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Lyne K. Je suis exclue, mais je me soigne…

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2 ----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Grand format (170x240)] NB Pages : 346 pages

- Tranche : (nb pages x 0,07 mm) = 26.22 ----------------------------------------------------------------------------

Je suis exclue, mais je me soigne…

Lyne K.

26.22 633020

Lyne K.

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La souffrance pique comme le savon. Elle mord comme une lime, mais enlève la rouille et redonne du brillant. Elle est rude comme une brosse mais elle nettoie !

SAINT-FRANCOIS DE SALES

* * *

On peut tout cacher derrière un sourire…. Un cœur brisé, une âme déchirée, des difficultés insurmontables, une tristesse inévitable.

On peut tout cacher derrière un sourire… Des larmes à n’en plus finir coulant comme un lac inondé et qui restent inaperçues dans le sourire, mais bien visibles dans les yeux et dans le cœur de toutes les personnes qui vivent derrière ce sourire.

ATTENTION

Les noms des villes et villages ainsi que les noms et prénoms sont véridiques. Sauf le nom de l’auteur qui n’est que mon pseudonyme. C’est une autobiographie donc une histoire réelle, pas un roman. Malgré certaines invraisemblances, ce récit est tout ce qu’il y a de plus véridique, hélas ! Ceux qui n’ont pas vécu cela, ne pourront pas comprendre, et l’auteur nous la raconte telle qu’elle l’a vécue, malheureusement. Je tiens à avertir certaines

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personnes bien nées, religieuses ou non qui liront ce livre, qu’ils risquent d’être choqués par certains propos, mots pas très élégants, mais j’ai écrit comme je parlais à l’époque. Soyez rassurés, j’ai beaucoup changé mon vocabulaire depuis quelques années. Merci de votre indulgence.

Je veux dire un grand merci à Christophe qui m’a aidée à dévoiler une partie infime de l’histoire de sa naissance, afin de faire le lien avec une partie de mon histoire. Merci aussi à mes enfants, petits-enfants, à Jacques, mon ex mari, à ma mère et son mari, par qui sans eux, mon histoire n’aurait pas lieu d’être et ce livre n’existerait pas.

Ce livre leur est dédié.

BONNE LECTURE A TOUS

Lylette.K.

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Prologue Maroc 1943

Ma naissance

Par une douce nuit de fin d’été, une femme, dans les douleurs de l’accouchement, s’apprête à mettre au monde son deuxième enfant. (L’accouchement à l’époque se faisait chez soi, avec l’aide d’une sage-femme. Je suis donc née au 6 rue de Dakar à Meknès au Maroc, le 13 septembre). Il est zéro heure trente. Dernière poussée, dernier cri et la sage-femme présente l’enfant à la jeune maman alors âgée de vingt ans et lui dit :

« C’est une fille ! La deuxième, je crois ? Ce n’est pas grave, le prochain sera un garçon. » Effectivement, le troisième était bien un garçon.

Revenons à cette petite fille qui vient de pousser son premier cri et qui, à ce moment-là, ne se doute pas qu’elle en poussera encore beaucoup d’autres : cris de révolte, de douleurs, de détresse. Par la suite, ce bébé, cette petite fille aura quatorze frères et sœurs, dont un décédera quelques trois jours après sa naissance.

Elle n’en connaîtra aucun, ou si peu et si peu de temps ! Elle ne sait pas qu’elle est une enfant illégitime, une enfant non désirée, une exclue de sa famille, de la société. Eh oui, déjà !! Elle en paiera les conséquences toute sa chienne de vie.

Ce bébé ne se doute pas que plus tard, on lui reprochera d’être venue au monde. On se moquera de son défaut physique. On lui répétera encore et encore qu’elle n’avait rien à faire sur cette terre. Qu’elle n’y avait pas sa place. C’était un parasite envahissant, un rebut de la société.

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« Il vaut mieux élever un cochon, au moins ça rapporte, tandis que toi…. »

Cette petite fille, tout au long de sa triste vie sera traitée de bonne à rien, d’une erreur de la nature, incapable de mettre un enfant au monde (là, ils se sont bien trompés !) tout juste bonne à fouiller les poubelles pour pouvoir manger et faire les trottoirs pour survivre. Une clocharde doublée d’une traînée, quoi ! Et puis quoi encore ?

Vous l’avez deviné, ce bébé, c’est moi Jacqueline. Et voici mon histoire, ma vie.

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Chapitre premier France 1946 Mon enfance

La famille est rapatriée en France. Les parents prennent une chambre à l’hôtel en attendant de trouver un travail et un logement.

Il y a, à cette époque, trois enfants. Deux filles et un garçon. L’aînée a cinq ans, moi, trois ans et mon petit frère dix-huit mois.

Ces trois enfants seront placés à l’Assistance Publique de Fondettes en Indre et Loire le temps pour les parents de se retourner.

Monsieur trouvera un emploi aux Ponts et Chaussées. Madame fait des ménages à l’hôtel pour pouvoir payer leur pension en attendant la première paie de son mari.

Au bout de quelques mois, les Ponts et Chaussées mettent à la disposition du couple une maison, ce qui leur permettra de reprendre deux de leurs enfants. L’un d’eux restera à l’orphelinat. Devinez qui s’y est collé ? Oui, en plein dans le mille. Votre servante… Je ne sortirai de cette geôle qu’à l’âge de sept ans.

Ce dont je me souviens de cet endroit, ce sont les tabliers vichy, rose et blanc pour les petites filles, et bleu et blanc pour les petits garçons.

Quand on sortait en promenade le dimanche, pour ceux et celles qui étaient orphelins ou abandonnés, nous étions vêtus de gris, robe ou pantalon gris, chaussettes grises, chemise ou chemisier blanc selon qu’on soit fille ou garçon, et bien sûr, les fameuses galoches en bois.

Ah ces galoches, elles ne passaient pas inaperçues ! Elles faisaient un bruit d’enfer sur l’asphalte. A ce bruit, les personnes qui habitaient les rues

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où nous passions, regardaient, soit de leur fenêtre, soit du seuil de leur porte, les petits laissés pour compte que nous étions.

Nous portions aussi un manteau, sorte de duflfecoat à boutons de bois et béret noir. Je me souviens aussi de la grande pièce qui servait de réfectoire et de lieu d’accueil pour les familles venues voir leurs rejetons.

Les petites tables et chaises à notre taille, avec de grandes serviettes nouées autour du cou. Je me souviens que mon petit frère était assis à ma droite et c’est moi qui le faisais manger quand les sœurs étaient occupées ailleurs et je le serrais dans mes bras en pleurant quand il pleurait.

Lorsqu’il refusait de terminer son assiette, je la lui finissais pour qu’il ne se fasse pas disputer par les frangines. Mais ma sœur aînée caftait et je me faisais tabasser et mon petit frère aussi.

Les dimanches de visites, je montais sur le rebord du portail et ma tête entre les barreaux, j’attendais mes parents qui viendraient me voir. Mais j’avais beau pleurer, hurler en les appelant, ils ne m’ont jamais entendue.

La seule chose que je récoltais, c’était une fessée « pour m’apprendre à hurler comme une pauvre martyre ».

Lorsque je me suis retrouvée seule après le départ de ma sœur et de mon petit frère, j’appelais souvent ce dernier : Jean-Claude, Jean-Claude !!! Mais hélas, je ne le revis jamais. Aujourd’hui, je le pleure encore car je n’ai jamais pu lui dire que moi, sa grande sœur, je l’aimais.

Ce dont je garde aussi présent en ma mémoire, c’est un jour de Noël. Le 25 décembre 1948. Nous étions tous dans la grande salle réfectoire (à cause des visites et du froid), et certains parents apportaient des cadeaux et des friandises à leurs enfants. Quelques-uns apportaient aussi des friandises pour nous qui n’avions plus de parents.(tous n’étaient pas orphelins ou abandonnés), et moi, toujours accrochée à mon portail, je pleurais. J’espérais qu’au moins pour Noël, mes parents auraient fait l’effort de venir me voir et m’apporter un petit cadeau.

Mais rien… Je voulais Jean-Claude, mon petit frère. Mais hélas, personne ne vint. Alors, je rentrais et allais me cacher sous une table pour pleurer sans qu’on ne me voie.

Là, une poupée gisait sur le sol, abandonnée, comme moi. Je la pris et la berçai quand une petite fille, m’ayant vue, se baissa pour me regarder, et quand elle vit la poupée, voulut me l’arracher des mains. Je la tirais à moi,

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et tirais les cheveux de cette gamine qui voulait me voler « mon bébé ». Elle est à moi, que j’ai dit à la sœur qui était accourue aux cris de la fillette.

Elle était abandonnée sous la table et elle voulait me la voler. Elle a plein de jouets, elle, et moi, j’ai jamais de jouets et personne vient jamais me voir et m’apporter des cadeaux, ou des bonbons et des gâteaux, rien !

La maman de cette chipie arrivée en même temps que la frangine, confirma que la poupée était bien à sa fille. On me l’arracha des mains et la lui donna. Mais ça ne s’arrêta pas là.

La frangine me prit par le bras, baissa ma culotte et devant tout le monde m’administra une de ces fessée magistrale, dont j’en ai le souvenir cuisant encore aujourd’hui. Pendant deux jours je ne puis m’asseoir. Elle me traita de voleuse. Je n’avais que cinq ans !

Mon petit frère me manquait. Je ne voulais plus manger, et la nuit je ne dormais pas, je pleurais en silence comme une grande en l’appelant.

Et ce n’étaient pas les fessées reçues qui m’arrêtaient. Bien sûr, je finis par tomber malade. On m’hospitalisa, et c’est une religieuse très âgée qui s’occupa de moi. Elle était douce et très gentille avec moi. Je ne voulais pas retourner à l’orphelinat. Je voulais rester avec sœur « Cornette » comme je l’avais surnommée à cause de sa grande coiffe amidonnée, appelée cornette. En réalité, elle s’appelait sœur Marie-Joseph.

Hélas, ça ne se passe pas comme ça, ce serait trop beau ! Deux mois sans être punie, grondée, recevoir des fessées ! Deux mois à avoir été gâtée par les gens de l’hôpital, chouchoutée, manger des bonbons, des gâteaux. C’était le rêve. J’ai du revenir à l’orphelinat jusqu’à mes sept ans, maintenant que j’avais repris du poids. Mais les punitions et les coups n’ont pas cessé pour autant. Cela se passait à Fondettes. Jusqu’à mes sept ans, je connus l’humiliation, les coups, les privations et surtout un gros chagrin d’enfant à la séparation cruelle de son petit frère adoré et qui restait seule contre toutes ces personnes méchantes qui ne comprennent rien aux petites filles abandonnées et privées d’amour. Et Dieu sait si j’en avais besoin !

Pas même un jouet pour Noël, si ce ne sont que des coups….

1950

Je suis placée en nourrice, en juillet 1950, j’aurai sept ans en septembre.

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Dans cette famille, il y a cinq enfants. Quatre filles et un garçon de mon âge. Là, je trouverai d’autres enfants placés. J’aurai connu aussi les coups, les privations, l’humiliation (à croire que c’est monnaie courante partout, chez les laïcs comme chez les religieuses), les sévices. Mais voilà, je suis une fille. Il y a beaucoup de filles dans cette famille. (on était cinq, vu que les placés étaient trois garçons plus le fils de la maison). Je connaîtrai ma première violence sexuelle. Je n’avais jamais rien dit à personne. Surtout je devais me taire sous peine de correction. Donc je me suis tue, ou presque….

Je n’allais que très rarement à l’école, mais j’y allais. C’était obligatoire. Les travaux des champs, la ferme (nous vivions à la campagne), la maladie, m’empêchaient de suivre une vraie scolarité.

J’étais une enfant chétive et souvent malade. Tout ceci m’a fait perdre des années d’études. Et je le regrette car j’aurais pu avoir un bon emploi et aujourd’hui, une meilleure retraite.

Mais si je n’avais pas vécu tout ceci, aujourd’hui, je ne serais pas en train d’écrire ce livre car je n’aurais rien eu à vous faire partager de très intéressant.

Et pourtant, j’avais une telle soif d’apprendre ! Mais hélas, quand on est pauvre, on n’a pas le droit à l’éducation.

Heureusement qu’aujourd’hui les lois ont changé. Je me souviens qu’un soir, après avoir terminé de nettoyer les cages à

lapins, les clapiers qu’ils appellent ça, j’avais trouvé un journal, c’était La Nouvelle République du Centre Ouest, et je m’étais installée assise à terre entre deux rangées pour ne pas être surprise en train de lire au cas où quelqu’un entrerait.

Très concentrée à essayer de déchiffrer ce qui était écrit que je ne m’étais pas aperçue que la nuit tombait et surtout je n’avais pas entendu mon père nourricier entrer. Il m’a vue et m’a tirée par le bras avec une telle force que j’ai cru qu’il allait me l’arracher. Il m’a pris le journal des mains. Il hurlait en me disant qu’on me cherchait de partout et que tout le monde était à table et que pendant ce temps-là mademoiselle faisait du zèle et perdait son temps en essayant d’apprendre à lire.

« Pour servir à quoi, tu peux me le dire ? Et pour cela je méritais une correction sévère qui me ferait passer toute envie de recommencer. »

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Il sortit. Cela ne présageait rien de bon. Je n’osais pas bouger. Devais-je sortir, rester ? Je restai là, tremblante de tous mes membres. Puis, me reprenant, je décidais de sortir quand il entra dans la grange, me repoussa et ferma la porte derrière lui. Il avait une poignée d’orties à la main. Il me déculotta (décidément, c’est une manie chez les adultes de déculotter les enfants) ! et déchargea sa hargne sur moi. Il me cingla avec les orties sur les jambes, sur les cuisses et sur la partie la plus charnue de mon individu. Puis ayant jeté les orties, il me frappa en me criant d’arrêter de pleurnicher, qu’il le faisait pour mon bien (combien de fois durant toutes ces années de malheur aurais-je entendu cette phrase) !et pour me faire comprendre que chez lui, on devait obéir.

J’avais tout le bas du corps qui me brûlait. Je me frottais les jambes en continuant de pleurer. Alors, exaspéré, il me lança un gifle avec une telle force, que je tombais à la renverse. Là, il se jeta sur moi, les yeux exorbités, il fit glisser sa salopette et abusa de moi. Pour m’empêcher de crier, il posa sa main sur ma bouche. J’avais mal, très mal. Il le faisait pour mon bien, disait-il ? Je veux bien le croire, mais en attendant de faire du bien, ça me faisait du mal). En quelques secondes qui me parurent une éternité, il m’avait brisé et volé mon enfance, ma jeunesse, ma vie.

Il se rhabilla en m’enjoignant d’en faire autant et de monter directement dans ma chambre sans oublier de faire ma toilette avant de me coucher.

Il s’amusait souvent à me dire que je n’étais qu’une bâtarde (je ne connaissais pas encore le sens de ce mot) et que plus tard, je ne serai bonne qu’à fouiller les poubelles et les trottoirs pour manger, car je suis tellement maigre et laide que personne ne voudra m’embaucher ni m’épouser, et que pour faire les trottoirs je n’avais pas besoin de savoir lire.

Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire et à cet âge, je ne cherchais pas à comprendre les choses. Pour moi, tout ce qu’on me faisait, c’était normal. Les adultes savent pourquoi ils le font. Je pensais que tout le monde recevait des raclées, des punitions ou du mal, parce qu’on le méritait. On devait juste se taire et obéir. Pour moi, je ne pensais pas que cette chose était interdite et punie par la loi. Je ne l’ai appris qu’un peu plus tard.

Ma rage d’apprendre m’obligea à désobéir encore et encore…

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Je tins bon. Je m’enfermai dans les cabinets en bas du terrain, avec un prospectus, un tract, un journal ou bien encore un livre (quand j’en trouvai un) et je lisais. Quelquefois, Marguerite, ma mère nourricière s’en apercevait et me faisait sortir en me tabassant avec tout ce qui lui tombait sous la main : cuillère de bois, scion, ceinture, savate, nerf de bœuf ou tisonnier, tout ça parce que j’essayais d’apprendre à lire au lieu de faire mes corvées.

« Tu comprends, ici personne ne paie ta pension et ce n’est pas avec ce que l’état nous donne que je peux me permettre que tu perdes ton temps à t’instruire. Tu dois travailler pour gagner ta croûte ! Quand tu partiras d’ici, tu feras ce que tu voudras, mais en attendant, tu fais ce que nous on veut et non pas ce que toi tu veux ! »

J’aimais bien cette vie au grand air : les animaux, les fleurs, les marronniers, les tilleuls, la nature quoi !

Il n’y avait que le dimanche qu’on ne travaillait pas. Ce jour-là on faisait vraiment ce qu’on voulait les après-midi. Le matin, Marguerite nous amenait à la messe. L’après-midi, quand il faisait mauvais temps, j’aimais beaucoup quand René et Myriam les deux grandes filles de Marguerite jouaient avec nous à la maîtresse d’école. Elles m’aimaient bien. J’étais la seule fille placée chez elles. Mais le problème est qu’elles travaillaient toute la journée à Tours.

Elles partaient le matin et ne rentraient que le soir. Les deux autres filles, Thérèse et Raymonde, étaient pensionnaires dans un lycée aussi à Tours et ne rentraient que le vendredi soir. Aucune des quatre ne voyait ce qui se passait chez elles en journée. Je n’avais aucune affinité avec ces deux dernières. Elles ne s’occupaient pas de moi, je ne m’occupais pas d’elles.

Donc pour en revenir à Renée et Myriam, elles nous apprenaient à lire, à écrire et à compter dans le grenier.

Mais c’était juste les jours de pluie. Les autres dimanches, en dehors des travaux des champs, on jouait dehors ou les filles nous emmenaient en ballade ou cueillir des mûres pour les confitures, ou bien des pommes, des poires, des pêches, des cerises, pour que Marguerite nous fasse des tartes ou des compotes, ce qui était assez rare.

En septembre, on faisait aussi les vendanges. C’était un plaisir, pour nous les enfants, après avoir coupé les grappes de raisin puis les avoir

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versées dans la cuve, d’y grimper et de fouler aux pieds nus tout ce raisin. Les émanations nous soûlaient mais on s’amusait à cœur joie. Idem

pour les foins. On aimait se rouler dedans quand il était transporté dans la remorque du tracteur. Et quand on le ramassait une fois fauché, on s’amusait avec les garçons (ils étaient tous les quatre à peu près du même âge. Roger avait huit ans, Jules et Robert avaient six ans, et Maurice, le fils de la maison avait sept ans comme moi) à se balancer la paille les uns sur les autres. A ce moment-là, j’oubliais les raclées et les punitions. J’étais redevenue une petite fille de sept ans comme les autres.

Mais depuis l’incident de la grange, je ne souriais, ni ne riais plus. Et ce jusque mes 60 ans. Le mal était fait et perdurait.

Un dimanche où il pleuvait, nous étions dans le grenier, c’était le surlendemain de cette horrible soirée, et Myriam, la plus jeune des deux aînées me voyant triste, vint vers moi et me demanda ce qui se passait.

J’éclatais en sanglots dans ses bras (je venais d’avoir sept ans). Je n’osais pas parler devant les autres enfants, de plus j’étais assise près de son petit frère, surtout après les menaces que leur père m’avait faites.

Elle comprit que quelque chose de grave m’arrivait et annonça l’heure de la récréation. Elle les fit tous sortir, y compris Renée.

« Sois sympa, prends les trois garçons, et emmène-les ramasser des pommes pour la tarte de ce soir. Surtout ne dis rien à maman. »

Renée accepta et emmena les garçons avant que ceux-ci ne puissent parler à sa mère.

Je racontais à Myriam ce que son père m’avait fait le vendredi soir dans la grange. Les orties, les gifles et enfin le mal en bas.

Je lui montrai ma culotte encore tachée de sang que je n’avais pas osé mettre au lavage de peur que Marguerite s’en aperçoive et que je sois encore punie.

Je lui demandais de n’en parler à personne, car son père m’avait menacée si je le disais à qui que ce soit. Je lui avouais que j’avais très peur de lui.

« Ah c’est pour ça qu’il a été si long à aller te chercher pour manger ! Il ne va pas s’en tirer comme ça. Sois sans crainte personne ne le saura pour le moment. »

Elle me promit que plus jamais durant mon séjour chez eux, je n’aurai

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à avoir peur de lui, ni de sa mère. Je n’aurai à faire qu’à elle seule. Le lendemain, elle me réveilla très tôt et me demanda de ne pas faire de

bruit, me fit ma toilette, me changea de culotte et mit la mienne dans une poche en papier puis dans son sac. Je me demandais pourquoi elle faisait ça, et j’en ai déduit qu’elle voulait la jeter en partant dans une poubelle ou à la carrière. Nous sortîmes de la maison sans bruit, il faisait à peine jour. Elle me fit monter dans sa voiture. Je pensais qu’elle m’emmenait à l’école ou je ne sais où, mais on se trouvait dans un endroit où il y avait plein de messieurs habillés en bleu et une casquette sur la tête. Un commissariat qu’ils appellent ça. « Ou si tu veux chez la police ». Je ne connaissais pas ces gens-là, je n’en avais jamais vu ni entendu parler jusqu’à ce jour. Le commissariat se trouvait à trente kilomètres de chez elle, à Tours. Elle porta plainte contre son père et là, j’appris que ses quatre sœurs et elle-même avaient subi les mêmes agressions sexuelles. Mais à l’époque, elles étaient gamines et elles ne pouvaient rien faire que le dire à leur mère et en retour elles ont reçu une belle raclée et traitées de menteuses, avec interdiction de raconter ces mensonges à la maîtresse d’école ou aux copines.

Quant aux enfants nourriciers et leur frère, il ne les a jamais touchés vu que c’étaient des garçons. Ça faisait deux mois que je vivais chez eux. Après des examens médicaux pratiqués sur ma personne et la déposition de Myriam qui remit au policier le sachet avec ma culotte, il fut condamné à quinze ans de prison ferme.

Sa femme, qui était au courant pour ses filles, mais pas pour moi, a été condamnée pour complicité et non assistance à personnes en danger, écopa de trois ans de prison dont deux ans ferme et un an avec sursis. Et interdiction de reprendre des enfants en nourrice à sa sortie de prison.

Puis en sortant du commissariat, Myriam m’emmena dans un café et nous prîmes un solide petit-déjeuner. Je n’allais pas à l’école ce jour-là, et nous passâmes la journée à Tours où Myriam m’emmena dans les magasins, m’acheta un baigneur, à midi, nous allâmes manger au restaurant et l’après-midi nous allâmes au jardin des Prébendes. Puis pleine de beaux souvenirs et d’appréhension, moi surtout, nous rentrâmes à Charentilly.

Myriam se fit disputer car elle n’avait pas été à son travail (elle était passée à son bureau prévenir son patron de son absence de la journée, en allant au commissariat).

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Renée était inquiète à mon sujet ne me voyant pas dans mon lit. La police était venue appréhender Marguerite et son mari. Renée qui

revenait juste après avoir accompagné les enfants à l’école, assista à l’arrestation de ses parents et comprit notre absence.

Ce furent Myriam et Renée qui s’occupèrent de nous jusqu’à ce qu’on vienne nous chercher pour nous placer ailleurs. Deux mois sans recevoir de raclées, sans punitions. Il faut dire que personne ne faisait de bêtise, on obéissait aux filles ; elles étaient si gentilles avec nous. Myriam me laissait apprendre à lire et à écrire après mes corvées. Merci Myriam, du fond du cœur de ta gentillesse, de ta générosité et surtout de ton courage, car il t’en a fallu pour dénoncer ton père et ainsi briser ces années de silence. Grâce à toi, j’ai réappris à sourire, pour peu de temps, mais à sourire quand même, et à ne plus avoir peur des parents nourriciers. Au moins pendant ces six années passées chez Nounou. Pardon, mais ta mère je n’ai jamais pu l’appeler Nounou. Elle était trop méchante avec moi.

Mais, Renée, les enfants nourriciers, Roger, Robert et Jules, ainsi que ton petit frère Maurice et toi, ma Myriam, vous resterez à jamais dans mon cœur. Tu sais que mon poupon, je voulais l’appeler Myriam, mais vu que c’était un garçon, je l’ai appelé Mimi, en fait c’est aussi ton diminutif, c’est pour ça que je l’ai appelé Mimi.

Cette quiétude ne durera que jusqu’à mes quatorze ans. En effet, après notre visite au commissariat, je fus transférée dans une autre famille nourricière. Là, il n’y avait pas de père. Il était décédé en mille neuf cent quarante neuf, alors que j’étais encore à l’orphelinat. J’avais six ans, donc je ne l’ai pas connu. Il paraît que c’était un homme exceptionnel qui ne criait jamais après les enfants, ni ne les frappait.

Nounou était aussi une femme exceptionnelle. Elle élevait seule ses six enfants plus les enfants nourriciers. Deux. Raymond et Claude.

Ses trois filles étaient en âge de travailler, ainsi que deux de ses fils qui ne vivaient pas avec leur mère. Après l’armée ils se sont installés chacun chez eux.

Jeanne aussi avait pris son propre appartement. Le troisième garçon s’appelait Jean-Jean. Il était de mon âge. Ils habitaient à Mettray. Je suis restée chez eux jusqu’à mes quatorze ans. Après…

Entre-temps, de santé précaire, je partais souvent en aérium,

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préventorium. J’ai commencé à aller à l’école à sept ans et j’en suis sortie à dix ans. Eh oui !Le travail, la maladie, et encore et toujours le travail.

J’ai tellement manqué l’école, que je n’ai pu y aller que quelques jours par mois. En les multipliant, ça n’a fait que deux années scolaires complètes. C’est vous dire que je n’ai quasiment rien appris. J’en suis restée au CE2. Ce que je sais, je l’ai appris seule, surtout en lisant beaucoup, aussi grâce à Renée et Myriam. Par la suite, les formations d’adultes ont contribué à parfaire mes connaissances. Mais ce ne fut que trente six ans plus tard. Pendant ces trois années d’école au rabais, je n’ai juste eu le temps d’apprendre à lire, écrire et compter. Et encore, les maths et moi, on n’était pas, mais alors, pas du tout copains.

Chez Nounou, je suis restée jusqu’à mes quatorze ans, âge auquel toute jeune fille digne de ce nom doit apprendre les rudiments de la couture, la cuisine, la coupe, la broderie, le ménage, la lessive, le repassage, le tricot. Enfin tout ce qu’une femme et maman doit savoir faire chez elle, enfin tout ce que moi j’avais en horreur. Mais ça m’a quand même servi, sauf coudre, couper, broder et tricoter. Je n’aime toujours pas ça d’ailleurs et je le regrette car ayant eu sept enfants et douze petits-enfants dont la majorité sont des filles (Cinq filles et neuf petites-filles) imaginez les économies que j’aurais pu réaliser ! Enfin, surtout pour mes filles qui n’auraient pas eu à se passer les vêtements au fur et à mesure qu’elles prenaient de l’âge et des centimètres.

Donc à nouveau, je devais quitter cette maison où depuis deux ans, j’étais tombée amoureuse de Jean-Jean.

Je ne le lui ai jamais avoué. Encore aujourd’hui, j’ai un sentiment de tendresse en pensant aux années passées avec lui. Mon premier amour d’enfance. Et quelle ne fut pas ma surprise en le voyant arriver cinquante ans plus tard me présenter sa femme Mireille. Cinquante années de silence. Perdus de vue depuis l’âge de quatorze ans, chacun a suivi sa route. Et il y a quelques années, trois ans exactement, j’ai envoyé un courrier à Nounou, comme je le faisais régulièrement, et j’ai eu la surprise de recevoir une réponse de son petit-fils, m’annonçant le décès de sa grand-mère. Je peux avouer que j’ai eu très mal. Je perdais ma « maman ». La dernière fois que je lui ai rendu visite c’était en mille neuf cent quatre vingt dix huit. Je ne l’avais pas reconnue. Ses cheveux étaient devenus de la neige. Quand je suis

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arrivée, elle m’attendait à l’arrêt du car, elle m’a reconnue de suite, tout comme son fils cinquante ans plus tard. Moi j’avoue que si je l’avais croisé dans la rue, je ne l’aurais pas reconnu.

Le petit Jean-Jean que j’ai laissé, mince et petit, était devenu un homme de plus d’un mètre quatre vingt et costaud. Je cherchais quelques traits sur son visage ou des petites manies qu’il avait étant enfant, rien, je n’ai rien retrouvé.

Je lui ai demandé comment il m’avait retrouvée, et il m’a dit que c’était son fils Sébastien qui lui avait parlé de ma lettre à sa mère, et c’est là qu’il s’est permis de me prévenir de sa visite sur la route de ses vacances. Ce furent des retrouvailles géniales.

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Chapitre deux Tours 1960

Mon adolescence

Je suis placée dans un pensionnat de Jeunes Filles, au couvent des Ursulines à Tours. Là, l’uniforme remplace le sarrau noir des écoliers et le tablier vichy des orphelins. Au couvent, l’uniforme se composait d’une jupe plissée bleu marine, un chemisier bleu ciel, un pull col V bleu marine, une cravate bleu marine, un blazer bleu marine, chaussettes blanches, chaussures noires vernies et béret bleu marine avec deux rubans de la même couleur qui pendaient derrière. Puis, comme à l’orphelinat, la fameuse cape à boutons dorés. (à l’orphelinat, seules les filles âgées de huit ans et plus étaient habilitées à porter cet uniforme, tel celui du pensionnat). J’aimais assez cela, je l’avoue. Je me trouvais presque belle avec ces beaux habits.

Je les aimais bien ces sœurs. Elles étaient dures et sévères avec moi, mais je ne sais pourquoi, je les aimais beaucoup. Ça ne s’explique pas, c’est comme ça… Ne me demandez pas pourquoi, je ne saurais vous le dire exactement.

Peut-être parce que c’étaient des servantes de Dieu. Marguerite aussi je l’aimais bien, même beaucoup, malgré les coups. Après tout, depuis l’âge de trois ans, j’en recevais (même peut-être avant au Maroc, chez ma mère, qui sait) ? J’en avais l’habitude. J’étais punie pour un oui, pour un non,. J’étais rodée. Un peu plus, un peu moins qu’est-ce que ça changeait ? Je vous le demande ! Quand on était gentil avec moi, je ne sais pourquoi, je me méfiais. Je trouvais cela pas net. Qu’est-ce que ça cachait ?

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Au couvent, on n’avait qu’une chose à faire, qu’à se taire et obéir. Moi qui vous parle je ne savais pas obéir, et encore moins me taire.

De la petite fille craintive, émotionnelle, qui ne disait jamais rien, qui pleurait en silence comme les grandes personnes, je suis devenue une jeune fille révoltée, ne gardant pas sa langue dans sa poche, et je faisais le contraire de ce qu’on me disait de faire. Si je décidais de faire une chose, sans que personne ne me le demande, je le faisais avec plaisir, mais si je décidais de faire cette chose, et qu’au moment de le faire, une personne arrivait et me disait, « tiens, il faut que tu fasses ça », je faisais demi-tour et je ne le faisais pas.

Je suis encore ainsi aujourd’hui à soixante huit ans. Et ce que j’avais à dire, je le disais en face, que ça plaise ou non, que ce soit à une pensionnaire ou à la Mère Supérieure, c’était pour moi du pareil au même. Vous vous en rendrez compte plus loin. Ce qui m’a occasionné pas mal de problèmes et de sévices. C’est bien connu, il n’y a que la vérité qui fâche !

Sous les coups, plus on pleurait, plus on en recevait. Souvent comme punition, on nous enfermait dans le dortoir sans manger. Et comme j’étais une éternelle révoltée, c’est vous dire que je ne mangeais pas souvent. D’où mon peu d’appétit encore aujourd’hui.

Souvent, je me retrouvais allongée dans la nef de l’église ou à genoux, pendant les deux heures que durait la messe. Je ne vous dis pas l’état de mes genoux à la fin de ces deux heures.

Au réfectoire, je devais me tenir à genoux sur le carrelage ou debout derrière ma chaise, les mains derrière le dos, pendant que les autres mangeaient, quand la Mère Supérieure ne poussait pas le vice à me faire mettre les mains sur la tête. Et si j’avais le malheur de baisser les bras à cause de la fatigue, je recevais des coups de scion sur les mains. Et pas le droit de pleurer à haute voix, vu que les repas se passaient dans le silence le plus absolu, si ce n’est la voix de l’une d’entre nous lisant un passage d’un évangile ou récitant le Bénédicité.

Tant les coups reçus étaient douloureux, je n’arrivais pas à m’endormir. Et je passais mes nuits à pleurer. Vous voyez rien ne change depuis l’orphelinat, et ce n’est que le début.

Faut-il que les orphelins, les sans-le-sou, soient obligés de payer toute leur vie les fautes de leurs parents ?