènes de la nature. Il serait àsouhaiter que l'on organisât dans les observatoires des recherchesrégulières sur sa présence et sur sa disparition dans la lumière.Par la même occasion, on pourrait étudier les variations de l'infra-rouge, pour lequel j'ai montré qu'on possédait un réactif, — losulfure de zinc à phosphorescence verte, — aussi sensible que l'estle gélatino-bromure pour îa lumière visible. Le spectre invisible a,comme on le sait, une étendue beaucoup plus grande que celle duspectre visible. Il est probable que son étude, en vérité bienfacile, sortirait la météorologie de l'état tout a fait rudimentairooù (lie se trouve encore aujourd'hui.

Identité des produits de la dissociation des corps par lalumiéro avec ceux provenant des substances radio-actives. —Nous avons toujourssoutenu l'analogie des effluves de matiève disso-ciée dans les expériences précédentes avec celles émises par lescorps spontanément radio-actifs. Lénardct Thomson ont, depuis mesrecherches, rendu cette identité indiscutable en constatant leurdéviation par un champ magnétique et en mesurant le rap-

eport —do la charge des particules à leur niasse. Le rapport a été

trouvé identique à celui observé pour les rayons cathodiqueset lesparticules des corps radio-actifs. La condensationdelà vapeur d'eaupar les particules de matière dissociée sous l'influence de la lumière— que produisent, comme on le sait, les rayons cathodiques, — aété également obtenue par Lénard.

Actions photographiques des particules des corps dissociéspar la lumière. — L'élude do ces actions photographiques mefit jadis perdre beaucoup de temps; j'y ai renoncé, parce que, enraison de leur irrégularité, elles ne constituent pas un procédé domesure, alors que l'électroscopc en constitue un précis. Je dirai

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EXPERIENCES SUR LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 32i

seulement quo quand une glace sensible, enfermée flans une enve-loppe do papier noir et recouverte d'un objet quelconque, estexposée— en la protégeant do toute lumière — aux effluves d'unmétal frappé par le soleil, on obtient, au bout d'un quart d'heured'exposition, la silhouette do l'objet place' sur le papier noir. Avecles métaux exposés directement au soleil, l'impression surla plaque photographique est parfois intense, souvent nulle, et tropincertaine, en résumé, pour pouvoir fournir un élément d'investi-gation scientifique.

J'ai toujours observé d'ailleurs qu'après quelque temps d'exposi-tion au soleil, un métal perd généralement la propriété do donnerdes images photographiques, alors mémo que, dans l'obscurité, onexposeune plaque sensible lirectement sur la face du métal insolée,au lieu de la placer par dessous. Le phénomène tient à ce que lométal épuise rapidement, sous l'influence d'une légère chaleur, laprovision d'émanation radio-active qu'il contient et qui no se reformeque très lentement.

Diffusion des effluves provenant de la dissociation descorps par la lumière. — Une des propriétés les plus curieuses quej'ai constatées chez ces effluves est la rapidité do leur diff;;s.;on.Elle leur permet do contourner immédiatemeut tous les obstacles.

dette diffusion est si considérable, que, dans les expériencesprécédemment exposées, le plateau do l'électroscopo peut être misderrière le miroir métallique, entièrement caché par lui et, parconséquent, à l'abri de tonte lumière, sans que la décharge soitsupprimée. Elle est seulement réduite au septième de ce qu'elleétait, avec un miroir d'aluminium. Si l'électroscope est placé laté-ralement à côté du miroir, do façon que son bord extrême soità 1 centimètre en dedans do la verticale qui tombe de ses bords,la décharge est à peine réduite do 1/10. Si l'électroscopo est éloi-gné à 10 centimètres de la même extrémité de ses bords, ladécharge n'est réduite que des trois quarts. Les effluves ontdonc contourné entièrement l'obstacle formé par le miroir. Sansdoute, la propagation se fait en partie par l'air, mais elle se faitaussi par les parois mômes du miroir sur lequel les particulesdissociées semblent adhérer et glisser jusqu'à ce qu'ils soientarrêtés par une surface non métallique. C'est ce qu'on prouvepar l'expérience suivante qui réussit très bien au soleil :

Une lame d'aluminium, dont une face est intentionnellement trèsoxydée, pour la rendre inactive, et l'autre face nettoyée à l'émeri,est placée au-dessus de l'électroscopo, do façon que la facenettoyéeseule soit frappée par la lumière et envoie des effluves sur leplateau de l'électroscopo. La décharge de l'instrument cor-respond, dans ces conditions, à 20° en 15 secondes. On retournoalors la lame de métal, de façon quo ce soit la face oxydée qui

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322 L'ÉVOLUTION »K LA MATIÈRE

regarde l'électroscope, sur lequel elle porto ombro, et la faco net-toyée qui regarde le soleil. Les effluves produits ne peuvent dèslors agir sur l'élcctroscopo qu'en contournant la lame. Or, ladécharge est encoro do 21° par minute. Sans rien toucher audispositif qui précède, on colle une bande de papier noir do 2.cen-timètres de largeur sur les bords de la faco non oxydée regardantle soleil, dette bande empêche le contourneuicut des particules, etla décharge de l'électroscope s'arrête.

Les métaux frappés par la lumièro conservent pour la plupartune très légère charge résiduelle qui leur permet de déchargerun peu l'électroscope dans l'obscurité pendant quelques instants.Il .suffit donc d'insolor un inétal nettoyé et le poser dans l'obs-curité, au-dessus de l'électroscope, pour qu'il so produise pendantquelques instants une légère décharge.

Mécanisme de la décharge des corps électrisés par lesparticules do matière dissociée.— Le mécanisme de la déchargedes corps électrisés par les effluves do matière dissociée, par lalumière, par les gaz des flammes, par les émanations des corpsradio-actifs ou encore par les rayons cathodiques, est toujours lemémo. Mlles agissent en rendant l'air conducteur. La figure tftet l'explication placée au-dessous fait très bien comprendre lemécanisme de leur action.

Transparence de la matière pour les effluves d'atomesdissociés. — Les particules de matière dissociée traversent-ellesles obstacles matériels? Nous savons qu'il en est ainsi pour lesrayons fj du radium mais non pour les rayons a, qui forment 99%île l'émission et sont arrêtés par une mince feuille de papier. Com-ment les choses se passent-elles pour les particules des corpsdissociés par la lumière?

.

11 semble facile au premier abord de constater le phénomène dela transparence. Possédant un réactif sensible à certaines radiations,nous interposons entre ces radiations et lui le corps dont nousvoulons essayer la transparence. Si l'effet so produit a traversl'obstacle nous dirons que le corps a été traversé. Ilien n'est plussimple en apparence. Rien n'est plus trompeur en réalité.

.Il arrive parfois en effet que le corps semble traversé alors qu'il

ne l'est pas du tout. Il peiit être simplement contourné, ce quiarrive précisément dans le cas des corps très diffusibles, commeil a été montré dans le paragraphe précédent, ou dans lo cas desradiations ayant une grande longueur d'onde, les ondeshertziennes par exemple, (l'est cette transparence apparente quiavait autrefois illusionné les physiciens sur la transparencesupposéedes corps conducteurs et isolants pour les ondes électriques. Cettetransparence fut admise jusqu'aux recherches que nousavous eflec-

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EXPÉRIENCES"SUR LA DISSOCIATION DE LA MATIEHE 323

tuées avec Hranly 1, et dans lesquelles nous prouvâmes que lesmontagnes et les maisons étaient contournées et non traversées,et que. si les nu-taux paraissent traversés, c'est que les ondes

hertziennes passent à travers les fentes de boites qui semblenthermétiquement closes et le seraient en effet pour de la lumière.

La transparenceapparente peut être encore la conséquence do ce

1. Expesées dans les Complet rendus de l'Académie des Sciences et dans laHeiue Scientifique.

Fie. 4i.Mécanisme de la décharge d'un éleclroscope par les efflnves de matière dissociée

qui te dégagent des métaux frappés par la lumière solaire. — La lamemétallique, placée sur un support isolant, est reliée \ un éleclroscopenon chargé par un fil conducteur cl mise au-dessus d'un électroscopochargé. L'appareil étant exposé à la lumière solaire, Ie3 effluves qui sedégagent rendent l'air conducteur. Il en résulte que l'électroscope chargé sedécharge en même temps que l'autre se charge. Les choses se passentcomme si les deux tdectroscopes étaient reliés par un fil.

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324 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

qu'une faco d'un corps étant frappée par uno radiation il se pro-duit, par une sono d'induction, uno radiation identique sur lapartie do l'autre face correspondant au point frappé. J.-J. 'J'hom-•;on a soutenu qu'il en était précisément ainsi pour les iayons catho-diques et Villard rroit qu'il en est de même pour les métauxsur lesquels agissent les radiations de radium. L'impression photo-graphique à travers un inétal serait la simple, conséquence d'uneémission secondaire sur la face postérieure do la lame frappée et enface du point frappé.

On a une image grossière de ce qui se passe dans ces divers casen prenant pour exemple la propagation du son. Si on enferme unindividu dans une enceinte métallique parfaitement close, il enten-dra très bien tous les instruments de musique joués au dehors dol'enceinte. Les vibrations do l'air qui produisent le son semblentdonc traverser le métal. On sait cependant qu'il n'en est rien etque l'air qui frappe les parois métalliques se borne à les fairevibrer. Les vibrations d'une des faces du métal se propagent àl'autre faco qui met à son tour en vibration l'air avec lequel elleest en contact. Les vibrations semblent ainsi avoir traversé lométal qui est cependant absolument opaque pour l'air.

Un raisonnement analogue peut être d'ailleurs appliqué à toutesles formes de la transparence des corps. On pourrait mémo y faireentrer lo cas do la transparcuco pour la lumière, si celte hypothèsepouvait se concilier facilement avec le phénomène do l'aberration.

Quoi qu'il en soit, la solution complète du problème do latransparence est difficile et le lait seul que d'éminents physiciensn'ont pu se mettre d'accord sur la transparu, v. des corps pour lesrayons cathodiques et pour les émanations i-cs corps radio-actifs,montre suffisamment la difficulté de la question. Tout ce que nouspouvons dire d'un corps supposé transparent, c'est que. les chosesse passent exactement comme s'il était transparent.

Dans le cas des effluves do matière dissociée par la lumière, loproblômo est encore compliqué par l'extrême diffusion de ceseffluves, qui leur permet de contourner tous les obstacles, commonous l'avons vu. Si on se bornait à interposer \ino lame métalliqueentre les effluves et l'électroscope, on serait conduit à des résul-tats très erronés. Il faudrait lui donner des dimensions excessives,ce qui serait peu pratique.

Pour constater la transparenco — ou, si l'on préfère, l'équiva-lent de la transparence —il est nécessaire quo le corps sur lequelon veut agir soit entouré d'une enceinte close de tous côtés. C'estce quo nous avons obtenu avec notre électroscopo condensateurdifférentiel grâce auquel il a été possible d'étudier la transparencedes corps pour los effluves émis par la lumière, par les corpsradio-actifs, par les gaz dès flammes, par les réactions chimi-ques, etc. Son emploi nous a permis de constater une transpa-

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EXPERIENCES SUR LA DISSOCIATION DE F.A 5IATIKRE 325

rcnco apparente, mais en étudiant davantage lo phénomène j'aiété conduit à reconnaître, comme on le verra plus loin, que tous lescorps contiennent uno émanation analogue à celle quo le* subs-tances spontanément radio-actives renferment, et qui parait ttrola cause des actions observées.

Élimination des causes d'erreur. Influence des ondes hert-ziennes accompagnant les étincelles électriques employéespour produire l'ultra-violet. — Toutes les expériences quiviennent d'être exposées sent d'une réalisation extrêmement facile,quand on opèro au soleil. Il n'y a quo doux précautions a prendre.La première, est do nettoyer vigoureusement, toutes les dix minutes,avec de la toilo d'émeri, le métal sur lequel, on opère, nettoyageinutile quand on emploie l'ultra-violet obtenu au moyen des étin-celles électriques. La seconde consiste à remplacer le bouton habi-tuel de l'électroscope, avec lequel la décharge est insignifiante, parun plateau métallique do cuivro de 0"',10 environ de diamètre.Il est entièrement inutile do nettoyer ce dernier.

L'importance d'uno largo surfaco réceptrice est capitale, et c'estjustement parce quo beaucoup d'observateurs ont négligé ce pointessentiel qu'ils n'ont pu répéter mes anciennes expériences.

Lorsqu'il s'agit do radiations très réfrar.gibles n'oxistant pasdans le spectre solaire, à nos altitudes, et qu'on ne peut produirequ'au moyen d'étincelles électriques, les expériences sont beaucoupplus délicates, et en ne prenant pas certaines précautions, on s'exposeà des causes d'erreur que je vais signaler.

La plus importante consiste dans l'action d'influences électriquescapables do décharger l'électroscope. Sans doute, il suffit de cacherla lumière des étincelles avec du papier noir pour voir si tomedécharge est supprimée, ce qui n'est pas le cas quand

,

desinfluences électriques interviennent. Mais quand on constate queces dernières se produisent, il n'est pas toujours aisé do les suppri-mer. Lo moyen habituellement employé pour les éliminer consiste,à recouvrir lo quartz fermant la boîte où éclatent les étincellesd'une fine toilo métallique transparente, encastrée dans une grandelame de métal reliée à la terre, mais ce moyen ne suffit pastoujours. Essayant invariablement après chaque expérience sil'action-sur l'électroscope cessait quand on cachait la luhiicre avecle papier noir, j'ai vu plusieurs fois se produira des décharges'rapides dues à des influences électriques. Comme elles n'agissaientpas également sur l'électricité positive ou négative dont étaitchargé l'électroscope, mais sur uno seule, j'ai eu l'idéo do m'endébarrasser en reliant à la terre — sans rien changer au restQ dudispositif — uno des armatures des bouteilles de Leydc, suivantle sens de la décharge observée. Ce moyen réussissait toujours.

Quelle est l'origine des influences électriques qui se forment28

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326 DÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

autour des étincelles des électrodes, et dont les physiciens ontsignalé plusieurs fois l'existence et les effets, mais sans jamaisavoir essayé de déterminer leur nature ? N'ayant pu trouver dorenseignements à leur sujet, j'ai été amené à rechercher en quoielles pouvaient consister.

Kilos consistent simplement en ondes hertziennes, très petites.H était difficile do le prévoir, car on no supposait pas qu'ellespuissent se produire par des décharges entre des pointes.

Leur existence est prouvée, soit par l'illumination à distance d'untube de Ceisler (ce qui oblige à opérer dans l'obscurité), soit depréférencepar l'emploi d'un tube à limaille intercalé dans le circuitd'une sonnerie sensible et d'une pile. Cet appareil qu'on peut laisseren place, comme on le voit sur plusieurs do nos figures, révèleimmédiatement à l'oreille, par le bruit do la sonnerie, la formationd'ondes hertziennes pouvant troubler les expériences 1.

Si on veut se souvenir des recherches que j'ai faites avec Uranlysur l'énorme diffraction des ondes hertziennes, qui leur permetde contourner tous les obstacles, et sur le passage du ces ondes àtravers les fentes les plus fines, on comprendra qu'il soit fortdifficile, malgré toutes les précautions possibles, de se soustraireà leur influence lorsqu'elles se forment. Il faut donc les empê-cher de se former. Voici, d'après mes observations, quelques-unes des conditions dans lesquelles elles prennent naissance :

Les ondes hertziennes se manifestent quand la boite qui contientles électrodes à étincelles n'est pas rigoureusement isolée de sonsupport avec une couche de paraffine. Elles se manifestent encorequand les électrodes sont trop écartées, et surtout lorsque leurspointes sont émoussées, ce qui arrive quand elles ont fonctionnependant quelque temps. Les ondes hertziennes qui se forment alorssont très petites et ne no propagent guère ?i plus de 00 à 60 centi-mètres, niais elles suffisent à troubler les

>xpériences. Mlles dispa-

raissent dès qu'on a rendu avec la lime les extrémités des élec-trodes très pointues.

H exisl". bien d'autres causes de production d ondes hertziennesdans ces expériences, mais leur éiiumératioii nous entraînerait troploin. Avec le dispositif que j'ai indiqué et figuré sur mes dessins,l'opérateur sera toujours averti de leur présence.

l'armi les caines d'erreur que je dois signaler encore, il en estune qui n'a été, à ma connaissance, mentionnée nulle part, et dont

1. Les Giides hertziennes peuvent non seulement décharger un éleclroscopc,chargé positivement ou négativement, mais encore le charger enscite, tantôtpositivement, tantôt négativement, a condition de no pa.« s'éloigner d» plus doi métro environ do la sourco des ondes. On le constate en plaçant l'élcctros-tope a i inelre d'un radiateur à houle de Highi, dont on cache 1» îuinltrc deidlinctllcs avec une grande feuille dt papier noir.

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EXI'ÉIUENCES SUR LA DISSOCIATION DK LA MATIÈIII-: 327

l'importance est considérable. Je veux parler do l'altération super-ficielle qu'éprouve une lame do quartz exposée pendant moins d'unquart d'heure devant les étincelles des électrodes. Elle se recouvred'une couche à peu près invisible de particules de poussières quisuffisent à la rendre opaque pour les rayons ultra-violets de lon-gueur d'onde inférieur à 0;-<,2ô0. Quand on se sert do quart/ ainsialtéré, c'est comme si on faisait usage d'une lame de verre mince,opaque comme on le sait pour l'extrême ultra-violet, et tous lesrésultais observés se trouvent faussés. Cette cause d'erreur, quim'a fait perdre beaucoup de temps, est très facile à éviter, puisqu'ilsuflit d'essuyer, toutes les dix minutes ou tous les quaits d'heure,le quartz avec tin linge très fin.

Toutes ces causes d'erreur peuvent influer également sur la déper-dition dite négative que je vais étudier bientôt.

Interprétation des expériences précédentes. — Nous avonsdéjà interprété les expériences exposées dans ce chapitre et nousnous bornerons à rappeler «pie tons les produits de la dissociationdes corps par la lumière >ont identiques à ceux obtenus avec lessubstances radio-activos. Même déviation des particules par un champ

nmagnétique, mémo rapport —de lamasseà laij. .-r 'ilectrique, etc.

Mais comment expliquer cette action dissociante d'une faibleradiation lumineuse sur un métal rigide? L'explication n'est pasfacile. Je me bornerai à reproduire celle donnée par .M. le pre-fesscur de Meen, dans son mémoire : les Vhénomines dits catho-diques cl radio-actifs :

« Lorsqu'un rayon lumineux tombe h la surface d'un miroir mé-tallique, les ions vibrent à l'unisson d'une partie ou de la totalitédes radiations qui la frappent. Donc, pendant l'action de celteradiation, une pellicule superficielle, d'épaisseur infinitésimale,vibre À la fréquence d'oscillation de certaines oscillations de lasource elle-même. Pour le cas des radiations lumineuses et ultra-violettes, celte surface correspond réellement à une températureexcessive qu'on no peut reconnaître parle toucher, parce que, sonépaisseur étant très petite, la quantité de chaleur renfermée dangcette pellicule est entièrement négligeable.

« Or, s'il en est ainsi, la surface métallique, soumise à uneradiation lumineuse et plus particulièrement ultra-violette, ser-->

parcourue en tous sens par des courants que nous désignerons80U3 le nom do courants à excessive fréquence.

« Les ions seront soumis à des actions répulsives telles qu'ilssauteront. Dés lors, l'espace ambiant sera soumis à des projectionsou radiaM'ons ioniques, comparables à celles que l'on déterminedans les tubes à vide.

« Telle est l'interprétation du fait fondamental, découvert pour

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328 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

la première fois pat* Gustave Le Bon .et qui se trouve à la base dece. chapitre nouveau do. la physique. Ce physicien avait, dés lors,admis que cette manifestation appartenait à un ordro. de phéno-mènes naturels tout à fait gênerai. Ce fut cette pensée, bien plusq :e l'admirable expérience de Roentgen, qui me décida à embrasserl'étude des phénomènes électriques. »

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CHAPITRE IV

Expériences sur la possibilité de rendre radioactifs descorps qui ne le sont pas. Comparaison entre la radio*activité spontanée et la radio-activité provoquée.

L'idée quo la radio-activité était duo à des réactions chimiquesm'a conduit à rechercher le moyen de rendre artificiellementradio-actifs des corps qui ne le sont pas. On est bien sûr dans ce casque la présence du radium, de l'uranium ou d'une substanceanalogue n'est pour rien dans la radio-activité.

On verra plus loin que des réactions chimiques diverses telle»que l'hydratation peuvent produire cette radio-activité ; nous allonsmaintenant montrer que des corps ne présentant aucune trace doradio-activité sous l'influence de la lumière, tels que le mercure,peuvent, au contraire, devenir extrêmement radio-actifs. Il suffitde lui ajouter un six millième de son poids d'étain, métal quin'est pas plus radio-actif que le mercure sous l'influence dola lumière ordinaire. Avec cetto proportion d'étain, le mercuren'est sensible qu'à l'ultra-violet solaire depuis X = f>,3G0 Jusqu'à). == O.S290, mais si la proportion d'étain s'élève à 1 °/„, lemercure se dissocie sous l'influence do la plupart des radiationsdu spectre visible.

11 était intéressant de comparer la radio-actiyité artificiellementdonnée à un métal avec celle des corps spontanément radio-actifstels que lo thorium et l'uranium. L'expérience étant très impor-tante, jo vais la simplifier, au point qu'elle puisse être répétéefacilement dans un cours.

Il s'agit de déterminer d'abord lo degré de dissociation d'uncorps par la lumière, puis de le comparer à celui d'une substancespontanément radio-active, un sel d'urane, par exemple. iNousallons voir quo la dissociation provoquée par la lumière est beau-coup plus considérable.

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330 LKVOLUTION DE LA MATIliRK

On prend une lame d'étain carrée, de 10 centimètres de côté etdo 2 millimètres d'épaisseur. On la fixe par ses bords avec quatrebandes étroites de papier enduit do colle forte sur un écran de

carton de même taille, et onplonge le tout pendant vingt-quatre heures dans un bain demercure, en essuyant do tempsen temps la couché d'oxydeformée à la surface do l'étain.La lame, ainsi préparée, etdont le carton empoche la rup-ture, garde indéfiniment saradio-activité sous l'influencede la lumière, à la seule condi-tion d'essuyer sa surface dotemps en temps, très légère-ment, avec le doigt.

Ceci posé, l'expérience estdisposée comme il est indiqué(lig. 45). L'électroscopc estchargé par influence avec unbâton d'ébonite; sa charge estdonc, par conséquent, positive.

En disposant la lame d'étain,de façon à ce que le soleilfrappe sa surface, on constateque les feuilles d'or se rappro-chent en quelques secondes.A la lumièrediffuse, la déchargeso fait encore, mais plus len-tement.

Ayant noté lo nombre dodegrés do décharge dans untemps donné, on recommencel'cxpéricnco avec un écran cou-vert d'un sel d'urane, préparéde la façon suivante :

Du nit.-ato d'urane est broyédans du vernis à bronzer etétendu sur un écr»n en carton,

ayant exactement la dimension do la lame employée uans i expé-rience précédente (10 cent. X 10 cent.). Si on dispose cet écran,comme il est indique figure 45, et qu'on charge l'clcctroscope, dela façon précédemment indiquée, on constate dans l'obscurité unodécharge de (5° environ en GO secondes. En opérant au soleil avecle miroir d'étain amalgamé, placé rigoureusement à la môme

Fie. 45.

Comparalion de la dissociation des corpsspontanémentradio-actifs et des métauxsous l'influencede la lumière.

On emploie successivementun miroird'étain préparé comme il est expliquédans le texte et un écran île mêmedimension enduit d'oxyde de thoriumou d'uranium. La dissociation desatomes de l'ctain sous l'influence de lalumière est 40 fois plus rapide- quecelle deî corps radio-actifs qui viennentd'être indiqués.

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EXPÉRIENCES POUR RENDRE RADIO-ACTIFS DES CORPS 331

distance do l'électroscope, on avait constaté que ce dernier sedéchargeait de 40° en 10 secondes. On voit donc que la radio-activité artificielle donnée à un métal par la lumière peut titreenviron quarante fois plus grande que la radio-activité spontanée,possédée par les sels d'urane. Avec l'oxyde de thorium, on obtientdeschiffres voisins. Si nous admettons avec Rutherford que 1 grammed'uranium émet 70,000 particules par seconde, il en résulteraitque les métaux qui, sous l'influence dissociante do la lumière, ontune activité quarante fois plus forte, émettraient à surface égaleprès de 3 millions de particules par seconde.

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CHAPITRE V

Expériences sur la déperdition dite négative des corp3électrisés sous l'influence de la lumière.

On sait depuis les expériences de IlcrU qu'un corps conducteurélectrisé négativement perd sa charge si on lo soumet à l'iiclion desrayons ultra-violets obtenus avec des étincelles électriques, et ilest admis dans les ouvrages les plus récents :

1° Que la déperdition ne peut se fairo que sous l'influence de laumière ultra-violette;

2° Qu'elle est à peu près la môme pour tous les métaux;3" Que la décharge ne se fait que si la charge du métal est

négative 1 et non positive.Klster, Geitcl et Urarily avaient bien cité deux ou trois métaux

qui se déchargent à la lumière du jour, et ce dernier avait men-tionné plusieurs corps qui subissent la déperdition positive, maisces phénomènes étaient considérés comme exceptionnels et nopossédant nullement un caractère général.

.Le sujet ne me semblant pas du tout épuisé, j'ai cru devoir lereprendre. Bien qu'il y ait une différence évidente entre lo phéno-mène de la décharge d'un corps déjà électrisé et celui do laproduction d'effluves émanant d'un corps non électrisé et capablesd'agir sur un corps électrisé, montré dans lo chapitre précédent,les deux phénomènes-ont une mémo cause, la dissociation de lamatière sous l'action do la lumière. Aucun expérimentateurn'avaitsoupçonné cette causo avant mes recherches.

Les expériences que nous allons exposer prouvent : 1° que ladéperdition dite négative est aussi, bien quo généralement à unmoindre degré, positive ; 2° que là décharge se produit cousl'influence des diverses régions du spectre, toi" ; ayant son maxi-mum dans l'ullra-violet; 3" que la décharge est extrêmement diffé-

1. « Les ray»ns ultra-violets n'agissent qu'k la condilion do rencontrer unesurface éloctrisée négativement. » Uom, 2* Supplément do la l'htjsique deJ»min, 1CT9, p. 188.

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Pic. \C. — Appareil employé pour étudier lu déperdition sous Fin/luence de lalumière ultra-violette des corps préalablement élerlritéi. — La bobineemployée pour la production dos lîlinccllcs n'est pas représentée sur la ligure.On voit à drollo la sonnerie et le lubo A limailles servant a révéliir la rx-odiic-

cri d'ondes hertziennes qui peuvent troubler les expériences.

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334 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

rente pour les divers corps, les métaux notamment. Ce sont,comme on le volt, trois propositions exactement contraires à cellesgénéralement admises et que j'ai rappelées plus haut. Il s'agitmaintenant de les justifier.

Méthode d'observation. — Dans l'étude de la déperditionnégative à la lumière solaire, la méthode d'observation est fortsimple, puisqu'il n'y a qu'à poser le corps dont on veut étudier ladécharge sur le plateau de l'électroscopo. Il se charge en mômetemps que ce dernier. La charge peut être communiquée, soit avecun bâton do verre, soit avec un bâton d'ébonite, suivant qu'ondésire qu'elle soit négative ou positive. On a soin de donner auxfeuilles d'or le môme écartement.

Lorsqu'on veut étudier la décharge produite par les rayonsultra-violets quo ne contient pas le spectre solaire, il faut avoirrecoure au dispositif spécial représenté ligure 4G.

Les corps à étudier sont fixés dans une pince remplaçant lebouton de l'électroscope. Ils se chargent d'électricité en mêmetemps que ce dernier. La lumière est fournie par des électrodesd'aluminium reliées aux armatures d'un condensateur entretenupar une bobine d'induction donnant environ 0M,?0 d'étincelle.Les électrodes sont placées dans uno boite fermée par une lamede quartz recouverte d'une toile métallique encadrée dans unefeuille de métal en relation avec la terre pour éviter les influencesélectriques.

La distance à laquelle le corps élec'risé se trouve do la sourcelumineuse jouant, au moins pour les rayons très réfrangibles, unrôle tout à fait prépondérant, il est utile de monter, comme nousl'avons fait, l'électroscope sur une règle graduée qui permet demodifier sa distance à la source lumineuse.

Quand on veut séparer les divers rayons du spectre, on opère,comme nous l'avons di-, précédemment, au moyen d'écrans diversinterposés entre la source lumineuse et l'électroscope, écrans dontla transparence a été déterminée par des photographies spectro-scopiques.

Lorsque les expériences sont faites au soleil, les plaques métal-liques doivent être très fréquemment nettoyées a la toile d'émeri(au moins toutes les dix minutes), mais à mesure que l'on avancedans l'ultra-violet ce nettoyage devient de moins en moins impor-tant. Ce n'est plus toutes les dix minutes, mais une fois seulementtous les deux ou trois jours qu'il faut le répéter. Si on atten-dait aussi longtemps quand on opère au soleil, la décharge neserait pas entièrement supprimée, mais deviendrait plus de centfois moindre. Pour la lumière des étincelles électriques, la raretédu nettoyage no réduit quo do moite ou des deux tiers la dé-charge.

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EXPÉRIENCES SUR LA DÉPERDITION 335

J'ai cependant réussi à constituer des alliages n'ayant besoin,pour les expériences au soleil, d'aucun nettoyage et conservantleurs propriétés pendant une quinzaino de jours, à la simple condi-tion do passer à leur surface lo doigt de temps en temps pour enretirer les.poussières ou la légère couche d'oxyde formée. Le meil-leur est constitué pir des lames d'étain amalgamé préparées commeil a été dit dans un précédent paragraphe.

Déperdition à la lumière solaire des corps chargés néga-tivement. — Le tableau suivant indique avec quelle rapidité sedécharge à la lumière une lame do métal de 10 centimètres de côtéposée sur le plateau de l'élcctroscope. Cettq rapidité est déduite dutemps nécessaire pour produire une décharge do 10°. Lo maximumde rapidité étant représenté par le nombre 1.000, on a obtenu leschiffres suivants :

Kapitlilé de la déperdition négative à ta lumière solaire.

Etain amalgamé 1000Zinc amalgamé 980Aluminium récemment nettoyé 800Argent amalgamé

.770

Magnésium récemment nettoyé COO

Zinc récemment nettoyé 2'i0Plomb amalgamé 250Cadmium 14Cobalt 12Or, acier, cuivre, nickel, mercure, plomb,

argent, sulfures phosphorescents, car-ton, marbre, bois, sable, etc 2 (au maximum).

Tous ces corps se désélcctrilient encore quand ils sont chargéspositivement, mais à la lumière solaire la déperdition est toujourstrès faible (1° au plus en 1 ou 2 minutes). Kilo augmente beaucoupquand on remplace la lumière solaire par la lumière d'étincellesélectriques, mais son maximum n'est pas du tout produitcomme pourla déperdition négative par les radiations de l'extrémité du spectre.Le l'ait est prouvé par cette expérience très simple. Une lame deverre mince de 0uim,l, qui ralentit considérablement la déperditionnégative pour beaucoup de corps, lorsqu'elle est placée devant lasource lumineuse, n'a qu'une action très faible sur Je ralentisse-ment de li déperdition positive. Les radiations qui produisent ladéperdition négative ne sont donc pas les mêmes que celles qui pro-duisent la déperdition positive.

Déperdition à la lumière ultra-violette électrique des corpschargés négativement et positivement. — Los corps taillés enlames sont disposés comme précédemment, ou ce qui revient aumême, fixés verticalement sur l'élcctroscope par une pince comme

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336 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

il est indiqué flg. 46. La source de lumière (étincelles électriques)est placée à 20 centimètres du corps sur lequel elle doit agir. Lestableaux suivants donnent pour cette distance l'intensité do ladécharge des corps chargés, soit négativement, soit positivement»sous l'influence do la lumière des étincelles électriques. La plusforte déperdition négative correspond à 6° par seconde (ce quiferait 360° par minute); la plus lente à un demi-degré par seconde(30° par minute). Pour la décharge positive elle est beaucoupplus faible, puisqu'elle varie entre 7° et 16r- par minute. En repré-sentant par 1000 le maximum de rapidité de la déperdition onobtient les chiffres suivants, déduits du temps nécessaire pourdécharger l'électroscope :

1° Rapidité de la déperdition ntgalive à la lumière ultra-violettedes étincelles électriques.

Aluminium 1000Elain amalgamé CS0Zinc 610Cuivre rouge 390Cadmium 3'i0Coball

. .270

Etain.

270Nickel 240Plomb 210Argent ' 200Acier (poli) 80

2° Rapidité de la déperdition positive sous l'influence de lamême lumière..

La décharge de1l'électroscope a varié de 16° par minute (nickel, zinc'et

argent) à 7° (acier). Il ne s'agit donc pas du tout d'une décharge insignifiante,mais bien très importante.

Les chiflros précédents représentent la déperdition produite parla totalité des radiations lumineuses données par les étincellesfournies par des électrodes d'aluminium.

De ce qui précède nous pouvons conclure que tous les corpséledrisés exposés à la lumière ultra-violette subissent vnc.déperdi-tion négative ou, positive ne diflih'ant Cum de l'autre que par l'in-tensité. Loin d'être identique pour tous les corps, comme on l'avaitsoutenu jusqu'ici, celte déperdition varie considérablement avec lescorps employés.

Sensibilité des divers corps pour les différentes régions del'ultra-violet. Elimination des causes d'erreur. — La rapiditéde la décharge des divers corps est très variablo pour les diversesrégions du spectre. On pouvait le pressentir déjà d'après les indi-cations données dans un paragraphe précédent. Quelques-uns :aluminium, zinc, etc., sont sensibles dans les régions du spectresolaire visible. D'autres : nickel, acier, platine, etc., ne le sont quedans la région extrême do l'ultra-violet du spectre électrique, et

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EXPÉRIENCES SUR LA DÉPERDITION 337

c'est pourquoi une simple lamelle de verre de 0mm,l placée devantle quartz qui ferme la boite du déflagrateur arrête toute déchargepour ces derniers, alors qu'elle n'arrête qu'une partie de la déchargeproduite par les premiers.

Les cliiiïres donnés plus haut montrent qu'il y a prédominancede la déperdition négative sur la déperdition positive pour lescorps bons conducteurs, c'est-à-dire les métaux. Il en est autrementpour les corps médiocrement conducteurs : bois, carton, papier,etc. Pour ces derniers la décharge positive, comme l'avait déjàsignalé Branly, peut devenir égale à la décharge négative et mémol'emporter. Mais il faut tenir compte ici de deux sources d'erreurqui semblent avoir échappé aux.précédents observateurs.

La première, déjà indiquée plus haut, est l'état du quartz. S'il n'estpas nettoyé toutes les dix minutes, il absorbe ]a région extrêmede l'ultra-violct,et comme cette absorption n'empêche pas la déper-dition positive, produite par des régions moins rcfrangiblcs, ladécharge négative sera seule ralentie et par conséquent, pourrasembler égale ou inférieure à la déperdition positive. Tel serait lecas d'un métal très oxydé ou couvert d'un corps gras qui n'estjustement très sensible qu'aux régions extrêmes de l'ultra-violct.

La seconde cause d'erreur est l'influence considérable dra ladistance. Les rayons les plus extrêmes du spectre sont les plusactifs sur la décharge négative, alors que leur action est assezfaible sur la décharge positive. Etant absorbés par l'air et d'autantplus que son épaisseur augmente, il s'ensuit que leur effet sur ladécharge négative se ralentit nécessairement quand on augmentela distance à la source lumineuse. C'est ainsi qu'à 25 centimètresdes étincelles, la décharge positive du bois sera double do ladécharge négative; à 8 centimètres ce sera le contraire; ladéperdition négative sera alors quatre fois plus grande que ladéperdition positive. On voit donc le rôle tout à fait capital do ladistance dans ces expériences. 11 faut ajouter de plus qu'à unepetite distance commence à se manifester la dissociation des gazde l'air par la lumière, que nous étudierons plus loin.

Ces réserves posées, voici, en opérant à 25 centimètres, les dé-charges positive et négative observées avec quelques-uns des corpsessayés.

Je donne les chiffres de décharge en degrés de l'clectroscope etpar minute, sans les ramener à 1000 comme dans les expériencesdrécédentes :

Décharge Déchargenégative positive

enl minute en J minute

Bois divers (sapin, teck, platane) G« 10'Carton jaune 10» 10'Noir de fumée Gl 8 7'

29

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338 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

On voit que pour plusieurs des corps expérimentés la déchargepositive a été très sensiblement supérieure à la décharge négative.Sur ces divers corps, les rayons qui produisent la décharge néga-tive ont une longueur d'onde inférieure à 0^,252 et il sul'lit do lessupprimer du spectre pour que la décharge négative soit égalementsupprimée.

La sensibilité dc3 corps noirs, notamment le noir de fumée étalésur une lame do carton, est considérable. Nous avons obtenuGl degrés de décharge négative par minute à 25 centimètres desétincelles, mais à 10 centimètres elle s'élèvo à un chiffre qui repré-senterait300 degrés dans le môme temps (chiffre voisin de la sensi-bilité des métaux les plus sensibles). Avec les mômes variations dedistance la déperdition positive ne passe que de 7 à 12°.

Influence de la nature des électrodes. — La nature desélectrodes employées pour produire les étincelles électriques a uneinflucncoconsidérable, comme nous l'avons déjà dit, et cette influencen'est pas la môme pour la décharge positive quo pour la déchargenégative. Le tableau suivant donne la déperdition qu'on obtiendraitpar minute, d'après le nombre do secondes nécessaires pour produire100 do décharge, avec les électrodes de divers métaux agissant parla lumière qu'ils produisent sur une lame de zinc élcctriséc reliée àl'élcctroscopo :

Décharge Déchargenégative positive

par minute par minute

Électrodes d'aluminium 24G° 18*Electrodes d'acier .' 140° 10»Electrodes d'or 112° \*Electrodes de cuivre 110° 3"Electrodes d'argent 108° G"

Suivant les électrodes employées, la décharge négative peut,comme on le voit, varierdu simple au double, et la décharge positivedu simple au triple. J'ai déjà fait voir que ce phénomène n'étaitpis lié à la longueur du spectre des métaux, puisque celui do l'orva aussi loin que celui de l'aluminium.

Kn rapprochant les divers tableaux publiés dans ce travail, onvoit que la déperdition produite par la lumière solaire est fort dif-férente de celle résultant de l'action de la lumière électrique. Celalient uniquement à ce que le spectre de la lumière des étincellesélectriques est beaucoup plus prolongé dans l'ultra-violet quo celuide la lumière solaire.

Il est facile de donner au spectre électrique les propriétés duspectre solaire, en supprimant du premier les radiations qu? nesont pas dans lo dernier. Il suffit pour cela de remplacer I? quartzplacé devant les étincelles par un verre mince de O"1"1,8 d'épais-

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EXPÉRIENCES SUR LA DÉPEP! iTIOX 339

scur, qui supprime toutes les radiations qui ne sont pas dans lespectre solaire, c'est-à-dire celles dépassant 0\295. On constatealors que les métaux qui, comme le cuivre, produisaient unedécharge très rapide à la lumière électrique et presque nulle ausoleil, sont devenus insensibles à la lumière élec :quc, Mors queles nétaux, comme l'aluminium, qui produisaient une dé' : n-go ausoleil, continuent à en produire une à la lumière électrique.

Influences diverses pouvant faire varier la déperditionélectrique sous l'action de la lumière. — Plusieurs causes,autres que celles déjà mentionnées, font encore varier la déperdi-tion de l'électricité sous l'influence de la lumière, celle du soleilnotamment. Comme il fallait pour étudier ces variations un corpsà sensibilité constante, j'ai fait usage de plaques d'étain amalgamépréparées comme il a été dit. Ce corps est extrêmement actif, maisn'atteint son maximum do sensibilité qu'après un" exposition dequelques minutes à la lumière, ce qui est précisément 'c contrairede ce qu'on observe pour divers métaux, l'aluminium

< : le zincnotamment.

Le meilleur des corps à sensibilité constante, si son maniementn'était pas incommode, serait le mercure contenant une faibleproportion d'étain. Avec l/GOOO do son poids d'étain, il n'est sen-sible, comme je l'.ii dit, qu'aux régions déjà avancées de l'ultra-violet solaire, c'est-à-dire à parlirdela raie M environ. En élevantla proportion d'étain à 1/100, il devient sensible pour une régiondu spectro beaucoup plus étendue.

Des recherches continuées pendant dix-huit mois, avec desplaques d'étain amalgamé, nous ont prouvé que la sensibilité desmétaux à la lumière, c'est-à-dire le temps qu'ils mettent à perdrela charge électrique qu'ils ont reçue, variait, non seulement suivant'Ihcurc du jour, mais encore suivant la saison. Les premiers chiffresque j'avais donnés, il y a plusieurs années, ayant été observésl'hiver, par des temps très froids, étaient trop faibles.

La décharge est toujours moins rapide l'hiver que l'été, mais,dans la même journée, elle peut varier dans le rapport de 1 à 4.Elle diminue rapidement quand l'heure avance. Par exemple, ley août 1901, la décharge qui, à 4 h. 30 était de 50° par minute,tombe à 16° à 5 h. 50. Le 24 août 1901, la décharge, qui était de80° par minute à 3 h. 25, tombe à 40° à 4 h. 30. J'ai suivi plusieursJours, heure par heure, les variations de la déperdition électriqueet j'en ai dressé le tableau. Il serait sans intérêt de le publier, cirles différences ne suivent pas l'heure, mais surtout les variationsde l'ultra-violet solaire, lequel disparaît souvent en partie (à partirde M et même de L), sous l'influence do causes totalement incon-nues, comme je l'ai déjà signalé.

Les nuages ne réduisent pas sensiblement la décharge, qui reste

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340 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

à peu près la mémo qu'à l'ombre. Leur présence no réduit pasnon plus notablement l'ultra-violet solaire, que j'ai pu photogra-phier à travers des nuages assez épais.

Dissociation des atomes des gaz dans la région extrême del'ultra-violet. — Nous venons de voir que tous les corps, simpleson composés, conducteurs ou isolants, soumis à l'action de lalumière, subissent une dissociation.

Mais dans aucun des corps précédemmentexaminés no figurentde gaz. Pouvons-nous supposerqu'ils échappent à la loi commune?

Cette exception était improbable. Cependant,jusqu'aux dernièresrecherches de Lénard, la dissociation des gaz par l'action de lalumière n'avait pas été observée. Sans doute, on avait bien supposéque la décharge des corps électrisés, frappés par la lumière, pour-rait être due h l'action des rayons lumineux sur l'air, mais cettehypothèse tombait devant ces deux faits : 1° que la décharge variesuivant les métaux, ce qui n'existerait pas si c'était l'air et non lemétal qui agit; 2J que la décharge se produit encore, — beaucoupplus rapidement môme, — dans le vide qu'à l'air.

La raison de cette indifférence apparente des gaz, l'air notam-ment, pour la lumière qui les frappe est très simple. Il y a desmétaux dissociables seulement dans une région très avancée del'ultra-violet. Si les gaz no sont dissociables que dans unerégion plus avancée encore, l'observation de leur dissociation estdifficile puisque l'air, sous une faible épaisseur, est aussi opaqueque le serait du plomb pour les radiationsde l'ultra-violet extrême.

Or, c'est justement comme l'a montré Lénard * uniquementdanscette région extrême do l'ultra-violet que ce qu'on appelait alorsl'ionisation des gaz et ce qui n'est autre chose que leur dissocia-tion est possible. Il a vu qu'il suffisait do rapprocher les corpsen expérience à quelques centimètres de la source lumineuse,c'est-à-dire des étincelles électriques, pour que la décharge devintla même pour tous les corps 3, ce qui montre que c'est alors l'airqui devient conducteuretagit. C'est bien la lumière,et non une autre

1. Veier Wirkungeii des ultra-iïolellen Lichtes au/ gasformige Kôrper.{Annalen der Physik, Bd 1,1900.)

2. Dans un premier mémoire Lénard assurait que le sens de la charge étaitindifférent et il donne même ce fait comme nouveau : « Das aber positive Ladun-

gen in Licht fast ebenso schnell von der Platte verschwinden, siiminl nicht mitHekannien ûberein. » {Ucher Wirlaingeii des ullra-violcllen Lichtes... in Ann.der Pliysik, 1900. p. 493.)

Dans un second mémoire (même recueil, t. 3, p. 29S), Lénard indique, contrai-rement à sa première assertion, que la décharge positive serait supérieure à ladécharge négative. Dans ses premières expériences devaient intervenir des causesd'erreur, telles que la production d'ondes hertziennes, que cet éminent physicien

a éliminées ensuite.

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EXPÉRIENCES SUR LA DÉPERDITION 341

cause, qui intervient, car l'interposition d'un verre mince arrêtetout effet.

Par un dispositif spécial qu'il serait sans intérêt do décrire ici,Lenard a mesuré la longueur d'onde des radiations qui produisentl'ionisation de l'air. Elles commencent vers O.1S0, c'est-à-direjustement aux limites du spectro électrique autrefois connu (O:\1S5)ot s'étendent jusqu'à 0.\140'. La découverte do ces courtes radia-tions est due, comme on lo sait, à Schuman. En faisant le videdans un spectrographe, il a fait voir que le spectre ultra-violetque l'on croyait, d'après les mesures erronées de Cornu et Mas-cart, limité à 0^,185, s'étendait en réalité beaucoup plus loin. Il apu photographier des raies allant jusqu'à O^lOO. C'est probable-ment l'absorption exercée par la gélatine des plaques sensibleset sans doute aussi par la matière du prisme qui empêche d'allerplus loin.

A mesure qu'on avance dans le spectro ultra-violet, les corps,l'air notamment, deviennent do plus en plus opaques pour lesradiations. Il serait donc bien surprenant que les rayons X, quitraversent tous les corps, fussent justement constitués par dol'ultra-violet extrême, comme lo soutiennent plusieurs physiciens.

La plupart des corps y compris l'air sous une épaisseurde 2 cen-timètres et l'eau sous une épaisseur de 1 millimètre, sont en effetabsolument opaques pour ces radiations de très courte longueurd'onde. Il n'y a guère de transparents,et encoro à condition do nopas dépolir leur surface, que lo quartz, le spath fluor, le gypse etle sel gemme. L'hydrogène pur est également transparent.

Les radiations extrêmement réfrangibles de la lumière dissocientdonc, non seulement tous les corps solides, mais encore les par-ticules do l'air qu'elles traversent, alors que les radiations moins

1. La production de ces rayons très réfrangibles paraît tenir en partie à latension du courant qui produit les étincelles. Lenard — dont le mémoire est fortsommaire — ne donne aucun détail sur ce point et se borne à dire qu'il a ali-menté les bouteilles de Leyde avec une très grosse bobine munie d'un interrup-teur de Wehnelt. L'influence de la bobine est bien indiquée par le fait qu'il aquintuplé l'effet en modifiant l'inducteur, mais il ne donne pas d'autres détailsque ceux indiqués dans les trois lignes suivantes :

« Ilierin konnle zunâchst Vorteil erziell werden durch Anbrigung einer zweek-mâssigeren Primarwickelung im Inductorium, es verfûnfîacnte dies bisher inLuft erreiohte Enlfernung » (p. 491).

La tension des étincelles ne doit pas être le seul facteur à invoquer. Je l'aiélevée considérablement par le dispositif bien connu de Testa, mais sans enretirer d'autre avantage que d'augmenter légèrement la décharge positive et réduireun peu la décharge négative. Les résultats contradictoires sur le sens de ladécharge données par Lenard dans ses deux mémoires et ceux que j'ai plusieursfois constatés semblent indiquer que l'action de causes encore inconnues sesuperpose parfois aux actions eoonues

29.

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342 L'IÏVOLUTION DE LA MATIKAIÎ

réfrangibles sont sans action sur les gaz et ne dissocient que lasurface dos corps solides qu'elles frappent. Co sont deux effets 1resdifférents qui peuvent so superposer, mais qu'on no confondra pas,si on so souvient que, quand c'est l'air qui est décomposé, la naturedu métal frappé et l'état do sa surface n'ont pas d'importance,alors que la déperdition varie considérablement avec lo métal, quandc'est celui-ci qui est dissocié. On évite, d'ailleurs, à peu près entiè-icment l'influence do l'ultra-violet extrême, en so plaçant à quelquedistance delà source lumineuse, puisqu'une couche d'air do 2cen-timètres suffit pour arrêter cette région du spectre. Si donc lesétincelles des électrodes-sont a plusieurs centimètres de la lamedo quartz, qui ferme labolto qui les contient, aucun effet dû à ladécomposition de l'air no peut so produire.

En rapprochantquelques-unes des expériences énoncées jusqu'ici,on remarquera que ce sont les corps qui absorbent lo plus la lu-mière qui sont précisément les plus dissociables. Par exemple, Pairqui absorbe les radiations inférieures à OislSô est décomposé parces radiations. Le noir do fumée qui absorbe complètement lalumière est dissocié energiquement par elle et produit un abon-dant dégagement d'effluves. Cette explication no semble pas toutd'abord se concilier avec lo fait quo des métaux ayant reçu unpoli spéculaîro récent sont également le siège d'un dégagementd'effluves extrêmement abondant. L'objection s'évanouit cependantsi on considère que les métaux polis, qui réfléchissent très bienla lumière visible, réfléchissent fort mal la lumièro invisible del'extrémité ultra-violette du spectre et en absorbent la plus grandepartie. Or co sont précisément ces radiations invisibles absor-bables qui produisent le plus d'effet.

Pour donner une idée claire des propriétés des diverses partiesdu spectre ultra-violet, je vais les résumer dans un tableau. Ilmontre que l'aptitude de la lumièro à dissocier les corps augmenteà mesure qu'on avance dans l'ultra-violet.

Propriétés que possèdent les diverses parties du spectreultra-violet de dissocier la matière.

De Oïi '00 ( ^es rad'at'ons traversent le verro ordinaire. Elles'* \ ne peuvent dissocier qu'un petit nombre de métaux

a 0,»,3u. ^ et encore seulement s'ils ont été récemment nettoyés.

! L'ultra-violet do cette région no traverse le verreque si son épaisseur ne dépasse pas-0mm,8. A partirde 0^,295 il est complètement absorbé par l'atmos-phère et ne figure pas, par conséquent, dans lespectre solaire. Cette région bien que beaucoup plusactive que la précédente est encore d'une activitédissociante assez faible sur la p!apact des corps.

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EXPÉRIENCES SUR LA DÉPERDITION 343

i L'ultra-violet do cette région no se rencontre pasdans lo spcctro solaire, mais seulement dans lespectre électrique. Il no peut traverser quo deslamelles do verre no dépassant pas uno épaisseur do0mn,,l. Son action dissociante est beaucoup plusintense et plus générale quo celle do la région précé-dente du spectre, mais moins quo ccllo do la régionsuivante. Il dissocio tous les corps solides, mais estsans action sur les gaz,

/ Cette région do l'ultra-violet est si peu pénétrantej quo l'air, dés qu'on arrive aux radiations do 0;»,185,

est opaque comme un métal, sous une épaisseur deI deux centimètres. Uno lamelle de verre- dq 1/10 de1 millimètre d'épaisseur arrête cet ultra-violet extrèmoDo 0;J, 25S I d'une façon absolue.

à 0;J,100. ) ko pouvoir do dissociation de cette région estj beaucoup plus grand que celui des autres partiesi du spectre. A partir de 0;-sl85 elle dissocie non scu-I lement tous les corps solides, métaux, bois, etc., mais

encore les gaz de l'air sur lesquels la région précé-\ dento du spectre est sans action.

En résumé à mesure qu'on avance dans l'nltra-violet, c'est-à-dire à mesure que les longueurs d'ondo des radiations deviennentplus petites, ces radiations deviennent moins pénétrantes ; maisleur action dissociante sur la matière se montre do pius en plusénergique. A l'extrémité du spectre tous les corps sont dissociés,y compris les gaz sur lesquels les autres parties du spectre sontsans action. L'action dissociantedes diverses radiations est donc enraison inverso de leur pénétration.

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CHAPITRE VI

Expériences sur la dissociation de la matièredans les phénomènes de combustion.

Action générale des gaz des flammes sur les corps électri-sés. —Si do faibles réactions chimiques, telle qu'une simple hydra-tation peuvent, comme nous le verrons bientôt provoquer la disso-ciation do la matière, on conçoit quo les phénomènesde combustion,qui constituent des réactions chimiques intenses, doivent réaliserle maximum do la dissociation. C'est ce que l'on observe en effetavec les gaz des flammes, et c'est ce qui a conduit à admettreque les corps incandescents émettent dans l'air des émissionsdo la famille des rayons cathodiques.

11 y a un siècle au moins que l'on savait que les flammes déchar-gent les corps électrisés, mais on no s'était nullement occupé derechercher les causes do ce phénomène, qui présentait pourtantune importance capitale.

Les premières recherches précise* sur ce sujet sont ducs àBranly. C'est lui qui démontra quo les parties agissantes desflammes sont les gaz qu'elles émettent.

Iï a étudié aussi l'influence de la température sur le sens do ladécharge. En employant comme source un fil do platine plus oumoins rougi par un courant électrique., il a vu qu'au rouge sombrela décharge négative l'emporte de beaucoup sur la décharge posi-tive, alors qu'au rouge vif les deux décharges s'égalisent, ce quisemblerait prouver qu'aux diverses températures il se formait desions chargés d'électricité différente.

Les figures 47 et 48 montrent les moyens de constater très facile-ment l'émissionpendant la combustion de particules pouvant rendrel'air conducteur do l'électricité. L'action est extrêmement intense.Avec une flamme placéeà 10 centimètres de l'électroscopo (fig. 47)on obtient une décharge fort rapide (60° en 30"). Avec une simplebougie enfermée dans une anterne close munie d'une cheminée

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F.xPKiui-Nnr.s sun LA DISSOCIATION DE LA MATIKM: 345

coudée, placée à 13 centimètres do 1 electroscopo (lîg. 48), ladécharge est de 18° dans lo mémo temps. A 20 centimètres ellon'est plus que de 4°. L'extrême diffusion des ions dans l'air expliqueces différences.

Après avoir traversé un long serpentin refroidi, suivant lo dis-

positif représenté dans un autrechapitre (fig. 52), les gazdes flammesproduisent,encorebien que faiblement ladéchargedc l'élcctroscope.

J'ai déjà rappelé que les expériences récentes de J.-.I. Thomsonont montré qu'un corps incandescent est une source puissanteet indéfinie d'électrons, c'est-à-dire de particules identiques à celles

FIG. M.Appareil montrant la déperdiltor de l'électricité sous l'influence tics flammes

suivant la distance et la nature du corps sur lequel l'action se produit.

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3<i6 M.VOI.UTOIN DE LA MATIERK

des corps railio-actifs. Il l'a prouvé <n constatant quo le rapportde leur cliargo électrique à leur niasse était le môme. Les phéno-mènes de la combustion constituent donc une des causes les plusénergiques do dissociation do la matière. Ils produisent une quantitétellement énorme d'effluves do matière dissociée qu'il est possibled'espérer qu'on découvrira lo moyen do les utiliser. En attendant,

ces effluves se diffusent dans l'atmosphère, où ils doivent jouerun rôle que nous ne connaissons pas encore.

Propriétés des particules de matière dissociée contenuesdans les flammes. — J'ai constaté dans mes expériences troisfaits curieux non signalés encore. Le premier est la propriété quepossèdent les éléments des gaz dissociés do traverser, au moinsen apparencOj des enceintes métalliques ; le second est la rapidité

Fie. 48.

Appareil de démonstration penrsitant de rendre visible la déperdition élec-trique som l'action des particules de matière dissociée contenue dans lesgaz des flammes.

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EXPÉRIENCES SUR LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 347

croissante de la décharge- avec l'épaisseur du métal, en relationavec l'électroscopo ; le troisiemo est la perte qu'éprouvent rapide-ment plusieurs métaux do la propriétéd'ê'ro influencés parles gazdes flammes.

L'électroscopo est chargé comme il est expliqué dans un précé-dent paragraphe et la lampe destinéo à produire dés gaz dissociésest disposée comme il est indiqué lig. 49. On constate alors unodécharge assez rapide au débutde'.'expérience, mais qui bientôt seralentit et s'arrête. Le métal ne reprend pas sa sensibilité par lonettoyage, mais seulement par un repos assez prolongé : au moins

vingt-quatre heures. Les chiffres suivants donnent une idée desvariations ainsi observées. La source lumineuse a été placée à unedistance suffisante pour obtenir une décharge assez lente, defaçon à pouvoir se rendre compte des différences constatées :

Décharge pendant Ie3 3 premières minutes '. 0*— — 3 minutes suivantes 4»— — 3 — .— 2«

Fie. 49.Appareil démontrant l'action de la matière dissociée contenue dans les gaz des

flammes sur un corps ileclrisêentouré d'une cage métallique.— Les choses sepassent comme si la cage de métal était rapidement traversée par la matière-dissociée. Quand on veut éliminer entièrement l'action do la chaleur, on obligeles gaz a traverser un serpentin de 2 mètres de longueurplongé dans un réser-voir plein d'eau (lig. 52). Ils n'arrivent alors sur l'éleclrôscope qu'après refroi-dissement complet, et produisent encore une faible décharge.

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348 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈHK

Nous verrons, en interprétant ce dernier phénomène, qu'il estdu à une émission d'émanatijn radio-active analogue à relie duradium, mais qui s'épuise lies vite et se renouvelle fort lente-ment.

Mais une partie do la décharge semble bien produite par la trans-pareneedu métal formant cagedo Faraday, puisqu'ellese manifeste,bien qu'à un faible degré, avec des gaz complètement refroidis, d.

1

façon à éliminer l'action de la chaleur.Lorsqu'on opère comme il est indiqué fig. 49, il suffit de placer

l'extrémité do la cheminée coudéo do la lampe à 2 ou 3 cen-timètres du cylindre formant cage de Faraday pour obtenir unedécharge de 7 à 10° environ par minute. Kilo continue pendantune dizaine do minutes, puis s'arrête entièrement. Nettoyer lecylindre serait inutile, il faut le laisser reposer pendant plusieursjours. L'altération est étendue à toute la circonférence du cylindre,et non pas seulement à la partie exposée aux gaz de la flamme.Llle est due, je le répète, à rémission d'une matière radio-active«analogue à l'émanation des corps radio-actifs.

Lorsqu'on opère avec des gaz refroidis par leur passage à traversun serpentin, comme il est indiqué figure 52, la décharge nedépasse pas 2 degrés par minute et elle parait due alors à la trans-parence du métal.

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CHAPITRE VII

Expériences sur la dissociation de la matière

par les réactions chimiques.

Nous avoi.o découvert un grand nombre do réactions chimiquesproduisant la dissociation de la matière. Klle est révélée par lescaractères qui prouvent cette dissociation, c'est-à-dire l'aptitude àrendre l'air conducteur do l'électricité et à produire parfois do laphosphorescence.

Pour constater ectto dissociation, au lieu d'opérer suivant laméthode dont la figure 36 donno le principe, il est beaucoup plussimple, quand il ne s'agit que d'expériences qualitatives, doplacer le corps à expérimenter sur le plateau do l'élcctroscopoqu'on charge ensuite (fig. 50).

Voici maintenant quelques exemples de réactions s'accompagnantde dissociation do la matière.

Dissociation de la matière par hydratation de certains sels.— Parmi les diverses réactions que j'ai indiquées autrefois commes'accompagnant do radio-activité de la matière se trouve l'hydrata-tion du sulfate de quinine. Ce corps, comme on le savait depuislongtemps, devient phosphorescent par l'action de la chaleur ; maisce qu'on ne savait pas du tout, c'est que, quand il a perdu saphosphorescence après avoir été chauffe suffisamment, il redevientvivement lumineux par lo refroidissement et en même tempsradio-actif. Après avoir recherché la cause de ces deux derniersphénomènes, j'ai reconnu qu'ils étaient dus à une hydratation trèslégère. La radio-activité ne se manifeste qu'aux débuts do l'hydra-tation et no dure que quelques minntes. La phosphorescence per-siste, au contraire, pendant un quart d'heure.

La propriété du sulfate de quinine de devenirphosphorescent parle refroidissement est tout à fait contraire à ce que l'on observo

30

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350 L ÉVOLUTION DR LA MATIKKK

pour les divers corps phosphorescents qui no donnent jamais dephosphorescence en so refroidissant.

Pour réaliser les expériences do phosphorescence par refroidis-sement et île radio-activité avec le sulfato de quinine on lechauffe à 12ô° sur une plaque métallique jusqu'à disparition entièrede toute phosphorescence, llctirédo la plaque où il a été chauffé.

10 sulfate do quinine redevientphosphorescent en se refroidissantet, placé do suite sur le plateau del'élcctroscopo, donne pendant troisou quatre minutes un abondantdégagement d'effluves qui produi-sent lo rapprochement des feuillesde l'instrument(12° pendant la pre-mière minute ,4° dans la deuxième).La dose employée dans nos expé-riences était d'environ 2 grammesde sulfate de quinine. L'arrêt do laphosphorescenco so produit bienavant la disparitionde la décharge.Les deux phénomènes sont'doncindépendants.

Il suffit, d'après les mesures qu'abien voulu effectuer pour moi.M. Duboin, professeur do chimieà la Faculté des sciences de Gre-noble, de l'absorption do moins de1 milligrammede vapeur d'eau pourrendre phosphorescentet radio-actif1 gramme de sulfate do quininedesséché.

L'opération précédente peut serépéter indéfiniment. Quand lesulfate de quinine est hydraté, iln'y a qu'à le chauffer do nouveau.11 devient phosphorescent par lachaleur, s'éJeint, puis brille donouveau par refroidissement ens'iiydratant et redevient radio-actif.

Puisque l'hydratation et la déshydratation sont les causes de laphosphorescence du sulfate do quinine, on peut, en l'hydratant oule déshydratant par un moyen autre que la chaleur, obtenir lamôme phosphorescence. Introduisons dans un flacon à large ouver-ture du sulfate do quinine avec un- peu d'acido phosphoriqueanhydre et fermons-le. L'acide phosphorique dépouillera aussitôtle sulfate de quinine de son eau. Il suffira alors d'ouvrir le

ne. ou.Étude de la dissociation tic .'a matière

far les rendions chimiques.— Les

corps susceptibles do produire dola dissociation de la matière parleurs réactions sont introduits dansle récipient placé sur le plateauîle l'élcctioscope qu'on chargo en-suite et dont on observe la décharge.Ce dispositif est beaucoup plus sim-qtie là méthode classique indiquéefig. 3G et denne d'aussi bons résul-tais.

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EXPÉRIENCES SUN LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 351

flacon et do souffler dans son intérieur, pour voir le sulfate doquinine devenir vivement phosphorescent. Si on rofermo ensuitelo flacon, le sel do quinine so déshydrate do nouveau et les mômesopérations peuvent être répétées un grand n'ombre do l'ois.

Lo sulfate do cinchonino donno les mêmes résultats que. lesulfate do quinine, mais les phénomènes, surtout ceux de phospho-rescence, sont moins intenses.

Dissociation de la matière pendant la formation de diversgaz. — Parmi les réactions très nombreuses produisant la disso-ciation de la matière, je citerai encore les suivantes :

Formation d'oxygène par décomposition do l'eau oxygénée aumoyen du bioxyde de manganèse. — Les produits sont mis dans lacapsule métallique sur lo plateau qu'on charge ensuite (fig. 50). Laréaction dure un peu plus d'une minute. L? porto de lcleçtroscopoest d'environ 9\

Formation d'hydrogène par décomposition de l'eau au moyen del'amalgame de sodium — On opère comme précédemment. Perte,9° par minute. La décharge est exactement la môme, que l'élcc-troscopo soit chargé positivement ou négativement. En décompo-sant l'eau au moyen de l'acide sulfuriquo et du zinc on obtient lesmômes résultats.

Formation d'acétylène par action de l'eau sur le carbure decalcium, — On opère toujours comme précédemment. Porte, 11°par minute.

Formation d'ozone. — L'air chargé d'ozone au moyen d'unegrande bobine et d'un ozonateur est dirigé avec une souf-flerie sur le plateau de l'électroscope. La perte est très faible,à peine 1° par minute, si l'instrument est chargé négativement,et de 4° s'il est chargé positivement.

11 serait fastidieux do multiplier ces exemples. On observe ladissociation de la matière dans beaucoup de réactions, et notam-ment les hydratations. Les oxydations, mémo les plus énergiques,(oxydation du sodium à l'air humide par exemple) ont généralementpeu ou pas d'action.

Pour terminer ce sujet je me bornerai à citer encore la disso-ciation de la matière pendant l'oxydation du phosphore.

Dissociation de la matière pendant l'oxydation du phos-phore. — Le phosphore est un des corps dont la radio-activité, est la plus intense. Pour la constater, on frotte le phos-phore avec une peau humide, placée ensuite sur l'électroscope : onobserve 80° de décharge par minute (déduite do la perte pendant20 secondes) et quel que soit le sens de la charge. La dose employéea été 1 centigramme de phosphore. Quand la peau est sèche, la

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352 L'ÛVOLUIION DK LA MATIIMB

décharge s'arrête presque entièrement. Le phosphore rongo etlo sesqnisulfure <1<! phosphore sont sans action,

Ii'ai-'iiù;: du phosphore lient à des causes mal déterminées encore,mai1 qui ne paraissent pas dues seulement à une oxydation ni àune hydratation. Kn desséchant très soigneusement lo phosphoroau moyen do l'appareil représenta Us. 51, la phosphorescence estextrêmement légère, alors qu'elle devient très vivo sous l'influenced'une liai i! de vapeur d'eau.

Les nomhri-ux mémoires puhliés depuis un siècle sur la ques-tion n'ont pas encore élucidé les causes de la phosphorescence du

phosphore. Plusieurs auteurs assurent que la phosphorescence somaintient dans un courant d'hydrogène pur soigneusementdépouillé de toute trace d'oyygcne, mais nous n'avons jamais rienobservé do pareil dans nos expériences. La présence do l'air a tou-jours paru indispensable.

Les expériences que nous avons exécutées avec le concours doM. Martin, ingénieur de la grande usine de phosphore de Lyon,ont donné les résultats suivants :

1° Dans le vide barométrique le phosphore n'est jamais phospho-rescent.

Fie. 51.Appareil de Guitare Le lion et Martin, employé pour déterminer le rôle de h

vapeur d'eau daim la phosphorescence,du phosphore.

Le* doux compartiments A et 11 étant garnis d'acide phosphoriquo anhydre,on introduit tu A du phosphore, puis on sépare A de R en serrant la vis V. Lephosphore absorbe,IV.xyfîëno île A, brille puis s'éteint. On desserre alors la vis V,cl l'air sec de U pénétre en A. Il y a aussitôt phnsphoreiicc très légère, localiséea la surface du morceau do phosphore. Si, alors, au moyen de l'entonnoir repré-senté sur 1a ligure, on laisse tomber une goiitie d'eau dans l'appareil, lo phos-phore devient beaucoup plus brillant fil il se forme autour do lui un imagolumineux. Li vapeur d'eau semble donc jouer un rôle manifeste dans la phos-phorescence.

,

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EXI'î:illi:.NOES SUIt LA IHSSfifHATIOX DK LA MATIIvlO; 353

2° Dans uno atmosphère d'acide carbonique soc ou saturé (Jovapeur d'eau, le phosphore un brille pas. Si ou introduit dans Joballon d'acido carbonique contenant le phosphore uno simple bulled'air, cotto bullo devient immédiatement phosphorescente.

'J° La phosphorescence dans l'air humide no s'accompagne pas<lo la production d'hydrogène phosphore.

hn H y a pondant la phosphorescence une production d'ozonerévélée par la coloration bleue d'un papier île tournesol ioduré.Pour mettre hors do doute sa présence, l'air est dépouillé de l'ozonequ'il pourrait contenir naturellement par son passage a travers deuxflacons, l'un qui renferme du mercure, l'autre du protochlorurod'étain. Ainsi dépouillé de son ozone naturel, comme on le constatepar l'absence de coloration du papier induré, l'air arrive sur duphosphore desséché a 200 degrés dans un courant d'acide carbo-nique. Lo papier ioduré bleuit fortement dès qu'il a Iravcrsé leballon contenant du phosphore. Ce dernier jouit donc do la pro-priété de transformer en ozone l'oxygono do l'air.

Dans un récent travail fait au laboratoire du professeur J. J. Thom-son, à Cambridge, et qui a été publié dans le l'hilosophical Maga-zine d'avril 1005 sous ce titre « Hadio-nctivily and Chemical change ».M. Norman Campbell a combattu mes conclusions sur la radio-activité par réactions chimiques. Il ne conteste pas la déchargeobservée à l'élcctroscope, mais il Paltribuo à l'action do la chaleurproduite par diverses réactions. Il se déclare d'aillouis incapabled'expliquer comment la chaleur peut produire la déperdition,électrique observée.

Jo n'ai jamais songé à contester l'influence de la chaleur dontj'ai expliqué les effets dans un précédent chapitre en montrantqu'elle agit en expulsant la provision do radio-activité que les corpscontiennent, mais il est bien évident qu'on no peut invoquer sonrôle dans les réactions chimiques qui no s'accompagnent d'aucuneélévation do température, telles quo l'hydratation du sulfate doquinine pendant son refroidissement, l'oxydation du phosphore,etc. Il y a au contraire des réactions accompagnées d'élévationdo température, telles quo l'oxydation du sodium, qui ne pro-duisent aucune radio-activité. L'influence do la chaleur et cellesdes réactions chimiques constituent deux facteurs dont l'actionest très distincte bien qu'ils puissent parfois se superposer.

U0.

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CHAPITRE VIII

Expériences sur les origines de la dissociation des corpsspontanément radio-actifs.

Les expériences qui vont suivre furent faites au début de la dè7couverte des corps radio-actifs pour prouver que leur dissociation,contrairement à l'opinion alors reçue, était sous la dépendance decertaines réactions chimiques de nature inconnue, mais se rap-prochant de celles qui produisent la phosphorescence.

Les phénomènesde radio-activité,c'est-à-dire l'émission d'effluves,obtenus avec l'uranium, le thorium et lo radium, sont très nota-blement modifiés par la chaleur et par l'humidité. La chaleurprolongée excite d'abord la radio-activité qui augmente beaucoup,mais ne peut plus être ramenée à son degré primitif qu'après unlong repos. Quant à l'hydratation,elle supprime la phosphorescence,et réduit la radio-activité.

Là réduction do l'action sur l'clectroscope par l'hydratationvarie beaucoup suivant les corps. Voici les chiffres obtenus avecdiverses substancesradio-actives, d'abord desséchée? à 200° puisbroyées avec leur poids d'eau.

DÉCHARGE

2 grammes de nitrate d'urane desséchéi . .

26° en 10 minutes.Même quantité de nitrate d'urane hydraté 7° en 10 —2 grammes d'oiyde rouge d'urane desséché 37° en 10 —Même quantité d'oxyde rouge d'urane hydraté 5° en 10 —2 grammes d'oxyde de thorium desséche 45° en 10 :—Même quantité d'oxyde de thorium hydraté

.17° en 10 —

2 grammes de bromure de radium de faible activité desséché 30° en 5 secondes.Même quantité de bromure de radium hydraté 10* ea 5 —

Je dois ajouter que si l'eau agit chimiquement, elle agit partiel-lement aussi, par absorption d'une partie des particules émises,c'est-à-dire comme un écran.

Mouillés ou simplement exposes à l'humidité, les corps radio-actifs perdent toute phosphorescence, co qui n'est pas du tout le

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EXPÉRIENCES SUR LES ORIGINES CHIMIQUES 355

cas des corps phosphorescents ordinaires, et on ne la leur rendqu'en les chauffant au rouge blanc.

La température joue également un rôle considérable dans laphosphorescence des corps radio-actifs. Il suffit do chauffer lessels de radium pour leur faire perdre momentanément leur phos-phorescence. La température à employer varie suivant les échan-tillons, qui sont de composition évidemment très variable. Pourcertains d'entre eux, il faut une température de 500°, et la phos-phorescence reparaît dès que le corps se refroidit. Pour d'autreséchantillons, une température de 225° suffit, et le corps ne reprendpas sa phosphorescence en se refroidissant, mais seulement au boutde quelques heures et parfois môme de quelques jours.

En dehors des considérations précédentes déduites de l'action dela chaleur et de l'humidité, l'expérience suivante semble bienindiquer l'existence de ces combinaisons chimiques nouvelles queJ'ai étudiées ailleurs, combinaisons dans lesquelles un des élémentsest en proportion infinitésimale par rapport à l'autre.

Après avoir déterminé la radio-activité de 30 grammes de chlo-rure do thorium, lesquels, étalés sur une' cuvo métallique carrée,de 10 centimètres do côté, posée sur l'électroscopo, donnent 9° dodécharge par minute, on les dissout dans l'eau, on y ajoutei gramme do chlorure de baryum, corps ne possédant aucune

"radio-activité et on.précipite le chlorure à l'état de sullate, parune petite quantité d'acide sulfuriquo. On recueille sur un filtreun produit dont le poids est de 7 décigrammes. Ces 7 décigrammesposés sur le plateau de l'électroscopo donnent 16° de décharge,alors que tout au plus on devrait obtenir 9°, puisque ce qu'on aextrait d'actif du chlorure de thorium, s'il ne s'agit pas d'uneréaction chimique, ne peut être supérieur à ce qui s'y trouvait.Le chlorure de thorium restant n'a perdu que la moitié de sonactivité.

Jo dois faire remarquer, cependant, que toutes les mesures doradio-activité des corps par l'électroscopo n'ont pas une valeurquantitative bien précise. Jo n'en tire des conclusions qu^vecréserve, depuis que j'ai constaté l'extrême influence du plus oumoins grand degré de division de la matièro sur laquelle on opère.J'ai dit plus haut que les 7 décigrammes do matière précipitéeavaient donné 16° do déchargo, mais le filtre employé, qui necontenait.presque plus rien, sinpn la matièro très fine restée surses bords, a donné 40° de déchargo par minute sur l'électroscopo.Il ne contenait cependant quo quelques milligrammes au plus dematière, mais étendue sur une grande surface.

On peut montrer plus simplement encore l'influence do la divi-sion do la matièro sur sa radio-activité par l'expôrienco suivante :1 gramme de chlorure de thorium pur est étalé en poudio sur leplateau de l'électroscopo et donne une décharge de 1° par minute.

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350 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

On dissout le mémo gramme dans 2 centimètres cubes d'eau dis-tillée, et on imbibe avec cette solution une feuille do papier àfiltrer carrée <lo 10 centimètres do côté, on la laisse sécher et onl'étend sur le plateau de l'élcctroscope. La décharge s'élève alorsà 7° par minute, soit 7 fois plus qu'avec le mémo produit enpoudre fine.

La môme feuille do papier étant repliée do façon à réduire sasurface, la déchargo tombe à 3°.

Les mômes phénomèness'observentavec l'uranium. Nous posonssur l'clcctroscopo un petit bloc d'uranium métallique pesant envi-ron 30 grammes. 11 donne 12° do déchargo en 10 minutes. Nousprenons le tiers du môme bloc, soit 10 grammes, que nous rédui-sons en poudre et que nous étalons sur une cuvo'métallique ayant10 centimètres de côté, posée sur le plateau do l'élcctroscope. Ladécharge s'élève à 28° environ en 10 minutes. Donc par le seulfait que nous avons augmenté la surl.ice du corps radio-actif, unoquantité trois fois moindre de la mémo substance donne uno dé-charge deux fois plus grande.

La déchargo que les corps radio-actifs produisent so réduitdonc avec la diminution do la surface dans de grandes proportions.

Cette réduction n'est pas cependant proportionnelle à la surface.Dès que la couche d'un corps radio-actif atteint uno certaine épais-seur, les quantités nouvc'ies qu'on ajoute, et qui ne font qu'aug-menter celte épaisseur, sont sans action. Les choses se passentcomme si ces corps étaient capables d'absorber les radiationsqu'ilsémettent.

50 ou 25 grammes de thorium étalés dans uno cuvo do mémodimension (12xl7cm) de surface do façon à la couvrir entièrement,donnent exactement la mémo décharge (11° par minute). Si onmet les mômes quantités (50 grammes ou 2ô grammes) dans unocuve plus petite, la décharge ne sera que do 7° par minute.

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CHAPITRE IX

Expériences sur l'ionisation des gaz.

C'est dans les gaz qu'a été observée d'abord la dissociation descorps simples et cela à une époque où on no songeait guère àparler do dissociation des atomes. Le phénomène était alors décritsous le nom d'ionisation. Ce terme doit en réalité être considérécomme absolument synonyme do celui de dissociation de lamatière, ainsi que je l'ai dit déjà.

Les produits de la dissociation des atomes des gaz sont de mémonature que ceux obtenus par la dissociation dos autres corps, telsque les métaux. Le rapport do leur charge électrique à leurmasse est toujours le même. Leurs propriétés varient seulementcomme il a été explique aillcuis suivant que l'ionisation se fait àla pression ordinaire ou dans un gaz très raréfié, tel que celui del'ampoule de Crookes.

Ioniser 'un gaz ou, en d'autres termes le dissocier, consiste àretirer de ses atomes, ces éléments connus sous le nom d'ions,portant les uns, uno charge électrîquo positive, les autres unecharge négative.

Ces ions de signes contraires sont toujours en quantité équiva-lente, co qui fait, comme l'a observé J. J. Thomson, que la massed'un gaz ionisé prise dans son ensemble, ne révèle aucune chargeélectrique. Cette constatation est d'ailleurs conforme à tout ce quenous savons depuis longtemps sur l'électricité. Il est impossible deproduire une charge électrique, do signe quelconque, sans créereu même temps uno charge exactement égale do signe contraire.Quand on décompose, par exemple, le fluide électrique par le frotte-ment, le corps frottant contient uno quantité d'clccHcité rigoureu-sement égale à ce'lc du corps frotté, mais do nom contraire

Donc, un gaz ionisé, pris dans son ensemble, ne révèle aucunecharge électrique, mais si on le dirige entre deux plaques métal-liques parallèles, chargées l'une d'électricité positive, l'autre d'élec-tricité négative, les ions de noms contraires sont attirés par cha-

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Fie. 02. -- -

Eipériencessur les propriétés dts g.iz dissociés par les jlammes.

Les ions produits dans cetie forme de la dissociation ce la matière se neutralisent avec une extrême lenteur puisqu'ils peuventtraverser un long serpentin métallique et décharger l'ëlec'roscope à sa sortie.

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EXPÉRIENCES SUR L'iONISATION DES GAZ 359

cuno des deux plaques, et on constate, an moyen d'un électromfctre,la neutralisation d'une partio de 'la charge des plaques.

Que deviennent les ions positifs et négatifs formes dans unemasse gazeuse? Un gaz ionisé garde sa conductibilité pendantquelque temps, mais il no la gardo pas toujours, et on finit par noplus pouvoir y constater de charge électriauo. On en conclut ouoles ions positifs et négatifsso sont recombinés.

La vitesse do recombi-naison des ions varie tout àfait suivant les corps d'oùils émanent.

Kilo paraît proportion-nelle au nombre des ionsprésents, et c'est pourquoi,pour les gaz ionises par lescorps très actifs, tels quele radium, ello est fort ra-pide. La recombinaison desions est rendue bien plus

,

lapide par la présence doparticules solides commeon le constate 0:1 insuf-flant do la fumée dotabac entre deux plaquesmétalliqueschargées d'élec-tricité, traversée par un gazionisé.

On admet généralementaujourd'hui que tous lesions, quelle que soit leurorigine, sont semblables etcette opinion est surtoutfondée sur l'identité de leurcharge électrique. Mes ex-périences m'ont conduit àadmettre au contraire queles divers ions doivent pré-senter entre eux de notables différences. J'ai observé, en effeque la rapidité do leur recombinaison ou plutôt do lçur dispa-rition — pour ne rien préjuger — varie beaucoup suivant leur originc. Voici par exemple trois cas où, d'après mes recherches, lesions so conduisent très différemment :

1° Ions produits par ta combustion. — Ils peuvent traverser untubo métallique refroidi de 2 mètres de longueur comme h prouval'action qu'ils exercent sur un électroscopc placé à l'extrémité do ce

Fie. ô:i.Recombinaison des ions obtenus dans la dis-

sociation de ta matière par les réactionschimiques. — A, flacon contenant de l'eauet de l'amalgame de sodium. C H, tubeconduisant le gaz ionisé devant l'élcctros-copo chargé D. Le» Ions engendrés danscette forme de la dissociation de la matièrese neutralisant très vite, il suffit de donnerune certaine longueur au tube C U pourque la décharge de l'électroscopc deviennprosque nulle contrairement à ce qui s'ob-serve dans l'expérience représentôeflg.52.C'est pour celle raison qu'il est préférabled'employer le dispositif, représenté flg. 50,pour étudier la dissociation de la matièrepar réactions chimiques.

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360 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈDE

tube (fig. 52), mais uno couche d'eau de faible épaisseur lesarrête;

2° Ions produits par certaines réactions chimiques. — Je men-tionnerai seulement parmi ces réactions la formation do l'hydro-gène par l'action do l'amalgamo de sodium sur l'eau. Les ionsobtenus disparaissent presque entièrement après avoir traverséquelques centimètres de tube (fig. 53) ;

3° Ions produits par l'oxydation du phosphore. — En faisantbarboter à travers un flacon contenant de l'eau, de l'air ayant tra-versé un ballon renfermant des fragments de phosphore très divisé,on constate par l'action de l'air sur l'élcctroscopeque tous lésionsn'ont pas été retenus par l'eau, comme cela s'observe avec ceuxobtenus dans les opérations précédentes.

On voit par les trois exemples que jo viens d'indiquer que lesions peuvent présenter entre eux de réelles différences malgréleurs incontestables analogies.

La quantité de molécules gazeuses pouvant ttre ionisées dansune masse de gaz donnéeostrclativcment tics faible, quelque éner-gique que puisse être le procédé d'ionisation employé. S'il en étaitautrement, on arriverait facilementà extraire des atonies une quan-tité colossale d'énergie. Iluthcrford évalue aune par 100 millions,le nombre de molécules dissociées ou plutôt ayant subi un commen-cement, de dissociation dans un gaz. On arrive à ce chiffre pardiverses méthodes, notamment en déterminant le nombrede gouttesd'eau résultant do la condensation de la vapeur d'eau produite parla présence des ions. 13icn que cette quantité paraisse minime, lochiftro des ions est encore très considérable en raison du nombre

o particules que contient un gaz, c; qu'on évalue à 30 millionsde milliards par millimètre cube. Un millimètre cube d'un gazpourrait donc contenir 3G0 millions do partie des ayant subi unrciiimcHcemcnt de dissociation.

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CHAPITRE X

Expériences sur la dissociation spontanée de la matièreet sur l'existence dans tous les corps d'une émanationanalogue à celle des substances radioactives.

L'enchaînement de nos expériences nous a conduit a découvrirl'oxistcnce dans tous les corps d'une, émanation analogue à celledes substances radio-actives, ce qui démontre que tous les corpsse dissocientspontanément. Voici comment nous avons été conduità cette démonstration.

Dans le but d'étudier la transparence des métaux pour les parti-cules de matière dissociée, soit par la lumière soit par la combus-tion, j'avais employé l'électroscopo condensateur décrit précé-demment, c'est-à-dire un élcctroscopc entouré d'une cage deFaraday et constaté une décharge i .poftanto sous l'influenced'une chaleur assez faible pour n'élever la température de se*parois que d'une trentaine de degrés.

La premier»? explication était évidemment que le cylindre métal-lique était transparent pour les radiations. Voici les expériencesqui m'ont montré que la cause principale du phénomène n'étaitpas duo à do la transr.ircnce, mais à une émanation- du mdtalidentique à celle qu'on observe dans les corps radio-actifs, tels quele thorium, l'uranium, etc., et que très postérieurement à mesrecherches (publiées dans la Revue Scientifique du 22 novembro1902, page G50) J. J. Thomson a signalée dans tous les corps.

Méprenons l'appareil représenté fig. 49. 11 nous permettra deconstater les faits suivants:

Si la décharge so fait en exposant l'instrument au soleil elle n'estnotable que si la température du soleil est assez éleveo pouréchauffer le métal.

Avec la lumière ultra-violette des étincelles électriques, bien plusactive que la lumière solaire, mais qui n'échauffe pat le métal, ladécharge est presque nulle.

31

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362 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

En disposant l'appareil comme il est indique flg. 49 pourétudier l'action do la chaleur, on constate qu'après avoir répété5 ou 0 fois l'expérience, le métal qui donnait une décharge d'unedizaine de degrés par minute, en donne bientôt très peu, puis pasdu tout, et no reprend ses propriétés qu'au bout de quelques jouis.

Si, quand un cylindre est très actif sous l'influence do la chaleurdes gaï do la flamme, on retire la lanterne, la décharge continuependant deux ou trois minutes, comme si l'intérieur du cylindrecontenait quelque chose pouvant neutraliser une certaine quantitéde l'électricité dont est charge l'élcctioscopc.

L'action produite par la chaleur peut être facilement séparée docelle duo à la transparence du métal pour des particules domatière dissociée. L'action des gaz ionisés et celle de la chaleursont deux effets indépendants qui so superposent, mais qu'il estpossible de séparer. Une légère élévation de température produitune assez forte décharge. Les gaz refroidis par leur passage à tra-vers un long serpentin ne produisent au contraire qu'une trèslégère décharge. Le métal, dans ce dernier cas, se conduit commes'il était transparent. Les parois do la cage do Faraday, employéodans ectto dernièro cxpcricnco, n'avaient que 0wm,2 d'épaisseur.

On peut, même sans action do la chaleur, constater dans les corpsordinaires uno émanation constante de Tialièic dissociée, mais enquantité extrêmement fdible. Pour la voir apparaître, il est néces-saire de l'obliger à s'accumuler dans un petit espace, il suffit doreplier un métal sur lui-même do façon à le transformeren un petitcylindre identique a celui qui entoure la boule do l'électroscopocondensateur représenté précédemment. On le bouche à sa partieinférieure, on l'abandonne huit jours dans l'obscurité et — toujourssans sortir do l'obscurité, afin d'éviter toute influence possible de lalumière — on le met sur lo disquo isolant do l'élcctioscopc pourétudier sa radio-activité. Un constate alors, après avoir chargétout le système exactement comme nous l'avons expliqué, quel'on obtient uno décharge do \ a 2° par minute. Le métal perdantrapidement co qu'il a accumulé, il n'y a bientôt plus de décharge,beaucoup d'autres corps que les métaux, un cylindre de buisnotamment, produisent lo mémo effet.

Le métal qui a cessé d'agir sur l'électroscopo n'a pas pourcela épuisé toute sa provision de radio-activité. H a simplementperdu co qu'il peut émettre à la température à laquelle on opère.Mais de mémo que pour les corps phosphorescents ou les matièresradio-actives, il n'y a qu'il le chauffer un peu pour arriver à luifaire produire encore une émission plus considérabled'effluvesactifs,il suffit pour cela d'opérerexactement comme il est indiqué figure 49,mais afin d'éviter certaines objections on remplace la lanterne con-tenant uno bougie par une petite masse do métal chauffée à 400",c'est-à-dire au-dessous du rouge, et disposée à 3 centimètres do la

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EXPÉRIENCES SUR LA DISSOCIATION SPONTANÉE 363

cago de Faraday. Bien quo les parois de cette dernière nes'échauffent par rayonnement qu'à 35° environ, cela suffit pourdonner uno déchargo do 5 à 6° par minute, qui dure deux ou troisminutes et s'arrête quand lo métal a épuisé toute sa provision doradio-activité. Il no pourra Ja reprendro ensuito quo par lo repos.

On voit quo dans toutes les expériences précédentes les chososse passent do la mémo façon que si lo métal contenait une provi-sion limitée do quelquo choso — agissant exactement commel'émanation des matières radio-aclives — qu'il émettrait rapide-ment par la chaleur mais no récupérerait ensuito quo par Jo repos.

Cetto théorie du dégagement sous l'influenco do la c: ileur, d'ef-fluves do particules do matièro dissociée, dont les éléments soreforment lentement par lo repos, a l'avantage do rapprocher tousles corps des substances dites radio-actives commo lo thoriumet le radium, qui semblaient constituer do bizarres exceptions. Laseule différence est quo l'émanation do ces derniers so reconstitue-rait à mesure que se fait la perte. Dans les métaux ordinaires, aucontraire, la perte no so répare quo très lentement, d'où la néces-sité do laisser le métal so reposer pendant quelque temps.

Ces expériences prouvent en tout cas nettement lo phénomène dela dissociation spontanée do la matière. Je répète que J. J. Thomsonest arrivé plus tard à la mémo conclusion par une méthode diffé-rente.

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CHAPITRE X\

Expériences sur l'absence de radio-activité des corpssimplement très divisés.

La division do la matière, si loin qu'on puisse la pousser, noproduit aucun des effets de sa dissociation. La clioso semble évi-dente à priori, mais il n'était pas inutile do la vérifier par l'expé-rience.

L'état «le division le plus grand sous lequel nous connaissions lamatière semble être celui dans lequel les corps émettent desodeurs. Le sens de l'odorat est alors bien plus sensible que labalance du chimiste, puisque do petites quantités de substancesodorantes peuvent parfumer pendant longtemps plusieurs mètrescubes d'air sans perdre sensiblement de leur poids.

Si divisées que soient ces particules, elles n'ont aucune despropriétés do la matière a l'état do dissociation, et, par consé-quent, ne rendent pas l'air conducteur de l'électricité. J'ai expé-rimenté sur les corps les plus odorants que j'aie trouvés, l'iodo-forme, la vanillino et le musc artificiel, notamment. 11 n'y a qu'Ales introduire dans une cuve métallique placée sur le plateau del'électroscopc. On charge ensuite ce dernier d'abord positivement,puis négativement. On constato que dans les deux cas la déchargeest nullu.

Les particules que ces corps dégagent représentent donc un étatde simple division et nullement de dissociation do la matière. Dela matière ordinaire, si divisée qu'on la suppose, ne saurait èlroconfondue avec do la matière dont les atomes sont dissociés. Lavaporisation ou la pulvérisation, qui ne touchent pas à l'atome, nesauraient produire les mêmes effets que sa dissociation.

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CHAPITRE XII

Expériences sur la variabilité de3 espèces chimiques

Les corps simples sur lesquels ont porté nos expériences, sontle mercure, lo magnésium et l'aluminium, cléments qui, à l'étatnormal, ne peuvent former entre eux aucune combinaison. Enles soumettant à certaines conditions do choc ou do preision,nous les forcerons a former des mélanges dans lesquels un deséléments sera en proportion infiniment faible par rapport, à l'autre.Cela suffira pour que ces métaux acquièrent des propriétés chi-miques entièrement nouvelles.

Voici, du reste, lo tableau des propriétés principales de ces corpsa l'état ordinaire, et des mômes corps transformés :

rnotniÉTf.s CLASSIQUE» mopRirTÉs !«OUVELLÏÏ[>f.3 Hf.iwx A L'ÉTAT runnr.L DES U£MES-M£TAIX TiussronMf.s

Nci-curc.—Ne décomposepas / Mercurecontenantdes traces del'eau a froid et ne s'oxyde pas à V magnésium. — Décompose l'eaul'air. \ à froid et se transforme instanta-

I nément à l'air en poudre noiro\ volumineuse.

Magnésium. — No décompose \ Magnésium transformé. — Dé-pas l'eau à froid et ne s'oxydo j compose l'eau à froid, mais nopas à l'air. ' s'oxyde pas à sec.I Aluminium transformé. —

S'oxydo jnstantanémentisec etse couvre do houppes Manchesépaisses d'alumine. Déeomposo

. H I 'XI-vivement 1 eau jusqti a dispan-tion complète «lu métal en sotransformant en alumine. Kstattaque violemment par lesacides nitrique, sulfurique etacétique. Possède une force élec-tro-motrice double de celle del'aluminium ordinaire.

Examinons maintenant en détail les transformations que nouavenons d'indiquer sommairement.

31.

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366 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Voici d'abord la façon d'opérer pour obtenir ces transformations:

Transformation des propriétés du mercure. — Si on posoun fragment de magnésium'sur un bain de mercure, le contact desdeux métaux pourra ctro maintenu aussi long-temps qu'on voudra sans qu'ils so combinent.Si on les secoue fortement dans un flacon, lemagnésium n'est pas davantage attaqué. A l'étatordinaire, ces deux métaux refusent donc do secombiner, mais il va suffire de modifier très légè-rement les conditions physiques ou ils se trouventhabituellement pour qu'ils puissent s'associer entrès faible proportion.

Pour obliger le mercure à dissoudre une petitequantité de magnésium, il suffit de faire interve-nir nno.iégèro pression. Cette pression constitueune de coseaiises en rapport avec l'effet a produire,un de ces réactifs» appropriés dont j'ai signaléà plusieurs reprises l'importance- dans cet ouvrage.

Cette pression peut ctro légère, mais il fautqu'elle soit continue. Pour l'obtenir, nous n'avonsqu'à remplir un tube do mercure et le fermer avec

un bouchon traversé par unelame de magnésium soigneu-sement nettoyée avec du pa-pier a l'cmeri (fig. 5i). Enobturant ensuite le tube aveclo bouchon, le magnésiumreste plongé dans le mer-cure sans pouvoir venir flot-ter à sa surface. Soumis à cette faible pres-sion, il est légèrement attaqué dans untemps qui peut varier do quelques minutesà quelques heures, suivant la qualité dumétal et la perfection du nettoyage. Les pro-priétés du inercuro sont alors profondémentmodifiées.

11 jouit do la propriété, aussi curieusequ'imprévue, de paraltro, s'oxyder rapide-ment dans l'air sec et il décompose vive-ment l'eau dès qu'on le plonge dans celiquido (fig. 55).

Pour constater l'oxvdation annaientc à secdu mercure, il n'y a qu'à le verser dans un verre quelconque bienessuyé. Sa surface so recouvre instantanément d'une poudrenoire qui so reforme à mesure qu'on l'enlèvo. Si on ne l'cnlèvo

Fie. 55.

Décomposition de l'eoitpar du mercure con-tenant une trace demagnésium, (l'holo-graphie instantanée.)

Fie. 5i.Dispositifem-ployé pour obte-nir ta transfor-mation despropriétés dumercure en lecombinant sousl'influence d'unelégère- pressionarec des tracesde magnésium.

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EXPÉRIENCES DE VARIABILITÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 367

pas, la coucho d'osydo.atteint bientôt un centimètre d'épaisseur.Cette oxydation permanente dure plus d'une heure.

L'oxydation du mercure n'est d'aillcur3 qu'apparente. Ce n'estpas en réalité le mercure qui s'oxyde mais les traces do magné-sium qu'il contient. En s'oxydant le magnésium transforme lemercuro en une poudre noire impalpablo qui occupe un volumeconsidérable

Pour constater la décomposition de l'eau par le mercuro, on leverse dans un verre plein de ce liquide, dès qu'il a cessé d'êtreen contact avec le magnésium. La décomposition do l'eau estimmédiate. Elle se ralentit au bout d'un quart d'heure, mais durependant plus d'une heure.

Le mercure modifié perd rapidement à l'air ses propriétés, maison peut le conserver indéfiniment avec ses propriétés nouvelles enle recouvrant simplement d'une légère couche d'huile do vaseline.

Transformation des propriétés du magnésium.—- Si dans

l'expérience précédente, au lieu de mettre un mince fragment domagnésium dans le mercure sous pression,on y introduit une lame d'une certaine épais-seur, 1 millimètre par exemple, on constateen retirant cette lame au bout de deux outrois heures et la plongeant dans de l'eau,que le liquide est vivement décomposé(lig. 5Gï. L'hydrogène do l'eau se dégage,l'oxygène se combine avec lo métal pour for-mer do la magnésie. L'opération so continuependant environ une heure, et, comme pourle mercure, finit par s'arrêter. Si, après avoirplongé le magnésium dans l'eau, on lo retire,sa température s'élévo considérablement etil s'oxyde à l'air.

Cette oxydation du magnésium à l'air, est '

— contrairement à ce que nous avons vu pourlo mercure, et contrairement à ce que nousverrons pour l'aluminium — fort légère etno se manifeste que si le métal est mouillé.Retiré du mercure et essuyé do suite avecun linge soc, il ne s'oxyde pas, mais garde

indéfiniment la propriété de décomposer l'eau si on le conservedans un endroit bien sec.

Dans les expériences qui précèdent, nous avons opéré sansl'intervention d'aucun réactif, simplement eu mettant en présencedeux métaux qui ne se mélangent pas à l'état ordinaire, mais quenous avons forcés à pénétrer l'un dans l'autre en faisant agir unelégère pression. LV;.-ération demande plusieurs heures. Ello

FJG. 5G.Décomposition de l'eau

par du magnésiumcontenant des tracesde mercure. (l'Iio-logniphie Instan-tanée.)

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368 L'ÉVOLUTION DE LÀ MATIÈRE

n'exige que quelques secondes si nous faisons intervenir un réactifqui, par le fait seul qu'il attaque le magnésium, diminue sa résis-tance à l'action du mercure.. '

Dans un large flacon, introduisons quelques centimètres cubes demercure, une lame de magnésium, de l'eau contenant 1 °/o d'acidechlorhydrique, et secouons fortement le flacon pendant 10 secondes.Retirons alors le magnésium, lavons-le rapidement pour le débar-rasser do toute trace d'acide chlorhydrique, essuyons-le et jetons-ledans une éprouvette pleine d'eau. Il décomposera de suite celiquide. Retiré du flacon et versé dans un verre plein d'eau, lemercure la décomposera également.

Transformation des nronriétés de l'aluminium.— Les ex Dé-

nonces avec l'alumi-nium sont bien plusfrappantes que cellesfaites avec le magné-sium.

Faire naître immé-diatement sur la sur-face d'un miroir polid'aluminium une vé-gétation de gerbesépaisses, blanchescommela neige,cons-titue une des pluscurieuses expérien-ces de la chimie, unede celles qui ont leplus frappé les sa-vants auxquels je l'aimontrée. Sa réalisa-tion est fort simple.

On peut, commepour le magnésium,faire agir le mercurosous pression, maisl'action du choc estbien plus rapide.

Il suffit d'intro-luire dans un flaconcontenant quelquescentimètres cubes domercuro des lamesd'aluminium nolioa

au rouge d'Angleterre ou simplement nettoyées à lémeri et secouer

Fie. 57 à GO.

Formation de gerbes d'alumine sur des lames d'alu-

.

minium recouvertes de traces invisiblesde mercure,(l'hotograjhic instantanée.)

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EXPÉRIENCES DE VARIABILITÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 369

très" fortement le flacon pendant douxminutes *. Si Ton retire ensuiteune des lames, qu'on l'essuie soigneusement et qu'on la pose ver-ticalement sur un support, on la voit se couvrir presque instanta-nément de gerbes blanches d'alumine, qui en quelques minutesfinissent par atteindre 1 centimètre de hauteur (fig. 57 à 60).Au début de l'expérience, la température do la lame s'élève jus-qu'à 102°.

L'oxydation qui précède ne se manifeste pas si l'aluminium est.introduit dans de 1 air ou de 1 oxygène complè-tement desséchés. La présence d'une petite quan-,titc de vapeur d'eau est donc indispensable pour.la production du phénomène. L'alumine qui seforme est d'ailleurs toujours hydratée.

Si, au Heu de poser l'aluminium sur un sup-port, on le jette dans un vase plein d'eau immé-diatement après l'avoir retiré du mercure, il dé-compose énergiquement ce liquide et se transformeen alumine. L'opération ne s'arrête que quandl'aluminium est entièrenient détruit, destructioncomplète qui ne s'observe jamais avec le magné-sium. Une lame d'aluminium de 1 millimètred'épaisseur, de 1 centimètre de largeur et do

.10 centimètres de longueur est entièrementdétruite par oxydation en moins de 48 heures.

Comme pour le mercure transformé, il est facilede conserver indéfiniment à l'aluminium modifiétoutes ses propriétés en le plongeant simplementdans un flacon d'huile do vaseline.

On peut se rendre compto de la faible quantité,de mercure nécessaire pour transformeraussi pro-fondément les propriétésde l'aluminium, en intro-

1

duisant dans une éprouvette pleine d'eau distilléeet contenant une petite quantité de mercure unelame d'aluminium nettoyée à l'émeri et main-tenue par le bouchon de façon qu'elle ne puissetoucher le mercure que par son extrémité infé-rieure (fig. 61). Au bout de quelques heures, l'eaucommence à se décomposer, et la décomposition,,alors même qu'on retire le mercure, se poursuit

ne. 01.Dispositi/ de l'ex-périence per-mettant de don-ner à une lamed'aluminium,ayant louché,parsa pointe, dumercure, la pro-priétéde décom-poser l'eau et dej e transformerentièrement enalumine, alorsmême qu'on en-tête le mercurequand la décom-position de l'eauest commencée.

\. Tous les chiffres que je donne dans ce travail devront élre suivis très exac-tement par les personnes qui voudront répéter rae3 eipériencss. Les chocs répétésproduits par de» secousses tendent à engendrer des combinaisons qui ne semanifestent pas autrement. C'est en imprimant environ 3,000 secousses à unflacon, contenant de l'éthylène et de l'acide sulluriquc que M. Berlhetot a obtenu,comme on le sait, la synthèse de l'alcool.

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370 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

Jusqu'à co que la lame soit détruite dans une longueur do 5 à6 centimètres au-dessus du point où elle touchait le mercure.

Dans cette expériencel'action du mercure s'est donc étendue bienau delà do la partie qu'il a touchée. On peut dés lors supposerque le mercure a envahi la lame d'aluminium, par un phéno-mène éloctro capillaire. L'expérience suivanto est à l'abri de ecttoobjection et montre mieux encore la faible quantité do mercurenécessaire pour transformer les propriétés de l'aluminium.

Dans un flacon sec, et très propre, on introduit uno petite quantitédo mercure distillé pur, on secoue co flacon pendant yno minuteet on retire le mercure de façon qu'il n'en rosto aucune tracevisible sur ses parois qui ont d'ailleurs conservé touto leur net-teté, si lo métal employé était bien pur. Le flaon a cependant retenudes traces do métal suffisantes pour transformer les propriétés dol'aluminium. 11 suffit do le laver avec de l'eau aiguisée de 1/5d'acide chlorhydriquc, d'y mettro une lame d'aluminium, et desecouer le flacon pendant 30 secondes, pour quo la lame qu'on enrctiro jouisse des propriétés d'oxydation signalées, bien qu'il soitimpossible do percevoir à sa surface aucune traco d'amalgama-tion 1.

On peut traduire par dos chiffres la dose de mercure nécesssairepour produire la transformation de l'aluminium. Si, dans un flaconcontenant de l'eau acidulé par 1/5 d'acide chlorhydriquc, on intro-duit uno trace de bichloruro do mercure assez faible pour quo leliquide n'en contienne que 1/12000 do son poids, pms qu'on ymette uno lame d'aluminiuinm et qu'on secoue lo flacon pendant2 minutes, l'aluminium a acquis toutes les propriétés que nousavons signalées, bien quo, comme dans l'expérience précédente, ilpe présente à l'oeil aucun traco d'amalgamation.

La forco électro-motrice do l'aluminium modifié est plus dudouble de celle do l'aluminium ordinaire. Avec un couple forméde plaline, d'eau pure et d'aluminium ordinaire la forco électro-moirico quo nous avons trouvée a été do 0',75. En remplaçantdans le même couplo l'aluminium ordinaire par de l'aluminiummodifié, la force électro-motrice s'est élovéoà lv,65.

L'hydrogène qui so dégago pendant la décomposition do l'eaupar l'aluminium modifié rend l'air conducteur de l'électricité, comme

1. Les conditions dans lesquelles l'aluminium peut se combiner au mercure,s.ins intervention d'aucun réactif, pouvant so rencontrer dans les laboratoires,j'ai d'abord supposd que quelques-uns des faits quo j'avais constates devaientrttre connus depuis longtemps. Après avoir inutilement consulté les ouvragesde chimie les plus autorises sans y trouver autre chose que ce qui concernel'amalgamation de l'aluminium en présence des bases, je me suis adressé à deschimistes éminenls cl notamment à M. Ililte. professeur de chimie à la Sorbonneet auteur du travail le plus complet et le plus récent sur les propriétés de l'alu-minium. Tous me répondiient qu'aucun des faits que je signalais aussi bien pourI aluminium que pour le mercure et le magnésium n'avaient été publiés.

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EXPÉRIENCES DE VA1UAB1L1TÉ DES ESPÈCES CHIMIQUES 37i

on le constate en mettant en relation avec un électrdscope une cuvemétallique contenant de l'eau et des fragments d'aluminium trans-forme. La décharge de l'électroscope est à peu près la même, quesa charge soit positive ou négative.

En dehors des propriétés nouvelles do s'oxyder à froid et dodécomposer l'eau, que présente l'aluminium, il a encore acquis lapropriété d'être attaqué par les acides acétique, sulfui-iquc etnitrique qui sont habituellementsans aucune action sur lui.

Pour observer ces propriétés nouvelles, il faut prendre les pré-,cautions suivantes. Pour l'acide acétique, il n'y qu'à employerl'acide acétique pur et cristallisable. Pour l'acide nitrique, il faut

•plonger le métal retiré du flacon de mercure dans de l'acidenitriquo du commerce. Au bout de quelques secondes, le métalest attaqué très violemment avec élévation considérable de tempé-rature et dégagement d'épaisses vapeurs rutilantes. On rend laréaction moins dangereuse en étendant l'acide nitrique de moitiédo son poids d'eau.

Si, au lieu d'acide nitrique du commerce, on employait de l'acidonitrique pur à 40°, l'aluminium ne serait pas attaqué.

La différence d'action entre l'acide nitriquo pur et l'acide nitriqueimpur n'est pas un exemple» isolé. On connaît depuis longtemps ladifférence d'action qu'exerce sur le plomb l'eau pure et l'eau ordi-naire. L'eau pure l'attaque, alors que l'eau ordinaire no l'attaquepas. Il suffit do verser do l'eau distillée sur de la limaille do plombrécemment préparéo pour que le liquide se trouble, en quelquesminutes par formation d'oxyde de plomb. Si, au lieu d'eau distillée,on se sert d'eau ordinaire, le liquide reste tout à fait limpide.L'eau ordinairo modifie la surface du métal et y dépose des car-bonates et des sulfates insolubles.

L'acido sulfuriquo n'attaquo pas l'aluminium ordinaire, d'aprèsce qui s'enseigne dans les livres de chimie; mais il attaque éne lo-giquement l'aluminium modifié. L'acido sulfuriquo pur est à peuprès sans action. 11 faut se servir d'acide sulfuriquo étendu do2 volumes d'eau. Lorsque l'attaque a commencé, on peut ajouterassez d'eau pour que l'acide sulfuriquo no soit plus qu'au 1/100. Laréaction se continue presque aussi vive. L'acide sulfuriquo au1/100, qui a une action presque nulle sur do l'aluminium nonattaqué déjà par de l'acide concentré, a donc au contraire uneaction très grande dès que la réaction est commencée. 11 peut parconséquent la continuer, mais non la provoquer.

Le fait que l'acide sulfuriquo pur ou étendu n'attaquo pas l'alu-minium ordinaire est enseigné dans les ouvrages de chimie, mais iln'est pas tout à fait exact. L'acide sulfuriquo pur est en effet sansaction, mais étendu de moitié d'eau, il attaque l'aluminium instan-tanément, quoique moins énergiquement que quand il s'agit d'alu-minium modifié. La constatation d'un fait aussi simple no pouvant

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372 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

prêter à aucune équivoquo, il faut bien admettre que la divergenceentre ce qui est écrit dans les livres et ce que l'observation permetdo constater tient sans doute à ce que les premiers chimistes quiont étudié l'action de l'acide sulfurique sur l'aluminium ont faitusage d'un métal contenant des corps étrangers, dont la fabricationactuelle a su lo débarrasser. Los-corps étrangers ajoutés à l'alumi-nium modifient beaucoup ses propriétés. J'ai trouve des échantillonsd'aluminium impur avec lesquels aucune des expériences précé-demment indiquées no pouvaient réussir.

Dans son remarquable mémoire sur les propriétés de l'alumi-nium; M. Ditto avait déjà montré quo ce métal pouvait être attaquépar les acides, mais seulement en employant divers artifices. Pourque l'acide sulfurique faible agisse, il faut lui ajouter un peu dochlorure de platine : si on emploie l'acide azotique, il faut faire levide au-dessus du métal plongé dans l'acide. L'attaque est d'ail-leurs très lente et nullement violente, comme dans le cas dol'aluminium modifié. M. Ditte a conclu do ses nombreuses expé-riences que l'aluminium est un métal très facilement attaquablodans une foulo de conditions dont plusieurs sont encore indéter-minées. Le fait scmblo indiscutable. On a dû renoncer complète-ment à l'aluminium dans la Marine et, i moins qu'on no trouve àl'associer avec un métal qui modifie ses propriétés, on ne sauraitsonger, comme on l'a proposé, à l'employer pour les constructionsmétalliques.

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CHAPITRE XIII

Expériences sur le passage à travers des obstacles maté*riels des éléments provenant de la dématérialisationde la matière.

,

J'ai déjà donné dans le texte de cet ouvrage des photographiesqui montrent combien sont variés les équilibres que l'on peutimposer aux particules de matière dissociée en utilisant leursattractions et répulsions. 11 serait inutile d'y revenir maintenant.J'ai également reproduit des photographies montrant qu'en aug-mentant la vitesse de projection do ces particules, par l'élévationde la tension électrique do l'appareil qui les engendre, on peutles obliger à traverser visiblement des obstacles matériels. L'expé-rience étant très importante, J'y reviens encore pour bien enindiquer la technique dont je n'ai pas parlé précédemment.

L'appareil employé et représenté fig. 62 est très simple, mais leréglage du grand solénoide destiné a élever considérablement la ten-sion électrique est assez délicat. Il faut chercher expérimentalementla position à donner à un des fils partant du petit solénoide pourobtenir lo maximum d'effet, c'est-à-dire uno longue gerbe d'cftïuvesautour do la boule terminant lo solénoide. La bobine employée doitdonner au moins 30 centimètres d'étincelle pour que les effetsobservés soient très nets. Quand l'appareil est bien réglé on voitsortir de la boule uno gerbe d'eflluves ayant exactement l'aspect desrayons pointillés reproduits sur le dessin. Ces effluves Jouissentde la propriété surprenante do traverser sans être déviés de leurroute des lames minces do corps divers : ébonitc, verre, etc.,interposés sur leur trajet. L'effet no se produit plus si l'épaisseurde ces lames dépasse î/2 millimétré.

L'expérience est très frappante. On peut à l'oeil nu suivre lotrajet do ces rayons, ce qui ne serait pas le cas s'il s'agissait d'uneémission secondairo ou d'un phénomène de condensation.

Je no connais aucuno autre expérienco où l'on puisse constaterlo passage visible do particules à travers un obstacle matériel., Jen'ai pas besoin do rappeler que l'étincelle électrique ordinairepeutbien percer un corps solide, ainsi qu'on le constate en plaçant unelamo de verre ou de carton entre les deux pôles d'une machinestatique ou d'uno. bobine d'induction. Mais alors le corps est percé,

32

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374 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

tandis que dans notre oxpéricnco les effluves le traversent et nele.percent pas.

Si on fait passer les effluves obtenus comme il vient, d'êtreindiqué à travers un tube de Crookes sans cathode ni anode métal-

lique, c'est-à-dire à travers un simple ballon do verre dans lequelon a fait lo vide, on obtient une production do rayons X assezabondante pour montrer nettement lo squelette de la main sur unécran do platino-cyanuro de baryum. Cette expérience très impré-vue a toujours surpris les physiciens auxquels Je l'ai montrée.

a son extrémité que se forment les aigrettes capables do traverser les

corps opaques.K, lame de verre ou d'ébonite traverséo par les effluves en aigrettes. Son

épaisseur ne doit pas dépasser 1/2 millimètre au maximum.

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CHAPITRE XIV

Documents relatifs à l'histoire de la découverte de ladissociation universelle de la matière.

Dans un ouvrage récent, M. Becquerel trace do la découverte dola radio-activité uti historique, dont il a fait reproduire les passagesnio concernant dans de petits volumes do vulgarisation. 11 yassure que mes expériences affectent pour la plupart uno compli-cation « qui masque la véritable cause des phénomènes observés ».Il conclut en disant : « 11 suffit de lire dans les comptes rendusles publications de M. Gustave lie Bon pour se convaincre qu'aumoment où il les a faites, l'auteur n'avait aucune idée des phéno-mènes de radio-activité. »

Evidemment, personne n'ira vérifier dans les comptes rendus docette époque (189G et 1897;, les assertions do M. Becquerel, mais,en supposant qu'on s'y reporto, qu'y verrait-on ?

On y verrait que, pendant trois ans, M. Becquerel s'est donné unmal énorme, multipliant et variant les expériences, pour prouverquo les radiations émises par l'uranium se polarisent, so réflé-chissent et so réfractent, et n'étaient, par conséquent, suivant ladéfinition do J.-J. Thomson, qu' «une des formes do la lumière »,opinion quo M. Becquerel lui-même a reconnu plus tard êtreentièrement erronée.

L'idée que M. Becquerel so faisait alors de la radio-activito étaitdonc aussi inexacte que possible.

Dans mes publications do la mémo époque, je soutenais une opinionexactement opposée 4 la sienne. Jo m'efforçais en effet do prouvercontrairementà ses assertions, quo les radiations de l'uranium noso réfléchissent pas, no se réfractent pas et no so polarisent pas.Hlles n'avaient donc aucune parenté avec la lumière et constituaientsuivant, moi uno forme d'énergie nouvcllo très parento des rayons X.J'ajoutais quo les rayons uraniques étaient identiques aux cflluves

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376 l/KVOLUTION DE LA MATIÈRE

émis par tous les corps sous l'influence do la lumière. L'avenir aprouvé l'oxaclitudo do ces diverses assertions que j'étais seul alorsh défendre.

L'historique do M. Becquerel constitue donc une inversion tout àfait complcto des faits les plus évidents, et, si je voulais me ser-vir des expressions mêmes qu'il emploio à mon égard, a propos despremières expériences sur les phénomènes qualifiés plus tard do

« radio-activité », je serais très fondé à dire que c'est lui, qui, àl'cpoquo dont il est question, « n'avait aucune idée des phéno-mènes de radio-activité. »

Mais puisque les textes des comptes rendus do l'Académie dessciences sont invoqués, jo vais les rappeler.

Toutes les expériences do M. Becquerel, pour prouver queles rayons émis par l'uranium se réfractent, se réfléchissent et sopolarisent, y sont indiquées avec les plus minutieux détails. 11

prouvait la réfraction des rayons uraniques par un miroir, leurpolarisation par lo procédé classiquo des tourmalines à axescroisés. Ces diverses expériences so contrôlaient l'une par l'autre, etl'auteur est revenu à trois reprises différentes sur ses affirmations,ajoutant chaquo fois de nouvelles démonstrations. [Comptas rendus189G, p. 5G1, (593, 7G3). Sa dernière expérienco do contrôle avaitété suivant lui absolument catégorique, et il en tirait la conclusionsuivante Î

« Cctto expérience montre donc à la fois pour les rayons invisibles

« émis par les sels d'uranium la double réfraction, la polarisation« des deux rayons, et leur inégalo absorption au travers do la« tourmaline. »

On sait — M. Becquerel l'a reconnu plus tard — combien sesexpériences étaient inexactes et, par conséquent, à quel point il so,faisait une idéo fausso do la radio-activité.

u Ce qu'il y a do piquant, écrit M. lo professeur de Hccn àpropos do la polarisation et de la réflexion des rayons uraniques,c'est que M. Becquerel a mis trois ans à se convaincre quelo l)r Gustave Lo Bon avait raison; encore est-il qu'un physicienaméricain a dû venir à la rescousse. »

M. Becquerel s'est d'ailleurs expliqué à ce sujot devant loCongrès do physique de 1ÎJ00 d'une façon qui laisserait croire quoc'est lui qui a découvert spontanément son cireur.

« L'cxpéricnco sur la polarisation des rayons uraniques, dit-il,n'a pas donné ultérieurement les mêmes résultats, soit avec lestourmalines soit avec d'autres systèmes. Les mêmes conclusionsnégatives ont été observées par M. Huthcrford et iM. Gustavo LoBon 1 ».

Jo viens d'indiquer les passagos des comptes rendus concernant

1. Congrus de physique, t. JII, [>. 34.

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DÉCOUVERTE DE LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 377

los premières expériences do M. Becquerel ; je vais rappeler main-tenant ceux qui concernent les miennes. A cette époque (189G et1897) Jo mélangeais oncoro deux choses très différentes : 1« desradiations infra-rouges qui, contrairement à tout co que l'onenseignait alors, traversent, ainsi que jo l'ai prouvé, la plupart descorps non conducteurs, lo bois, la pierro, lo papier noir, l'ébonitc,etc. ; 2° des radiations émises par les métaux sous l'influence dula lumièro et quo j'affirmais être identiquesaux rayons cathodiqueset uraniques, commocela fut admis ensuite par tous los physiciens.

Voici, d'ailleurs, quelques extraits do mes publications:a Les radiations obscuros engendrées par la lumière à la surface

des corps déchargent l'clcctroscopo. Elles traversent les écransélectriques (constitués, commo on lo sait, par des lames mé-talliques). Elles impressionnent les plaques photographiques atravers les corps opaques... Tous les corps, mttavxou substances orga-nisées, frappéspar la lumièredonnent naissance à ces radiations. Ellesno sauraient ètro confonduesavec de l'électricité.Elles so rapproche-raient plutôt par quniques-uncs do leurs propriétés, des rayons X. »{Comptes rendus de l'Académie des sciences, 5 avril 1897, p. 755.)

Quelques semaines plus tard, jo montrais l'analogie de ces radia-tions étniscs par les corps sous l'action do la lumièro avec lesrayons uraniques et concluais ma noto on disant: « Les propriétésde l'uranium ne seraient donc qu'un cas particulier d'une loi liésgénérale » {Comptes rendus 1897, p. 895).

Tout co qui précède fut développé pendant huit ans dans donombreux mémoires où je donnais chaque fois des expériences nou-velles. Et mes premières recherches paraissant un peu oubliéespar des auteurs qui retrouvaient chaquo jour co quo j'avais déjàsignalé J'ai rappelé mes publications antérieures dans une noto desComptes rendus de l'Académie des Sciences (7 juillet 1902, p. 32)dont voici un extrait :

« Dès le début de mes recherches sur le mode d'énergie auquelje donnai le nom de lumière noire, fai énoncé que les effluvesqu'émettent les corps frappés par ta lumière sont de même natureque les rayons uraniques, généralement considérés aujourd'huicomme identiques aux rayons cathodiques cl constitués par deséléments d'atomes dissociés, porteurs de charges électriques.

« Etendant le cercle de ces recherches, j'ai montré plus tard queles mêmes effluves se manifestentdans un grand nombre de réactionschimiques, et j'ai pu conclure que celle production d'effluves sous desinfluences fort diverses constitue un des phénomènes les plus répan-dus de la nature.

« Depuis celle époque, divers auteurs, Lcnard notamment, sontarrivés également à celle conclusion que les métaux frappés par lalumière engendrent des rayons calhodigues dèviables mr l'aimant.

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378 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE ;

« Tous les effluves se dégageant sous Faction de la lumièredans les conditions qui viennent d'être exposées présentent les plusétroites analogies avec les émissions décrites maintenant sous le nomde railio-aclivilé de la matière. La production de ces dernièressemble donc bien, comme je fut seul à le soutenir pendant long'temps, un cas particulier d'une loi très générale. La loi généraleserait que, sous des influences diverses, les atonies de la matièrepeuvent subir une dissociation profonde et donner naissance à deseffluves possédant des propriétés fort différentes de celles des corpsdont ils émanent. » (Comptes rendus 1902, p. 32).

L'absence do mémoire do quelques physiciens avait déjà frappéun des plus éminents d'entre eux. M. do lleen, professeur dophysique à l'Université do Liège, quelque peu scandalisé, écrivitun mémoire : Quel est l'auteur de la découverte des phénomènesdits radio-actifs? (publié par l'Institut de physique de Liège, 1901),où, s'appuyant uniquement sur des textes, il rétablissait la'vérité.Jo n'avais Jamais alors vu ce savant professeur et ne connus sonmémoire qu'en le recevant. S'il m'avait consulté avant de le pu-blier, jo lui aurais dit que le seul point auquel jo tenais était ladémonstration do l'universalité do la radio-aclivité do la matière,,attendu que le véritable auteur de la découvertede la radioacti-vité était Nicpco do Saint-Victor lequel révéla, il y a ciuquautoans, les propriétés possédées par les sels d'urane d'émettre,durant plusieurs mois, des radiations dans l'obscurité, ainsi queje lo rappellerai plus loin. Ceux qui ensuite mirent la questionentièrement au point, furent Curie, avec sa belle découverte duradium, et Iluthcrford, avec son étude du rayonnement des corpsradio-actifs.

Les. livres do vulgarisation dus aux disciples de M. Uccquercl,présentent les faits précédemment rapportés d'une façon tout àfait différente. Dans l'ouvrage do Ri. IJcrget, Le liadium, on lit,page 37 : «alors les travaux de M. Becquerel furent autant de« conquêtes : il reconnut coup sur coup, en 1890 et 1897, que les« rayons émis par l'uranium no subissaient ni la réflexion sur les« miroirs, ni la réfraction par le prisme » ! ! C'est exactement locontraire quo M. Hccquerel persistait alors à vouloirdémontrer. Lestextes donnés plus haut lo prouvent clairement.

Il y a plus d'un enseignement philosophique à tirer de ce quiprécède. Je ne parle pas, bien entendu, do la façon d'écrire l'his-toire dont je viens do donner un spécimen : on no l'a jamaisécrite autrement. Jo veux parler simplement do l'intensité desillusions quo peuvent créer chez un physicien habile, aidé de nom-breux préparateurs, la suggestion produilo par des idées pré-conçues. Si jadis Nicpco de Saint-Victor n'avait pas écrit que lesradiations émises dans l'obscurité par les sels d'urane étaient do la

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DECOUVERTE DE LÀ DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 379

lumière emmagasinée, c'est-à-diro une sorte de phosphorescence,M. Becquerel n'eût assurément jamais songe à les considérer commedevant nécessairement so réfracter, so réfléchir et so polariser. Dotelles erreurs, expliquent facilement quelques-unes des énortnitesque publièrent sur les rayons N des observateurs do très bonnefoi.

Dans le môme livre, où jo suis si malmené, M. Becquerel s'estenlin décidé, pour la première fois, à mentionner le nom de Nicpccdo Saint-Victor, dont il s'était borné d'abord h reproduire lesexpériences sur les sels d'urane, en suivant ce prédécesseurjusquedans ses erreurs, puisqu'il croyait, comme lui, à une sorte dolumière emmagasinée.

Peu équitable pour les vivants, M. Becquerel l'est moins encoreà l'égard des morts, et ses exclusivités sont parfois bien inéelairées.Niepcc est exécuté en quelques lignes. « Nicpco, dit-il, n'a puobserver le rayonnement do l'urane parce que l'auteur employaitdes plaques trop peu sensibles. »

Il suffit do lire les comptes rendus de l'époquo pour voir a quelpoint cette dernière assertion est peu fondée. Dès 1867, Nicpcoconstatait que les sels d'urane, enfermés dans un étui do ferblanc, impressionnent les plaques dans l'obscurité : « l'on constate,dit-il, upris plusieurs mois la môme activité que le premier jour >'.

S'il était vrai,— ce .qui ne l'est pas du tout,— que Niepcedo Saint-Victor, sans faire d'expériences, ait deviné précisément l'existencedu seul corps de la nature, possédant les propriétés d'émettre desradiations dans l'obscurité, une divination semblable eût été unpou plus que du génie.

Mais Nicpco n'avait pas de telles prétentions. C'était un chercheurconsciencieux, et patient, dédaigné pendant sa vie, oublié aprèssa mort.,Le fait que deux physiciens seulement aient osé rappelerà M. Becquerel les expériences de Nicpco montre do quel faibledegré d'indépendance scientiliquo nous jouissons en Franco.

On no peut songer sans amertume aux conséquences do l'oppo-sition que liront à Nicpco les. savants officiels do son temps, Si, aulieu de s'efforcer do ridiculiser ses mémorables expériences, on eûttenté de les répéter, il so fût rencontré sûrement quelqu'un quieût songé à déterminer pendant combien do temps se prolon-geait dans l'obscurité l'impression des sels d'urane, comme lo litjustement M. Becquerel, Kt si Nicpco eût persisté, commo plustard M. Becquerel, dans l'erreur do croire à de la lumière einnu

.gasinéc, analogue à la phosphorescence, il so fût trouvé encorequelqu'un qui lui eût montré — comme on l'a montré à M, Bec-querel — que ces radiations, no se polarisant pas, ne pouvaient pas

l. Cita par M. Guillaume d'apris les Comples rendus de l'Académie deisciences do 18G7. les Radiationsnouteltes. 2* édition, p, 133.

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380 L'ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE

être do la lumière. Les phénomènes radio-actifs eussent été alorsaussi promptement découverts quils le lurent lorsque la démons-tration de la non-polarisation dos rayons uraniques prouva qu'ils'agissait d'une choso entièrement nouvelle. Devant tes décou-vertes issues du simple fait que l'uranium conserve indéfinimentses propriétés d'impressionner une plaque photographique dansl'obscurité, on peut dire que l'opposition et l'indifférence quiaccueillirent les expériences de Nicpcc do Saint-Victor ont retardéimmensément les progrès do la science pendant plus de cin-quante ans.

Pour terminer définitivement uno polémique qui no peut êtreéternelle, je cr.ois n'être pas contredit en déclarant que, pourjuger de l'oeuvre d'un chercheur, il faut examiner l'état d'unequestion, avant qu'il l'ait traitée, et ce qu'elle est devenue aprèsses recherches.

Or, quand J'ai publié en 1897 mes expériences, que croyait-on?1° On croyait que l'uranium émettait ui s sorte de lumièro

invisible. Or, j'ai montré qu'il émettait quelque choso d'entière-ment nouveau, analogue aux radiationsdo la famille des rayons X,et par conséquent sans parenté aucune avec la lumière, co quel'avenir a pleinement vérifié;

2° On ignorait absolument, que les métaux frappés par la lumièropeuvent acquérir des propriétés identiques à celles des rayonsuraniques et cathodiques. Je l'ai démontré, contrairement à toutesles idées alors admises. Le fait, connu depuis fort longtemps,que certains métaux électrisés perdent leur charge électrique,sous l'influence de la lumière, provenait, suivant Lenard, do coque, sous cette influence, leur surfaco se pulvérisait en poussièresdont la dissémination dans l'air entraînait les charges électriques desparticules électrisées du métal.

Lenard fut d'ailleurs le premier à reconnaître son erreur. Aprèsla publication de mes expériences, il reprit les siennes, et vitque les métaux, sous l'action do la lumière, émettent des rayonscathodiques dcviablcs par l'aimant', expériences que confirmadepuis J. J. Thomson;

3° À l'époque dont il est question, on croyait avec M. Hcc-querel que la radio-activité est un phénomène tout à fait excep-tionnel, propre à un nombre de corps infiniment restreint. Dansune série de recherches, j'ai montré quo c'était un des phéno-mènes les plus répandus de la nature,se produisant, non seulementsous l'influcnco de la lumière, mais encore sous celle de la chaleur

1. Le mémoire de LcnsrJ, Erzeugmig Kathoden strahten durch vitra violetteLichl fut présenté à l'Académie des Sciences de Vienne, le 18 octobre 1899.Mei expériences avaient été publiées dans les Comptes rendus de l'Académie desSciences de ritis. le 5 av:il 1897.

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DÉCOUVERTE DE LA DISSOCIATION DE LA MATIÈRE 381

et d'un grand nombre de réactions chimiques. Celle opinion s'estrépandue progressivement, et est à peu près universellementadmise aujourd'hui.

Dans Ténumération qui précède, jo ne fais pas valoir la démons-tration que tous ces phénomènes sont les manifestations d'uneforce nouvelle, l'énergie intra-atomiquo dépassant toutes les autrespar sa colossale grandeur. L'existence de cette force est eucoroun peu discutée et je n'ai voulu rappeler ici que les faits abso-lument hors de contestation.

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LISTE DES MÉMOIRES

publiés dans la Revus Scientifique pa* l'auteur sur les

questions étudiées dans ce volume *

Premières Notes sur la Lumière noire. — 5 notes do janvierà mai 1896 (13 pages).

Nature des diverses espèces de radiations produites par lescorps sous l'influence de la lumière. — 20 mars 1897 (5 p.).

Propriétés des radiations émises par les corps sous l'influencede la lumière. — 1" mai 1897 (5 pages).

La Lumière noire et les propriétés de certaines radiationsdu spectre. — 29 mai 1897 (4 pages).

La L'aminescence invisible. — 28 janvier 1899 (7 p.'iges).Transparence des corps opaques pour les radiations lumi-

neuses de grande longueur d onde. —11 février 1899 (13 p.).Le Rayonnement électrique et la transparencedes corps pour

les ondes hertziennes. — 29 avril 1899 (27 pages).La Transparence de la matière et la lumière noire. —14 avril

1900 (19 pages).L'uranium, le radium et les émissions métalliques. — 5 mai

1900 (9 pages).Les Formes diverses de la phosphorescence. — 8 et 15 sep-

tembre 1900 (61 pages).La Variabilité des espèces chimiques. —22 déc. 1900 (23 p.).La Dissociation de la matière. — 8,15 et 22 nov. 1902 (69 p.).L'Énergie intra-atomique. —17,24 et 31 octobre 1903 (66 pages).La Matérialisation de l'énergie. — 15 octobre 1904 (28 pages).La Dématérialisation de la matière. —12 et 19 nov. 1904 (36 p.).Le Monde intermédiaire entre la matière et l'éther. — 10 et

17 déc. 190i(22 pages).

1; Je ne donne pas ici la liste de mes noies publiées'dans les "Comptes rendusde l'Académie des sciences parce qu'elles ont été dèvèldppçës avec plus de détailsdans les mémoires publiés par la Revue Scientifique.

./ .-

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TABLE DES FIGURES

PagesFio. 1 et 2. — Appareils employés en 1897 par Gustave Le Bon pour dé-

montrer, par l'absence de polarisation, que les radiations émises par lessels d'urane n'étaient pas de la lumière invisible comme le soutenaitalors M. Becquerel

- . . . .23

Fie. 3. — Les trois ordres de radiations émises par un corps radio-actifséparés par l'action d'un champ magnétique 123

Fie. 4. — Rayonnement de particules de matière dissociée non soumises kdes attractions ou à des répulsions.

.151

Fie. 5. — Attractions de particules de matière dissociée chargées d'électri-cité positive et négative 151

Fie. 6. — Répulsion de particules de matière dissociée émises par deuxpointes et se mouvant suivant la direction des lignes de force 152

Fie. 7. — Répulsions de particules émises par plusieurs pointes 152

FIG. 8, 9, 10 11. — Figures diverses obtenues en obligeant les particulesde matière dissocié) à se mouvoir et à se repousser suivant certainesdirections 153

FIG. 12, 13, 14, 15. —Matérialisations apparentes produites dans l'espaceen utilisant les répulsions des particules de matière dissociée.

. . . .155

FIG. 16, à 19. — Photographies de figures géométriques obtenues par lefluide ionique localisé sur des plateaux de résine 158

FIG. 20. — Courbe traduisant une des propriétés fondamentales de la subs-tance intermédiaire entre la matière pondérableet l'élher impondérable

. 177

FIG. 21. — Vue en projection du rayonnement des particules électriques d'unseul ;?ô!e.

. ; 1S7

FIG. 22. !— Photographiedes aigrettes produites par les particules éleciriquesqu'émet un des pôles d'une machine statique 188

FIG. 23. — Particules électriques positives et négatives formées aux deuxpôles et s'altirant- ............... 188

FIG. 24. — Concentration.des particules électriques en un petit nombre delignes d'où résulte la décharge sous forme d'étincelles

. ..' 188

FIG. 25. — Passage visible à travers un obstacle matériel formé d'une lamede verre ou d'ébonite, des effluves produits par la dématérialisaiion de lamatière 1?2

Page 389: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

384 TABLK DF.S l'IGURKSI*ag«

FIG. 20. — l'holographie des effluves provenant Je h dématéiialisatian dein iri'ili<'-rr- pendant leur passage 'i travers un obstacle maU-iiel : lame «le

verre OÎJ f],<Jlionîl<> 193

FIG. 27. — Impressions produites par lésions issus d'une pointe éle.-iri-éeà ItaV'is une feuille Je papier noir 105

Vu:. 58 et 50. — Répulsion» tl attractions 'le molécules au >.;iu «1"-JII ]:>{'jï-J>-_

52'iKir,. 30 ft .'tl. - -

l'holographie* de cellules arlifieieilcs résiiHarUd---3attrac-tions i-t répulsions nioîé'Ulaires au sein J'un liquide 227

Kir,. 3.'. — l'holographie Je cellules artificielles obtenues par Jillusion. .

22H

FIG. 33, .'Ji, 35. — Les trois phases Je formation sue-lessives J'un«Mal 211

FIG. 3'J. — Méthode classique employée pour mesurer la radio-aclivilé Jescorps. . 303

ïir„ 37. — Appareil destiné,'! réduire la rapidité de la déperdition électriqueproduite par le» corps radio actifs 30i

KIG. 38. — F.kclroscopc condensateur différentiel de l'auteur 300Fie. 30. — Appareil employé pour démontrer la dissociation de la matière

sous l'action Je la lumière solaire 303Fie. 40. — Appareil employé pour démontrer la dissociation de la matière

sous l'influence do la lumière ultra-violette produite par Jes étincellesélectriques 311

Fie. 'il et 42. — Détermination au moyen Je la photographie de la trans-parence des corps pour les diverses régions du spectre 312

Fie. 43. — Photographies montrant la disparition de l'ulira-violel solaire àcertains jours sous des influences inconnues 310

FIG. 44. — Mécanisme de 1». décharge d'un électroscepe par les effluves dematière dissociée qui se dégagent des métaux frappés par la lumièresolaire 3Ï3

Fie. 45. — Comparaison de la dissociation de la matière des corps sponta-nément radio-actifs tl des métaux ordinaires sous l'influence de la lumière. 330

FIG. 46. — Appareil employé pour étudier les conditions de la déperditionsous l'influence de la lumière ullra-violetiodes corps préalarjemeut élec-trisés 333

Fie. 47. — Appareil montrant la déperdition de l'électricité sous l'influencedes flammes suivant la distince et 1s nature du corps sur lequel l'actionse produit

,3i5

FIG. 48. — Appareil de démonstration permettant de rendre visible la dé-perdition électrique sou3 l'aciion des particules Je matière dissociée con-tenue dans les gaz des flammes 345

FIG. 40. — Appareil démontrant l'action de la matière dissociée contenuedans lc3 gaz de3 flammes sur un corps éleclrisé entouré d'une cage mé-tallique 311

FIG. 50. —Étude de la dissociation de la matière par les réactions chi-

miques 350FIG. 51. — Appaieil de Gustave Le Bon et Martin, employé pour détermi-

ner le r61c de la vapeur d'eau dans la phosphorescence du phosphore..

352Fie. 52. — Expériences sur les propriétés des gaz dissociés par les flammes. 358

Page 390: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

TA nu: DKS FIGURES 385l'ages

Fie. 53. — Recorniiinaison des ions obtenus dans h dissociition delà rai-tiére par les itViiona diiniipjes 339

Fil. 5'i. — l)i-po-itif employé pour obtenir h tran-fonmtTo,T des propiiéié-.ilii meierne in le combinant sons l'influence d'iirie légère pression avecdes traces du ni.'jyrji'aium • 350

Fie. !>'». — I)é.ompositiori de l'eau par du mercure contenant une tr-T-o deson poids de magnésium 307

Fie. 50. — Décomposition de l'eau par du magnésium fonlenaiit des traiesde mercure 307

Fie. T.7 A 00. — Formation de gerbes d'alumine sur des Urnes d'aluminiumrecouvertes de traces invisibles de mercure 303

Fie. 0). — Dispositif do l'expérience permettant de donner à une lamel'aluminium ayant touché, par sa pointe du mercure, la propriété dedécomposer l'eau et de se transformer entièrement en alumine.

. . .309

Fie. C,->. — .Schéma du dispositif permettant de donner aux «.'Cuves pro-duites par des particules de matière dissociée une tenvon suffisante pourtraverser des lames minces de verre ou d'ebonite 374

Page 391: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1

LIVRE PREMIER

LES IDÉES NOUVELLES SUR LA MATIÈRE

CHAPITRE ï. — La théorie de l'énergie intra-atomiqueet de l'évanouissement de la matière 5

CHAPITRE II. — Historique de la découverte de la dis-sociation de la matière et de l'existence de l'énergieintra-atomique 19

LIVRE II

L'ÉNERGIE INTRA-ATOMIQUE ET LES FORCESQUI EN DÉRIVENT

CHAPITRE I. — L'énergie intra-atomique. — Sa gran-deur • 32

CHAPITRE H. — Transformation de la matière enénergie 49

CHAPITRE III. — Les forces dérivées de l'énergie intra-atomique : forces moléculaires, électricité, chaleursolaire, etc 57

CHAPITRE IV. — Les objections à la doctrine de l'énergieintra-atomique 65

Page 392: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

TABLE DES MATlti'lES 837

LIVRE III

LE MONDE DE L'IMPONDÉRABLEl'ag"

CHAPITRE I. — La séparation classique entre le pondé-rable et l'impondérable. — Existe-t-il un monde inter-médiaire entre la matière et l'éther? 75

CHAPITRE H. — L'élément immatériel de l'univers:l'Éther

.82

CHAPITRE III. — Les formes diverses d'équilibre dansl'Ether

.83

LIVRE IV

LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MATIÈRE

CHAPITRE I. — Les diverses interprétations des expé-riences révélant la dissociation de la matière Dû

CHAPITRE II. — Les produits de la dématérialisation dela matière: Ions, Électrons, Rayons cathodiques, etc. 10G

CHAPITRE III. — La dématérialisation des corps trèsradio-actifs : uranium, radium, etc 122

CHAPITRE. IV. — La dématérialisation des corps ordi-naires 138

CHAPITRE V. — Les équilibres artificiels des élémentsprovenant de la dématérialisation de la matière.

. .151

CHAPITREVI. — Comment, malgré sa stabilité, la matièrepeut se dissocier ICO

LIVRE V

LE MONDE INTERMÉDIAIRE ENTRE LA MATIEREET L'ÉTHER

CHAPITRE I. — Propriétés des substances intermé-diaires entre la matière et l'éther 174

Page 393: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

38S TABLE DKS MATIKUKS

ParesCHAPITRE II. — L'électricité considérée comme une

substanco demi-matériolle engendrée par la dématé-rialisation de la matière. IS.'i

CHAPITRE III. — Comparaison des propriétés du fliiidoélectrique et des fluides matériels ÏW

CHAPITRE IV. — Les mouvementsdes atomes électriques.Théorie actuelle de l'électricité 20i

LIVRE VI

LE MONDE DU PONDÉRABLE— NAISSANCE, ÉVOLUTION

ET FIN DE LA MATIÈRE

CIIAP1TRK I. — Constitution de la matière. — Les forcesqui maintiennent les édifices matériels 212

CHAPITRE II. — Mobilité et sensibilité de la matière. —Variations des équilibres matériels sous l'influencedes milieux 231

CHAPITRE III. — Les aspects divers de la matière ; lesétats gazeux, liquide et cristallin 239

CHAPITRE IV. — L'unité de composition des corpssimples 2i6

CHAPITRE V. — La variabilité des espèces chimiques. 256

CHAPITRE VI. — Les équilibres chimiques des élémentsmatériels

. .269

CHAPITRE VII. — La chimie intra-atomique et les équi-libres ignorés de la matière 277

CHAPITRE VIII. — Naissance, évolution et fin de lamatière .288

Page 394: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

TABLE DES MATII-HES 3S9

DKUXIfcMK PAKTIIÎ

RECHERCHES EXPÉRIMENTALES DE L'AUTEUR

PigesCHU'IIKF. I. — Méthodes générales d'observation permettant de constater

la dématérialisation de la matière 302Ciiuin-E II. —Méthodes d'observationemployées pour étudier la dématé-

rialisation des corps par la lumière 308CIUCITRE III.— Expériences sur la dissociation delà matière dam le

diverses régions du spectre :iI5Cimncr. IV. — Expériences sur la possibilité de rendre radio-actifs

par leur combinaison des corps qui, séparément, ne le sont pas.Comparaison entre la radio-activitéspontanée et la radio activité pro- *voquée 329

CIUHTP.E V. — Expériences sur la déperdition dite négative des corpsélectrisés sous l'influence de la lumière .133

Cnunr.E VI. — Expériences sur la dissociation de la matière dans lesphénomènes de combustion 3'»4

CiiwiTftE VII.— Expériences sur la dissociation de la matière pendant lesréactions chimiques 359

Ciiimnr. VIII. — Expériences sur les origines de la dissociation descorps spontanément radioactifs 354

CruFiTRE IX. — Expériences sur l'ionisation des gaz 357Cmnir.r. X. — Expériences sur la dématérialisation spontanée de la ma-

tière et sur l'existence dans tous les corps d'une émanation analogueà celle des substances radioactives 361

CIMHTHE XI. — Expériences sur l'absence de radio-activité des corpssimplement très divisés 364

CHAPITRE XII. — Expériences sur la variabilité des espèces chimiques. 3G5

CnU'im: XIII. — Expériences sur le passage à travers les obstaclesmatériels des éléments provenant de la dématérialisation de la ma-tière 373

CHUITI'.E XIV. — Documents relatifs à l'histoire de la découverte dela dissociation universelle de la matière 375

Liste des mémoires publiés par l'auteur sur les questions étudiées dansce volume 3S2

Table des figures 373

0357. — Imp. Hemmerlé el C'"«

Page 395: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR, 26, RUE RACINE, PARIS.

BIBDIOTHÈQUEPHILOSOPHIE^SCIENTIFIQUE

Collection in-18 jéeus à, 3 fr. 60 le volume

Les Influences Ancestralespar FELIX LE DANTEC, Chargé de Cours à la Sorbonne

Apres avoir, dans uno courte introduction, mis en évidence lesavantages de la narration historiquo des faits, l'auteur montre comment,de la seulo notion do la continuité des lignées, on conclut sans peineaux principes do Lamarck et Darwin. Le premier livro do l'ouvrageest un véritable résumé do la biologie tout entière ; grâce à l'heureuxemploi d'une expression nouvelle et imprévue « la canalisation duhasard », les questions les plus ardues de l'hérédité et do l'origine desespèces sont exposées avec simplicité, sans qu'il soit jamais nécessairede faireappel à aucuneconnaissancespécialeou technique.

. \ vol. in-18La Science et l'Hypothèse

par H. POINCARE, do l'Institut, Professeur à la SorbonneM. Poincaré a réuni sous ce titre les résultats do ses réllexions sur

la logique des sciences mathématiques et physiques. Dans les unescomme dans les autres, l'hypothèse a joué un grand rôle. Quelquespersonnes en ont voulu conclure que l'édifice scientifique est fragile;être sceptique do cette façon, c'est encore être superfk H. Douter detout, ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes qui,l'une et l'autre, nous dispensent do réfléchir.

Un peu do réflexion nous montre au contraire que l'emploi del'hypothèse est nécessaire et peut être légitime; sans doute il estdangereux, mais ce n'est qu'une raison de plus de reconnaître avecsoin les pièges auxquels le savant est exposé.

M. Poincaré a évité soigneusement l'emploi des formules mathéma-tiques. Son livre pourra donc être lu par toutes les personnes culti-vées; il le sera certainement par tous ceux qui s'intéressent à la philo-sophie des sciences 1 vol. in-18.

La Vie et la Mortpar DASTRE, do l'Institut, Professeur à la Sorbonne

Ct, îivre, intéressant entre tous, sera bientôt dans toutes les mains.Ce n'est plus, comme jadis, un poète ou un moraliste qui vient disser-ter sur la destinée humaine et développer les éternels lieux communsque comporte le sujet. L'auteur de cet ouvrage, M. Dastre, professeurde physiologie à la Sorbonne, est l'un de nos savants les plus origi-naux et les plus profonds. Son livre traite des questions relatives à laVie et à la Mort au point de vue do la philosophie et de la science.Il nous révèle qu'il y a des animaux immortels, que la mort n'a paseiisté de tout temps, qu'elle est apparue à un moment du cours dei

Page 396: It'Bvolation de la IWatièPe - Elisarion

temps géologiques; quo la viflillesso elle-même est, une melad*'pourrait être évitéo et quo la via pourrait ôtro plus Kiguosans »

pagner do décrépitude 1 v

Psychologie do l'Éducation, par io D' GUSTAVK :

Co livre a été c'ait pour tous les membres do l'onsek'i -moins autant pour les pires do famille, soucieux do l'aveLo l)r ftustavo Le lion s'est livré à une étude attentivo bi voiuiiunt,Ranport do la Commission d'enquête sur la Réforme dn l'enseignement ; il en est sorti persuadé que touto la réforme n'a mallieureusèment tourné qu'autour d'une question do programmes ; et il crainauo les programmes nouveaux n'apportent aucun remède. C'est l'cspri

o l'enseignement, la méthode, qui auraient besoin d'ètro améliores« Tous les programmes sont indifférents, mais co qui peut ttro r 01mauvais, c'est la façon do s'en servir. »

Gustave Le Uon estime quo cetto vérité élémentaire est totalerae:méconnue; son livre qu'éclaire sans cesso uno vue, à la fois profondet subtile des réalités, a pour but do la fairo pénétrer dans lo public« Cette réforme de l'opinion est la premièro qu'on doi' ' jourd'hui. » . . . • ;-18

Nature et Sciences naipar FREDERIC HOUSSAY, Prc,

1,0 nouveau livre, accessible à tous les esprits cuit.

.-cdcuilsa pour noyau la plus originale tentative pour montrer, dans l'édiflcation de la science, la contiruité do pensée depuis l'antiquité jusqu'notre époque. Il contient Jo plus une pliilosophio opposant la réalitn&turcllo aux diverses images scientifiq tes quo l'homme s'en est faitetimages quo les progrès techniques modifient beaucoup moins dan.leurs traits essentiels qu'on no le croit d'ordinaire. Toutes les théorie,générales y sont groupées, classées, comparées,et les grandes controverses y apparaissent comme des malentendus permanents entre le.diverses sortes do penséos humaines. L'ouvrage se termine par usuggestif aperçu sur l'orientation actuelle des sciences naturelies 1 vol. in-18.

Les Frontières de la Maladie, par le D' J. HÊRICOURT

Les frontières de la maladie, co sont les maladies do la nutrition guicommencent,s'installant do façon insidieuse et progressant insensiblement, Jusqu'au moment où elles so démasqueront en troubles graveet incurables ; co sont les infections latentes et atténuées qu'on laissévoluer librement,"et qu'on répand autour de soi, d'abord dans &

famille, et puis au dehors ; co sont toutes les maladies qui laissent aurpatients les apparences do la santé, et qui, par cela mémo, sont abardonnées à leur libro évolution dans leur phase maniableparThygiènjusqu'à leur transformation en états graves, contre lesquels la thér.peutiquo est alors le plus souvent impuissante 1 vol. in-lk

ENVOI FRANCO CONTRE MANDAT OU TIMBRES-POSTE FRANÇAIS

«173. — Puii. - Imp. Hemrnwlé it Ci*. (10-1904)