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N. 41 - Edition française - Avril - Mai 1996 Anno XII - Semestre I n. 2 - Sped. abb. post. - (50 % - TO) - Tassa Riscossa, Taxe perçue - Torino CMP Jean -Pierre Carafa, le Pape Paul IV

Jean -Pierre Carafa, le Pape Paul - Sodalitium · 2016. 7. 12. · torfius (3) et de l’abbé Giulio Bartolocci (4). Cet article naît de l’exigence de compléter les études sur

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N. 41 - Edition française - Avril - Mai 1996

Anno XII - Semestre I n. 2 - Sped. abb. post. - (50 % - TO) - Tassa Riscossa, Taxe perçue - Torino CMP

JJeeaann --PPiieerrrree CCaarraaffaa,, llee PPaappee PPaauull IV

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parce qu’elle nous paraît résumer de manièreconcise et exemplaire les critiques qui sontémises à ce qui est aussi notre position.

Sommaire

“Sodalitium” Périodique - Bulletin Officiel de l'Institut Mater Boni Consilii - Loc. Carbignano, 36 - 10020 VERRUA SAVOIA (TO)- Italie - Téléphone de l'Italie 0161-839.335; Fax 0161- 839.334 - Téléphone de France 19.39.161.839.335 - C/CP 24681108 - Direc-teur de la publication: M. l'abbé Francesco Ricossa - Aut. Trib. n. 116 du 24-2-84 - Imprimé en Italie par l'Institut Mater Boni Consilii.

Editorial p. 2Foi, morale et rites de la religion juive p. 3“Le Pape du Concile” (XVIIIème partie) p. 12L’Osservatore Romano p. 28La voix du Pape p. 40Que Votre Volonté soit faite sur la terre comme au ciel p. 41Nouvelles du modernisme p. 55LETTRE: Le problème de l’“Una cum” p. 56DÉBAT: Qui est l’évêque de Campos? p. 58Julius Evola, homme traditionnel ou cabaliste? p. 59RECENSIONS: Une vie pour l’Eglise p. 67

Le journal du Père Chenu p. 69Vie de l’Institut p. 71

EditorialEditorial

“Quelques prêtres estiment par-

fois que la critique de certainsactes politiques des papes et de

certaines de leurs initiatives en apparencepurement religieuses, comme l’ActionCatholique, relève de l’anticléricalisme.Pour eux, que l’on pourrait tout autant accu-ser d’osciller entre la papolâtrie et un sédé-vacantisme larvé, tout est bon chez les papesantérieurs à Jean XXIII et tout est mauvaischez leurs successeurs”. Telle est l’opiniondu célèbre écrivain traditionaliste DanielRaffard de Brienne dans la recension (élo-gieuse) d’un livre néfaste, qui malheureuse-ment (nous le disons au nom de l’affectionque nous lui portons) a obtenu une préfacede Mgr Williamson (l’un des quatre évêquesconsacrés par Mgr Lefebvre).

Nous n’avons aucune intention de polé-miquer avec l’auteur de cette citation (qui, aumoins explicitement, ne nous est pas adres-sée) ni avec la revue littéraire, à tant d’égardsbien méritante, qui l’a publiée (il s’agit deLecture et Tradition, n° 219-220, p. 43). Sinous mettons l’accent sur cette phrase c’est

La crise que l’Eglise traverse actuellementest une crise de l’Autorité. C’est aussi unecrise contre l’Autorité. Le titre d’un livre surVatican II, qui exprime parfaitement ce quiest arrivé pendant le Concile: Le Rhin se jettedans le Tibre est resté justement célèbre; “leRhin”, c’est-à-dire les évêques et les théolo-giens des pays baignés par ce fleuve, s’est jetédans le “Tibre”, c’est-à-dire a attaqué etsemble avoir vaincu avec l’appui décisif deJean XXIII et de Paul VI, l’autorité du Pape,de son Magistère et de la “théologie romaine”.Dans ce numéro de Sodalitium nous publionsune recension de l’impressionant journal quele Père Chenu, un des principaux responsablesdu virage conciliaire, tint durant Vatican II.De ces pages émerge toute l’hostilité, on diraitpresque la haine, de ces théologiens enversRome et envers le Pape (mais pas envers JeanXXIII!), envers le Magistère pontifical, déclas-sé en “théologie romaine”, envers les bons ca-tholiques, accusés, précisément, de... “papolâ-trie”. Il s’agit, évidemment, d’une calomnie (iln’a jamais existé un catholique qui ait adoré lePape comme s’il était Dieu), mais qui trahit unétat d’âme antique et enraciné.

Sur la couverture: monument funéraire du Pape Paul IV, que fit ériger son successeurSaint Pie V, dans la Basilique Sainte Marie Minerve à Rome.

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Si le modernisme est nécessairementcontre le Pape et contre Rome, les oppo-sants au modernisme ne devraient-ils pas, aucontraire, être les plus fidèles partisans del’autorité du Pape, même et surtout danscette délicate période de vacance formelledu Siège Apostolique? Nous avons déjà ditcombien nous sommes préoccupés deconstater entre les rangs des fidèles à laTradition un esprit anti-papal croissant quine peut conduire, à la longue, qu’à la consti-tution d’une “église” semblable aux soi-di-sant églises “orthodoxes”. D’autres signesinquiétants de cet esprit sont signalés dansce numéro aux pages 58-59.

Alors, ce n’est pas par hasard que nousconsacrons ce numéro de Sodalitium (lacouverture, un florilège de citations, une re-cension) au Pape Paul IV. Parce qu’il futPape. Et puis parce que, étant pleinementempreint de la dignité de son rôle il incarna,durant la révolte protestante si semblable àcelle d’aujourd’hui, l’esprit des grands Papesmédiévaux, tels Saint Grégoire VII etInnocent III, et prépara le glorieux règne deSaint Pie V.

Ce n’est pas pour cela que nous nous re-connaissons dans la caricature qui vient d’êtrefaite des “papolâtres”. Justement Paul IV, en-core cardinal, sut sans aucune servilité et au-cune désobéissance, conseiller, admonester etmême blâmer ses prédécesseurs trop faiblesdans la lutte contre l’hérésie. Nous savonstrès bien que plusieurs Papes ont pris des dé-cisions contingentes différentes; que certainsfurent des saints, et d’autres des pécheurs.Mais à tous, en tant que Pontifes légitimes, val’obéissance et le respect des catholiques,parce qu’en tous et par l’intermédiaire detous c’est le Christ qui parle et qui gouvernel’Eglise! En chaque vrai et légitime Pape c’estl’Apôtre Pierre que nous aimons et que noushonorons, c’est à lui que nous obéissons:“afin que - écrivait déjà Saint Léon le Grand -en mon humble personne, c’est à Pierre quevous penserez, c’est lui que vous honorerez,lui en qui persévère la sollicitude de tous lespasteurs et la garde des brebis qui leur sontconfiées et dont la dignité aussi ne disparaîtpas dans son indigne héritier” (cf. BreviariumRomanum, commun des Papes).

Si l’on pense, si l’on écrit, que “nous de-vons juger ce qui nous vient de Rome”(comme l’a fait Alain Kerizo en recensant fa-vorablement dans Sous la Bannière, n° 61, p.15, un autre livre néfaste dont nous avons déjà

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parlé, celui de Jean Raspail) on détruit, peut-être inconsciemment, la règle prochaine de lafoi, qui consiste dans l’enseignement du Pape.Celui qui pense - comme l’auteur sus-nommé -que Jean-Paul II a l’autorité pontificale nepeut “juger” l’enseignement du Pape sans seconstituer au-dessus du Pape lui-même.

Sommes-nous pour cela “papolâtres”?Certainement non. Mais nous ne nous scan-daliserions pas si nous nous voyions appelés“papistes”, “cléricaux”, “guelfes”, “inté-gristes” ou quelque chose d’autre, soit parcertains traditionalistes (qu’ils soient sédéva-cantistes ou lefebvristes) soit par les nom-breux conventicules ésotéristes. Il s’agit sou-vent de deux cas distincts; mais les motiva-tions de notre opposition aux deux sont ra-dicalement les mêmes: nous sommes, nousvoulons être, seulement catholiques romainset, au-delà de toute étiquette, pour nousprésenter il suffit de dire: “Chrétien est monprénom, et catholique mon nom”.

C’est celle-là, et pas une autre, la lignedu journal, et de tous les membres del’Institut Mater Boni Consilii.

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La question juive

FOI, MORALE ET RITESDE LA RELIGION JUIVE

Par M. l’abbé Curzio Nitoglia

TRODUCTION

n entreprenant ce court article pourmontrer au lecteur quel est encore au-

urd’hui le cérémonial et la morale dudaïsme en tant que religion, je me servirairtout de l’ouvrage du rabbin vénitien Leon Modena (1), du rabbin converti au catholi-

sme Paolo Medici (2), de Johannes Bux-rfius (3) et de l’abbé Giulio Bartolocci (4).

Cet article naît de l’exigence de compléters études sur la question juive et d’illustrerur le lecteur la religion du Judaïsme post-rétien A PARTIR DE SON RITUEL et la morale qui s’ensuit. Pour ce faire et poure nécessaire objectivité j’ai utilisé les ou-ages d’un rabbin, d’un juif converti au

hristianisme, et de deux catholiques.Le juif converti Paolo Medici écrivait

ns son livre: “Je me suis… résolu à vous

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Adam, bien avant de créer Eve, il lui donnapour compagne une femme de terre qui s’ap-pelait Lilit. D’après cette croyance Lilit se dis-puta avec Adam, ne voulant pas lui être sou-mise, blasphéma le nom ineffable de Dieu ets’enfuit. Dieu alors envoya ces trois angespour convaincre Lilit de retourner à son mari,et, si elle obéissait, tout se terminerait bienalors que si elle désobéissait, cent diables misau monde par elle-même (c’est-à-dire ses en-fants) mourraient chaque jour. Elle refusad’obéir et dit que sa mission serait celle detuer les nouveau-nés (dix jours après leur nais-sance pour les garçons et trente jours aprèspour les filles), sauf ceux dont les noms se-raient écrits sur quelque cédule. Elle acceptadonc la peine prescrite, c’est-à-dire que mour-raient quotidiennement cent de ses enfants.C’est en raison de cette croyance que les juifsécrivent dans les chambres des accouchées lesnoms des anges, pour obliger Lilit à ne porteraucun dommage à l’enfant à naître. Cette pra-tique met en évidence l’AVEUGLEMENT duJudaïsme talmudique, qui attribue au diable, puresprit, la faculté de mourir (10).

LA CIRCONCISION

La nuit précédant la circoncision denombreux hommes et femmes se réunissentdans la maison où le lendemain matin doits’accomplir le rite. Après un bref discoursdu rabbin en l’honneur de la circoncision,tous jouent de la musique, dansent, man-gent, boivent. Puis, alors que certains ren-trent chez eux, les autres restent toute lanuit pour protéger le bébé des embûches dela sorcière Lilit. La pièce destinée à la cir-concision est ornée de beaucoup de sièges,parmi lesquels il y en a un spécial sur lequelpersonne ne s’assoit; seul y est déposé le vo-lume de l’Ancien Testament ouvert puisqueles juifs croient qu’au moment de la circon-cision le prophète Elie vient s’y asseoir (11).

Leon da Modena aussi confirme ce céré-monial. “Le matin [de la circoncision] sontpréparés deux sièges ornés de soie, l’un pourle parrain, l’autre, d’après certains, au nomdu prophète Elie, qui toujours invisible seretrouve dans toutes les circoncisions” (12).

L’exécuteur (Mohel) doit être unhomme et est reconnaissable aux ongles despouces plus longs que ceux des autresdoigts. C’est lui qui entonne l’hymne de lacirconcision qu’il chante avec les assistants.L’hymne terminé, le parrain s’assoit sur la

présenter ce livre… d’utilité, vous fournis-sant de brefs et clairs motifs pour réfuter etmettre en évidence LA FAUSSETE DESRITES JUDAIQUES dont les juifs sont en-flés et superbes, en se vantant faussementd’être les observateurs de ce que prescrit lasainte Loi” (5). Il réfutait le traité du rabbinLeon da Modena, lequel, à son avis, “taitmalicieusement une bonne partie des céré-monies que pratique le Judaïsme, pour fuirla honte et la confusion qui pourrait en ad-venir à la nation juive” (6) (7).

La description de certains rites, chez Leonda Modena, est cependant si chargée d’ori-peaux qu’elle en vient presque à en cacher lefond superstitieux et pour cela nous verrons“les étranges rites que pratique, à présent, lamisérable Synagogue, privée de la connais-sance de Dieu et, comme peine du déicide,abandonnée et réprouvée par Lui” (8).

La RECOMMANDATION que Medicifait dans l’introduction de son livre peut valoiraussi pour nous: “Cher ami lecteur, je vous priede NE PAS RIRE, ce qui pourrait vous arri-ver, en lisant des choses aussi extravagantes.EXCITEZ-VOUS plutôt aux LARMES enconsidérant à quel degré de misère est réduitela très malheureuse Synagogue” (9).

Le même Medici, dans une lettre d’intro-duction “au lecteur juif”, affirme que leJudaïsme post-biblique par pur caprice veutpersister volontairement en une malheureusecécité, raison pour laquelle il se résoud à écri-re avec l’intention de faire comprendre à sesex-coreligionnaires que ce qu’ils observent duCérémonial n’est rien d’autre qu’une pureSUPERSTITION, puisqu’avec la venue duMessie le Cérémonial de l’Ancienne Alliancea cessé d’être en vigueur. Il proteste en outreque dans la narration des Rites et des cou-tumes juives il n’y aurait pas de parole qui nesoit pas le plus fidèlement tirée des livres lesplus autorisés et authentiques de la Synagoguejuive elle-même, c’est-à-dire le Magazor (ouRituel), le Sulchanharuh et le Talmud.

LE PASSE: LA NAISSANCE CHEZ LESJUIFS

Aux quatre angles du lit des nouveau-nés sont écrites en caractères hébreux lesparoles: “Sanvi, Sansanvi, Samangalef,Adam, Eve, dehors Lilit”.

Sanvi, Sansanvi et Samangalef sont pourles juifs les noms de trois anges; Lilit aucontraire serait une sorcière: quand Dieu créa

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chaise qui lui est réservée; entre alors dansla pièce de la circoncision la marraine avecl’enfant sur les bras, accompagnée de nom-breuses autres femmes, elle va vers la chaisepréparée pour le prophète Elie, cru déjà làprésent et le salue avec une profonde incli-nation. La chaise d’Elie étant donc laissée,la marraine porte l’enfant à l’endroit de lacirconcision, le tend au parrain qui le prend,le pose sur ses genoux et commence l’opéra-tion pour laquelle on se sert aussi des longsongles des pouces (13).

L’EDUCATION DES FILS

A douze ans les petits garçons reçoiventl’explication de quelques passages del’Ancien Testament et sont instruits dansl’étude du Talmud: les plus doués s’adon-nent à l’étude de la Cabale.

Dans le Talmud sont contenus des blas-phèmes contre Dieu, non seulement contreNotre-Seigneur Jésus-Christ (14), mais aussicontre Dieu le Père: “Dieu fait oraison, …jouetrois heures par jour, DISPUTE AVEC LESRABBINS ET RESTE VAINCU, les bien-heureux au ciel ne croient pas en lui, …DIEUPEUT PECHER…”! Medici affirme ne pasavoir lu ces choses dans les livres des auteurschrétiens, mais de “les avoir dans mon enfanceapprises dans les livres [juifs]” (15).

L’AUTORITE DES RABBINS

Les jeunes juifs qui ont poursuivi lesétudes sont appelés Maschil (savant), ouCaver de Rab (compagnon du rabbin); à un ni-veau plus élevé Chaham, c’est-à-dire rabbinou sage. C’est parmi eux qu’est élu pourchaque ville un rabbin de la communauté(Chaham de Kaàl), chargé de résoudre les in-certitudes concernant les choses permises, decélébrer les mariages, de déclarer les divorceset d’excommunier les délinquants (16).

LES PRETRES ET LES LEVITES

Avant que les juifs n’adorassent le Veaud’or dans le désert, tandis que Moïse parlaitavec le Tout-Puissant (environ 1280 avantJ.-C.), tous les premiers-nés étaient desprêtres consacrés au culte de Dieu, maisaprès le péché d’idolâtrie les LEVITES (dela tribu de Lévi) furent choisis à leur place,avec la différence qu’Aaron, ses fils et leursdescendants étaient destinés au sacerdoce,

alors que les membres des autres familles dela tribu restèrent de simples clercs consacrésau culte de Dieu. Ce sacerdoce de la FA-MILLE d’Aaron de la TRIBU de Lévi durajusqu’à la venue de Notre-Seigneur Jésus-Christ. “Il ne manque pas non plus de nosjours des juifs menteurs, qui se vantent faus-sement d’être des descendants de la maisond’Aaron, se font passer pour des prêtres…

Cela est tout à fait faux puisqu’AVECLA DESTRUCTION DE JERUSALEM etdu Temple ILS ONT [les juifs] PERDU LACONNAISSANCE DE LA TRIBU, de ma-nière à ce qu’il y en ait aucun qui puisse direavec vérité d’être de telle ou telle tribu” (17).

LES PRIERES

Les juifs ont l’habitude de réciter le Cadish,qui est une “louange” à Dieu, à la fin de la-quelle les assistants répondent: ‘Amen’. Lestalmudistes enseignent qu’à ce moment Dieusecoue la tête et dit “Malheur au Père qui aenvoyé les fils en esclavage et malheur aux filsqui sont privés de la table de leur Père” (18).C’est une habitude typiquement talmudiquede juger Dieu comme impuissant et incapablede libérer un peuple de l’esclavage (19)!

Quant à la MANIERE DE PRIER, lesjuifs n’ont pas la manière de chanter alternati-vement avec deux chœurs distincts, commecela se fait au contraire dans l’Eglise, et pen-dant qu’ils prient ils ne restent jamais immo-

Le frontispice de la “Bibliotheca magna rabbinica” de l’abbé Giulio Bartolocci

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biles, remuant toujours la tête en avant et enarrière, ou à droite et à gauche. Dans la syna-gogue ils n’ôtent pas leur chapeau et prati-quent une oraison exclusivement vocale, l’orai-son mentale n’existant pas. Medici parle aussi(en le confirmant) de l’homicide rituel (20).

LES SONGES

“La foi que les juifs prêtent au songe estune chose incroyable. Ils croient que la bontéou la méchanceté du songe consiste dans le faitd’être bien ou mal interprété… La méthodequ’ils suivent pour annuler la méchanceté d’unsonge, quand il est néfaste, est de jeûner le len-demain… Celui qui a rêvé jeûne tout ce jour, etvers le soir il va voir trois rabbins… à qui il ditsept fois…: “J’ai vu un bon songe”. Et eux au-tant de fois répondent “Tu as vu un bon songe,et qu’il soit bon, Dieu fasse qu’il soit bon”…Les juifs sont si crédules aux rêves qu’il neleur est permis à aucun titre de jurer le jour duSabbat, excepté pour cause de songes…” (21).

La théorie des songes a aussi un rôle fon-damental dans la psychanalyse freudienne,d’origine talmudico-cabalistique (22).

LE SERMENT

Les rabbins affirment dans le Talmudque Dieu demande pour lui l’absolution parle serment qu’il aurait fait de tenir commeesclave parmi les nations du monde lepeuple israélite (23)!

LA CONFESSION

Les juifs n’ont pas la confession auriculai-re comme les catholiques, mais possèdent unecertaine formule qui procède par ordre alpha-bétique, dans laquelle sont décrits tous lesvices et les péchés que l’on peut commettre.Les rabbins exhortent les fidèles, au cas où ilsont commis un péché, à ce que, arrivés à lalecture de la formule où est désigné ce péché,ils le confessent à Dieu sans que personne neles écoutent. La formule de la confession estrécitée deux fois par jour, le matin et après ledîner, avec la tête un peu inclinée et la maingauche étendue sur les yeux (24).

LA FETE DU SABBAT

Dans son analyse Medici nous informeque les juifs “entendent célébrer le Sabbat,mais non SANCTIFIER le Sabbat…La ma-

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nière dont…ils s’y préparent n’est pas de s’ypréparer par des actes méritoires et ver-tueux, mais plutôt blâmables, puisqu’ilscherchent tout au long de la semaine, quelest l’aliment le plus savoureux au palais etl’animal le plus gras…” (25). Et encore,d’après l’enseignement des rabbins, durantle Sabbat tout juif aurait une âme en plus(26), ce qui justifie le conseil de manger plus(pour alimenter l’âme supplémentaire!) (27).

L’ENFER ET LE PARADIS

La Synagogue, à cause de la perte del’assistance de Dieu, a perdu aussi l’unité dela foi, c’est pourquoi il est très difficile detrouver une concordance entre les rabbinsmême sur les doctrines religieuses.

Ceci est évident, par exemple, en ce quiconcerne l’enfer; les théories et opinions surlui sont très variées et peu en admettentL’ETERNITE. Le Talmud (28) nie l’éternitédes peines pour les juifs, tous destinés ausalut; les rabbins enseignent communémentque pourvu qu’on persiste dans le Judaïsme,UN JOUR les peines des pécheurs mortsdans le péché DEVRONT SE TERMINER.D’autres au contraire affirment que la peinede l’enfer dure seulement DOUZE MOIS!

Quant aux anges et aux démons, pour lesrabbins, ce sont des créatures corporelles etmatérielles qui se tachent de péchés de luxure.

LE PRESENT

“Mais aujourd’hui - se demandera le lec-teur - les choses sont-elles encore ainsi?”.Naturellement le juif talmudiste orthodoxepense encore de cette manière et il n’est pasdifficile de le prouver: même si un “catéchis-

Le frontispice de la “Synagoga Judaica” de Johannes Buxtorfius

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me” de la Synagogue juive actuelle fait dé-faut, outre les traités fondamentaux déjàcités, on signale des livres de publication ré-cente qui touchent certains des sujets objetde la présente étude.

Au sujet de la sorcière Lilit, on peut liredans la Piccola Enciclopedia dell’Ebraismo:“LILIT, démon de sexe féminin, …apparaîtsouvent dans la littérature talmudique… Ellea la double fonction de séduire les hommes(même contre leur volonté…) et de mettreen danger les femmes enceintes en essayantde provoquer la mort des enfants nouveau-nés… L’usage de se servir d’amulettes pourse protéger de LILIT est très répandu…”(29). Reste l’actuelle absurdité d’un démon(qui est un pur esprit) de sexe féminin et sacapacité de forcer la volonté de l’homme.

Sur la seconde âme du Sabbat on peutlire encore aujourd’hui: «Dès le commence-ment du “Shabbath”, le juif resplendit d’unelumière particulière: Dieu lui accorde eneffet une “AME SUPPLEMENTAIRE”»(30); et par ailleurs: “On considère aussi pos-sible qu’UNE AME PUISSE ETRE COM-PLETEE PAR UNE AUTRE. Ainsi on af-firme l’idée de l’AME DU SABBAT, quiétait ajoutée à l’âme que l’homme possédaittous les autres jours” (31). Et, d’aprèsGugenheim, “l’officiant récite la bénédic-tion sur le vin… dont le parfum a le but deretenir L’AME DE TOUS LES JOURS quivoudrait suivre… L’AME DU SHABBA-TH, quand elle s’en va” (32).

Sur la présence du prophète Elie à chaquecirconcision on lit: “Une CHAISE SPECIA-LE est préparée POUR LE PROPHETEELIE, …qui préside invisiblement la cérémo-nie…” (33); et encore “une chaise libre (…LACHAISE D’ELIE) symbolise sa présence à lacirconcision d’un nouveau-né…” (34).

Concernant ensuite la religion juive ac-tuelle, les paroles de Elia S. Artom, écrites ily a une cinquantaine d’années et destinées “àdiriger dans la pratique de la vie juive” sontéclairantes (35): «Israël est [toujours, n.d.r.]royaume de prêtres et nation consacrée.…Israël est prêtre en tant qu’il lui est confiéune fonction à remplir… au milieu de tous leshommes; ISRAEL est consacré en tant qu’ilest PLACE A UN GRADE PLUS ELEVEQUE LES AUTRES NATIONS… La fonc-tion qu’Israël doit accomplir est… celle depréparer avec ses actes… la venue du tempsoù tous les hommes reconnaîtront de fait cequ’on appelle… “royaume céleste”, c’est-à-

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dire la souveraineté de l’unique Dieu [quenous savons être Jésus Lui-même, n.d.r.]» (36).

De ce principe ethnique de la missiond’Israël (37) il découle en conséquence que: “Lemariage ne peut avoir lieu qu’entre juifs. Uneunion entre un juif… et une personne étrangè-re au Judaïsme est… interdite… C’est une desnormes qui ont le plus puissamment contribuéà maintenir ferme l’organisation d’Israël: l’in-sertion dans la famille juive d’éléments, mêmetrès bien, d’une autre origine… ne peut quecontribuer à l’assimilation d’Israël et donc… àsa destruction… Les juifs [donc], en tant queprêtres de l’humanité, doivent TOUJOURSconstituer une MINORITE CHOISIE au mi-lieu des autres. Bien plus, est de règle commecondition nécessaire pour faire partie duJudaïsme celle d’y appartenir depuis la nais-sance. L’œuvre de diffusion de ces principes…qui, au moyen d’Israël, devaient s’étendre… àtous les hommes, ne peut consister en une pro-pagande faite par la parole pour amener lesautres à embrasser le Judaïsme, mais dans l’ac-tion afin d’atteindre un degré élevé de sainte-té, QUI NOUS IMPOSE à l’admiration desautres et FASSE NAITRE en eux LE DESIRDE SUIVRE NOS PAS” (38).

On peut dire que de nos jours cette aspi-ration s’est amplement réalisée.

LE SYSTEME JURIDIQUE

Le système juridique du Judaïsme estfondé essentiellement sur le Talmud babylo-nien; au cours des siècles, cependant, il asubi des codifications et des simplificationsde la part de certains talmudistes célèbresqui ont réussi à transmettre fidèlement leSENS du texte d’origine, pas toujours acces-sible à tous à cause de sa complexité (39).

Le docteur Israel Shahak, président de laLigue Israélienne des droits de l’homme, aécrit un intéressant appendice à l’article Lareligion juive et ses attitudes par rapport auxautres Nations (40), sous le titre Lois talmu-diques et rabbiniques contre les Nations (41).Dans son écrit Shahak, se fondant sur leTalmud et sur ses meilleures codificationsexactement citées, affirme que si le meurtred’un juif est un crime capital, la situationchange radicalement si la victime est un goy(42); en effet un juif qui tue un non juif estcoupable seulement devant Dieu, et ce péchén’est pas punissable par un tribunal humain.

Déjà David Halévi (43), au XVIIèmesiècle, avait écrit sur le même thème que,

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quand il s’agit d’un païen, “… il ne faut paslever la main dans le but de lui faire du mal,mais on peut lui nuire indirectement, parexemple en retirant l’échelle s’il est tombédans une crevasse” (44).

Quand en guerre on tombe sur un civilde la partie adverse, non seulement on peut,mais même on doit le tuer (45). Ainsi, si ledevoir de sauver la vie à un juif d’après laHalakhah est primordial (46), il n’en est pasdu tout de même pour les païens (47), bienqu’il soit défendu de les tuer directement.

Cette obligation de nuire aux non juifssubit des limitations au cas où, une fois dé-couvert, cela peut susciter de l’hostilitécontre les juifs: par exemple un médecin juifqui se refuserait de sauver la vie à un nonjuif (48).

La violation du Sabbat est permise poursauver la vie d’un juif, alors que le Talmudinterdit de sauver la vie à un goy même du-rant la semaine (49); ensuite il y a différentscas de conscience résolus selon la casuis-tique judaïque, comme, par exemple, la pos-sibilité de violer le Sabbat pour sauver la viede plusieurs personnes dans l’éventualitéque parmi elles il y ait un juif (50).

D’après la Halakhah, les juifs ne doiventpas permettre à un goy de devenir supérieurd’un juif, et cette disposition s’applique mêmeaux convertis au Judaïsme et à leurs descen-dants jusqu’à la dixième génération (51).

Les cadeaux aux goyim sont interdits,sauf s’ils servent pour obtenir quelque profit,dans ce cas ils perdent leur caractère illicite,alors que les critiques sur la conduite et surl’habillement du goy sont toujours justifiées.

ETRE JUIF... AUJOURD’HUI

La voix autorisée du Grand Rabbin deRome Elio Toaff a récemment confirmé etapprofondi tout ce qui a été exposé ici, dansune interview accordée à Alain Elkann (en-seignant de littérature italienne à laColumbia University de New York), dans la-quelle il répond à ces questions: qui sont lesjuifs, est-ce un peuple ou une religion, enquoi croient-ils, etc.

Les réponses de Toaff sont d’une grandeimportance pour comprendre l’essence duJudaïsme actuel.

Tout d’abord le Professeur Toaff affirmeque “les juifs… sont un peuple qui a sa reli-gion” (52); LES DEUX CHOSES, PEUPLEET RELIGION JUIVE, NE SONT JA-

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MAIS SEPAREES, puisque les juifs sontliés entre eux non tant par la langue, que parla “religion et [par] l’appartenance aupeuple juif” (53). L’IDENTITE JUIVE ESTCONSTITUEE SURTOUT PAR L’AP-PARTENANCE AU PEUPLE JUIF, etmême les juifs qui ne sont pas religieuxmaintiennent un lien solide avec leJudaïsme, précisément “en tant qu’ils appar-tiennent au peuple juif” (54).

Etre juif orthodoxe signifie accepter“tout ce qui est écrit dans la Torah et tout cequi est écrit dans le Talmud” (55).

Le point fondamental du Judaïsme est,évidemment, le monothéisme, interprété demanière antitrinitaire. “L’unité de Dieu…l’unité de l’humanité” sont, selon Toaff, lefondement du Judaïsme. A la lumière de ceciil est donc facile de comprendre ce qui secache derrière l’œcuménisme d’aujourd’hui,selon lequel les catholiques, les juifs et les mu-sulmans adoreraient un seul Dieu et devraientpar conséquent former un seul peuple (56).

Le peuple juif est encore aujourd’hui lepeuple élu et a «la mission [d’être] “unroyaume de prêtres, une nation consacrée”,PRETRES DE L’HUMANITE et consacrésà la diffusion du monothéisme dans lemonde» (57). Les prêtres de l’humanité, quidoivent répandre dans le monde entier l’idéedu monothéisme antitrinitaire, se servent des“prosélytes de la porte” (ceux qui n’appar-tiennent pas au peuple juif mais en embras-sent le “credo”) pour le répandre partout.

“Le peuple juif est prêtre de cette reli-gion monothéiste qui doit porter à tous,NON la religion JUIVE, mais la religion duDieu unique. Dans le Talmud on dit quequand tous les peuples seront monothéistes,le Messie viendra sur la terre, c’est-à-dire àl’époque de la fraternité universelle” (58).

La religion du Dieu unique (ou duG.A.D.U.) n’est donc pas la religion juive,mais celle des noachides et la réalisation dela religion maçonnico-philantropique de fra-ternité universelle marquera non l’avène-ment du Messie mais celui de l’Antéchrist!La réponse à la question de Elkann, s’il neserait pas mieux qu’il n’y eut qu’une seulereligion le confirme: “C’EST NOTRE BUT.L’espérance du Judaïsme est d’arriver à cettegrande religion universelle” (59), mais en sau-vegardant le Judaïsme: “Les juifs ne veulentpas porter le Judaïsme à tous les peuples.LA RELIGION JUIVE EST POUR LEPEUPLE JUIF ET C’EST TOUT!” (60).

Page 9: Jean -Pierre Carafa, le Pape Paul - Sodalitium · 2016. 7. 12. · torfius (3) et de l’abbé Giulio Bartolocci (4). Cet article naît de l’exigence de compléter les études sur

Les juifs ne peuvent pas manger la vian-de de porc, “…pour une raison de SE-PARATION, puisqu’ils doivent ETRE SE-PARES des autres”, avec une sorte de dis-crimination ethnique et religieuse, et ceuxqui ne suivent pas les préceptes ou qui nesont pas pratiquants ne cessent pas pourcela d’être juifs, mais seulement “renoncentà être un peuple de prêtres” (61).

Pour Toaff le Messie est une époque (62).La même erreur qui causa le refus de Jésus-Christ persiste: si le Messie est le peuple juif,qui - comme Jésus - veut prêcher le Royaumedes Cieux ouvert à tous, sans distinction derace, “il est coupable de mort”, parce que,comme l’affirme le professeur Toaff:“L’époque messianique est… le contraire dece que veut le Christianisme: NOUSVOULONS REPORTER DIEU ENTERRE, ET NON L’HOMME AU CIEL.Nous ne donnons pas le royaume des cieuxaux hommes, mais nous voulons que Dieu re-vienne régner sur terre” (63). Pour que leMessie arrive parmi nous “il suffirait que tousles juifs, comme il est écrit dans le Talmud,respectassent et observassent deux Sabbatsconsécutifs tous ensemble une fois dans leurvie et le Messie serait déjà arrivé” (64).

Pour le Judaïsme-religion, le peuple etDieu sont un unique objet de foi: “Pour resterde bons juifs, il faut avoir foi non seulementen Dieu, mais aussi dans le PEUPLE juif” (65).

Entrer dans la religion juive est difficile,parce que cela implique l’acceptation de“toutes les règles du peuple juif contenuesdans la Torah”, alors que celui qui est déjàjuif peut, même en le restant, ne pas toutes

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les suivre: “CELUI QUI EST JUIF PEUTFAIRE CE QU’IL VEUT. Celui qui n’estpas juif et veut le devenir doit tout accepter”(66). C’est cela le point nodal du combat quioppose depuis deux mille ans les Pharisiensà Jésus-Christ. Déjà Jean-Baptiste admones-tait les Pharisiens et les Sadducéens en di-sant: “Race de vipères, qui vous a montré àfuir devant la colère qui va venir? FAITESDONC DE DIGNES FRUITS DE PENI-TENCE. Et ne songez pas à dire en vous-mêmes: ‘NOUS AVONS ABRAHAMPOUR PERE’; car je vous le dis, Dieu peut,de ces pierres mêmes, susciter des enfants àAbraham. Déjà la cognée a été mise à la raci-ne des arbres. Tout arbre donc QUI NEPRODUIT PAS DE BON FRUIT seracoupé et jeté au feu” (Matth. III, 7-10).

Sur le concept de l’au-delà Toaff affirmeque “la Torah parle de cette vie et NEPARLE JAMAIS DE L’AU-DELA” (67).Werner Sombart écrit également: “Il estbien connu que… le Judaïsme ignore l’Au-delà. L’homme peut donc éprouver le bienet le mal seulement en ce monde. Dieu, s’ilveut punir ou récompenser, peut le faireseulement tant que l’homme vit sur la terre.Ici-bas, donc, le juste doit prospérer, ici-basl’impie doit souffrir” (68).

Les juifs ensuite “ont confiance en cet es-prit divin qui est en chacun de nous. Au mo-ment où l’individu naît …nous recevonsquelque chose qui nous unit à Dieu” (69). Oncroit presque lire Gaudium et Spes n° 22:“Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est enquelque sorte uni Lui-même à tout homme”.

Ensuite en ce qui concerne le rapportentre la Foi et les œuvres, le Judaïsme attri-bue une plus grande valeur aux œuvres qu’àla foi (70). Mais nous autres catholiques sa-vons que si “la foi sans les œuvres est morte”(contre l’hérésie luthérienne), il est autre-ment vrai que “sans la foi il est impossible deplaire à Dieu” (contre le Pharisaïsme talmu-dique). Toaff insiste sur ce point: “L’hommese sauve à travers les œuvres; s’il y a la foic’est mieux, mais si LA FOI N’Y EST PASET QUE L’INDIVIDU SE COMPORTEBIEN IL SE SAUVE EGALEMENT” (71).

Dieu n’est pas le Dieu personnel et trans-cendant, il est plutôt l’anima mundi immanentau monde et qui fait une seule chose avec lui:“Le concept de dieu est un concept très largedans le Judaïsme, ce n’est pas une personne”(72). Et encore: “Le péché originel dans leJudaïsme n’existe pas. Il existe le premier

Chaise d’Elie, utiliséedurant la cérémonie de lacirconcision (cette chaisese trouve à la synagogue

de Bevis Marks àLondres).

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péché de transgression, qui a été accompli parAdam et Eve… Il n’y a pas que nous aussi quisubissions les conséquences du péché originel.Parce que le PECHE ORIGINEL EST SEU-LEMENT POUR QUI N’EST PAS JUIF”(73). Il semble presque insinuer l’immaculéeconception du peuple juif!

“Les racines de ce qu’est le Judaïsme ac-tuel se trouvent dans le Talmud”, qui cepen-dant n’est pas un livre religieux, puisque“…c’est seulement une étude. …Il n’a rien àvoir avec le rite, il n’a rien à voir avec laprière” (74); c’est en outre un texte que l’oncommence à étudier à dix ans.

Toaff en vient ensuite à parler de la CA-BALE, dont le but est de découvrir le senscaché dans les paroles du Zohar, texte mys-tique et commentaire dogmatique de laTorah. D’après Toaff il n’y a plus unSanhédrin général (le Kahal) qui puisseobliger tout le peuple juif, mais il existe destribunaux locaux. Etudier la Cabale peutparfois être dangereux, comme il arriva à cerabbin, dont le cas est cité dans le Talmud,qui “s’est engagé sur une mauvaise voie”(75), [peut-être parce qu’il est remonté à laCabale pure que Dieu confia à Adam et quiest parvenue jusqu’à Jésus-Christ et, à tra-vers les Apôtres et les Papes, jusqu’à nous,comme Tradition orale avec la même valeurque celle écrite].

Le Zohar, qui est la codification cabalis-tique la plus importante, et les livres qui s’yréfèrent, comme à un texte fondamental, nesont pas des dogmes pour le Judaïsme:“Ceci est la beauté du Judaïsme. Si je ne suispas satisfait et refuse quelque explication…du Zohar, je ne sors pas du Judaïsme, je suistout à fait libre de l’accepter ou de ne pasl’accepter” (76). On dirait presque une sortede LIBRE EXAMEN luthérien.

Le Zohar fut compilé et transcrit enPalestine par le Rabbin Shimon Bar Yohai;Toaff explique cependant que “il y a une quan-tité de théories là-dessus, parce que quelqu’undit que la COMPILATION est une chose, etles TRADITIONS une autre”. Par conséquentla théorie de Drach (et de très nombreux autresspécialistes) en ce qui concerne l’existenced’une Cabale pure donnée par Dieu à Adam etqui se transmet oralement à chaque époque,corrompue ensuite par les Pharisiens à partir duIIème siècle avant J.-C. jusqu’à devenir laCabale impure du Judaïsme post-biblique,semble accréditée par Toaff, qui avance aussiune distinction entre spécialistes de la Cabale et

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cabalistes. Ces derniers en effet appliquent lesthéories mystiques de la Cabale à leur proprevie (77) pour atteindre des résultats déterminésqui surpassent la nature: “Il est resté très peu desoi-disant experts Kabbalistes [magiciens ou lu-cifériens, n.d.r.], parce que appliquer ces lois…n’est pas si simple. …Mais JE PARLE ICI DEKABBALE ET JE NE DEVRAIS PAS.…Certaines choses ne s’enseignent pas, chacunles étudie par lui-même” (78). Et tandis qu’ilconfirme que la Cabale (impure) n’est pas unerévélation divine mais “le fruit de la spéculationmystique du juif”, il révèle aussi qu’il n’a rienappris de la Cabale par son père, bien que cedernier ait été un grand spécialiste de la Cabale.

CONCLUSION

De tout ce qui vient d’être dit on peutdéduire combien est fausse l’affirmation deJean-Paul II faite à la synagogue de Rome le13 avril 1986 selon laquelle les juifs sont“nos frères aînés DANS LA FOId’Abraham”, quand cette foi ils l’ont aucontraire reniée par le Déicide, comme l’amontré clairement un juif converti sincère-ment à la religion du Christ, Paolo Medici.L’actuel Judaïsme, comme nous l’avons vu,n’est pas la continuation de l’AncienTestament, et n’est en aucune manièreconciliable avec le Nouveau.

Prions donc Dieu Tout-Puissant qu’ildaigne éclairer les Israélites et les accueillirdans l’Eglise du Christ.

Veuille la Très Sainte Vierge, victorieusede toutes les hérésies écraser la tête du ser-pent infernal qui a réussi, en ces dernierstemps, à pénétrer jusqu’à l’intérieur duSanctuaire.

BIBLIOGRAPHIE ESSENTIELLE

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Notes

1) LEON DA MODENA, Historia di riti hebraici,Venezia 1678, (réimpression photolitographique Forni,Bologne 1979).

2) PAOLO MEDICI, Riti e costumi degli ebrei, Torino1737, VI, éd. 1874.

3) JOHANNES BUXTORFIUS, Synagoga judaica,Basilea 1680, (réimpression photolitographique,Hildesheim - Zürich - New York 1989).

4) DON GIULIO BARTOLOCCI, Bibliotheca magna ra-binica, Rome 1675-83, 4 vol. ed Propaganda Fide. Cetouvrage est d’une importance capitale. Bartolocci,(Viterbe 1616 - Rome 1687) fut un éminent orientaliste.Il fut l’élève du juif converti Giovanni Giona GalileoBattista, professeur d’hébreu à l’Université de Rome. Ilentra dans l’Ordre cistercien sous le nom de Giulio di S.Anastasia et enseigna l’hébreu pendant trente ans auCollegio dei Neofiti à Rome. (Cf. E. FLORIT, article“Bartolocci Giulio”, in Enciclopedia Cattolica, Città delVaticano 1949, vol. II, col. 914).

5) PAOLO MEDICI, op. cit., p. IV.6) Ibidem, p. IV.7) «Graetz également - écrit Adolfo Ottolenghi -

…reprochera à Da Modena ce livre: l’Historia, d’aprèslui, il a rendu un mauvais service au Judaïsme».ADOLFO OTTOLENGHI, Rassegna mensile di Israele, sez.2°, vol. VII. N° 7-8, nov.- déc. 1932, p. 289.

8) PAOLO MEDICI, op. cit., pp. IV-V.9) Ibidem, p. V.10) Cf. PAOLO MEDICI, op. cit., pp. 3-6. J. BUXTOR-

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FIUS, op. cit., ch. 4, p. 85. DON GIULIO BARTOLOCCI, op.cit., pp. 70-71. LEON DA MODENA, op. cit., partie IV, ch.V, p. 94.

11) Cf. Rituale ebreo, Amsterdam 1649, p. 39.12) L. DA MODENA, op. cit., partie 3a, ch. 7, p. 100.13) PAOLO MEDICI, op. cit., pp. 6-18.14) Cf. Sodalitium, n° 36, pp. 14-21.15) PAOLO MEDICI, op. cit., p. 27. Voir aussi les ou-

vrages de SISTO DA SIENA ou de GIROLAMO DA SANTA

FEDE, Bibliotheca Patrum.16) PAOLO MEDICI, op. cit., pp. 34-36.17) Ibidem, pp. 44-45. Cf. M. BLONDET, I fanatici

dell’Apocalisse, ed. Il Cerchio, Rimini 1992, p. 135.18) Ibidem, p. 65.19) Cf. JONA, Il concetto di Dio dopo Auschwitz,

ed. il Melangolo, Genova 1991.20) PAOLO MEDICI, op. cit., p. 75.21) Ibidem, pp. 99-101.22) Cf. LEON DA MODENA, op. cit., ch. 4, n° 5.23) PAOLO MEDICI, op. cit., p. 108.24) Ibidem, pp. 109-112.25) Ibidem, p. 117.26) Cf. Talmud, traité Schabbat, ch. 4°.27) Cf. J. BUXTORFIUS, Sinagoga judaica, ch. 16, “De

anima judeorum sabbatina”; et don GIULIO BARTOLOCCI,Bibliotheca magna rabbinica, tome 3, p. 412.

28) Traité “Sanhédrin”, ch. “Chelec”.29) J. MAIER - P. SCHÄFER, Piccola Enciclopedia

dell’Ebraismo, Marietti, Casale Monferrato 1985, p. 369.30) C. SZLARMANN, L’Ebraismo per principianti,

Giuntina, Firenze 1987, p. 112.31) J. MAIER - P. SCHÄFER, op. cit., p. 29.32) E. GUGENHEIM, L’Ebraismo nella vita quotidia-

na, Giuntina, Firenze 1994, p. 73.33) Ibidem, p. 147.34) J. MAIER - P. SCHÄFER, op. cit., p. 202. Voir

aussi sur le sujet:G. FOHRER, Fede e vita nel giudaismo, Paideia,

Brescia 1984 et L. SESTRIERI, La spiritualità ebraica, ed.Studium, Roma 1987.

35) ELIA S. ARTOM, Vita d’Israele, ed. Israel, Roma1993, 4a ed., préface.

36) Ibidem, pp. 1-2.37) Cf. Sodalitium, n° 26, pp. 22-46.38) ELIA S. ARTOM, op. cit., pp. 172-193, passim.39) Le plus ancien code talmudique est la Misneh

Torah de Moïse Maïmonide (1180) alors que le plus autori-sé, encore utilisé comme manuel est le Shulan Aruk, com-posé par le rabbin Yosef Karo à la fin du XVIème siècle.

40) Khamsin, n° 9, 1981, Ithaca Press, Londres.41) Nous nous sommes servis de la traduction fran-

çaise publiée dans le livre L’azyme de Sion, du généralMoustafa Tlass, Damas 1990.

42) ISRAEL SHAHAK, op. cit., p. 311.43) Il fut l’un des plus importants commentateurs

du Shulan Aruk.44) ‘Tourey Zahav, Yoreh Deah’ 158.45) ISRAEL SHAHAK, op. cit., p. 314.46) Ibidem, p. 322.47) Talmud, Traité ‘Abodazgza’, 26b.48) ISRAEL SHAHAK, op. cit., p. 323.49) Ibidem, p. 323.50) Ibidem, p. 327.51) Ibidem, p. 341.52) ELIO TOAFF - ALAIN ELKANN, Essere ebreo, ed.

Bompiani, Milano 1994, p. 13.53) Ibidem, p. 14.54) Ibidem.

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55) Ibidem, p. 22.56) On pense à Assise 1986!57) E. TOAFF - A. ELKANN, op. cit., p. 34.58) Ibidem, p. 56.59) Ibidem, p. 59.60) Ivi.61) Ibidem, p. 36.62) Ibidem, p. 38.63) Ibidem, p. 40.64) Ivi.65) Ibidem, p. 46.66) Ibidem, p. 49.67) Ibidem, p. 86.68) WERNER SOMBART, Gli ebrei e la vita economi-

ca, Padova 1989, vol. II, p. 80.69) E. TOAFF - A. ELKANN, op. cit., p. 86.70) Cf. Ibidem, p. 87.71) Ibidem, p. 88. C’est donc le Talmud la source

de la théorie du “chrétien anonyme”?72) Ibidem, p. 93.73) Ibidem, p. 96.74) Ibidem, p. 107.75) Ibidem, p. 110.76) Ibidem, p. 111.77) Ibidem, p. 113.78) Ibidem, p. 114.

DIX-HUITIEME PARTIE: JEAN XXIII ET LESJUIFS. SUITE: DE JULES ISAAC A NOSTRA ÆTATE

Par M. l’abbé Francesco Ricossa

En sortant du Vatican, le “frère” JulesMarx Isaac était donc retourné à la loge

avec “plus qu’un espoir”: Jean XXIII luiavait promis une révision de la doctrinechrétienne sur les rapports entre Eglise etjudaïsme. Il s’agissait maintenant de concré-tiser cet engagement solennel. Cet articles’efforcera de suivre pas à pas les dévelop-pements de cette manœuvre en suivant troispistes: l’action directe et publique de JeanXXIII, celle du cardinal Béa délégué par luiaux relations judéo-chrétiennes le 18 sep-tembre 1960, et enfin “l’accord secret”conclu en 1962-1963, accord qui trouverason aboutissement dans la déclaration conci-liaire Nostra ætate.

Deux allocutions et une bénédiction

Si l’on cherche dans les discours officielsde Jean XXIII la preuve du changementd’attitude décisif du Vatican vis-à-vis dujudaïsme, on est en partie déçu. En cinq ansde pontificat, Jean XXIII n’a adressé quedeux allocutions à des associations juives, le18 janvier 1960 au Congrès Mondial Juif et le17 octobre de la même année à l’associationUnited Jewish Appeal des Etats-Unis (1).Habitués au rythme actuel des rencontresjudéo-chrétiennes, nous sommes étonnés detant de discrétion! Cependant le discoursadressé aux 130 juifs de l’United JewishAppeal sous la conduite du rabbin HerbertFriedman révèle déjà des erreurs doctrinalesimportantes; mais ayant déjà commentécette allocution, je ne m’y arrêterai pas da-vantage (2). Plus que les élaborations théolo-giques, Jean XXIII aimait les gestes symbo-liques qui font meilleure impression sur lesgens, qui s’impriment plus facilement dans lamémoire et qui ne nécessitent pas une rigou-reuse justification doctrinale... C’est ainsique “le 17 mars 1962, Jean XXIII passait envoiture sur le Lungotevere. A la hauteur dela synagogue il donna l’ordre au chauffeurde s’arrêter et de se garer le long du trottoir:

Un mohel exécutant la circoncision tandis que le sandek tient l’enfant

SAUVE QUI... POUX!

Selon un décret du grand rabbin d’Israël, les juifs pra-tiquants peuvent tuer des poux durant le shabbat,

sans transgresser le jour de repos hebdomadaire sacré.Mais, uniquement si le parasite se trouve sur la tête d’unêtre humain. Il est cependant interdit de se peigner pourisoler les poux, car la loi proscrit formellement tout tra-vail du vendredi soir au samedi soir. En revanche, si lepou se trouve dans un vêtement, il faut l’ôter et le jeter“sans lui faire de mal”. De même pour les rats, que laTorah interdit formellement de tuer pendant le shabbat,il faut les saisir par la queue “et les lancer au loin”.

Le Progrès, 14.2.95

“Le Pape du Concile”

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c’était un samedi matin et des groupes dejuifs sortaient du temple après la prière. Lepape fit décapoter la voiture et les bénit, cequ’aucun pape avant lui n’avait jamaisfait”(3). Le geste vaut plus que mille dis-cours; la bénédiction accordée aux juifs de-vant la synagogue (de façon peu orthodoxe,car on bénit seulement les fidèles) a étéconsidérée, à raison, par Jean-Paul II lui-même comme une anticipation symboliquede sa propre visite à l’intérieur du Temple is-raélite: “l’héritage que je désirerais recueillirmaintenant, c’est celui du Pape Jean lequel,un jour où il passait par ici - comme l’a rap-pelé le Grand Rabbin - fit arrêter sa voiturepour bénir la foule des juifs qui sortaient dece même Temple. Et c’est en cet instant queje voudrais recueillir cet héritage, alors queje me trouve non plus à l’extérieur, mais,grâce à votre générosité, à l’intérieur de laSynagogue de Rome. Après le pontificat deJean XXIII et le Concile Vatican II, cetterencontre conclut, d’une certaine façon, unelongue période sur laquelle il ne faut pas selasser de réfléchir pour tirer les enseigne-ments opportuns...” (4).

La réforme du rite du baptême des adultes

Avec la réforme du rite du baptême pourles adultes, un autre geste d’ouverture au ju-daïsme fut réalisé par Jean XXIII. Je n’enavais jamais entendu parler et je dois cette in-formation à un auteur déjà cité dans les par-ties précédentes de cet article, Paul Gin-iewsky, auteur juif radicalement antichrétiendont le livre est cependant préfacé par le PèreJean Dujardin, le secrétaire, un peu embar-rassé tout de même, du Comité épiscopalfrançais pour les relations avec le judaïsme (5).A la page 330 de son livre, après avoir énumé-ré les mérites de Jean XXIII en ce quiconcerne les juifs, Giniewsky parle de cetteréforme liturgique: “(Jean XXIII) expurgea lecérémonial du baptême en supprimant les for-mules qui concernaient l’incroyance juive etl’erreur hébraïque”. Voici de quoi il s’agit. Le16 avril 1962, la Sacrée Congrégation desRites promulgait un décret sur le nouveau ri-tuel du baptême des adultes [AAS, 54, 1962,315 à 338] dans lequel était pratiquement res-tauré l’ancien catéchuménat prévoyant unbaptême par étapes. Il y a toutefois dans cetteréforme une déclaration qui sent l’œcumé-nisme. Le nouveau rituel supprimait en effetla recommandation de l’ancien (titre II,

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Chapitre III, numéro 12) où l’on avertissait leministre du sacrement de “faire connaître etdétester la perversité de ses erreurs” à l’héré-tique qui se convertissait au catholicisme (6).Dans le rite même du baptême, le convertidevait abjurer et détester les idoles s’il venaitdu paganisme, la “perfidie mahométane” s’ilétait musulman, “la perversité hérétique” etles “sectes néfastes” s’il était protestant. Enfinsi le néophyte venait du judaïsme, il devait dé-clarer avoir en horreur la perfidie judaïque etdéclarer rejeter la superstition juive (7). Cesparoles dites par le prêtre qui baptise furentsupprimées en vertu du principe précédem-ment énoncé selon lequel le catéchumène doitêtre instruit de la religion catholique, mais nedoit pas rejeter ses erreurs précédentes; prin-cipe qui oublie que la profession de la véritéet la détestation de l’erreur sont corrélatives:l’une exigeant l’autre. Comment conciliercette décision avec la doctrine catholiqueselon laquelle, dans la liturgie, il ne peut yavoir rien de contraire à la foi ou à la morale,rien de nocif pour les âmes?

Suppression du culte du Bienheureux André

Giniewsky signale une autre initiative deJean XXIII, peu connue jusqu’à présent. Leslecteurs de Sodalitium connaissent déjà lethème de l’“homicide rituel” (8). Dans troiscas l’Eglise s’est prononcée par une Bulle debéatification. L’un des trois est celui du bien-heureux André de Rinn, martyrisé en 1462,dans le Tyrol. Le Pape Benoît XIV en ap-prouva le culte en 1755 avec la Bulle BeatusAndreas. «En 1961 - nous informeGiniewsky qui cite les études d’une reli-gieuse, sœur Maria Despina, publiées en1971 par la revue Rencontre - Jules Isaacavait transmis au cardinal Bea (...) un dossiercomplet sur l’église de Rinn, où figuraienttoujours les statues au type caricatural repré-sentant les colporteurs juifs accusés de l’as-sassinat d’Andreas (...), où l’on distribuaittoujours les tracts revêtus de l’imprimatur,relatant le crime. Simon Weisenthal et di-verses organisations juives et chrétiennesétaient également intervenues. Ces dé-marches aboutirent à une lettre secrète du 5mai 1961 de Jean XXIII au supérieur du cou-vent de Wilten, et à des mesures: la suppres-sion des statuettes, de la procession annuelleet de la messe à la mémoire d’André, et l’ap-position d’une plaque, à l’entrée de l’église,précisant que “le peuple juif n’a rien à voir

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avec le cas du bienheureux André de Rinnoù il ne s’agit que d’une légende”». Pourtantdans un premier temps, l’épiscopat auraitéludé la demande de Jean XXIII. Quant à lapopulation: «Les fidèles n’avaient pas accep-té l’ordre papal en leur cœur, ils se sentaientl’objet d’une brimade obtenue sous la pres-sion des Juifs» (9). Pouvons-nous donner tortau peuple fidèle? Vox populi, vox Dei!

Citant encore ladite sœur Despina,Giniewsky nous révèle également une autreintervention de Jean XXIII relative à un cassemblable à celui de l’“homicide rituel”, laprofanation des hosties consacrées; “L’une deces légendes faisait la prospérité de la petiteville de Deggendorf en Bavière, dont l’églises’ornait de fresques détaillant un crime juifimaginaire remontant à 1337. Le pape ordon-na en 1960 l’enlèvement des fresques et lasuspension du pélerinage...” (10).

Le cardinal Bea et Nahum Goldman (26octobre 1960)

Ce que nous avons rapporté jusqu’ici n’estrien cependant en regard du travail infatigablequ’effectua le cardinal Bea, expressément dé-légué par Jean XXIII, pour lier d’étroitscontacts avec le monde juif. Penser seulementque, dans la période s’étendant de 1960 à1964, le vieux cardinal à la santé branlante eutbien une trentaine de “contacts personnels,avec des particuliers ou avec des groupes re-présentant diverses organisations juives” (11)donne une idée du phénomène. Le premier dela liste eut lieu vraisemblablement un moisseulement après que Jean XXIII eut confiécette charge au cardinal. “Sans attendre queles Commissions préparatoires [au Concile] etle Secrétariat commencent leur travail (12), lecardinal Bea eut la première entrevue au som-met avec Nahum Goldman, président duCongrès Mondial Juif. L’entrevue se déroula àRome, à la demande de Bea, le 26 octobre1960. Je tire de la relation qu’en fait Goldmanlui-même les passages les plus significatifs: “Ilme dit [Bea] qu’il avait demandé à me voirparce que le Pape avait l’intention de propo-ser à l’ordre du jour du Concile le problèmedes relations judéo-chrétiennes et qu’il l’avaitchargé de lui préparer la chose. (...) Dès lepremier colloque, il montra qu’il comprenaitbien l’importance historique et politique desrelations chrétiennes-juives; il me fit part éga-lement de sa conviction que, dans ces rela-tions, un changement radical était nécessaire

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de la part de l’Eglise, même si le processus de-vait être long et difficile. Pour sa part, bienque prévoyant une violente opposition de lapart de ses collègues de la Curie, il ferait toutpour inciter le Concile à une attitude nouvelleet positive. Selon lui, le premier pas devait êtrele suivant: les organisations juives devaient luienvoyer par l’intermédiaire du Pape un me-morandum demandant que le problème soitproposé à l’ordre du jour du Concile. Il mepria de m’employer à constituer un front juifunique (...). Il me pria aussi et plus particuliè-rement d’inciter les organisations juives n’ap-partenant pas au Congrès Mondial Juif à don-ner leur appui au memorandum. Je lui répon-dis que ce serait difficile, et en particulier, luidis ma crainte que l’orthodoxie juive ne s’op-pose à une telle démarche auprès du Vatican,ce qui rendrait la chose plus difficile encore.De plus, si une violente polémique devait enrésulter à l’intérieur du judaïsme, la tentativede rapprochement se résoudrait au détrimentdes relations réciproques. Quoiqu’il en soit jelui promis de faire l’impossible et de rester encontact avec lui” (13). Le texte est révélateur.Avant tout, il s’agit d’une nouveauté, d’“unchangement radical de la part de l’Eglise”. Dece “changement” Jean XXIII est le respon-sable; il l’a voulu, orientant le Concile verscette route de rupture déclarée avec la tradi-tion ecclésiastique, malgré la “violente opposi-tion”, bien prévisible, des cardinaux. C’est Beaqui fut l’instrument de cette volonté de JeanXXIII, Bea qui n’était pas si ignorant sur laquestion juive que nous le veut faire croire leSidic (Service international de documentationjudéo-chrétienne) (14). Quant à la tactique pro-posée, c’est toujours la même, celle qui a faitses preuves lors de la création du Secrétariat:un memorandum est envoyé à Jean XXIII; ap-paremment spontané il est en fait piloté et sol-licité par Roncalli et Bea eux-mêmes. Restentenfin les obstacles de la part des intransigeantsdes deux camps: les juifs “orthodoxes”, et lescatholiques... orthodoxes! Pour ces derniers,ils partaient battus d’avance puisqu’ils avaientcontre eux le pouvoir absolu de Jean XXIII enpersonne. Quant à l’orthodoxie juive elle se-rait plus difficile à convaincre!

Hostilité au “dialogue” de la part des juifsorthodoxes

La preuve en est qu’une année après larencontre Goldman-Bea, le 18 novembre1961, le quotidien israélien Jerusalem Post

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écrivait encore: “Du côté juif, on ne fera pasfacilement un pas dans le sens d’un rappro-chement. La méfiance à l’égard des catho-liques est grande surtout chez les juifs ortho-doxes, mais sous peu le Comité permanent dela Conférence des rabbins européens consa-crera son attention au problème qui a étésoulevé [l’envoi au Concile d’observateursjuifs]. Le plus désireux de promouvoir la co-opération est le grand rabbin de Rome, lerabbin Toaff, tandis que le grand rabbin duCommonwealth britannique, le rabbinBrodie, a exprimé son opposition à toutcontact avec le Concile œcuménique dont lebut est de statuer sur des questions doctri-nales qui ne concernent que l’Eglise catho-lique” (15). La IIIème Conférence des rabbinseuropéens tenue à Paris du 14 au 16 no-vembre 1961 sous la présidence du rabbinBrodie ne fut certes pas un chef-d’œuvred’œcuménisme! Les rabbins rappelèrent “lesconséquences désastreuses des mariagescontractés en dehors de la loi judaïque et quiont pour effet de désagréger la famille juiveet de dissoudre nos communautés. La confé-rence a considéré avec une attention particu-lière le grave problème des demandes deconversion (...). En tant que gardiens et dé-fenseurs de la Tradition, les rabbins réunis enconférence déclarèrent solennellement que,pour prévenir d’irréparables drames fami-liaux et préserver l’unité de la communauté,les mariages, divorces ou conversions n’au-ront de validité et ne pourront être reconnusque s’ils sont conformes, dans tous les détails,aux dispositions de notre code religieux. LaConférence conjure les fidèles de ne pas re-courir pour les mariages, les divorces ou lesconversions à des ministres du culte réformé,libéral ou de toute autre tendance, qui ne sesentent pas tenus à suivre la tradition authen-tique du judaïsme tel qu’il est défini parl’Halakha”. Tandis qu’avec le Concile les ca-

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tholiques ouvraient les portes aux mariagesmixtes et au courant libéral, les rabbins lesfermaient toutes aux innovations contraires àla plus stricte tradition! Quant à la réponseaux avances des conciliaires, elle était toutaussi claire: “En raison de la publication parla presse de déclarations préconisant uneparticipation juive au Concile œcuménique,la Conférence estime devoir rappeler que lejudaïsme ne saurait en aucune manière inter-venir dans le problème de l’unité chrétiennequi fait l’objet de ce Concile, et qui, par défi-nition, ne peut concerner que les chrétiens.En accord avec l’ensemble du judaïsme, laConférence a pris acte, avec satisfaction, desmodifications récemment introduites par lePape Jean XXIII dans la liturgie, tendant àsupprimer le caractère offensant pour lesjuifs et la religion juive de certains textes dela liturgie catholique. Ces modifications ma-nifestent à ses yeux la volonté sincère et biendéterminée du Vatican d’éliminer les préju-gés et les malentendus” (16). Le message desrabbins est clair: nous sommes les gardiensde la Tradition judaïque, et nous ne bou-geons pas de là; si les catholiques veulentchanger et faire amende honorable, qu’ils lefassent: cela nous va bien ainsi (17).

Jean XXIII demande à Bea un schémaconciliaire sur les juifs... (1er février 1962)

Après cette digression sur l’attitude del’orthodoxie juive, revenons au travail deBea. Un grand nombre des trente entrevuesenregistrées entre 1960 et 1964 se situent pro-bablement dans le courant de l’année 1961,mais de celles-ci il n’est resté aucune trace(du moins je n’en ai trouvé aucune, si l’on ex-clue l’intervention d’Isaac pour l’affaireRinn). Mais le 25 décembre 1961, avec lalettre apostolique Humanæ Salutis (sur la-quelle nous reviendrons), Jean XXIIIconvoque le Concile Vatican II qui devracommencer le 11 octobre de l’année suivante.Le temps presse... et Bea intensifie sescontacts. Encore une fois, l’ordre vient deJean XXIII en personne. “Dès avril 1961, leSecrétariat avait terminé les schémas surquatre thèmes importants: l’appartenancedes baptisés non catholiques à l’Eglise, lastructure hiérarchique de l’Eglise, le sacer-doce de tous les fidèles et la place des laïcsdans l’Eglise, et enfin les aspects œcumé-niques de quelques formules liturgiques”. Lesschémas furent transmis aux Commissions

Nahum Goldman

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conciliaires compétentes qui devaient les exa-miner. Cependant, “à l’audience accordée aucardinal le 1er février 1962 [Jean XXIII] dé-cide que le Secrétariat proposera les schémassur la liberté religieuse et celui concernant lesjuifs directement à la Commission centralepréparatoire, sans l’intervention d’aucuneautre commission” (18). Jean XXIII a doncvoulu les textes conciliaires sur la liberté reli-gieuse (Dignitatis humanæ) et sur les juifs(Nostra Ætate). Il les a voulus dans leurforme la plus extrême (les schémas duSecrétariat furent plusieurs fois amendés etmodérés avant d’être approuvés définitive-ment), de même qu’en attribuant l’exclusivitéde cette matière au Secrétariat de Bea, et encourt-circuitant la Commission doctrinale duCardinal Ottaviani, il a voulu pour eux untraitement de faveur.

...et le B’naï B’rith en laisse une trace écrite!(27 février 1962)

Peu après, “le 27 février 1962, leMemorandum que le Cardinal avait deman-dé [le 26 octobre 1960] à Nahum Goldmanfut consigné et présenté par le Dr. Goldman,du Congrès Mondial Juif, et par Label A.Katz, de la Benai Berîth, au nom de laConférence Mondiale des OrganisationsJuives” (19). Evidemment, dans la prépara-tion de Nostra ætate, les “suggestions” élabo-rées dans les Loges des B’naï B’rith serontprises en compte par Bea et Roncalli qui lesavaient sollicitées! Les prêtres auteurs dutexte réservé aux Pères Conciliaires et intitu-lé L’Azione giudaico-massonica nel Concilio,soutiennent que le mémorial “contient inté-gralement les thèses du décret sur les juifsprésenté par le Secrétariat pour l’Union desChrétiens à l’assemblée plénière du Concile”(20). En attendant de lire (ou de publier) leMemorandum présenté par le B’naï B’rith àBea, contentons-nous de l’affirmation du fa-meux quotidien parisien Le Monde: “L’orga-nisation juive internationale B’naï B’rith amanifesté le désir d’établir des relations plusétroites avec l’Eglise Catholique. Cet Ordrea soumis maintenant à l’Eglise une déclara-tion dans laquelle est affirmée la responsabi-lité de l’humanité entière dans la mort duChrist. Label Katz, président du ConseilInternational des B’naï B’rith, a déclaré quesi cette déclaration est acceptée par leConcile, les communautés juives chercherontles moyens de collaboration avec les autori-

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tés de l’Eglise” (21). Après l’audience à JulesIsaac et la présentation du MemorandumGoldman-Katz, il n’est donc pas téméraired’écrire que le document Nostra Ætate a étéinspiré et commissionné par les loges maçon-niques du B’naï B’rith.

L’affaire Chaim Wardi (Juin à Août 1962)enterre le décret sur les juifs

L’affaire du quartette Roncalli-Bea-Goldman-Katz avait donc le vent en poupe.Pour concrétiser leurs desseins, ces trois der-niers se rencontraient à Rome, le lundi dePentecôte qui cette année-là tombait le 11juin. Le 12 juin, l’agence de Presse Kipa rap-portait: “le professeur Nahum Goldman, pré-sident du Congrès Mondial Juif a rendu visite,lundi de Pentecôte, au cardinal Agostino Bea,président du Secrétariat préparatoire duConcile (sic) pour l’union des chrétiens. L’en-trevue s’est déroulée à la résidence romainedu cardinal et a duré une heure. On ne pos-sède jusqu’ici aucun détail sur l’entretien” (22).La même agence poursuit avec une autrenouvelle très importante qui dévoile partielle-ment l’objet des débats entre Bea, Goldmanet Katz: “On apprend d’autre part que le DrChaim Wardi, jusqu’ici directeur du départe-ment des Affaires chrétiennes au ministère is-raélien des affaires religieuses, s’établira àRome au mois de juillet. Il aura pour tâche desuivre de près le déroulement du IIèmeConcile du Vatican et plus particulièrementde s’informer de toutes les questions concer-nant les juifs qui pourraient être traitées parle Concile. Comme on le sait, le cardinal Beaa récemment déclaré à la presse étrangère, àRome, que le secrétariat qu’il dirige s’était oc-cupé, au cours de cinq séances, de quelquesproblèmes touchant le judaïsme” (23). Eneffet, depuis décembre 1960 déjà, le cardinalBea se mettait en quatre pour réaliser, selonses propres expressions, “le fait qui s’avératout simplement déterminant pour l’aspectœcuménique qui prévalut au Concile et quicontribua grandement à ses résultats œcumé-niques”, autrement dit “la présence d’obser-vateurs venant d’Eglises et de Communautésecclésiales non catholiques” (24). Avec la bullede convocation du Concile, Humanæ salutis(25 décembre 1961), Jean XXIII annonçaitpubliquement la décision de faire participerau Concile ces “observateurs” non catho-liques. Y aurait-il également des juifs? Un ar-ticle du Jerusalem Post du 14 janvier 1962 lais-

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sait entendre que oui: “certains milieux juifs -écrivait le quotidien israélien dans un articlede Geoffrey Wigoder - (plus politiques quereligieux) ont envoyé quelques émissaires dis-crets pour savoir si le Concile ne pourrait pasêtre le signal d’un certain rapprochement. LePape Jean a déjà montré du courage et del’indépendance d’esprit en faisant supprimerdiverses traces d’antisémitisme qui subsis-taient dans la liturgie catholique et il estconnu pour son attitude ouverte à l’égard desnon-catholiques. Bien qu’on ne s’attende pasà ce que les juifs soient invités à prendre partau Concile, la presse a parlé de la possibilitéde voir des observateurs juifs y assister;d’après le Vatican, ces observateurs ne se-raient pas des porte-paroles d’organisationsdéterminées, mais ‘des experts de la loi et dela religion juive’ (...). Il est à noter que plu-sieurs membres du Secrétariat (pour l’uniondes chrétiens) sont des experts des relationsjudéo-chrétiennes. Notamment Mgr JohnOesterreicher, directeur d’un institut d’étudesjudéo-chrétiennes aux USA; l’abbé LeoRudolph, de l’église de la Dormition du montSion, et le P. Demann, Français, qui a com-mencé une enquête sur 2000 manuels sco-laires en français pour y relever leur enseigne-ment en ce qui concerne les juifs” (23). Tandisque le Secrétariat travaillait sans interruptionà l’“opération invitation observateurs”, et re-cueillait l’adhésion d’hérétiques et de schis-matiques du monde entier, le gouvernementisraélien voulut lui aussi envoyer le sien, tou-jours avec l’accord de Bea. Pourquoi s’inquié-ter? Le plan semblait avoir pleinement réussi!En mars, Jean XXIII avait béni les fidèles sor-tant de la synagogue. Dans les milieux juifsitaliens on exultait. Du 29 avril au 1er mai, àCastiglioncello, en Toscane, la FederazioneGiovanile Ebraica d’Italia se réunit pour dé-battre la question de “Vatican et Judaïsme”.“L’importante initiative d’inviter les protes-tants à participer au prochain Concile œcumé-nique revêt, à mon avis, une profonde signifi-cation: la volonté du catholicisme de rouvrirle dialogue avec les non-catholiques en géné-ral... Cette ligne de conduite de l’Eglise ro-maine peut transformer son attitude à l’égarddes juifs en reconsidérant les rapports entrel’Eglise et le judaïsme. Nous pourrions ainsiassister à l’ouverture d’un dialogue qui neviserait pas à la conversion des interlocuteurs,mais à clarifier les positions des uns et desautres. Pour instaurer un semblable dialogue,et pour que l’opinion publique le comprenne,

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il faut que l’Eglise, naturellement sans chan-ger sa théologie, débarrasse son enseignementde tout ce qu’il contient d’aversion envers lesjuifs, aversion qui a souvent donné naissanceà des formes d’antisémitisme et qui est contin-gente, extrinsèque, et, qu’il me soit permis dele dire, antichrétienne. En d’autres temps,ç’aurait été une folie de demander à l’Egliseun tel comportement. Aujourd’hui, non. Dèsles premières années de son pontificat, JeanXXIII a manifesté une généreuse sensibilité àl’égard du problème juif. On connaît, entreautres, la correction qu’il a fait apporter à laliturgie du Vendredi saint. Cela n’est naturel-lement qu’un commencement, mais permetd’espérer qu’on continuera sur cette voie...”(25). Bea, Goldman et Katz avaient pensé que,dans ce climat, l’envoi d’un observateur juifau Concile passerait... inaperçu! Mais le choixqui fut fait ne pouvait être pire. C’est en vainque Bea voulait faire passer la question juivepour exclusivement religieuse; nous avons vule Jerusalem Post l’affirmer, l’intérêt porté parles juifs au Concile provenait des milieux poli-tiques et non des milieux religieux. Et en effetl’observateur choisi par eux n’était pas seule-ment membre du Conseil Mondial Juif, maisaussi fonctionnaire du gouvernement israélienappartenant au Ministère des Cultes. Biensûr, pour la circonstance, Wardi avait donnéles démissions opportunes du ministère, maisla manœuvre ne trompait personne... Aussil’annonce de l’arrivée de Wardi souleva-t-elle“une tempête de protestations de la part desEtats Arabes” (26) qui craignaient une ingé-rence du gouvernement sioniste dans les tra-vaux conciliaires. Le résultat fut désastreuxpour les intérêts juifs. La première consé-quence toucha le schéma sur les juifs dont lapréparation avait demandé à Bea deux an-nées de labeur: “il tombait à l’eau du jour aulendemain” (26). En effet le 20 juin laCommission centrale préparatoire au Conciledevait se réunir. Le cardinal Bea craignait derencontrer quelques difficultés et il chercha àles prévenir. Il prépara donc un bref rapportsur le schéma De Judæis. Le Père Schmidtrapporte: “Dans ce rapport, le Cardinal men-tionne la charge explicitement conférée par lePape au secrétariat et consistant à s’occuperdes nombreux préjugés sur les juifs, répandusmême parmi les catholiques, surtout le fait deles considérer comme ‘déicides’ et ‘mauditsde Dieu’. (...) Ensuite, faisant manifestementallusion à la tempête qui se prépare, leCardinal ajoute: ‘C’est une tout autre ques-

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tion d’établir si dans les circonstancesconcrètes il est opportun et prudent de propo-ser ce décret’ et il rappelle les susdites inimi-tiés entre juifs et arabes, une situation ‘sur la-quelle l’Eminentissime Cardinal Secrétairepourra fournir de plus amples détails’. Il estclair qu’en préparant son rapport, le Présidentdu Secrétariat, prévoyait déjà ce qui allait ar-river... (27) et qu’il prenait ses précautions ense couvrant de l’autorité de Jean XXIII.“L’Eminentissime Cardinal Secrétaire”d’Etat ne se laissa pas cependant impression-ner. «Le procès-verbal de la Commission cen-trale du 20 juin rapporte sur un ton presqueglacial une proposition du Cardinal Secrétaired’Etat Amleto Cicognani: “Il a été examinéavec l’Eminentissime Cardinal Bea s’il conve-nait de présenter à cette Commission centraleet de compter au nombre des Actes duConcile œcuménique le ‘décret sur les juifs’préparé avec tant de charité par ce mêmeCardinal. Il nous a paru inopportun... Aussiest-il proposé que le Concile ne tienne pascompte de ce décret et qu’il n’apparaisse pasdans les Actes Conciliaires” (26). Cicognanidonnait deux motivations de cette inopportu-nité: que le décret ne se conformait pas au butdu Concile (l’unité des chrétiens ne concer-nait pas les juifs); qu’il pouvait être interprétécomme un appui politique à Israël, et provo-quer ainsi la réaction des états arabes: “on enentend déjà les rumeurs”, ajoutait-il, faisantallusion aux protestations contre l’envoi deChaim Wardi à Rome en qualité d’observa-teur. C’est ainsi que “le schéma concernantles relations avec le peuple juif se trouvait ab-solument radié du programme du Concile”(28). La défaite fut rendue publique au moisd’août lorsque l’agence de presse Kipa, cellemême qui avait annoncé triomphalement leparachutage à Rome de Chaim Wardi, dutannoncer que l’israélien resterait à la maison:«Contrairement à ce qui a été annoncé précé-demment, Israël n’enverra pas d’observateursau Concile. En effet le Dr Chaim Wardi (...)aurait dû suivre les travaux du Concile, et sur-

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tout se tenir au courant de toutes les ques-tions qui pourraient avoir trait au judaïsme.Cette décision avait été prise par le gouverne-ment israélien. A la suite de certaines réac-tions de pays arabes, le gouvernement israé-lien est revenu sur sa décision et a déclaré nepas être en mesure d’envoyer un observateurau Concile. Ainsi - déclare-t-on dans les mi-lieux généralement bien informés - une “si-tuation pénible” sera évitée au Vatican» (29).Comment soutenir, avec le cardinal Bea, quel’intérêt du schéma sur les juifs était seule-ment religieux si le Jerusalem Post et le gou-vernement israélien lui-même laissaient en-tendre exactement le contraire?

Premières oppositions à l’ouverture auxjuifs: politiques ou religieuses?

La première opposition manifestée contrele schéma conciliaire sur les juifs fut le fait duCardinal Cicognani. Bea tint à nous préciserque «le schéma avait été supprimé du pro-gramme du Concile “non pour les idées et ladoctrine qui y étaient exposées, mais seule-ment à cause de certaines circonstances poli-tiques malheureuses du moment”» (26). Sonsecrétaire et biographe, le père Schmidt, estdu même avis: “L’affirmation de R. Kaiserselon laquelle c’est le Saint-Office qui futl’instigateur de la réaction des Pays arabes estsans fondement”, écrit-il (30). Certes les paysarabes n’avaient pas besoin du Saint-Officepour être incités à une réaction contre Israël!Le cardinal Bea et le père Schmidt ont-ils ce-pendant raison de soutenir que l’oppositionmanifestée au schéma sur les juifs n’eut pasde motivations doctrinales, mais seulementdes motivations d’opportunité politique?C’est ce que semble dire le CardinalCicognani lui-même... Pourtant il est permisd’en douter. Voici ce que dit le père Schmidtà propos tant de l’importance religieuse duschéma que des oppositions “démesurées” àce schéma: “tous les documents préparés etsoutenus par le Secrétariat ne sont pas sansavoir coûté bien de la peine et procuré biendes angoisses - ceci vaut particulièrementpour le document sur la liberté religieuse. Orle Cardinal ne s’était occupé d’aucun commede la susdite déclaration [Nostra ætate], etplus spécialement de la partie concernant lepeuple juif. (...) Aussi, la bataille pour ce do-cument et les vicissitudes dramatiques à tra-vers lesquelles il dut passer se répercutèrentbeaucoup plus profondément au plus intime

Label Katz, président du Conseil

International du B’naï B’rith

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de son être” au point que lui-même déclarait:“si j’avais pu prévoir toutes les difficultés quenous devions rencontrer, je ne sais pas si j’au-rais eu le courage de me lancer sur cettevoie”. Comme le déclara encore Bea, il s’agis-sait du “problème bimillénaire, aussi vieuxque le christianisme lui-même, des relationsde l’Eglise avec le peuple juif”: question dog-matique et religieuse par excellence, même sila nécessité impérieuse d’en parler venaitd’un motif d’ordre politique, “l’exterminationépouvantable de millions de juifs par le régi-me nazi en Allemagne”. Bea rappellera quele Concile ne s’est pas limité “à un décret pu-rement pratique ou à une simple condamna-tion de l’antisémitisme”; il a posé le problèmeet fait reposer sa solution “sur de profondesbases bibliques” (31). Etant donnée l’impor-tance, vitale pour le christianisme, d’une tellematière, comment s’étonner des “difficultés etdes obstacles incommensurables qui ont tentéd’empêcher que le Concile se prononce surcette matière délicate?” (32). Rien que des dif-ficultés politiques? Schmidt lui-même secontredit lorsqu’il rapporte les paroles (déjàcitées) que Bea adressait à Goldmann à pro-pos des violentes oppositions qu’il prévoyaitde la part de ses collègues de la Curie. Aussime semble-t-il que, pour une fois, Zizola n’apas tort lorsque, se référant aux motivationsde Cicognani pour supprimer le schéma surles juifs, il dit: “La rapidité avec laquelle cettemotivation politique fut saisie pour écarter leschéma, la disproportion entre la prémisse po-litique et la conclusion - non le renvoi mais lasuppression pure et simple du texte de l’hori-zon conciliaire - sembleraient plutôt signalerl’existence de difficultés internes autres etaussi d’une toute autre taille”. A l’appui deses dires, le Père Schmidt cite deux textes, unde 1948 et l’autre de 1950, préparés par leCardinal Ottaviani pour le Concile que PieXII avait pensé convoquer; dans ces textes lesinfidèles sont appelés à retourner “à la berge-rie de Pierre” et les juifs “à reconnaître dansle Christ leur Messie universel et leurRédempteur”. Il s’agissait là évidemmentd’“une vision nettement repensée par le sché-ma de Bea” (33). Mis à part Ottaviani (pas par-ticulièrement sensible à la question juive, ilmanifesta même une certaine sympathie pourIsraël d’un point de vue anticommuniste) (34),et mis à part les patriarches de rite oriental(vivant en pays arabes, ils pouvaient être plussensibles aux motivations politiques), l’oppo-sition vint surtout des laïcs et des prêtres ca-

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tholiques (en particulier mexicains et fran-çais) et, parmi les Pères conciliaires, de MgrLuigi Carli, alors Evêque de Segni (transféréensuite à l’archidiocèse de Gaëte) ainsi quede Mgr Marcel Lefebvre et de Mgr Geraldode Proença Sigaud. Sur ceux-ci la motivationpolitique n’avait donc pas de prise, et leur op-position concernait le schéma lui-même, plu-tôt que son opportunité politique (mais cecin’entre pas véritablement dans notre sujetpuisque c’est après la mort de Jean XXIII quele schéma sur les juifs fut discuté au Concile).

L’astuce de Bea

Il existe une autre preuve à l’appui du faitque l’intervention du Cardinal Cicognani nefut pas dictée uniquement par la crainte d’irri-ter la diplomatie arabe: c’est la seconde inter-vention de ce même prélat. “Juste au momentoù se produisaient ces faits [la radiation duschéma conciliaire sur les juifs] il [Bea] prépa-rait une étude dont le but était d’introduireplus spécialement les milieux catholiques aucœur du problème. Cette étude intitulée: Lesjuifs sont-ils un peuple ‘déicide’ et ‘maudit’ deDieu? devait être publiée dans La CiviltàCattolica, la fameuse revue des jésuites ita-liens qui à l’époque tirait à plus ou moins16.000 exemplaires. On était arrivé à ladeuxième épreuve lorsque le cardinalSecrétaire d’Etat pria Bea de surseoir à la pu-blication pour ne pas irriter ultérieurement lesEtats arabes” (35). Ici le problème arabesemble encore davantage une excuse: un ar-ticle publié sur une revue n’a certes pas la va-leur d’un document conciliaire! MgrWillebrands a récemment révélé que Bea dé-cida de se soumettre “seulement pour le mo-ment”, par crainte de compromettre les autresschémas auxquels son Secrétaire était en trainde travailler, schémas sur l’œcuménisme et surla liberté religieuse. Puis il trouva une solutionastucieuse... «Voici comment le cardinalWillebrands décrit les faits: “L’étude de Beane devait pas sortir seulement dans La CiviltàCattolica, mais aussi dans la revue allemandeStimmen der Zeit ainsi que dans la revue belgeNouvelle Revue Théologique de Louvain.Lorsque la publication dans La CiviltàCattolica fut suspendue, la rédaction deStimmen der Zeit insista pour avoir le texte. Illui fut répondu qu’il serait mis volontiers àdisposition à condition que quelqu’un d’autresignât l’article” (35). C’est ainsi qu’en octobre1962 (le 11 octobre avait eu lieu l’ouverture

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du Concile), bien qu’interdit, l’article de Beaparut à la barbe du Cardinal Cicognani sous lenom du Père Ludwig von Hertling (jésuite luiaussi). “Les choses ne s’en tinrent pas là”,poursuit Willebrands. Comme par hasard,“l’article fut découvert par un juif de Gênes,Monsieur Raphaël Nahum et celui-ci obtintl’autorisation de le faire traduire en diverseslangues et de le répandre. Il le fit traduire enanglais, en français et en italien. A l’automne1963 il le fit diffuser parmi les PèresConciliaires dont l’orientation fut ainsi en réa-lité notablement influencée par la substancedu travail du Cardinal” (35). Pourtant Bea nese contenta pas d’avoir tourné l’interdictiondu Cardinal Cicognani en se servant deHertling et de Nahum; il voulait agir directe-ment en usant de son nom prestigieux. Aussi“ne se donna-t-il pas pour battu” et, un moisaprès l’interdiction il se rendait à Londres. Etc’est ainsi qu’au mois d’août, lorsque fut ren-due publique la nouvelle que le Dr Wardiavait été renvoyé à la maison, Joël Cang, ré-dacteur du Jewish Chronicle demanda une en-trevue au vieux mais pétillant cardinal. Bea,fidèle à son devoir, déclara qu’“il n’entendaitpas accorder une entrevue proprement dite”...mais... qu’“il était prêt à expliquer pourquoi etde quelle façon l’Eglise Catholique était déci-dée (...) à traiter la question concernant lepeuple juif” (35). Naturellement Bea ne dit pasla vérité. Il ne dit pas que le schéma avait étémis au panier. Il affirma même le contraire,soutenant que “l’incident concernant le renvoidu Dr Wardi” (...) “ne changerait pas le moinsdu monde l’attitude fondamentale et la poli-tique de l’Eglise Catholique”» (35). Quant à“la raison pour laquelle l’Eglise s’était décidéeà parler du problème juif” il raconta quel’Eglise Catholique ne voulait pas être enreste avec le Conseil Œcuménique des Eglisesqui venait de condamner l’antisémitisme, ca-chant par contre que cette décision était inter-venue à l’initiative des maçons du B’naïB’rith. Enfin, au cours de l’entrevue-qui-n’en-était-pas-une, il exposa sa thèse sur le “déici-de”, autrement dit celle d’Isaac, ni plus nimoins, que le Cardinal Cicognani lui avait in-terdit de divulguer (36).

Jean XXIII relance le schéma sur les juifs(13 décembre 1962)

C’est ainsi que du mois d’aôut au moisde septembre 1962, supporters et adver-saires du décret sur les juifs jouèrent leurs

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cartes pour faire passer ou au contraire an-nuler définitivement le schéma et par lamême occasion le plan que le B’naï B’rithavait conçu et commencé à mettre en œuvreavec la visite de Jules Isaac à Jean XXIII. Letemps pressait car le 11 octobre Jean XXIIIinaugurait (avec un discours célèbre que jecommenterai par la suite) la première ses-sion du Concile, la seule qu’il devait diriger.Lorsque le 8 octobre de la même année lapremière période conciliaire prit fin, rienn’était changé pour ce qui concerne le sché-ma sur les juifs depuis que Cicognani l’avaitfait supprimer; la question juive, celle queBea avait le plus à cœur, n’avait même pasété traitée au Concile, si l’on exclue l’inter-vention de l’évêque mexicain de Cuer-navaca, Mendez Arceo, pour demander àl’Eglise un document de réconciliation avecles juifs et la maçonnerie (37)! Mais c’est leSecrétariat de Bea dans son ensemble qui setrouvait alors dans une situation extrême-ment délicate, et, comme il a été dit déjà, lecardinal devait agir avec “prudence et sou-plesse” (38). Puisqu’on ne pouvait plus pré-senter un schéma séparé, Bea pensa insérercelui qui avait été repoussé dans d’autresschémas comme celui sur l’Eglise ou celuisur l’œcuménisme; “pour ce qui regarde leschéma sur les juifs - dit le procès-verbal dela réunion du Secrétariat pour l’unité deschrétiens du 26 octobre, peu après l’ouvertu-re du Concile - Son Eminence [Bea] pensequ’on pourra insérer en un endroit appro-prié ce qui était dit dans notre schéma” (39).Quelques jours auparavant, le 19 octobre,Jean XXIII avait donné encore une fois rai-son au Secrétariat de Bea, en confirmantque la compétence de celui-ci pour présen-ter des schémas ne se bornait pas à la phasepréparatoire désormais conclue mais s’éten-dait au Concile même (40). Le moment étaitvenu de reprendre les positions perduesavec la malheureuse “affaire Wardi”; aussien décembre Bea pensa-t-il faire appel àJean XXIII pour pouvoir proposer à nou-veau le schéma sur les juifs rejeté en juin.Entre-temps, “le 13 décembre 1962 - écritZizola - de retour à leur propres résidences,les Pères conciliaires avaient trouvé un grosvolume de 617 pages envoyé par des incon-nus. Sur la bande extérieure de la couvertu-re, ‘on recommandait respectueusement auxillustres Pères la lecture immédiate de laPréface et de Table des matières’. Levolume lançait une attaque contre de

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prétendus ‘pouvoirs occultes’ cherchant àmanœuvrer le Concile, pouvoirs eux-mêmesmanœuvrés par des forces juives (41). Le titredu livre était Complot contre l’Eglise et l’au-teur un certain Maurice Pinay, pseudonymeévidemment” (42). Contemporainement “unecampagne antichrétienne explosait dansl’Etat d’Israël sous la forme d’un complexe‘antimissionnaire’. La presse toute entière,celle de la gauche comme celle de la droitepolitique et des milieux juifs les plus ortho-doxes, dénonçait les moyens ‘scandaleux’employés par les missionnaires pour conver-tir les Juifs (...). Un projet de loi était pré-senté dans le but de réduire aux seuls chré-tiens les activités des diverses Eglises”; ilétait soutenu par ce même ministre desCultes qui avait décidé l’envoi à Rome deChaim Wardi (43). En ce mois de décembre1962, Jean XXIII avait donc en mains tousles éléments pour décider en toute connais-sance de cause. C’est alors, comme nousl’avons dit, que Bea “revint à la chargeaprès la conclusion de la première sessiondu Concile” (qui eut lieu le 8 décembre).«Dans la relation officielle avec laquelle en1963 il présentait en assemblée conciliaire leschéma sur le Comportement des catholiquesenvers les non-chrétiens et principalement lesjuifs, [Bea] rapporte à ce sujet: “Au mois dedécembre dernier j’ai exposé par écrit toutecette question sur les juifs au SouverainPontife Jean XXIII d’heureuse mémoire. Etpeu de temps après le Pape me signifiait sapleine approbation”. Comme on le voit, lePape avait mis la même promptitude à ré-pondre qu’à procéder à l’institution duSecrétariat. Sur une feuille sans en-têtedatée du 13 décembre, écrite entièrement desa main, le Pape disait: “Lu avec attentionce rapport du cardinal Bea, tout à fait d’ac-cord sur la gravité et la responsabilité d’uneprise de position de Notre part. Le Sanguisejus super nos et super filios nostros n’attri-bue à aucun croyant en Jésus-Christ la dis-pense de s’intéresser au problème et àl’apostolat pour le salut de tous les filsd’Abraham comme de tout être vivant sur laterre. Te ergo quæsumus Tuis famulis subve-ni, quos prœtioso sanguinæ redemisti.Ioannes XXIII PP.”» (44). Ce texte de JeanXXIII est ambivalent. La seconde partiesemble orthodoxe et, comme l’écrit le PèreSchmidt, “contient certes de quoi troubler lelecteur juif”. Mais, explique ce mêmeSchmidt à la suite d’Oesterreicher, “qui-

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conque connaît le pape Jean XXIII com-prendra sans équivoque qu’il s’agit d’une ex-pression de sa charité, formulée avec sa sim-plicité habituelle bien éloignée de toutevisée prosélytique”. Pour un catholique aucontraire, la première partie est absolumentdéconcertante, puisque Jean XXIII y recon-naît être “tout à fait d’accord” avec un textede Bea “lu avec attention”, un texte qui estinconciliable avec la doctrine catholique!Aussi Schmidt conclue-t-il à juste titre:“L’important est qu’avec ce simple texte lepape Jean XXIII remettait le problème àl’ordre du jour du Concile, se faisant pour laseconde fois le père spirituel du futur docu-ment conciliaire” Nostra ætate (44).

Développement des relations judéo-chré-tiennes jusqu’à la mort de Jean XXIII (juin1963)

Nous l’avons vu, c’est après la clôture dela première session conciliaire que fut prisecette importante décision de Jean XXIII. Il nedevait plus en présider aucune; la secondesession, où fut pour la première fois examinéen assemblée le schéma sur les juifs, se dérou-la sous le pontificat de son successeur PaulVI. Jean XXIII était mort entre-temps, enjuin 1963. Il nous reste donc à examiner lesderniers six mois de gouvernement de JeanXXIII du point de vue des relations avec lejudaïsme. Ce furent des mois d’activité inten-se pour le cardinal Bea entièrement soutenuet encouragé par Roncalli. Le 16 février 1963par exemple, Bea avait une nouvelle entrevueà Rome avec le Président des B’naï B’rith,Label Katz, pour modifier à la lumière desnouveaux événements “le plan initial établien 1962” (45). Selon plusieurs auteurs, en cetteoccasion, ou en une autre, Jean XXIII reçutKatz en audience (46). De toutes les ren-contres intervenues ces mois-là, “la plus im-portante et la plus significative” (47) eut lieu àNew York le 31 mars 1963 dans le cadred’une visite de Bea aux USA, “point culmi-nant de l’activité personnelle du Cardinal” encette période (48). Point culminant de son acti-vité parce que “dans cette visite - poursuitSchmidt - sont représentés tous les champs lesplus variés de l’activité du Président duSecrétariat pour l’union des chrétiens com-mentés jusqu’ici: qu’il s’agisse de l’œcuménis-me, des relations de l’Eglise avec le peuplejuif”, du “nouveau thème” du “problème dela rencontre des hommes en tant qu’hommes

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sous la souveraineté d’un Dieu personnel et,comme conséquence, du problème de l’unitéde l’humanité aussi du point de vue simple-ment humain” (48); en clair, ce voyage incluel’ouverture aux hérétiques, aux juifs et auxmaçons. Etant donnée son importance nousallons nous y attarder. Remarquons d’abordavec Schmidt qu’“il existe de tout le voyageun compte rendu confidentiel et qui pour lemoment le demeure”; des faits demeurentdonc, qui en 1987 encore, date de la parutiondu livre de Schmidt, ne pouvaient être révé-lés! Contentons-nous de ce qui est du domai-ne publique (ce qui ne veut pas dire connu detout le monde, loin de là!). L’origine de la vi-site serait à rechercher dans les activités de l’“Entrevue Agape”. De quoi s’agit-il? «Beanous en explique lui-même le concept: “Ils’agit d’une initiative qui entend promouvoirle dépassement d’idées préconçues, de suspi-cions et de ressentiments de quelque originequ’ils soient, au moyen de rencontres frater-nelles inspirées de respect mutuel fondé à sontour sur la reconnaissance de la dignité de lapersonne humaine, de ses droits et de ses de-voirs, sous la souveraineté d’un Etre SuprêmePersonnel, Dieu, Père prévoyant et bien-veillant de tous les hommes”». On ne pourraitpas mieux décrire l’activité d’une vénérableLoge anglo-saxonne! Si ce n’est, poursuit Bea,que l’Agape «s’inspire aussi, entre autres, del’idée exprimée par le pape Jean XXIII dansle radio-message de la vigile du Concile(11/09/1962), c’est-à-dire de l’idée “de la fra-ternité et de l’amour qui sont des exigencesnaturelles de l’homme imposées au chrétiencomme règle de rapport d’homme à hommeet de peuple à peuple”». C’est à la VIIèmeAgape tenue à Rome le 14 janvier 1962 queBea fut invité pour la première fois; elle étaitorganisée par l’Université d’Etudes SocialesPro Deo dont le président était le père domi-nicain belge Felix Morlion, figure énigma-tique et très intéressante sur laquelle nous re-viendrons (49). A la VIIème Agape partici-paient des représentants de 17 religions ouconfessions religieuses diverses; thème de larencontre: “le dépassement des préjugés, del’incompréhension, des antagonismes natio-naux, raciaux, religieux et politiques”. “Pource qui est des juifs italiens - écrit Toaff - la dé-légation était composée de moi-même, duprésident et du vice-président de l’Union descommunautés israélites italiennes, tandis queles organismes juifs internationaux étaient re-présentés par l’American Jewish Committee.

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Dans le discours d’ouverture, le cardinal dé-clara que la raison d’être de cette rencontreétait de rechercher la collaboration de tous lescroyants en Dieu (...) citant le pape JeanXXIII (...). C’était là un langage nouveau quisonnait agréablement à l’oreille des juifs...” (49

bis). “Lorsque, le 13 janvier de l’année suivan-te, il participe à la VIIIème Agape”, Bea,pour la première fois, “parle explicitement derencontres et de collaboration entre ressortis-sants de diverses religions sur la base de la foicommune en Dieu et dans le respect réci-proque de la liberté religieuse de chacun”. Lenombre des religions représentées étaitmonté à 21, de sorte que Bea franchit uneétape en parlant pour la première fois en pu-blic “du problème de la liberté religieuse”.Cette conférence souleva jusque dans la pres-se romaine une furieuse polémique, car toutle monde s’était rendu compte de la contra-diction entre la position de Bea et celle del’Eglise catholique (50). Comment réagit JeanXXIII? Le Père Schmidt rapporte qu’après laVIIème Agape, il avait envoyé une lettred’approbation signée du Secrétaire d’Etat (50).Après la VIIIème il fit pire, en adoptantquelques mois plus tard la position hétéro-doxe de Bea sur la liberté religieuse dans lafameuse encyclique Pacem in terris. Que JeanXXIII ait approuvé les Agapes de Morlion,l’appui qu’il donna au voyage de Bea auxUSA le confirme. Et oui, car (finalementnous y arrivons) c’est l’organisation d’unenouvelle Agape non plus à Rome mais à NewYork et dont Bea devait être le Président quifournit l’occasion du voyage. Pour éviter denouvelles critiques Bea déclara que ça n’étaitpas en sa qualité de président du Secrétariatpour l’unité des chrétiens qu’il présidait la ren-contre, “mais seulement à titre personnel, entant qu’individu aimant l’homme et l’humani-té et désirant promouvoir la fraternité entretous les hommes” (51). «La veille du départpour les Etats-Unis, Bea est reçu en audiencepar le pape Jean XXIII. A la fin de l’audienceil lui demande sa bénédiction. Surpris dans samodestie bien connue, le Pape répond embar-rassé: “Bénédiction... bénédiction, ça peut sefaire: que le Dieu tout-puissant Nous bénis-se...”. Mais il accompagna le Cardinal de sesprières. En effet, après la mort du Pape, nousreçumes de son fidèle secrétaire, Mgr Loris F.Capovilla, la photocopie d’une feuille de ca-lendrier de bureau, datée du 23 mars, sur la-quelle était noté: “Bon travail toujours du trèsdigne Président du secrétariat pour l’unité des

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chrétiens, le très méritant Card. Bea qui partmaintenant pour l’Amérique où l’attendentdes occasions de faire beaucoup de bien. Moncœur sent le besoin de l’accompagner enunion particulière d’esprit et de prière”» (52).Le voyage dura dix jours, du 27 mars au 5avril 1963, avec escales à Harvard, Boston,New York, Baltimore et Washington (53).Pour ce qui concerne notre sujet, deux ren-contres sont significatives; elles eurent lieutoutes deux à New York. Dans la soirée du 31mars, au siège du Comité Juif Américain (54),Bea rencontra les représentants des organisa-tions juives, une douzaine de personnalités(...) un peu de tous les divers courants”. “Encette occasion également l’atmosphère étaitvraiment excellente et fraternelle” (55), étantdonné que Bea ne faisait que répéter lesthèses de Jules Isaac: aucune responsabilitédans la mort de Jésus, aucun châtiment divindans l’exil du peuple élu, aucune réprobationde son peuple par Dieu. Comment n’auraient-ils pas été contents d’entendre un cardinal dé-mentir l’Eglise, se faisant l’écho des thèsespréalablement mises au point par le “frère”Isaac? Le lendemain 1er avril eut lieu l’Agapequi réunit un millier de personnes parmi les-quelles, outre Bea, le maire de New York,Wagner, le gouverneur Rockfeller, le pasteurH. P. Dusen (protestant), Rabbi Abraham J.Heschel, professeur au Séminaire Théolo-gique Juif, le musulman Zafrulla Khan et lebouddhiste U Thant, tous deux des NationsUnies, et enfin le Père Morlion. Thème (ma-çonnique) de la rencontre: Civic Unity andFreedom under God, c’est-à-dire UnitéCivique et Liberté sous l’autorité de Dieu. Laprésence de Rabbi Heschel (56) est significati-ve. Heschel admirait Bea au point de dire delui, le canonisant presque: “l’exceptionnellecombinaison de sagesse, de savoir et de sain-teté de cet homme vraiment supérieur en ontfait l’une des plus riches sources de consola-tion à une époque remplie de ténèbres. (...)Son nom demeurera cher au cœur du peuplejuif et de tous les hommes de bonne volontéen tant qu’artisan inspiré de la compréhen-sion religieuse; il restera pour toujours unebénédiction” (57). Tant d’admiration supposeune profonde connaissance! Et Schmidt écriten effet: “A partir de novembre 1961, A.J.Heschel fut reçu à plusieurs reprises par leCardinal à Rome” et “en tant que collèguescientifique de Bea et d’éxégète comme lui, ilexerça une influence considérable sur l’élabo-ration de Nostra ætate” (58). Pour la seconde

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fois nous avons un aveu d’importance capita-le: ce document conciliaire que tous les catho-liques devraient considérer comme l’œuvredu Saint-Esprit, ce sont les juifs qui l’ont écrit!Par ailleurs la collaboration d’Heschel et deBea son “collègue” a été confirmée récem-ment de source juive. Rabbi Rosenberg écrit:“Dans son expérience de vie, Heschel appli-qua les idéaux de ses écrits. Il fut en premièreligne aux Etats-Unis dans la lutte pour lesdroits civils et comme adversaire publique dela guerre du Vietnam. Il prit aussi une partimportante au Vatican comme consultantdans les années soixante, lorsque l’Eglise ca-tholique développait ses opinions actuellessur le Judaïsme et les autres religions et sur lafaçon de les traiter dans l’enseignement del’Eglise” (59). Il n’y a donc aucun doute à avoirsur la véritable origine de l’important docu-ment du Concile Vatican II...

Dans les sous-sols de la synagogue deStrasbourg

A son retour des Etats-Unis, le cardinalBea trouva Jean XXIII en bien mauvaisesanté: il ne lui restait même plus deux mois àvivre. L’étude des rapports entre AngeloRoncalli et les communautés juives devraitdonc se conclure avec le voyage du cardinalBea aux USA. En réalité il reste encore beau-coup de choses à dire. Jusqu’ici nous avonsseulement parlé des faits et des événementspublics, ou de ceux qui le sont devenus par lasuite comme la visite de Jules Isaac racontéedans le numéro précédent. Toutefoisbeaucoup de choses demeurent encore ca-chées et ce n’est que peu à peu et de manièrefragmentée qu’elles viennent à la connaissan-

New York, 31 mars 1963: le cardinal Bea avec le rabbin Abraham J. Heschel

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ce d’un nombre restreint de lecteurs attentifs.C’est seulement dans les années 1986-1987,par exemple, que l’on a pris connaissance dece que, faisant référence à l’accord plus connu“Rome-Moscou” réalisé lui aussi sous JeanXXIII, Madiran a appelé “l’accord secret deRome avec les dirigeants juifs” (60). Madiranse réfère à deux articles de Lazare Landaupubliés sur Tribune Juive, hebdomadaire pu-blié à Strasbourg et à Paris et dirigé par lerabbin Jacquot Grunewald, Le premier articlese trouve dans le n° 903 (17-23 janvier 1986),le second, plus détaillé, dans le n° 1001 (25-31décembre 1987). Ils seraient à citer en entier...Limitons-nous à une partie du second article:“Par une soirée brumeuse et glaciale del’hiver 1962-1963 - écrit Landau - je me suisrendu à une invitation extraordinaire duCentre communautaire de la Paix àStrasbourg. Les dirigeants juifs recevaient ensecret, au sous-sol, un envoyé du pape. Al’issue du shabbath, nous nous comptions unedizaine pour accueillir un dominicain de blancvêtu, le R.P. Yves Congar (61), chargé par lecardinal Bea, au nom de Jean XXIII, de nousdemander, au seuil du Concile (62), ce quenous attendions de l’Eglise catholique (...).Les juifs tenus depuis près de vingt siècles enmarge de la société chrétienne, souvent traitésen subalternes, ennemis et déicides, deman-daient leur complète réhabilitation. (...) Leblanc messager (...) s’en revint à Rome por-teur d’innombrables (autres) requêtes quiconfortaient les nôtres. Après de difficiles dé-bats (...) le concile fit droit à nos vœux. La dé-claration Nostra ætate n°4 constitua - le PèreCongar et les trois rédacteurs du texte me leconfirmèrent - une véritable révolution dansla doctrine de l’Eglise sur les juifs (...)”.Depuis l’époque de la visite secrète du PèreCongar en un endroit caché de la synagogue,une nuit d’hiver glaciale, la doctrine del’Eglise a connu effectivement une mutationtotale” (60). Combien d’autres rencontres dansles sous-sols des synagogues, combiend’autres accords secrets pour “changer totale-ment la doctrine de l’Eglise” y eut-il ces an-nées-là sous la responsabilité de Jean XXIII?

Responsabilité de Jean XXIII

Quelle fut donc la responsabilité de JeanXXIII? Se rendait-il compte de ce qu’il fai-sait en soutenant et en approuvant le cardi-nal Bea? Ou bien était-ce de sa part charitémal comprise? Ou bien désir de plaire et de

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faire plaisir? Les intentions de Jean XXIIInous échappent; elles ne sont connues quede Dieu qui a déjà rendu son jugement. Lesfaits, eux, demeurent. Quelles que soient lesintentions, on peut se demander commentun authentique successeur de Pierre a pu:

1) Changer la liturgie catholique dans unsens œcuménique, supprimant systématique-ment toute référence liturgique (et dévo-tionnelle) à une doctrine soutenue par l’una-nimité des Pères?

2) Collaborer avec des associations ob-jectivement antichrétiennes et liées à la ma-çonnerie, et les favoriser?

3) Approuver la doctrine contenue dansle schéma du cardinal Bea, doctrine plus ex-plicite encore que celle effectivement “pro-mulguée” par Vatican II ensuite dans laDéclaration conciliaire Nostra ætate (63).

Quelque temps après l’approbation défi-nitive de la Déclaration Nostra ætate, des ca-tholiques “traditionalistes” firent circulerparmi les Pères conciliaires un document dequatre pages portant la signature de 31 asso-ciations; il était intitulé: “Aucun concile niaucun pape ne peuvent condamner Jésus,l’Eglise catholique, apostolique et romaine,ses pontifes et les conciles les plus illustres. Orla déclaration sur les juifs comporte implicite-ment une telle condamnation et, pour cetteéminente raison, doit être rejetée”. Dans letexte on pouvait lire entre autres: “Les juifsdésirent maintenant pousser l’Eglise à secondamner tacitement et à se déjuger devantle monde entier. Il est évident que seul un an-tipape ou un conciliabule pourrait approuverune déclaration de ce genre” (64).

Si ça n’est pas Jean XXIII qui la promul-gua officiellement, comme nous l’avons dé-montré, il l’approuva totalement. Ce quipose un problème digne pour le moins d’ap-profondissements ultérieurs.

Saint Jean XXIII et Saint Jules Isaac

Nous comprenons alors l’enthousiasmed’un Giniewsky. A une nouvelle doctrinecorrespond une nouvelle Eglise, avec sesnouveaux Saints. Le Concile n’était qu’undébut; comme le dit Jean-Paul II, il est enquelque sorte l’Avent au regard des événe-ments du Troisième Millénaire. Pour cetavenir, on ne peut plus proche désormais,voici ce que propose Giniewsky: “UneEglise abolissant la sainteté de saint JeanChrysostome, à la langue de vipère; de saint

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Louis qui préconisait de dialoguer avec lesjuifs en leur passant l’épée dans le corps; etremplaçant les saints sataniques, pourfen-deurs et homicides, par de nouveaux saints:saint Jules Isaac et saint Jean XXIII. (...)Rien n’interdit d’espérer son avènement, derêver un autre Jean XXIII qui prendraitpour nom-défi, nom-programme, nom-em-blème Jean XXIV, convoquerait Vatican IIIet demanderait à l’Etat d’Israël, pour l’hé-berger, l’hospitalité de sa capitale unifiée etéternelle. Les chrétiens aimant les Juifs seréuniraient en concile de Jérusalem. JeanXXIV y proclamerait l’encyclique ProJudæis affirmant haut et clair le lien dupeuple juif avec sa terre retrouvée (...).Dans ce Nouvel Evangile Juif le pharisienJeshua [Jésus] se dresserait contre lapuissance romaine et mourrait pour la libé-ration de son pays, Israël, et de son peuple,les Juifs. Leur injuste crucifixion, leurs deuxmillénaires de Passion y seraient déplorés.Serait avoué et désavoué ce qu’on a perpé-tré à Sainte-Gudule de Bruxelles, à Rinn, àOberammergau, à Pulkau, à Ségovie, cequ’on a prêché dans les catéchismes et leslivres d’histoire... Tout serait mis en œuvrepour réhabiliter les Juifs calomniés et vili-pendés. On dirait clairement qui sont lessuccesseurs des crucificateurs romains et dePilate. Les Juifs, depuis l’époque romaine,sont le plus ancien des peuples colonisés.Avec Jean XXIV, avec le Concile deJérusalem, le temps de leur décolonisationserait venu. (...) Est-il utopique, sacrilège devouloir ce temps nouveau? Il est nécessaireaux Juifs crucifiés comme aux descendantsde leurs crucificateurs. L’espérer est unejoie. L’attendre, une grâce. Il est juste, il estpertinent, il est actuel de croire à une telletransformation des rapports d’Israël avec lachrétienté. Jean XXIV ferait peut-être scan-dale, pour les seules âmes habituées. Quandson œuvre sera accomplie, on s’étonneraqu’il ait fallu tant de siècles pour parvenir dela Passion selon saint Jean à la Passionselon saint Jules Isaac et saint Jean XXIII”(65).

Notes

1) Cf. La Documentation Catholique, 1960, co-lonnes 382, 1419-1420. Voir également: OsservatoreRomano du 19/10/1960, éd. it.

2) Dans Sodalitium n° 26, p. 29-30. Un petit détailcependant: dans son discours, Jean XXIII se vantaitd’avoir sauvé durant la guerre des milliers d’enfants

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juifs qui voyageaient sur un paquebot roumain. En réa-lité sa mémoire lui joue encore une fois un vilain tour;les réfugiés juifs (de tous âges) étaient au nombre de769, et le paquebot sur lequel ils voyageaient ne “finit”pas en lieu sûr mais sauta sur une mine (ibidem p. 5).

3) GIANCARLO ZIZOLA. Giovanni XXIII. Laterza,Roma-Bari 1988, p. 221.

4) Il s’agit évidemment du discours de Jean-Paul IIà la synagogue de Rome (1986) cité par le Père RosarioEsposito dans Le grandi concordanze tra Chiesa eMassoneria, ed. Nardini, Firenze 1987, p. 397. Cf. égale-ment l’interview du Rabbin Toaff à Francesco Vivianode la Repubblica (4 novembre 1994, p. 14): “il existe ac-tuellement une entente qui n’a jamais été auparavant(...) le mérite en revient à Jean XXIII qui a été le pre-mier pape à bénir les juifs à la sortie de la synagogue. Jeme rappellerai cette scène toute ma vie, dit Toaff...Parmi les plus beaux souvenirs du Rabbin Toaff enItalie il y a l’entrée historique de Jean-Paul II dans lasynagogue. Jusqu’à ce que nous soyions à l’intérieur -dit Toaff - cela me paraissait un songe, puis lorsque j’aivu le pape qui entrait à mes côtés je me suis détendu...”.Selon Mgr Loris Capovilla (Giovanni XXIII nel ricordodel segretario Loris F. Capovilla. Entrevue de MARCO

RONCALLI, et documents inédits. Ed. San Paolo,Cinisello Balsamo 1994, pp. 34-35) Jean XXIII “se mitdebout dans la voiture, retira son chapeau en signe derespect et de solidarité”. Il ne précise pas si, oui ou non,il fit le geste de bénédiction attesté par tous les autrescommentateurs.

5) PAUL GINIEWSKY, La croix des Juifs, éd. MJR

Dessin de Guareschi (septembre 1968)

Vatican II: Liquidation. “Les Pères conciliaires ont absout les juifs de l’accu-sation de déicide; en vertu du nouveau principe de laliberté religieuse, ceci ne sert plus à rien”.

Page 26: Jean -Pierre Carafa, le Pape Paul - Sodalitium · 2016. 7. 12. · torfius (3) et de l’abbé Giulio Bartolocci (4). Cet article naît de l’exigence de compléter les études sur

Genève 1994.6) Hæretici (...) rite baptizandi sunt; sed prius erro-

rum suorum pravitatem agnoscant et detestentur...7) ... Sacerdos dicat: (...) Horresce Judaicam perfi-

diam, respue Hebraicam superstitionem.8) ABBÉ CURZIO NITOGLIA, L’homicide rituel, dans

Sodalitium n° 29 , pp. 20 à 38.9) P. GINIEWSKY, op. cit., p. 270.10) P. GINIEWSKY, op. cit., p. 330. Des cas sem-

blables à celui de Deggendorf ne manquent pas enItalie non plus: à Alatri, à Trani, etc... Un jour oul’autre ils n’échapperont plus aux épurateurs...

11) STJEPAN SCHMIDT s.j., Agostino Bea, il cardinaledell’unità. Città Nuova, Roma 1987, p. 568. “La liste a étépréparée à partir des agendas du Cardinal et de son secré-taire particulier” (ibidem), le Père Schmidt en personne.

12) STJEPAN SCHMIDT s.j., op. cit., p. 355.13) NAHUM GOLDMAN, Staatmann ohne Staat.

Autobiographie. Köln-Berlin 1970, p. 378 ss. Cité par S.SCHMIDT, op. cit., p. 356. Pour d’autres renseignementssur Goldman (ou, selon certains, Goldmann), cf. ENCY-CLOPEDIA JUDAICA, vol. 7, colonne 723-724 et vol. 17,col. 266. Né en 1895 en Lithuanie, il sera successive-ment allemand, hongrois, citoyen des USA, israélien etsuisse. Il fondera l’Encyclopedia Judaica et le CongrèsMondial Juif. Il mourra en 1982.

14) Cf. Sodalitium n° 39, p. 21. Rappelons-le, cemême Goldman avait envoyé un télégramme au géné-ral des Jésuites à l’occasion de l’élévation de Bea aucardinalat (cf. Sodalitium n° 39, p. 21)) et le grand rab-bin de Rome, Toaff, témoigne qu’il connaissait Bea delongue date: “Lorsque de Venise je me transférai àRome [en 1951] je me mis à fréquenter pour mesétudes la bibliothèque de l’Institut biblique pontificaldirigée par monseigneur Augustin Bea, personne d’uneexquise gentillesse qui me combla d’attentions. Nos re-lations se transformèrent bien vite en amitié...” (dansELIO TOAFF, Perfidi giudei. Fratelli maggiori.Mondadori ed., Milano 1987, p. 215). Toaff poursuit enaffirmant que, pour réparer le mal fait aux juifs par lesallemands, Bea eut “l’idée de convoquer un Concileœcuménique”. Vraiment, une telle ignorance del’Eglise est stupéfiante chez une personne aussi cultivéeque Toaff (seul le Pape peut convoquer un Concile!).

15) Cf. La Documentation Catholique, 1961, co-lonnes 1187-1188.

16) Cf. La Documentation Catholique, 1962, co-lonnes 150 à 152.

17) Les rédacteurs anonymes du dossier “réservéexclusivement aux Révérends Pères Conciliaires”, et in-titulé L’azione giudaico-massonica nel Concilio (sineloco et data), souligne cette attitude des rabbins. Le car-dinal Bea, lit-on dans le dossier, prétend que son sché-ma conciliaire n’a pas une finalité politique mais reli-gieuse. Pourtant “il est vraiment étrange que leSecrétaire pour l’union des chrétiens n’ait pas pris decontacts avec les autorités religieuses du peuple juiftelles que par exemple les Grands Rabbins de NewYork, de Londres ou de Rome, ou bien ceux deJérusalem et de Tel Aviv qui sont les seules personnali-tés juridico-religieuses habilitées à établir des contactsde ce genre à un haut niveau. Alors que, par contre, dèsle début le cardinal Bea établit des relations avec dehauts dirigeants politiques maçonniques comme LabelA. Katz, Président mondial des B’naï B’rith, ordre ma-çonnique réservé exclusivement aux juifs, avec NahumGoldman, Président du Conseil National Juif (sic) etavec d’autres hauts fonctionnaires de l’American Jewish

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Committee” (pp. 16-17). Le texte poursuit en citant lesdéclarations opposées “au rapprochement spirituelentre juifs et catholiques” du “Conseil Permanent desrabbins d’Europe”, du “Conseil rabbinique d’Améri-que”, des rabbins des USA Feuer et Lelyveld, duGrand Rabbin de Jérusalem, etc.. Il ne faut cependantpas croire à une opposition trop marquée entre rabbinset organisations juives comme le B’naï B’rith; les tâchesétaient seulement différentes: maintenir dans sa puretéla tradition religieuse juive en s’opposant au “dialogue”pour les rabbins, changer la tradition catholique aumoyen du “dialogue” pour les B’naï B’rith...

18) S. SCHMIDT, op. cit., p. 374.19) S. SCHMIDT, op. cit., p. 374, note 68. Le texte du

Memorandum est rapporté dans le “Simposio card.Agostino Bea (16-19 décembre 1981)”, Rome 1983, pp.96 ss, avec une étude-enquête de la Ligue Anti-Diffamation des B’naï B’rith. Malheureusement je n’aipas encore pu consulter les actes de cet intéressantSymposium, et prendre ainsi directement connaissancedu Memorandum. Sur Label Katz (1918-1975), cf.ENCYCLOPEDIA JUDAICA, vol. 10, col. 825-826 et vol. 17,col. 644.

20) Op. cit., p. 10.21) Le Monde, le 19 novembre 1963; cité par

AA.VV., L’azione giudaico-massonica nel Concilio, op.cit., p. 11.

22) Cité par La documentation Catholique, année1962, col. 1130. La présence de Katz est attestée parL’azione giudaico-massonica, p. 10, qui se base sur LaCivilta Cattolica du 18 juillet 1964.

23) Cf. La Documentation Catholique, année 1962,col. 1130-1131.

24) S. SCHMIDT, op. cit., p. 377.25) Texte italien complet (que je n’ai pas consul-

té) dans La Civiltà Cattolica du 16 juin 1962.Traduction française partielle dans La DocumentationCatholique, année 1962, col. 1131-1132. Texte italienpartiel et modifié (sans en avertir le lecteur) dansZIZOLA, op. cit., p. 221.

26) S. SCHMIDT, op. cit., p. 400.27) S. SCHMIDT, op. cit., p. 401.28) S. SCHMIDT, op. cit., p. 566.29) Agence Kipa, 5 août 1962. Cité par La

Documentation Catholique, 1962, col. 1130.30) S. SCHMIDT, op. cit., p. 400, note 178, avec réfé-

rence au livre de ROBERT KAISER, Inside the Council.The story of Vatican II. Londres 1963, p. 215.

31) S. SCHMIDT, op. cit., pp. 564-565. Il n’est doncpas vrai que le Concile a traité seulement de “pastora-le”, et pas de questions dogmatiques qui touchent lesdonnées révélées!

32) S. SCHMIDT, op. cit., p. 566.33) G. ZIZOLA, op. cit., pp. 222-223.34) Cf. EMILIO CAVATERRA. Il prefetto del

Sant’Ufficio. Mursia, Milano 1990, pp. 109-110 et 143,où il compare les israéliens au héros biblique JudasMacchabée! Selon de Poncins (Le problème des juifs auConcile. Sine loco et data, p. 9) Ottaviani eut lui aussiune entrevue avec Jules Isaac avant l’audience de JeanXXIII même si cette entrevue n’eut aucune suite.

35) S. SCHMIDT, op. cit., pp. 566-567. L’article du car-dinal Bea a été intégralement publié par La CiviltàCattolica, n° 3161 du 6 mars 1981. Mgr PIER CARLO

LANDUCCI, membre de l’Académie Romaine deThéologie, réfuta l’article de Bea par un écrit intitulé Lavera carità verso il popolo ebreo qui fut publié par la revuegênoise de théologie fondée par le cardinal Siri,

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Renovatio, n° 3 [1982] pp. 369 à 373. Le texte de Landuccifut également publié par la revue française La PenséeCatholique n° 207 [1983]. La pensée du Cardinal Bea surles relations “Eglise-peuple juif” est longuement exposéepar S. SCHMIDT, op. cit., pp. 589 à 613.

36) La Documentation Catholique (1962, col. 1132)reprend le résumé de l’entrevue du 10 aôut 1962 que fitl’agence de presse K.N.A. le 16 août suivant.

37) L’intervention de Mendez Arceo eut lieu le 6décembre, deux jours avant la clôture de la session (cf.P. RALPH WILTGEN S.V.D., Le Rhin se jette dans le Tibre.Ed. fr. du Cèdre, Paris, 1976, p. 164). Selon L’azionegiudaico-massonica nel Concilio (p. 2) que nous avonscitée plus haut, l’évêque de Cuernavaca était lui aussid’origine juive, “descendant des sefardi qui tentèrentde judaïser la population de Cotija au Mexique” (p. 9).Sur le phénomène des Marranes cf. ABBÉ CURZIO

NITOGLIA dans “Sodalitium” n° 39, p. 4 ss.38) Cf. S. SCHMIDT, op. cit., pp. 611-612.39) S. SCHMIDT, op. cit., p. 567.40) S. SCHMIDT, op. cit., pp. 452 à 454. Le Se-

crétariat pour l’union des chrétiens apparaissait comme“un organe préconciliaire, et non comme un organe élupar le Concile. D’où la question: qu’adviendra-t-il desschémas préparés par le Secrétariat? (...) Il est significa-tif que, nonobstant l’activité convulsive du moment, lePape ait fait communiquer par l’intermédiaire duSecrétariat d’Etat la réponse affirmative: quant à lacompétence pour ce qui est des schémas, le Secrétariatétait mis sur un pied d’égalité avec les Commissionsconciliaires”.

41) Evidemment Zizola cherche à susciter chez lelecteur l’indignation envers les calomnies délirantes dulivre en question. Cependant nous avons vu que les in-terventions au Concile de la loge maçonnique B’naïB’rith ne sont pas une légende mais une réalité, inconnueà la plupart à cette époque, mais admise aujourd’huitranquillement par les B’naï B’rith eux-mêmes.

42) G. ZIZOLA, op. cit., p. 225. Cf. également S.SCHMIDT, op. cit. p. 612. Le livre de Maurice Pinay fut im-primé à Rome par le typographe Dario Detti avec une pré-face datée du 31 août 1962. Dans la préface même il est ditque la préparation du livre a duré 14 mois. De nombreusestraductions en ont été faites, en allemand, en espagnol, enportugais, etc. La traduction espagnole (même si la langueoriginale de l’écrit est justement l’espagnol) fut publiéeavec l’Imprimatur de Mgr Juan de Navarrete, Archevêqued’Hermosillo (Mexique), en date du 18 avril 1968. A pro-pos du livre de Maurice Pinay, voir également ABBÉ

CURZIO NITOGLIA, Le complot judaïco-maçonnique contrel’Eglise de Rome, dans Sodalitium, n° 37, pp. 28 à 40.

43) G. ZIZOLA, op. cit., p. 226.44) S. SCHMIDT, op. cit., p. 568.45) L’azione giudaico-massonica nel Concilio, op.

cit., p. 10.46) E. RATIER, Mystères et secrets du B’naï B’rith,

Facta, Paris 1993; L’azione giudaico-massonica nelConcilio, op. cit., p. 4: “Ce fut justement son actuelPrésident [du B’naï B’rith] Label Katz qui se mit encontact avec le Cardinal Bea, et celui-ci l’introduisit en-suite auprès de Sa Sainteté Jean XXIII”.

47) S. SCHMIDT, op. cit., p. 569.48) Pour tout le voyage de Bea aux USA, cf. S

SCHMIDT, op. cit., pp. 464 à 470 et note 60 p. 464.49) Anticipons pour le lecteur curieux: Morlion,

probablement espion de la C.I.A., fut chassé de Romepar le Cardinal Pizzardo en 1960. Sa notoriété est dueau rôle qu’il joua pour favoriser l’intervention de Jean

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XXIII dans l’affrontement opposant USA et URSS lorsde la crise de Cuba, intervention qui constitua uneétape importante de l’ouverture à gauche de Roncalli;cf. PETER HEBBLETHWAITE, Jean XXIII, le pape duConcile, éd. Le Centurion, 1988, pp. 490, 519.

49 bis) ELIO TOAFF, op. cit., p. 215.50) Cf. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 519; SCHMIDT,

op. cit., p. 468; ZIZOLA, op. cit., p. 223. Je reviendrai parla suite sur la question de la liberté religieuse.

51) En cette occasion Bea ajouta: “Je le fis d’autantplus qu’à l’époque n’existaient pas encore les deuxSecrétariats institués plus tard par le Souverain Pontife[Paul VI] pour les contacts avec les religions non chré-tiennes et avec les non croyants”; SCHMIDT, op. cit., p. 468.

52) S. SCHMIDT, op. cit., p. 469.53) Quelques précisions pour le lecteur américain.

Bea fut accueilli et soutenu surtout par l’archevêque deBoston, le cardinal Richard Cushing, puis par celui deBaltimore (membre du Secrétariat), Mgr Shehan et enfinpar celui de Washington, O’Boyle. A Harvard, Bea ren-contra des congrégationalistes et des méthodistes (27-29mars) et à New York, au Lutheran Center, les représen-tants du Conseil œcuménique des Eglises (31 mars).

54) S. SCHMIDT, op. cit., p. 569.55) S. SCHMIDT, op. cit., p. 466.56) Abraham Joshua Heschel (1907-1972), juif po-

lonais hassidim. Théologien et écrivain émigré auxEtats-Unis où il enseigna au Jewish TheologicalSeminary. Sur Heschel cf. HANS KÜNG, Ebraismo,Rizzoli, Milano 1993, pp. 451 à 459; ENCYCLOPEDIA

JUDAICA, vol. 8, col. 426-427; ROY ROSENBERG, L’Ebra-ismo, storia, pratica, fede. Oscar Mondadori, Milano1995, pp. 138 à 141.

57) S. SCHMIDT, op. cit., pp. 839 et 841.58) S. SCHMIDT, op. cit., p. 612, note 179. 59) ROY A. ROSENBERG, L’ebraismo, storia, prati-

ca, fede. Oscar Mondadori, Milano 1995, p. 139 (éd. an-glaise: Judaism, History, Practice and Faith. 1990). Il nefaut pas confondre Rabbi Rosenberg avec l’idéologuedu nazisme Alfred Rosenberg, condamné à mort àNuremberg (1946) et auteur du livre violemment anti-chrétien intitulé Le mythe du XXème siècle, pas plusqu’avec les époux Rosenberg condamnés à mort auxEtats-Unis (1953) comme espions soviétiques.

60) Cf. Itinéraires, automne 1990, n° III, pp. 1 à 20.L’analyse de Madiran mérite d’être lue dans son entier.

61) Œcuméniste, représentant de la NouvelleThéologie, il fut frappé par les mesures disciplinairesconsécutives à l’encyclique de Pie XII, Humani generis.Jean XXIII par contre le nomma “expert” à Vatican II.Jean-Paul II l’a défini comme son maître à Franchir leseuil de l’espérance, et l’a nommé “Cardinal” en 1994. Ilest mort le 22 juin 1995.

62) L’épisode se situe donc probablement avant le11 octobre 1962, date du début du Concile, ou, en touscas, peu après, lorsque le schéma sur les juifs étaitencore dans les limbes... pour tout le monde, exceptépour Bea et pour Jean XXIII.

63) La première version du § 4 de Nostra ætate, in-cluse dans le décret sur l’œcuménisme et présentéedans la seconde session du Concile (19 novembre 1963),la seconde version incluse au n° 32 de la déclaration surles religions non chrétiennes présentée au début de latroisième session (28-29 septembre 1964), la troisièmeversion approuvée comme n° 4 de Judæis de Nostraætate le 20 novembre 1964, sont présentées avec la ver-sion définitive votée le 28 octobre 1965 dans le livre deMARIE-THÉRESE HOCH et BERNARD DUPUY, Les

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Eglises devant le Judaïsme. Documents officiels 1918-1978, éd. du Cerf, Paris 1980, pp. 321 à 334. Malgré lesatténuations et les changements (entre autres la dispari-tion du mot “déicide” du texte conciliaire) le cardinalBea a pu dire, à juste titre, que son texte a été “fidèle-ment conservé quant à la substance” (cf. SCHMIDT, op.cit., p. 585).

64) Texte cité par HENRI FESQUET dans: Le journaldu Concile, Robert Morel éd., Forcalquier 1966, p. 988,qui reprend l’un de ses articles paru dans Le Monde le16 octobre 1965. Dans cet article Fesquet affirme queparmi les signataires figuraient les revues Itinéraires,Nouvelles de chrétienté, et Verbe de la Cité Catholique.Les responsables de ces revues démentirent avec dé-dain (cf. Itinéraires, n° 98, décembre 1965, pp. 1 à 32; n°99, janvier 1966, pp. 4 à 14) déclarant que le texte étaitun “faux” et une “provocation” d’origine progressiste.Dans le n° 95 de juillet-août 1965, pp. 2 à 41, Madiranavait déjà dénoncé les déclarations des progressistes an-nonçant pour décembre le futur schisme des intégristesqui n’accepteraient pas le Concile. Cependant, je nepense pas que le texte cité ci-dessus soit un “faux” fa-

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briqué par les progressistes; tout porte à croire parcontre à une action des “traditionalistes” mexicains, àl’origine aussi du livre de “Maurice Pinay”. Il n’en de-meure pas moins que dès 1965 des voix s’élèvent pourdéclarer le Siège vacant.

65) PAUL GINIEWSKY, op. cit., pp. 385-386. Certainslecteurs penseront que Giniewsky délire. Qu’ils se rap-pellent les paroles prononcées par Modigliani en 1962:“En d’autres temps ç’eut été folie de demander àl’Eglise un tel comportement. Aujourd’hui non. JeanXXIII a fait preuve d’une généreuse sensibilité...”.Impossible “d’enlever la sainteté” à des hommes cano-nisés par l’Eglise? Et pourtant le culte de Saint Simonin,du Bx Andrea de Rinn, du Bx Lorenzino de Marosticaont été supprimés. Sainte Catherine de Sienne etd’autres saints ont été critiqués; des excuses ont été de-mandées pour leurs “péchés”... Impossible de canoniserJules Isaac? Et pourtant Jean-Paul II a préconisé l’inser-tion des non catholiques au Martyrologe... Que les ro-mains furent seuls responsables de la crucifixion est déjàdoctrine officielle de l’“Eglise”. C’est nous qui sommesles déicides, comme le rappelle le Nouveau Catéchisme

Dans le dernier numéro de Sodalitium (n° 40pp. 56-65) nous avons publié un examen at-

tentif de la première des deux “encycliques” wojty-liennes de l’année 1995, ‘Evangelium vitæ’; c’estmaintenent le tour de la seconde, ‘Ut unum sint’,datée du 25 mai, Ascension de Notre-Seigneur.‘Evangelium vitæ’ est sans conteste celle des deuxqui met le plus en évidence les caractéristiques dela pensée du philosophe et théologien moralisteKarol Wojtyla, tout en demeurant fidèle auxorientations de Vatican II, et surtout de ‘Gaudiumet spes’, alors qu’‘Ut unum sint’ n’est ni plus nimoins que la répétition des grands documentsconciliaires sur l’œcuménisme, plus particulière-ment ceux mentionnés expressément comme telspar Jean-Paul II: Lumen gentium, Unitatis redin-tegratio et Dignitatis humanæ. Le commentaired’‘Ut unum sint’ devient donc un commentaire deVatican II lui-même (d’Unitatis redintegratio sur-tout); l’ampleur et la complexité de la matièrenous contraint à y consacrer plus d’un numéro deSodalitium. Comme d’habitude, pour les citationsnous donnerons le numéro de l’“encyclique” suivide celui de la page de l’édition de “L’OsservatoreRomano. Document” n° 22, 30 mai 1995, éd. fr.

ABRÉVIATIONS ET BIBLIOGRAPHIE:

Documents du Concile Vatican II:DH: Déclaration sur la liberté religieuse

Dignitatis humanæ.

LG: Constitution dogmatique sur l’EgliseLumen gentium.

OE: Décret sur les Eglises OrientalesCatholiques Orientalium Ecclesiarum.

UR: Décret sur l’œcuménisme Unitatisredintegratio.

Documents du Magistère:AAS: Acta Apostolicæ Sedis.MC: Encyclique de Pie XII Mysticis

Corporis.Denz.: Henrici Denzinger, Enchiridion sym-

bolorum definitionum et declarationum derebus fidei et morum, Herder, 31ème éd.

Denz. S.: c’est la 36ème édition du Den-zinger, entièrement revue, par les soinsd’Adolfus Schönmetzer.

E.P.: Enseignements pontificaux, Solesmes,Desclée, 1959.

Documents patristiques:RJ: M.J. Rouët de Journel s.j., Enrichidion Pa-

tristicum, 8ème-9ème édition, Herder, 1932.

Auteurs:Lettre: AA.VV., Lettre à quelques évêques sur

la situation de la Sainte Eglise et mémoiresur certaines erreurs actuelles, SociétéSaint-Thomas-d’Aquin, Paris, 1983.

Beste: ULDARICUS BESTE, Introductio Incodicem, D’Auria, Napoli 1961.

LL’’OOSSSSEERRVVAATTOORREE RROOMMAANNOO

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Billot: LUDOVICO BILLOT, S.J. Tractatus deEcclesia Christi, gregoriana Roma 1927.

Congar: YVES CONGAR, Le Concile deVatican II, son Eglise, peuple de Dieu etCorps du Christ, Beauchesne, Paris, 1984.

Jaeger: LORENZ CARD. JAEGER, Le décret deVatican II sur l’œcuménisme, Casterman,Tournai, 1965.

Mura: ERNEST MURA, Le Corps mystique duChrist, Blot, Paris, 1936.

Naz: RAOUL NAZ, Traité de DroitCanonique, Letouzey et Ané Editeurs,Paris 1946.

Piolanti: MGR ANTONIO PIOLANTI, La co-munione dei santi e la vita eterna, Libre-ria editrice fiorentina, Firenze, 1957.

Sipos Galos: STEPHANUS SIPOS LADISLAUSGALOS, Enchiridion Iuris Canonici,Herder 1960.

Zub.: VALENTINO ZUBIZARRETA TheologiaDogmatico-Scholastica, vol. I Theologia Fun-damentalis, ed. “El Carmen”, Vitoria 1948.

COMMENTAIRE DE L’“ENCYCLIQUE”UT UNUM SINT (PREMIERE PARTIE)

Ecoutons la voix du Pape: «Une fausse ap-parence du bien peut plus facilement,

alors qu’il s’agit de favoriser l’union de tousles chrétiens, entraîner quelques âmes. N’est-il pas juste - a-t-on l’habitude de dire - n’est-ce pas même un devoir pour tous ceux qui in-voquent le nom du Christ d’éviter les accusa-tions réciproques et de s’unir enfin, de tempsà autre, par les liens d’une mutuelle charité?Quelqu’un oserait-il affirmer qu’il aime leChrist s’il ne cherche de toutes ses forces àréaliser le vœu du Christ lui-même deman-dant à son Père que ses disciples soient “un:ut unum sint”? (Jn 17, 21). Et le Christ n’a-t-il pas encore voulu que ses disciples fussentmarqués et ainsi distingués du reste deshommes par le signe de l’amour mutuel:“C’est à cela que tous reconnaîtront que vousêtes mes disciples si vous avez de l’amour lesuns pour les autres” (Jn 13, 35). Plaise à Dieu- ajoute-t-on - que tous les chrétiens soient“un”; car, de la sorte, ils rejetteraient avecune efficacité beaucoup plus grande ce veninde l’impiété qui, en s’insinuant et se diffusantchaque jour davantage, prépare la ruine del’Evangile. (...) Mais sous les séductions de lapensée et la caresse des mots se glisse une er-reur incontestablement des plus graves et ca-pable de ruiner de fond en comble les assises

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de la foi catholique». Et le Pape continue:«C’est le moment d’exposer et de réfuter uneerreur qui est à la base de toute cette ques-tion et d’où procèdent l’activité et les mul-tiples efforts des acatholiques pour confédé-rer, comme Nous l’avons dit, les églises chré-tiennes. Les auteurs de ce projet ont en effetpris l’habitude de citer à tout propos cette pa-role du Christ: “Que tous soient un, ut unumsint... Il n’y aura qu’un seul bercail et qu’unseul pasteur” (Jn 17, 21; 10, 16); comme si, àleur avis, la prière et le vœu du Christ Jésusétaient demeurés jusqu’ici lettre morte». Cesont là, évidemment, les paroles du Pape PieXI, dans la lettre encyclique Mortalium ani-mos du 6 janvier 1928. Ce n’est pas un hasardsi la “lettre encyclique sur l’engagement œcu-ménique” de Jean-Paul II commence juste-ment par ces paroles fatidiques de Jésus: “Utunum sint”, suivie d’un point d’exclamationaussi enthousiaste qu’inhabituel (1, I). Maisest-ce dans le sens des œcuménistes condam-nés par Pie XI en 1928 que Jean-Paul II in-terprète les paroles du Seigneur, ou bien,comme le laissent entendre les numéros 9 et11 de son “encyclique”, dans le sens ortho-doxe, selon lequel cette note d’unité “qui ap-partient à l’être même” de l’Eglise (9, II) seréalise dans l’Eglise catholique (“qui, aucours des deux mille ans de son histoire a étégardée dans l’unité avec tous les biens dontDieu veut doter son Eglise...” cf. n° 11, p. II)?Un autre passage de l’“encyclique” tend aucontraire à l’interprétation hétérodoxe: “Laprière du Christ”, ut unum sint, “parle à tousde la même manière, en Orient [“ortho-doxe”] comme en Occident [catholique etprotestant]. Elle devient un impératif qui com-mande d’abandonner les divisions pour re-chercher et retrouver l’unité, sous l’influencedes expériences amères de la division” (65,VIII). Dans ce contexte, l’Eglise apparaît di-visée, privée d’unité, puisque l’appel duChrist à l’unité parle de la même manièreaux diverses confessions chrétiennes, commes’il n’y avait aucune différence entre l’Eglisecatholique (qui possède l’unité et qui estl’unique Eglise du Christ) et les sectes héré-tiques qui doivent revenir à cette unité catho-lique dont elles se sont séparées. Quelle estdonc l’interprétation “authentique” d’utunum sint? Celle des numéros 9 et 11 ou celledu numéro 65? Ce dilemne est d’une extrêmegravité; pour le résoudre nous examineronsattentivement cette dernière “encyclique”wojtylienne.

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I. LE MOUVEMENT ŒCUMENIQUE ET L’EGLISE

L’engagement œcuménique: une obligation,en conscience, pour tous, voulue par leChrist et le Saint-Esprit

L’engagement œcuménique dont traitel’“encyclique” Ut unum sint n’est pas facul-tatif, mais une obligation stricte pour tous.“L’Eglise catholique considère dans l’espé-rance l’engagement œcuménique comme unimpératif de la conscience chrétienne éclai-rée par la foi et guidée par la charité” (8, II;15, III). “Il s’ensuit que la recherche del’unité des chrétiens n’est pas un acte faculta-tif ou d’opportunité, mais une exigence quidécoule de l’être même de la communautéchrétienne” (49, VI). Se référant aux prin-cipes doctrinaux de l’œcuménisme, Jean-Paul II écrit: “Reconnaître tout cela répond àune exigence de vérité” (12, II). Rela-tivement à la prière œcuménique, il affirme:“la préoccupation de l’unité ne peut être ex-clue” de la prière (27, IV). Se référant à laprière après la Cène de Jésus, à l’ut unumsint qui parlerait à tous “de la même maniè-re”, Jean Paul II enseigne qu’“elle devientun impératif qui commande d’abandonnerles divisions pour rechercher et retrouverl’unité” (65, VIII). Ce devoir est particuliè-rement urgent à l’approche du troisièmemillénaire: il est préconisé “d’appliquer, au-tant que possible fidèlement, l’enseignementde Vatican II” et “étant donnée l’importanceque l’assemblée conciliaire a accordée àl’œuvre de recomposition de l’unité des chré-tiens, en notre époque de grâce œcuménique,il m’a semblé nécessaire - ajoute Jean-Paul II- de redire les convictions fondamentalesque le Concile a gravées dans la consciencede l’Eglise catholique...”. Et même, “Il n’estpas douteux que l’Esprit Saint agit danscette œuvre et qu’il conduit l’Eglise vers lapleine réalisation des desseins du Père,conformément à la volonté exprimée par leChrist” (100, XI) dans ces mots ut unumsint. Ce n’est pas là l’unique péricope danslaquelle on attribue à l’Esprit Saint le mou-vement œcuménique: “... l’Eglise que leParaclet oriente vers la recherche de l’unitéde tous ceux qui croient au Christ” (24, IV);“l’Esprit (...) invite” les fidèles catholiques“à un sérieux examen de conscience” surl’engagement œcuménique (82, IX); l’exa-men de conscience doit être suivi d’une

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“conversion commune à l’Evangile, dont lemouvement œcuménique a été l’instrumentgrâce à l’Esprit Saint” (41, V) et le rejet des“spectres du passé” éloignés par “l’espéranceen l’Esprit” (102, XI) c’est pourquoi “Unecommunauté chrétienne qui croit au Christ(...) ne peut en aucune manière se fermer àl’appel de l’Esprit qui oriente tous les chré-tiens [les catholiques aussi par conséquent,n.d.a.] vers l’unité pleine et visible” (99, XI)...

Si “l’engagement œcuménique” est vrai-ment l’œuvre du Saint-Esprit, et non de l’es-prit diabolique, il n’y a rien d’étonnant à ceque Jean-Paul II le considère comme “une despriorités pastorales” de son pontificat (99, XI)et que “Les deux [nouveaux] Codes de Droitcanonique placent parmi les responsabilités del’Evêque celle de promouvoir l’unité de tousles chrétiens, soutenant toute action ou initiati-ve destinée à la promouvoir, conscient quel’Eglise y est tenue de par la volonté mêmedu Christ (Code de Droit canonique. can. 755,Code des canons des Eglises Orientales, can.902)” (101, XI). Au-dessous du “Pape” et des“Evêques”, les fidèles eux aussi seraient tenusde pratiquer l’œcuménisme; Jean-Paul II, ci-tant Vatican II, rappelle que “le soin de res-taurer l’union regarde toute l’Eglise, tant les fi-dèles que les pasteurs, et chacun selon sespropres capacités” (ibidem; cf. UR 5).

Si les choses sont vraiment ainsi, il estévident que faire obstacle à l’œcuménisme“c’est l’offenser [Dieu] dans son dessein derassembler tous les hommes dans le Christ”(99, XI) et que nous devons “écarter de nousla tiédeur dans l’engagement pour l’unité etplus encore l’opposition préconçue ou le pes-simisme qui tend à tout voir négativement”(79, IX). Comment un catholique peut-ilprendre la responsabilité de désobéir à Dieule Père, à Jésus-Christ, au Saint-Esprit, àl’Eglise, au Pape et au Concile qui lui impo-sent - si nous croyons à l’autorité de Jean-Paul II - l’engagement œcuménique? Etpourtant le sensus fidei des catholiques serévolte immédiatement contre une nouveau-té parfaitement inconnue aux catholiquesjusqu’à ces trente dernières années.

L’œcuménisme: nouvelle doctrine et nouvel-le praxis de l’“Eglise”

Jean-Paul II en effet revendique une foisde plus la nouveauté de l’engagement œcu-ménique pour l’“Eglise catholique” et donnela date de départ de cet engagement: le

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Concile Vatican II. «Le Concile Vatican II ex-prime le décision de l’Eglise de s’engager dansl’effort œcuménique pour l’unité des chrétienset de le proposer avec conviction et avec vi-gueur: “Ce saint Concile, exhorte tous les fi-dèles catholiques à reconnaître les signes destemps et à prendre une part active à l’actionœcuménique” (UR)» (8, II). L’œcuménismeest un “processus entrepris par le ConcileVatican II, qui inscrivit dans le cadre du renou-veau le devoir œcuménique d’unir les chrétiensdivisés” (15, III). “Le mouvement œcumé-nique” est un instrument de l’“Esprit de Dieu”pour une “conversion commune à l’Evangile”qui date des “trente dernières années”, autre-ment dit de “la conclusion du Concile” (41,V). “... Le Concile Vatican II a été un momentbéni, pendant lequel ont été réunies toutes lesconditions essentielles de la participation del’Eglise catholique au dialogue œcuménique”(30, IV). L’œcuménisme est un “chemin quenous avons parcouru depuis le ConcileVatican II” (53, VI). Avec l’œcuménisme,l’“Eglise” aurait découvert des choses qu’ellene connaissait pas auparavant, pris consciencede choses dont elle n’avait pas consciencejusque-là. “Les relations que les membres del’Eglise catholique ont établies depuis leConcile avec les autre chrétiens ont fait décou-vrir ce que Dieu réalise en ceux qui appartien-nent aux autres Eglises et Communautés ecclé-siales. Ce contact direct, à différents niveaux,entre les pasteurs et entre les membres desCommunautés nous a fait prendre consciencedu témoignage que les autres chrétiens rendentà Dieu et au Christ” (48, VI). Les “relationsentre chrétiens” et le “dialogue” “ont rendu leschrétiens conscients des données de la foi qu’ilsont en commun” mais il y avait eu déjà dans la“Constitution dogmatique Lumen gentium” deVatican II une “prise de conscience” dequelque chose dont de toute évidence on étaitinconscient auparavant, autrement dit de la“reconnaissance des éléments salvifiques qui setrouvent dans les autres Eglises et Com-munautés ecclésiales” (49, VI). “Maintenant,après une longue période de division et d’in-compréhension réciproques le Seigneur nousdonne de nous redécouvrir comme Eglisessœurs, malgré les obstacles qui furent alorsdressés entre nous” (57, VII: il s’agit là d’unecitation de Paul VI); c’est qu’évidemmentpendant neuf siècles l’Eglise avait perdu la“vérité” sur les “Eglises sœurs”, mais elle l’a“redécouverte” en 1967, date du discoursmontinien que nous venons de citer!

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Les nombreuses citations de Jean-Paul IIalléguées jusqu’ici montrent que l’“engage-ment œcuménique” est une nouveauté pourl’“Eglise catholique”, nouveauté qui date deVatican II, trente ans en arrière, pas beau-coup plus. Après avoir décrit le mouvementœcuménique au n° 7 (p. II) avec les parolesmême du Concile (UR 1), Jean-Paul II affir-me solennellement: «Le Concile Vatican IIexprime la décision de l’Eglise de s’engagerdans l’effort œcuménique pour l’unité deschrétiens et de le proposer avec conviction etavec vigueur: “Ce saint Concile exhorte tousles fidèles catholiques à reconnaître les signesdes temps et à prendre une part active à l’ac-tion œcuménique” (UR 4)» (8, II). Mais oùétait donc l’Eglise catholique avant VaticanII? Ou mieux: si la “voie œcuménique” est “lavoie de l’Eglise” (sous-titre du n° 7), quellevoie suivait l’Eglise avant Vatican II, et quantà la voie œcuménique, qui la suivait? A cettedernière question l’“encyclique” Ut unumsint répond clairement: “Le mouvement œcu-ménique a pris son essor dans les Eglises etles Communautés de la Réforme. En mêmetemps, dès janvier 1920, le Patriarcat œcumé-nique avait souhaité que l’on organisât unecollaboration entre les confessions chré-tiennes” (65, VIII). Par conséquent, la voiequi serait pour Wojtyla l’actuelle “voie del’Eglise” a été tracée par les luthériens et lescalvinistes suivis des disciples de Photius. Le“mouvement œcuménique”, que Vatican II adécidé d’assumer vient de cette source infes-tée et pestilentielle de l’hérésie protestante.Mais qu’en pensait l’Eglise jusque-là?

Le magistère de l’Eglise? Rejeté dansl’oubli, disparu de la mémoire...

«Au terme de ces assises conciliaires, lePape Paul VI a consacré la vocation œcumé-nique du Concile, renouant le dialogue de lacharité avec les Eglises en communion avec lePatriarche de Constantinople et accomplissantavec lui le geste concret et hautement significa-tif qui a “rejeté dans l’oubli” - et fait “dispa-raître de la mémoire et du sein de l’Eglise”- lesexcommunications du passé» (17, III). Par cesmots, Jean-Paul II fait référence à la “décla-ration commune” du 7 décembre 1965 aveclaquelle Paul VI et le pseudo-Patriarche deConstantinople, le maçon Athenagoras Ier,prétendaient abroger les excommunicationsréciproques (!) qu’avaient échangées le PapeLéon IX et le Patriarche rebelle de

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Constantinople, Michel Cérulaire, en l’an1054. Nous ne nous arrêterons pas mainte-nant à souligner l’absurdité de ce geste scan-daleux; nous voudrions seulement faire re-marquer qu’il n’y eut pas que l’excommuni-cation de 1054 à être reléguée dans l’oubli.Tout ce que l’Eglise catholique a dit ou faitpour la condamnation du schisme et de l’hé-résie, péchés extrêmement graves contre lacharité et la foi, est tombé dans l’oubli le plustotal, au point que les termes même d’“héré-sie” et d’“hérétiques” sont totalement ab-sents d’“Ut unum sint” comme d’ailleurs desdocuments conciliaires et postconciliaires (àl’exception des canons 751 et 1364 du nou-veau code). Cet oubli a frappé jusqu’aux do-cuments sur le “mouvement œcuménique”promulgués par l’Eglise catholique. Pas unmot sur le décret du Saint-Office du 4 juin1919 qui, reprenant un décret analogue du 16septembre 1864, interdisait aux catholiquesde s’inscrire aux associations “pour promou-voir l’unité des chrétiens” [A.A.S. XI (1919)309-316] et de celui du 8 juillet 1927 [A.A.S.XIX (1927) 278], pas un mot de l’encycliqueMortalium Animos du Pape Pie XI contre lemouvement œcuménique [A.A.S. XX (1928)13s], ni des décrets successifs du Saint-Officedu 8 juillet 1927, du 15 juin 1948 [A.A.S. LX(1948) 257] et du 20 décembre 1949 [A.A.S.XLII (1949) 142s], etc... On dira que ces déci-sions sont dépassées... Mais c’est justement làqu’est le problème...

La conversion de Vatican II à l’œcuménisme

Jusqu’ici nous avons démontré que l’“en-gagement œcuménique” est conçu par Jean-Paul II comme obligatoire pour tous les ca-tholiques, bien que parfaitement inconnu etmême condamné par l’Eglise catholiquejusqu’au Concile Vatican II (non compris). Ace point de notre analyse la conclusion paraîtdéjà inévitable: Vatican II a rompu avec laTradition de l’Eglise, innovant la praxis et ladoctrine. Ut unum sint n’emploie pas le termenégatif de “rupture”, mais celui implicitementéquivalent de “conversion”. Le n° 15 porte eneffet ce titre significatif: Renouveau et conver-sion. La chose est inévitable étant donné que“tout le décret sur l’œcuménisme” de VaticanII, Unitatis redintegratio, “est pénétré par l’es-prit de conversion (UR, 4)” (35, V). Pour de-venir œcuméniste, le catholique doit innoveret “se convertir”. “Il n’y a pas d’œcuménismeau sens authentique du terme sans conversionintérieure”(UR, 7)... Chacun... doit changerson regard” (15, III). Il ne s’agit pas seule-ment de passer du péché à la vie en grâce deDieu, conversion, celle-là, vraiment indispen-sable. Il s’agit, plus exactement, de “changerde regard” sur l’Eglise et sur les non-catho-liques. Ce “changement” implique: “péniten-ce” pour le passé, “renouveau”, “réforme”continue pour le futur. Avant tout, la péniten-ce. «L’Esprit les invite à un sérieux examen deconscience. L’Eglise catholique doit entrerdans ce qu’on pourrait appeler le “dialogue dela conversion”, où se situe le fondement spiri-tuel du dialogue œcuménique. Dans ce dia-logue, conduit en présence de Dieu, chacundoit rechercher ses propres torts, confesser sesfautes et se remettre dans les mains de Celuiqui est l’Intercesseur auprès du Père, Jésus-Christ». Dans cet examen de conscience “ec-clésial” le Christ amènerait toutes les commu-nautés chrétiennes “sans exception” (et doncaussi l’Eglise catholique) “[à] s’examiner de-vant le Père et [à] se demander si elles ont étéfidèles à son dessein sur l’Eglise” (82, IX).Demande absolument inutile (et même blas-phématoire) tant pour l’Eglise catholique, quine peut être infidèle au dessein de Dieu entant qu’indéfectible, que pour les autres“communautés” qui, séparées de l’uniqueEglise du Christ, ne peuvent pas ne pas avoirété infidèles à la divine volonté! Pour Jean-Paul II, il n’en est pas ainsi. Les paroles deSaint Jean selon lesquelles nous sommes touspécheurs (1 Jn 1, 8-10), sont étendues par un

Jean-Paul II avec le “patriarche orthodoxe” Théodosios

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habile sophisme aux “péchés contre l’unité”:non seulement nous avons tous péché maistous nous aurions commis ce péché déterminé(comme qui dirait: puisque tous nous sommespécheurs, nous sommes tous aussi des assas-sins). Le “dialogue œcuménique” doit devenirun “examen de conscience” (34, IV) sur cespéchés, en regard desquels l’“encyclique” nedistingue pas entre qui s’est séparé de l’Egliseet qui a subi le schisme; logique, puisque noussommes tous pécheurs! C’est pourquoi“L’Eglise catholique reconnaît et confesse lesfaiblesses de ses fils, consciente que leurs pé-chés constituent autant de trahisons et d’obs-tacles à la réalisation des desseins du Sauveur.(...) elle ne cesse donc pas de faire pénitence”(3, I). Il ne s’agit pas, faites bien attention, depéchés génériques, mais des péchés “contrel’unité”: «... l’Eglise catholique n’oublie pasqu’en son sein beaucoup obscurcissent le des-sein de Dieu. Evoquant la division des chré-tiens, le décret sur l’œcuménisme n’ignore pas“la faute des hommes de l’une et l’autre partie”(UR, 3), en reconnaissant que la responsabiliténe peut être attribuée uniquement “auxautres”» (11, II). A propos du schisme orien-tal, Paul VI parlait d’“incompréhension réci-proque” (57, VII) comme si l’Eglise n’avaitpas compris les schismatiques grecs et commesi elle avait porté avec eux les fautes du schis-me. Il ne s’agit, au fond, que d’un qui pro quo:“pour des raisons très diverses, et contre la vo-lonté des uns et des autres, ce qui devait être unservice [autrement dit le primat du Pape] a puse manifester sous un éclairage assez diffé-rent”; ce sont là les paroles mêmes de Jean-Paul II à “Sa Sainteté”, autrement dit l’héré-tique et schismatique “Patriarche œcumé-nique” Dimitrios Ier (95, XI). “Pour ce dontnous sommes responsables - ajoute Jean-PaulII humiliant non lui-même mais l’Eglise ca-tholique - je demande pardon, comme l’a faitmon prédécesseur Paul VI” (88, X).

Mais en définitive de quoi demande par-don Jean-Paul II au nom de l’Eglise? «Avecl’œcuménisme”, explique-t-il, “la nécessité dela pénitence a été aussi plus largement ressentie:on prend conscience de certaines exclusionsqui blessent la charité fraternelle, de certainsrefus de pardonner, d’un certain orgueil, del’enfermement dans la condamnation des“autres” de manière non évangélique, d’un mé-pris qui découle de présomptions malsaines»(15, III). Etant donné que lui-même parled’une “extension” de la nécessité de péniten-ce, il faut comprendre que les comportements

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décrits ci-dessus sont attribués (également) àl’Eglise d’avant le Concile. De cette façon lacondamnation des “autres” (apostats, héré-tiques schismatiques...), une constante dansl’Eglise de Jésus jusqu’à Vatican II exclu, de-viendrait “non évangélique”. Il fallait “abattreles murs de division et de défiance, pour sur-monter les obstacles et les préjugés...” (2, I) “di-minuer le poids des atavismes et de l’incompré-hension qu’ils ont hérités du passé, des malen-tendus et des préjugés des uns à l’égard desautres” pour parvenir à “la nécessaire purifica-tion de la mémoire historique” (2, I).

Mais “conversion” ne veut pas seule-ment dire “pénitence”; cela signifie aussi“renouveau”. En quoi consiste ce renou-veau? «Par l’œcuménisme la contemplationdes “merveilles de Dieu” (mirabilia Dei) s’estportée sur des champs nouveaux, où DieuTrinité suscite l’action de grâce: la perceptionque l’Esprit agit dans les autresCommunautés chrétiennes, la découverted’exemples de sainteté, l’expérience des ri-chesses illimitées de la communion des saints,la mise en relation avec des aspects insoup-çonnés de l’engagement chrétien”»(15, III).

La citation wojtylienne montre de façonexemplaire que, même dans son aspect“constructif”, le mouvement œcuménique estune “nouveauté” par rapport à la doctrine tra-ditionnelle; on parle d’espaces “nouveaux”,de “découvertes”, d’aspects jusqu’alors “in-soupçonnés” et impensables. Ces “nouveau-tés” constituent la base doctrinale de l’œcu-ménisme qu’à la suite d’Ut unum sint, nousnous apprêtons à examiner.

II. FONDEMENTS DOCTRINAUX DEL’ENGAGEMENT ŒCUMENIQUE

L’œcuménisme comme praxis et commedoctrine suppose une nouvelle conceptionde l’Eglise. “Le Concile Vatican II a affermileur [des catholiques] engagement grâce àune ecclésiologie lucide et ouverte à toutesles valeurs ecclésiales présentes chez lesautres chrétiens” (10, II). De cette nouvellevision de l’Eglise, Jean-Paul II va nous don-ner le fondement.

Le sophisme du baptême commun

“A ce propos, il convient de réaffirmer -écrit Jean-Paul II comme pour rassurer lesvrais catholiques - que la reconnaissance dela fraternité n’est pas la conséquence d’une

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philanthropie libérale ou d’un vague esprit defamille. Elle s’enracine dans la reconnaissan-ce de l’unique Baptême (...). Le Directoirepour l’application des principes et des normessur l’œcuménisme souhaite une reconnaissan-ce réciproque et officielle des Baptêmes. Celava bien au-delà d’un geste de courtoisie œcu-ménique et constitue une affirmation ecclé-siologique fondamentale. On doit opportu-nément rappeler que le caractère fondamentaldu Baptême dans l’œuvre d’édification del’Eglise a été clairement mis en valeur grâceaussi au dialogue multilatéral” (42, V). Eneffet, «le sacrement du Baptême, qui nous estcommun, représente “le lien sacramental del’unité qui existe entre tous ceux qui ont été ré-générés par lui” (UR, 22) » (66, VIII).

Sans aucun doute, le Baptême incorporeau Christ et fait du baptisé un chrétien, enimprimant à son âme un caractère indélébile.Le décret conciliaire sur l’œcuménisme (UR,3) cite à ce propos le Concile de Florence.Par conséquent même un enfant baptisé parun ministre acatholique est effectivementmembre du Corps Mystique du Christ pour-vu que le Baptême ait été administré valide-ment, ce qui n’est pas une certitude dans denombreuses sectes protestantes. Cependant,à supposer même que tous les baptêmesconférés par des ministres protestants soientvalides, il n’est pas correct d’affirmer quecette incorporation au Christ soit ineffaçablecomme le caractère baptismal par lequel lebaptisé ne peut cesser d’être membre del’Eglise. Le caractère baptismal, parexemple, demeure jusque dans les damnésen enfer, et pourtant ils sont définitivementséparés de Dieu, du Christ et de l’Eglise. Leseul caractère baptismal est donc insuffisantpour les adultes dotés de l’usage de leur rai-son pour créer un lien d’unité indestructible;d’autres conditions seront nécessaires, quenous allons examiner.

Les hérétiques sont-ils membres du Corps(Mystique) du Christ qu’est l’Eglise?

Une première conséquence, reprise parUt unum sint, que Vatican II tire du baptêmecommun est que tous les baptisés non catho-liques (même les adultes) seraient membresdu Corps du Christ: “Justifiés par la foi dansle Baptême, ils sont incorporés au Christ, ontà bon droit l’honneur de porter le nom dechrétiens et sont reconnus avec raison commefrères dans le Christ par les fils de l’Eglise ca-

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tholique (UR, 3)” (13, II). “Avec le dialogueœcuménique - ajoute Jean-Paul II, satisfait -“la conscience de l’appartenance communeau Christ s’approfondit” (42, V).

Cette doctrine est pourtant condamnéepar l’Encyclique Mystici Corporis de PieXII. “Mais - enseigne Pie XII - seuls font par-tie des membres de l’Eglise ceux qui ont reçule Baptême de régénération et professent lavraie foi, qui d’autre part ne se sont pas pourleur malheur séparés de l’ensemble du Corpsou n’en ont pas été retranchés pour desfautes très graves par l’autorité légitime. (...)Par conséquent, comme dans l’assemblée vé-ritable des fidèles il n’y a qu’un seul Corps,un seul Esprit, un seul Seigneur et un seulBaptême, ainsi ne peut-il y avoir qu’une seulefoi (cf. Eph. IV, 5); et celui qui refuse d’écou-ter l’Eglise doit être considéré d’après l’ordredu Seigneur comme un païen et un publicain(cf. Matth. XVIII, 17). Et ceux qui sont divi-sés pour des questions de foi ou de gouverne-ment ne peuvent vivre dans ce même Corpsni par conséquent de ce même Esprit divin”(29 juin 1943; D. 2286, DS 3802). Nous re-trouvons la même doctrine dans Pie IX: “iln’y a qu’une seule et véritable Eglise, l’Eglisesainte, catholique, apostolique, romaine; uneseule chaire dont le Seigneur lui-même aposé le fondement sur Pierre (Matth. XVI,18), loin de laquelle on ne peut trouver ni vé-ritable foi ni salut éternel; car celui-là ne peutavoir Dieu pour père qui n’a pas l’Eglisepour mère, de plus il est absurde de se croiredans l’Eglise quand on divorce avec la chairede Pierre sur laquelle repose l’Eglise commesur sa base” (enc. Singulari quidem, 17 mars1856, E.P. 222). C’est exactement la mêmechose qu’enseigne Pie XI lorsqu’il écrit préci-sement contre l’œcuménisme: “Le corps mys-tique du Christ, c’est-à-dire l’Eglise, estunique (1 Cor. XII, 12), homogène et parfai-tement articulé (Eph. IV, 15), à l’instar d’uncorps physique; il est donc illogique et ridicu-le de prétendre que le corps mystique puisseêtre formé de membres épars, isolés les unsdes autres; par suite quiconque ne lui est pasuni ne peut être un de ses membres, ni soudéà sa tête qui est le Christ (Eph. V, 30; I, 22).Dans cette unique Eglise du Christ, personnene s’y trouve et personne n’y demeure àmoins de reconnaître et d’accepter, avecobéissance, l’autorité et la puissance dePierre et de ses légitimes successeurs” (enc.Mortalium animos, 6 janvier 1928, E.P. 854-874). Le seul Baptême n’est donc pas suffi-

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sant à l’adulte pour faire partie du Corpsmystique du Christ qui est l’Eglise: il fautaussi la profession de la véritable foi (qui seperd avec l’apostasie ou l’hérésie) l’obéissan-ce aux Pasteurs légitimes (compromise par leschisme) et l’immunité de l’excommunica-tion; apostats, hérétiques, schismatiques etexcommuniés, quoique baptisés, ne font pluspartie du Corps mystique du Christ et del’Eglise, tout en demeurant sujets de cettedernière, comme un soldat déserteur demeu-re soumis aux lois et aux punitions de l’arméequ’il a abandonnée. “Trois sortes de per-sonnes (...) sont exclues de l’Eglise: première-ment les infidèles, ensuite les hérétiques etles schismatiques, et enfin les excommuniés.Les infidèles, parce que jamais ils n’ont étédans son sein (...). Les hérétiques et les schis-matiques, parce qu’ils l’ont abandonnée, etque dès lors ils ne peuvent pas plus lui appar-tenir qu’un déserteur n’appartient à l’arméequ’il a quittée. (...). Enfin les excommuniés,parce qu’elle les a chassés de son sein par saCommunion, tant qu’ils ne se convertissentpas” (Catéchisme du Concile de Trente, p. I,art. IX, n° 109).

Une objection: selon le canon 87 duCode de 1917 le baptême constitue le bapti-sé “personne” dans l’Eglise; les canonistesSipos et Galas commentent: “tous ceux quisont validement baptisés, même s’ils sontapostats, hérétiques, schismatiques, sontpersonnes appartenant à l’Eglise, c’est-à-dire membres de l’Eglise”.

La réponse est fournie par le mêmecanon qui ajoute, qu’étant donné que juridi-quement une personne est “un sujet capablede droits et de devoirs”, apostats, hérétiques,schismatiques et excommuniés n’ont person-nalité juridique qu’en ce qui concerne les de-voirs et obligations, non en ce qui concerneles droits. “Un homme, une fois reçu le carac-tère indélébile du baptême, ne se libère pasde l’obligation de la soumission par la rebel-lion et l’apostasie, mais se lie plutôt par denouvelles obligations: celles de venir à rési-piscence, de se réconcilier avec l’Eglise et desouffrir la peine éventuellement encourue”(Beste). Le Catéchisme du Concile de Trente(l. c.) écrit à ce propos: “les hérétiques et lesschismatiques (...) ne peuvent pas plus lui[l’Eglise] appartenir qu’un déserteur n’appar-tient à l’armée qu’il a quittée. Cependant onne saurait nier qu’ils ne restent sous sa puis-sance. Elle a le droit de les juger, de les punir,de les frapper d’anathème”.

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Seconde objection: ceux au moins qui nese sont pas séparés personnellement del’Eglise catholique, mais qui sont nés et ontété baptisés dans le schisme et l’hérésie, sontà présumer de bonne foi, à considérercomme hérétiques ou schismatiques seule-ment matériels, et donc, grâce au Baptêmereçu, comme membres du Corps mystiquedu Christ (cf. U.R., 3). Certes la responsabi-lité d’hérésiarques tels que Luther et Calvinest bien différente de celle de personnesnées et éduquées, par exemple, dans le pro-testantisme. Mais même en ce qui concerneces personnes:

1) leur adhésion à l’hérésie et au schismeest présumée consciente, formelle, à partirde l’âge de 14 ans.

2) même en cas de bonne foi éventuelle(par ignorance invincible), ils n’appartien-nent pourtant pas réellement au Corps mys-tique du Christ et à l’Eglise.

En ce qui concerne le premier point, lecardinal Lorenz Jaeger, l’un des pères del’œcuménisme “catholique” (sur lui, voirSodalitium n° 38, pp. 59 à 65), se rend parfai-tement compte de l’importance de la ques-tion lorsque, commentant Unitatis redinte-gratio n° 3 , il écrit: «Des Pères avaient de-mandé que l’on ajoute “pour le cas où ilssont de bonne foi et cherchent sincèrementla vraie Eglise”. A ce désir, le décret n’a pasrépondu parce que l’on présuppose la bonnefoi chez nos frères séparés. Les principes denotre attitude exigent que nous présumionsd’une manière générale de la bona fides chezles autres, si le contraire n’est pas clairementprouvé. Sans ce principe, au surplus, il n’y ade possibilité pour aucune activité œcumé-nique» (L. Jaeger, Le décret de Vatican II surl’œcuménisme, Casterman, 1965, p. 70).

Mais cette présomption de bonne foi af-firmée par le Concile et par Jaeger est juste-ment insoutenable! “Au for externe tousceux qui, ayant atteint le plein usage de laraison, demeurent dans une secte hérétique,sont présumés hérétiques [formels] parl’Eglise et considérés comme tels” (Card.Franzelin, De Ecclesia, thèse 23). Il ne s’agitpas seulement de la thèse d’un théologienautorisé; “la discipline canonique de l’Egliseapplique, au for externe, les mêmes mesuresà tous les dissidents adultes d’une mêmecommunauté (cf. C.J.C. 1258, 1325 § 2,2314)” (Lettre, p. 33), c’est pourquoi ordi-nairement tous les acatholiques, sans dis-tinction, qui se convertissent au catholicis-

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me, doivent abjurer et être absous par lacensure (c. 2314; Rit. Rom., t. IV, c. III;Pont. Rom. III, Ordo ad reconciliandum;Beste, p. 1405) s’ils ont atteint l’âge de lapuberté (cf. can. 2230). Cela signifie quel’Eglise présume leur faute et non leur éven-tuelle bonne foi, dont ils n’avaient pas eux-mêmes connaissance et qui n’était connueque de Dieu (cf. D 1646, DS 2916, 2917,2999, 3821: “on ne peut avoir bon espoir ence qui concerne le salut éternel de ceux quine sont en aucune façon dans l’Eglise duChrist”). Les motifs de cette présomption nese fondent pas sur un caprice de l’Eglise(“pré-conciliaire”), mais sur le fait qu’elle aété dotée par le Christ des “marques mani-festes de sa divine institution” et qu’elle est“elle-même un grand et perpétuel motif decrédibilité” (Vatican I DS 3012-3013).Ordinairement tous ont la possibilité deconnaître la véritable Eglise et, la connais-sant, le devoir d’y adhérer.

Prouvons maintenant notre seconde as-sertion, que même les non-catholiques debonne foi (connus seulement de Dieu) n’ap-partiennent pas au Corps mystique duChrist. Le cardinal Jaeger lui-même se rendcompte de la difficulté de concilier Unitatisredintegratio de Vatican II qui affirme queles non-catholiques sont “incorporés auChrist” avec l’encyclique Mystici Corporisde Pie XII qui nie qu’ils soient incorporés auCorps mystique du Christ; “le texte - écritJaeger - évite l’expression Corpori ChristiMystico Incorporantur, qui risquerait de ra-viver la question, si disputée parmi les théo-logiens après l’encyclique Mystici Corporis,de l’appartenance des séparés à l’Eglise”(op. cit., p. 71). En réalité la question nepeut être débattue parmi les théologiens fi-dèles au Magistère, et on ne voit pas quelledifférence il peut y avoir pour un chrétienentre “faire partie du Corps du Christ” et“faire partie du Corps mystique du Christ”;il s’agit du même Corps! Ecoutons Pie XIIqui assimile Corps mystique du Christ etEglise catholique romaine, et en tire lesconclusions: “Or, pour décrire cette véri-table Eglise de Jésus-Christ (celle qui estsainte, catholique, apostolique, romaine) (cf.Vatican I, Const. de fide cath., chap. 1), onne peut trouver rien de plus beau, rien deplus excellent, rien enfin de plus divin quecette expression qui la désigne comme leCorps mystique de Jésus-Christ (...). C’estdonc s’éloigner de la vérité divine que

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d’imaginer une Eglise qu’on ne pourrait nivoir ni toucher, qui ne serait que “spirituel-le” (pneumaticum), dans laquelle les nom-breuses communautés chrétiennes, bien quedivisées entre elles par la foi, seraient pour-tant réunies par un lien invisible”. Etcomme les théologiens (les futurs “experts”de Vatican II!) continuaient à “discuter”alors que Pie XII avait clairement tranché,le Pape lui-même fut contraint de revenirsur la question: “Certains sont d’avis qu’ilsne sont point liés par la doctrine que Nousexposions, il y a peu d’années, en NotreEncyclique [Mystici Corporis] et qui s’ap-puie sur les sources de la révélation, à savoirque le Corps Mystique du Christ et l’EgliseCatholique Romaine sont une seule etmême chose. Quelques-uns réduisent à unevaine formule la nécessité d’appartenir àl’Eglise, pour arriver au salut éternel” (enc.Humani generis, 12 août 1950, D 2319). Déjàavant ces encycliques, les théologiensétaient tous d’accord, pour affirmer que lesnon catholiques, lesquels n’acceptent pasl’Eglise comme règle prochaine de la foi parignorance non coupable, n’appartiennentpas à l’Eglise réellement, mais, seulement,éventuellement, par désir implicite (cf.Billot, De Ecclesia, I, q. VII, Thèse XI;Zubizarreta, Theologia dogmatico-scholasti-ca, I, 545; E. Mura, t. 1, p. 347; en ce quiconcerne les conditions rendant leur salutpossible, cf. Lettre, p. 32; pour les Pères, cf.EP298, 308, 1478, 1492, 1523, 1562).

Congar confirme: Vatican II s’éloigne de Pie XII

La contradiction entre le ConcileVatican II et l’enseignement de l’Eglise (ledernier en date étant celui de Pie XII dansles encycliques Mystici Corporis et Humanigeneris) sur la question du Corps Mystiqueet de l’appartenance à l’Eglise est substan-tiellement admise par l’un des protagonistesdu Concile, le Père Congar o.p., auquell’élévation à la dignité “cardinalice” parJean-Paul II confère une “autorité” particu-lière. Congar rappelle que le schéma surl’Eglise de la Commission théologique pré-paratoire répétait, au n° 7, que “l’Eglise ca-tholique romaine est le Corps mystique duChrist” et que par conséquent “La doctrinede MC [Mystici Corporis] était substantielle-ment reprise” (p. 157). “Dès la première pé-riode du Concile (décembre 1962)”, cepen-

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dant, l’insatisfaction des théologiens [néo-modernistes et œcuménistes] en ce quiconcerne cette doctrine s’exprima “par lavoix des cardinaux Frings et Liénart” (p.155). C’est ainsi que le schéma fut abandon-né et remplacé par celui qui devint laConstitution dogmatique sur l’Eglise,Lumen gentium. Quel rapport y a-t-il entreLumen gentium et Mystici Corporis sur laquestion qui nous intéresse? «Mais - écritCongar - la question demeure de savoir siLumen gentium identifie pour autant stricte-ment, c’est-à-dire au sens exclusif, cetteEglise-Corps du Christ avec l’Eglise catho-lique romaine, ce que fait MC. On peut endouter quand on constate que, non seule-ment l’attribut de romaine n’intervient pas(...) mais qu’on évite de dire que seuls les ca-tholiques sont membres du Corps mystique.Mieux: on nous dit que l’Eglise du Christ etdes Apôtres subsistit in, se trouve dansl’Eglise catholique, “bien qu’en dehors deson organisme visible se trouvent de nom-breux éléments de sanctification et de véri-té”. Il n’y a donc pas une adéquation stricte,c’est-à-dire exclusive, entre l’Eglise Corpsdu Christ et l’Eglise catholique. Vatican IIadmet, au fond, que les chrétiens non catho-liques sont membres du Corps mystique, etnon simplement ordinati ad [c’est à dire “or-donnés” au Corps mystique avec un désirimplicite (“voto”), comme l’affirme MC àpropos des éventuels hérétiques de bonnefoi, n.d.r.]. Les catégories utilisées dans ledécret sur l’œcuménisme, et aussi bien dansde nombreux documents ou discours de S.S.Paul VI, sont celles d’appartenance radicaleà l’unique Eglise par le baptême, et de com-munion subséquente imparfaite (voir UR 3,4, 10, 14, 22). Ces catégories permettent de

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reconnaître quelque chose de l’Eglise, etdonc du Corps mystique, en dehors des li-mites de la communion catholique. (...)Repris au sens positif [l’enseignement deMystici Corporis, en ce sens qu’on ne doitpas opposer l’Eglise catholique romaine etle Corps mystique, n.d.r.], cet enseignementne nous semble cependant pas repris au sensexclusif que lui donnait MC: il ne l’est, nipour la façon de définir le Corps (duChrist), ni pour l’affirmation d’une identitéstricte, c’est-à-dire exclusive, entre Corpsmystique et Eglise catholique romaine, nienfin dans la façon d’exprimer l’appartenan-ce au Corps mystique, avec une idée de“membre” qui ne connaissait qu’une alter-native: reapse [effectivement] ou voto [avecle désir] (et ordinati ad), sans faire d’ailleursde distinction entre baptisés non catholiqueset non-baptisés» (pp. 160-161).

LEglise en dehors de l’Eglise (le “subsistit in”)

La longue citation du feu “cardinal”Congar démontre la contradiction existant,dans certains points précis, entre Vatican IIet le magistère ecclésiastique et, pour leprouver, Congar allègue le fameux passagede Lumen gentium qui dit “Cette Eglise (...)subsiste (se trouve) dans l’Eglise catholique(...) ....encore que, en dehors de sa structurese rencontrent de nombreux éléments desanctification et de vérité, qui, comme donspropres de l’Eglise du Christ, appellent(poussent vers) l’unité catholique” (LG 8).Cette affirmation est tellement importanteque Jean-Paul II écrit dans Ut unum sint:“La constitution Lumen gentium, dans unede ses affirmations fondamentales que re-prend le décret Unitatis redintegratio (n° 4,)écrit que l’unique Eglise du Christ est présentedans l’Eglise catholique” (86, X). Ecoutonsencore Congar: “L’expression subsistere inrevient dans le décret sur l’œcuménisme, n°4, 3 et dans la déclaration sur la liberté reli-gieuse, n° 1, 2. Chr. Butler, The theology ofVatican II, London 1967, p. 70, y voit unepréférence voulue à la place de “est”: “Nousavons là la mesure du progrès que représen-te la constitution par rapport à MysticiCorporis ainsi qu’un fondement pour leDécret sur l’“Œcuménisme” et pour d’autreséléments de l’enseignement et des proposi-tions du Concile. Une identification maté-rielle exclusive de l’Eglise et de la commu-nion Catholique romaine est soigneusement

Le Père dominicain Yves Congar

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évitée.“ (p. 160, note 75). Congar écrit enco-re: “La modeste mais décisive trouvaille queconstitue le “subsistit in” de Lumen gentiumn° 8, repris dans le décret sur l’Œcuménismeet dans la déclaration sur la liberté religieu-se, achève la nécessaire mise au point de l’ec-clésiologie de Mystici Corporis réclamée dèsle 1er décembre 1962 - premiers mots de ladiscussion du schéma préparatoire - par lecardinal Liénart.” (p. 18). La “trouvaille”“met au point”, autrement dit corrige, l’en-cyclique Mystici Corporis. En outre le “car-dinal” Willebrands dans des conférences te-nues les 5 et 8 Mai 1987, a affirmé que lesubsistit dépassait et corrigeait l’est de PieXII (cf. DC 3/1/88). Mais qu’implique doncla “trouvaille” du subsistit in? Jean-Paul II ledit clairement dans Ut unum sint: “Il s’agit làde textes œcuméniques de la plus haute im-portance [il parle d’UR 15 et 3]. Au-delà deslimites de la communauté catholique, il n’ya pas un vide ecclésial. De nombreux élé-ments de grande valeur (eximia) qui, dansl’Eglise catholique, s’intègrent dans la plénitu-de des moyens de salut et des dons de grâcequi font l’Eglise se trouvent aussi dans lesautres Communautés chrétiennes” (13, II).En d’autres termes, l’Eglise du Christ subsis-terait également en dehors de l’Eglise catho-lique. Cette thèse est liée à celle que nousavons examinée plus haut sur les consé-quences du baptême, et elle impliqued’autres conséquences importantes: la “com-munion imparfaite” et les “éléments de sanc-tification” en dehors de l’Eglise (catholique).

La théorie de la “communion imparfaite”

“Le concept de communion - c’est tou-jours Congar qui écrit - est un concept-clépour l’œcuménisme de Vatican II et, depuis,Paul VI l’a sans cesse utilisé [idem pourJean-Paul II, n.d.r.]. Il permet, en effet, dedébloquer la situation issue de MysticiCorporis et de la stricte identité mise entremembres du Corps mystique et membres del’Eglise catholique romaine. Il évite le toutou rien. Nous sommes déjà en communion,bien qu’imparfaite, avec les chrétiens non ca-tholiques romains. Avec les orthodoxes,cette communion est presque parfaite” (p.18). Le concept de “communion imparfaite”est donc aussi, dixit Congar, un moyen pournier implicitement la doctrine de l’Eglise,rappelée par Mystici Corporis. (C’est évi-dent, car ce concept dépend de celui, tout

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aussi faux et fonctionnel, des non catho-liques membres du Corps mystique du Christpar le baptême!). L’idée de la “communionimparfaite”, qui se trouve dans les docu-ments conciliaires (UR 3...) est continuelle-ment reprise par Ut unum sint: 1, I; 3, I; 4,I;11, II par deux fois;14, III; 23, III; 42, V; 46,VI; 48, VI; 49, VI; 50, VI; 55, VII; 56, 57, 59,60 61, VII; 75, 77, 84, IX; 96, 101, 102, XI. Dutexte de l’encyclique on peut déduire que:

1) cette communion n’est pas pleine (1,I) mais elle est réelle (45, VI, etc.) et suscep-tible de progression (3, I)

2) la division des chrétiens n’a pas dé-truit “ce qui appartient à la structure del’Eglise du Christ (...), ni la communion quidemeure avec les autres Eglises et Commu-nautés ecclésiales” (11, II). La communionn’existe donc pas (seulement) entre catho-liques et non catholiques, mais elle existeaussi entre Eglise catholique et autreséglises et communautés ecclésiales chré-tiennes en tant que telles (par ex. 1, I; 11, II)

3) “l’Eglise catholique ‘se sait unie pourplusieurs raisons’ (LG 15) avec ces Com-munautés, par une certaine et réelle union,dans l’Esprit Saint” (11, II) lequel alimentecette communion “malgré les ruptures histo-riques et canoniques” (41, V)

4) “la profondeur de la communion” est“liée au caractère baptismal” (42, V)

5) un autre fondement ou “baseobjective” de cette communion imparfaiteest constitué par “les éléments de sanctifica-tion et de vérité présents dans les autresCommunautés chrétiennes” (11, II)

6) “cette communion imparfaite mais réel-le” est “déjà parfaite en ce que nous considé-rons tous comme le sommet de la vie degrâce, la martyria jusqu’à la mort” (84, IX)

7) Conséquence de cette communion im-parfaite: on peut donner les sacrements auxacatholiques, et d’eux-mêmes, les recevoir(46, VI; UR 8 et 15, OE 27; C.J.C. can. 844;Code des Canons des Eglises Orientales, can.671; Conseil Pontifical pour la Promotion del’Unité des Chrétiens, Directoire pour l’appli-cation des principes et des normes surl’Œcuménisme du 25 mars 1993).

Si les fondements de cette “communionimparfaite” sont faux (nous l’avons vu pourle point 4; nous le verrons pour le point 5), leprincipe même de “communion imparfaite”le sera également (points 1 et 3) ainsi que lesapplications pratiques qui s’en déduisent (lavaleur du martyre pour les acatholiques du

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point 6 et la suppression du péché de com-municatio in sacris du point 7).

Pour l’heure limitons-nous aux trois pre-miers points, qui regardent le principe mêmede la “communion imparfaite”. Pour la théo-logie classique on peut parler d’une apparte-nance à l’Eglise substantiellement incomplè-te, mais réelle, bien que non juridique et nonvisible “pour les justes de l’AncienTestament, les catéchumènes et même, selonl’opinion commune, les excommuniéssimples” (Piolanti, p. 238). Sont par contre“complètement hors de l’Eglise (...) les infi-dèles, les hérétiques, les schismatiques et lesexcommuniés vitandi” (ibidem). Commel’écrivait Congar, il n’y a pas (il n’y avait pas)de voie moyenne entre le tout et le rien,entre la communion et la non communion. Ala limite on pourrait parler de “communionimparfaite” pour ces baptisés qui sont horsde l’Eglise de bonne foi, mais qui sont parailleurs en grâce de Dieu et donc unis àl’Eglise par un désir implicite. En effetVatican II parle toujours de non catholiques(par ex.: LG 15; UR 3) en “communion im-parfaite”, sans cependant préciser s’il s’agitde ceux qui se trouvent de bonne foi: uneambiguïté demeure par conséquent; Jean-Paul II, lui, va plus loin: la communion (réel-le mais imparfaite) existe entre Eglise etCommunautés ecclésiales (cf. notre point 2).Il est clair qu’il attribue “à tous les chrétiensséparés de l’Eglise catholique ce qui ne peutse dire [peut-être!] que de ceux - et Dieu seulles connaît - qui possèdent au moins la vertusurnaturelle de foi et sont par conséquentunis de cette façon par un désir implicite àl’Eglise catholique”; il affirme donc une hé-résie (Lettre, 70 ter, 37). Enfin le Concile etJean-Paul II parlent de cette communioncomme œuvre du Saint-Esprit (point 3). Ladivision ne serait qu’historique et canonique,l’union par contre, serait dans l’Esprit, pneu-matique. Comment ne pas reconnaître danscette idée l’écho des erreurs protestantes etnéo-modernistes déjà condamnées parl’Eglise (Cf. Mortalium animos, MysticiCorporis), erreur qui consiste à présenterune Eglise invisible, pneumatique, qui uni-rait les chrétiens extérieurement divisés? LGparle d’“une véritable union dans l’EspritSaint” (n° 15); Pie XII écrit ( je le rappelle):“Et ceux qui sont divisés pour des raisons defoi ou de gouvernement ne peuvent vivredans ce même Corps ni par conséquent de cemême Esprit divin” (Mystici Corporis) qui

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est comme l’âme du Corps Mystique (à nepas confondre, comme le fait Bellarmin, avecla grâce sanctifiante). La contradiction sauteaux yeux de tous!

(A suivre)� � �

CETTE ANNÉE AUSSI JEAN-PAUL IIA REÇU UNE DÉLÉGATION DU

“B’NAI B’RITH INTERNATIONAL”

Après les récents attentats terroristes quiont frappé Israël, il ne faut pas perdre l’es-poir de paix

«Jean-Paul II a reçu en audience, lundimatin, 11 mars, une délégation du

“B’naï B’rith International”. Aux partici-pants à la rencontre, le Saint Père a adresséces paroles en anglais:

Chers Amis,Je suis heureux d’accueillir une fois de

plus un groupe de représentants du B’naïB’rith International. Le sens de votre visiteréside dans le fait que c’est une opportunitépour nous tous de nous renvoyer aux effortsconjugués employés à construire une enten-te et une solidarité toujours plus grandesentre Catholiques et Juifs. En un temps oùles espérances de paix ont à nouveau étémises en danger par de récents attentats ter-roristes à Jérusalem et à Tel-Aviv, nous de-vons renouveler notre prière et nos effortspour insister sur ce qui nous unit plutôt quesur ce qui nous divise et nous sépare.

Un moyen essentiel pour la progressionde la compréhension mutuelle, créatrice d’unrapport toujours plus étroit entre Catholiqueset Juifs est l’éducation. Dans cette éducation,un élément essentiel de nos deux traditions

Jean-Paul II avec la délégation du B’naï B’rith International

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est la mémoire. La mémoire de nos traditionsrespectives, du bien et du mal de nos rela-tions passées, nous enseignerait une foihumble et une confiante espérance. Elle nousconduirait comme nous le recherchons “àpratiquer la justice, à aimer la bonté, et à[nous] conduire humblement envers [notre]Dieu” (cf. Mic. 6, 8). Elle renforcera notreresponsabilité et notre engagement.

Ceci est le chemin vers lequel noussommes invités, et je prie que le Tout-Puissant, le Créateur du ciel et de la terre,nous accorde sa charitable miséricorde et sagrâce de manière à ce que nous puissionsvraiment poursuivre ce chemin ensemble.Sur vous tous, j’invoque d’abondantes béné-dictions divines».

(L’Osservatore Romano 11-12 mars 96).

Rapports entre l’autorité ecclésiastique et lesmouvements catholiques engagés en politique

“Si l’on considère bien les doctrines queNous avons développées dans la pre-

mière partie de Notre Lettre, l’on concluerafacilement que toutes les œuvres qui vien-nent directement en aide au ministère spiri-tuel et pastoral de l’Eglise, et qui par suitese proposent une fin religieuse visant direc-tement le bien des âmes, doivent dans tousleurs détails être subordonnées à l’autoritéde l’Eglise et, partant, également à l’autoritédes évêques, établis par l’Esprit-Saint pourgouverner l’Eglise de Dieu dans les diocèsesqui leur ont été assignés. Mais, même lesautres œuvres qui, comme Nous l’avons dit,sont principalement fondées pour restaureret promouvoir dans le Christ la vraie civili-sation chrétienne, et qui constituent, dans lesens donné plus haut, l’action catholique, nepeuvent nullement se concevoir indépen-dantes du conseil et de la haute direction del’autorité ecclésiastique, d’autant plusd’ailleurs qu’elles doivent toutes se confor-mer aux principes de la doctrine et de la mo-rale chrétiennes; il est bien moins possibleencore de les concevoir en opposition plusou moins ouverte avec cette même autorité.Il est certain que de telles œuvres, étant

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donnée leur nature, doivent se mouvoir avecla liberté qui leur convient raisonnablement,puisque c’est sur elles-mêmes que retombela responsabilité de leur action, surtout dansles affaires temporelles et économiques ainsique dans celles de la vie publique, adminis-trative ou politique, toutes choses étran-gères au ministère purement spirituel. Maispuisque les catholiques portent toujours labannière du Christ, par cela même ils por-tent la bannière de l’Eglise; et il est donc rai-sonnable qu’ils la reçoivent des mains del’Eglise, que l’Eglise veille à ce que l’hon-neur en soit sans tache, et qu’à l’action decette vigilance maternelle les catholiques sesoumettent en fils dociles et affectueux”.

Saint Pie X, encyclique Le ferme propos du 11 juin 1905.

La voix du Pape Paul IV: Sur la bulle Cum ex apostola-tus officio qui déclare nulle l’élection

d’un hérétique à la papauté

Pour vous dire la vérité, nous avonsvoulu nous opposer aux dangers quimenaçaient le dernier conclave et prendrede notre vivant des précautions, afin que lediable n’asseye pas à l’avenir un des sienssur le Siège de St Pierre.

Paul IV (cf. VON PASTOR, Histoire desPapes, t. XIV, p. 234).

Sur l’hérésie

L’hérésie doit être poursuivie avec gran-de rigueur et âpreté, comme la peste ducorps, parce qu’elle est la peste de l’âme. Sion met à part, on brûle et on détruit leslieux et les choses pestiférés, pourquoi nedoit-on, avec la même sévérité, anéantir etéloigner l’hérésie, maladie de l’âme, quivaut sans comparaison plus que le corps?

Paul IV (cf. VON PASTOR, Histoire desPapes, t. XIV, pp. 209-210).

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QUE VOTRE VOLONTESOIT FAITE SUR LA TERRE

COMME AU CIELPar M. l’abbé Ugolino Giugni

Tout homme, tout chrétien, doit tendre àla perfection puisque le temps qu’il passe

sur terre est un temps d’épreuve qui doit ser-vir à lui préparer (s’il a fait le bien ici-bas) lavie éternelle au Paradis. Pour pouvoir obte-nir cette récompense, l’homme doit se sanc-tifier et corriger les défauts de son âme,puisque l’apôtre St Paul nous enseigne que:“...La volonté de Dieu, c’est votre sanctifica-tion” (I Thess. IV, 3). Tout de suite se posealors le problème: en quoi consiste la sainte-té, comment se sanctifier et atteindre cetteperfection facilement et rapidement?

Certains feront consister la sainteté dansles mortifications et les pénitences, d’autresdans de nombreuses prières, d’autres dansdes œuvres de charité et aumônes envers leprochain. Toutes ces choses sont certaine-ment bonnes et louables (1) et plaisent àDieu; mais la sainteté ne se trouve pas es-sentiellement en elles. Elle est au-dessus detoutes ces choses et elle s’y trouve si ellessont conformes à la volonté de Dieu. Dieuabhorre au contraire ces mêmes bonnesœuvres, si elles ne sont pas selon sa saintevolonté. La perfection, donc, consiste dansle fait d’aimer Dieu puisque “la charité est lelien de la perfection” (Col. III, 14), mais laperfection de la charité (c’est-à-dire del’amour de Dieu) consiste à unir la nôtre àsa très sainte volonté. C’est pourquoi StAlphonse Marie de Liguori dit: “plus uneâme sera unie à la divine volonté, plus grandsera son amour” et encore: “toute la saintetéconsiste à aimer Dieu, et tout l’amour deDieu consiste à faire sa volonté”.

L’exemple de Jésus, notre modèle

Dieu le Père nous a donné Son FilsUnique: Jésus-Christ incarné, afin qu’Il soit“pour nous sagesse, justice, sanctification etrédemption” (I Cor. I, 30); en Lui nous trou-vons la plénitude de la grâce et un modèlesûr à suivre (en tant qu’Il est homme comme

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nous). Voyons donc ce qu’Il a fait pour pou-voir L’imiter. A chaque moment de Sa vieterrestre Jésus fit toujours la divine volontéde son Père; étant descendu du ciel pour Luiobéir, voici comment Il retourne à Lui:“c’est pourquoi, en entrant dans le monde, Ildit: ‘Vous n’avez pas voulu d’hostie nid’oblation, mais vous m’avez formé uncorps. Les holocaustes pour le péché ne vousont pas plu: alors j’ai dit: Me voici; je viens(…) pour faire, ô Dieu, votre volonté”(Hebr. X, 5-8). Et parlant avec les Apôtres,pour leur donner et pour nous donnerl’exemple, Il dit: “Je suis descendu du ciel,non pour faire ma volonté, mais la volontéde Celui qui m’a envoyé” (Jn VI, 38); “Il fautque je sois aux choses qui regardent monPère” (Lc II, 49); “Je fais toujours ce qui Luiplaît” (Jn VIII, 29); “Ma nourriture est defaire la volonté de Celui qui m’a envoyé, etd’accomplir son œuvre” (Jn IV, 34).

Jésus dit aux Apôtres au Cénacle, avantd’aller à la rencontre de Ses ennemis et à lamort: “Afin que le monde connaisse quej’aime mon Père, et que comme mon Pèrem’a commandé, ainsi je fais. Levez-vous,sortons d’ici” (Jn XIV, 31) et l’exactitudeavec laquelle Il obéissait à la volonté duPère, jusqu’à mourir en croix pour le salutdes hommes, était la preuve de l’amour quele Fils portait au Père. Cette parfaite charitéet soumission à la volonté de Dieu se mani-festa en outre à un degré élevé au momentculminant de l’épreuve, au Jardin desOliviers, durant l’agonie: “Abba Père, toutvous est possible. Eloignez de moi ce calice;toutefois non ce que je veux mais ce queVous voulez” (Mc XIV, 36); Il pria ainsitrois fois: “Mon Père, si vous le voulez, éloi-gnez ce calice de moi; cependant que ma vo-lonté, ne se fasse pas mais la vôtre” (LcXXII, 42). Jésus affirma, toujours dansl’Evangile, que “quiconque fait la volonté demon Père qui est dans les cieux, celui-là estmon frère et ma sœur et ma mère” (Matth.XII, 50). Et en nous enseignant à prier dansle Pater Noster, Il a voulu que nous deman-dions au Père: “Que Votre volonté soit faitesur la terre comme au ciel” (Matth. VI, 10).

La volonté du Père fut donc pour Jésus« “principe, fin, raison, lumière, appui, de-meure, aliment, récompense, cette volontédivine lui est tout. Il s’y pose donc, Il s’y ré-duit, Il s’y enferme; et faisant plus tard tantde choses, des choses si relevées, si inouïes, sisurhumaines, Il ne fera jamais que cette

Vie spirituelle

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chose très simple, en laquelle nos petits en-fants sont capables de L’imiter; Il fera la vo-lonté du Père céleste; Il s’y livrera sans réser-ve et y vivra tout abandonné”. Cette obéis-sance et cet abandon ont leur source dansson amour pour Son Père; c’est une plénitu-de d’abandon, parce que c’est une plénituded’amour: amour filial, confiant, désintéressé,généreux, sans réserve; amour débordant dereconnaissance pour tous les biens qu’Il areçus dans Sa sainte Humanité… » (2).L’Apôtre des Gentils fait remarquer queJésus pour exécuter la volonté du Père “s’esthumilié Lui-même, s’étant fait obéissantjusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’estpourquoi Dieu L’a exalté, et Lui a donné unnom qui est au-dessus de tout nom; afin qu’aunom de Jésus, tout genou fléchisse…” (Phil.II, 8-9); de la même manière nous serons ré-compensés nous aussi si nous avons fait lavolonté du Père. C’est ainsi qu’agissait la trèsSainte Vierge Marie: “Je suis la servante duSeigneur, qu’il me soit fait selon votre parole”(Lc I, 38), et tous les saints ont suivil’exemple de Jésus et de Marie.

Jésus-Christ, notre Sauveur est donc des-cendu du ciel et est venu sur terre, pour ac-complir la sainte volonté du Père, et ce futsa principale préoccupation durant Sa vie.Puisqu’Il est notre modèle, en faisant nousaussi à tout moment la volonté de Dieu,nous aurons une règle sûre pour tendre (etarriver) à la perfection.

Ce qu’est la volonté de Dieu

Dieu, être très parfait, pur esprit, a unevolonté, qui bien qu’en étant très simple enelle-même, se manifeste de manière différen-te, en relation avec les créatures, comme ditl’Apôtre: “afin de discerner quelle est la vo-lonté de Dieu” (Rom. XII, 2). Les théolo-giens ont coutume de distinguer la volontéabsolue, quand Dieu veut quelque chosesans aucune condition (comme la création dumonde) et la volonté conditionnée, quandDieu veut avec une condition (comme lesalut du pécheur s’il fait pénitence de ses pé-chés). On distingue encore la volonté antécé-dente, qui concerne une chose en elle-mêmeou absolument considérée (comme le salutde tous les hommes en général), et la volontéconséquente, concernant une chose revêtuede toutes les circonstances particulières etconcrètes (comme par exemple la damnationd’un pécheur qui meurt impénitent).

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Mais la distinction qui nous intéresse da-vantage, pour la suite de notre article, estcelle entre volonté de signe et volonté de bonplaisir. « Par volonté divine signifiée (ou vo-lonté de signe) on entend certains signes de lavolonté de Dieu, comme les commande-ments, les interdictions, l’esprit des conseilsévangéliques, les événements voulus ou per-mis par Dieu. La volonté divine signifiée decette manière, spécialement celle qui se mani-feste dans les préceptes, appartient au domai-ne de l’obéissance (3). C’est à elle que nousnous référons, selon St Thomas (I q. 19 a. 11)quand nous disons dans le Notre Père: Fiatvoluntas tua. Par volonté divine de bon plaisiron entend l’acte intérieur de la volonté deDieu non encore manifesté ni connu. D’elledépend l’avenir encore incertain pour nous:les succès futurs, les joies et les épreuves decourte ou de longue durée, l’heure et les cir-constances de notre mort, etc. (…) La volontéde bon plaisir appartient au domaine del’abandon dans les mains de Dieu » (4).

Fondement de l’obéissance à la volonté deDieu

Quels sont les principes théologiques surlesquels on doit appuyer cette soumission

“Père, toutes choses vous sont possibles, éloignez cecalice de moi; toutefois, non ma volonté,

mais la Vôtre” (Mc XIV, 36)

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illimitée et cette conformité à la volonté deDieu? Selon le Père Garrigou-Lagrange,o.p., ce sont les suivants:

« 1) Rien n’arrive que Dieu ne l’aitprévu de toute éternité et qu’Il ne l’ait vouluou du moins permis.

2) Dieu ne peut rien vouloir et rien per-mettre qu’en vue de la fin qu’Il s’est propo-sée en créant, c’est-à-dire qu’en vue de lamanifestation de Sa bonté, de Ses perfec-tions infinies, et en vue de la gloire del’Homme-Dieu, Jésus-Christ, Son FilsUnique (I Cor. III, 23).

3) Nous savons que “toutes chosesconcourent au bien de ceux qui aiment Dieu,de ceux qui sont appelés selon son éterneldessein” (Rom. VIII, 28) et qui persévèrentdans son amour.

4) Cet abandon ne nous dispense pasévidemment de faire ce qui est en notrepouvoir pour accomplir la volonté de Dieusignifiée par les préceptes, les conseils, lesévénements; mais quand nous avons loyale-ment voulu l’accomplir au jour le jour, nouspouvons et devons nous abandonner pour lereste à la volonté divine de bon plaisir, simystérieuse soit-elle, et éviter l’inquiétudevaine et l’agitation » (5).

« La volonté signifiée comprend donc(...) quatre choses: 1) les commandements deDieu et de l’Eglise; 2) les conseils évangé-liques; 3) les inspirations de la grâce; 4) pourles communautés religieuses, les constitu-tions et les règles. Dieu étant notreSouverain Maître, a le droit de nous com-mander; et comme Il est infiniment sage etbon, Il ne nous commande rien qui ne soit àla fois utile à Sa gloire et à notre bonheur;nous devons donc, en toute simplicité et do-cilité, nous soumettre à Ses lois, loi naturelleou loi divine positive, loi ecclésiastique ou loicivile juste; car, comme le dit St Paul, touteautorité légitime vient de Dieu, et obéir auxSupérieurs qui commandent dans les limitesde l’autorité qui leur a été départie, c’estobéir à Dieu, comme leur résister, c’est résis-ter à Dieu même. (…) Ajoutons que les de-voirs d’état rentrent dans la catégorie descommandements: ce sont comme des pré-ceptes particuliers qui incombent aux chré-tiens en raison de la vocation spéciale et desfonctions que le Bon Dieu nous assigne » (6).

C’est pourquoi la soumission et l’obéis-sance à Dieu se manifestent dans la confor-mité à la volonté signifiée et à celle de bonplaisir.

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La volonté signifiée

La conformité à la volonté signifiée deDieu consiste à vouloir tout ce que Dieu noussignifie être son intention. St François deSales dit: “La doctrine chrétienne nous pro-pose clairement les vérités que Dieu veut quenous croyions, les biens qu’il veut que nousespérions, les peines qu’Il veut que nous crai-gnions, ce qu’Il veut que nous aimions, lescommandements qu’Il veut que nous fassionset les conseils qu’Il désire que nous suivions:et tout cela s’appelle la volonté signifiée deDieu, parce qu’Il nous a signifié et manifestéqu’Il veut et entend que tout cela soit cru, es-péré, craint, aimé et pratiqué. (…)

La conformité donc de notre cœur à la vo-lonté signifiée de Dieu consiste en ce quenous voulions tout ce que la divine Bonténous signifie être de son intention, croyantselon sa doctrine, espérant selon ses pro-messes, craignant selon ses menaces, aimantet vivant selon ses ordonnances et avertisse-ments” (7). En outre « je dois agir et exercermes facultés dans l’exécution des ordres etdes désirs de mon Seigneur; je dois marcherdans la voie qui m’est tracée (…) par les troisgroupes de facultés qui sont en moi. Je puisconnaître, aimer, exécuter (…). Si je doisconnaître ma fin, je dois aussi connaître mavoie; si je dois aimer mon but, je dois aussi enaimer le chemin; si je dois chercher le som-met, je dois aussi suivre les sentiers qui yconduisent. La gloire de Dieu est mon but, savolonté est ma voie. Or la gloire de Dieu, quiest ma fin, demande à mon intelligence de laconnaître; à ma volonté, de s’y attacher; àmon action, de la rechercher. Cette tripleobligation s’impose de la même manière pourla volonté de Dieu. Mon intelligence doit laconnaître; ma volonté, la respecter et l’aimer;mon action, l’exécuter. La vue, l’amour et larecherche de la gloire de Dieu constituentl’essence de la piété; la vue, l’amour et l’exé-cution de Sa volonté en sont la voie.

Je dois d’abord connaître la volonté deDieu, si je veux la suivre, ne pas marcherdans les ténèbres, et ne pas m’exposer à man-quer de prudence et de sagesse. La connais-sance est ici encore, la première condition dubien. Je dois prier et demander au Maîtrequ’Il me remplisse de la connaissance de Savolonté en toute sagesse et intelligence spiri-tuelle, afin qu’ainsi je puisse marcher d’unemanière digne de Dieu, Lui plaire en touteschoses (…). Il faut que, “comme les yeux des

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serviteurs sont fixés sur les mains de leursmaîtres, ceux de la servante sur les mains de samaîtresse, ainsi mes yeux soient fixés sur leSeigneur mon Dieu” (Ps. 122, 2) » (8).

Si cela est la volonté signifiée de Dieu onne peut se sanctifier sans observer les com-mandements et les devoirs d’état (qui sontla règle morale de nos actions). Plus fidèle-ment et plus chrétiennement nous obser-vons les lois de Dieu et plus nous nous ap-prochons de Lui, puisque la loi est l’expres-sion de Sa volonté (“Celui qui a mes com-mandements et les garde, c’est celui-là quim’aime”, Jn XIV, 21).

« Il faut ici particulièrement noter ce quiest dit dans l’Evangile de St Luc (XVI, 10):“Celui qui est fidèle dans les petites choses estfidèle aussi dans les grandes”; si nous faisonschaque jour le possible pour être fidèle auSeigneur dans les choses ordinaires de la vie,ayons confiance qu’Il nous accordera la grâcepour Lui être fidèle dans les circonstances ex-trêmes, s’Il permet que nous y soyons placés;ayons confiance qu’Il nous donnera la grâcede mourir héroïquement plutôt que de rougirde Lui, et de Le trahir, si un jour ou l’autrenous avons à souffrir pour Lui.

(…) Ces principes sont sur ce point ac-ceptés comme l’expression de la foi chré-tienne. On trouve ainsi l’équilibre au-dessusdes deux erreurs (…). Par la fidélité au de-voir de minute en minute on évite la fausseet paresseuse quiétude des quiétistes, et parl’abandon confiant on échappe à l’inquiétu-de vaine et à l’agitation stérile. Cet abandonserait paresse s’il ne supposait pas la fidélitéquotidienne, qui est comme le tremplin pours’élancer sûrement dans l’inconnu. Cette fi-délité quotidienne à la volonté divine signi-fiée donne comme le droit de s’abandonnerpleinement pour l’avenir à la volonté divinede bon plaisir non encore manifestée » (9).

C’est cela le premier pas nécessaire et in-dispensable sur la voie de la perfection, sanslequel entreprendre la voie de la conformitéà la volonté de bon plaisir serait une vaineet dangereuse illusion. Et hélas « nulle partl’illusion n’est aussi fréquente et aussi funes-te que sur le point de la volonté de Dieu. Ona tant intérêt à ne pas trop la voir, ou à lavoir juste assez pour tranquilliser saconscience sans trop la surcharger!… Je suissi habitué à voir à travers le prisme de l’inté-rêt personnel et à accommoder mes obliga-tions au gré de mes convenances! Avant lavolonté de mon Seigneur, j’interroge mon

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intérêt: il est là si près et si pressant! (…) Ilest toujours le premier objet qui se présenteà mes yeux; et je ne passe pas facilementpar-dessus, pour voir directement la volontédu Maître. Et quand mes yeux aperçoiventcette divine volonté à travers le prismetrompeur de ma sensualité, ma vue est faus-sée, les objets ne m’apparaissent plus telsqu’ils sont, je tombe dans l’illusion. Que defois j’y tombe!… Mes reins sont remplisd’illusions (Ps. 37, 8); mes reins, c’est-à-direma sensualité. (…) Combien j’ai besoin, ômon Dieu, de tenir mes reins serrés, afin quele réservoir ne déverse pas sa triste plénitu-de sur mon âme, et d’avoir à la main tou-jours allumée la lampe qui m’aidera à voirclair! (Lc XII, 35)… Seigneur, faites que jevoie! (Lc XVIII, 41) » (10).

La volonté de bon plaisir

La conformité à la volonté de bon plaisirconsiste à se soumettre à tous les événe-ments et desseins que la divine Providencepermet pour notre plus grand bien et sur-tout pour notre plus grande sanctification.

Si, comme nous l’avons vu, le fondementde cette obéissance réside dans le fait querien n’arrive sans la permission de Dieu etque tout concourt au bien de ceux qui L’ai-ment, il s’ensuit que Dieu étant infinimentsage et infiniment bon, Il ne veut rien et nepermet rien que pour le bien des âmes,même quand nous n’arrivons pas à nous enrendre compte. Comme disait Tobie au mi-lieu des afflictions et des reproches de safemme: “Vous êtes juste, Seigneur, et tousvos jugements sont droits, et toutes vos voiessont miséricorde, vérité, et justice” (Tob. III,2); et le saint homme Job: “Si nous avonsreçu les biens de la main de Dieu, pourquoin’en recevrions-nous pas les maux?” (Job II,10). C’est donc pour nous un devoir de noussoumettre à Dieu en tous les événementsjoyeux ou tristes, c’est un devoir d’obéissan-ce et de justice puisqu’Il est notre MaîtreSuprême (Il est le Seigneur) qui a sur noustoute autorité; c’est un devoir de sagesseparce que ce serait folie de vouloir se sous-traire à l’action de la Providence tandis quec’est justement dans l’humble résignationque nous trouverons la paix; c’est encoredans notre intérêt puisque la volonté deDieu nous met à l’épreuve afin que nousnous exercions dans la vertu en acquérantdes mérites, et c’est enfin manifestation

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d’amour puisque le véritable amour est dansle don de soi jusqu’à l’immolation (commeJésus a fait pour nous!).

Selon une expression de St François deSales, si dans la volonté signifiée “Dieu veutque je fasse mes petits pas”, maintenant dansla volonté de bon plaisir « “Dieu me porteentre ses bras”; ce sont les paroles mêmes dela Sainte Ecriture: “Vous serez portés sur lesein, caressés sur les genoux. Comme lamère caresse son enfant, ainsi moi je vousconsolerai”. “Est-ce que la mère peut oublierson enfant, négliger le fruit de ses entrailles?Et quand elle l’oublierait, moi cependant je nevous oublierai point” (Is. LXVI, 12). Pour-rait-Il me représenter sous une image plusexpressive l’amoureuse tendresse de Sa vo-lonté toute entière dévouée à ma sanctifica-tion? Et que d’autres images encore Il multi-plie en Ses témoignages sacrés, pour m’ame-ner à sentir la sollicitude qu’Il a de moi!Celle des petits moineaux, dont cinq ne va-lent pas plus de deux oboles, et dont pas unnéanmoins n’est en oubli devant Lui. Quepeut donc craindre une âme qui vaut plusqu’une quantité de passereaux? (Lc XII, 6-7). Celle de la poule, qui rassemble ses pous-sins sous ses ailes (Matth. XXIII, 37). Celledu pasteur, qui prodigue ses attentions et savie même pour ses brebis (Jn X, 11). Les re-proches, plaintes et menaces contre les pré-varications du crime, qui sont encore unemanifestation de Sa sollicitude, sont à peineplus réitérés dans les saintes Lettres que cesattestations de Ses soucis de bonté paternelleenvers Ses enfants. Et combien cependantles infidélités et résistances à son action sontplus multipliées que la soumission et la fidé-lité, même en ceux qui sont les privilégiés deses tendresses! (…) Sa Providence, gouver-nant les mondes et les atomes, fait entrer encontact avec ma vie des multitudes innom-brables d’êtres, de mouvements et d’in-fluences dont je soupçonne à peine l’ordon-nance; et en tous est présente, par tous estopérante Son action sur moi. (…) Il ne peuty être que Sa volonté et la mienne sur mavie; en ce qui m’intéresse, toutes les autresvolontés dépendent de la Sienne… Il ne pé-rira pas un cheveu de votre tête; car les che-veux de votre tête sont tous comptés (Matth.X, 30; Lc XXI, 18). Les cheveux: ce qu’il y ade plus accessoire comme élément du corps;leur nombre: ce qu’il y a de plus insignifiantcomme organisation; la chute d’un seul: cequ’il y a de plus inaperçu comme événe-

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ment! Et voilà cependant jusqu’où va lesouci de mon Père des cieux. Quel peut doncêtre l’objet, l’agencement ou le fait qui nesoit en Son attention?

Et, merveille plus surprenante encore,avec quel art infini le jeu de Sa Sagesse unitle surnaturel au naturel, incorpore sa grâcejusque dans les faits de l’ordre temporel,prend les voies, choisit les moyens, saisit lesmoments! Avec quelle délicatesse Il sait seconformer aux états d’âme… toucher aupoint, à l’instant et de la manière propices,avancer et multiplier Ses touches quand ellessont acceptées; les varier, patienter, se retirersi elles sont rebutées, changer ses procédés,user de douceur ou de rigueur, etc!... Oh!que de merveilles à contempler, quand, là-haut, Il me découvrira les secrets ressorts deson action!… Ici-bas, Dieu manifeste trèspeu l’économie de Ses voies… L’opérationqui dispose et conduit tout au bien des élus,les résultats de sanctification, ces profon-deurs mystérieuses où Il voile à nos yeux lamarche de Sa Sagesse, qu’en connaissons-nous? (…) Si la pleine lumière est réservéeau jour des grandes manifestations, il n’enest pas moins vrai cependant que Dieu tientà dévoiler dès à présent, suivant les nécessi-tés de mon avancement, quelques-uns desmystères de Son action. Il veut que je lesvoie, pour que j’y corresponde. Et je puis lesvoir et je dois me rendre attentif à les recon-naître, dans la mesure où Il lui plaît de meles découvrir, et dans le dessein de confor-mer mon action à la Sienne » (11).

Que veut dire “se conformer à la volonté deDieu”?

Jusqu’à maintenant nous avons exposé leprincipe “il faut toujours faire la volonté deDieu” en le renforçant par des fondementsthéologiques et par l’exemple de Jésus-Christ. Voyons maintenant en quoi consistecette “conformité” à la volonté de Dieu.

“La conformité à la volonté de Dieuconsiste en une amoureuse, entière et intimesoumission et adhésion de notre volonté àcelle de Dieu en tout ce qu’elle dispose oupermet. Quand elle est parfaite, elle estconnue plutôt sous le nom de saint abandonà la volonté de Dieu. Dans ses manifesta-tions imparfaites on a coutume de lui donnerle nom de simple résignation chrétienne” (12).

Notre sanctification se réalisera si nouscoopérons à l’action divine, comme dit le P.

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Lehodey: “Dès lors que Dieu travaille avecnous à notre sanctification, il faut qu’Il ait ladirection de l’entreprise: rien ne devra sefaire que suivant Ses plans, sous Ses ordres,et par le mouvement de Sa grâce. Il est lepremier principe et la dernière fin; noussommes nés pour obéir à Ses volontés” (13).

St Alphonse de Liguori a des mots,comme d’habitude, beaux et simples à lafois, pour expliquer ce qu’est cette confor-mité à la volonté de Dieu: « La plus grandegloire que nous puissions procurer à Dieu,c’est d’accomplir Ses saints vouloirs. NotreRédempteur, descendu ici-bas pour établirla gloire de Son Père, nous a donné, par Sonexemple, cet enseignement, important entretous. (…) En quoi nos œuvres servent-ellesà la gloire de Dieu, si elles ne sont pasconformes à Son bon plaisir? Ce ne sont pasdes sacrifices que Dieu réclame, dit leProphète à Saül, mais l’exécution de ses vo-lontés: “Est-ce que le Seigneur se plaît auxholocaustes et aux victimes, et non pas plutôtdans l’obéissance à Sa voix? La résistance estcomme le crime d’idolâtrie” (I Rois XV, 22-23). L’homme qui prétend suivre sa proprevolonté sans s’occuper de celle de Dieu,commet une sorte d’idolâtrie, car, au lieud’adorer la volonté divine, c’est la sienne, enquelque façon, qu’il adore. (…) Supposonsdeux serviteurs: l’un est en mouvementtoute la journée, sans un moment de répit;mais il n’en veut faire qu’à sa tête; l’autre sedonne moins de peine, mais obéit en tout.Lequel des deux plaira au maître? Le se-cond, assurément, et non le premier (…).

Ici-bas, pour apprendre à aimer le BonDieu, nous devons nous mettre à l’école deshabitants du ciel. Leur pur et parfait amourpour Dieu ne fait qu’un avec leur parfaiteunion à la volonté de Dieu. Si Dieu donnait àentendre aux séraphins qu’Il veut les voir em-ployer leur éternité à mettre en tas le sabledes rivages de la mer, ou à sarcler les jardins,volontiers ils le feraient, et ils y trouveraienttout leur plaisir. Plus encore: que Dieu leurfît signe d’aller brûler dans le feu de l’enfer,immédiatement ils se précipiteraient dans cetabîme pour faire la volonté divine.

(…) Celui qui donne à Dieu sa volonté,Lui donne tout. Que, par les aumônes, onLui donne son bien, par les flagellations sonsang, par les jeûnes sa nourriture, on ne faitque Lui céder une partie de ce qu’on a; maisLui donner sa volonté, c’est tout Lui don-ner. On a dès lors le droit de dire à Dieu:

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“Seigneur, je suis pauvre, mais je vousdonne tout ce que je puis: ma volonté est àvous, je n’ai plus rien à vous offrir”.

Or, c’est là précisément ce ‘tout’ que, dechacun de nous, notre Dieu réclame: “Monfils, donne-moi ton cœur” (Prv. XXIII, 26),c’est-à-dire ta volonté. Non, non, dit avecraison St Augustin: “nous ne pouvons faire àDieu une offrande plus agréable”, pluschère à Son cœur, que de Lui dire: Pos-sédez-nous; nous vous abandonnons notrevolonté: faites-nous savoir ce que vous at-tendez de nous, et nous l’exécuterons”.

Si donc nous voulons contenter pleine-ment le cœur de Dieu, arrivons à nousconformer en tout à la volonté de Dieu. Ouplutôt, nous conformer, ce n’est pas assezdire: il faut uniformer notre volonté, c’est-à-dire qu’il faut unir notre volonté à tout ceque Dieu dispose. La conformité impliquecette idée que nous mettons d’accord notrevolonté avec celle de Dieu. Mais l’uniformitéva plus loin: elle signifie que, de la volontéde Dieu et de la nôtre, nous n’en fassionsplus qu’une seule; tant et si bien que nous nevoulons rien sinon ce que Dieu veut, et quele seul vouloir divin devient notre vouloir »(14).

La volonté de Dieu et l’indifférence ignatienne

Faire la volonté de Dieu en toute circons-tance coïncide avec la disposition de “sainteindifférence” dont parle St Ignace de Loyoladans le “Principe et fondement” de ses“Exercices Spirituels”. Au n° 23 nous lisons:« …pour cela, il est nécessaire de nous

Saint Ignace de Loyola

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rendre indifférents à l’égard de tous les ob-jets créés, en tout ce qui est laissé au choixde notre libre arbitre et ne lui est pas défen-du; en sorte que, de notre côté, nous ne vou-lions pas plus la santé que la maladie, les ri-chesses que la pauvreté, l’honneur que lemépris, une longue vie qu’une vie courte, etainsi de tout le reste, désirant et choisissantuniquement ce qui nous conduit plus sûre-ment à la fin pour laquelle nous sommescréés ». Cette indifférence se réfère auxchoses qui ne tombent pas sous la volontéexprimée (c’est-à-dire signifiée) de Dieu,puisque “en tout ce qui est laissé au choix denotre libre arbitre” exclut l’observance descommandements que nous avons en tout étatde cause le devoir moral d’observer; il s’agitdonc plutôt de la volonté de bon plaisir quiembrasse par disposition divine “ce qui nousconduit plus sûrement à la fin pour laquellenous sommes créés”, c’est-à-dire accepter lesdesseins (la volonté) du Seigneur sur nous.

L’indifférence présuppose dans l’âmeune intime persuasion du pouvoir et del’amour de Dieu, la conviction que c’est deSa part qu’elle devra attendre la solution deses problèmes, et que l’amour de Dieu luidonnera la félicité. Elle est encore une dis-position de la volonté, qui est bien détermi-née à embrasser de toute façon ce quiconduit le mieux à la fin. Et ce qui conduitle mieux à la fin n’est-ce pas ces moyens queDieu de toute éternité a préparés et qui sontl’expression de Sa volonté?

“Il est évident, que si la volonté divineest la cause suprême de tout ce qui arrive, sielle est infiniment sainte, sage, puissante etaimable, plus ma volonté coïncidera aveccelle de Dieu, plus Sa volonté sera sainte,puissante et aimable. De cette manière il nepourra jamais nous arriver rien de mal,puisque les maux mêmes que Dieu permetdans notre vie, contribueront à notre plusgrand bien si nous savons en profiter dans laforme prévue et voulue par Dieu. (…) Lebut de la sainte indifférence est celui depousser l’homme à se donner totalement àDieu, en sortant de lui-même. Il ne s’agitpas d’un désintérêt stoïque et irrationnel enface de ce qui peut arriver, mais du moyenle plus efficace pour faire adhérer complète-ment notre volonté à celle de Dieu” (15).

Cette indifférence ignatienne se réfèreuniquement à la partie supérieure de l’âme,c’est-à-dire à la volonté de l’homme, et nepeut exclure que la partie inférieure, c’est-à-

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dire l’inclination naturelle, ressente de la ré-pugnance et accuse les coups de la disgrâce.On ne peut demander à la sensibilité de nerien ressentir (être impassible) face à la dou-leur [comment n’importe qui n’aurait-il paspeur devant un lion féroce!] et de ne paséprouver de la répugnance, mais il est néces-saire que la volonté soit disposée à acceptercette douleur comme venant de la main deDieu malgré toutes les protestations de lasensibilité. Ce fut l’exemple que nous donnaNotre-Seigneur Jésus-Christ qui désirait ar-demment Sa Passion: “Je dois être baptiséd’un baptême; or combien je me sens presséjusqu’à ce qu’il s’accomplisse” (Lc XII, 50),“J’ai désiré d’un grand désir…” (Lc XXII,15); et qui par ailleurs ressentait la douleurdans la partie sensible de Sa nature humaine:“Mon âme est triste jusqu’à la mort” (Matth.XXVI, 38), “Mon Dieu pourquoi m’avez-vous abandonné?” (Matth. XXVII, 46).

“Cette indifférence enfin n’est pas pure-ment passive, mais vraiment active, encoreque déterminée seulement par la volonté deDieu. Dans les cas où cette volonté divineapparaît déjà manifeste (volonté de signe),la volonté de l’homme l’accomplit avec unegénérosité rapide et ardente. Et dans ceuxdans lesquels la divine volonté ne s’est pasencore manifestée (volonté de bon plaisir)elle est en état de parfaite disponibilité pourl’accepter et l’accomplir à peine s’est-ellemanifestée” (15).

Il est utile et même nécessaire de se confor-mer à la volonté de Dieu

Il apparaît clairement de cet exposé la né-cessité et l’utilité de cette “conformité” à lavolonté de Dieu qui, si elle est pratiquée demanière toujours plus parfaite, pourra noussanctifier toujours plus puisqu’elle unit notrevolonté, et avec elle toutes nos facultés, àCelui qui est la source de toute sainteté.Comme le fait remarquer le P. Lehodey: “cequi fait l’excellence du saint abandon, c’estl’incomparable efficacité qu’il possède, pourôter les obstacles à la grâce, pour faire prati-quer dans la perfection les plus hautes vertus,et pour établir le règne absolu de Dieu surnos volontés” (16). En faisant la volonté deDieu nous faisons aussi notre bien puisque« en définitive, que veut notre Dieu, sinonnotre bonheur? Qui pourrons-nous trouverqui ait pour nous plus d’affection que Lui?De volonté, Il n’en a qu’une: qu’aucun de

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nous ne se perde, que tous nous nous sau-vions et devenions des saints (17): “il ne veutpas qu’aucun périsse, mais que tous viennent àla pénitence” (II Pier. III, 9). “La volonté deDieu est que vous soyez des saints” (I Thess.IV, 3). (…) Livrons-nous donc, avec un aban-don sans réserve, au bon plaisir de notredivin Seigneur; Il est infiniment sage: Il saitce qui est le meilleur pour nous; Il est infini-ment aimant, Il a donné Sa vie pour nous:donc aussi, Il veut ce qui nous est le meilleur.Soyons une bonne fois persuadés, commenous y invite St Basile, que Dieu gouvernenotre vie pour notre avantage, mieux, sanscomparaison, que nous ne pouvons nous-mêmes ou le faire ou le désirer » (18).

Unir notre volonté à la volonté divineest pour l’homme extrêmement utilepuisque cette conformité exerce un triplerôle sur l’âme, en la purifiant, en la réfor-mant et en la conformant à Jésus-Christ.

a) La conformité purifie l’âme. Dansl’Ancien Testament, Dieu fait souvent remar-quer qu’Il est prêt à pardonner tous les pé-chés, et à rendre à l’âme l’éclatante blan-cheur de sa pureté primitive, si elle change decœur ou de volonté: “Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez le mal de vos pensées de devant mesyeux… apprenez à bien faire… si vos péchéssont comme l’écarlate, comme la neige ils de-viendront blancs” (Is. I, 16-18). Or conformersa volonté à celle de Dieu, c’est assurémentchanger de cœur, cesser de faire le mal, ap-prendre à faire le bien. Et n’est-ce pas aussice que veut dire ce texte plusieurs fois répété:“melior est enim obædientia quam victimæ?”(II Rois XV, 22). Dans le NouveauTestament, Notre-Seigneur déclare, dès sonentrée dans le monde, que c’est par l’obéis-sance qu’Il remplacera tous les sacrifices del’Ancienne Loi (…) (Hebr. X, 5-8), et en faitIl nous a rachetés par l’obéissance pousséejusqu’à l’immolation de soi pendant Sa vie etsurtout au Calvaire: “Il s’est fait obéissantjusqu’à la mort et à la mort de la Croix” (Phil.II, 8). C’est donc aussi par l’obéissance etl’acceptation des épreuves providentiellesqu’en union avec Jésus nous expierons nospéchés et purifierons notre âme.

b) La conformité réforme l’âme. « Ce quinous a déformés c’est l’amour désordonnédu plaisir, auquel nous avons cédé par maliceou par faiblesse. Or la conformité à la volon-té divine nous guérit de cette double causede rechutes. (…) Car, en conformant notrevolonté à celle de Dieu, nous acceptons Ses

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jugements comme la règle des nôtres, Sescommandements et Ses conseils comme larègle de notre volonté; nous nous détachonsainsi des créatures et de nous-mêmes, et dela malice qui venait de ces attaches.

Elle remédie à notre faiblesse, source detant de défaillances; au lieu de nous appuyersur nous-mêmes qui sommes si fragiles, nousnous appuyons par l’obéissance sur Dieu,qui étant tout-puissant, nous fait participer àSa force et résister aux plus graves tenta-tions: “je puis tout en Celui qui me fortifie”(Phil. IV, 13). Quand nous faisons Sa volon-té, Il se plaît à faire la nôtre, en exauçantnos prières et en soutenant notre faiblesse.

Ainsi débarrassés de notre malice et denotre faiblesse, nous cessons d’offenserDieu de propos délibéré, et graduellementnous réformons notre vie » (19).

c) La conformité conforme l’âme à Jésus-Christ. Il ne peut pas y avoir de conformitéplus grande, intime et profonde que celle quiexiste entre deux volontés. « Or, par la confor-mité à la volonté de Dieu, nous soumettons etunissons notre volonté à celle de Jésus…comme Lui et avec Lui, nous ne voulons quece qu’Il veut (…); c’est donc la fusion de deuxvolontés en une seule, unum velle, unum nolle;nous ne faisons plus qu’un avec Lui, nousépousons Ses pensées, Ses sentiments, Ses vo-litions: “ayez en vous les sentiments qui étaientdans le Christ-Jésus” (Phil. II, 5), et bientôtnous pouvons redire la parole de St Paul: “Jevis, mais ce n’est pas moi qui vis, c’est Jésus quivit en moi” (Gal. II, 20) » (19).

Puisque la volonté est la plus élevée desfacultés de notre âme il s’ensuit que, en lasoumettant à la volonté de Dieu, nous luisoumettons aussi toutes les autres facultéssur lesquelles la volonté a le pouvoir; doncl’âme toute entière se conforme au Christ,en prenant les sentiments, les vouloirs et lesdésirs de Notre-Seigneur, et peu à peu l’âmeacquiert toutes les vertus du divin Maître.C’est ce qu’affirme justement St François deSales: “L’abandonnement est la vertu desvertus; c’est la crème de la charité; l’odeurde l’humilité; le mérite, ce semble, de la pa-tience; et le fruit de la persévérance” (20).

Les autres raisons qui montrent la néces-sité de la “conformité à la volonté de Dieu”sont les suivantes: comme serviteurs deDieu qui nous a créés, sauvés, destinés à Luicomme fin dernière, c’est à Lui que nous ap-partenons et c’est à Lui que nous devonsêtre soumis. Comme Enfants et amis de

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Dieu: l’enfant doit rester soumis à son pèrepar amour, tandis que l’amitié doit produirel’adhésion de la volonté. L’exemple deJésus-Christ est enfin un autre motif qui doitnous convaincre d’embrasser cette voie.

Les fruits que produira en nous la vie deconformité parfaite (ou saint abandon) à lavolonté de Dieu, sont inestimables: elle nousfera vivre en une douce amitié avec Dieucomme un enfant dans les bras de sa mère;l’âme en ne désirant rien d’autre que ce quiest voulu par Dieu vit avec la simplicité et la“liberté des enfants de Dieu”; elle est sereineet constante en toutes circonstances, car rienne peut venir troubler sa paix et enfin l’âmejouira d’une sainte mort en paix avec Dieu,puisqu’au ciel Il réalisera la volonté de ceuxqui auront fait sur terre Sa sainte volonté.

Pratique de la conformité à la volonté de Dieu

En quoi, en quelles circonstances et enquels événements faut-il conformer notrepropre volonté à la volonté divine? La ré-ponse est simple en elle-même: toujours eten toute circonstance; elle nécessite toute-fois une explication.

Il est nécessaire de se conformer surtoutà la volonté signifiée de Dieu en observantSes commandements et les préceptes del’Eglise; si nous sommes religieux en prati-quant les conseils évangéliques et les règlesde notre congrégation et en accueillant lesinspirations de la grâce.

Selon la doctrine de St Thomas (I q. 19,a. 12) la volonté de Dieu nous est manifestéeou signifiée au moins de quatre manières.

Quand Dieu agit directement (“ope-ratio”), Il veut toujours positivement ce qu’Ilfait, parce qu’Il se réfère toujours au bien etest ordonné à sa plus grande gloire. Il s’agitdonc de tous les événements individuels, fa-miliaux et sociaux, qui ont été disposés parDieu Lui-même et ne dépendent pas de la vo-lonté des hommes; face à eux, que ce soit dansla prospérité ou dans l’adversité, seule estpossible l’attitude chrétienne du fiat voluntastua, puisqu’ils proviennent directement de lamain de Dieu. Parfois ces événements sontagréables, et nous remplissent de joie;d’autres fois ils sont amers, et peuvent nousprécipiter dans la plus grande tristesse, si nousne voyons pas en eux Dieu Lui-même, quidispose tout pour Sa gloire et notre plusgrand bien. Tout ce que le Seigneur disposeest bon pour nous, même si pour le moment

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cela peut causer tristesse et douleur.Quand Dieu permet quelque chose

(“permissio”) c’est-à-dire n’empêche pasque quelque chose soit fait, Il ne le veut ja-mais positivement parce que cela se réfère àun mal, et Dieu ne peut vouloir le mal. MaisSa toute-puissance et Son infinie sagesse sa-vent convertir en un bien plus grand le malqu’Il permet et c’est pour cela qu’Il le per-met. Par exemple Dieu permit le plus grandet grave péché qui fut jamais commis, leCrucifiement de Jésus-Christ, en prévoyantque pour l’humanité il en adviendrait le plusgrand bien, c’est-à-dire la Rédemption.

Quand Dieu commande (“præceptum”)quelque chose: il s’agit des commandementsde Dieu ou de l’Eglise, des préceptes des su-périeurs, des devoirs de son propre état. Ilsdoivent être accomplis jusque dans les plusinfimes détails si l’on veut se conformer à lavolonté de Dieu manifestée.

Enfin il y a la prohibition (“prohibitio”),qui est le passage le plus élémentaire pourconformer notre volonté à celle de Dieuc’est-à-dire d’éviter diligemment le péchéqui L’offense.

Pour St Thomas donc, il faut surtout ob-server les commandements et ne pas les vio-ler par le péché. Ensuite le vouloir de Dieuest manifesté clairement par les événementsnaturels, familiaux, individuels qui nous en-tourent et par les épreuves et les croix queDieu permet, par les circonstances dans les-quelles nous nous trouvons dans le momentprésent, pour “opérer notre salut aveccrainte” (Phil. II, 12), selon les paroles del’Apôtre. Il se tromperait gravement celuiqui penserait trouver sa sanctificationailleurs, comme par exemple un prêtre fidè-le qui aujourd’hui en pleine crise de l’Eglisevoudrait être curé de campagne: pour cefaire, il devrait accepter des compromissionssur la foi [si cette charge comportait le de-voir de dire la “Nouvelle Messe”, et d’ac-cepter les erreurs du Concile Vatican II,etc.] en allant donc contre la volonté signi-fiée de Dieu dans les trois premiers com-mandements du décalogue. Ou bien unejeune fille qui, par exemple, voudrait sefaire religieuse chez les Visitandines et netrouvant pas un couvent traditionnel décide-rait d’entrer chez les modernistes, mettantainsi sérieusement sa foi en danger. Nouspouvons dire, pour notre réconfort, que leSeigneur aujourd’hui ne donne pas des vo-cations qu’il serait impossible de réaliser

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sans aller contre Sa volonté signifiée! S’Ilnous demande quelque chose ou nousdonne une certaine vocation, il est de foi,puisque “Dieu est fidèle” (Hebr. X, 23), qu’Ilnous donnera aussi les grâces nécessaires etsuffisantes pour la réaliser.

Voyons maintenant dans la pratique, ceen quoi nous devons nous uniformer à la vo-lonté de Dieu.

En premier lieu nous devons nous unifor-mer dans les choses naturelles qui se produi-sent dans le monde: chaleur excessive, froidrigoureux, pluie, années de disette, épidémieset choses semblables. Généralement l’hom-me murmure toujours en ces circonstances: ilveut le soleil quand il pleut… puis quand ilfait soleil il se lamente pour la sécheresse…On raconte, à ce propos dans la vie de StFrançois Borgia, Général des Jésuites,qu’une nuit alors qu’il neigeait beaucoup, ilfrappa plusieurs fois à la porte d’une maisonde la Compagnie mais comme les Pères dor-maient personne ne lui ouvrit. Le lendemainmatin à ses fils qui, pleins de regret, s’excu-saient de l’avoir fait attendre dehors par unenuit de tourmente, St François répondit avoirreçu au contraire une grande consolation à lapensée que c’était Dieu qui jetait sur sesépaules ces flocons de neige.

En second lieu dans tout ce qui nous at-teint au-dedans de nous-mêmes, comme lessouffrances de la faim, de la soif, de la pauvre-té, les désolations, les humiliations. En toutcela nous devons toujours dire: “Seigneur,faites et défaites à votre gré, je suis toujourscontent”. « Les biens et les maux temporelsne sont donc que des biens ou des maux rela-tifs. Des uns et des autres, on peut faire le

plus saint usage ou le pire des abus. Aurons-nous la sagesse d’en profiter pour nous déta-cher de la terre et nous attacher toujours plusaux seuls biens du Ciel? “Passerons-nousparmi les biens temporels de manière à ne pasperdre les biens éternels?” (21). Ne devien-drons-nous pas comme les insensés, qui ou-blient Dieu dans la bonne fortune, et murmu-rent dans l’adversité? » (22).

Dans les talents et défauts naturels del’âme, et du corps. Ne nous lamentons pas sinous avons une mémoire ingrate, une intelli-gence lente, un manque d’habileté, unmembre estropié, une santé délicate. StAlphonse, à ce propos, fait remarquer:« Quel droit avions-nous à un esprit plusélevé, ou à un corps mieux fait? et quelleobligation avait Dieu de nous les donner?(…) Remercions Dieu de ce que nous avonsreçu de Sa pure bonté et contentons-nousd’être tels qu’Il nous a faits. Qui sait si, avecun esprit plus brillant, une santé plus robus-te, un extérieur plus avenant, nous ne nousserions pas perdus? Combien à qui leur ta-lent et leur science ont été une occasion dese perdre, par leur complaisance en eux-mêmes et par le mépris qu’ils ont des autres.(…) A combien la beauté ou la force corpo-relle ont été funestes, si bien qu’ils sont tom-bés dans mille scélératesses? Par contre,combien d’autres, que la richesse, la santéou les attraits du visage auraient conduits enenfer, et qui, grâce à leur pauvreté, à leursinfirmités, à leurs traits ingrats, ont atteint lasainteté et sont arrivés au salut! Oui,contentons-nous de ce que Dieu nous adonné; car “une seule chose est nécessaire”(Lc X, 42) (…) sauver son âme » (23).

Il faut être spécialement résignés à la vo-lonté divine dans les infirmités corporelles,et nous devons les accepter volontiers tellesque Dieu les veut et pour tout le temps qu’Ilveut. « Sans doute, usons des remèdes ordi-naires, car cela encore est la volonté deDieu; mais si les remèdes ne servent à rien,unissons-nous à la volonté de Dieu, laquellenous servira beaucoup plus que la santé.‘Seigneur, dirons-nous alors, je ne veux niguérir ni rester malade: je veux uniquementce que vous voulez’. Assurément, c’est plusgrande vertu, dans les maladies, de ne pas seplaindre de ses souffrances; cependant,lorsque ces souffrances sont grandes et acca-blantes, il n’y a pas imperfection à les faireconnaître à des amis, ni non plus à prier leSeigneur de nous en délivrer. (…) Au reste,

Saint Alphonse Marie de Liguori

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Notre-Seigneur Lui-même, quand Il se vit audébut de Sa très amère Passion, s’ouvrit desa peine à Ses disciples; “Mon âme est tristejusqu’à la mort” (Matth. XXVI, 38), et Il priale Père éternel d’écarter de Lui cette extrê-me souffrance: “Mon Père, s’il est possible,que ce calice passe loin de moi” (Matth.XXVI, 39). Mais le même Jésus nous a ensei-gné ce que nous avons à faire après sem-blable prière: nous résigner aussitôt à la divi-ne volonté, en ajoutant: “cependant, qu’il ensoit, non pas comme je veux, mais commevous voulez” (Matth. XXVI, 39).

Il en est qui avouent désirer la santé;mais, disent-ils, ce n’est pas pour ne pas souf-frir, c’est pour mieux servir Dieu (…) serendre utiles à la communauté, faire la com-munion, faire pénitence, se livrer à l’étude,travailler au salut des âmes dans le ministèrede la confession et de la prédication. C’est làune lourde erreur. A qui parle ainsi, je de-mande: ‘Chère âme, dites-moi, pourquoi dé-sirez-vous faire toutes ces choses? Pour plai-re à Dieu? Pourquoi donc chercher encore,quand vous savez avec certitude où est pourvous le bon plaisir de Dieu? Il n’est pas dansces oraisons, communions, pénitences,études ou prédications, mais bien dans lesupport patient de la maladie et des douleursque Dieu vous envoie? Dès lors, unissez vossouffrances à celles de Jésus-Christ. (…)Bref, ces désirs et ces lamentations ne vien-nent pas de l’amour de Dieu, mais del’amour propre, lequel est à l’affût de pré-textes pour vous écarter de la volonté deDieu. Voulons-nous plaire à Dieu?Adressons-Lui cette unique parole: ‘quevotre volonté soit faite’. Répétons-la sansfin, cent fois, mille fois: par ce seul mot, nousprocurerons plus de contentement à Dieu,que nous ne pourrions Lui en donner partoutes les mortifications et dévotions pos-sibles. Il n’y a pas de meilleur moyen de ser-vir Dieu, que d’embrasser joyeusement Savolonté. (…) Le temps de la maladie, je l’ap-pelle la pierre de touche de la spiritualité, carc’est lui qui découvre de quel aloi est la vertuque possède une âme. Si elle ne s’impatientepas, ne se plaint pas, ne demande rien, maisobéit aux médecins, aux supérieurs, si elle setient là tranquille, toute abandonnée à la di-vine volonté, c’est un signe qu’il y a en elleun vrai fonds de vertu » (23).

Nous devons nous uniformer à la volontéde Dieu même dans la perte que parfoisnous subissons des personnes chères aux-

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quelles nous attachent des liens ou des inté-rêts, soit temporels, soit même spirituels.« Souvent les âmes dévotes manquent gran-dement sur ce dernier point, faute de se rési-gner aux dispositions divines. Ce ne sont pasnos pères spirituels qui nous donnent la sain-teté, mais Dieu. Sans doute, Il veut que nousmettions à profit la direction des guides denotre âme, tant qu’Il nous les conserve; maisquand Il vient à nous les ôter, Il veut quenous nous soumettions, et que, redoublant àcette occasion de confiance en Sa bonté,nous Lui disions: ‘Seigneur, c’est vous quim’aviez donné cet appui, et c’est vous encorequi me le retirez: que toujours votre volontésoit faite! A vous maintenant de pourvoir àmes besoins, et de m’enseigner ce que je doisfaire pour vous servir’.

Telle doit être, d’ailleurs, notre attitude,telle notre acceptation, chaque fois queDieu nous met une croix quelconque sur lesépaules. Vous me direz: ‘Bien des épreuvesne sont que des châtiments’. Soit, vous ré-pondrai-je; mais les châtiments que Dieu en-voie en cette vie ne sont-ils pas des grâces,des bienfaits? Si nous L’avons offensé, ilnous faut bien satisfaire à Sa divine justiceen quelque façon: ou en cette vie, ou enl’autre » (24). St Augustin disait: “Brûlez,Seigneur, tranchez, ne m’épargnez point ici-bas, afin de m’épargner dans l’éternité”.

Dans les désolations spirituelles. Quandune âme se donne à la vie spirituelle, leSeigneur la comble au commencement deconsolations pour la détacher des plaisirs dumonde; mais ensuite quand Il voit son espritplus affermi, Il retire Sa main avec la conso-lation sensible, pour éprouver son amour etvoir si elle Le sert et L’aime sans être payéedès ce monde en goûts sensibles. SteThérèse disait: “Tant que l’on est en cettevie, le profit spirituel ne consiste pas à jouirde Dieu davantage, mais à faire Sa volonté”;et ailleurs: “L’amour de Dieu ne consistepas dans des tendresses, mais à servir avecforce d’âme et humilité”. Ailleurs encore:“Par les aridités et les tentations, le Seigneurmet à l’épreuve Ses amis”. Lors donc que leSeigneur accorde à une âme les caresses deSes douceurs sensibles, qu’elle Lui en soitreconnaissante et s’en professe indigne, maisqu’elle ne se laisse point gagner par la tris-tesse et par l’impatience à l’heure de la dé-solation. Il n’est pas de meilleur temps quecelui de ces sécheresses, pour exercer notrerésignation à la volonté de Dieu. La terre

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est un lieu de mérite, où l’on mérite en souf-frant; le ciel sera au contraire le lieu de larécompense éternelle et de la joie (qui ne fi-nira jamais…). St Alphonse dit que “sur laterre ce n’est pas à la ferveur sensible avecses douceurs qu’aspirent et travaillent lessaints, mais à la ferveur de volonté, au mi-lieu des souffrances”. “C’est par l’adversité,et non par la prospérité, que Dieu éprouvela fidélité de ses serviteurs, et qu’Il sépare lapaille d’avec le grain: celui qui, dans lespeines, s’humilie et se résigne à la volontéde Dieu, c’est le grain destiné au Paradis;celui qui s’enorgueillit, s’impatiente, puisabandonne Dieu, c’est la paille destinée àl’enfer. Celui qui porte la croix avec patien-ce, se sauve; celui qui la porte avec impa-tience, se perd” (25). Les deux larrons cruci-fiés à côté de Jésus subirent la même peine:l’un est saint l’autre est damné, l’un se sauveafin que tu ne désespères pas, l’autre estdamné afin que tu ne présumes pas, dit StGrégoire.

Dans les tentations. « Nous devonsprendre les moyens d’éviter les tentations;mais si Dieu veut ou permet que noussoyons tentés - que ce soit contre la foi, lapureté ou toute autre vertu - nous ne devonspas nous lamenter, mais, en cela encore,nous résigner au divin vouloir. A St Paul quisollicitait la cessation d’une tentation…Notre-Seigneur répondit: “Ma grâce tesuffit” (II Cor. XII, 9). Ainsi nous, quand,en but à des assauts ennuyeux, nous deman-dons à Dieu notre délivrance et qu’Il nenous exauce pas, disons:‘ Seigneur, faites etpermettez ce qu’il vous plaît: votre grâce mesuffit; mais soutenez-moi pour que je ne laperde jamais. Ce n’est pas la tentation, maisle consentement, qui nous fait perdre lagrâce divine » (23).

Enfin, il faut que nous nous unissions àla volonté divine en ce qui regarde l’instantde la mort, soit pour le temps, soit pour lescirconstances qu’il plaira à Dieu de détermi-ner. On raconte que Ste Gertrude, gravis-sant un jour une colline, glissa et tombadans un ravin. Ses compagnes lui demandè-rent ensuite si elle avait eu peur de mourirsans sacrements. La sainte répondit: “Je dé-sire beaucoup recevoir les sacrements à lamort, mais je tiens davantage encore à la vo-lonté de Dieu; car j’estime que la meilleuredisposition pour bien mourir, est de se sou-mettre à ce que Dieu voudra: aussi je sou-haite tel genre de mort qui aura l’agrément

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de mon doux Seigneur”. (…) « Le bienheu-reux Jean d’Avila pensait que quiconque setrouve en des dispositions suffisantes, doitplutôt désirer mourir que vivre. Oh! la chèreet désirable chose que la bonne mort, avecla sécurité qu’elle apporte, l’impossibilité oùelle nous met d’être jamais plus dépouillésde la grâce de notre Dieu! » (23).

Si nous nous uniformons à la volonté deDieu en toutes ces choses, ou au moins enquelqu’une d’entre elles, dans les croix dechaque jour (qui sont ensuite autant degrâces si on les considère avec un regard defoi…), nous pourrons atteindre facilementcette sainteté à laquelle nous sommes appe-lés, et au Paradis nous remercierons leSeigneur de nous avoir donné une récom-pense aussi grande pour ce “peu” que nousaurons souffert sur la terre en unissant notrevolonté à la Sienne; puisque vraiment “Ceque l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pasentendu, ce qui n’est pas monté au cœur del’homme, c’est ce que Dieu a préparé pourceux qui L’aiment” (I Cor. II, 9) dit St Paul.

Réconfort dans les épreuves et l’exempledes Saints

Pour progresser dans la conformité à lavolonté de Dieu, surtout quand les épreuveset les croix pèsent sur nos épaules, il serautile (et parfois nécessaire) de prendre cer-tains remèdes spirituels. Tout d’abord il y ala tactique de ne pas s’appesantir l’esprit enpensant à tous les “maux” passés, présents etfuturs, en en faisant un fardeau insuppor-table même pour les personnes les plus ver-tueuses; il faut par contre faire exactement lecontraire puisque comme dit Jésus “à chaquejour suffit sa peine” (Matth. VI, 34). Quantaux maux du passé il ne sert plus d’y penser,

Saint Paul projeté de son cheval sur le chemin de Damasrépond au Seigneur: “Seigneur, que

voulez-vous que je fasse?”

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sinon pour voir les mérites et les avantagesque nous en avons tirés, l’accroissement devertu et de patience. Le mal pique seulementquand on y fixe l’attention, donc nous ne de-vons plus y penser mais nous réjouir seule-ment d’avoir accompli la volonté de Dieu.

Quant à l’avenir ce serait une folie denous en préoccuper. On peut prudemmentpenser et prévoir les choses pour les prépa-rer pour ce qui est dans nos possibilités;mais penser à l’avance aux “maux” futurspour en être tristes et préoccupés est un gas-pillage de temps et de forces qui ne sert qu’ànous nuire. En effet, ces “maux” peuventaussi ne pas arriver et dépendent de la vo-lonté de bon plaisir de Dieu qui, comme unbon père, ordonne tout pour le plus grandbien de ses enfants, et puisque “noussommes dans les mains de Dieu” il est cer-tain qu’Il nous donnera au moment oppor-tun la grâce nécessaire pour les affronter.Ne pensons donc pas aux douleurs passéesni à celles à venir.

Dans le moment présent, quand onsouffre quelque chose pour le Seigneur, nousdevons au contraire positivement penser auxgrands avantages de ces souffrances. La dou-leur (bien acceptée par amour de Dieu) nouséduque en nous rappelant qu’ici-bas noussommes en exil “dans une vallée de larmes”,que notre patrie est le ciel et que sur cetteterre nous ne devons pas chercher les conso-lations, mais le Dieu des consolations. Ladouleur nous fait encore pratiquer la vertude force puisque dans la réaction qu’elle pro-voque en nous, elle tend à faire augmenternotre énergie et nous fait exercer la vertu: “iln’y a point de bois plus propre à produire età conserver l’amour envers Dieu que le boisde la croix” affirmait St Ignace. Enfin elle estsource de très grands mérites, car, si elle estsupportée patiemment pour le Seigneur, ellenous mérite un paradis éternel de gloire,comme disait Ste Marie-Madeleine Postel:“Encore une croix de plus; remercions leBon Dieu, Il nous aime bien: s’Il nous éprou-ve, c’est pour mieux nous récompenser”. Lesâmes généreuses, en souffrant avec Jésusquelque peine, accomplissent en elles SaPassion, se conforment davantage au DivinMaître et contribuent énormément au biende Son Eglise. Les paroles de St Jean de laCroix vont aussi dans ce sens: “Souffrir,Seigneur, et être méprisé pour vous”, cellesde Ste Thérèse: “Ou mourir, ou souffrir”, etle gémissement de Ste Marie-Madeleine de

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Pazzi: “Ne pas mourir mais souffrir”.Les Saints avaient bien compris ces véri-

tés. St François d’Assise disait: “Si grand estle bien que j’attends que toute peine m’estdélices”; et St Philippe Neri “ici-bas c’est leParadis ou l’enfer; avec la résignation dansles peines, on possède le ciel en son cœur;par l’impatience, on se crée un enfer”puisque: “à qui l’embrasse avec amour lacroix ne pèse plus” (Ste Thérèse). St Vincentde Paul affirmait que “la conformité à la vo-lonté de Dieu est le trésor du chrétien et leremède à tout mal, puisqu’elle implique l’ab-négation, l’union à Dieu et toutes les vertus”.

Tout donc nous invite à conformer notrevolonté à celle de Dieu, même au milieu desplus grandes tribulations.

Conclusion

Au début de cet article, en citant StAlphonse, nous avons vu que: “Toute lasainteté consiste à aimer Dieu, et toutl’amour de Dieu consiste à faire sa volonté”;nous finirons comme nous avons commencéen espérant que le lecteur se sera convaincude la nécessité de la conformité à la volontéde Dieu, et qu’en même temps il n’existepas de meilleure voie que celle-là pour at-teindre la sainteté.

Jésus nous prévient: “Si vous voulez en-trer dans la vie, observez les comman-dements” (Matth. XIX, 17); il ne suffit doncpas de dire “Seigneur, Seigneur” pour êtreadmis dans le royaume des cieux; il faut fairela volonté du Père qui est dans les cieux,puisque “se tenir uni à la volonté de Dieu,c’est vivre et se sauver. C’est mourir et seperdre que de se séparer de la divine volon-té” (26). « “Si vous voulez être parfaits, allez,vendez ce que vous avez, puis venez et suivez-moi” (Matth. XIX, 21). C’est-à-dire, faitesdavantage la volonté divine, ajoutez à l’ob-servation des préceptes celle des conseils.

Si vous voulez monter jusqu’aux som-mets de la perfection, accomplissez la volon-té de Dieu, toujours plus et mieux. Vousvous élèverez, à mesure que votre obéissan-ce deviendra plus universelle dans son objet,plus exacte dans son exécution, plus surna-turelle dans ses motifs, plus parfaite dans lesdispositions de la volonté… Vous serez par-faits, dans la mesure où vous ferez la volon-té de Dieu » (27).

L’homme, sans l’aide de Dieu, est dansl’impuissance radicale de faire quelque

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chose de bien dans l’ordre surnaturel: “Sansmoi vous ne pouvez rien faire” (Jn XV, 5),mais avec l’aide du Seigneur réellement “jepuis tout en Celui qui me fortifie” (Phil. IV,13). Que l’homme s’en remette en tout àDieu, soumette sa volonté propre à celle deDieu en Lui donnant la direction de l’œuvrede sa sanctification afin que Jésus, qui déjànous a sauvés sur la Croix au prix de Sonsang, soit vraiment “l’auteur de notre salut”(Ps. 89, 27) même dans la vie quotidienne.

Notre Père qui êtes aux cieux… Quevotre volonté soit faite sur la terre commeau ciel; parce que celui qui accomplit la vo-lonté de Dieu ne se trompe jamais.« Seigneur Dieu, votre volonté personne nepeut l’accomplir sinon par votre don;puisque “personne ne vient à vous si vous nel’attirez” (Jn VI, 44). Accomplissez donc ennous votre volonté, c’est-à-dire donnez-nousavec votre grâce d’accomplir sur la terrevotre volonté, comme il est accordé auxbienheureux de l’accomplir par votre gloire.

Veillez sur nous, vos enfants, ô notrePère; accomplissez en nous ce qui vous plaît,puisque c’est par votre don que vos fidèlesvous servent d’une manière digne etlouable. Purifiez nos cœurs, ô lumière bien-heureuse, pour que nous chassions parfaite-ment l’amour propre et repoussions nospropres caprices, de manière à ce qu’ennous votre volonté s’accomplisse pleinementet que la nôtre meure. Que cela arrive siparfaitement qu’il n’y ait plus rien en nousde nous-mêmes, mais qu’en nous domine entout votre volonté.

Purifiez, ô Père, notre esprit, afin quenous n’aimions rien de terrestre; afin quenous asservissions notre chair; afin que nousexcluions de nous la gloire du monde; afinque nous reconnaissions parfaitement quevous opérez en chacun de nous tout le bien,et que nous ne sommes rien, que nous nepouvons rien, et que nous ne savons rien;afin que nous nous reconnaissions vils à nosyeux, et que nous vous aimions parfaitementde tout notre cœur, de toute notre âme, detout notre esprit et de toutes nos forces etque nous aimions notre prochain commenous-mêmes. Ainsi en effet nous observe-rons vos commandements et accomplironsvotre volonté; car “dans ces deux comman-dements se résume toute la loi et les pro-phètes” (Matth. XXII, 40) » (28).

Enseignez-nous, ô Seigneur, à faire tou-jours et seulement Votre sainte volonté…

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Nous vous disons, comme St Paul projeté àterre de cheval sur le chemin de Damas:“Seigneur, que voulez-vous que je fasse?” (Act.IX, 6), donnez-nous la grâce de Vous répondrecomme répondit Votre très Sainte Mère: “qu’ilme soit fait selon votre parole” (Lc I, 38).

Doce nos facere voluntatem tuamDomine… fiat voluntas tua… non commenous voulons mais comme Vous voulez.

Notes

1) Il serait téméraire de nier la bonté de toutes cesbonnes œuvres de surérogation, comme le fait magis-tralement remarquer St Ignace de Loyola en appendicede ses “Exercices Spirituels” dans les “Règles pour sen-tir avec l’Eglise” (nn° 352-370). Ces “règles” peuventêtre considérées comme un “permis d’orthodoxie et decatholicité” alors que leur négation est toujours plus oumoins suspecte…

2) DOM VITAL LEHODEY, Le saint abandon, p. II,ch. VII, pp. 135-136, Gabalda, Paris 1942.

3) En tant que l’homme a l’obligation moraled’obéir aux commandements de Dieu, qui sont Sa vo-lonté signifiée, tout en lui laissant la liberté physique dedésobéir en commettant en ce cas un péché.

4) ANTONIO ROYO MARIN, Teologia della perfezionecristiana, Edizioni Paoline, Cinisello Balsamo 1987, p. 938.

5) R. P. GARRIGOU-LAGRANGE, La Providence et laconfiance en Dieu, Desclée de Brouwer, Paris 1932,4ème partie, ch. I, pp. 232-234. Cité aussi par ROYO

MARIN, op. cit., p. 939.6) A. TANQUEREY, Précis de théologie ascétique et

mystique, Soc. St Jean Evang. Desclée, Paris 1928, nn°480-481, pp. 310-311.

7) ST FRANÇOIS DE SALES, Traité de l’Amour deDieu, L. VIII, ch. 3, pp. 718-720 in St François de Sales,Œuvres, Gallimard, Paris 1969.

8) R.P. J. TISSOT, La vie intérieure simplifiée et rame-née à son fondement, Beauchesne, Paris 1925. IIème par-tie, ch. III, pp. 268-270. Les caractères gras ont été ajoutéspar l’auteur. Cet ouvrage a été écrit par le Père Françoisde Sales POLLIEN, chartreux, qui en a confié le manuscritau R.P. TISSOT, missionnaire de St François de Sales; il aété publié dans l’édition française sous son propre nom,alors qu’il l’a été en italien sous le nom du Père Pollien.

“Notre Père qui êtes aux cieux... que votre volonté soitfaite sur la terre comme au ciel”

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9) R.P. GARRIGOU-LAGRANGE, op. cit., pp. 235-236.10) R.P. TISSOT, op. cit., pp. 271-272.11) R.P. TISSOT, op. cit., pp. 303-308.12) A. ROYO MARIN, op. cit., p. 937, n° 490.13) DOM VITAL LEHODEY, Le saint abandon, p. I.,

ch. I, p. 2.14) ST ALPHONSE MARIE DE LIGUORI, De l’union de

notre volonté à la volonté de Dieu. Les caractères grasont été ajoutés par nous.

15) A. ROYO MARIN, op. cit., pp. 945-946.16) Op. cit, 4ème partie, ch. 1, p. 471.17) St Alphonse fait ici référence à la volonté anté-

cédente de Dieu qui veut le salut de tous les hommessans avoir considéré encore les circonstances.

18) ST ALPHONSE, op. cit.

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19) A. TANQUEREY, op. cit., pp. 320-322, nn° 494-496.20) Entretien XI cité aussi dans A. TANQUEREY,

op. cit., p. 322.21) Missel Romain. Collecte du troisième dimanche

après la Pentecôte.22) DOM LEHODEY, op. cit., p. III, ch. II, p. 154.23) ST ALPHONSE, De l’union de notre volonté… op. cit.24) ST ALPHONSE, De l’union de notre volonté… op. cit.25) ST ALPHONSE, Pratique de l’amour envers Jésus-

Christ, ch. V, par I.26) ST ALPHONSE, Voie du salut, méd. 97: “Uni-

formité avec la volonté de Dieu”, pt I.27) DOM LEHODEY, op. cit., p. I, ch. I, pp. 4-5.28) JÉROME SAVONAROLE, Esposizione del Pater

noster, in “G. Savonarola. Itinerario spirituale”, Ed.

Studio Domenicano, Bologna 1993, pp. 242-243.Nouvelles du modernisme

“Egoût collecteur de toutes les héré-sies”, “route conduisant à l’athéisme”.

Tel est le jugement que l’EncycliquePascendi de St Pie X donne du modernisme.On comprend combien celui qui sympathisaitpour cette hérésie, le faisait de manière ca-chée ou, pour le moins, discrètement, s’indi-gnant si quelqu’un, par malheur, rappelait sesanciennes amitiés devenues dangereuses...

Après Vatican II les choses ont changé,et personne ne cache plus les collusions avecles modernistes italiens, comme Buonaiuti,Murri, Gallarati Scotti et Fogazzaro, et depersonnages presque canonisés commeRoncalli, Montini, Sturzo et De Gasperi. Ilsuffit de lire les journaux... Le quotidien LaStampa (12 décembre 1994) titre: “Roncalli,le ‘fardeau’ de l’hérétique”, et sous-titre:“Relations dangereuses avec l’abbé ErnestoBuonaiuti, l’homme des nouveautés excom-munié par le Saint-Office. (...) L’ombre dususpect serait tombée même sur le futurPape”. Puisque les lecteurs de Sodalitium sa-vent déjà [presque] tout de la question (cf.nn° 22-23), passons à d’autres nouvelles,concernant cette fois-ci Montini (Paul VI).L’“Institut Paul VI” et les éditions Studiumont fait imprimer le livre “Paolo VI e gliscrittori” (Paul VI et les écrivains) de FrancoLanza. «Le 20 août 1963 - rapporte le quoti-dien catholique Avvenire du 28 février 1995,page 17 - le comte Tommaso Gallarati Scotti[moderniste notoire, n.d.r.] envoyait en hom-mage à Paul VI sa Vita di Fogazzaro déjàcondamnée en 1921 par la Congrégation del’Index et en partie remaniée en 1924, si bien

que l’auteur l’avait republiée de sa propreinitiative. Six jours après, le Pape lui répon-dait par lettre: “Nous voulons vous remercierde votre livre, dans lequel nous saurons voirreflétés les pensées et les sentiments propresà mettre en lumière non seulement la figuredu grand écrivain de Vicence [et grand mo-derniste! n.d.r.] mais aussi l’âme, le dramespirituel et l’heureuse victoire intérieure del’illustre auteur”» [Paul VI fit aussi l’éloge de“Théorème” de Pasolini]. Voilà un beaumorceau de magistère “pontifical” dans le-quel on fait l’éloge de deux modernistes etde deux livres mis à l’Index, la Vita deFogazzaro de Gallarati Scotti, et Il Santo deFogazzaro... A ce propos, de qui Fogazzaros’est-il inspiré en écrivant Il Santo? L’abbéLorenzo Bedeschi, toujours sur l’Avvenire(journal contrôlé par l’épiscopat italien),nous révèle qu’il s’agissait de l’abbé BrizioCasciola (1871-1957) ami de Buonaiuti et “inpassione socius”, puisque, comme Buonaiuti,il avait encouru les sanctions ecclésiastiquesà cause de “ses idées”. Quelles idées?“Comme catholique, les problèmes del’union des Eglises chrétiennes, de l’œcumé-nisme et de la liberté religieuse dont il étaitle partisan bien avant le Concile, le préoccu-paient” (BEDESCHI, Il Vangelo secondo l’ere-tico, Avvenire du 1er mars 1995, p. 20). Sil’abbé Casciola était un “saint”, je propose-rais de le nommer patron et protecteur detous les adeptes de Vatican II, dont il fut leprophète et le précurseur! Il n’est pas éton-nant que le “Santo” de Fogazzaro plaisait àPaul VI, puisque les idées de ce “saint”étaient celles que lui-même “promulgua”comme “pape” à l’issue du Concile. L’abbéBedeschi - toujours - a écrit un livre sur les

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rapports entre le prêtre excommunié (parceque moderniste) l’abbé Murri et les pèresfondateurs de la pensée démocrate-chrétien-ne italienne, l’abbé Sturzo et le “serviteur deDieu” Alcide De Gasperi. “Bedeschi - nousdit l’Avvenire du 31 mars 1995, à la page 21 -traite presque d’‘ingrats’ Sturzo et DeGasperi de ne pas avoir voulu reconnaîtrepubliquement la filiation directe du popula-risme de la première Démocratie Chrétiennede Murri. Une accusation repoussée pardeux professeurs [Malgeri et Ignesti], qui ontrappelé comment (...) la référence directe àla personne de Murri finissait par devenirune source de scandale et par causer touteune série de problèmes à l’intérieur dumonde catholique d’alors. Mais ce n’est paspour cela que Sturzo et De Gasperi désa-vouèrent dans les faits le rôle de leurmaître”. Ainsi Sturzo et De Gasperi, commeRoncalli et Montini, étaient-ils des sous-ma-rins philo-modernistes en immersion, en at-tendant que les eaux agitées par les excom-munications se calment! Et qui donc ditqu’en lisant les journaux on ne s’instruit pas?

P.S.: Article de Cattabiani, sur IlGiornale, à propos de l’historien des reli-gions Mircea Eliade (admiré par tous lesésotéristes, et aussi par une certaine alliancebien connue chez les ex-traditionalistes). Luiaussi, naturellement, connaissait et estimaitErnesto Buonaiuti.

LE PROBLEME DE L’“UNA CUM”: UN CAS DECONSCIENCE

Nous avons reçu à la rédaction une lettre qui,du fait de l’importance de la question

qu’elle pose, mérite d’être publiée avec une ré-ponse appropriée. Si nos lecteurs désirent sou-mettre à la revue d’autres questions intéres-santes, sur la foi ou la morale, nous serons heu-reux d’y répondre, dans les limites des possibili-tés offertes par notre bulletin.

Sodalitium

“A la rédaction de Sodalitium,J’ai lu avec attention la “Note liturgique

sur l’Una Cum…” (publiée sur le numéro 35de votre revue) et je dois dire qu’elle m’a

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paru convaincante: si Jean-Paul II n’est pasPape formaliter, comme vous dites, on nepeut célébrer la Messe (ou assister à la Messecélébrée) en union avec lui. Mais il me resteun doute, auquel je ne suis pas capable dedonner une réponse: j’espère que vous pour-rez me dire quelque chose à ce sujet...

Ce n’est un mystère pour personne quede nombreux prêtres, qui officiellement re-connaissent la légitimité de Jean-Paul II, enréalité sont d’un tout autre avis, et ne citentpas son nom au canon de la Messe. Le casest surtout fréquent parmi les prêtres deMgr Lefebvre, qui ne peuvent manifesterpubliquement leur opinion sans avoir desproblèmes avec les supérieurs. Dans ce cas,la Messe est célébrée “non una cum”: Peut-on assister sans scrupule de conscience àleurs Messes? Qu’en pense votre Institut?Sincèrement, dans ce cas, je n’arrive pas àvoir la différence qu’il y a entre ces Messeset celles que vous célébrez!

Le problème, pour moi, n’est pas seule-ment théorique, parce que, pour des raisonsfamiliales, il m’est beaucoup plus facile d’as-sister à une Messe de ce genre...

Dans l’attente de votre réponse, veuillezagréer mes salutations distinguées”.

Suit la signature.

Réponse de Sodalitium à notre lecteur (et àtous les lecteurs intéressés)

Je vous félicite tout d’abord pour votreaccord de principe sur la question de l’unacum. Cela m’évitera de revenir sur lestermes du problème, sur lesquels vous vousdéclarez convaincu; si d’autres lecteurs, aucontraire, n’en avaient pas eu connaissance,je les invite à se reporter à l’article cité.

Avant de répondre à votre question, ilest nécessaire de donner (ou de rappeler)quelques précisions. A la lecture de votrelettre il apparaît presque qu’il s’agit d’unequestion personnelle entre nous et les autresprêtres qui, bien que célébrant la SainteMesse avec le rite romain promulgué parSaint Pie V, se disent, au canon de la Messe,en communion avec Jean-Paul II. Vous medonnez ainsi l’occasion de préciser, s’il enétait besoin, qu’il ne s’agit pas d’une ques-tion personnelle, mais doctrinale. D’un côté,nous ne pensons nullement juger lesconsciences ou nier l’éventuelle bonne foides prêtres qui croient bien (tout en setrompant) de citer l’una cum. D’autre part,

Lettre✍

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nous ne prétendons certes pas être les seulsà célébrer la Messe sans nommer Jean-PaulII comme Souverain Pontife. Comme vousl’écrivez vous-même ils sont nombreux (dumoins en France) à le faire, et nous ne pré-tendons certainement pas avoir un monopo-le en la matière! Au contraire, fasse le Cielque soient toujours plus nombreuses lesMesses et les prêtres cohérents sur ce pointsi important...

Ceci dit, je vous donne ma réponse, quipeut-être vous décevra: non, le cas des prêtresqui de manière cachée ne citent pas Jean-Paul II au canon de la Messe, n’est pas sub-stantiellement différent, quant à l’acte pra-tique, de celui de ceux qui le citent. End’autres termes, leur position n’est pas licite,et les fidèles qui se rendent compte de ce pro-blème doivent s’abstenir d’assister à leurs cé-lébrations, surtout s’ils y assistent de manièreactive.

Naturellement, vous désirez savoir aussile pourquoi de cette réponse, qui, je m’enrends compte, n’est pas du tout évidente.

Ici aussi, il est nécessaire de donnerd’abord une précision qui s’impose. Lasimple omission du nom de Jean-Paul II auTe igitur n’est pas, en elle-même, une garan-tie d’orthodoxie! (Même, si - je dis bien: “si”- Jean-Paul II était ou devenait formellementPape, se serait un acte schismatique). Eneffet, de nombreux hérétiques et schisma-tiques qui se sont séparés de l’Eglise catho-lique (par exemple, les orientaux soi-disant“orthodoxes”) ne citent pas le nom de Jean-Paul II dans leur liturgie, mais pour des mo-tifs opposés aux nôtres (c’est-à-dire, parcequ’ils ne reconnaissent pas le primat dePierre). Pour pouvoir assister à une Messe,même si elle est célébrée non una cum, il fautqu’elle soit célébrée par un prêtre catholique.

Vous me direz que les prêtres dont onparle dans le cas que vous soulevez sont ca-tholiques, et certainement pas “orthodoxes”.Admettons cette hypothèse. Reste le problè-me, tout d’abord, de leur grave comporte-ment. Profitant du fait que le canon de laMesse est récité à voix basse, ils omettent lenom de Jean-Paul II, alors que leurs supé-rieurs et la majorité de leurs fidèles croientle contraire. Il s’agit, donc, d’une tromperie.Qui plus est. Ces prêtres manquent à leurdevoir, qui est de droit divin, de manifesterleur propre foi; or, la légitimité ou non d’unPontife est un fait dogmatique qui impliquela reconnaissance, ou pas, du magistère de

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cette personne comme règle vivante et pro-chaine de notre foi. Les soutenir dans cettefaçon de faire signifie coopérer au mal qu’ilscommettent, ce qui n’est pas permis sans unmotif proportionnellement grave.

C’est donc permis en certains cas? Non. Etce, en vertu d’autres considérations. Jusqu’ici,nous avons tenu pour sûr que ces prêtres sont,en réalité, non una cum. Bien. Mais qui nousassure qu’ils ne sont pas una cum puisqu’ilsn’en parlent jamais? Au contraire, non seule-ment ils n’en parlent jamais, mais ils disent ex-plicitement le contraire! Dans le cas desprêtres de la Fraternité Saint Pie X, parexemple (mais le cas vaut aussi, et n’est paspurement hypothétique, pour ceux qui ont de-mandé et obtenu l’“indult”), même en nenommant pas Jean-Paul II au canon, ils ontfait la promesse solennelle ou le serment de secomporter de la manière opposée. Officiel-lement, donc, par le seul fait qu’il s’agit d’unprêtre de la Fraternité Saint Pie X, parexemple, on doit présumer qu’il est fidèle à laligne de la Fraternité elle-même, aux injonc-tions de ses supérieurs et aux promesses faites;le simple fait de supposer le contraire équivautà traiter ce prêtre de menteur. Mais, me direz-vous, ce sont eux-mêmes qui implicitement sequalifient ainsi, quand ils me disent en privé(ou me laissent entendre) qu’ils ne sont pasuna cum Joanne Paolo. Justement: commentpeut-on croire un menteur reconnu? Ce prêtreadmet avec vous de mentir à ses supérieurs età la majeure partie de ses fidèles; commentêtre sûrs qu’il ne vous ment pas aussi (peut-être pour avoir... un fidèle de plus?). Encoreune fois, nous devons présumer qu’il est... cequ’il déclare officiellement être: c’est-à-dire,en communion avec Jean-Paul II (qui, dans denombreux cas, lui interdit de célébrer la Messeet le déclare excommunié! Mais cela relèved’un autre discours, et constitue une autre in-cohérence). Souvent, d’autre part, il en estvraiment ainsi, parce que le prêtre en questionest réellement una cum (il s’agissait seulementde rumeurs, et pas toujours innocentes).D’autres fois non, mais le problème demeure.

Une dernière objection: que dire, dans lecas où j’ai la certitude morale que, en réalité,le prêtre en question n’est pas una cum (mal-gré les apparences). Même dans ce cas, celareste un problème, et non seulement pourl’encouragement que l’on donne à une formeinacceptable de nicomédisme (je diraispresque de “marranisme”), puisque la coopé-ration matérielle au mal d’autrui peut, pour

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de graves motifs, être permise. Permise, oui,mais à condition d’éviter le scandale (qui estun péché contre la charité, conduisant lesautres au péché). Puisque, par définition, cethypothétique prêtre est non una cum seule-ment de manière occulte, la majeure partiedes personnes ignore sa position, et est mêmeconvaincue du contraire. En vous voyant as-sister à sa Messe, on se convaincra qu’il est li-cite d’assister à la Messe una cum, en igno-rant qu’en réalité cette Messe est - de maniè-re occulte - non una cum. Plus vous êtesconnu et estimé pour vos opinions, plus vouscourez le risque de faire scandale; a fortiori sià votre place il s’agit d’un religieux, d’une re-ligieuse, d’un prêtre ou d’une communautéentière bien connue pour s’opposer à laMesse una cum... Comme vous voyez, bienrares sont les cas dans lesquels le facteur-scandale n’intervient pas, et bien rares,d’autre part, sont les cas où il y a de trèsgraves motifs pour coopérer à l’attitude enelle-même objectivement mauvaise de ces

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prêtres. Prêtres qui, par tant de points de vue,sont moins excusables que leurs confrèresqui, de bonne foi, croient que Jean-Paul II estformellement Pape et, par conséquent, le ci-tent au canon (mais ils devraient alors logi-quement s’abstenir de célébrer la Messe tra-ditionnelle sans indult, parce qu’autrementcomment peuvent-ils s’excuser de désobéirau Pape en matière grave, comme il en est durite de la célébration de la Messe?).

Je ne veux pas nier, je le répète, quedans de nombreux cas prêtres et fidèles... nesavent pas ce qu’ils font! Dieu seul juge lescœurs... Ma réponse, peut-être peu agréablemais pour le moins franche (plus francheque ces prêtres dont on me parle) concerneseulement le problème objectif pour les per-sonnes qui, comme vous, admettent le prin-cipe selon lequel Jean-Paul II est seulementmatériellement, mais non formellementPape. Dieu vous accorde la vertu de force,pour être témoin cohérent de votre foi danstoutes les circonstances de la vie.

Le directeurQui est l’Evêque de Campos?

Question publique de Sodalitium à la Fraternité Saint Pie X

Ouvrez le n° 2 du bimensuel Sì sì no no (viaMadonna degli Angeli 14, 00049 Velletri

RM) du 31 janvier 1996, à la page 5, et (re)lisezattentivement: il y a de quoi rester stupéfait.Le journal du regretté don Putti (mais dirigémaintenant par le prêtre de la Fraternité SaintPie X, Emmanuel du Chalard de Taveau),dans un compte rendu du “2ème Congrèsthéologique de Sì sì no no” écrit: “Dans la pre-mière conférence Le Concile: dogmatique oupastoral? son Excellence Mgr Licinio Rangel,qui a succédé à Mgr de Castro Mayer dans lediocèse de Campos (Brésil), démontre queVatican II n’est ni dogmatique (ce qu’il n’a pasvoulu être) ni pastoral (ce qu’il a prétenduêtre), mais est un concile atypique...”.

Nous ne voulons pas ici contester lathèse absurde de Mgr Rangel. [Si Paul VI -comme il pense - était Pape, le ConcileVatican II fut ou magistère solennel (cequ’est normalement un Concile œcumé-

nique) ou tout au moins magistère suprêmeordinaire (comme le qualifia Paul VI lui-même); dans les deux cas cela relèverait dudomaine du magistère infaillible de l’Eglise(cf. Denz. 1792, Denz. Sch. 3011). Commentensuite, Mgr Rangel peut-il affirmer que laConstitution dogmatique sur l’Eglise Lumengentium n’est pas dogmatique... et pas mêmepastorale?] Mais, je le répète, ce n’est passur ce point que nous adressons à la rédac-tion de Sì sì no no et à la Fraternité SaintPie X une question publique, souhaitant uneréponse publique.

La question est la suivante: qui est le suc-cesseur de Mgr de Castro Mayer commeEvêque de Campos?

Mgr Antonio de Castro Mayer donna sadémission d’Evêque diocésain de Campos àJean-Paul II, lequel nomma un successeur, in-tronisé par une cérémonie solennelle à laquel-le Mgr Mayer assista personnellement. Cesuccesseur de Mgr Mayer, nommé par Jean-Paul II, n’est pas Mgr Rangel. Mgr Rangel,prêtre du diocèse de Campos, fut consacréEvêque par Mgr Tissier de Mallerais, après lamort de Mgr de Castro Mayer. Mgr Tissier deMallerais, lui aussi, fut consacré évêque,contre la volonté de Jean-Paul II, par Mgr

DÉBAT

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Lefebvre et Mgr de Castro Mayer, et pourcela fut excommunié par Jean-Paul II.

A ce point, de deux choses l’une: ouJean-Paul II est (formellement) Pape, ouJean-Paul II n’est pas (formellement) Pape.Dans le premier cas (position de laFraternité Saint Pie X) l’Evêque de Camposn’est pas Mgr Rangel, mais est l’évêquenommé par Jean-Paul II, auquel Mgr Rangel- qui serait excommunié - désobéirait et aveclequel il a rompu de fait la communion.Dans le second cas (position de Sodalitium)le siège épiscopal de Campos est formelle-ment vacant, et matériellement occupé parl’évêque nommé par Jean-Paul II. En aucuncas on ne peut dire que Mgr Rangel a succé-dé à Mgr de Castro Mayer dans le diocèse deCampos, sinon en jouant de manière am-bigüe sur les mots, pour dire qu’il “a succédéà Mgr de Castro Mayer dans la direction mo-rale des prêtres fidèles à la Tradition rési-dant à Campos, au Brésil”. Le sens évidentde la phrase de Sì sì no no est que MgrRangel est l’Evêque de Campos. Mais alors,puisqu’il n’a pas été nommé par le Pape, il aété nommé par qui?!

Il ne s’agit pas d’une inadvertance, puis-qu’il y a un cas semblable, qui pose lesmêmes problèmes ecclésiologiques.

La paroisse parisienne de Saint-Nicolas-du-Chardonnet est, désormais depuis long-temps, occupée par des “traditionalistes”(initialement avec la désapprobationd’Ecône, qui revint ensuite sur sa position),et est actuellement desservie par le prêtre dela Fraternité Saint Pie X, Philippe Laguérie.Depuis longtemps, l’abbé Laguérie, se défi-nit “curé de Saint Nicolas”. Encore récem-ment, à l’occasion de la mort de FrançoisMitterand, l’abbé Laguérie a écrit sur leChardonnet (bulletin de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, numéro spécial, février 1996):“Quinze années durant la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet a eu, rue de Bièvre,un paroissien de renom. Que son curé ait euavec lui un contact au moins épistolaire, étaitdonc chose normale - et même nécessaire -et il en fut bien ainsi”. Oui, parce que, lecuré de Mitterand, selon l’abbé Laguérieétait... l’abbé Laguérie lui-même, qui écrivitau Président de la République en lui deman-dant comment, tout en étant son paroissien,il ne lui payait pas le denier du culte!!Puisque Mitterand lui répondit deux fois,l’abbé Laguérie s’attribue presque la conver-sion (quelle conversion?) de Mitterand. Mais

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ce n’est pas tant cette fanfaronnade qui nouspréoccupe, que le titre abusif de “curé” quece prêtre de la Fraternité s’attribue impuné-ment seulement parce qu’il occupe par laforce une paroisse. Nous posons donc uneseconde question, tout aussi sérieuse, aux su-périeurs de l’abbé Laguérie: qui est le curéde Saint-Nicolas-du-Chardonnet? Et si c’estl’abbé Laguérie, qui est-ce qui l’a nommé?(certainement pas l’archevêque de Paris,Jean Aaron Lustiger).

Déjà dans le n° 26 de Sodalitium (pp. 4-7)nous avons dénoncé la prétention schisma-tique (et même hérétique) d’attribuer “auclergé et aux fidèles de Campos” le pouvoirde désigner dans la personne de Mgr Rangelun successeur de Mgr de Castro Mayer audiocèse de Campos, avec une juridiction quilui viendrait “de l’appel des prêtres et des fi-dèles”. Après cinq années, et malgré les pro-testations pour ces prétentions, il est vrai-ment triste de constater que Mgr Rangel estdéclaré encore, en dépit de tout droit, suc-cesseur de Mgr de Castro Mayer dans le dio-

cèse de Campos. Il est humain de se trom-per, mais persévérer est diabolique.

JULIUS EVOLA, HOMME TRADITIONNEL

OU CABALISTE?Par M. l’abbé Curzio Nitoglia

INTRODUCTION

Une étude très complète est récemmentparue sur la pensée de Julius Evola, par

Esotérisme

PAROLES PROPHETIQUES…

“Si je sacrais un Evêque sans l’autorisation in-dispensable du pape, je serais schismatique. Ortant que je reconnais que Jean-Paul II est pape,je ne peux rompre avec lui... Si Dieu veut que laFraternité continue, Il fera en sorte que desévêques sacreront mes prêtres... Alors ayonsconfiance”. (Mgr Lefebvre au Prieuré de Nantesle 11 avril 1987; cf. Monde et Vie, 15 mai 1987).

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Marco Fraquelli (1). L’Auteur condense en troiscent pages, remplies de notes et d’indicationsbibliographiques, la philosophie évolienne.

J’essayerai d’en recueillir les points, àmon avis, les plus importants et de les pré-senter au lecteur, en les intégrant avecd’autres lectures, pour répondre à l’interro-gation posée ci-dessus.

LE SUPER-IDEALISME

Evola est décrit communément comme lemaître de la “dignité surnaturelle del’homme”; elle est fondée non sur le don libreet gratuit de Dieu à l’homme, mais sur l’“IN-DIVIDU ABSOLU” ou sur la conceptionphilosophique qui est appelée “Idéalismemagique”. Evola, en effet, tout en se définis-sant “homme traditionnel” s’est placé sur despositions idéalistes (filles de l’Immanentismemoderne), même s’il se proposait de porterl’Idéalisme classique jusqu’aux ultimes etplus radicales conclusions pratiques, aumoyen de la magie et de l’ésotérisme despseudo-religions orientales: “Le Moi ma-gique... royal, EN DEVENANT DIEU, ac-complit [avec Evola, n.d.a.] ce pas qu’il n’ac-complit pas dans l’Idéalisme classique” (2).

Comme on le verra par la suite, ce princi-pe philosophique influencera et dirigeratoutes les options spirituelles et politiquesd’Evola; il n’est donc pas permis de séparerl’Evola politique de l’Evola magique pourpouvoir prendre l’un et laisser de côté l’autre.

Evola veut REALISER l’Idéalisme (3);c’est-à-dire là où Hegel, Fichte, Shelling, se li-mitaient à disserter et à spéculer sur le Moiqui pose et crée l’objet extra-mental, Evolaveut faire en sorte que le Moi crée VRAI-MENT la réalité, en recourant, naturelle-

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ment, à l’“Ars Regia” et à la magie commepierre philosophale et alchimique par laquel-le l’homme voudrait se faire “dieu” et créerle monde. L’ésotérisme représente donc lecouronnement et la réalisation du principephilosophique “super-idéaliste” de JuliusEvola et le choix immanentiste et “moderne”d’Evola est présent comme fil conducteurdans toute l’œuvre du “philosophe interdit”(4). Toute son œuvre sera centrée sur la réali-sation du Moi absolu, patron de l’univers!«Evola... grâce surtout à l’apport des doc-trines ésotériques et sapientiales, peut procé-der au dépassement de l’“humain”, non seu-lement au sens gnoséologique mais au sensPRATIQUE” (5). “...Du reste, Evola lui-même a plusieurs fois confirmé l’impossibilitéd’arriver à la définition de l’Individu Absoluà travers l’usage des seules catégories de pen-sée spéculative de type occidental” (6).

Nous savons qu’il existe une seule vraieTradition, que Dieu remit oralement àAdam (7), qui nous est parvenue au moyendes Patriarches et des Prophètes, que Jésusa complétée et rendue universelle, et qu’Il aremise à ses Apôtres afin que, par leMagistère de l’Eglise, elle arrivât de jour enjour, jusqu’à la fin du monde, à tout homme.Cette TRADITION VRAIE affirme, en ac-cord avec le bon sens et le réalisme, qu’il y aun Dieu transcendant qui a voulu librementcréer le monde, lequel est fini, contingent etdépendant de Dieu et que l’homme possèdeune intelligence qui pour saisir la vérité doitse conformer à la réalité objective, réalitéqui ne dépend pas de lui, mais de Dieu.

A cette TRADITION VERITABLE s’estopposée une TRADITION PARASITAIRE,FALSIFIEE qui est appelée communémentGNOSE laquelle a pour origine la CABALEJUIVE (8) inspirée en dernier ressort parLucifer; il fut le premier à s’écrier ‘NONSERVIAM’ et à vouloir être la fin ultime delui-même, sans devoir se confronter et se sou-mettre à un Dieu transcendant. La Révélationauthentique nous enseigne que cette préten-tion “idéaliste-magique” de Lucifer, conduisità sa damnation éternelle et que, depuis cemoment, Lucifer ne cesse pas de tenterl’homme afin qu’il l’imite dans son misérablepropos. Au Jardin d’Eden Lucifer suggéra àEve de manger le fruit défendu pour devenircomme Dieu (“Eritis sicut Dii”) (9).

LE DADAISME

Le serpent qui se mord la queue est l’emblème de la “Société Théosophique”

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Evola a été aussi un artiste en plus d’unphilosophe, et son activité artistique coïncideavec la rencontre de Tristan Tzara et le mou-vement dadaïste. Tzara était un juif roumainet son mouvement peut être défini comme unesorte de “forme limite de la dégénérescenceartistique juive” (10) fondée sur l’exaltation duMoi et de la volonté de puissance et d’absolueliberté, qui débouche sur le libertinage. Eneffet, comme l’admet Evola lui-même, “les da-daïstes proclamaient... l’identité de l’ordre etdu désordre, du Moi et du non-Moi” (11).Evola connut Tristan Tzara vers 1918; à cetteépoque - écrit Fraquelli - Evola fait largementusage des drogues et des hallucinogènes.

Un autre auteur dont s’inspire alorsJulius Evola fut Otto Weininger (mort suici-dé), juif lui aussi; “le système weiningerien secentralise... sur la complète identité entre leMoi et l’homme: tous deux se trouvent de-voir s’imposer eux-mêmes l’un contrel’autre” (12). Et le Moi-homme, dans sa né-cessité de se poser contre la réalité, doit se li-bérer évidemment de la morale chrétienne!

Un autre auteur auquel se référa Evola àcette époque est Nietzsche, qui poussera en-core plus Evola à une opposition radicalecontre le Christianisme. En outre il faut sa-voir que “en plus de l’influence nietzschéen-ne... les doctrines orientales, qu’Evola étu-die précisément durant ces années-là, eurentaussi un rôle très important; par leur... rup-ture avec la Logique... elles offrirent unvaste matériel pour l’attaque anti-rationalis-te de la... philosophie occidentale” (13).

LA GNOSE ORIENTALE EN PLUS ETNON PAS CONTRE L’IDEALISMEMAGIQUE

“Le tournant décisif vers le monde desanciennes traditions spirituelles, des doc-trines... ésotériques et initiatiques s’accom-plit chez Evola... non comme une césuremais comme un développement naturel deson idéalisme magique.

L’Individu Absolu a pris conscience quele monde est sa création (...). Evola se rap-proche donc de la Tradition sapientialeorientale... en recherche... de techniques...qui permettent à l’Individu de réaliser sonaction magique” (14).

En 1925 Evola publie “L’uomo come po-tenza”, essai consacré au Tantrisme. “En ul-time synthèse, on peut dire que les Tantrasnient tout dualisme homme-Dieu; en effet le

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monde et l’univers sont des créations del’homme lequel s’identifie ainsi avec lePrincipe absolu et divin...” (15).

Vers la fin des années vingt, Evola ren-contre Arturo Reghini, maçon de rite écossais,qui «non seulement rapproche Evola de laTradition romaine... mais assume un rôle fon-damental pour le définitif tournant tradition-nel d’Evola en mettant ce dernier en contactavec René Guénon, le “maître sans égal” dontl’œuvre donne... un véritable centre... à tout lesavoir magique et ésotérique qu’Evola avaitrecueilli jusqu’à ce moment» (16).

EVOLA ET GUENON

Je m’intéresserai à Guénon, en détail,dans un prochain article; il faut toutefois an-ticiper ici qu’Evola n’est pas une pure ré-duction de Guénon, même si entre les deuxexistent des différences assez grandes,même au sein du monisme (panthéiste chezGuénon et immanentiste chez Evola). L’ac-cord de toute façon entre les deux “grandsinitiés” est substantiel et plus fort que les di-vergences qui peuvent être ainsi résumées:

a) Evola donne le primat à l’action, à lalutte, au guerrier. Guénon au contraire ledonne à la contemplation, au ‘prêtre’.

b) Evola soutient que l’Occident a sapropre Tradition. Guénon pense que l’Orientest l’unique dépositaire de la Tradition.

c) Evola considère l’“Eglise catholiquecomme un symbole de dégénérescence dematrice sémitique, qui a concouru à la sup-pression de la Tradition impériale et gibeli-ne médiévale” (17). Guénon considèrel’Eglise comme l’unique pôle EXOTE-RIQUE (notez bien) autour duquel peut seréveiller une Tradition ésotérique.

d) Evola est pour le primat du pouvoirtemporel sur le pouvoir spirituel. Guénonreconnaît le primat à l’action sacerdotale,pontificale (18).

EVOLA ET LA LIGUE DU NORD (19)

On dirait une boutade, mais au fond çane l’est pas. En effet, Evola immortalise etidéalise l’esprit héroïque païen et antichré-tien inhérent dans la Tradition occidentale,qui ne peut être l’œuvre des peuples néola-tins et catholiques, mais doit être l’œuvredes peuples germaniques. Pour Evola laTradition occidentale est la tradition nor-dique précisément du guerrier, contre la

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fausse Tradition du sud, dominée par l’espritreligieux et sacerdotal. Et c’est pourquoiEvola croyait trouver dans le Fascisme, maissurtout dans le Nazisme, une opportunitépour pouvoir rétablir la Tradition au moyende la restauration des valeurs nordiques,païennes et gibelines. Dans la Ligue duNord sont certainement présents aussi deséléments évoliens qui réussissent à concilierFrédéric Barberousse avec... Alberto daGiussano! Il ne faut pas s’étonner, pourl’idéaliste la contradiction est vie.

EVOLA ANTICHRETIEN

La vraie Tradition pour Evola est anti-chrétienne, en effet le Christianisme “repré-sente la cause première de la dégénérescen-ce du monde moderne, c’est la force des-tructrice par excellence qui a défoncé toutprincipe traditionnel...” (20).

Selon Evola, le Christianisme est le princi-pal responsable de la chute de l’EmpireRomain, de plus il est la Religion des faibles,des esclaves. Si pour Guénon le Christianismeest un succédané exotérique de la Traditionprimordiale initiatique et ésotérique, avecEvola nous sommes aux antipodes (et c’estpeut-être justement ce qui le rend moins dan-gereux, non moins mauvais, notez bien, dansla mesure où une erreur, véhiculée par unecertaine part de vérité et cachée en elle, estplus dangereuse et trompeuse que l’erreurévidente). Le Christianisme pour le philo-sophe italien est à relier à l’élément prophé-tique et messianique du sémitisme, qui rem-place le caractère héroïque de la Traditionnordique, par un “élan confus et agité vers lesurnaturel”. Le Christianisme est en outreune Révélation universelle, c’est-à-dire pourtous les hommes, alors que la vraie Traditionest ésotérique, c’est-à-dire réservée aux seulsinitiés. Le Christianisme avec ses thèmesd’imploration, d’adoration, de péché, d’indi-gnité, de limites, se réclame de la spiritualitédu Sud. Ce n’est pas par hasard que l’Egliseest Mère, et que la Médiatrice de toutesgrâces est la Très Sainte Vierge. En pratique,le Christianisme réalise un affaiblissement quiest typique des sociétés lunaires et sacerdo-tales, c’est une sorte d’“hérésie blanche”...!Contre le Christianisme se dresse l’idéal che-valeresque, gibelin qui culmine en Frédéric II.

UN SATANISTE ITALIEN...

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La Revue Internationale des SociétésSecrètes, de Mgr Ernest Jouin, entre en liceavec la revue Fede e Ragione de Fiesole,contre le paganisme d’Evola. La R.I.S.S. (21)critique lourdement l’article qu’Evola écrivitsur la La Critica fascista de Bottai en 1927: IlFascismo come volontà d’Impero e ilCristianesimo. La prestigieuse revue française,en reprenant les thèmes développés par larevue fiesolienne, soutient que l’article évolien“n’est qu’un LONG BLASPHEME” (22); ilproclame “la nette incompatibilité de la visionimpérialiste de la vie avec quelque forme quece soit de Christianisme”, réclame la restaura-tion de l’Etat comme réalité absolue, intolé-rante envers une Eglise qui veut s’élever à sescôtés; au contraire l’Etat doit se dressercomme l’unique et véritable Eglise et aussicomme l’unique et vraie Religion. Pour laR.I.S.S., Evola, en partant d’une espèce desyncrétisme “judéiforme”, va encore plus loindans sa haine contre l’Eglise. Evola est unmage, un Tantra, un super-théosophe; L’uomocome potenza est qualifié comme “œuvre sata-nique” dans laquelle “J. Evola prétend ensei-gner à l’homme le moyen de se faire dieu”. Larevue décrit la méthode enseignée par Evolaet soutient que nous nous trouvons en “PUREDEMONOLOGIE”; le but d’Evola est “l’ab-solue liberté accordée à l’homme de tout faire,même le mal, pourvu qu’il le fasse avec la per-suasion d’être uni à Dieu et pénétré de saSubstance”. Déjà Luther disait: “Pecca fortitersed fortius crede”! En bref Evola est aussi unadelphos de la dissolution. La R.I.S.S. conclutpar ces mots: “[Evola] est un AGENT PRO-VOCATEUR DE L’ENFER, une arrière-garde de la Maçonnerie et des sectes qui per-sécutent le Christ avec une haine implacable”.Tarannes reviendra sur le sujet le 1er février1929 (22). Résumant une douzaine d’articles deFede e Ragione (à partir du n° 16 de 1928), ilaffirme que les “théories d’un étrange satanis-te italien [Evola, n.d.a.], sont la manifestationde l’état d’esprit judéo-maçonnique... Evolapourrait très bien être, en réalité, un AGENTDE LA SUPER-MAÇONNERIE CABA-LISTE” (23) qui reprend le rôle de l’antiqueSerpent et s’identifie au Tentateur de laGenèse... EN EFFET, D’APRES EVOLA ILFAUT SURTOUT MANGER LE FRUITDEFENDU, FAIRE L’EXPERIENCE DUPECHE, POUR EN TROUVER L’ANTI-DOTE. Quand Satan promet à l’homme de lefaire devenir “dieu”, il exige toutefois desarrhes: L’EXPERIENCE DU PECHE. La

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conditio sine qua non pour devenir des dieuxest l’expérience satanique c’est-à-dire le péchéérigé en science.

Dans ses écrits on trouve “la haine deDieu, une haine furieuse, écumeuse, vraimentsatanique. Haine contre le Père... haine duVerbe incarné; haine surtout de la Croix duChrist” (24). C’est vrai, objecte Tarannes,qu’Evola nie vaillament être un sataniste;Satan en effet, selon lui, est une fable desprêtres à l’usage des enfants et des vieillesfemmes. Non, Evola ne croit pas au diable,“cependant... il parle exactement comme unpossédé, peut-être victime inconsciente, maiscertaine, de celui dont il nie l’existence” (25).Au fond, reprend Tarannes, l’Impérialismepaïen n’est rien d’autre que le Messianismecharnel du Talmud, qu’Evola lui-même cri-tique comme source sémite du Christianisme...!

Le plus important des douze articles deFede e Ragione me paraît sans aucun doute lepremier (26). L’auteur y pose les principesdont il tirera les conséquences dans les ar-ticles suivants. Il affirme que depuis le péchéoriginel et son camouflage sous forme de ser-pent, dans le Paradis Terrestre, Satan ne peutplus compter sur aucun nouveau déguise-ment. “C’est seulement dans l’Eden qu’ilpouvait être caché, parfaitement simulé sousles formes du serpent. (...) Puis... Satan devintl’assidu tentateur, mais facilement reconnais-sable sous tous les déguisements” (27).

L’auteur de Imperialismo pagano est ce-pendant l’un “des plus faibles outils queSatan ait jamais employé au monde; il endonne la preuve dans l’... extrême et souventabsurde virulence” (27) de l’écrit en question.

En effet Satan tient caché le blasphème ou-vert. Il cache sa queue pour ne pas être vu etpouvoir mordre l’imprudent passant. Aucontraire “tenir la queue allongée, (...) est signechez les reptiles, de peu d’énergie”. Savoir ca-cher la queue, comme l’a fait Guénon, est unart que seuls les plus élevés parmi les initiésconnaissent, et ne semble pas être l’art d’Evoladans l’Imperialismo: en effet ce qui “dansl’Eden était un artifice du séducteur, un subtilvenin caché dans les plis d’une proposition,une insinuation maligne aussi bien dissimulée,devait devenir, sous la plume du maladroit au-teur du livre, une grossière, vulgaire et ouverteaccusation contre Dieu, par conséquent dé-pourvue de toute efficacité” (28).

LA CONCEPTION POLITIQUED’EVOLA

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Il y a certainement des éléments positifsdans la conception politique évolienne. Parexemple la critique émise au “libéral-libéralis-me” comme philosophie économique quitend à diminuer les idéaux de l’homme en lesportant toujours plus vers les valeurs phy-siques, mécaniques et matérielles et en faisantd’eux une fin quand ils ne sont qu’un moyen(même s’ils ne doivent pas être méprisés, ainsique l’enseigne l’Eglise).

Le Socialisme à son tour, d’après Evola,n’est absolument pas alternatif au Super-ca-pitalisme, puisque tous deux naissent de lamême racine culturelle: la PLOUTOMA-NIE, le culte de l’OR. Même le Super-capi-talisme libéral ne peut qu’accélérer le pro-cessus socialiste qui a besoin d’exploiteurs etd’exploités pour fomenter la haine et se ser-vir du prolétariat comme force qui déclenchela Révolution permanente et universelle. Parailleurs tant le Super-capitalisme que leSocialisme réalisèrent le rêve des talmudistesde devenir les uniques patrons du monde; eneffet, le Super-capitalisme d’une part,concentre les richesses entre les mains dequelques familles d’ascendance juive oud’inspiration maçonnique; le Socialismed’autre part, en expropriant la propriété desgoym et en la confiant aux mains d’ununique propriétaire (l’Etat), qui est gouver-né en grande partie par des juifs, rend réelle-ment le talmudiste patron du monde.

Evola, à ce propos, a une intuition brillan-te et parle de Super-capitalisme libéral(PRIVE) et de Super-capitalisme socialiste(D’ETAT), qui conduisent tous deux à uneunique ligne d’arrivée: la massification et ladépersonnalisation. Mais il faut remarquerqu’avec cette théorie il se réfère à la GuerreOcculte de Léon de Poncins et de Malynski,deux auteurs catholiques contre-révolution-naires (29). Pour Evola les concepts libérauxde prosperity et de bien-être ne sont ensuitepas très différents des concepts marxistes del’utopie eschatologique d’un messianisme ter-restre, précisément talmudique. Dans lesdeux cas la valeur économique “sacrifie” lavaleur spirituelle, en accroissant et multipliantartificiellement les besoins matériels del’homme, qui devient ainsi esclave deMammon et du Veau d’or. L’époque libérale-socialiste est donc caractérisée par le primatde l’action, de la consommation, de l’agitationchaotique par rapport aux besoins de l’esprit.L’erreur évolienne, même dans ce domaine,

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est le péché d’un excessif élitisme qui méprisela réalité matérielle, gnostiquement, commequelque chose de mauvais en soi; l’Eglise aucontraire enseigne à hiérarchiser, à subordon-ner ce qui est inférieur, sans jamais le mépri-ser, ni non plus à s’ériger en demi-dieux.

L’EUROPE DE L’APRES-GUERRESELON EVOLA

Dans la pensée évolienne l’Europe estdevenue, après l’issue désastreuse de la se-conde guerre mondiale, d’un sujet de poli-tique mondiale, un objet conditionné parl’Impérialisme de l’URSS et des USA.

Selon Evola, pour échapper à la domina-tion soviétique l’Europe a dû choisirl’Alliance Atlantique. Jusqu’à ce quel’Europe se reconstruise, non seulementéconomiquement mais politiquement et spi-rituellement, elle devra choisir l’influenceaméricaine comme le moindre mal stratégi-quement, pour éviter de tomber victime dela bien plus néfaste influence du mondecommuniste.

EVOLA ET LE FASCISME

L’auteur voyait dans le Fascisme une dé-ficience de la Tradition aristocratique (oudes élites traditionnelles). Sa participation aumouvement fasciste a une finalité correctri-ce: le rendre un mouvement qui s’inspire dela conception idéalistico-magique et ésoté-rique, précisément du “philosophe interdit”,c’est-à-dire une sorte de super-Fascisme. Saparticipation se concrétisera en une séried’articles, publiés dans: Vita Nuova, IlLavoro d’Italia et Critica Fascista, toutes desrevues de premier ordre. Ses articles s’atta-chent tous à démontrer l’incompatibilitéentre le Fascisme et le Christianisme.Toutefois ils déchaînèrent une forte réactionde la part du Vatican et Evola fut “renvoyé”par le Parti. Le philosophe chercha donc àse créer une place propre, en publiant en1928 Imperialismo pagano - Il Fascismo difronte al pericolo eurocristiano. “Evola dé-clare, sans moyens termes, l’inconciliabilitéde l’éthique fasciste... avec la Religion ca-tholique. En conséquence le Fascisme doitparcourir, avec cohérence, jusqu’au bout, lavoie gibeline qui conduit... l’Etat à subor-donner à ses biens propres tous les autres in-térêts, en particulier ceux de l’Eglise. L’Etatne doit pas outrepasser les limites d’une to-

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lérance générique à l’égard de l’EgliseCatholique: au contraire il doit assumer laresponsabilité de se déclarer païen” (30).Mais l’appel évolien restera lettre morte,1929 est l’année du Concordat!

RACISME “SPIRITUALISTE”

Evola écrira quatre traités consacrés auproblème de la race: Tre aspetti del proble-ma ebraico (1936); Il mito del sangue (1937)et Sintesi della dottrina della razza publiésensemble dans Indirizzi per una educazionerazziale (1941).

D’après Fraquelli «...le racisme “spiri-tualiste” évolien si déployé se révèle êtreplus un problème terminologique que nonpas de substance... sous le halo spiritualisteil cacherait ce que Di Vona définit commeun “matérialisme transposé”. Le chercheurnapolitain souligne en effet comment Evola,même en essayant de distinguer le vrai racis-me du racisme biologique, en réalité nes’éloigne pas beaucoup de ce dernier» (31).Contre ces écrits d’Evola, GiorgioAlmirante polémiqua d’un point de vue en-core plus biologiquement raciste (32).

CHEVAUCHER LE TIGRE

En 1961 Evola publie Cavalcare la tigreoù il expose pour “l’homme debout parmiles ruines” la défense des valeurs tradition-nelles sur le plan intérieur, sans engagementaucun sur le plan... de l’action. Le livre estadressé “à celui qui ne peut ou ne veut sedétacher du monde actuel... sans toutefoisfaiblir intérieurement” (33).

Apolitia signifie pour Evola participer àla réalité du monde actuel, sans se laisserentraîner par lui; mais ne signifie absolu-ment pas renoncement à l’activité, mêmepolitique. Aussi la tâche du militant est jus-

Julius Evola à la fin de sa vie

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tement celle de “faire précipiter la crise”, defavoriser et non d’arrêter, les forces de laDISSOLUTION (34).

Il y a certains aspects politiques, dans lesystème évolien, qui, pris à part, peuvent ap-paraître contre-révolutionnaires, et qui ontattiré de nombreux jeunes désireux de ré-agir contre la dégradation du monde moder-ne. Mais pris dans l’ensemble et situés dansl’Idéalisme magico-initiatique, ils ne consti-tuent pas une vraie réaction au processus ré-volutionnaire et gnostique, mais en font par-tie et même en représentent une des pointesles plus avancées.

Comme tant de jeunes de bonne volonté,qui, confondant la cause palestinienne avecl’Islam, se jettent dans ce dernier pour com-battre le Judaïsme (alors que l’Islam n’estque le produit de celui-là); ainsi d’autresjeunes avec de bonnes idées pourraient êtretrompés par les quelques vérités économico-politiques contenues dans l’Evolisme ettomber dans les bras du Cabalisme magiquecontre qui ils voulaient lutter.

L’unique vraie alternative à la Modernitéest, d’un point de vue naturel, le réalisme dela philosophie aristotélico-thomiste et d’unpoint de vue surnaturel, l’enseignement de laRévélation biblique tel qu’il a été constam-ment expliqué par les Pères et par lesDocteurs de l’Eglise et surtout par leMagistère pontifical. Nous avons un phare delumière, qui est la Rome chrétienne: si nousvoulons vraiment restaurer la société tradi-tionnelle, nous ne devons rien faire d’autreque la restaurer nous-mêmes, avec l’aide dela grâce de Dieu. En conséquence, nouspourrons restaurer la famille et donc la socié-té selon les enseignements divins de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui nous sont transmispar le Magistère ecclésiastique, d’époque enépoque, jusqu’à la fin du monde (malgré lacrise que l’Eglise traverse actuellement, maisde laquelle elle sortira de manière certaine,puisqu’elle est de constitution divine).

OBJECTIONS ET REPONSES

On pourrait objecter qu’il y a un Evola“politiquement bon et contre-révolutionnai-re”, peu connu (35), et qu’il faut lire l’antho-logie de ses écrits politiques qui vont de1933 à 1970 (36).

Cependant en lisant ce recueil d’écritsmoins connus du penseur romano-sicilien,on est obligé d’y reconnaître des erreurs et

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des ambiguïtés. Par exemple pour Evola, lemal, l’erreur c’est surtout le “renversementet la perversion d’un ordre supérieur” (37); ilcite le cas de l’Illuminisme qui n’est riend’autre que la perversion de quelque chosequi d’abord était bon. Au commencement ily avait la secte des illuminés, qui avant de sepolitiser était bien autre chose que le phéno-mène rationaliste de l’Illuminisme; alors queles illuminés appartiendraient, selon Evola,à la Tradition primordiale, qui se référait àl’“illumination spirituelle” “...un type deconnaissance lié, anciennement, à des tradi-tions bien précises de nature toujours aristo-cratique... rien de commun..., avec ce queIlluminisme (...) signifie maintenant”.

Naturellement, poursuit l’Auteur «celavaut aussi pour la grande partie des sym-boles des “rites” et de la “dignité” de laMaçonnerie. Ici... il s’agit d’éléments quirenvoient souvent aux antiques Rose-Croix,à l’Ordre des Templiers... c’est-à-dire à unmonde qui constitue l’antithèse la plus fortedes idéologies propres à la secte maçon-nique» (38). En bref, la Maçonnerie actuelleou spéculative est une dégénérescence dequelque chose qui au commencement étaittrès bon: la Maçonnerie opérative.

C’est cette fausse conception qui a trom-pé beaucoup de personnes qui sont entréesdans la Franc-Maçonnerie pour retrouver etreconstruire son esprit traditionnel, contrela dégénerescence de la Maçonnerie spécu-lative, mais en se retrouvant de fait, peut-être sans s’en apercevoir, manœuvrées parun marionnettiste qui se réfère certes à uneTradition, mais à la tradition perverse et im-pure du Serpent, qui s’appelle la Cabale per-vertie. Malheureusement chez Evola ontrouve beaucoup du cabaliste et très peu del’homme traditionnel!

Une autre objection est celle qui tend àminimiser l’antichristianisme d’Evola, quiaurait revalorisé l’Eglise catholique (commeCharles Maurras) par rapport au Chris-tianisme des origines. Toutefois si on lit at-tentivement Rivolta contro il mondo moder-no (qui est l’œuvre capitale d’Evola, remon-tant à 1934 et donc postérieure de six ans àImperialismo pagano), on remarque que leschoses ne restent pas ainsi et que le préjugéantéchristique d’Imperialismo est maintenu,même s’il est exprimé de manière moins vi-rulente. “Le Christianisme des origines. Ceciest le point après lequel advient la descente.(...) A tout ceci devait s’ajouter l’action sup-

Page 66: Jean -Pierre Carafa, le Pape Paul - Sodalitium · 2016. 7. 12. · torfius (3) et de l’abbé Giulio Bartolocci (4). Cet article naît de l’exigence de compléter les études sur

plantatrice du Christianisme... La présencede certains éléments traditionnels dans leChristianisme (et ensuite, dans une pluslarge mesure, dans le Catholicisme) ne peutcompromettre la reconnaissance du caractè-re destructeur propre à ces deux courants”(39). Mais attention, l’Auteur affirme que leChristianisme a des éléments traditionnels,le Catholicisme (qui ensuite est exactementla même chose que le Christianisme) en acertains en plus, mais, tous les deux(Christianisme et Catholicisme) ont un ca-ractère DESTRUCTEUR!

Carrément pour Evola la doctrine duCorps Mystique du Christ contient en germe“une influence ultérieure régressive et invo-lutive, que le Catholicisme lui-même, malgrésa romanisation, ne sut et ne voulut JA-MAIS entièrement dépasser” (40). Donc leCatholicisme a TOUJOURS été un phéno-mène involutif et régressif.

On arrive directement au BLASPHEMEquand Evola écrit: «Celui qui considère lestémoignages énigmatiques des symboles, nepeut pas ne pas être touché par la part quirevient à l’âne dans le mythe de Jésus. Nonseulement l’âne figure auprès de la naissan-ce de Jésus, mais c’est sur un âne que laVierge et l’enfant divin fuient et, surtoutl’âne est la monture du Christ dans son en-trée triomphale à Jérusalem. Or L’ANE estun SYMBOLE TRADITIONNEL D’UNEFORCE “INFERNALE” DE DISSOLU-TION» (41). Tout commentaire est superflu!

De la même manière en traitant duMoyen Age gibelin, Evola écrit: “Mêmedans sa forme ATTENUEE ET ROMANI-SEE CATHOLIQUE, la foi chrétienne re-présente une obstruction...”. Et encore: «LeCatholicisme présente PARFOIS des traits“traditionnels”, mais qui ne doivent pas in-duire à l’équivoque: CE QUI DANS LECATHOLICISME A UN CARACTEREVRAIMENT TRADITIONNEL ESTBIEN PEU CHRETIEN ET CE QUI ENLUI EST CHRETIEN EST BIEN PEUTRADITIONNEL... Le Catholicisme mani-feste TOUJOURS l’esprit des civilisationslunaires-sacerdotales...» (42). En bref, diraitcertain “traditionaliste”, le Catholicismeest... clérical! Donc... faisons les cavaliers.

Par ailleurs, le même Evola dans une in-terview accordée à Gianfranco Di Turris (pu-bliée sur le n° 11 de L’Italiano, novembre1971), à peine quatre ans avant de mourir,confirmait que le concept de Tradition

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d’après lui “est, essentiellement, le sens quelui donne René Guénon”. Et par rapport aufait que certains groupes qui se disent tradi-tionnels, et qui ont souvent suivi ses idées sesont ensuite convertis au Catholicisme, Evolaaffirme sans hésiter: “Je trouve que cela estplutôt DECOURAGEANT... Celui qui se dittraditionnel pour être catholique, n’est pastraditionnel qu’à moitié... Je suis prêt à recon-naître... celui qui est sincèrement catholiqueet qui au moyen d’un arrangement quel-conque personnel a trouvé, ainsi, un sens dela vie et une sécurité. Je me garderai de letroubler, s’il reste dans son domaine et s’ilreste tranquille. La chose est différente dansle cas de celui qui a eu l’occasion de connaîtrede plus vastes horizons, à caractère pas sim-plement religieux, mais métaphysique. Alorson doit parler sans aucun doute d’une régres-sion ou d’un échec... On serait tenté de re-mettre les choses à leur place de manièreénergique, si elles en valaient la peine” (43).

CONCLUSION

Il me semble donc pouvoir affirmer -sans peur d’exagérer - qu’Evola n’est pasl’homme de la Tradition divine, mais celuide la Cabale impure, et que cette Traditionluciférienne, Evola l’a enseignée et vécuejusqu’à la fin; en effet, en 1953 paraissait Gliuomini e le rovine, dans lequel il rappelait saposition gibeline selon laquelle entre Etatsacral et Religion chrétienne existe une pro-fonde antithèse. Evola arrivera ainsi à affir-mer: “Celui qui est traditionnel en étant seu-lement catholique, au sens courant et ortho-doxe, n’est traditionnel qu’à moitié” (44). Ledernier livre d’Evola: Cavalcare la tigre, de1961, “marque un retour à ses [d’Evola] po-sitions personnelles de départ, c’est-à-direcelles d’un élan profond vers la négation ra-dicale du monde et des valeurs existantes”(45). Le Serpent se mord la queue…

Notes

1) M. FRAQUELLI, Il filosofo proibito, Terziaria,Milano 1994.

2) Ibidem, p. 21.3) Cf. Teoria dell’Individuo assoluto, Bocca, Torino

1927, pp. IV-V.4) Cf. Saggi sull’Idealismo magico, Atanòr, Roma

1925. “Fenomenologia dell’Individuo assoluto”, Bocca,Torino 1930.

5) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 43.6) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 48.

Page 67: Jean -Pierre Carafa, le Pape Paul - Sodalitium · 2016. 7. 12. · torfius (3) et de l’abbé Giulio Bartolocci (4). Cet article naît de l’exigence de compléter les études sur

7) Cf. Sodalitium n° 32, pp. 27-44.8) Cf. P. DRACH, De l’harmonie entre l’Eglise et la

Synagogue , Paul Mellier, Paris 1844. DON J.MEINVIELLE, Dalla Cabala al progressismo, Roma 1989.

9) Cf. V. BARBIELLINI AMIDEI, La Tradizionecontraffatta, in Adveniat Regnum, année IX, n° 3-4,1971, p. 7.

10) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 6.11) JULIUS EVOLA, Il cammino del Cinabro,

Scheiwiller, Milano 1972, p. 22.12) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 10.13) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 13.14) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 50.15) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 51. Voir aussi: M.

BLONDET, Gli Adelphi della dissoluzione, Ares, Milano1994.

16) M. FRAQUELLI, op. cit., pp. 53-54. ConcernantArturo Reghini on peut lire E. ZOLLA, Uscite dalmondo, Adelphi Milano 1992 et R. DEL PONTE, Evola eil magico ‘Gruppo di UR’, SeaR, Borzano (RE) 1994.On remarque que le psychanalyste freudien et juifEmilio Servadio faisait partie du groupe de UR.

17) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 5618) P. D. VONA, Evola, Guénon, De Giorgio, SeaR,

Borzano (RE) 1993.19) La Ligue du Nord: parti politique italien qui

voudrait séparer le Nord d’Italie de Rome (“Loin deRome” est sa devise).

20) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 62.21) Cf. A. TARANNES, Un sataniste italien, J. Evola,

in Revue Internationale des Sociétés Secrètes, n° 4, 1eravril 1928, pp. 124-129.

22) Cf. A. TARANNES, Le “fasciste” Evola et la mis-sion transcendante de l’Eglise, in Revue Internationaledes Sociétés secrètes, n° 2, 1er février 1929, pp. 43-68.

23) Ibidem, pp. 44-45.24) Ibidem, p. 48.25) Ibidem, p. 51.26) MINIMUS, risposta a Satana, in Fede e Ragione,

15 avril 1928, n° 16, pp. 121-123.27) Ibidem, p. 121.28) Ibidem, p. 122.29) L. DE PONCINS, E. MALYNSKI, La guerra occul-

ta, ed. AR, Padova 1989.30) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 261.31) M. FRAQUELLI, op. cit., p. 270.32) G. ALMIRANTE, Ché la diritta via era smarrita,

in La difesa della razza, V, n° 13, 5 mai 1942, pp. 9-11.33) JULIUS EVOLA, Cavalcare la tigre , ed.

Scheiwiller, Milano 1961, p. 171.34) Cf. M. BLONDET, Gli Adelphi della disso-

luzione, Ares, Milano 1994 - P. VASSALLO, Modernità etradizione nell’opera evoliana, Thule, Palermo 1978.

35) Cf. J. VAQUIÉ, Léon de Poncins est-il un dis-ciple de R. Guénon et de J. Evola?, in Lecture etTradition, n° 157-158, mars-avril 1990, pp. 35-42.

36) J. EVOLA, Fenomenologia della sovversione,SeaR, Borzano (RE) 1993.

37) J. EVOLA, op. cit., p. 27.38) Ibidem, pp. 28-29.39) J. EVOLA, Rivolta contro il mondo moderno,

ed. Mediterranee, Roma 1969, pp. 339-341.40) Ibidem, p. 345.41) Ibidem, p. 348.42) Ibidem, pp. 350-352.43) J. EVOLA, Orientamenti, ed. Il Cinabro, Catania

1981, pp. 30-32.44) J. EVOLA, Il cammino del cinabro, Scheiwiller,

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Milano 1972, p. 174.45) R. INCARDONA, L’impegno per una ‘vera

Destra’ nella vita e nell’opera di Julius Evola, Palermo1994, p. 34. Le Serpent se mord la queue...!

Une vie pour l’Eglise

Le 16 décembre de l’année dernière denombreux chercheurs se sont réunis à

Avellino, en présence du maire et de l’évêquede la ville, pour la présentation de l’ouvragedu religieux théatin, le Père BernardoLaugeri, Una vita per la Chiesa. Gian PietroCarafa (1476-1559). Il s’agit d’un événementexceptionnel, étant donné la mauvaise répu-tation dont jouit le Pape Paul IV (c’est-à-direJean-Pierre Carafa), même parmi les histo-riens catholiques (et ce déjà avant leConcile)! Certes, il y a l’esprit de famille:Paul IV est l’unique Pape irpinien (commeson “disciple”, Saint Pie V, est l’unique pié-montais) et il est le co-fondateur, avec SaintGaëtan de Thiène, des Clercs RéguliersThéatins; il est normal que les irpiniens luiveuillent du bien, et que les Théatins soientfidèles à sa mémoire. Et pourtant, cette affec-tion normale des fils pour leur père doit êtreaujourd’hui définie comme exceptionnelle ...étant donné les temps qui courent. Honneurdonc à la ville d’Avellino, et plus encore à lafamille religieuse théatine qui, d’une manièreincroyable, dédie à son fondateur ce livrerempli d’estime et d’affection.

Le titre est bien choisi: Una vita per laChiesa. Né en la vigile de Saint Pierre et

Recensions

Jean-Pierre Carafa, le Pape Paul IV

Page 68: Jean -Pierre Carafa, le Pape Paul - Sodalitium · 2016. 7. 12. · torfius (3) et de l’abbé Giulio Bartolocci (4). Cet article naît de l’exigence de compléter les études sur

dans l’octave de Saint Jean-Baptiste, il futappelé Jean-Pierre. Du Baptiste, il hérita lezèle et l’ardeur; de Saint Pierre, l’amour del’Eglise et de la Papauté. L’Eglise, appeléepar lui “l’Epouse du Christ élue et sainte, lavénérable Vierge et notre Mère”; l’Eglise,dont il voulait “faire revivre l’autorité et lapuissance, la pureté et la dignité” alorsqu’elle était “persécutée par des ennemis in-térieurs et extérieurs” (Pastor). Pour elle, ilaffronta tous les dangers, sans se préoccuperdes puissants; c’est pourquoi il eut beaucoupd’ennemis et de détracteurs.

Il aurait pu, au contraire, ne recueillirque des louanges, pour sa noblesse et sa cul-ture. L’auteur cite une lettre élogieused’Erasme sur le jeune Carafa, qui deviendraensuite l’ennemi le plus déterminé des dis-ciples d’Erasme. Mais Paul IV ne cherchaitpas les compliments, mais bien, commel’écrit de lui Saint Pie V, à être “l’hommesans tache qui avait frappé tout ce qui étaitmal, et le plus vigoureux champion de la foicatholique”.

Evêque de Chieti, Nonce en Espagne eten Angleterre, Jean-Pierre Carafa étonna etédifia la Cour pontificale encore mondaineen quittant le monde et en fondant, avecSaint Gaëtan de Thiène, les Clercs Réguliers,appelés “théatins”, du nom de son siège épis-copal. Cardinal, il n’eut pas d’égard au res-pect humain, à la carrière, aux personnes, etsut aussi - respectueusement mais fermement- réprimander Clément VII et Jules III pourleur faiblesse dans la réforme des mœurs etdans la lutte contre l’hérésie. Ces deux objec-tifs, pour lui, allaient de pair: sainteté du cler-gé, réforme morale, éradication de la simonieet de la corruption, étaient indissociables dela lutte contre “la perversité hérétique” et la

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“perfidie juive”, ainsi que de la revendicationde la liberté et des droits de l’Eglise contreles prévarications des gouvernements laïcs,fussent-ils même très catholiques.

Quand, désormais âgé et de manière tout àfait inattendue, il accéda au Saint-Siège, il réali-sa avec ténacité son programme, réprimant lesabus, renforçant le pouvoir de l’Inquisition, lut-tant pour la liberté de l’Eglise, comme un SaintGrégoire VII, un Innocent III, un Grégoire IX.L’auteur suit la vie de Paul IV avec une véri-table affection, en remettant les choses à leurplace même à l’égard des historiens catho-liques, y compris Pastor, encore trop influencéspar les haines tenaces que les ennemis inté-rieurs et extérieurs de l’Eglise nourrirent tou-jours contre le grand Pontife. Le Père Laugeni,tout en admettant certaines erreurs de Carafa,le défend très bien sur plusieurs questions dis-cutées, telles que les rapports avec les Jésuiteset avec sa famille, ainsi que ses relations avecles rois catholiques, en particulier dans le cas dela guerre avec le Royaume de Naples; aucontraire, sur d’autres questions brûlantes, l’au-teur survole: une brève allusion est faite au cas

PAUL IV: Un Pape qui, en favorisant les hérétiques, ne procure pas le bien de l’Eglise, perd la papauté.

Le Pape Jules III envoya un messager au cardinal Carafa, qui retenait dans les prisons du Saint-Office comme hérétique un religieux pour le faire délivrer. Au messager papal, le cardinal

Carafa (futur Paul IV) répondit:“Dis en mon nom au Pape, que s’il ne permet pas que le Saint-Office agisse droitement et

légitimement, outre l’injure qu’il fait à Dieu, il ne peut plus s’asseoir sur le siège où il s’asseoit”.

Paul IV (cf. P. ANTONIO CARACCIOLO C.R., De vita Pauli IV collectanea, historica, 1612, p. 157).

Les armes de lafamille Carafa

Stadera, adoptées

par Paul IV

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Morone (cf. Sodalitium n° 36), et rien sur laquestion des juifs (sauf dans la préface deVecchiarelli). Mais n’en demandons pas trop àun livre déjà assez courageux.

Le pontificat de Paul IV se termina, appa-remment, par un échec total: le Palais duSaint-Office incendié par des factieux et la sta-tue que Rome lui avait élevée déboulonnée, lecardinal de Medici (Pie IV) élu au pontificatfera condamner à mort ses neveux Carafa etchangera la politique papale; on aurait dit querien n’aurait survécu au fougueux “napoli-tain”. Au contraire, à la mort de Pie IV, SaintPie V sera élu et se montrera en tout fidèle àPaul IV. Dans le Pape Ghisleri revivra le pon-tificat de Paul IV, avec en plus la sainteté.Premier Pape à vivre vraiment la réforme ca-tholique (Marcel II mourut trop rapidement),Paul IV vit du Ciel le triomphe de son pro-gramme de gouvernement dans le pontificatde ce frère d’humble origine qu’il avait élevéau cardinalat et à la charge d’Inquisiteur géné-ral. Paul IV revécut en Saint Pie V: et c’est lemeilleur éloge que nous puissions faire de lui.

Abbé Francesco Ricossa

PADRE BERNARDO LAUGENI C.R. TEATINOUna vita per la ChiesaCuria Generalizia dei Chierici RegolariTeatini Roma 1995.

Le journal du Père Chenu

Les Pères dominicains des Éditions duCerf ont récemment publié, pour le cen-

tenaire de la naissance du Père Chenu, sonjournal rédigé durant le Concile Vatican II(en vérité il se limite à la première session etau début de la seconde). Le livre est bref(plus d’un tiers consiste en une introductiond’Alberto Melloni, du groupe bolognaisd’Alberigo) mais vaut la peine d’être lu.

Comme son élève le Père Congar (créé inextremis “cardinal” par Jean-Paul II), Marie-Dominique Chenu est issu de l’école théolo-gique dominicaine du Saulchoir, l’un descentres de rayonnement de la nouvelle théolo-gie, le néo-modernisme condamné par Pie XII,particulièrement dans l’encyclique Humani ge-neris de 1950, concernant “certaines faussesopinions qui menacent de renverser les fonde-ments de la doctrine catholique”. Son livre-programme, Une école de théologie: le

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Saulchoir avait été mis à l’Index le 2 février1942. Le Père Chenu n’a jamais pardonné “àRome” cette condamnation, et son journalconciliaire le démontre abondamment...

Le début et la fin du court journal mani-festent, par leur contraste, ce qu’a étéVatican II. Les premières pages ne sont riend’autre qu’une liste de doléances pour lespeines (bien trop légères, à vrai dire) dontétaient frappés par le Saint-Office les néo-modernistes: celles contre les Jésuites del’Institut biblique (p. 59), contre Rahner etde Lubac (p. 60), etc. Küng et Daniélou (pp.64-65) sont pessimistes sur l’issue du Concileet s’opposent vaillamment aux schémas pré-parés par le cardinal Ottaviani... Noussommes à la veille de l’ouverture solennelle,et le ton de Chenu est triste et amer. Un anaprès le journal se termine au contraire pardes anecdotes amusantes de Chenu contrePie XII, et les paroles triomphantes de PaulVI à Dossetti, après la journée historique du30 octobre: “Donc nous avons vaincu!”. Lesvaincus étaient devenus les vainqueurs.

Mais depuis le début, Chenu conserveune espérance: Jean XXIII: “On échappedifficilement, en lisant les schémas dogma-tiques - écrit-il le 10-25 septembre 1962 - àl’impression qu’il y a deux conceptions pa-rallèles du Concile: l’inspiration du pape, lestravaux des doctrinaires de la commissionthéologique” (p. 61). Justement Jean XXIIIopérera le premier virage dès le début duConcile, avec le discours d’ouverture contreles pessimistes (11 octobre, p. 68). JeanXXIII, d’autre part, apparaît toujours ducôté des modernistes: en défendant le cardi-

La couverture dulivre du

Père Chenu

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nal Léger des attaques de la Cité catholiqueet du Saint-Office (p. 67), en recevant desobservateurs non catholiques (p. 70), en pré-parant la lente suppression du latin dans laliturgie, en contradiction avec ses proprestextes officiels (p. 81), dans l’ouverture àgauche (p. 88), en défavorisant les conserva-teurs désormais en difficulté (p. 93) et en lesdésapprouvant (p. 110), en s’opposant à Siri(p. 98) et en ridiculisant Ottaviani (p. 114)...Il n’est pas pour rien l’idole de Küng (p. 71).

Mais la sympathie pour Jean XXIII n’arien à voir avec la dévotion au Pape; Pie XIIest bafoué (pp. 113, 144), et même BonifaceVIII est exhumé, pour le condamner (p. 40).Pie IX est mentionné seulement pour un“geste injurieux et odieux” (p. 109). En réali-té, c’est le Pape lui-même, son rôle, son ma-gistère, qui est mis en discussion. MgrRolland, ex-élève du Saulchoir qui a choisiChenu comme “expert”, est décrit “déçu,peiné, choqué” par la messe pour le IVèmeanniversaire du couronnement de JeanXXIII: “formalismes pompeux, rites ar-chaïques et dévitalisés, absence de tout actecommunautaire”. Et Chenu cite avec plaisirla plaisanterie d’un évêque oriental: “messesolennelle devant le Saint-Père exposé” (p.89). Le Pape comme le Saint-Sacrement,donc; en d’autres termes l’horrible “papolâ-trie”! Quand le cardinal Slipyi rejoint leConcile après quatorze années de Sibérie,

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Chenu se dit déçu par son premier discours:“papolâtrie, refus de la collégialité, exaltationnaïve du rôle des Ukrainiens dans le passé...”(p. 143). Les Orientaux en effet plaisent àChenu (nous y reviendrons), mais non lesMaronites et les Ukrainiens, fidèles à Romeet au Pape. Et le magistère pontifical? L’en-cyclique Humani generis est classée comme“un texte romain” que les théologiens nepeuvent louer sous peine de servilité. Le ma-gistère ordinaire n’est qu’une opinion théolo-gique (fausse) de l’école romaine (p. 57).

Il est ensuite particulièrement pénible delire, sous la plume d’un dominicain, grandconnaisseur de Saint Thomas d’Aquin, decontinuelles expressions de mépris envers lascolastique (pp. 57, 82, 108...) à laquelle il op-pose non seulement le monde moderne, maisaussi, bien sûr, les Pères orientaux, continuel-lement cités par les évêques melchites en op-position à Rome et aux évêques latins.

Les évêques et le clergé italien, constam-ment attaqué et méprisé, à quelques excep-tions près (Guano, Bettazzi, Dossetti,Colombo, Montini - ce dernier très prudentau début) font aussi les frais du “complexeanti-romain” de Chenu. Ce sont les “ita-liens” qui parlent, préoccupés, de victoire dumodernisme, de retour de Luther, de protes-tantisation de l’Eglise; eux aussi ont droitaux moqueries de Chenu (spécialement l’ar-chevêque d’Agrigente, Mgr Peruzzo). MgrLefebvre (Marcel, à ne pas confondre avecson cousin cardinal, comme le fait l’indexdes noms) est le merle blanc (ou le moutonnoir!) parmi les évêques français.

Je ne crois pas que les Pères dominicainsaient rendu un bon service à la mémoire duPère Chenu, qui dans ces notes intimesmontre le visage superbe et partisan du mo-derniste... A lui les honneurs du monde; àson confrère du Saulchoir, le Père Guérarddes Lauriers, vraie gloire du clergé deFrance et de l’Ordre dominicain, a été réser-vée au contraire l’“excommunication” deRatzinger (toujours avec les modernistesdans toutes les pages du journal de Chenu).Nous sommes heureux de partager les op-probres avec le Père Guérard, plutôt que leshonneurs avec le Père Chenu.

Abbé Francesco Ricossa

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péché, de se soumettre à son

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baissement de votre Fils

avez relevé le monde abattu,

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vous connaissent, vous, l

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MARIE-DOMINIQUE CHENUNotes quotidiennes au ConcileÉditions du Cerf, Paris 1995.

L’oratoire Saint Grégoire VII à Rome.L’année 1996 restera surtout marquée,

pensons-nous, dans la vie de notre petitInstitut par l’inauguration de l’oratoire dédiéà St Grégoire VII, situé via Pietro dellaValle, 13-b. Il y avait déjà du temps quel’abbé Nitoglia travaillait courageusementdans la Ville éternelle, mais l’absence d’églisepour célébrer dignement le Saint-Sacrificeconstituait une grave limite objective à sonapostolat et au nôtre. Mais, le 4 février, pourla première fois la Sainte Messe a été célé-brée dans le nouvel oratoire, et nous atten-dons avec impatience le 21 avril, jour où MgrDolan célébrera, s’il plaît à Dieu, la SainteMesse à Rome. En effet, l’oratoire StGrégoire VII sera, pour les prêtres et les fi-dèles qui du monde entier se rendent en pèle-rinage sur les tombeaux des Apôtres, le lieusacré où prier et célébrer la Sainte Messe(non una cum). Certes, la modestie de la cha-pelle contraste avec la beauté de tant de basi-liques et d’églises romaines, riches d’histoireet de sainteté; mais nous sommes certainsque Dieu jetera un regard bienveillant vers sapauvre petite église dans laquelle cependanton entend Le servir avec fidélité, étrangers àtoutes les abominations de la nouvelle reli-gion, moderniste et protestante, qui a envahiles lieux les plus sacrés pour nous catho-liques. Pour nous, ouvrir une chapelle àRome est d’une importance primordiale.Rome est la capitale de tous les catholiques.Les catholiques ne peuvent se passer deRome. Tout de suite après l’invention de la“nouvelle messe”, des milliers de fidèles dumonde entier (et surtout de France) se re-trouvèrent, plusieurs années de suite, àRome, Place St Pierre, pour prier et manifes-ter leur fidélité à la Messe catholique promul-guée par St Pie V. L’abandon de ces pèleri-nages fut une grave erreur du mouvementsoi-disant “traditionaliste”, qui se renferme àEcône, loin du cœur de la vie ecclésiastique.Depuis lors Rome a été un peu ignorée parles catholiques restés fidèles et même, s’estrépandue une mentalité et un modus loquen-

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di par lequel “Rome” désigne presque l’ad-versaire! C’est le comble que précisémenttant de gens qui veulent s’opposer à la pro-testantisation de l’Eglise finissent par adopterla terminologie des luthériens. Notre vœu estdonc que les catholiques du monde entieraient à cœur la propagation de la foi à Romequi, avec l’ouverture de la nouvelle chapelle,a certainement fait un pas en avant.Malheureusement, le quotidien romain IlTempo, qui ne refuse pas les insertions publi-citaires de tout genre, a refusé au contraire lanôtre, qui invitait à assister à la Messe “de StPie V” à la nouvelle chapelle; ce sera Dieualors, nous l’espérons, qui attirera les âmes!Les remerciements de l’Institut et les béné-dictions de Dieu vont à la famille Pristerà,qui pendant longtemps a accueilli chez elle leSeigneur Jésus en mettant à notre dispositionles locaux pour la Messe, et à l’abbé Sanborn,qui a contribué à l’idée et à la réalisation del’oratoire St Grégoire VII.

L’abbé Murro blessé dans un grave acci-dent de voiture. L’ouverture de l’oratoire StGrégoire VII à Rome, le nouveau et fécondchamp d’apostolat qui s’est ouvert à Chieti,et la nécessité de remplacer à Cannes l’abbéDelmasure, malade, demandent à nosprêtres un nouvel effort et une ardeur ac-crue. A Rome et à Chieti il faudrait célébrerla Messe tous les dimanches! Mais justementau moment où nous avons le plus de travail,nous nous sommes trouvés non seulementdans l’impossibilité de l’accroître, maismême dans la difficulté d’assurer celui déjàassumé. Le 29 janvier, en effet, l’abbéGiuseppe Murro a eu, près de Lyon, ungrave accident de la route: un camion, déra-pant dans un virage, a heurté et détruit lavoiture de l’abbé Murro, le blessant griève-ment. Grâce à Dieu, après quinze joursd’hospitalisation à Lyon, il est maintenanten convalescence, mais pour de longs moisnous n’avons pu et ne pourrons bénéficierde son aide matérielle, ni pour les cours auséminaire, ni pour la célébration de la Messepour les fidèles. Don Giuseppe avait célébréla Sainte Messe dominicale la veille pour lesfidèles d’Annecy et de Lyon. Son sermonportait sur la charité. Le jour de l’accident,après avoir célébré la Messe chez la familleNême, il se rendait auprès d’une malade. Levisitant à l’hôpital et le voyant réduit en unsi piteux état, la pensée de ces belles parolesde St Vincent de Paul venait spontanément:«si quelqu’un vous demandait: “pauvre

Vie de l’Institut

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prêtre de la Mission, qui t’a réduit à cetétat?”. Quel bonheur, Messieurs, de pouvoirrépondre: “C’est la charité!”. Oh, que cepauvre prêtre serait estimé de Dieu et desanges!». Souhaitons à don Giuseppe unprompt rétablissement et à tous les prêtresun grand et inlassable zèle pour le salut desâmes, sans se préoccuper de la fatigue et dessacrifices que comporte le ministère sacer-dotal. Nous profitons aussi de ces lignespour remercier les personnes qui se sont dé-vouées auprès de l’abbé Murro au cours deson hospitalisation.

Apostolat. Nous ne signalons que lesévénements sortant un peu de l’ordinaire.L’abbé Nitoglia s’est rendu en Espagne du 2au 8 janvier. L’abbé Ricossa est allé à Toursdu 19 au 21 février, chez le R.P. Barbara. Le23 décembre une cinquantaine de personnesâgées malades a pu assister à nouveau à laMesse traditionnelle dans une maison derepos de Ferrare. Mais le temps fort denotre activité est l’été: prévoyez déjà lesExercices Spirituels, les colonies de va-cances, les camps pour adolescents...

Bonne presse. Le livre sur les B’naï B’rithd’Emmanuel Ratier, édité en Italie par leCentro librario Sodalitium, a eu une grandediffusion, tant par la vente par correspondan-ce que par celle assurée dans plusieurs librai-ries. Pour le moment, par contre, peu de re-censions: une sur les Politeia gnomes (C.P. 77,OO187 Roma) et une autre sur Faits &Documents, la lettre d’informations confiden-tielles d’Emmanuel Ratier (n° 1 p. 10) quiprésente aussi le dernier numéro deSodalitium, édition française. Nous profitonsde l’occasion pour conseiller l’abonnement àcette mine d’information que nous préparetous les quinze jours Emmanuel Ratier (B.P.

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254-09, 75424 Paris cedex 09). Beaucoup nousfont des compliments, mais peu ont le coura-ge de s’exposer aux coups. Cela ne veut pasdire que le livre n’est pas lu. L’appendice in-édit de l’édition italienne, par exemple, révèleque Lisa Palmieri Billig, collaboratrice atti-trée de la revue proche de l’Opus Dei, StudiCattolici est la “représentante officielle enItalie de l’A.D.L. of B’naï B’rith (p. 327).Comme par hasard, peu de temps après lasortie de l’édition italienne du livre de Ratier,Studi Cattolici, pour la première fois, informele lecteur sur l’appartenance à l’“Anti-Deffamation League” du B’naï B’rith de sacollaboratrice (cf. n° 420, p. 125, février 1996).Excusatio non petita, accusatio manifesta!

Le livre de l’abbé Cekada (On ne prieplus comme autrefois...) a été lu, nousl’avons su, même au Vatican; Diffusion de laPensée Française - Edition de Chiré a accep-té d’en diffuser l’édition française.

Ils parlent de nous... La nouvelle revuede Vérone Civitas christiana (Via Marsala16, Verona) a fait une large présentation dun° 42 de Sodalitium (édition italienne) dansla rubrique Riviste e libri (n° 1, février 1996,p. 63). La revue Ex novo (Via Torelli-Violler44, Milano; n° 1, août-octobre 1995, p. 26)avait fait une recension du livre de l’abbéCekada On ne prie plus comme autrefois...,édité par la Cooperativa editrice Sodalitium.Un lecteur a protesté au sujet de cette recen-sion. Sa lettre, avec la réponse du directeur,Giulio Ferrari, a été publiée sur le numérosuivant (n° 1, novembre 1995-janvier 1996, p.23) sous le titre: “Censurer Sodalitium?”.Giulio Ferrari pense qu’il ne faut pas “censu-rer” Sodalitium, comme le désirait aucontraire le lecteur Simone Panaioli.

Sous-culture catholique? La maisond’édition Piemme de Casale Monferrato, hé-ritière des glorieux éditeurs pontificauxMarietti, a publié le pavé du modernisteHerbert Vorgrimler (“disciple du grand KarlRahner”), Storia dell’inferno, tout dirigécontre les “infernalistes”, c’est-à-dire ceuxqui croient encore à la vérité révélée parJésus-Christ sur l’existence de l’enfer éternel(avec des damnés). Après le chapitre 20(“L’enfer dans la théologie catholique duXXème siècle”) il n’y a plus de place pourqui croit à la “survivance de l’enfer” (titre duchapitre 23), gens à cataloguer ni plus nimoins dans la “sous-culture catholique”.Parmi les représentants de la sous-culture ca-tholique (p. 456), notre confrère l’abbé

La voiture de l’abbé Murro…

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Nitoglia pour son article sur le déicide, publiépar Sodalitium et traduit en allemand par larevue Saka. Pour donner une idée de l’objec-tivité de l’auteur, il suffit de dire que dans la“sous-culture catholique” il arrive à placer larevue Trente Jours, “qui est proche du mou-vement ecclésial italien, à la limite du néo-fascisme (sic), Comunione e Liberazione”.

Esotéristes contre Sodalitium. Soda-litium a toujours été contre l’ésotérisme,parce que c’est une revue catholique et, parconséquent, ennemie de la Maçonnerie (delaquelle l’ésotérisme est comme l’essence).Les ésotéristes, au contraire, n’ont pas tou-jours été ouvertement contre Sodalitium, jus-tement parce que, à part les tentatives d’in-filtration, leur forma mentis est favorable àtoute forme de tradition (à condition de nepas prétendre être l’unique vraie tradition, àl’exclusion des autres). Mais on sait que toutse paie toujours. Il y a deux ans déjà, lesCahiers de Recherches et d’Etudes Tradition-nelles guénoniens (n° 6; Automne-Hiver1994, pp. 4-7) avaient amplement fait une re-cension de Sodalitium nous donnant des“bons conseils” comme le suivant: “Que lesgens de Sodalitium s’évertuent à jeter un peud’huile sur le feu n’est pas fait pour nous dé-plaire cependant que l’on a de bonnes rai-sons de croire qu’ils s’y prennent assez mal.Ils pourraient sans doute prendre quelquesleçons dans nos colonnes puisqu’ils n’ont passu voir que l’histoire se répète. On seraittenté de dire, que le meilleur gagne [entrejuifs et chrétiens, n.d.r.] et si le parti deschrétiens doit, d’une certaine manière, ga-gner, ce ne peut être qu’en avalant le remèdede cheval qui fut proposé par Guénon en sontemps. Ce temps semble encore loin mais ilviendra d’une façon dont nous ne pouvonspas prévoir les modalités mais cela se fera degré ou de force”. Les “chrétiens” avec “leurévangile” sont donc avertis: ou aller à l’écoledes guénoniens, ou disparaître.

Puisque nous avons déjà un seul Maître(Jésus-Christ), nous ne sommes pas allés àl’école de l’ésotérisme. Les articles de l’abbéNitoglia sur l’Islam (cf. Sodalitium n° 40), sur lesionisme (à paraître dans le prochain numéro)et sur Evola (dans ce numéro) l’ont démontré.Certains ont poliment fait leurs objections.D’autres, au contraire, ont agi différemment.

Il s’agit en particulier de la revueAvanguardia nn° 122 et 123, février et mars1996 qui a cru (à tort) être l’objet de nos at-taques dans les articles précités.

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L’abbé Nitoglia a déjà répondu directe-ment à la revue sicilienne, c’est pourquoinous nous limiterons à quelques observa-tions génériques.

Quant aux intentions de Sodalitium, ellesont été claires depuis le début: nous n’avonsjamais caché notre drapeau catholique, etnous ne nous sommes jamais prêtés à aucu-ne équivoque. Nous n’avons jamais voulud’autre but que de faire connaître l’authen-tique doctrine de l’Eglise catholique. A cepropos, l’Eglise n’a pas attendu Preziosipour condamner et combattre “la judéo-ma-çonnerie”, puisque les maçons furent ex-communiés en 1738 et le judaïsme antichré-tien le fut... par l’Evangile! On peut plutôtnourrir des doutes sur un certain anti-ma-çonnisme, quand on lit: “Si la maçonneriefut attaquée tant par Guénon [qui étaitmaçon, n.d.r.] que par Evola c’est parcequ’elle devint la base des idées subversives,puisqu’elle se transforma d’organisation ini-tiatique en sectes laïques et démocratiques”(Avanguardia, n° 123, p. 28). Il s’agit, ni plusni moins, de la thèse soutenue par le fr.maçon A. C. Ambesi dans son “I maestri deltempio” (Terziaria, Milan 1995), avec unepréface de A. A. Mola, qui justement parled’un “antimaçonnisme” d’Evola “encoretout à interpréter” (pp. XII-XIII).

Quant à l’article sur Evola, Avanguardia,en défendant l’ésotérisme évolien, écrit que“l’initié” est “supérieur au Dieu personnel”(n° 122, p. 18). Cela suffit pour démontrer lathèse de l’inconciliabilité de cette doctrineavec le christianisme (et non seulement avec lechristianisme, mais avec toute religion, y com-pris la musulmane, qui se fonde sur le principede la soumission de l’homme à Dieu).

Quant aux rapports (parfois d’alliance,parfois de conflit) entre fascisme, national-socialisme et sionisme, tout particulièrementle sionisme révisionniste, Avanguardia nepeut les nier et ne les nie pas. Si la rédactionde Avanguardia lisait le dernier livred’Emmanuel Ratier (auteur qu’elle sembleapprécier, puisque dans le même n° 122, pp.24-27, Avanguardia publie une traduction decertains chapitres de Mystères et secrets duB’naï B’rith intitulé Les guerriers d’Israël,elle s’apercevrait qu’il consacre trois cha-pitres de son ouvrage à ces rapports peuconnus entre les sionistes et les nazis, endonnant la même interprétation que celleprésentée par l’abbé Nitoglia dans son ar-ticle publié par Sodalitium.

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Ces précisions ne s’adressent pas à unerevue particulière (ni même à Avanguardia)mais à tous les lecteurs, catholiques ou non,parce qu’il s’agit d’une occasion pour éclair-cir des questions de grande importance;pour ce qui concerne les polémiques person-nelles, au contraire, le débat pour nous estclos (bien plus, il n’a jamais commencé).

Conférences et rencontres. Le 15 mars,conférence de l’abbé Ricossa sur la famille àTurin. Le 17 mars, à Naples, conférence del’abbé Nitoglia, sur “avortement, divorce, ho-mosexualité”. Le 22 janvier et le 22 marsl’abbé Ricossa a présenté la position tradition-nelle de l’Eglise sur les transplantations d’or-ganes ce qui est particulièrement opportunalors qu’il est question de promulguer en Italieune nouvelle loi - encore plus monstrueuseque les précédentes - en faveur du don.

Thèse de Cassiciacum. Il y a du nouveaudans la Thèse de Cassiciacum, non que l’onveuille la changer... Le R.P. Barbara a éditéune réponse amicale à la brochure du R.P.Vinson intitulée: “Pourquoi le pape materia-liter plutôt que le sedevacantisme?”. Enquelques pages, écrites comme d’habitudede façon très claire, le R.P. Barbara ex-plique pourquoi il a abandonné le strict se-devacantisme pour embrasser la thèse ditede Cassiciacum. Nous conseillons vivementla lecture de cette brochure qui apporte sacontribution valable à la juste interprétationde la situation actuelle de l’Eglise. De soncôté, l’abbé Sanborn nous a envoyé lesépreuves de la deuxième partie de son étudesur la Thèse qui va paraître dans la revueSacerdotium; il s’agit d’un travail vraimentremarquable, c’est pourquoi nous invitonsnos lecteurs - surtout les Prêtres - à étudierattentivement cet article. Enfin, notre projetd’un article sur la Thèse n’est pas abandon-né, mais seulement renvoyé à plus tard.

Baptêmes. Le 4 janvier, a été baptisé àVerrua, avec le rite des adultes, Mas-similiano Paris. Le 29 mars, à Turin, a étébaptisée Clara Ricossa, née le 23 mars.Prions pour ces nouveaux enfants de Dieuet de l’Eglise, afin qu’ils persévèrent dans lagrâce de Dieu et dans la sainteté.

Défunts. Le 19 décembre, Elena Durante,de Cavagnolo, a reçu l’extrême-onction à l’hô-pital de Chivasso. Le 7 février, est morte dansun accident de la route, Marie-GenevièveGautier, veuve de Fabien Favret (sur le décèsde son mari, cf. Sodalitium n° 40, pp. 82-83),Madame Favret rentrait de Savoie - où elle

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avait assisté aux funérailles de sa mère - dansnotre maison de Raveau, où elle habitait avecses sept enfants. Quelques jours avant, le 30janvier, elle nous avait envoyé ce fax:

“Monsieur l’Abbé, Ayant appris par Mère Marie du Saint-

Esprit que Monsieur l’Abbé Murro avait étévictime d’un accident, je souhaiterais quevous sachiez que nos prières vont vers leCiel pour lui. Lorsque vous le verrez ou quevous aurez l’occasion de lui transmettre unmessage, dites-lui que nous pensons bien àlui et que nous souhaitons qu’il se remettetrès vite de cet accident. En union de prièresavec tout votre Institut,

Marie-Geneviève Favret”.L’Institut n’oubliera jamais Madame

Favret dans ses prières, comme elle n’ou-bliait pas (et, nous le pensons, elle ne nousoublie pas encore maintenant) de prier pournous. A sa famille, et à ses enfants, lescondoléances et l’affection de nous tous.

Le 13 février est décédée à Marcorengo,près de Verrua, Mademoiselle GermanaMenocchio. Le 10 elle avait reçu l’extrême-onction, et le 14 ses funérailles se sont dé-roulées à Verrua et à Carmagnola. Fille d’unofficier, Germana Menocchio appartenait àune vieille et distinguée famille de Car-magnola (qui comptait parmi ses membresle Vénérable Giuseppe Bartolomeo Menoc-chio, évêque et religieux augustin). Made-moiselle Menocchio fut une des “colonnes”de la Messe traditionnelle qui était célébréeà Turin par Mgr Vaudagnotti dans l’églisede la SS. Trinité, avant de nous suivre danstoutes nos péripéties. La Messe, en effet,était sa pensée constante, presque son idéefixe; sa crainte était de mourir sans les sacre-ments... Dieu a exaucé son désir, et a étéprès d’elle au moment du trépas. Au fil desannées, malgré un caractère fort et comba-tif, Mademoiselle Menocchio ne pouvaitplus rester seule; la Providence lui a procurél’aide de ses amis. Toujours pour ne pasperdre la Messe, elle nous a suivi toutes cesannées non seulement spirituellement, maismême physiquement, en séjournant d’abordprès d’Orio (où était le “séminaire”) et en-suite près de Verrua. Nous la recomman-dons à vos prières avec toute notre affec-tion, comme une personne de notre famille.

Durant son voyage en Espagne, l’abbéNitoglia a eu aussi la triste nouvelle de la

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EXERCICES SPIRITUELS A RAVEAU

“Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme? Ouqu’est-ce que l’homme donnera en échange de son âme?” (Matth. XVI, 26)

“Si les hommes passent par les Exercices et les font bien, le monde est sauvé” (Père Vallet, C.P.C.R.).

Dames et jeunes-filles: du lundi 29 juillet à 12h au samedi 3 août à 12h.

Hommes et jeunes-gens: du lundi 5 août à 12h au samedi 10 août à 12h.

CROISADE EUCHARISTIQUE

CAMP POUR GARÇONS A RAVEAUEnfants de 8 ans accomplis à 13 ans: du mercredi 10 juillet à12h au mercredi 24 juillet à 12h.

CAMP POUR JEUNES GENS EN MONTAGNEA partir de 16 ans: du vendredi 16 août (16h.) au vendredi 23 (16h.).

POUR TOUT RENSEIGNEMENT S’ADRESSER A L’INSTITUTMATER BONI CONSILII :

Tél. (de France): 19. 39. 161. 83.93.35 Fax (de France): 19. 39. 161. 83.93.34

Ou bien écrire:

CROISADE EUCHARISTIQUE DEL’INSTITUT MATER BONI CONSILIILOC. CARBIGNANO, 3610020 VERRUA SAVOIA (TO)ITALIE

INSTITUT MATER BONI CONSILII“MOUCHY” - RAVEAU58400 LA CHARITE SUR LOIREFRANCE

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CENTRES DE MESSES

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Lyon: Tél.: 78.42.14.79. Ste Messe le 2ème et4ème dimanche du mois, à 17h.Confessions à partir de 16h30.

Cannes: 4, rue Fellegara. Ste Messe le 2èmeet 4ème dimanche du mois à 10h15. Tel.:93.68.10.85.

Tours: rue d’Amboise. Ste Messe tous lesdimanches à 10h30. Tel.: 47.39.53.73.

ITALIEVerrua Savoia (TO): Istituto Mater Boni

Consilii - Località Carbignano, 36. Tél. del'Italie: (0161) 83.93.35 - Ste Messe: en se-maine à 7h30. Salut du Saint-Sacrement:tous les vendredis à 21h. Heure Sainte: lepremier vendredi du mois à 21h.

Turin: Oratoire du Sacré-Cœur, via Thesauro3/D. Dimanches: Confessions à 8h30. Messechantée à 9h. Messe basse à 11h15. Tous lesjeudis et les premiers vendredis du mois:Messe à 18h15. Confessions à 17h30.

Valmadrera (Como): via Concordia, 21. Tél.de l'Italie (0341) 58.04.86. Ste Messe le 1eret 3ème dimanche du mois à 10h. Confes-sions à 9h30.

Marano Vicentino (Vicenza): via VittorioVeneto, 48 chez M. Parolin. Ste Messe le1er et 3ème dimanche du mois à 18h30.Pour toute information, s'adresser àVerrua Savoia.

Maranello (Modena): Villa Senni. Strada perFogliano. Tél. de l'Italie: (0536) 94.12.52.Ste Messe tous les dimanches à 11h.

Bologne: Ste Messe le 3ème dimanche dumois. Téléphoner à Verrua Savoia.

Ferrare: Ste Messe le 2ème et 4ème di-manche du mois. Pour toute information,téléphoner à Verrua Savoia.

Florence: via Ciuto Brandini 30, chez MlleLiliana Balotta. Pour toute information,téléphoner à Verrua Savoia. Ste Messe le1er et 3ème dimanche du mois à 18h15.Confessions à 17h30.

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ESPAGNEArenas de Iguña (Cantabria): n. 90 Carrete-

ra General 39450 , chez Mme Maria y PilarAlejos. Tél. 19 34 (942)-82.66.57.