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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. » (Lénine, 1902, Que faire ?) Les dossiers du PCF(mlm) Émergence de la bourgeoisie Jean Calvin et l'avènement de l'individu mai 2015 (1 re édition) Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. »

(Lénine, 1902, Que faire ?)

Les dossiers du PCF(mlm)Émergence de la bourgeoisie

Jean Calvinet l'avènement de l'individu

mai 2015 (1re édition)

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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Les dossiers du PCF(mlm)

Résumé

Table des matières1. Introduction............................................................................................................................................22. Un titan attaqué par la féodalité............................................................................................................33. La dignité complète de l'individu...........................................................................................................54. L'entendement assume la morale............................................................................................................65. Positionnement par rapport à l'averroïsme.............................................................................................86. Un Dieu exigeant, donnant des ordres....................................................................................................97. La chute d'Adam...................................................................................................................................108. La «régénération».................................................................................................................................119. Une position bougeoise anti-féodale......................................................................................................1210. La reconnaissance du prêt à la production.........................................................................................1311. Une communauté économique organisée.............................................................................................1412. L'interprétation grotesque de Max Weber..........................................................................................1613. Briser le culte des images au nom de l'entendement...........................................................................1814. Les laïcs organisent l'Eglise au nom de Jésus.....................................................................................19

1. Introduction

De toutes les figures de l'histoire de France,Jean Calvin est celle dont l'impact culturel etidéologique a été le plus puissant. Pourtant, onpense plutôt à Maximilien Robespierre etNapoléon, ou encore Charles De Gaulle, quandon se réfère aux grandes figures de l'histoire denotre pays.

La figure de Jean Calvin reste obscure, voireinconnue ; dans la plupart des cas, si elle est untant soit peu connue elle sera reliée ausectarisme, à un puritanisme fanatique, bref àune mort de la pensée et à des raisonnementsopposés à la joie et aux sentiments.

Tout cela a une origine : le triomphe desforces féodales sur les forces progressistesportées par le protestantisme dont Jean Calvina été le héraut, la figure la plus aboutie, la plusconséquente.

Jean Calvin a été une figure incontournablede la France pour toute une époque, et pourtantson histoire est niée. L'éditeur de ses œuvres en

français, en 1842, peut constater de manièretout à fait juste :

« Le style de Calvin est un des plusgrands styles du seizième siècle : simple,correct, élégant, clair, ingénieux, animé,varié de formes et de tons, il a commencéà fixer la langue française pour la prose,comme celui de Clément Marot l'avait faitpour les vers.Ce style est moins savant, moins travaillé,moins ouvragé, pour ainsi dire, que lestyle de Rabelais; mais il est plus prompt,plus souple et plus habile à exprimertoutes les nuances de la pensée et dusentiment ; il est moins naïf, moinsagréable et moins riche que celuid'Amyot , mais il est plus incisif, plusimposant et plus grammatical; il est moinscapricieux, moins coloré et moinsattachant que celui de Montaigne, mais ilest plus concis, plus grave et plus français,si l'on peut reprocher à l'auteur des Essaisd'écrire quelquefois à la gasconne.Et pourtant il n'existe pas une seuleédition des oeuvres françaises de Calvin, àl'exception du Recueil de ses Opuscules,publié par Théodore de Bèze, à Genève,en 1566, énorme volume in-folio de 2,000pages, aujourd'hui fort rare, dans lequelon a confondu les traités écritsoriginairement en français par Calvin,avec ceux qui ont été traduits en cette

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Jean Calvin et l'avènement de l'individu

langue d'après l'original latin, par sessecrétaires et ses amis; car la plupart deces traités parurent également et presqueà la fois dans les deux langues, soit quel'infatigable Calvin en rédigeât les deuxversions, soit qu'il fit faire sous ses yeuxcelle qui ne devait être que la translationfidèle de l'ouvrage primitif, écrit en latinou en français, suivant l'occasion.Il est donc impossible de distinguer, dansle Recueil des Opuscules. les morceaux quiappartiennent réellement à la plume deCalvin.On voit, par là, que l'éditeur, quoiquehabile écrivain lui-même, se préoccupaitbeaucoup moins de la lettre que de l'espritdans les écrits du réformateur de Genève.Enfin, comme si l'on eût voulu lui enleverses titres de bon écrivain français, onimagina de n'insérer dans les éditions deses œuvres que des textes latins, et detraduire même tout ce qui n'avait jamaisété traduit dans cette langue, comme lessermons, les lettres, etc. Les trois éditionsvolumineuses qui ont été faites dans cesystème anti-littéraire ne renferment pasune seule pièce qui témoigne au moins queCalvin savait écrire en français aussifacilement et aussi remarquablement qu'enlatin. »

Il faut ici comprendre le contexte. Leprotestantisme trouve ses prémices avec JeanHus puis les hussites qui révolutionnant l'Est del'Europe, il s'affirme avec Martin Luther,Thomas Müntzer et les guerres paysannes, maisc'est avec Jean Calvin qu'il devient un systèmeunifié, systématisé, entièrement cohérent.

Là où le protestantisme fait parfois descompromis, des pas en arrière, lui fait face uncalvinisme porté par le progrès, la nouvelleépoque.

A l'Angleterre de la monarchieconstitutionnelle capitaliste répond l'Amériquelibérale capitaliste, à la France de la monarchieabsolue répond la république de Genève, et dansce contexte les Pays-Bas libérés de la tutelleespagnole et catholique s'affirment comme leprincipal vecteur du libéralisme et ducapitalisme.

L'individu, figure au centre du libéralisme,est entièrement assumé comme figure politiquecomme protestantisme, par l'intermédiaire deJésus-Christ, qui octroie à chaque individu la

dignité, l'entendement, la possibilité d'avoir unereconnaissance en tant que telle, au-delà dusystème réactionnaire féodal.

Jean Calvin fut donc une arme idéologique etculturelle de premier plan. S'il échoua enFrance, c'est en raison du manque de maturitédu développement historique de notre pays, ouplus exactement du développement inégal qui aexisté entre les différentes régions.

Le protestantisme des villes, authentique,n'est pas le même que celui des campagnes où lapetite aristocratie ainsi que l'aristocratie forteloin de Paris cherche surtout à affaiblir lepouvoir central et l’Église.

Le protestantisme de Jean Calvin fut icirécupéré pour une logique décentralisatrice quipossède une très forte tradition depuis, dansnotre pays, comme en témoigne les multiplescourants régionalistes, autogestionnaires, etc.,dont la base idéologique relève directement duprotestantisme français de l'époque de JeanCalvin.

Mais ce n'est qu'un aspect, et on voit trèsbien comment dans son épître à François Ier,Jean Calvin valorise le roi, le portant auxlouanges, tout en le tutoyant et lui expliquantque s'il ne change pas son interprétation duprotestantisme, s'il continue de l'interprétercomme une sédition qu'il faut écraser, alorsl'histoire sera contre lui car il s'allie avecl'Antéchrist et Dieu rétablira un rapport deforces en faveur des vrais croyants.

C'est un nouveau système qui s'affirme ici,qui exige la fin de la féodalité, ou tout au moinssa transformation radicale dans son noyau, pourpréparer l'avenir.

2. Un titan attaqué par la féodalité

Pourquoi Jean Calvin est-il une figureabsolument française, la plus progressiste duXVIe siècle, qui soit si peu connue en France ?

La raison tient à la victoire de la réactioncatholique en France, formant un obstacle auprogrès qui reste encore à surmonter. L'image de

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Jean Calvin a été noirci au possible, comme entémoigne la présentation qu'en fait Honoré deBalzac dans son roman Sur Catherine deMédicis, par ailleurs fascinant et qui décritjustement la période décisive pour l'histoire deFrance où le calvinisme a été écrasé.

Ce qu'a représenté Jean Calvin a alorsd'autant plus été jeté à la trappe que la Francea littéralement « bricolé » des moyens pourcompenser cette absence, au moyen de laphilosophie de René Descartes et de la franc-maçonnerie principalement, c'est-à-dire de la «laïcité ».

La « laïcité » est un compromis entre lasociété et la religion, qui est issu de l'incapacitéde la société à écraser le clergé et lecatholicisme. A ce titre, le calvinisme possèdeune indéniable actualité démocratique, qui nepeut qu'être porté désormais par la classeouvrière.

A l'époque par contre, le véritable calvinismeétait porté par la bourgeoisie. Un calvinismeplus pragmatique était soutenu par la petitenoblesse, et un calvinisme outrancièrementopportuniste était assumé par des secteurs de lahaute noblesse.

En fait, la France n'avait pas eu d'écho duhussitisme ; ce n'est qu'avec les succès deMartin Luther dans les pays allemands que leprotestantisme commence à s'affirmer au débutdu XVIe siècle, avec comme contenu la remiseen cause de l’Église catholique.

Jean Calvin, nom latinisé de Jehan Cauvin,est quant à lui né le 10 juillet 1509 à Noyon enPicardie. Rompant jeune avec l’Églisecatholique, il fuit les persécutions et seretrouvera finalement à Genève, en Suisse, où ilva jouer un rôle capital dans l'organisation duprotestantisme.

C'est dans ce cadre qu'il produit son œuvre «classique », Institution de la religion chrétienne,que la monarchie française ne cessera d'interdireet d'en pourchasser la diffusion, et pour cause :c'est par elle que Jean Calvin parvient à

structurer le protestantisme, sur la base d'unedoctrine épaulé par des missionnaires.

En 1561, on compte ainsi 670 Églisesréformée, alors que le protestantisme influencepratiquement le quart de la population, avec1/10 de celle-ci acquise à sa cause.

Ce protestantisme représente pourtant troistendances radicalement différentes. Du côtébourgeois, il s'agit du protestantismeauthentique, qui vise à développer l'individu, lalibre-entreprise, à abattre le féodalisme.

Du côté de la petite noblesse par contre, ils'agit d'abattre surtout le clergé devenuprépondérant dans la société. Du côté de lahaute noblesse, il s'agit d'empêcher l'avènementde la monarchie absolue.

On a ici exactement le même schéma quedans le hussitisme, à ceci près qu'il manquedeux éléments : la plèbe et les massespaysannes. La première manquera pratiquementtotalement ; les masses paysannes ne serontactives que dans certaines zones seulement,notamment le fameux « croisant » protestantdans le sud de la France.

Dans tous les cas cependant, c'est la noblessequi décidera de la direction du protestantismefrançais, l'amenant à sa faillite.

En effet, la monarchie française de FrançoisIer oscillait entre humanisme et Renaissanceitalienne, étant influencée tant par leschangements économiques des Pays-Bas que parla modernisation du Vatican.

Cette position fut si forte, la France futtellement coincée, que depuis cette période onassimile, de manière fondamentalement erronée,l'humanisme à la Renaissance italienne, alorsque ce sont deux mouvements historiquescontradictoires.

Cela se révéla ainsi, en 1534, par la fameuseaffaire dite des « Placards », c'est-à-dire desaffiches posées à Paris, Blois, Rouen, Tours,Orléans, ainsi que sur la chambre royale deFrançois Ier au château d'Amboise.

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Jean Calvin et l'avènement de l'individu

Leur titre était le suivant : Articles véritablessur les horribles, grands et importables abus dela messe papale, inventée directement contre laSainte Cène de notre Seigneur, seul médiateur etseul Sauveur Jésus-Christ ; leur contenu étaitune attaque ouverte contre l’Église catholique.

François Ier se voyait coincé : soit il suivait lemouvement historique progressiste et procédait,comme en Angleterre, à la liquidation de l’Églisecatholique romaine et à la formation d'uneÉglise « gallicane », soit il tentait de construiresa monarchie absolue dans un compromishistorique avec celle-ci.

Il choisit la seconde option et il s'ensuivitune répression, que continua son successeur,Henri II. A la mort accidentelle de celui-ci, lahaute noblesse protestante prit alors l'initiativede tenter ce qui fut appelé la conjurationd'Amboise en 1560, qui ne fut finalement qu'un« tumulte ».

L'opération visait à arracher le jeuneFrançois II, devenu roi, de son environnementroyal et surtout de la famille des Guises quidirige pratiquement le pays.

Son échec aboutit aux multiples guerres dereligion en France, dont les dates sont lessuivantes : 1562-1563, 1567-1568, 1568-1570,1572-1573, 1574-1576, 1576-1577, 1579-1580,1585-1598.

Le massacre de la Saint-Barthélemy, quiliquide en 1572 les chefs politiques duprotestantisme dans la noblesse, joue ici un rôlemajeur. Il s'ensuit alors uniquement desdéfaites.

Henri IV est un roi issu du protestantismemais l'ayant abjuré ; les chefs protestants sonten fait intégrés par la corruption généralisée.

Deux figures historiques symbolisent ici latrahison de la haute noblesse : François deBonne de Lesdiguières (1543-1626) et Henri IIIde La Trémoille (1598-1674), qui virent en leurhonneur leurs noms donnés aux deux pavillonsdu Louvre.

Le premier trahit au moment d'Henri IV,devenant en 1622 pas moins que Connétable deFrance, c'est-à-dire chef des armées du roi (il ensera le dernier), le second trahit lors du siège deLa Rochelle en 1628, devenant Maître-de-camp-général de la Cavalerie légère.

L’Édit de Nantes de 1598 accordé par HenriIV est rapidement bafoué, notamment à traversle sanglant épisode du Siège de La Rochelle de1627-1628, avant d'être ouvertement révoqué en1685 par l'Édit de Fontainebleau.

Les temples protestants sont détruits, le culteet les écoles protestants interdits ; les pasteurssont bannis ou inversement reçoivent despensions à vie tout en ayant des facilités dereconversion dans des métiers du droit.

La noblesse est encadrée : elle doit se marierà l'église, faire baptiser les enfants dans les 24heures. Dans l'administration il en va de mêmeil faut un certificat de bonne catholicité pourl'obtention d'une charge juridique, des diplômesde droit et de médecine, etc.

200 000 personnes émigrent alors, dans unépisode appelé par les protestants le « Refuge ».Les 600 000 protestants qui restent font quant àeux face à une répression systématique,notamment lors d'opérations de « dragonnades» meurtrières de la part de l'armée qui utiliseégalement la torture de manière généralisée.

Le recul était déjà patent : 800 000protestants à la fin du XVIe siècle, c'est déjà200 000 de moins que 70 ans auparavant, alorsque la population avait augmenté. Lesprotestants étaient passés d'environ 10 % à 4 %de la population totale.

Le protestantisme avait été dès le départhappé par la noblesse dans son opposition auclergé et à la monarchie absolue ; la bourgeoisien'avait pas été en mesure d'en prendre ladirection pour défendre ses intérêts. JeanCalvin, son titan, devra être son porte-paroledepuis la Suisse, où il décédera en 1564.

3. La dignité complète de l'individu

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Ce qui caractérise la pensée de Jean Calvin,c'est l'affirmation de l'individu en tant qu'êtreautonome disposant de l'entendement. A l’Églisecatholique qui interdit de lire la Bible, réservantl'interprétation de celle-ci à une caste, JeanCalvin oppose les larges masses étudiant etlisant la Bible.

L'être humain, chez Jean Calvin, est capablede discerner le bien et le mal. Voici ce qu'il ditdès le début de son ouvrage majeur,l'Institution de la religion chrétienne (aufrançais relativement modernisé ici pour faciliterla compréhension) :

« Toute la somme de notre sagesse,laquelle mérite d’être appelée vraie etcertaine sagesse, est quasi comprise endeux parties, à savoir la connaissance deDieu, et de nous-mêmes.Dont la première doit montrer, nonseulement qu'il est un seul Dieu, lequel ilfaut que tous adorent et honorent : maisaussi que celui-ci est la fontaine de toutevérité, sapience [sagesse], bonté, justice,jugement, miséricorde, puissance, etsainteté : à fin que de lui nous apprenionsd'attendre et demander toutes ces choses.D’avantage de le[s] reconnaître aveclouange et action de grâce procéder de lui.La seconde en nous montrant notreimbécillité, misère, vanité, et vilenie, nousamène à déjection, défiance, et haine denous-mêmes : en après enflamme en nousun désir de chercher Dieu d'autant qu'enlui repose tout notre bien : duquel nous-nous trouvons vides et dénués.Or il n'est pas facile de discerner laquelledes deux précède et produit l'autre.Car il est voulu qu'il se trouve un mondede toute misère en l'homme : nous ne nouspouvons pas droitement regarder, quenous ne soyons touchez et points de laconnaissance de notre malheurté[caractère malheureux], pour incontinent[aussitôt] élever les yeux à Dieu, et venirpour le moins en quelque connaissance delui.Ainsi par le sentiment de notre petitesse,rudesse, vanité, mêmes aussi perversité etcorruption, nous reconnaissons que lavraie grandeur, sapience, vérité, justice, etpureté gît en Dieu. »

On voit ici ce qu'a fait l’Église catholique :elle a résumé le calvinisme au seul aspectnégatif, où il est dit que l'être humain secomporte de mauvaise manière. Pourtant,l'aspect principal est qu'il y a un Dieu idéal

dont les enseignements font de l'être humain unêtre qui sait se comporter de manière correcte.

Ce qui importe, ce n'est pas la négation del'être humain dans ses actes, mais la négation deses actes erronés par le moyen de l'entendement– un entendement dont les forces féodales nevoulaient justement pas entendre parler.

La position de Jean Calvin est donc anti-féodale, car elle affirme une seule humanité faceà Dieu, supprimant l'organisation d'une Églisecomme structure indépendante et représentantDieu sur Terre. Dieu est dans le Ciel, il n'estplus sur la Terre.

Qui plus est, chaque être humain peutcomprendre cela et se comporter de manièreadéquate, c'est-à-dire devenir un être moral, unprotagoniste de sa propre vie.

On a là une réalité authentiquementbourgeoise, avec un acteur agissant sur latransformation, et non plus une réalité féodaleoù l'individu ne fait que reproduire ce que sesparents lui ont enseigné comme métier, restantdans sa couche sociale sans aucune possibilitéd'en sortir, ne se déplaçant pas de son territoire,obéissant à des rituels encastrés dans unesoumission complète sur le plan intellectuel etmoral à l’Église.

L'être humain agissant prend conscience delui-même, et le figure de Jésus-Christ est ici leprétexte à la conquête de sa propre dignité, entant qu'entité humaine autonome, capabled'entendement, de choix possiblement moralcorrespondant à une morale universelle proposéepar un Dieu qui, comme l'a expliqué LudwigFeuerbach et Karl Marx à sa suite, est le refletinversé de l'humanité prenant conscience d'elle-même, dans ce qu'elle envisage de meilleur enelle-même.

4. L'entendement assume la morale

Le calvinisme a une image de grande rigueuret de grande exigence, dans un espritparticulièrement austère. Une telle approche esterronée et ne s'intéresse qu'aux apparences.

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Jean Calvin et l'avènement de l'individu

Si l'on veut comprendre la démarche de JeanCalvin, et son importance, il faut se concentrersur comment Jean Calvin formule une théorie dela connaissance où la conscience a un rôlemajeur. C'est ici que Jean Calvin révèle sanature de classe révolutionnaire, portant labourgeoisie qui alors brise les chaînes de laféodalité.

Pour comprendre cela, il suffit d'effectuerquelque chose de très simple : remplacer leterme Dieu par celui de morale dans le cadred'une société organisée. Dieu, chez Jean Calvin,n'est pas un « tyran » lointain, mais celui quijustifie la possibilité de l'humanité disposant del'entendement.

Sans Dieu, il n'y a pas d'entendementpossible, il n'y a pas de raison, et donc d'acteraisonné. C'est pour cela que Jean Calvinreproche aux épicuriens de sombrer dans uneoisiveté sans intérêt, dans l'absenced'organisation sociale, bref dans le nihilismesocial :

« Car quel profit y aura-il de confesseravec les Épicuriens, qu'il y a quelqueDieu, lequel s’étant déchargé du soin degouverner le monde, prenne plaisir enoisiveté ? Mesniesde quoy servira-il decognoistre un Dieu, avec lequel nousn'ayons que faire ? »

Si Dieu existe, au contraire, il y a uneexigence morale qui pousse les humains às'élever sur le plan de l'organisation sociale. Lareligion découle de la « piété », qui elle-mêmedécoule des vertus de Dieu : la religion n'a pasla première place, mais la seconde par rapport àla morale permise par Dieu.

Jean Calvin affirme ainsi :

« A parler droitement nous ne dirons pasque Dieu soit connu, où il n'y a nullereligion de piété (…). Ce sentiment desvertus de Dieu, est le seul bon maître etpropre pour nous enseigner piété, delaquelle la religion procède (…).J'appelle Piété, une révérence et amour deDieu conjointes ensemble, à laquelle noussommes attirez, connaissant les biens qu'ilnous fait ».

Il y a là l'élément clef de l'œuvre de JeanCalvin. Il ne s'agit pas d'une tyrannie de la

religion, mais de la morale. La religion n'est quel'enseignement au sujet de la piété, qui elle-même consiste en l'expression humaine devaleurs morales portées par Dieu.

C'est là un puissant renversement de laposition féodale où c'est l’Église organisée quiporte la morale, au nom de Dieu. Ici, chaqueindividu accède, non plus simplement à lareligion en tant que structure hiérarchisée, maisdirectement à la piété émanant de Dieu.

La morale sociale est la base psychique pourdes humains vivant en collectivité. Dieu est lamorale surplombant les humains et ceux-ci, s'ilsveulent vivre en tant qu'humains réels, hors duchaos, doivent se plier à la morale, qui leurcorrespond finalement également.

Toute la tension de la morale calviniste est là: à la fois on soumet l'être humain, mais enmême temps c'est dans sa nature – cette tensionira jusqu'à devenir une contradiction que JeanCalvin résoudra au moyen de la « prédestination» de certaines âmes devant être sauvées, commeon le verra.

Il fallait bien expliquer, en effet, pourquoicertains ne « répondaient » pas aux appels de lamorale.

Jean Calvin explique donc, en tout cas, queconnaître Dieu revient à connaître la moralepropre aux sociétés humaines réelles :

« Or si tous hommes naissent et vivent àceste condition de connaître Dieu, et quela connaissance de Dieu si elle ne s'avancejusques-là où j’ai dit, soit vaine ets’évanouisse : il apparaît que tous ceuxqui n'adressent point toutes leurs penséeset leurs œuvres à ce but, se fourvoient ets’égarent de la fin pour laquelle ils sontcrées.Ce qui n'a pas été inconnu même desPhilosophes païens : car c'est ce qu'aentendu Platon, disant que le souverainbien de l'âme est de ressembler à Dieu,quand après l'avoir connu, elle est du touttransformée en lui (…).Par quoi un certain personnagequ'introduit Plutarque argue très bien, enremontrant que si on ôte la religion de lavie des hommes, non-seulement ilsn'auront de quoi pour être préféré auxbêtes brutes, mais seront beaucoup plus

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misérables, vue qu’étant sujets à tantd'espèces de misères, ils mèneront engrand regret et angoisse une vie pleine detrouble et inquiétude.Dont il conclue qu'il n'y a que la religionqui nous rende plus excellents que lesbêtes brutes, vue que c'est par elle quenous tendons à immortalité. »

5. Positionnement par rapport àl'averroïsme

Dieu produit la piété qui produit la religion –mais pourquoi Jean Calvin ne pense-t-il pas,tels les philosophes, que les êtres humainspeuvent utiliser l'entendement – la piété – sansla religion ?

C'est parce qu'il a constaté que les espritsfaisaient un fétichisme de leur capacité àraisonner. Le calvinisme n'est pas une idéologiede l'individualisme bourgeois, mais del'individualité bourgeoise au sein de la sociétébourgeoise. C'est radicalement différent.

Jean Calvin souligne cela par exemple de lamanière suivante :

« Et ici se découvre une ingratitude tropvilaine, d'autant que les hommes ayant eneux comme une boutique excellente detant de beaux ouvrages de Dieu, et uneautre richement pleine et garnie d'unequantité inestimable de tous biens, au lieude se mettre en avant à louer Dieus'enflent de tant plus grand orgueil etprésomption. »

Les gens qui nient Dieu sont donc ici desgens trop fiers, qui savent qu'il y a une réalitéautour d'eux, mais refusent de le reconnaître. Leconcept de Dieu est ici utilisé par Jean Calvinafin de dénoncer le solipsisme des individus nes'orientant plus que par eux-mêmes.

Jean Calvin explique cette présomption enles termes suivants :

« Cette connaissance est ou étouffée oucorrompue, partie par la sottise deshommes, partie par leur malice. »

On comprend alors tout de suite pourquoiJean Calvin critiquait les épicuriens, qu'ilassocie justement aux partisans d'Aristote. JeanCalvin propose une théorie de la connaissancequi, si elle s'oppose à celle de l’Église

catholique, doit absolument pour pouvoir existerse distinguer de l'averroïsme.

Jean Calvin reproche en fait à l'averroïsmede proposer un Aristote affirmant que la penséerelève de « l'intellect » universel, mais sansattribuer de contenu précis à cet intellect.

Or, une société organisée selon les exigencesde la bourgeoisie ne peut pas se contenter defaire comme Aristote et de contempler l'universtel qu'il a été fait par le « moteur premier ».C'est pour cela que Jean Calvin associepartisans d'Aristote et épicuriens : ils neproposent pas de voie pratique, or la pratiqueest le critère utilitaire fondamental de labourgeoisie naissante.

L'esprit doit amener au travail, pas à lacontemplation de l'ordre cosmique, aussi JeanCalvin reproche-t-il aux épicuriens la chosesuivante :

« Mais je laisse pour cette heure cespourceaux en leurs étables : je m’adresse àces esprits volages, lesquels volontierstireraient par façon oblique ce dictond'Aristote, tant pour abolir l'immortalitédes âmes, que pour ravir à Dieu son droit.Car sous ombre que les vertus de l'âmesont instrumentales pour s'appliquer d'unaccord avec les parties extérieures, cesrustres l'attachent au corps comme si ellene pouvait sans lui : et en magnifiantnature tant qu'il leur est possible ilstâchent d'amourtir [faire dépérir,supprimer] le nom de Dieu.Or il s'en faut beaucoup que les vertus del'âme soient encloses en ce qui est pourservir au corps. Je vous prie quellecorrespondance y a-il des sens corporelsavec cette appréhension si haute et sinoble, de savoir mesurer le ciel, mettre lesétoiles en conte et en nombre, déterminerde la grandeur de chacune, connaîtrequelle distance il y a de l'une à l'autre,combien chacune est hâtive ou tardive àfaire son cours, de combien de degrés ellesdéclinent çà ou là ?Je confesse que l'astrologie est utile àcette vie caduque, et que quelque fruit etusage de cette étude de l'âme en revientau corps : seulement je veux montrer quel'âme a ses vertus à part, qui ne sontpoint liées à telle mesure qu'on les puisseappeler organiques ou instrumentales auregard du corps, comme on acouple deuxbœufs ou deux chevaux à traîner unecharrue. »

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Jean Calvin et l'avènement de l'individu

Jean Calvin affirme ici que l'âme ne meurtpas avec le corps, et que si les sens sont utilespour des connaissances scientifiques en ce basmonde, ils ne sont que « mécaniques » enquelque sorte, et que ce n'est pas le cas de l'âmequi elle fait faire, en quelque sorte, un sautqualitatif à l'entendement.

Jean Calvin rejette ainsi le matérialisme pourqui l'entendement est un assemblage des sens (etpour le matérialisme dialectique une synthèse dela réalité issue de l'activité pratique).

Il a besoin de justifier l'âme car il veut uneactivité sociale pratique, pas simplement unecontemplation – et ici l'exemple des étoiles vaavec cela : l'astronomie est une constatationpassive de l'ordre cosmique, et une activité parailleurs logique dans la perspective d'Aristote(au point de dériver même en astrologie).

Jean Calvin veut l'activité consciente – il abesoin d'un entendement non pas simplementcontemplant l'ordre cosmique, mais en phaseavec des exigences concrètes, dynamiques – il adonc besoin non pas d'un moteur premier passifet lointain comme chez Aristote et l'averroïsme,mais d'un Dieu qui s'adresse aux êtres humains.

6. Un Dieu exigeant, donnant des ordres

Jean Calvin, malgré sa défense del'entendement, n'est donc pas un matérialiste :il ne peut pas assumer le matérialisme. Iln'appartient pas à une société dont le mode deproduction s'est émancipé de la soumission àl'environnement. Son appel à l'entendement toutpuissant correspond aux exigences de labourgeoisie qui veut transformer, qui acommencé à le faire, mais qui n'a pas encoretransformé l'ensemble de la réalité.

On se doute que, forcément, par la suite lesenseignements de Jean Calvin changeront desens pour la bourgeoisie une fois arrivée aupouvoir. En tout cas, à l'époque où il écrit, JeanCalvin a besoin du concept de Dieu. Il parledonc ouvertement des épicuriens, c'est-à-direpour lui les matérialistes ; il aborde ouvertementles thèmes d'Aristote, qu'il reconnaît

partiellement pour les contrebalancer par lesthèses idéalistes de Platon.

Jean Calvin est ici fidèle au néo-platonismedu christianisme et il ne remet pas en cause la «trinité », où Dieu consiste en le « Père », le «Fils » et le « saint esprit ». Ce dernier balaie lemonde et permet à l'humanité de comprendre lemonde ; c'est une sorte de thèse idéaliste pourexpliquer que l'esprit reflète la réalité, mais demanière parfois non claire, non directementlisible.

Jean Calvin ne considère pas en effet que «Dieu » soit l'Univers, comme Baruch Spinoza. Ilest encore prisonnier des préjugés religieux, carla société est encore prisonnière d'un mode deproduction peu développé, prisonnier des aléasde la nature.

L'humanité ne fait pas encore face à lanature – comme dans le matérialismedialectique, où l'humanité retrouve la natureaprès s'en être apparemment émancipée, pourélever son propre mode de production.

Avec Jean Calvin, on a l'humanité quis'arrache à la nature. Par conséquent, le Dieu deJean Calvin consiste précisément en l'humanitése parlant à elle-même et s'ordonnant destâches. Il faut donc un Dieu exigeant, donnantdes ordres.

Les positions de Jean Calvin sont ainsi cellesd'un néo-platonisme devenu autoritaire sur leplan du travail. Il dit lui-même :

« Or nous sommes contraints de nousreculer un petit peu de cette façond'enseigner : pour ce que les Philosophes,qui n'ont jamais connu le vice originel, quiest la punition de la ruine d'Adam,confondent inconsidérément deux états del'homme, qui sont fort divers l'un del'autre.Il nous faut donc prendre une autredivision : c'est qu'il y a deux parties ennotre âme, intelligence et volonté :l'intelligence est pour discerner entretoutes choses qui nous sont proposées, etjuger ce qui nous doit être approuvé oucondamné.L'office de la volonté est d'élire et suivrece que l'entendement aura jugé être bon,au contraire rejeter et fuir ce qu'il aura

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réprouvé. »

C'est là où la mise en valeur del'entendement par Jean Calvin se révèle enpartie contradictoire ; Jean Calvin ne va pascesser de répondre à cela en bricolant des pointsprécis, dont les déséquilibres donnerontnaissance à de multiples courants calvinistes,néo-calvinistes, para-calvinistes, semi-calvinistes, etc.

Tout comme chez les philosophes, on al'entendement – mais tout comme les religieux,on a la volonté.

Mais si l'entendement vient de l'ordre del'Univers, comme chez les philosophes, quelleplace y a-t-il pour un « libre-arbitre » ?

Chez Platon, l'âme ne « choisit » pas devouloir revenir à sa source divine : c'est dans sanature même. De la même manière, chezAristote chaque être a une place bien précise etne peut être en phase avec elle-même qu'à cetteplace, avec la compréhension de cette place.

Jean Calvin lui reconnaît l'entendement,mais il a besoin d'une autorité permettantd'agir sur terre, amenant la volonté des êtreshumains à se mettre en branle. Il y a là unetension énorme entre le déterminisme et laliberté, que Jean Calvin va tenter de combleravec les principes de la chute d'Adam et de laprédestination.

7. La chute d'Adam

Jean Calvin considère que les « philosophes »ont eu raison de chercher ce qu'étaitl'entendement humain, mais que leurméconnaissance de la chute d'Adam les aempêchés de comprendre l'origine du problème.

Jean Calvin fait donc la même chose queMaïmonide ou Thomas d'Aquin : il considèreque les philosophes, normalement rejetéscatégoriquement par les religions, ont posé desproblèmes intéressants, mais qu'ils ne pouvaientcomprendre authentiquement.

On voit ici que les religions ne pouvaient plusexister sous leur ancienne forme féodale ; elles

devaient élever leur niveau technique,intellectuel, théologique, s'adapter aux nouvellesconditions.

Jean Calvin doit donc obligatoirementcritiquer l'averroïsme, c'est-à-dire lematérialisme issu d'Aristote et porté par lafalsafa arabo-persane puis dans le monde latin ;voici comment Jean Calvin résume assezjustement l'averroïsme :

« L'erreur de ceux qui attribuent à Dieuun gouvernement général et confus, estmoins lourd, d'autant qu'ils confessent queDieu maintient le monde et toutes sesparties en leur être, mais seulement parun mouvement naturel, sans adresser enparticulier ce qui se fait : si est-cenéanmoins que tel erreur n'est pointsupportable.Car ils disent que par cette providence,qu'ils appellent universelle, nulle créaturen'est empechée de tourner çà et là commeà l'aventure, ne l'homme de se guider etadresser par son franc arbitre où bon luisemblera.Voici comment ils partissent entre Dieu etl'homme : c'est que Dieu inspire par savertu à l'homme mouvement naturel, à cequ'il ait vigueur pour s'appliquer à ce quenature porte : et l'homme ayant tellefaculté gouverne par son propre conseil etvolonté tout ce qu'il fait.Bref ils imaginent que le monde et leshommes avec leurs affaires semaintiennent par la vertu de Dieu : maisqu'ils ne sont pas gouvernés selon qu'ilordonne et dispose. »

La chute d'Adam a ici une fonctionhistorique : celle de justifier le travail. Dans lejardin d'Eden, le travail n'existait pas : pourjustifier le travail transformateur de labourgeoisie, qui est l'aspect positif, Jean Calvinlui oppose la punition divine avec la chuted'Adam, qui est l'aspect négatif.

L'être humain doit travailler depuis la sortiedu jardin d'Eden, c'est là la clef duprotestantisme, qui reflète le capitalismenaissant (et n'est ainsi pas le « déclencheur »comme le pense l'historien des idées MaxWeber).

Jean Calvin dit en fait pratiquement la mêmechose que les averroïstes – les êtres humainsdisposent de l'entendement – sauf qu'il modifie

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Jean Calvin et l'avènement de l'individu

la perspective en disant : la chute d'Adamempêche que l'entendement s'affirmecorrectement.

Les êtres humains pourraient en général,mais la chute d'Adam a fait que chaque être enparticulier devient brutal, nonchalant,présomptueux,

L'être humain est déchu, corrompu par cettechute – et inversement sa dignité passe par cettechute dans la mesure où Jésus sur la croix estun rappel à l'ordre et une contribution dans lamesure où celui-ci porte les péchés du monde.Ce qui a été « perdu » en Adam est « recouvert» par la figure du Christ.

Jean Calvin, bien entendu, s'appuierégulièrement sur les écrits bibliques ; il cite iciJean (3:6) afin de justifier la « renaissance » :

« Mais il y eut un homme d'entre lespharisiens, nommé Nicodème, un chef desJuifs, qui vint, lui, auprès de Jésus, denuit, et lui dit: Rabbi, nous savons que tues un docteur venu de Dieu; car personnene peut faire ces miracles que tu fais, siDieu n'est avec lui. Jésus lui répondit: Envérité, en vérité, je te le dis, si un hommene naît de nouveau, il ne peut voir leroyaume de Dieu.Nicodème lui dit: Comment un hommepeut-il naître quand il est vieux? Peut-ilrentrer dans le sein de sa mère et naître?Jésus répondit: En vérité, en vérité, je tele dis, si un homme ne naît d'eau etd'Esprit, il ne peut entrer dans le royaumede Dieu. Ce qui est né de la chair estchair, et ce qui est né de l'Esprit estesprit. Ne t'étonne pas que je t'aie dit: Ilfaut que vous naissiez de nouveau. Le ventsouffle où il veut, et tu en entends lebruit; mais tu ne sais d'où il vient, ni où ilva. Il en est ainsi de tout homme qui estné de l'Esprit. »

8. La «régénération»

Jean Calvin propose ici un paradoxe, l'êtrehumain pourrait et devrait être bon, mais lachute d'Adam a bouleversé la donne :

« Nous disons donc que l'homme estnaturellement corrompu en perversité :mais que cette perversité n'est point en luide nature.Nous nions qu'elle doit de nature, afin demontrer que c'est plutôt une qualitésurvenue à l'homme, qu'une propriété de

substance, laquelle a été dès lecommencement enraciné en lui : toutes lesfois que nous l'appelons naturelle, afinqu'aucun pense qu'elle s'acquiert d'unchacun par mauvaise coutume et exemple,comme ainsi soit qu'elle nous enveloppetous dès notre première naissance. »

Par conséquent, d'un côté Jean Calvin peutdire que :

« Dieu donc a garni l'âme d'intelligence,par laquelle elle peut discerner le bien dumal, ce qui est juste d'avec ce qui estinjuste, et voit ce qu'elle doit suivre oufuir, étant conduite par la clarté de laraison. »

De l'autre, il est obligé de dire que l'êtrehumain doit renaître à cause de la chute :

« C'est une chose résolue que l'homme n'apoint libéral-arbitre à bien faire, sinonqu'il soit aidé de la grâce de Dieu, et degrâce spéciale qui est donnée aux élus tantseulement, par régénération. »

Le moyen, c'est la piété, et cette piétécorrespond aux exigences du capitalisme, qui abesoin de capitalistes.

La piété appelle à se révolutionner ; ceprocessus engendre des êtres humains auxattitudes nouvelles, correspondant aux exigencesde l'accumulation capitaliste.

Jean Calvin a ici procédé de manièredialectique dans sa construction ; d'ailleurs, lescommentateurs bourgeois n'y ont eux-mêmesrien compris, calvinistes parfois y compris.

Jean Calvin dit que Dieu est tout puissant etque l'être humain a déchu, par conséquent c'estDieu qui décide de qui est sauvé ou pas. Cela nepeut pas relever de l'être humain, et encoremoins de ses actes, parce que sinon celavoudrait dire que l'être humain amène Dieu àfaire ceci ou cela, à le sauver ou non.

On parle alors de prédestination : qui estsauvé et qui ne l'est pas a déjà été décidé. Lescommentateurs qui se trompent considèrentalors que le choix est arbitraire. C'est là ne riencomprendre à la dialectique de Jean Calvin.

Car celui-ci dit qu'il y a un moyen de savoirsi on est sauvé ou non. Ce moyen c'est deregarder dans quelle mesure sa propre attitude

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est conforme à la parole biblique. Plus elle l'est,plus c'est la preuve qu'on va être sauvé car leschoix corrects reflètent notre nature correcte,conforme aux choix de Dieu relevant de laprédestination.

Cela sera par la suite formalisé comme undes cinq points fondamentaux de la théologieréformée appelé « la doctrine de la persévérancedes saints ». Les « saints » (ce qui ont été choisipar Dieu) ne peuvent pas déchoir de la grâce etdonc persévérerons dans le chemin tracé par laBible, s'ils finissent par s'écarter de la foi, c'estqu'ils n'étaient pas vraiment des saints.

Il n'est donc ici pas question de choixindividuel, mais de dépassement, de sautqualitatif: si celui-ci est fait, un retour enarrière n'est pas réellement possible. Dieu sertici de moyen pour exiger l'auto-dépassement del'individu.

Pour maintenir la stabilité de ce système,Jean Calvin est obligé de dire que Dieu esttoujours présent ; il n'est pas parti comme lepenseront les déistes du XVIIIe siècle. En effet,pour que la preuve s'exprime aux yeux descroyants, il faut que ce qui se passe soitconforme à la nature de l'âme en question etdonc que Dieu organise le monde enconséquence.

Dieu n'est pas un gouverneur abstrait ; aucontraire il gère tout, plaçant les actes bons etmauvais des êtres humains dans le monde,faisant en sorte qu'il en ressorte ce que lui-même veut.

Jean Calvin dit ainsi :

« Mon intention est seulement deréprouver l'opinion qui est par tropcommune, laquelle attribue à Dieu unmouvement incertain, confus et commeaveugle : et ce pendant [ainsi] lui ravit leprincipal, c'est que par sa sagesseincompréhensible il adresse et disposetoutes choses à telle fin que bon luisemble.Car cette opinion ne mérite nullementd’être reçue, vue qu'elle fait Dieugouverneur du monde en titre seulement,et non pas d'effet, en lui ôtant le soin etl'office d'ordonner ce qui se doit faire. »

Dieu agence les individus comme il le veut ;c'est cela qui explique qu'on peut être amené àacquérir des connaissances scientifiques de lapart de gens non croyants. Il y a un mélangedivin des individus, dont le fil nous échappe, caril est impossible de comprendre où Dieu veut envenir :

« Quand ils enquièrent de laprédestination [les êtres humains] entrentau sanctuaire de la sagesse divine, auquelsi quelqu’un se fourre ou ingère en tropgrande confiance et hardiesse, iln’atteindra jamais là de pouvoir rassasiersa curiosité, et entrera en un labyrinthe oùil ne trouvera nulle issue. »

Cela reflète bien entendu le mode deproduction capitaliste, dont le mouvementsemble incompréhensible, amenant un tel ou untel à triompher sur le marché, c'est-à-dire à sevoir reconnu par le capitalisme comme lecapitaliste authentique.

La position de Jean Calvin sur laprédestination est un décalque strict de cela, unreflet théorico-religieux de la réalité pratique.Reste à savoir comment la morale qu'il mettaiten avant correspondait aux exigences ducapitalisme.

9. Une position bougeoise anti-féodale

Ce que dit Jean Calvin permet l'avènementde l'individu, en tant que forme socialenécessaire pour le capitalisme. Il faut bien faireici à ne pas réduire les positions de Jean Calvinà la base culturelle pour le développement descapitalistes, ce qui en ferait une religion descapitalistes pour les capitalistes.

En réalité, la théologie de Jean Calvin est lereflet des besoins du capitalisme en tant quemode de production. Or, quels étaient cesbesoins ? Ils ne consistaient pas seulement enl'apparition d'une nouvelle couche sociale ayantdes pratiques adéquates : il faut également lacouche sociale qui est son pendant dialectique.

Au capitaliste s'oppose, en effet, le travailleurlibre. Sans travailleur libre, le capitaliste ne

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peut pas exister. Aussi le calvinisme s'adresse-t-il tant à l'un qu'à l'autre, en tant que reflet desexigences du mode de production capitalisteapparaissant.

Pareillement, la bourgeoisie ne pouvait pas sedévelopper isolément du reste de la société : elleétait imbriquée dans un ensemble. Il fallait unerévolution des mentalités, de toutes lesmentalités. Le calvinisme ne peut s'explique quedans ce cadre.

Il est tout à fait erroné de faire la mêmechose que le sociologue allemand Max Weber etde voir en le calvinisme (ou le protestantisme) lepoint de départ de la bourgeoisie, au lieu de voiren celui-ci l'aboutissement d'un mode de vieadapté aux exigences du mode de productioncapitaliste.

Le calvinisme a ainsi permis une révolutionculturelle dont il est lui-même issu ; ilreprésente un saut qualitatif dans un processusqui est l'acte de naissance de la bourgeoisie,plus précisément son installation sociale,assumée et revendiquée.

Le calvinisme vise à permettre descomportements adéquats, dont la base n'est pasl'austérité comme le pense Max Weber quiconfond le calvinisme avec des mœurs puritainesqui se sont développées deux cent ans plus tard.

Le calvinisme porte la tension dans sonactivité, l'attention aux actes effectués, bref dela méthode. Rien que de très français ici, et celacorrespond à une bourgeoisie organisée ayant unbesoin de rationalisme, tant de sa propre partque de celle de l'organisation économique et desgens employés.

C'est le sens du calvinisme comme appel àl'entendement pour faire triompher une moralesupérieure au nom de la spiritualité. C'est là sonrôle historiquement progressiste.

Jean Calvin appelle à l'activité individuellepar rapport à la morale, non plus sonacceptation passive. C'est une positionbougeoise anti-féodale. Il explique de ce fait :

« Le jugement commun recevra volontiers

que quand on défend le mal on commandele bien qui est contraire. Car c'est unechose vulgaire, que quand on condamneles vices, on recommande les vertus.Mais nous demandons quelque chosedavantage, que les hommes n'entendentcommunément en confessant cela.Car par la vertu contraire au vice, ilsentendent seulement s'abstenir de vice:mais nous passons outre, à savoir enexposant que c'est faire le contraire dumal.Ce qui s'entendra mieux par exemple.Car en ce précepte, Tu ne tueras point : lesens commun des hommes ne considèreautre chose, sinon qu'il se faut abstenir detout outrage et de toute cupidité de nuire:mais je dis qu'il y faut entendre plus, àsavoir que nous aidions à conserver la viede notre prochain, par tous moyens qu'ilnous sera possible.Et afin qu'il ne semble que je parle sansraison, je veux approuver mon dire. LeSeigneur nous défend de blesser etoutrager notre prochain, pource qu'il veutque sa vie nous soit chère et précieuse : ilrequiert donc semblablement les offices decharité, par lesquels elle peut êtreconservée. Ainsi, on peut apercevoircomment la fin du précepte nous enseignece qui nous y est commandé ou défendu defaire. »

C'est pour cela que Jean Calvin opposel'Ancien Testament au Nouveau Testament, endisant que l'Ancien passait par la loi, leNouveau par la chair du Christ. Il ne faut pasque l'obéissance, il faut la volonté,l'engouement, la participation.

C'est cet aspect qui permet de visualiser lesperspectives économiques qu'il ouvre.

10. La reconnaissance du prêt à laproduction

Jean Calvin a fourni une œuvre dont ladimension économique est historiquement d'uneimportance immense. En fait, sa perspective estmême celle d'un capitalisme organisé qui n'enest pas un ; il témoigne encore une fois ici d'uneapproche dialectique très poussée.

Son point de vue sur la banque est ici unexemple tout à fait pertinent dans ce cadre.Jean Calvin s'oppose ainsi formellement auxbanques ; il a lutté pour qu'il n'y en ait pas à

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Genève.

Il a ici une position qui est celle des religionsmonothéistes traditionnellement : prêter del'argent avec intérêt, ce qu'on appelle l'usure estinacceptable dans le cadre de la mêmecommunauté religieuse, voire en général. AuMoyen-Âge, l’Église catholique utilisait ainsiadministrativement des personnes juives pours'en servir comme banquiers.

Jean Calvin n'a donc pas une position ici trèsoriginale en apparence ; il dit fort logiquement :

« C’est une chose fort étrange, et inique,cependant que chacun gagne sa vie avecgrand’peine, cependant que les laboureursse lassent à faire les journées, les artisansà grande sueur servent aux autres, lesmarchands non seulement travaillent maiss’exposent à beaucoup d’incommodités etdangers, que messieurs les usuriers assissur leur banc sans rien faire reçoiventtribut du labeur de tous les autres. »

Pourtant, à lire ces lignes on voit qu'il se metdu point de vue de l'artisan et du marchand.L'usure n'est pas dénoncée simplement commeparasitisme, mais également comme encontradiction avec le travail comme activité.

Ce n'est pas tout : artisans et marchands ontbesoin qu'on leur prête de l'argent, pourdévelopper leur production. Voilà pourquoi,c'est un fait nouveau, Jean Calvin autorise leprêt dans le cas où cela sert une production, etnon pas une consommation.

Il considère que le prêt à la consommations'oppose au principe de charité universelle ;inversement, il affirme que le prêt pour uneproduction pouvait être interdit dansl'Antiquité, mais que c'était une interdictionciblée dans le temps, n'ayant pas une valeuruniverselle.

Par contre, ce prêt à la production est unesorte d'investissement : le prêteur ne peut pasréclamer d'intérêt si l'emprunteur n'a pas gagnéplus que cet intérêt.

A cela s'ajoute que c'est la communauté quifixe le taux de manière administrative ; àGenève avec Jean Calvin, elle fut de un pour

quinze (soit 6,66%). Le métier d'usurier étaitégalement interdit en tant que tel : on nepouvait faire du prêt sa profession.

On a donc un prêt à la production quisatisfait les entrepreneurs, neutralisant l'usuremédiévale et bloquant la formation d'un systèmebancaire massif comme il en existait égalementau Moyen-Âge, par exemple avec la famille desFugger.

C'était là une logique progressiste, aidant audéveloppement des forces productives,s'opposant à la formation de grands ensembleséconomiques s'affirmant en oligarchie etnaturellement se posant en soutien du régime.La dimension démocratique de la perspective deJean Calvin est ici évidente.

Karl Marx souligne l'importance de cettemise en place de la reconnaissance du crédit, quidemande bien entendu d'avoir la foi : la foi enl'investissement, la foi en le capitalismes'élançant et se généralisant.

Dans Le Capital, Karl Marx constate ainsicomment le protestantisme dépasse le simplerapport monétaire, pour construire dessus laconfiance dans le crédit :

« Le système monétaire estessentiellement catholique. Le système decrédit essentiellement protestant. TheScotch hate gold (les Ecossais haïssentl'or).En tant que papier-monnaie, le moded'existence monétaire des marchandisesn'a qu'une existence sociale. C'est la foiqui sauve.La foi en la valeur monétaire en tantqu'esprit immanent des marchandises, lafoi dans le mode de production et sonordre tenu pour prédestiné, la foi dans lesagents industriels de la production en tantque simples personnifications du capitalqui se met lui-même en valeur.Mais le système de crédit ne s'est pas plusémancipé de la base du système monétaireque le protestantisme des fondements ducatholicisme. »

11. Une communauté économiqueorganisée

Le calvinisme ne s'adresse pas qu'aux

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capitalistes en formation, il vise également àfaçonner les travailleurs libres. Chacun doitparticiper au grand projet entrepreneurial, àl'activité raisonnable, s'appuyant surl'entendement.

Cette participation, on la retrouve donc dansle militantisme des pasteurs pour organiser unesociété marquée par de larges secteurspopulaires marginalisées, issues des campagneset formant une plèbe urbaine qui va être le futurprolétariat.

Pacifier cette plèbe fut une étapeincontournable pour le développement franc ducapitalisme. On a vu dans le hussitismecomment la plèbe avait joué un rôle historiquede très grande importance, avec des tendancescommunistes.

Cela ne saurait plus avoir lieu pour JeanCalvin, qui attaque franchement l'anabaptismeet les mouvements « ultras » qui prônent lerefus des richesses. Aux yeux de Jean Calvin, ils'agit de « bien user » des richesses, pas de lesnier.

Il n'y a pas de place pour ce qui caractérisaitla dimension social-révolutionnaire duhussitisme, avec le partage général etl'instauration immédiat d'un communismeprimitif.

Il s'agit de discipliner les masses appelées àdevenir prolétaires. Avant même que JeanCalvin ne s'installe à Genève en 1536, lamendicité était interdite et un Hôpital généralfondé en 1535, asile forcé pour les malades, lesorphelins, les vieillards, les mendiants, ceux depassage n'étant le droit de rester dans la villeque vingt-quatre heures.

Les enfants qui y sont présents reçoivent uneéducation et une rééducation professionnelleobligatoire est mise en place pour tous lespauvres et les invalides. L'industrie du tissageprofita ici grandement de cette organisation quifait disparaître des rues la plèbe et qui est miseen place et financée par l’État, mais superviséedans le détail par les religieux au moyen

d'élections.

C'en était terminé de la tolérance catholiqueface à la pauvreté ; la société devenaitquadrillée, organisée de manière précise.

La dynamique des aides sociales à la plèbeva, de fait, de pair avec la mise en place d'unespace communautaire, où les individus se fontface en tant qu'individus, le capitaliste face auxtravailleurs libres, tous unis dans une seulecommunauté à la même identité.

Lorsque des conflits sociaux se développentdans l'imprimerie, ce sont les pasteurs quimettent en place une corporation dans cesecteur, servant de tampon entre les travailleurset l’État, contrairement à ce qui se passe enFrance au même moment.

Jean Calvin lui-même enseigne qu'il fauttraiter correctement les employés ; il dit parexemple :

« Il y en a qui seraient contents au boutde trois jours d’avoir tué une pauvrepersonne, quand elle sera à leur service, celeur est tout moyennant qu’ils en aient duprofit.Or au contraire Dieu nous déclare qu’ilnous faut traiter en telle humanité ceuxqui labourent pour nous, qu’ils ne soientpoint grevés outre mesure, mais qu’ilspuissent continuer et qu’ils aient occasionde rendre grâces à Dieu en leur travail.Car il n’y a nul doute que Dieu n’ait icivoulu corriger la cruauté qui est auxriches, lesquels emploient à leur service lespauvres gens, et cependant ne lesrécompensent pas de leur labeur. »

De ce fait, Jean Calvin appelle également àne jamais enlever ses outils à un travailleur,même s'il est endetté, car le travail permet desubvenir aux besoins vitaux. Le travail estsacralisé comme moyen de se comporterdignement, correctement, et on ne doit parconséquent jamais en priver quelqu'un.

Jean Calvin prend aussi exemple sur lasociété décrite dans l'Ancien Testament, où lesterres étaient redistribuées au bout d'un certaintemps ; son idéal est en fait celui de la petiteproduction, dans le cadre d'une communauté oùil y a de la place pour tout le monde.

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Voici une illustration de sa manièred'idéaliser la société du passé fondée sur la loidivine :

« La terre de Canaan leur était unhéritage commun, ils devaient nourrirfraternité mutuelle, tout ainsi qu’ilseussent été d’une même famille. Et pource que Dieu les avait affranchis afin qu’ilsfussent libres à jamais, cette façon a ététrès bonne pour nourrir entre eux un étatmoyen, d’empêcher que peu de gensn’attirassent tout à eux pour opprimer lamultitude. »

Le travail est ici un moyen pour obtenir ladignité à travers la loi divine, car le travaildiscipline l'esprit, il l'occupe dans un sens quiest celui de l'entendement, et non celui de lasatisfaction primitive des besoins.

Les réalisations sociales faites dans ce cadretémoignent alors de la vie communautairereconnaissant la toute puissance de Dieu et desa création. Il n'y a pas de place pour l'oisivetépuisque toutes les personnes sont égales devantDieu, et la loi répare les défauts qui seprésentent ; selon Jean Calvin :

« Vrai est que le magistrat pourraordonner des lois contre les dépensessuperflues, pour lesquelles il réprimerasans différence les excès et superfluités. »

12. L'interprétation grotesque de MaxWeber

On comprend tout à fait pourquoi JeanCalvin a souligné l'importance de ce qui estpour les chrétiens l'Ancien Testament. En effet,s'il entendait mettre en avant une moraleéconomique, il avait besoin d'un modèle desociété, et inversement.

On ne trouve pas cela dans le NouveauTestament, mais l'Ancien est parfaitement utilepuisqu'on y trouve de représenté unecommunauté organisée sur de nouvelles règles. Ilsuffisait seulement de les interpréter de manièreconforme aux exigences de sa propre époque.

Jean Calvin est ici quelqu'un qui produit unevision du monde, maniant de manièredialectique la forme idéologique et les exigencesmatérielles propres à la petite production

s'élançant dans le capitalisme génétalisé.

Il faut ici par conséquent raisonner en modede production. Ce n'est pas ce que fait MaxWeber, dans son œuvre très connue L'Éthiqueprotestante et l'esprit du capitalisme. Elle estaujourd'hui très décriée, et pour cause : MaxWeber raisonne uniquement sur le planindividuel, conformément à la sociologiebourgeoise, ce qui aboutit à des contradictionscomplètes pour quiconque connaît réellement lecalvinisme.

Son raisonnement est simple : leprotestantisme promeut l'ascétisme, et cela apermis l'accumulation de capital, donc de lancerle capitalisme, chaque capitaliste s'imaginant élude Dieu s'il parvient à triompheréconomiquement.

Voici ce que dit Max Weber, de manièrecorrecte en apparence et grotesque dans sesconclusions :

« Le calvinisme est la foi au nom delaquelle aux XVIe et XVIIe siècles ont étémenées de grandes luttes politiques etculturelles dans les pays Capitalistes lesplus développes : Pays-Bas, Angleterre,France. C'est pourquoi nous commence-rons par lui. A cette époque - voire de nosjours encore - le dogme calvinisteconsidéré comme le plus caractéristiqueest la doctrine de la prédestination (…).Dieu n'existe pas pour l'homme, c'estl'homme qui existe pour Dieu; et toute lacréation - même si pour Jean Calvin il esthors de doute que seule une petite fractionde l'humanité est appelée au salut éternel- ne prend son sens qu'en tant que moyende cette fin qu'est la glorification de lamajesté de Dieu.Appliquer les normes de la « justice »terrestre à ses décrets souverains estdépourvu de sens et insulte à sa majesté,car lui, et lui seul, est libre, c'est-à-diren'est subordonné à aucune loi. Nous nepouvons comprendre ses décrets, ou mêmeen prendre simplement connaissance, quedans la mesure où il lui plaît de nous lescommuniquer.Force nous est de nous en tenir à ces seulsfragments de la vérité éternelle; tout lereste - le sens de notre destin individuel -est entouré de mystères qu'il estimpossible de percer et présomptueux devouloir approfondir.Si, d'aventure, les réprouvés s'avisaient dese plaindre d'un sort immérité, ils se

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comporteraient comme des animaux quidéploreraient de ne pas être nés hommes.Car toute créature est séparée de Dieu parun abîme infranchissable et ne mérite quela mort éternelle, dans la mesure où Dieu,pour la glorification de sa majesté, n'en apas décidé autrement.Nous savons seulement qu'une partie del'humanité sera sauvée, l'autre damnée.Admettre que le mérite ou la culpabilitédes humains ait une part quelconque dansla détermination de leur destin reviendraità considérer que les décrets absolumentlibres de Dieu, et pris de toute éternité,puissent être modifiés sous l'influencehumaine - pensée qu'il n'est pas possiblede concevoir.Le « Père qui est aux cieux », le Père duNouveau Testament, le Père humain etcompréhensif qui se réjouit du retour dupécheur, comme le ferait une femme de lapièce d'argent retrouvée, se transforme icien un être transcendant, par-delà toutentendement humain, qui, de touteéternité, a attribué à chacun son destin eta pourvu aux moindres détails del'univers. Il en est ainsi en vertu d'arrêtsinsondables, irrévocables, au point que lagrâce de Dieu est aussi impossible àperdre pour ceux à qui elle a été accordée,qu'impossible à gagner pour ceux à quielle a été refusée (…).Le monde existe pour servir la gloire deDieu, et cela seulement. L'élu chrétien estici-bas pour augmenter, dans la mesure deses moyens, la gloire de Dieu dans lemonde en accomplissant lescommandements divins, et pour cela seul.Mais Dieu veut l'efficacité sociale duchrétien, car il entend que la vie socialesoit conforme à ses commandements etqu'elle soit organisée à cette fin. L'activitésociale du calviniste se déroule purementin majorem Dei gloriam. D'où il suit quel'activité professionnelle, laquelle est auservice de la vie terrestre de lacommunauté, participe aussi de cecaractère (…).Que l'activité temporelle soit capable dedonner cette certitude, qu'elle puisse être,pour ainsi dire, considérée comme lemoyen approprié pour réagir contre lessentiments d'angoisse religieuse, on entrouve la raison dans les particularitésprofondes des sentiments religieuxprofessés dans l'Église réformée (…).Si nous en venons à poser la question :quels sont les fruits auxquels le réformépeut reconnaître indubitablement la vraiefoi? une réponse s'imposera : la vraie foise reconnaît à un type de conduite quipermet au chrétien d'augmenter la gloirede Dieu.Quant à l'utilité de cette conduite, elle sedéduit de la volonté divine révélée

directement par la Bible ou indirectementpar l'ordre prémédité du monde qu'elle acréé (lex naturae). On était à même decontrôler son propre état de grâce,spécialement en comparant l'état de sonâme avec celui des élus de la Bible, parexemple celui des patriarches.Seul un élu possède réellement la fidesefficax, seul il est capable - en vertu de sanouvelle naissance (regeneratio) et de lasanctification (sanctificatio) de sa vie toutentière qui en découle - d'augmenter lagloire de Dieu par des œuvres réellement,et non pas seulement apparemment.bonnes.Conscient que sa conduite - du moins enson caractère fondamental et son idéalconstant (propositum oboedientiae) -repose sur une force qui œuvre en lui àl'augmentation de la gloire de Dieu, doncqu'une telle conduite est non seulementvoulue, mais surtout agie par Dieu, ilatteint au bien suprême auquel aspiraitcette religion: la certitude de la grâce (…).Autant les bonnes œuvres sont absolumentimpropres comme moyen pour obtenir lesalut - l'élu lui-même restant une créature,tout ce qu'il fait est infiniment éloigné dece que Dieu exige -, autant ellesdemeurent indispensables comme signesd'élection. Moyen technique, non pas sansdoute d'acheter le salut, mais de sedélivrer de l'angoisse du salut. »Selon Max Weber, le protestant disciplede Jean Calvin chercherait unesatisfaction à son angoisse : commentcombler le doute quant à son électiondivine ? Sera-t-il sauvé ? Il mettrait alorstout de côté, vivant une vie ascétique,pour se sacrifier dans une seule cause : laréussite matérielle.

Cette dernière serait le témoignage qu'il serasauvé. De cette attitude découlerait une batailleincessante pour l'accumulation de capital,permettant des investissements plus grands,donc un capitalisme plus grand, plus fort, etc.

C'est là bien sûr ne rien comprendre à laquestion de l'accumulation primitive. Lesattitudes dont parle Max Weber découlent ducapitalisme, elles ne peuvent pas en êtrel'origine. En effet, Max Weber pense expliquercomment sont les protestants calvinistes… Maisil n'explique pas, et pour cause, pourquoi desgens ont choisi d'être protestants calvinistes.

Pourquoi des gens iraient-ils abandonner lecatholicisme pour un protestantisme marqué parla prédestination ? Pourquoi n'auraient-ils pas,

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s'il le fallait, privilégié le protestantisme deMartin Luther ?

C'est qu'en réalité la prédestination neconcerne pas l'accumulation du capital ou lecapitaliste individuel en particulier, mais lesconditions propres au mode de productioncapitaliste en général.

Jean Calvin a été le théoricien de toute unevision du monde, conforme dialectiquement aucapitaliste individuel et au travailleur libre,dans le rapport dialectique entre la baseéconomique et la superstructure idéologique.

13. Briser le culte des images au nom del'entendement

En tant que vision du monde, le calvinismeavait à réaliser une tâche très importante. Lemouvement hussite – à la base duprotestantisme – avait attaqué vigoureusementl’Église catholique pour son utilisation desimages, dégradant la dignité de Dieu afin deservir des intérêts humains.

On a ici quelque chose de bien plus profondque l'argument catholique selon quoi leprotestantisme serait une simple révolte contreles abus des « indulgences », où le papemonnayait le pardon divin.

Les choses ont une dimension bien plusimmense : il en va de la dignité de l'être humainlui-même. L'être humain dispose del'entendement, et par conséquent il doitraisonner en toute indépendance, au moyen deDieu en tant que concept.

Il n'y a donc nulle place pour la superstition,et par conséquent pour le culte des « saints »,qui seraient un intermédiaire avec Dieu.

L'entendement ne s'appuie pas sur autrechose que lui-même, l'être humain sur autrechose que lui-même. L'être humain est face àDieu, par la raison ; il n'y a pas de place pourl'utilisation d'images comme intermédiaires.

L'être humain est face à lui-même, il doits'auto-exiger la morale, il ne doit pas atteindre

qu'on lui ordonne de l'extérieur.

Jean Calvin est par conséquent extrêmementstrict dans la mise en avant de la raison, contrela passivité qu'impliquent les images, et surtoutleur contenu proprement humain :

« Car d'où vient le principe de majesté àtoutes les idoles, sinon du plaisir etappétit des hommes ? »

L'image, appliquée à Dieu, réduit sa portéeet ne fait que répondre à des exigenceshumaines, par définition particulières et nonuniverselles. Préserver l'universel dans toute sadignité impose qu'on ne le réduise pas enl'exprimant graphiquement de manière partielle.

Le message universel a une signification ensoi relevant de la raison ; il n'est nul besoin d'en« ajouter » dans l'éducation. Tous les moyensemployés par l’Église catholique sont donc, pourJean Calvin, intolérables, une constructionartificielle à rejeter catégoriquement.

Comme il le souligne :

« Ce n'est point la manière d'enseigner lesChrétiens au temple, lesquels Dieu veut làêtre autrement endoctrinez que de cesfatras. Il propose une doctrine commune àtous, en la prédication de sa Parole et auxSacrements.Ceux qui prennent loisir de jeter les yeuxça et là pour contempler les images,montrent qu'ils ne sont guère affectionnezà l’adresse que Dieu leur donne. »

Ce qui est très important ici, c'est la manièreavec laquelle Jean Calvin oppose la multiplicitédes images à la dimension unique du sacrifice deJésus sur la croix, qui permet la dignitéhumaine en tant que telle.

La représentation n'est pour ainsi dire qu'unecaricature en particulier d'un acte dont laportée générale fait justement triompher laraison. Il ne faut pas faire un fétiche de laraison, mais raisonner, sur la base del'entendement : c'est lui qu'appelle Jésus, sinonil ne serait pas mort sur la croix, mais auraitfait de la « propagande » comme l'a justementfait l’Église catholique aux yeux de JeanCalvin :

« Paul témoigne que Jésus Christ nous est

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peint au vif par la prédication del’Évangile, voire crucifié devant nos yeux :de quoi donc servait-il d’élever auxtemples tant de croix de pierre et de bois,d'or et d'argent, si cela eut été bienimprimé au peuple, que Christ a étécrucifié pour porter notre malédiction enla croix? pour effacer nos péchez par sonsacrifice? nous laver par son sang, et nousréconcilier à Dieu son Père?Car de ceste simple parole on eut peu plusprofiter vers les simples, que de mille croixde bois ou de pierre. Quant à celle d'or etd'argent, je confesse que les avaricieux yseront plus attentifs qu'à nulles paroles deDieu. »

Toute représentation liée au divin est donctrompeuse : elle renforce un aspect humain,particulier, là où l'universel doit être vu. Onn'apprend par les images lorsqu'on traite del'universel. Il faut donc briser le culte desimages.

Jean Calvin expose donc ce qui est selon luile point de vue uniformément correct :

« Cependant pour ce que cette sottisebrutale a eu la vogue par tout le monde,d'appéter des images visibles pour figurerDieu : et de fait ils s'en sont bâtis de bois,de pierre, or, argent et toute matièrecorruptible : il nous faut tenir cestemaxime, toutes fois et quantes qu'onreprésente Dieu en image, que sa gloire estfaussement et méchamment corrompue(…).Je sais bien que cela est tenu comme uncommun proverbe, Que les images sont leslivres des idiots (…). Et quand Jérémie ditque c'est doctrine de vanité : et Habacuc,que l'image de fonte est un docteur demensonge, nous avons à recueillir de làune doctrine générale, Que tout ce que leshommes apprennent de Dieu par lesimages, est frivole, et même abusif.Si quelqu'un réplique que les Prophètesreprennent ceux qui abusent dessimulacres à superstition mauvaise, je leconfesse : mais je dis d'autre part (ce quiest patent et notoire à chacun) qu'ilscondamnent cependant ce que les Papistestiennent pour maxime infaillible : à savoirque les images servent de livres. Car ilsmettent tous simulacres à l'opposite deDieu, comme choses contraires, et qui nese peuvent nullement accorder. »

14. Les laïcs organisent l'Eglise au nomde Jésus

Le protestantisme est le prolongement direct

du hussitisme. On doit même parler d'identité,ce que bien entendu seul le matérialismedialectique est en mesure de constater. La formeet le contenu du hussitisme et du protestantismesont en tout point similaire.

De fait, de la même manière qu'on y retrouvele rejet des images, on a une remise en cause descérémonies religieuses traditionnelles et du rôlede l’Église et de son clergé.

Le vrai maître, c'est Jésus, qui parle àl'entendement, par conséquent tout doit tournerautour de lui. Son arrivée bouleverse la traditionqu'on trouvait dans l'Ancien Testament :désormais, chacun est égal face à Dieu.

Jean Calvin exprime cela de la manièresuivante :

« Dieu ne s'est jamais manifesté auxhommes, sinon par son Fils. C'est à dire,par sa seule Sagesse : Lumière, et Vérité.Or combien que cette Sagesse se futauparavant montrée et découverte enplusieurs manières : toutefois elle nereluisait point encore pleinement.Mais quand finalement elle a étémanifestée en chair, elle nous a déclaré àbouche ouverte, tout ce qui peut entrer deDieu en l'humain esprit, et tout ce quis'en doit penser: car certes l’apôtre n'apas voulu signifier une chose vulgaire,quand il a dit que Dieu avait parlé auxanciens Pères par ses Prophètes, enplusieurs sortes et plusieurs manières,mais qu'en ces derniers jours il a parlé ànous par son cher Fils. »

Jésus est le prétexte à la remise en cause del'ordre féodal.

L'un des grands symboles de la révoltehussite était justement le calice, car le clergédevait céder la place aux laïcs qui eux aussidevaient pouvoir boire le vin, c'est-à-dire le sangdu Christ. De fait, dans le protestantisme, etencore plus avec Jean Calvin, les masses ontaccès au divin, qui de fait s'humanise.

Les masses ont ainsi accès au pain et au vinlors de la cérémonie rappelant la Cène, ledernier repas de Jésus avec les apôtres.Critiquant Martin Luther qui tente de conjuguerun aspect à la fois matérialiste et mystique dansle pain et le vin, Jean Calvin considère qu'il ne

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s'agit bien que de pain et de vin, rien de plus,certainement pas du « corps du Christ ».

Ce sont simplement des signes, fournis par leSaint Esprit et par là plus que des signes : cesont en quelque sorte des paroles divinesvisibles. D'ailleurs, lorsqu'on baptise les enfants,cela ne consiste plus qu'en la récitation d'uneconfession de foi devant l'église.

Comme on le voit, Jean Calvin ne fait pas de« fétiche » ; tout est dans la « parole », liée àl'entendement, cette parole ayant une dimensiondivine de par le rôle du Saint Esprit,intermédiaire en quelque sorte entre Dieu et leshumains. Calvin résume ce point de vue de lamanière suivante :

« Celui-là obtempère à Dieu, qui étantenseigné de sa volonté, va où elle l'appelle.Or où est-ce que Dieu nous enseigne de savolonté, sinon en sa Parole ? »

Jean Calvin mentionne également ce passagede l'Apocalypse (19:10) :

« Et je tombai à ses pieds pour l'adorer;mais il me dit: Garde-toi de le faire! Jesuis ton compagnon de service, et celui detes frères qui ont le témoignage de Jésus.Adore Dieu. -Car le témoignage de Jésusest l'esprit de la prophétie. »

Jean Calvin fait un grand nettoyage : ilsupprime tous les moyens superstitieuxd'influencer le divin. Il n'y a pas dans lestemples calvinistes de crucifix, aucunedécoration : l’entendement prime sur tout.

Constatant les prétendues gouttes de lait dela Vierge Marie qu'on trouve à profusion, JeanCalvin constate ironiquement :

« Tant il y a que si la Sainte Vierge eûtété une vache et qu’elle eût été nourricetoute sa vie, à grand peine en eût-elle purendre telle quantité. »

Il n'y a donc dans le calvinisme plus de «saints », il n'y a plus de prières pour les morts,il n'y a plus de gestes comme les signes de croix,il n'y a plus d'objets tels les cierges, il n'y aplus de vêtements spécifiques, il n'y a plus demusique, il n'y a plus aucune image.

Cela va de pair avec la dénonciation de lasuperstition et de la futilité par rapport à la

recherche de la dignité individuelle permise parla figure de Jésus :

« Au lieu de chercher Jésus-Christ en saparole, en ses sacrements et en ses grâcesspirituelles, le monde, selon sa coutume,s’est amusé à ses robes, chemises etdrapeaux. »

Dans ce cadre, le « purgatoire », inventéquelques siècles auparavant par l’Église, est unenotion supprimée.

On n'a plus non plus de clergé faisant faceaux fidèles, mais une même voix alternant, avecle prêche d'un « ministre » et les chants desfidèles, car il n'y a plus de structure à part,seulement une « administration de la parole deDieu ».

Le rôle des « ministres » est parfaitementdéfini, et ne relève jamais du sacerdoce. Ontrouve ainsi un « pasteur », le seul ministrepouvant ici remplacer les autres ; il est cooptépar les autres pasteurs ou choisi par un «consistoire » communautaire. A côté de cela ontrouve un « docteur » qui enseigne aux fidèles ladoctrine religieuse, ainsi qu'un « diacre », dontle rôle est de s'occuper des pauvres et desmalades.

Le dernier poste est celui de « l'ancien ».C'est un statut très particulier : les anciens sontchoisis dans la communauté, avec l'accord despasteurs. Ils participent alors au « consistoire ».

Mais dans ce « consistoire », les anciensforment les 2/3 des présents, les pasteurs 1/3.Cela signifie que les laïcs ont l'hégémonie dans «l'église » locale ; ce sont eux qui ont lesprérogatives morales et juridiques.

Les pasteurs doivent d'ailleurs prêter unserment de respecter la légalité et de reconnaîtrepar là que leur rôle n'est qu'utilitaire dans lecadre de la communauté.

C'est là la clef : Jean Calvin inaugure unenouvelle époque, celle où la communauté civiledevient le coeur de la société, et non plus leclergé, avec la noblesse en arrière-plan. Cettedimension progressiste, anti-féodale, est portéepar la bourgeoisie naissante.

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Jean Calvin et l'avènement de l'individu

Jean Calvin représente à ce titre le meilleurde ce qui est né en France au XVIe siècle.

Première édition : mai 2015

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