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18 FEVRIER 1967
(JO~RNu lRIBIJnfJX HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE
Edmond Pi.eard 1s82- 1899
Léon Bennebieq
1900- 1940
Charles Van Reepinghen 1944-1966
Soixante- quinze années de présence flamande au barreau de Bruxelles
ou le
soixante-quinzième anniversaire du « Vlaams Pleitgenootschap » du barreau de Bruxelles
Un problème d'importance se pose presque toujours à l'orateur de rentrée: le choix de son sujet. S'il choisit un sujet juridique, il risque pendant son exposé non seulement de n'intéresser que peu d'auditeurs, mais de plus, de voir ses connaissances juridiques livrées à la critique et jugées de peu de poids.
D'autre part, il vaut mieux éviter le terrain politique national, ce qui, pour un avocat, s'avère souvent difficile.
Mais à l'occasion du 75'e anniversaire du « Vlaams Pleitgenootschap » le sujet de mon discours était à mon humble· avis tout indiqué; il faut bien reco:Onaître que si l'on veut éclairer de plus près l'origine, l'organisation et l'existence du « Vlaanis Pleitgenootschap " on ne peut s'écarter entièrement, ni du domaine juridique, ni du terrain politique.
* **
Dans un article paru le 10 novembre 1929 dans le Journal ·des Tribunaux (1), le professeur Jozef Van Overbeke, ancien président du « Vlaams Pleitgenootschap », s'est montré très pessimiste à l'égard de l'action et du rayonnement de celui-ci.
Me, Van Overbeke nous avait parlé «des trois désillusions de J'avocat flamand"·
Concernant la seconde de celles-ci, il s'exprimait ainsi: «C'est une cérémonie bien pauvre la rentrée de la Conférence flamande du barreau de Bruxelles, dans le décor sévère d'une salle d'audience .ordinaire, où quelques rares sont venus écouter l'orateur (enfin trouvé !) et qui effectivement sacrifie son temps et gaspille ses facultés, tandis que ses auditeurs évoquent le spectacle grandiose de l'événement mondain de la rentrée de la Conférence consœur, dans la salle · solennelle de la Cour suprême, haute, écarlate et illuminée où les illustrations du barreau, de la magistrature, de la politique, de la société et de la femme sont venues sourire à un talent fier sorti d'une élection agitée et patronner une activité constante dans son travail formateur et influente par sa tribune ! ».
(1) J.T., 1929, col. 657 et s., J. Van Overbeke : «Les trois déceptions de l'avocat flamand». Voyez aussi : Rechts. W eekbl., 1932-1933, col. 266 et s., << Openingsvergadering van het Vlaamsch Pleitgenootschap der Balle van Brussel op 10 december 1932. Rede van prof. Van Overbeke ».
* ** Ce fut cependant avec solennité et splendeur
et en présence de nombreux magistrats et avocats que le « Pleitgenootschap " fut tenu sur les fonts baptismaux de la premi~re chambre de la cour d'appel (2).
Quoique le barreau ne comptât alors que 721 avocats, 110 d'entreux étaient déjà à ce moment membres du Pleitgenootschap.
Le nouveau-né vit donc le jour en pleine forme. Les douleurs de l'enfantement avaient cependant été très pénibles et longues. Les maladies infantiles furent nombreuses.
Si je rècours à un vocabulaire quelque peu médical, c'est que la création des conférences flamandes aux divers barreaux doit vraiment son origine à la naissance d'un être humain.
En effet, lorsqu'en octobre 1872, le relieur Joseph Schoep s'en fut déclarer la naissance d'un rejeton à l'employé de l'état civil de Molenbeek-Saint-Jean, il exigea la rédaction en flamand de l'acte de naissance.
L'employé refusa, mais le père Schoep tint bon.
Résultat : Schoep fut poursuivi en correctionnelle pour non-déclaration de naissanCe.
Deux avocats anversois, désireux de plaider en· flamand, le -dé.f~ndiren:t en cour d'appel.
La cour exigea la traduction mot à mot des plaidoiries.
L'affaire fut portée en cassation, où il fut interdit à Me De Laet d'Anvers de défendre son client en flamand.
Edmond Picard, le grand Edmond Picard, déposa alors des conclusions et dans une remarquable plaidoirie, basée sur la Constitution, exigea le droit de faire usage du flamand.
L'avocat général fit remarquer, entre autres, à Edmond Picard que le flamand était « un idiome inintelligible » pour la Cour de cassation; qu'il n'avait pas notion du plus élémentaire savoir-vivre; qu'il exécutait « une vaine parade" et qu'il plaidait «pour la galerie"·
Son admirable plaidoirie fut traitée de « divertissement » dont la cour était excédée.
En termes moins violents, il est vrai, l'arrêt décidait qu'il n'est pas permis à un avocat de
(2) J. T., 1891, col. 809 et s., «Inauguration de la Conférence flamande du Jeune barreau de Bruxelles».
EDITEURS:
MAISON FERD. LARCIER, S. A.
39, rue des Minime•
BRUXELLES 1
s'exprimer en flamand devant la Cour de cassation (3).
Cette décision éveilla une vive agitation dans tout le pays flamand et surtout au barreau gantois.
Portant la signature de 7 5 avocats gantois, un manifeste fut transmis à la Chambre des députés et eut pour \effet que la discussion d'un projet de loi sur l'usage du flamand en matière pénale .ne put être différé davantage (4)~
La première loi linguistique - .très peu satisfaisante -fut promulguée le 17 août 1873.
A Gand, où un club flamand d'avocats existait déjà depuis 1864, fut fondée, la même année, la première conférence flamande en novembre (5).
La première pierre était posée. Les premiers grains étaient semés.
Sous l'impulsion de Gand, où en 1885 fut fondé le « Bond der Vlaamsche Rechtsgeleerden "• la « Vlaamsche Conferentie » d'Anvers naquit, la même année (6).
Ce fut son premier président, Edward Coremans, qui réussit à faire passer en 1889, après des années de lutte, la deuxième loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire.
* * *
De nouveaux incidents judiciaires suryenant presque sans arrêt démontrèrent rapidement que les deux lois étaient loin d'avoir résolu de manière satisfaisante le problème de l'usage des deux langues.
Un jeune stagiaire, Me Josson, eut l'audace de présenter un rapport flamand au bureau de la Consultation . gratuite du barreau de Bruxelles.
Il fut traduit devant le Conseil de discipline, où cet intrépide exigea d'être entendu en fla.mahd.
Sa témérité lui valut d'être rayé de la liste des stagiaires.·
Quand la cour d'appel eut à juger le cas J asson, Edmond Picard se fit une fois de plus le défenseur des droits des Flamands. ·
Ce qui n'empêcha pas toutefois la cour de confirmer en guise d'étrennes - l'arrêt fut prononcé le 31 décembre 1890 - la décision du Conseil de discipline (7).
Une nouvelle affaire Schoep, se déroula à la Cour de cassation lors de l'arrêt du 3 mai 1892. L'arrêt à peu de choses près, les acteurs aussi étaient les mêmes, ne changea pas davantage.
(3) Brux., 21 mars 1873, Pas., II, p. 166; - Cass., 12 mai 1873, Pas., 1, 179; Rechts. Weekbl., 1933-1934, col. 178 et s.; - René Victor, Schets ener geschiedenis van de Vlaamse Conferentie, pp. 11 et s.
(4) René Victor, Ben eeuw Vlaamsch Rechtsleven, pp. 32 et s.
(5) René Victor, Schets, p. 14. (6) René Victor, Ben eeuw, pp. 39 et s. (7) René Victor, Ben eeuw, p. 47/48.
llO.
Les confrères gantois, dont cependant seule une minorité approuvait la cause flamande, n'étaient pas de cet avis et accueillirent le stagiaire rayé au barreau de Gand.
L'affaire Josson et celle d'un avocat anversois, Adolf Pauwels, déclenchèrent un courant irréversible en faveur d'une législation réglementant l'emploi du néerlandais à la cour d'appel de Bruxelles et de Liège (8).
Ce fut une fois de plus Coremans qui prit la tête du mouvement. La loi du 4 septembre 1891 prévoyait la création de chambres correctionnelles flamandes ·.aux cours d'appel de Bruxelles et de Liège.
Il était normal, et ce n'était certes pas trop tôt, que les avocats de Bruxelles se réveillassent enfin.
L'expérience vécue d'un de leurs confrères leur avait révélé la mentalité de la magistrature et du barreau bruxellois; une loi nouvelle était prévue, qui devaJt avoir pour eux des conséquences importantes : ils ne pouvaient plus rester inertes.
Paul Gisseleire prit l'initiative. En Josson, déjà connu de tous, pour ne pas dire célèbre, il trouva un allié.
Josson était toutefois fort pessimiste. Il avait l'impression qu'ils ne pourraient réussir, croyant que la lutte pour la flamandisation de la vie judiciaire était désespérée.
Ce pessimisme est compréhensible, étant donné les expériences qu'il avait vécues.
Et cependant Gisseleire et Josson tentèrent l'aventure.
Deux .. caractères entièrement dissemblables : Gisseleire, conciliant, diplomate, catholique; Josson, irréductible et tenace, n'appartenant à aucun parti.
Décid~s tous deux cependant à persévérer obstinément et foncièrement attachés à la Flandre.
La tentative réussit.
* **
Pour éviter de donner une orientation politique à l'association naissante, on décida d'élire deux présidents d'honneur.
Gisseleire reçut l'accord du ministre d'Etat Victor -Jaçobs; Josson obtint le consentement d'EdmoQ.d- Picard.
Ils trouvèrent un sérieux appui a1,1près du député Me Van der Linden. Celui-ci fut d'ailleurs le premier président (9).
* * *
L'assemblée constitutive eut lieu · le jeudi 14 mai 1891, trois mois exactement après le cinquantième anniversaire. de la Conférence du Jeune barreau (10).
Je viens de dire que pour éviter toute orientation politique, le « Pleitgenootschap » s'était choisi deux présidents d'honneur.
Est-ce pour la même raison que les statuts de l'association exigeaient également deux présidents?
Il est évident que des statuts sont rarement observés, et souvent modifiés. Ainsi voyonsnous, quelques années à peine après la fondation, qu'on décide qu'un seul président dirigera dorénavant l'As~ociation et que, d'autre part,
(8) René Victor, Een eeuw, p. 49/50. (9) Rechtskundig Tijdschrift, 1906, pp. 398 et s.,
c Eén en ander over het Vlaamsch Pleitgenootschap van Brussel ».
(10) J. T., 1891, col. 676 et s.
la dénomination de « Vlaamsch Genootschap tot beoefening der Pleitkunst :. , après . d'homériques querelles et... même des escarmouches, est modifiée en « Vlaamsch Pleitgenootschap der Brusselsche Balie :~>.
* **
C'est sans doute à la situation encore très spéciale des avocats d'expression flamande du barreau de Bruxelles qu'il faut attribuer le fait que_dans les statuts primitifs, appelés à ce moment «lois» et adoptés le 1er février 1891, l'objectif du « Vlaamsch Genootschap » paraît plutôt restreint et est exprimé à tout le moins en termes fort prudents: «l'exercice de l'éloquence judiciaire au moyen de la langue néerlandaise».
Il est vrai que l'article 2 mentionne que la conférence s'efforcera d'atteindre son but, notamment « par la discussion de problèmes qui concernent le développement moral et matériel du peuple flamand», et l'article 3 que, pour devenir membre, il faut admettre le principe suivant - très modéré - : les accusés et les inculpés flamands doivent être interrogés, accusés, défendus et jugés dans leur langue.
L'article 13 prévoyait également que la direction présenterait tous les ans, «à l'occasion de l'assemblée extraordinaire de septembre un
- rapport complet concernant la situation du néerlandais en tant que langue judiciaire dans les milieux bruxellois ».
Ce fut grâce à la prudence et à la diplomatie de ses fondateurs que le « Vlaamsch Genootschap » ne fut pas étouffé dans son bei,"-ce au.
* * *
J'ai déjà dit que de nombreux magistrats et avocats avaient assisté à la séance solennelle d'ouverture du 20 juin 1891.
Nombreux étaient donc ceux qui manifestaient leur sympathie (11). Le Journal des Tribunaux du 27 juin 1891 s'était, non seulement exprimé en termes très flatteurs, mais regrettait de plus l'attitude de la presse.
« Il semble que certains reporters conservent intact le vieux levain de haine ou de mauvais vouloir contre ce mouvement, pourtant si juste, et qu'ils se sont donné le mot pour amoindrir cette manifestation, appui si puissant pour cette œuvre d'équité commencée il y a 18 ans et à laquelle il ne reste presque plus rien à faire : la consécration du droit de nos concitoyens flamands à agir et à être défendus devant les tribunaux dans leur langue maternelle et nationale.»
Je ne doute pas que ce texte soit d'Edmond Picard.
En sa qualité de président d'honneur, il prit d'ailleurs la parole à cette séance solennelle du 20 juin 1891 et prononça un brillant réquisitoire contre l'oppression du peuple flamand et la méconnaissance de ses droits naturels (12).
On est cependant tenté de sourire, il est vrai, en relisant ces lignes : « ... cette œuvre d'équité commencée il y a 18 ans... et ·à laquelle il ne reste presque plus rien à faire ... ». Les intentions d'Edmond Picard étaient généreuses, mais peu de francophones, en ce temps-là, les partageaient.
* **
Donc, sympathie d'une part pour la Conférence nouvellement fondée mais, d'autre part, beaucoup d'opposition et même de la haine.
{11) J. T., 1891, col. 809/810. (12) J. T., 1891, col. 811 ·et s.
Le premier discours annuel d'ouverture prononcé par Paul Gisseleire, le 11 novembr~ 1891, dont le sujet ét~lt ;ç De l'origine de la langue flamande et de son influence esthétique, moraie et religieuse. sur la race», fut accueilli avec des sentiments très divers (13).
Pour faire opposition au « Vlaamsch Genootschap :., un groupe de réactionnaires conçut même le projet de fonder en marge de la Conférence du Jeune barreau un autre organisme d'expression française, le « Cercle des Masuirs ». Le Journal des Tribunaux (14) appela cette tentative, car on en resta là, c une facétie d'un goût discutable ».
* **
Les hésitations et les timidités de la première heure furent assez rapidement dépassées.
En même temps qu'elle modifiait son titre en c Vlaamsch Pleitgenootschap der Brusselsche Balie :., l'Association stipulait plus clairement et plus ouvertement ses objectifs dans ses statuts.
n ne s'agissait plus uniquement désormais de c l'exercice de l'éloquence judiciaire au moyen de la langue néerlandaise », mais de « l'exercice et de l'encouragement de la langue néerlandaise dans le domaine juridique », ce qui est tout autre chose.
De plus, à partir de ce moment, il fut exigé des membres qu'ils reconnaissent c le principe de l'égalité des deux langues en matière judiciaire».
Bon nombre de sympathisants de la première heure se retirèrent. Le nombre des membres, qui avait atteint à un moment donné 140 avocats, retomba en 1905 à 75.
* **
Comme toutes les associations, le c Vlaams Pleitgenootschap » connut des succès et des revers. Il y eut des années de grande activité, d'autres dont on ne sait même pas si elles eurent une séance de rentrée.
Comme dans toutes les conférences, l'activité consistait le plus souvent dans l'organisation d'exercices de plaidoiries, de conférences sur des thèmes juridiques, littéraires, philosophiques ou politiques, le discours d'ouverture traditionnel et le banquet qui l'accompagne, ainsi que l'excursion annuelle.
Activité au dedans et au dehors.
Il ·serait fastitieux de donner la liste complète des différents présidents et orateurs.
Permettez-moi cependant de vous dire que le « Vlaams Pleitgenootschap » connut des présidents tels que le député Jules Van der Linden, président pendant de longues années du « Bond der VlaamscQ.e Rechtsgeleerden » et des c Vlaamsche Rechtskundige Congressen »;Joly, qui deviendra président du Conseil des mines; Me Dewinde, plus tard avocat à la Cour de cassation; Albéric Deswarte, le champion de la flamandisation de l'Université de Gand; Willem Thelen, qui s'identifia avec le « Pleitgenootschap » presque pendant plus de soixante ans; Duplat; Josse et Rik Borginon; Vliebergh; le professeur Van Overbeke; Piet Vermeylen; le regretté Maurice Van Hemelryck, et les nombreux confrères que nous avons toujours le bonheur de rencontrer presque journellement en ce palais.
Des hommes tels que Maurits Sabbe, Hugo Verriest, August Vermeylen, -Pol Demont,
(13) J. T., 1891, col. 1332 et s. (14) J. T., 1891, col. 1335.
Verschaeve, le professeur Meyers, le professeur Van Ginniken, Julius Hoste, Kamîel Huysmans et tant d'autres éminents orateurs, tant belge~ qu'étrangers, occupèrent notre tribune. .. ....
Il serait toutefois impardonnable de ne pas évoquer un instant, à l'occasion de ce jubilé, la figure de M'e Willem Thelen.
A l'époque où triomphaient surtout l'incompréhension et l'opposition à notre égard, une association comme la nôtre n'était viable ou ne pouvait s'épanouir sans faire appel à des hommes dont toute la vie était consacrée et pénétrée de l'idéal recherché par les fondateurs.
C'est un homme pareil que le c Vlaams Pleitgenootschap » trouva en Me Willem Thelen.
Né à Maastricht le 26 janvier 1870, - son père était major de l'armée des Indes - il se retrouva tout jeune encore dans notre capitale.
Après avoir été à l'Athénée et à l'Université de Bruxelles, il prêta le serment d'avocat le 10 octobre 1892.
Les débuts de carrière du jeune stagiaire ne furent pas des plus faciles.
Etait-ce parce qu'ayant reçu ses premiers honoraires, d'un montant de 10 francs, il y découvrait quatre pièces fausses ou bien qu'il fallait· réaliser que pour un avocat flamand, la mentalité au barreau de Bruxelles était plutôt terrifiante, toujours est-il que ses premiers contacts, avec la carrière d'avocat l'avaient complètement découragé.
C'est grâce à Me Edmond Picard qu'il resta avocat.
Un soir, après dîner, Edmond Picard l'invita à l'accompagner chez lui. Jusqu'~ cinq fois, tous deux firent la navette entre la maison de Picard et celle de Thelen et ce fut l'aîné, le célèbre avocat,, qui fit entrevoir à son jeune confrère les difficultés de la profession, les déceptions, mais aussi l'intense satisfaction qui, par un travail acharné, serait son partage.
Dès son inscription au barreau, Thelen devint membre du « Vlaamsch Pleitgenootschap »
nouvellement fondé, ce qui, en sa qualité d'ancien membre du Comité de « Geen Taal geen Vrijheid », était tout indiqué.
n joua immédiatement un rôle important.
En 1897, nous le retrouvons parmi les fondateurs du Rechtskundig Tijdschrift et il avait à peine trente-trois ans· quand il assuma la présidence de notre Conférence.
En 1935, à l'âge de 65 ans, il fut à nouveau président pendant deux ~s.
Sous sa direction le « Pleitgenootschap »
connut chaque fois une grande activité.
Comme homme, avocat et comme Flamand, M'• 'Thelen était la personnification de la bonté, de la pitié, du sens du devoir, de la ponctualité et de la fierté nationale.
En sa qualité de civiliste et surtout de spécialiste du droit commercial, ainsi que des droits néerlandais et allemand, il était particulièrement apprécié au palais.
Sa connaissance des langues était remarquable, ainsi que sa culture historique et géographique. Sa mère, excellente pianiste, lui avait transmis un grand amour de la musique.
Voyageur passionné, il sillonna l'Asie et l'Afrique, visita le Canada, où il plaida en anglais et parcourut en 1900. l'Islande à cheval.
Ni le courage, ni l'abnégation ne lui faisaient défaut.
Pendant la guerre de 1914-1918, il se mit volontairement à la disposition du bâtonnier pour défendre les intérêts de ses compatriotes - il se chargea de plus d'une centaine de cas - devant les tribunaux allemands.
Pendant la deuxième guerre mondiale, il avait alors plus de 70 ans, il fut désigné une nouvelle fois par le bâtonnier Braffort, ainsi que trois ou quatre confrères, pour défendre en allemand nos compatriotes devant les Conseils de guerre. Ces affaires, au nombre de près de 2.000, il les plaida toujours « pro Deo ».
Me Thelen fut aussi le premier avocat à plaider en néerlandais en 1903, devant le tribunal civil. Cet exploit l'amena devant le Conseil de discipline, où, si mes renseignements sont exacts, il échappa à une voix près· à une sanction.
Il devait toutefois siéger plus tard, lui-même, au Conseil de discipline.
Lorsqu'en 1942 le « Vlaams Pleitgenootschap » fêta ses 50 années d'existence, le barreau tout entier rendit à Me Thelen un hommage mérité. TI était à ce moment avocat depuis 50 ans.
Me Thelen décéda le 12 février 1958 à l'âge de 88 ans. n resta fidèle jusqu'à la fin au c Pleitgenootschap », son c Pleitgenootschap » (15).
.. ....
Dans la lutte pour la flamandisation de la vie judiciaire, le c Pleitgenootschap » a certainement joué un rôle non négligeable.
Sans doute, ses interventions n'étaient ni aussi spectaculaires ni aussi efficaces que celles des conférences flamandes de Gand et d'Anvers.
Elles n'en avaient pas moins de mérite.
Je me permets de m'arrêter un instant à quelques dates et événements marquants de l'histoire du c Pleitgenootschap ».
1903 et les années suivantes furent marquées par une · très fructueuse activité.
Comment pouvait-il en être autrement ? Puisque Me Thelen tenait le gouvernail.
Le c Pleitgenootschap ». insista à plusieurs reprises auprès du ministre de la Justice pour une réforme des tribunaux correctionnels en vue d,e l'application des lois linguistiques.
n est intervenu dans les nombreux incidents linguistiques qui surgissaient èonstamment dans les affairès civiles.
En même temps que les conférences flamandes d'Anvers et de Gand, le « Pleitgenootschap » fut dans une certaine mesure reconnu officiellement.
En effet, le ministre de la Justice Van den Heuvel les invita à lui fournir un rapport annuel concernant leurs activités et à lui donner des renseignements au sujet des capacités juridiques et linguistiques de leurs membres. Le ministre avait l'intention de consulter ces rapports à chaque nomination de magistrat.
Cette excellente mesure fut malheureusement abandonnée après quelques· années (16).
·Ce fut également en 1903 que le « Vlaams Pleitgenootschap » prit en charge l'organisation du second « Vlaams Rechtskundig Congres »
(17).
(lS) J. T., 1958, p. 136, Josse Borginon Cantoni, «William Thelen »; J. T., 1958, p. 617; «Conférence du Jeune barreau de Bruxelles. Séance solennelle de rentrée du 8 novembre 1958. Discours de M. Albert Nyssens, bâtonnier de l'Ordre des avocats ».
(16) René Victor, Schets, pp. 162/163. (17) René Victor, Schets, p. 162.
Ill
La même année, il insista auprès du Conseil de discipline pour envoyer des délégués au Bureau de la Consultation gratuite.
Nous établirons plus tard que le contraire se produisit souvent et que ce fut au Conseil de discipline d'insister auprès du « Pleitgenootschap » pour la même raison.
En 1911 notre association donna son concours à une série de conférences organisées par
·la Conférence du Jeune barreau au sujet du problème linguistique. ·
Lejeune, Destrée, Kurth, Pirenne d'une part, Alberic Deswarte, Camiel Huysmans, Frans Van Cauwelaert et Edmond Picard d'autre part, pouvaient donner libre cours à leurs conceptions souvent d'ordre affe.ctif. (18).
La première guerre mondiale eut sur l'activité et le développement du « Pleitgenootschap »
un effet néfaste.
Il faut attendre la fin .de l'année 1920 pour voir la reprise d'une certaine activité.
Rien d'important n'arriva pendant des années, si ce n'est un discours d'ouverture remarquable et fort discuté de Rik Borginon, sur « L'emploi des langues devant nos cours et nos tribunaux » (19).
Si l'orateur lui-même taxe ses idées de révo. lutionnaires, nous pouvons dire avec certitude
que la loi de 1935 sur l'emploi des. langues en matière judiciaire l'était aussi.
Depuis la fin de la première guerre mondiale jusqu'en 1931, le c Vlaams Pleitgenootschap » ne suscita vraiment que très peu d'intérêt, même chez les avocats flamands.
Aussi ce ne fut non sans raison qu'en 1929, Me Van Overbeke se soit montré si pessimiste dans son article déjà cité.
Deux événements d'importance incalculable cependant devaient très peu de temps après, insuffler une vie nouvelle au c Vlaams Pleitgenootschap » :
D'une part, la loi de 1935 était sur le point d'être vot~e, d'autre part le premier numéro du Rechtskundig Weekblad paraissait le 11 octobre 1931.
Aussi le « Pleitgenootschap » connut-il à partir de 1931 un épanouissement toujours grandissant.
Cela commença par un très courageux discours de rentrée de Me Piet Vermeylen sur « La flamandisatioo de la consultation » et une réponse tout aussi courageuse du bâtonnier Soudan (20).
En 1932, Me Custers étant-l'orateur de rentrée, le président Van Overbeke put rejeter à tout jamais son pessimisme d'autrefois.
La séance de rentrée eut lieu, pour la première fois, dans la salle des séances solennelles de la Cour de cassation (21).
Le combat livré pour l'emploi des langues en matière judiciaire fut très dur.
Alors que l'opposition en Wallonie était plutôt restreinte, la bourgeoise d'expression française en Flandre réagit assez vivement.
(18) Rechts. Tijds., 1911, pp. 317 et s., L. Brulez, «Prof. G. Kurtb en Meester Edmond Picard over de Taalkwestie in de Conférence du Jeune barreau».
(19) Rechts. Tijds., 1925, pp. 25 et s., H. Borginon, « Het gebiuik der talen voor onze gerechtshoven en rechtbanken »; René Victor, Schets ... , p. 293 et s.
(20) Rechts. Weekbl., 1931-1932, col. 161 et s., P. Vermeylen, «De · Vervlaamsching van de Rechtspieging » et Rechts. Weekbl., 1931-1932, col. 33 et s., « Mr Soudan, Stafhouder der Balle van Brussel over de Vervlaamsching van bet Gerecht ».
(21) Rechts. Weekbl., 1932-1933, col. 266 et s., -« Openingsvergadering van bet Vlaamsch Pleitgenootschap der Balle in Brussel op 10 december 1932 »,
112
C'est à Bruxelles malheureusement que la réaction fut la plus violente.
Si les francophones, tant en Wallonie qu'à Bruxelles, se souciaient peu de la solution apportée par la loi aux situations existant dans la partie flamande du pays, ils étaient toutefois unanimement d'accord pour maintenir à Bruxelles le «statu quo ».
Un referendum organisé parmi les avocats à la cour d'appel de Bruxelles révéla-l~option d'une majorité écrasante pour le maintien du régime existant.
Pour être exact~ il faut ajouter que sur 1.100 avocats, seuls 444 prirent part au vote.
La commission des langues du Conseil de l'Ordre rédigea un rapport qui, en bref, revient à ceci: 1'0 l'habitude acquise depuis cent ans, basée
sur un régime de liberté totale, a consacré l'usage quasi-exclusif de la langue française dans les juridictions civiles et commerciales à Bruxelles;
2° le referendum a été écrassant pour les partisans de la modification du régime existant;
3° le referendum des avocats vaut pour tous les membres du corps judiciaire (22).
Inutile de dire que le rapport souleva un violent tumulte dans le monde des avocats et dans la presse.
Le « Pleitgenootschap » adopta une attitude énergique (23).
* **
Maintenant que la loi de 1935 est vieille de plus de trente ans, il nous est difficile d'imaginer la situation qui existait autrefois.
Nous ne pouvons guère nous représenter que ce n'est qu'en 1907 qu'un avocat osa émettre pour la première fois le vœu devant la cour d'appel de Bruxelles de prêter serment en néerlandais.
La cour a d'ailleurs dû délibérer sur son cas avant de donner satisfaction à Josse BorginonCantoni (24).
Pouvons-nous nous imaginer aujourd'hui que le même incident s'est reproduit douze années plus tard - en 1919?
Ce ne fut que grâce à la ferme intervention du premier avocat général De Hoon que Rik Borginon put alors prêter serment en néerlandais, (25).
Pouvons-nous croire encore, aujourd'hui, que M·e Thelen fut en quelque sorte traîné devant le bâtonnier par un confrère' indigné, parce qu'il avait osé, revêtu de sa toge, s'entretenir en néerlandais avec un autre avocat flamand.
Ne croyons-nous pas rêver en apprenant que ce n'est qu'en 1932 qu'un pourvoi en cassation en néerlandais est introduit pour la première fois par Me Paul Veldekens et que Me Edmond V an Dieren lui, naturellement, fut le ;premier à être autorisé à plaider en néerlandais devant la Cour suprême ? (26).
Aussi étrange que cela puisse paraître, la lutte qui précéda la loi de 1935 eut pour effet
(22) J. T., 1933, col. 329 et s.; J. T., 1933, col. 361 et s.; Rechts. Weekbl., 1932-1933, col. 651/652, J. V an Overbeke, « Antwoord op het Verslag van de taalcommissie van den Raad van de Orde van Advokaten bij het Hof van Beroep te Brussel».
(23) Rechts. Weekbl., 1933-1934, col. 87/88, «De Vervlaamsching van het Gerecht. Dagorde van het Vlaamsche Pleitgenootschap der Brusselse Balie ».
(24) J. T., 1959, p. 618, «Conférence du Jeune barreau de Bruxelles. Séance solennelle de rentrée du 7 novembre 1959. Discours de M. Albert Nyssens, bâtonnier de l'Ordre des avocats)).
(25) Rechts. W eekbl., 1932-1933, col. 649 et s., H. Borginon, «De Brusselse Balle op het strijdpad ».
(26) Rechts. Weekbl., 1932-1933, col. 66 et s., «Onze taal voor het Hof van Verbreking ».
de rapprocher le « Pleitgenootschap » et le Conseil de l'Ordre.
Le « Pleitgenootschap » se montra de plus en plus décidé et acquit une plus grande place dans la vie professionnelle traditionnelle.
En 1935, le « Pleitgenootschap » fut chargé par le Conseil de l'Ordre d'organiser les exercices de plaidoirie des confrères flamands. Ainsi, le « Vlaams Pleitgenootschap » était officiellement reconnu par le barreau.
* **
La deuxième guerre mondiale éprouva une nouvelle fois le « Pleitgenootschap », mais il réagit plus rapidement qu'après la guerre de 1914-1918.
Il convient d'ailleurs de dire que pendant les années de guerre, l'Ordre n'avait pas perdu confiance dans le « Vlaams Pleitgenootschap ».
MMes Boon, Verougstraete, V an Hemelryck, Fayat, Custers, Van Cauwelaert, Bayart, Van Waeg, Winderickx, Lindemans et Vanderleenen se succédèrent à la présidence.
La loi de 1935 a apporté une profonde modification dans toute la vie judiciaire. Sans doute n'est-elle pas parfaite - songeons à la possibilité de changement de langue, dont certains ont fait un système - on est cependant en droit d'établir un bilan très favorable.
Que dire de la situation au barreau ?
Il serait regrettable, à l'occasion de ce jubilé, de ne pas aborder un moment ce problème.
Après la loi de 1935, la situation des barreaux flamands était saine; tel n'était certainement pas le cas à Bruxelles.
L'Ordre, et plus spécialement le Conseil de l'Ordre, a toujours fait preuve, il est vrai, d'une certaine sympathie pour le « Vlaams Pleitgenootschap ».
Il fut d'abord toléré, et par après considéré comme une nécessité.
Les relations devinrent meilleures au cours des années.
Mais ceci ne changea cependant rien au fait que l'avocat flamand, fût-il ou non membre du « Pleitgenootschap », , se voyait systématiquement évincé s'il tentait de poser sa candidature au Conseil de l'Ordre ou au Bureau de la Con-sultation gratuite. ~
S'il arrivait malgré tout qu'un avocat flamand fût élu, c'était en raison de circonstances très spéciales ou parce qu'il jouissait d'un prestige exceptionnel, comme c'était le cas pour MMes Thelen, Josse Borginon et Arnold Bayart.
L'élimination systématique des candidats flamands eut finalement comme conséquence que le fonctionnement normal du Conseil de l'Ordre et du Bureau de la Consultation gratuite ne pouvait plus guère être assuré.
Le fait est que si les avocats flamands de Bruxelles formaient un barreau séparé, celui-ci se placerait, quant au nombre, environ au sixième rang parmi les 26 barreaux du pays. En outre, il y a proportionnellement plus de nécessiteux d'expression flamande, sur le total des « pro-deo », que d'avocats d'expression flamande sur le nombre total d'avocats.
Il était urgent pour le barreau de Bruxelles de trouver une solution si, décidé à remplir la tâche imposée par le législateur, il voulait réellement remplir son rôle de premier plan et maintenir son autorité morale parmi les autres barreaux du pays.
Depuis de nombreuses années, beaucoup s'en rendaient compté, mais les choses en restèrent là.
L'éviction en juin 1963 de trois candidats d'expression flamande au, Bureau de la Con-
sultation gratuite, et dont la présence à ce bureau était indispensable, eut comme conséquence que le bâtonnier invita le « Vlaams Pleitgenootschap » à consacrer une étude à cette situation.
La direction du « Vlaams Pleitgenootschap »,
aidée par les anciens présidents disponibles à ce moment, s'attaqua immédiatement à la tâche imposée, et dès le 30 juillet 1963, un document avec des propositions très précises fut remis au bâtonnier (27).
Ce document forme la base des décisions importantes prises à l'unanimité par le Conseil de l'Ordre, et dont la conséquence fut que nous comptons désormais trois confrères d'expression néerlandaise au Conseil de l'Ordre; un ancien président et deux anciens vice-présidents de notre association. ,
Si au point de vue des institutions, l'idéal n'est certes pas encore atteint, il faut reconnaître que l'esprit qui règne en ce moment au Conseil de l'Ordre est, excellent.
Nous pouvons certes dire qu'il est heureux qu'en l'année où le « Vlaams Pleitgenootschap »
fête ses 75 années d'existence, pour la première fois au cours de l'histoire de notre bar-
. reau, le bâtonnier, après élection, au cours de l'assemblée générale de l'Ordre, prit également la parole en néerlandais (28).
J'ose dire qu'en 1966 il est en définitive tout à fait normal que le chef de l'Ordre s'adresse en néerlandais aux avocats flamands de Bruxelles, en d'autres circonstances; telles que lors du discours de rentrée et du banquet.
* * *
Depuis la fondation du « Vlaams Pleitgenootschap », soixante-quinze années ont passé.
Il convient de se demander à présent s'il s'est conformé aux objectifs de ses fondateurs.
Nous répondrons franchement « oui » à cette question.
Tout ~u long des années, le « Pleitgenootschap » n'a jamais oublié qu'il est et reste une association flamande et qu'il a une tâche à accomplir au ·cœur même du barreau le plus important du pays.
Un des plus grands mérites du Conseil de l'Ordre aura été de résoudre le problème délicat de la représentation des avocats flamands ·au Conseil et au Bureau de la Consultation gratuite.
Plutôt que de porter ce problème hors du Palais, avec tous les dangers que cela comporte en ce moment où notre pays divisé connaît la passion linguistique, le « Vlaams Pleitgenootschap » garde les yeux fixés sur l'autonomie et l'unité de notre barreau. N'est-ce pas la meilleure preuve de sa fidélité à ses objectifs ?
* **
C'est po.ur moi un grand honneur de prendre la parole en cette journée mémorable.
Je considère que c'est un honneur tout aussi grand de pouvoir dire, au nom de mes confrères flamands, que le « Vlaams Pleitgenootschap » poursuivra son action, tant pour l'émancipation complète du peuple flamand, que pour l'établissement de rapports harmonieux, dignes du barreau de la capitale de notre pays, entre francophones et Flamands.
J aak. V AN DOORSELAERE.
(27) Rechts. Weekbl., 1963-1964, col. 2049 et s., J.V.W. «De Brusselse Balle en de Vlaamse Advokaten ».
(28) J. T., 1966, p. 470, «L'assemblée générale de l'Ordre».
LA VIE DU DROIT
Bail à ferme et terrains à bâtir
L'article 1774, paragraphe 3, tertio, fait exception aux dispositions régissant la durée des baux à ferme dans le cas de terrains à bâtir ou à destination industrielle, à la condition qu'ils aient été déclarés tels dans le bail ou qu'ils soient reconnus tels par le juge.
En l'absence de déclaration dans la convention, le juge doh-il fixer la qualification du terrain en se référant à la situation actuelle· ou à celle de la date du bail ?
La jurisprudence publiée est peu abondante. Le Recu.eil annu.el de jurisprudence belge,
année 1964, publié en 1965, fait mention du jugement du tribunal de paix de Nandrin du 13 juin 1961 relaté dans la lu.rispru.dence de Liège de 1964, page 295.
Suivant cette décision, le juge qui répare. l'omission des parties doit se reporter à la situation au moment de la conclusion du bail. Elle s'appuie sur l'ouvrage de Gourdet et Cioson, Le bail à ferme, page 153 (éd. 1951). En réalité, ces auteurs n'étaient pas aussi explicites et se bornaient à dire que l'omission « pourra être réparée en s'adressant au juge, pour autant bien entendu que ce dernier constate que réellement les terrains ont cette qualité».
Dans l'édition de 1961, Gourdet se réfère cette fois à un jugement du tribunal civil d'Anvers du 31 mars 1960 (R.W., 1960-1961, 436) décidant que le juge doit tenir compte de la situation actuelle et non de celle existant au moment du bail.
Cette décision relève que tous les terrains ont pu être terrain de culture avant de devenir (( à bâtir)),
Brutsaert a publié un article sur le droit de préemption au Ti,idschrift voor Notarissen de 1964, page 129 .. Il adopte la position du tribunal d'Anvers du 31 mars 1960 précité : << bij zijn beoordeling houdt de rechtbank rekening met de huidige toestand >>.
Gourdet et Ranscelot, Le droit de préemption, écrivent à propos de l'article 1774~ paragraphe 3, tertio, que le juge doit tenir compte de la situation telle qu'elle se présente à l'époque où il doit statuer et non de. celle existant au moment de la conclusion du bail. Ils se réfèrent aux travaux préparatoires, rapport de la Chambre : « eu égard aux nécessités de l'habitat et de l'industrie qui peuvent se révéler au. cours du bail, il est prévu que le juge pourra reconnaître à tout ou partie du hien loué le caractère de terrain à bâtir ou à destination industrielle ».
Ce passage des travaux préparatoires de la loi du 7 juillet 1951 figure à la Pasinomie de 1951, p. 602, no 4 in fine (voir Doc. parl., Chambre. session 1945,1946, Exposé des motifs, n° 56 [3]).
Le texte légal lui-même distingue deux éventualités : les terrains à bâtir ou à destination industrielle sont déclarés tels dans le bail ou. sont reconnus tels par le juge. Il n'impartit pas à celui-ci de se référer à la situation initiale à l'effet de réparer une omission.
Ainsi, la plus récente décision publiée au R eweil précité est de nature à induire en erreur sur l'interprétation donnée à cette disposition. * **
Le droit de préemption en faveur des preneurs de biens ruraux a donné lieu en France à l'examen du point de savoir si ce droit est d'application en cas d'apport en société.
La Cour de cassation de Fran~e, chambre sociale, par arrêt du 16 février 1961 (Bulletin des arrêts de cassation de France, 4e partie, p. 167. n° 213) a décidé qu'en cas d'apport en société, effectué sans fraude, la préemption est écartée parce que le preneur ne peut pas (( offrir au bailleur les droits sociaux que celui-ci désire acquérir ».
Il s'~gissait en l'espèce de l'apport d'un domaine qui était exploité en fermage.
En Belgique, la loi du 1er février 1963 complète l'article 1778 par 1778bis à octies. Elle accorde le droit de préemption uniquement «en cas de ve_nte ».
Varticle 1778bis est très précis à cet égard : << · En cas de vente... le preneur jouit du droit de préemption suivant les règles ci-après déterminées )). La loi dit << vente>> et non << aliénation>> quelconque, tel l'apport en société ou l'échange. ***
Le droit de préemption est toujours inexistant lorsque le bien loué est un terrain à bâtir ou à destination industrielle répondant aux conditions prévues par l'article 1774, paragraphe 3, tertio.
Cette exclusion est expressément formulée par l'article 1778sexies, 8°.
Arthur DE MEULDER.
OBSERVATION. - On lira avec fruit l'arrêt de cassation du 4 novembre 1966, publié ci-après,
p. 117.
JURISPRUDENCE Cour européenne de.s droits
de l'homme, 9 février 1967. Prés. : M. R. CASSIN. Juges : MM. A. HoLMBACK, A. VERDROss, G. MA.RI
DAKIS, E. RoDENBOURG, A. Ross, T. 'WoLD, G. BALLADORE PALLIER!, H. MosLER, M. ZEKIA, A. FAVRE, Sir Humphrey W ALDOCK, S. BILGE, G. WIARDA.
Juge ad !wc : M. A. MAsT. Greffier : M. H. GoLSONG.
(Affaire relative à certains aspects du regzme linguistique de l'enseignement en Belgique.)
I. COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME.- Litige ayant trait à l'interprétation et à l'application de la Convention de sauvegarde. - Griefs déclarés recevables par la Commission. - Rapport de la Commission, faisant apparaître la nécessité « in specie » d'une interprétation de la Convention. -COMPETENCE DE LA COUR. - Moyen tiré de l'absence de rapport entre les griefs et la
Conv,ention.- REJET.- II. CONVENTION DE SAUVEGARDE ET PROTOCOLE ADDITIONNEL. - Objet : fixer des normes internationales à respecter par les Etats Contractants sur leurs rapports avec les personnes placées sous leur juridiction, en des matières qui r,elèvent normalement de l'ordre juridique interne. - Moyen tiré de la notion de domaine réservé. - REJET.
1. La Cour européenne des droits de l'homme est compétente « ratione materiae >> lorsque l'affaire qui lui est déférée a trait à une question d'interprétation ou d'application de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 45 de la Convention).
Il en est ainsi, notamment, lorsque les requérants font grief à l'Etat mis en cause d'avoir méconnu des droits qu'ils puise-
113
raient dans les articles 8 et 14 de la Convention, ainsi que dans l'article 2 du Protocole additionnel, et que la Commission a, daru; l'exercice de sa compétence propre, déclaré ces griefs recevables et présenté un rapport qui fait apparaître à l'évidence la nécessité d'une interprétation des dispositions dont la violation est alléguée. -
Les problèmes ainsi posés relèvent du fond; doit dès lors être rejetée l'exception préliminaire d'incompétence tirée, par l'Etat mis en cause, de l'absence complète de rapport entre les griefs des requérants et le texte de la Convention, ainsi que du Protocole additionnel.
II. La Convention et le Protocole additionnel, portant sur des matières qui relèvent n{Jrmalement de l'ordre juridique interne des Etats Contractants, sont des instruments internationaux ayant essentiellement pour objet de fixer certaines normes internationales à respecter par ces Etats dans leurs rapports avec les personnes placées sous leur juridiction (article 16
" de la Convention). Valablement saisie d'une affaire ayant
trait à l'interprétation et à l'application de ces instruments, la Cour européenne des droits de l'homme ne saurait dès lors reconnaître au moyen tiré de la notion de domaine réservé le caractère d'une exception préliminaire d'incompétence.
Procédure.
1. Par une demande datée du 25 juin 1965, la .Commission européenne des Droits de l'Homme (d-après dénommée <<la Commission») a porté devant la Cour une affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l'enseignement en Belgique (article 31, § 2, du Règlement).
A l'origine de cette affaire figurent six requêtes introduites devant la Commission, en vertu de l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée <<la Convention»), et dirigées contre le Royaume de Belgique. Lesdites requêtes, dont la plus ancienne remonte au 16 juin 1962 et la plus récente au 28 janvier 1964, ·émanaient d'habitants d'Alsemberg et de Beersel, de Kraainem, d'Anvers et environs, de Gand et environs, de Louvain et environs ainsi que de Vilvorde.
La demande de la Commission, à laquelle se trouvait joint le rapport prévu à l'artiole 31 de la Convention, a été déposée au Greffe de la Cour dans le délai de trois mois institué par les articles 32, § 1er, et 4 7. La Commission s'y référait, d'une part, alix pouvoirs que .lui attribuent les articles 44 et 48, a), et, d'autre part, à la déclaration par laquelle le Gouvernement belge a reconnu, le 8 juin 1960, la juridiction obligatoire de la Cour (article 46).
2. Le Gouvernement belge, auquel le Greffier avait transmis la demande dès le 25 juin 1965, a fait savoir, le 22 juillet 1965, qu'iJ désirait comparaître comme Partie au procès (article 21, § 2, ancien, du Règlement).
3. Le Vice-Président H. Rolin, juge élu de nationalité belge, était appelé à siéger d'office dans la Chambre à constituer pour l'examen de l'affaire (article 43 de la Convention). Par une lettre du 5 juiHet 1965, il a cependant déclaré se récuser par le motif qu'il avait personne!llement pris part, en qualité de sénateur, à l'élaboration des lois litigieuses (arti-
- _- -~
114
cie 24, § 2, du Règlement). Le 1er septembre 1965, le Gouvernement belge a nommé Juge ad hoc M. A. Mast, conseiller au Conseil d'Etat de Belgique et professeur extraordinaire à l'Université de Gand (article 43 de la Convention; article 23, § 1er, du RègleJ;IIent).
Le 14 septembre 1965, le Président de la Cour a tiré au sort le nom des six autres membres de la Chambre ainsi que de trois suppléants (article 43 de la Convention; article 2.1, § 5, du Règlement).
4. Le Président de la Chambre a recueilli, l·e 29 septembre 1965, l'opinion de l'Agent du Gouvernement belge, ainsi que celle des Délégués de la Commission, au sujet de la procédure à suivre. Par une ordonnance du même jour, H a décidé que la Commission pourrait présenter un premier mémoire dans un délai devant expirer le 31 décembre 19,65 et que le Gouvernement belge disposerait, pour son mémoire en réponse, de six semaines ou de trois mois, selon qu'il envisagerait ou non d'invoquer des exceptions préliminaires (article 35, § ter, du Règlement).
5. Le premier mémoire de la Commission, dans 1lequel il était notamment fait état de certaines observations des requérants (artide 76 du Règlement intérieur de la Commission), est parvenu au Greffe le 17 décembre 1965. En le transmettant à l'Agent du Gouvernement belge, le Greffier a précisé, sur les directives du Président de la Chambre, que le délai accordé audit Gouvernement ne commencerait à courir que le 3 janvier 1966.
6. Par une lettre du 20 janvier 1966, le Gouvernement belge a prié la Chambre de se dessaisir au profit de la Cour p1iénière. II a fait valoir, en effet, que l'arrêt à rendre par la Gour << pourrait provoquer en Belgique des remous politiques extrêmement violents q:ui, à leur tour, · pourrai·ent exercer une influence considérable sur la structure de l'Etat belge». Il a ajouté que la Cour aurait à se prononcer sur le point de savoir «si les requérants (n'avaient) pas tenté de soumettre aux juridictions européennes des Droits de l'Homme des questions (appartenant) au domaine réservé» des Etats Contractants. Il a souligné enfin « que, dans son rapport, la majorité de la Commission (avait) donné à ·l'article 14 de la Convention une interprétation très précise qui, toutefois, d'après certaines opinions dissidentes consignées dans ce rapport (allait) dans un sens opposé à celui de plusieurs décisions antérieures de la Commission». Le Gouvernement belge en a déduit que l'affaire soulevait «des questions graves (touchant à) l'interprétation de .la Convention», ce qui justifiait l'application de l'article 48 du Règlement. Il a demandé en outre, vu «la complexité de l'affaire», la prorogation du délai dont il disposait « pour introduire une ou plusieurs exceptions préliminaires», précisant qu'il avait besoin « d'au moins ·quatre mois» et qu'un délai expirant le 31 mai lui «serait agréable». ·
Consultés à ce sujet par le Président de la Chambre, les Délégués de la Commission ont répondu en substance, dans une lettre du 2 février 1966 :
qu'ils n'avaient <<rien à objecter», « eu égard au caractère particulier de l'affaire», à la «suggestion» tendant au dessaisissement de la Chambre, suggestion sur laquelle il incomberait à la Chambre, et à elle seule, de statuer; -qu'ils s'en rapportaient à la décision du Président ou de la Chambre quant
au délai supplémentaire demandé par le Gouvernement belge;
- qu'ils ne pouvaient se prononcer sur l'exception préliminaire envisagée par le Gouvernement «aussi longtemps que la thèse (de ce dernier), plus amplement développée (n'aurait pas) été portée à leur connaissance», d'autant qu'il ·leur paraissait s'agir d'une exception «entièrement nouvelle», «le Gouvernement belge n'ayant jamais contesté la compétence de la Commission, mais uniquement la recevabilité des requêtes ( ... ) ».
7. Par une ordonnance du 3 février 1966, le Président a prorogé le délai susmentionné jusqu'au 25 avril, date à laquelle le premier mémoire du Gouvernement belg·e est parvenu au Greffe. Ledit ·mémoire contenait une exception préHminaire ayant «pour but d'empêcher l'examen du fond du litige par la Cour» (article 46 du Règlement).
8. La Chambre a délibéré à Strasbourg les 2 et .3 mai 1966. EHe a décidé le 3 mai, en vertu de l'article 48 du Règlement,« de se dessaisir, avec effet immédiat, au profit de la Cour plénière>>, parle motif<< que l'affaire p·endante devant eHe (soulevait) un ensemble de questions graves (touchant) à l'interprétation de la Convention, notamment de ses articles 45, 8 et 14 .. et de l'artiCile 2 du Protocole additionnel».
La Cour plénière a tenu, immédiatement après, une brève séance consacrée à un échange de vues sur la suite de la procédure. II a été constaté à cette occasion d'un commun accord, que M. ·C. Maguire, élu Juge le 27 septembre 1965, ne pourrait participer à l'examen de l'affaire, étant donné qu'il avait déjà connu de celle-ci en qualité de membre de la Commission (article 24, § 2, du Règlement).
9. Après avoir recueHli l'opinion de l'Agent du Gouvernement belge ainsi que celle des Délégués de la Commission, le Président de la Gour a décidé, le 4 mai, que la ·Commission disposerait, pour présenter un second mémoire, d'un délai devant expirer le 15 juillet 1966 et que le Gouvernement aurait la faculté de· répondre par écrit à ce mémoire dans les deux mois (articles 35 et 48, § 3, combinés, du Règlement).
10. Le second mémoire de la Commission (dans lequel il était notamment fait état de certaines observations des requérants) est parvenu au Greffe le 15 juillet 1966, celui du Gouvernement belge ·le 12 septembre.
Le 2ü septembre, les Délégués de la Commission ont fait savoir au Greffier qu'ils ne demanderaient pas l'autorisation de déposer un nouveau mémoire, tout en se réservant le droit de formuler leurs observations dans la phase orale de la procédure.
11. Considérant que l'affaire était en état quant à l'exception préliminaire soulevée par le Gouvernement belge, le Président de la Cour, après avoir consulté l'Agent du Gouvernement belge et les Délégués de la Commission, a rendu, le 23 septembre 196·6, une ordonnance fixant au lundi 21 novembre la date d'ouverture de la procédure orale relative à ladite exception (articles 28, 36 et 48, § 3, du Règlement).
12. :L'audience publique concernant l'exception préliminaire s'est tenue à Strasbourg, au Palais des Droits de l'Homme, du 21 au 23 novembre 19-66. Ont comparu devant la Cour:
- pour la Commission (article 29, § ter, du Règlement) : ~ G. Janssen-Pevtschin, M. M. S:6-rensen et M. F. Welter, Délégués;
- pour le Gouvernement belge, Partie (article 28 du Règlement) : M. A. Gomrée, Magistrat délégué au Ministère d~ ·la Justice de Belgique, Agent, assisté de M" A. Bayart, Avocat à_la_Cour de Cassation de Belgique, et M. P. Guggenheim, Professeur à l'Uni· versité de Genève, Conseils.
La Cour a entendu en Jeurs déclarations et conclusions : - pour la Commission : MM. F. Welter
et M. S:arensen; - pour le Gouvernement belge : M" A.
Bayart et M. P. Guggenheim.
Le 23 novembre, le Président a prononcé 1la clôture des débats consacrés à l'ex·ception préliminaire.
13. La Cour a délibéré eh chambre du conseil les 23 et 24 novembre 1966, puis les 31 jan vier et 1er février 196 7' après quoi elle a rendu le présent arrêt.
En fait: 1. ;La demande de la Commission a
pour objet de soumettre l'affaire à la Cour afin que celle-ci puisse décider si certaines dispositions de la législation linguistique belge en matière d'enseignement répondent ou non aux exigences des artides 8 et 14 de la Convention ainsi que de l'article 2 du Protocole additionnel.
La Commision a consigné ses conclusions provisoires sur le fonq du litige au paragraphe 33 de son p.remier mémoire.
2. Les requérants, pères et mères. de famille de nationalité belge, ont saisi la Commission tant pour leur compte personnel que pour celui de leurs enfants mineurs dont le nombre dépasse huit cents. Soulignant qu'ils sont francophones ou qu'ils s'expriment le plus fréquemment en français, ils désirent que leurs enfants soient instruits dans cette langue.
Alsemberg, Beersel, Anvers, Gand, Louvain et Vi!lvorde, où habitent les signataires de cinq des six requêtes (N°11 1474/62, 1691/62, 1769/63, 1994/63 et 2'126/64), appartiennent à la région considérée par la loi comme «de langue néerlandaise» tandis que Kraainem (requête No 1677 /62) relève, depuis 1963, d'un « arrondissement administratif distinct'> doté . d'un «statut propre». La population de ces diverses communes comprend une proportion variable, et parfois considérable, de francophones.
3. Quoique différant les unes des autres sur une série de points, les six requêtes se ressemblent à beaucoup d'égards. Aux fins de cet arrêt, il suffit de constater qu'elles reprochent à l'Etat belge, en substance: - de n'organiser aucun enseignement en
langue française dans les communes où résident les requérants ou, en ce qui concerne Kraainem, de n'en organiser un que dans une mesure qu'ils jugent insuffisante;
- de priver de subventions les établissements qui, dans les mêmes communes, ne se conformeraient pas aux clauses linguistiques de la législation scolaire; de refuser d'homologuer les certificats d'études délivrés par de tels établissements; de fermer aux enfants des requérants l'accès aux classes françaises existant en certains endroits;
d'obliger ainsi les requérants soit à placer leurs enfants dans une école locale, solution qu'ils estiment contraire à leurs aspirations, soit à les envoyer faire leurs études dans l'« arrondissement de Bruxel·les-:Gapita,le », où la langue de 'l'enseignement est le néerlandais ou le français, selon la langue maternelle ou usuelle de l'enfant, ou dans la « région de langue française » (Wallonie). Or, pareille «émigration scolaire» entraînerait de graves risques et inconvénients.
Les requêtes ont essentiellement pour objet de dénoncer la violation de certains articles de la Convention et de son Protocole additionnel en la personne des requérants et de leurs enfants, du fait de l'application à leur égard de diverses dispositions de la ~oi du 14 juiHet 1932 «concernant le régime linguistique de l'enseignement primaire et de l'enseignernent moyen», de la loi du 15 juHlet 1932 <<sur la collation des grades académiques», des lois des 27 juillet 1955 et 29 mai 1959, de la loi du 3.0 juillet 1963 « concernant le régime linguistique de l'enseignement» et de la loi du 2 août 1963 «sur l'emploi des langues en matière administrative». Les lois des 14 et 15 juillet 1932 ont été abrogées par celle du 30 juillet 1963, mais elles étaient en vigueur à l'époque où les requérants d'Alsemberg, de Beersel, de Kraainem, d'Anvers et de Gand ont saisi la Commission, et ces requérants continuent à ·les incriminer tout en s'attaquant aussi à la législation actuelle
4. Devant la Commission, les. requérants ont dénoncé la violation des articles 8, 9, 10 et 14 de la Convention ainsi que l'article 2 du Protocole additionnel.
Le Gouvernement belge a fait valoir, pour sa part, que les dispositions légales litigieuses respectent ou respectaient entièrement ces articles et, en conséquence, a demandé à la Commission de déC'larer les requêtes irrecevables pour défaut ma.;. nifeste de fondement (article 27, § 2, de la Convention).
La Commission a effectivement rejeté, pour ce motif, les griefs que les requérants (sauf ceux de Vilvorde) tiraient des artic:les 9 et 10 de la Convention; en revanche, elle a jugé recevables les six requêtes pour autant qu'eUes alléguaient la violation des articles 8 et 14 de la Convention et de l'article 2 du Protocole. Les décisions qu'elle a rendues à ce sujet s'échelonnent entre le 26 juillet 1963 et le 29 juin 1964. ·
5. La Commission ayant prononcé la jonction des six· requêtes, une Sous-'Gommission unique a établi les faits au moyen d'un examen contradictoire des requêtes et a recherché un règlement amiable entre les parties (articles 28 et 2.9 de la Convention).
Cette dernière tentative n'a pas abouti, de sorte que la Commission plénière a rédigé le rapport prévu à l'artiole 31 de la Convention. Adopté le 24 juin· 1965, ce rapport a été transmis le lendemain au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe .. Le même jour, la Commission a porté l'affaire devant la Cour en vertu de l'article 48, a), de la Convention.
6. Résumant, au paragraphe 6 de son premier mémoire, l'avis qu'elle a exprimé dans son rapport, la Commission a rappelé qu'elle estime : « - par 9 voix contre 3, que la législa
tion litigieuse n'enfreint pas la première phrase de l'article 2 du Protocole additionnel, considérée isolément;
» - à l'unanimité, que ladite législation respecte, la seconde phrase de cet article, considérée isolément ou en combinaison avec 1'article 14 de la Convention;
» - par 10 voix contre 2, qu'elle (la législation) ne méconnaît pas davantage l'article 8 de la Convention, considéré isolément ou en combinaison avec :J'article 14, dans le cas des requérants;
'> - par 9 voix contre. 3, que le régime général de l'enseignement dans les zones légalement unilingues ne viole pas la première phrase de l'article 2 du Protocole additionnel, combinée avec l'article 14 de la Convention;
» - par 11 voix contre 1, qu'il en va de même du «statut propre» dont l'artiole 7 de la loi du 2 août 1963 dote six communes bilingues de la périphérie de Bruxelles y compris Kraainem;
» ____, par 7 voix contre 5, que les lois de 1963 sont incompatibles avec la première phrase de l'article 2 du Protocole additionnel, combinée avec l'article 14 de la Convention, dans la mesure où elles ont pour effet le retrait total des subventions aux écoles provinciales, communales ou privées qui entretiendraient, à titre de classes non subsidiées et à côté de l'enseignement donné dans la langue que ·prescrivent les lois linguistiques, un enseignement complet ou partiel en une autre langue;
» - à l'unanimité, que les conditions auxquelles obéit, pour les enfants dont les parents résident en dehors de l'arrondissement de BruxellesCapitale, l'inscription dans les écoles de cet arrondissement (article 17 de la loi du 30 juilllet 1963), n'enfreignent pas, dans le cas des requ~ rants, la première phrase de l'article 2 du Protocole additionnel, combinée avec l'article 14 de la Convention;
» - que les lois de 1963 ne répondent pas aux exigences de la première phrase de l'artiole 2 du Protocole additionnel, combinée avec l'article 14 de la Convention, pour autant qu'elles empêchent certains enfants, sur le seul fondement de la résidence de leurs parents, d'accéder aux écoles de langue française existant à Louvain (8 voix contre 4) et dans les six communes susmentionnées de la périphérie de Bruxe11es (7 voix contre 5); .
>> - par 8 voix co_ntre 4, que la législa-tion incriminée par les requêtes ne satisfait pas non plus à ces exigences en ce qu'elle entraîne, depuis 19132, le refus d'homologuer les certificats sanctionnant des études secondaires non conformes aux prescriptions linguistiques·».
Au total, sur les douze membres de la Commission qui ont participé à l'adoption du. rapport, trois n'ont aperçu aucun manquement de la Belgique à ses obligations. La majorité, cependant, a discerné pareil manquement sur trois .points; elle en a constaté l'absence pour' 1le surp~us. L'importance de la majorité et sa composition ont varié sensiblement d'une question à l'autre; elle s'est divisée en outre, à certains égards, en deux ou plusieurs tendances. Aussi le rapport contient-il une série d'opinions individuelles, tantôt concordantes tantôt dissidentes.
115
7 .. Dans son premier mémoire,. la Commission a souligné qu'elle avait été unanime à décider de saisir la Cour. Exposant les motifs qui l'ont déterminée à prendre cette initiative, elle a spécialement insisté sur l'importance et la complexité juridiques, ainsi que sur l'intérêt humain et social de la pré sen te affaire.
8. Au cours de 'la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été formulées au sujet de l'exception préliminaire soulevée par le Gouvernement belge :
par le Gouvernement belge, dans son premier mémoire : « 1. La Convention européenne pour la sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et son Protocole additionnel assurent la jouissance des droits et' libertés énoncés explicitement dans les articles 2 à 13 de la Convention et dans les articles 1er à 3 du Protocole additionnel.
» 2. La notion de « minorité nationale» au sens- de l'article 14 de la Convention peut profiter aux membres d'un groupe social déterminé à l'occasion d'une violation d'un droit ou d'une liberté assurés par la Convention ou son Protocole additionnèl. » 3. En l'espèce, une teLle protection conventionnelle n'existe cependant pas, parce que : » a) le droit à être instruit dans sa
propre langue ne se trouve pas dans le catalogue des droits et libertés consacrés par la Convention et son Protocole additionnel; à fortiori n'est pas assuré le droit de voir subventionner l'enseignement dans sa propre langue ou de voir cet enseignement donner accès. à toutes les professions,
» b) subsidiairement, les « requérants» n'appartiennent pas à une « minorité nationale » teHe que cette notion est comprise à l'article 14 de la Convention,
» c) en conséquence, la Gour n'a pas la compétence ratione materiae pour examiner le fond du litige qui lui est soumis.
» Plaise à la Cour » a) de donner suite à l'exception
préliminaire du Gouvernement belge et de débouter l'action judiciaire intentée contre ce Gou-. vernement;
» b) subsidiairement : de joindre l'exception préliminaire au fond»;
- par la Commission, dans son second mémoire: « La Commission :invite la Cour à re
jeter l'exception soulevée par le ,Gouvernement belge»;
- par le Gouvernement belge, dans son second mémoire : «Le Gouvernement be·lge confirme les
conclusions qu'il a prises à la fin de son premier mémoire et il se réserve en outre· le droit de les compléter et de les modifier dans la procédure ultérieure».
9. A !J'audience du 21 novembre 1966 ont été présentées les conclusions suivantes:
- par la Commission : «(La Commission) demande ( ... ) à la
Cour de rejeter .J'exception préliminaire».
116
- par le Gouvernement belge : <<L'exception 'préliminaire du Gouver
nement belge doit être admise et les plaintes des requérants rejetées. Ce n'est que d'une manière subsidiaire que le Gouvernement belge conclut à la jonction au fond de son exception préliminaire. Le Gouvernement belge se réserve le droit de comp,léter et de modifier ses conclusions au cours de cette procédure».
A l'audience du 22 novembre 1966, la Commission a formulé 1la conclusion reproduite ci-dessous :
«La Commission maintient ( ... ) sa demande que la Cour rejette, d'ores et déjà, l'exception préliminaire soulevée par le Gouvernement ~elge.
» En ce qui concerne la conchision subsidiaire du Gouvernement belge, tendant à la jonction de l'exception au fond, nous ne désirons pas exprimer une opinion. Nous nous référons à cet égard à la sagesse de la Cour».
A l'audience du 23 novembre 1966, le Gouvernement belge a demandé à Ja Cour, par voie de conCJlusions finales,
« - d'admettre son exception préliminaire et
l> - subsidiairement, de la joindre au fond~.
La Commission a précisé de son côté, avant la clôture des débats, qu'elle maintenait «intégralement (sa) conclusion». En droit:
Arguments respectifs du Gouvernement belge et de la Commission.
1. Considérant que le Gouvernement belge a soulevé, dans son premier mémoire, une exception préliminaire qui << a pour but d'empêcher l'examen du fond du litige par la Cour»; qu'H ~'a pas estimé devoir la « définir d'une manière abstraite »; qu'il ressort néanmoins de ses deux mémoires, ainsi que des débats oraux, qu' « elle se ramène à une exception d'incompétence ratione materiae de la Cour»; que, dans ses conclusions finales prises à l'audience du 23 novembre 1966, le Gouvernement belge a demandé à la Cour, à titre principal, d'admettre ladite exception et, en ordre strictement subsidiaire, de la joindre au fond;,
Considérant que le Gouvernement belge a fait valoir que l'incompétence de la Cour découle, essentiellement, de l'absence complète de rapport entre les griefs des requérants et le texte de la Convention et du Protocole additionnel; qu'il lui paraît nécessaire de distinguer avec soin entre le probJème de .J'applicabilité de ces deux instruments, qui, tout en pouvant amener la Cour à effleurer le fond, revêt un caractère préliminaire, et celui de leur application, dont l'examen approfondi appartient à la phase de la procédure consacrée au fond de l'affaire;
Qu'au sujet de I'inapplicabilité alléguée de la Convention et du Protocole, le Gouvernement belge· a fait observer que les requérants reprochent à l'Etat de ne pas leur accorder certaines prestations et se plaignent, notamment, de ce que l'enseignement francophone en pays flamand se voit refuser tout subside et l'homologation des diplômes qu'il délivre; que de tels griefs sortent entièrement du cadre de la Convention et du Protocole additionnel; qu'en effet, les libertés individuel,les impliquent pour les pouvoirs publics des devoirs purement négatifs (statut négatif, status libertatis); que, spécialement, Convention et Protocole ne créent en généraiJ. que des obligations de non-ingérence et
d'abstention à la charge des Etats contractants et au profit des personnes placées sous leurs juridictions respectives; qu'en particulier, l'article 2 du Protocole (première et deuxième phrases) et l'article 8 de la Convention, dont se réCilament les requérants, donnent naissance à de simples obligations de ne pas faire; que' cette interprétation, seule compatible, aux yeux du Gouvernement, avec le libellé des deux dispositions dont il s'agit, est corroborée par les travaux préparatoires;
Que le Gouvernement belge a ajouté que l'on ne saurait déduire de l'article 8 de la Convention, qui entend préserver la vie familiale, des droits en matière d'enseignement, ces droits se trouvant régis par l'article 7. du Protocole, . et que la deuxième phrase de cette dernière disposition protège uniquement les « convictions religieuses ou philosophiques » des parents et non leurs préférences ou opinions culturelles ou linguistiques;
Que le Gouvernement belge a fait valoir en outre que l'article 14 de la Convention, également invoqué par les ·requérants, n'a pas la portée que la ·Commission lui a prêtée dans son avis; qu'en effet,, cet article ne figure pas dans le catalogue des droits et libertés énumérés au Titre 1er de la Convention (articles 2 à 13) et dans les trois premiers articles du Protocole additionnel, mais se borne à prohiber' toute discrimination dans la jouissance de ces droits et libertés; qu'il ne constitue dès lors, ni séparément ni en combinaison avec d'autres articles de la Convention ou du Protocole, la source de droits non consacrés par ces deux instruments; qu'il ne transforme pas non plus, ce qui reviendrait au même, les obligations négatives découlant de ceuxci en devoirs de prestation; qu'il a pour rôle de déterminer de manière précise le champ d'application ratione materiae des droits et libertés garantis; que la méconnaissance de l'article 14 ne se concoit donc pas sans la violation simultanée d'un article protégeant un droit ou une liberté, du moins si cet article n'impose aux Etats contractants, comme en l'espèce, que des obligations négatives;
Qu'il en résulte, d'après le Gouvernement belge, que les griefs déférés à la Cour ne sont point couverts par la Convention et le Protocole additionnel, mais font partie du domaine réservé à l'ordre juridique belge; que la législation linguistique et scolaire se confond largement avec la structure politique et sociale de l'Etat, qui relève par excellence de ce domaine; que la eonvention, en tant que déclaration de droits, ne concerne pas l'organisation des pouvoirs publics; que le Conseil d'Etat et le Parlement belges l'ont bien entendu ainsi à l'époque où il s'est agi de la ratifier; que le fait que la réglementation linguistique est de la compétence exclusive des Etats se retrouve dans les autres Etats européens, et par exemple en Suisse; qu'il existe par conséquent, en l'occurrence, une limitation inhérente à l'exercice de la juridiction de la -Gour, limitation si évidente qu'elle ne dépend ni d'une clause expresse de la Convention, ni d'une réserve émise en vertu de l'article 64;
Que pour toutes ces raisons, et compte tenu de la jurisprudence de la Cour Permanente de Justice Internationale et de la ·Cour Internationale de Justice, le Gouvernement belge soutient que la Cour européenne n'a pas compétence pour trancher le fond de la présente affaire; qu'avant de pouvoir rechercher, le cas échéant, si l'Etat belge a rempli ou non ses
engagements, il est logiquement nécessaire pour elle de statuer d'abord sur le problème de l'applicabilité de la eonvention et du Protocole additionnel; que ce problème conserverait d'ailleurs un caractère préliminaire même si la Cour n'arrivait pas avec certitude à affirmer son incompétence; qu'en l'examinant, la Cour peut être amenée à effleurer le fond; qu'elle ne saurait se contenter du système de la conc1usion provisoire, adopté par la Cour Permanente de Justice Internationale dans le contexte très particulier de l'avis N° 4 sur les décrets de nationalité (Série B, No 4, p. 2·6; qu'elle doit plutôt utiliser, au besoin, la méthode suivie par ladite .cour ·dans son arrêt du 30 août 1924 et consistant à vérifier, avant de statuer sur le fond, que le différend tombe sous l'application des clauses conventionnelles invoquées (affaire Mavrommatis, Série A, No 2, p. 16); que l'emploi de ·cette méthode se pustifie par le principe de l'économie de la procédure, par l'ordre logique dans le·quel se posent les différentes questions et ·par le fait que la Cour européenne, comme la Cour mondiale, ne possède qu'une juridiction d'attribution dérivant du seul consentement des Etats;
Que le Gouvernement belge estime avoir défendu une thèse semblable devant la Commission; qu'il rappelle en effet avoir invité celle-ci à repousser les requêtes pour ·défaut manifeste de fondement (articles 27, § 2 de la Convention) ; qu'à l'appui de ce moyen d'irrecevabilité, il avait développé des arguments voisins de ceux sur lesquels repose l'exception d'incompétence dont il a saisi ultérieurement la Cour; qu'il ne lui était du reste pas loisible de contester la compétence de la Commission, s'agissant d'un organe dépourvu de caractère juridictionnel;
2. Considérant que la Commission a demandé à la Cour de rejeter l'exception préliminaire; qu'elle a souligné qu'elle a été instituée, avec la ·Cour, pour veiller au respect des engagements résultant de la Convention pour les Etats contractants (article 19; qu'elle a soutenu que d'après l'économie de la .Convention, une exception d'incompétence ratione materiae doit normalement être soulevée devant la Commission, au stade de l'examen de la recevabilité de la requête; qu'en l'espèce, le Gouvernement belge n'a formulé aucune exception de cette nature auprès de la Commission; que sans en tirer un argument juridique de forclusion ou de prorogation de compétence, la Commission estime que la Cour, une fois saisie par elle, n'a besoin que d'un examen sommaire pour vérifier que les griefs déclarés recevables par la .Commission concernent l'interprétation ou l'application . de la Convention, au sens de l'article 4'5; que pour s'assurer de sa compétence, la Cour n'a point à apprécier l'avis exprimé par la •Commission sur le bien-fondé de ces griefs; que les vues respectives de la Commission et du Gouvernement belge divergent en l'occurrence quant à l'interprétation .et à l'application de la Convention, et notamment de son article 14; que cela ressort nettement tant du rapport de la Commission que des arguments énoncés de part et d'autre devant la Cour tout au long de la procédure écrite et orale; que la Cour est donc compétente aux termes de l'article 45;
Qu'aux yeux de la Commission, dès qu'une affaire a trait, comme dans le cas présent, à l'interprétation ou à l'application de la •Convention, la notion de domaine réservé ne trouve en principe pas
de place dans le système de contrôle créé par la Convention; qu'une exception à ce principe ne se conçoit que si et dans la mesure où un Etat contractant a valablement exercé la faculté offerte par l'article 64, faculté dont l'Etat belge n'a point usé;
Qu'au surplus, les dispositions et la pratique relatives à la compétence d'autres juridictions internationales ne sauraient régir intégralement, de l'avis de la Commission, une procédure engagée devant la Cour européenne en vertu des clauses spécifiques de la Convention;
3. Sur ce, la Cour : Considérant que l'arti~le 49 de la Con
vention dispose qu' << en cas de contestation ·sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide »; que la Cour, appelée en l'espèce, dans les condL tions prévues à l'article 4·6 du Règlement, à apprécier sa compétence ratione materiae,. doit se reporter au texte de la Convention, et au premier chef aux articles 19 et 45; que l'article 19 la charge d'assurer, avec· la Commission, le respect des engagements résultant de la Convention pour les Etats Contractants; que l'article 45 précise, de con côté, que << la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires concernant l'interprétation et l'application de la présente Convention que les Hautes ~Parties 'Contractantes ou la Commission lui soumettront, dans les conditions prévues à l'article 48 »;
Qu'il découle des termes exprès de l'article 45 que la base de la compétence ratione materiae de la Cour est établie lorsque l'affaire dont il s'agit a trait à une question d'interprétation ou d'application de la Convention; et que, par suite, la Cour pourrait décliner sa compétence que si les griefs des requérants étaient évidemment étrangers aux dispositions de la Convention et du Protocole additionnel;
Qu'en l'espèce, le Gouvernement belge, dans ses conclusions finales, a saisi la Cour d'une exception unique l'invitant à rejeter d'emblée l'ensemble de la demande de la Commission sans distinguer entre les différentes requêtes qui sont à la base de cette demande ni entre les divers griefs des requérants; que la Cour ne peut que constater que tous ces griefs soulèvent des questions concernant l'interprétation et l'application de la Convention; que, pour statuer sur ces questions, elle devrait rechercher si les requérants sont titulaires des droits qu'ils prétendent puiser dans les articles 8 et 14 de la Convention, ainsi que dans l'article 2 du Protocole additionnel, et si ces dispositions font naître, à la charge de l'Etat belge, les obligations dont les requérants allèguent la violation; que ce serait là non seulement toucher au fond, mais prendre position à l'égard de l'un de ses éléments essentiels, c'est-à-dire à l'égard de questions d'interprétation et d'application indissociables du fond (cf. Cour Permanente de Justice Internationale, Compagnie d'Electricité de Sofia et de Bulgarie, arrêt du 4 avril 1939, Série A/B, N° 77, p. 83);
Que, d'autre part, la Commission, après avoir déclaré recevables, dans l'exercice de la compétence à elle attribuée par l'article 27 de la Convention, les griefs actuellement soumris à ·la Cour, a tenu des débats et présenté un rapport d'où ressort à l'évidence la nécessité d'une interprétation de la Convention; qu'en outre, la Commission, et plus encore le Gouver-
nement belge, ont développé devant la Cour des arguments qui s'appuient avant tout sur l'interprétation qu'ils ont donnée aux trois articles invoqués par les requérants; qu'il en est ainsi, notamment, de la thèse du Gouvernement belge sur l'inapplicabilité de ces articles; que le Gouvernement a souligné lui-même, en ce qui concerne l'article 14 de la Convention, que l'introduction de son exception préliminaire a pour but << de faire trancher par la Cour (la) différence d'interprétation qui le sépare de la Commission » (second mémoire, § 1-4); que les problèmes posés au stade actuel de 1la procédure relèvent par conséquent du fond et, partant, ne peuvent être résolus par un examen préliminaire; qu'il s'ensuit que la compétence ratione materiae de la Cour est établie avec une telle évidence qu'elle doit être affirmée d'ores et déjà;
Considérant, au surplus, que le recours à la notion du domaine réservé, avancée par le Gouvernement belge comme un autre aspect de 'la même exception préli:.. minaire d'incompétence (second mémoire, §§ 1-5 et 11-2), concerne également le fond et ne peut donc conduire à un résultat différent; qu'en faisant appel à cette notion le Gouvernement belge tend, en effet, à démontrer l'absence, en l'espèce, de tout élément de droit conventionnel; que la Cour ne peut suivre ce raisonnement; que la Convention et le Protocole additionnel, portant . sur des matières qui relèvent normalement de l'ordre juridique interne des Etats Contractants, sont des instruments internationaux ayant essentiellement pour objet de fixer certaines normes internationales à respecter par les Etats Contractants dans leurs rapports avec les personnes p 1lacées sous ·leur juridiction· (article 1er de la Convention); que la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires concernant l'interprétation et l'application de ces mêmes· instruments (article 45 de la Convention); que la présente affaire a trait, ainsi qu'il a déjà été exposé plus haut, à l'interprétation et à l'application desdits instruments; que la Cour ne peut donc reconnaître en l'occurrence au moyen tiré de la notion de domaine réservé le caractère d'une exception préliminaire d'incompétence;
Consiljérant qu'en arrivant à cette décision drordre procédural, qui écarte également Ht conclusion subsidiaire du Gouvernement belge tendant à faire joindre l'ex•ception au fond, la 'Cour ne préjuge en aucune maniere le fond du litige; que le Gouvernement belge demeure libre de reprendre et développer au fond ses arguments sur la portée des· droits et libertés consacrés par la Convention et le Protocole;
Par ces motifs,
LA CouR, Rejette, à l'unanimité, les conclusions
tant principale que subsidiaire du Gouvernement belge;
Décide, à l'unanimité, de passer à l'examen du fond de l'affaire.
Ainsi rédigé en français et en anglais, le texte français faisant foi, et prononcé en français à l'audience publique du neuf février mil neuf cent soixante-sept, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg.
(N.D.L.R - Le professeur Salmon a accepté de commenter cette importante décision à l'intention de nos lecteurs. Son étude paraitra dans une de nos prochaines li v raisons) .
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Cass. (Ire ch.), 4 novembre 1966. Prés. : M. BELPAIRE, prés. ff. Rapp. : M. DELAHAYE, cons. Mm. publ. : M. DEPELCHIN, av. gén. Plaid. : MMes V AN HECKE et PHILIPS.
(Verbrugghe et cons. c. Jacobs et cons.)
BIENS RURAUX. - DROIT DE PREEMPTION. - Terrain à batir. - Terrain à destination industrielle. - Bail. - Défaut de déclaration. - Reconnaissance par le juge de paix. - Doit êtr.e antérieure à la vente.
La reconnaissance par le juge de paix, à défaut de déclaration dans le bail, du caractère de terrain à bâtir ou de terrain à destination industrielle, doit, pour que l'exception prévue à l'article 1778sexies, 8° du Code civil (loi du ter février 1963 relative au droit de préemption en faveur des preneurs de biens ruraux) trouve son application, être antérieure à la vente.
Ouï M. le conseiller Delahaye en son rapport et sur les conclusions de M. Depelchin, avocat général;
Vu le jugement attaqué, rendu en degré d'appel le 22 décembre 1964 par le tribunal de première instance de Courtrai;
Sur le moyen pris de la violation des articles 1778bis, 1778ter, 1778quinquies, 1778sexies, plus spécialement les 8° et 9°, 1778octies et 1774, plus spécialement le paragraphe 3, 3°, du Code civil,
en ce qu'ayant à statuer sur l'action que le premier défendeur avait intentée en qualité de preneur d'une parcelle de terre, vendue par la demanderesse au demandeur suivant acte reçu par le second défendeur, et qui tendait à entendre, le premier défendeur subroger, comme acquéreur au demandeur en raison de la méconnaissance du droit de préemption du preneur, compte tenu de ce qu'en conclusions les demandeurs faisaient valoir que, vu sa situation, ladite parcelle avait, le 9 juillet 1963, date de la vente, incontestablement le caractère d'un terrain à bâtir et de ce que le premier défendeur n'avait pas contesté en conclusions que, vu sa situation, la parcelle était un terrain à bâtir, mais soutenait qu'à défaut d'avoir été déclarée · telle dans le bail, la parcelle ne pouvait avoir, en vue de l'exercice du droit de préemption, ce caractère qu'à la condition qu'elle· soit reconnue telle par le juge de paix préalablement à la vente, le jugement, confirmant la décision du premier juge, reconnaît en faveur du premier défendeur,· ensuite de la méconnaissance de son droit de préemption, le droit d'être subrogé à l'acquéreur, et considère que la demande d'expertise formulée par 1e demandeur, afin de faire constater que ladite parcelle devait, · vu sa situation, être considérée à la date du 19 juillet 1963 comme terrain à bâtir est tardive et en conséquence la rejette,
alors qu'en se référant à l'article 1774, paragraphe 3, 3°, du Code civil, l'article 1778sexies, 8°, de ce Code exclut le droit de préemption du preneur sur des terrains qui, vu leur situation, doivent être considérés comme terrains à bâtir ou à destination industrielle, à la condition qu'ils soient reconnus tels par le juge de paix, disposition qui ne requiert pas que la reconnaissance par le juge de paix soit préalable à la vente, les mots «soient reconnus» indiquant précisément qu'il ne s'agit pas d'un jugement constitutif d'un droit, mais au contraire d'un juge-
~-=~~.:. ::~~;~·;2
118
ment déclaratif concernant le caractère de la parcelle au moment de la vente, et que pareil jugement, en raison de son caractère déclaratif, peut aussi intervenir après la vente, de sorte qu'en exigeant la condition supplémentaire d'une décision préalable du juge de paix, condition que la loi n'impose pas, le· jugement a, en méconnaissance de la loi, soumis des terrains à bâtir au droit de préemption :.
Attendu que le jugement constate que le terrain vendu au demandeur Verbrugghe par la demanderesse Lambert, suivant acte du 19 juillet 1963 reçu par le défendeur Devos, et qui était tenu à bail par le défendeur Jacobs, n'était pas déclaré dans le bail comme étant un terrain à bâtir ou à destination industrielle et qu'il n'avait pas davantage été reconnu tel par le juge de paix;
Attendu que la loi d:u ter février 1963 relative au droit de préemption en faveur des preneurs de biens ruraux, qui insère notamment certaines dispositions dans le Code civil à la suite de l'article 1778, érige en règle que le propriétaire ne peut vendre pareil bien à une personne autre que le preneur qu'après avoir mis celui-ci en mesure d'exercer son droit de préemption; que par l'article 1778 sexies, 8°, dudit Code, elle établit une exception à cette règle en ce qui concerne les terrains à bâtir ou à destination industrielle, mais à .la condition que ces terrains aient été déclarés tels dans lé bail ou soient reconnus tels par le juge;
Attendu que la reconnaissance par le juge dé paix, à défaut de déclaration. dans le bail, du caractère de terrain à bâtir ou de terrain à destination industrielle, . doit, pour que l'exception trouve son application, être antérieure à la vente;
Qu'il ressort, en -effet, de l'économie générale de la loi que celle-ci a pour objet d'assurer la stabilisation de la situation du preneur; que c'est pour atteindre ce but que le législateur n'a pas admis, lorsque le caractère du terrain n'est pas indiqué dans le bail, que la détermination en soit faite par le propriétaire; qu'il a entendu empêcher que le preneur apprenne à l'improviste que le bien loué a été aliéné à son insu, ce qui arriverait si la vente pouv·ait avoir lieu sans que le caractère du terrain ait été reconnu au préalable par le juge; que le preneur, dans ce cas, serait mis dans l'impossibilité d'exercer son, droit de préemption, avec la conséquence qu'il ne disposerait plus que des actions prévues à. l'article 1778quinquies du Code civil;
Attendu que cette interprétation est confirmée par les travaux préparatoires, au Sénat, de la loi du ter février 1963, au cours desquels il a été relevé notamment que lorsque le propriétaire désire vendre un terrain à bâtir << qui n'a pas été désigné préalablement comme tel dans le bail ou par le jug.e de paix, il devra en faire nqtification au fermier '>, et que le projet de loi exclut les terrains à bâtir, « mais. exige que, même dans le cas où tout doute est exclu, le caractère du terrain soit ·encore préalablement confirmé par le juge de paix '>;
Attendu que le moyen manque en droit;
Par ces motifs
LA CouR, Rejette les pourvois. ,,k'
Liège ( 3e ch.)~ 27 octobre 1966. Siég. : MM. FIÉVET, prés. ff; BIDLOT THORN et LE~
GRAND, cons. Min. publ. : M. CHARLIER, subst. proc. gén. Plaid. : MMes LIGOT et DELFOSSE.
(Etat belge, ministre des Finances c. Ets Melkior.)
SOCIETE. - Exploitation commune.- Location de choses mobilières. - Contrat. -Location de voitures sans chauffeur. - Ne constitue pas un contrat de transport. -TAXESASSIMILEES AU TIMBRE.- Article 77, 4°, du Code des taxes. -Non applicable. - Location de meubles corporels. -Article 76, 1°, du Code des taxes. - Application.
En matière commerciale, il ne peut y avoir d'exploitation commune que dans le cadre d'un contrat de société; autrement dit une exploitation commune ayant pour objet des actes de commerce ne peut être qu'une société commerciale, faute de quoi elle n'est pas une exp loi-
, talion commune, juridiquement parlant. Constitue un contrat de location de
choses mobilières la convention par laquelle une société met ses véhicules à la disposition d'une autre moyennant un prix déterminable grâce aux éléments mêmes définis dans la convention qui les lie, et ce en contre-partie directe de ces mises à disposition.
Le fait que la clientèle est celle d'une des sociétés n'est pas incompatible avec une location, par celle-ci, de véhicules à l'autre, en vue du transport dans l'intérêt de la première, de sa clientèle.
La location de voitures sans chauffeur ne constitue pas un contrat de transport, ce qui exclut l'applicabilité de l'article 77, 4° du Code des taxes assimilées au timbre.
En conséquence la taxe prévue à l'article 76, 4° du Code des taxes assimilées au timbre est due sur la facturation de la location de véhicules.
Attendu que les éléments de fait suivants ne font l'objet d'aucune contestation :
La société anonyme Melkior possède une clientèle, du personnel propre (dont des chauffeurs d'auto), et un matériel, automobiles notamment; elle supporte seule la charge des fournitures (spécialement essence et huile), des réparations et des assurances (mobilières et immobilières);
La société de personnes à responsabilité limitée ~Melkior ne possède que du personnel (chauffeurs, mécaniciens, téléphonistes) ;
La clientèle s'adresse donc, pour ses courses, à la société anonyme. Celle-ci met à la disposition du client soit un de ses chauffeurs propres, soit un chauffeur de la société de personnes à responsabilité limitée, suivant disponibilités, la recette de la prestation étant encaissée par celle des deux sociétés dont dépend le chauffeur qui l'a exécutée;
Après quoi - ceci n'étant toutefois pas ce que disent les intimées dans leurs conclusions, mais résultant des pièces versées au débat - la S.P .R.'L. ristourne - par versements bancaires ou par virements postaux - le solde de ses encaissements, déduction préalablement faite des salaires de son personnel, augmentés forfaitairement de 37 % (charges sociales et fiscales afférentes auxdits salaires) à la société anonyme;
Attendu que l'Etat estime qu'il y a ainsi location de véhicules,_ par la S.A. à la S.P .R.L., tombant dès ·lors sous le coup de l'article 76, 1° du Code des taxes assimilées au timbre;
Attendu qu'en dépit de la qualification ( « location d'autos ») employée par les factures échangées entre elles, il y a lieu de rechercher quelle est la nature, soit voulue par elles, soit juridiquement possible, de leurs relations contractuelles.
Attendu d'abord qu'il ne peut s'agir d'un prêt à usage, dont les caractères essentiels (notamment celui d'être un acte à titre gratuit) sont définis aux articles 1875 et 1876 du Code civil; qu'en effet, ainsi qu'il a été relevé ci-avant, et qu'il résulte des procès-verbaux dressés par le contrôleur principal de la taxe de transmission à Liège, Emile Mignolet, le 6 juin 1957, et par le contrôleur principal Oscar Paquay le 11 août 1961, la société de personnes à responsabilité Iimitée rémunère l'usage de voitures automobiles qui lui est ~onsenti par la société anonyme;
Attendu qu'il ne peut donc s'agir que d'une << exploitation commune~ qui, en l'occurrence (voir ci-après) ne peut se concevoir que sous les espèces d'un contrat de société ou d'une location;
Attendu que, en matière commerciale, comme c'est le cas en la présente espèce, il ne peut y avoir d'exploitation commune que dans le cadre d'un contrat de société; qu'autrement dit une exploitation commune ayant pour objet des actes de commerce ne peut être qu'une société commerciale, faute de quoi elle n'est pas une exploitation commune, juridiquement parlant;
Attendu qu'il est de l'essence même du contrat de société que les associés partagent aussi bien ·les pertes que les bénéfices (art. 1885 du Code civil);
Attendu que, en toute hypothèse et à tout le moins, il n'y a pas en l'occurrence de « partage des pertes '>; que la S.P .R.L. Melkior n'encourt aucun risque par la mise en œuvre du contrat qui la lie à la S.A. Melkior, puisqu'elle est assurée du paiement intégral de ses dépenses;
Attendu que s'il est vrai que la nécessité - pour qu'il y ait contrat de société - de participer aux pertes, ne vise que les « sommes et effets » mis en société, autrement dit les apports en valeurs, et que si dès lors il est permis d'en dispenser celui qui ne fait apport que de son industrie (ce qui comporte tout de même le risque d'avoir apporté cette industrie sans rémunération), encore estil que, du moment qu'il doit recevoir -comme en l'espèce -.un. avantage cer-
. tain par prélèvement sur le montant de toute recette, il n'y a pas contrat de société, donc, et toujours en l'espèce, pas d'exploitation com:qmne, puisqu'encore une fois le problème posé par le contrat litigieux se situe en matière de commerce.
Attendu donc que ledit contrat ne peut que constituer, et constitue effectivement, un contrat de location de choses mobi· lières; qu'en effet la mise à la disposi· tion de la S.P.R.L. Melkior, de ses automobiles par la S.A. Melkior, n'est pas gratuite, mais a lieu moyennant un prix déterminable grâce aux éléments mêmes définis dans la convention qui les lie, et ce en contre-partie directe de ces mises à disposition (contrat synallagmatique; art. 1709 du .Code civil);
Que le fait que la clientèle est celle de la société anonyme n'est pas incompatible avec une location, par celle-ci, de véhicules à la société de personnes à responsabilité limitée en vue du transport dans l'intérêt de la première, de sa clientèle; que la S.P.R.L. avait - à tout le moins pour les véhicules pilotés par
ses propres chauffeurs - la direction du matériel ainsi mis à sa disposition, durant le temps où il l'était; qu'enfin la location de voitures sans chauffeur ne constitue pas un contrat de transport, ce qui exclut l'applicabilité de l'article 77, 4° du Code des taxes assimilées au timbre·
Attendu dès lors que, sous. réserve de ce qui est dit ci-après de ·la prescription, la taxe litigieuse est due sur la facturation de la location de véhicules par la S.A. Melkior à la S.P.R.L. Melkior;
Attendu que la prescription prévue à l'article 208, 8 du Code des taxes assimilées au timbre (6 ans), n'a été interrompue que par le commandement du 26 septembre 1957 (art. 202, 9); que la taxe n'est donc due qu'à partir du 26 septembre 1951;
Attendu que les sociétés intimées soutiennent à juste titre que les facturations intervenues entre elles portent sur d'autres postes que la location proprement dite de voitures automobiles; qu'il y a lieu d'ordonner la réouverture des débat quant à ce;
Par ces motifs : LA CouR,
Ouï en audience publique et en langue française M. le substitut du procureur général en son avis conforme,-
Reçoit l'appel; émendant le jugement entrepris, dit pour droit que la convention litigieuse, intervenue entre la S.A. Melkior et la S.P .R.L. Melkior, en ce qu'elle comporte mise à la disposition de la seconde par la première de ses véhicules automobiles, moyennant versement des recettes de la seconde sous déduction du salaire (et des charges sociales et fiscales y afférentes, forfaitairement fixées à 37 % desdits salaires) de son personnel, constitue un contrat de location de meubles corporels assujettis à la taxe établie par l'article 76, 1° du. Code des taxes assimilées au timbre; dit que cette taxe est due depuis le 26 septembre 1951, la prescription, de 6 ans prévue par l'article 77, 4° du même Code, étant acquise pour la période antérieure à cette date.
Comm. Bruxelles ( 6e ch.), 5 décembre 1966.
Siég. : MM. CoRNETTE, prés.; DE DEYN et MoRtssENs, juges.
Réf. : M. BoNBLED. Plaid. : MMeS Albert NYsSENS, Antoine BRAUN et
Antoine CoLENS.
(S.P.R.L. Ets Erwin Brenneisen c. Fù·ma Walter Hempel.)
DROIT EUROPEEN. - Infraction à l'article 85 du traité. - Conditions. - Compétence du juge nationaL - Notification à la Commission de la C. E. E. - LOI DU 2'7 JUILLET 1961. - Vente exclusive à durée indéterminée. - Préavis. - Durée. - Plusvalue· notable de clientèle. - Indemnités. -Estimation.
Le juge doit rechercher, dans chaque cas d'espèce, l'infraction éventuelle à l'article 85 du traité de Rome.
Il n'y a PflS d'infraction lorsque rien n'établit que la ·concession aurait freiné tant soit peu les échanges ou les possibilités d'échanges de machines et d'outils pour le travail du bois entre l'Allemagrie fédérale et la Belgique, ou entre l'Allemagne et la Belgique d'une part, et
les autres Etats membres du Marché commun.
Une convention ne doit être notifiée à la Commission de la C.E.E. que si elle enfreint l'article 85, paragraphe 1 .. du traité.
La loi du 27 juillet 1961 s'applique à un contrat de concession de vente exclusive dite ouverte ou imparfaite.
Pour déterminer le point de départ d'un contrat de concession de vente exclusiue, il faut tenir compte du. fait que le concessionnaire succède aux tenants d'une même unité d'exploitation économique.
Le tribunal fixe à quinze mois le préavis qui aurait dû être donné à un concessionnaire de machines et outils pour le travail du bois lorsque la concession permet de réaliser un bénéfice net annuel de 248.000 francs et qu'elle ne représente que le quart de l'activité du concessionnaire.
Le tribunal accorde au concessionnaire une indemnité de 300.000 francs lorsque la plus-value notable de clientèle apportée par celui-ci et qui reste acquise au concédant après la résiliation du contrat est démontrée par le chiffre d'affaires quasi sextuplé en dix ans et que le concédant a fait de l'ancien directeur de ventes du concessionnaire son nouveau représentant ou concessionnaire.
Depuis 1948, la défenderesse avait confié à feu Erwin Brenneisen décédé en 195,2, à ses héritiers jusqu'en 1960 et à la requérante à partir de sa constitution la vente ininterrompue en Belgique de ses machines et outils pour le travail du bois;
La correspondance établit que conformément à l'article 1« de la loi du 27 juillet 1961, sur le ~ontrat de concession de vente exclusive, la demanderesse succédant aux tenants d'une même unité d'exploitation économique avait acquis le droit de vendre en son propre nom et pour son propre compte les articles ou produits fabriqués ou distribués par la défenderesse;
Contrairement aux affirmations de la défenderesse, le contrat verbal de concession de vente e~clusive résulte :
du courant d'affaires entre parties litigantes, du fait que la demanderesse était le seul commerçant belge à vendre sur le territoire du royaume, les machines et outils de la défenderesse,
- de la reconnaissance explicite de la défenderesse qui, le 11 avril 1963 qualifiait proprement la demanderesse de représentant exclusif dans une lettre adressée à un tiers, et qui le 18 décembre 1963 n'envisageait le maintien de la concession que sous· certaines conditions; de la fin de la concession décidée le 20 décembre 1963, par la défenderesse moyennant un préavis de trois mois inconcevable en l'absence du contrat contesté, à durée indéterminée;
'* **
Pour faire échec à la demande, la défenderesse soutient encore que la nullité du contrat de concession exclusive devrait être constatée par justice en application de l'article 85 du traité de Rome;
Lors des discussions au Parlement des textes contenus dans la -loi du 27 juillet 1961, le législateur s'était préoccupé de
119
ne pas contrevenir au traité de Rome. Le ministre des Classes moyennes déclarait au Sénat : « Nous avons attiré spécialement l'attention du .Conseil d'Etat sur cet aspect de la question et c'est à la suite d'une réponse qui nous a paru rassurante que nous avons admis le texte de la proposition de -M. Wiard » (Ann. Sénat, session 1959-1960, séance du 5 juill. 1960, p. 2021) ;
Il est opportun de rappeler le texte de l'article 85 du traité de Rome, libellé en ces termes :
1. - Sont incompatibles avec... le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et notamment ceux qui consistent à ...
c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement;
Il. - Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit... »
Chaque mot de ce texte a sa valeur, mais rien que sa valeur, .et le juge sous peine de s'égarer dans des théories cartésiennes ou non, sources d'insécurité pour les justiciables décidera de manière aussi pragmatique que possible;
Les obligations découlant du contrat disputé n'existaient qu'entre parties; elles ne concernaient pas les tiers qui pouvaient librement impor~er de l'étranger en Belgique des machines et outils de la défenderesse;
Il s'ensuit que l'on se trouve en présence d'un contrat de concession exclusive dite ouverte ou imparfaite à laquelle s'applique la loi du 27 juillet 1961;
En décider autrement aboutirait à restreindre le champ d'application de la loi susvisée d'une manière qui n'a été préméditée ni par la loi nationale·, ni par le droit communautaire, ainsi aue les travaux préparatoires déjà cités de la loi le confirment, et que le texte du traité de Rome le révèle;
Les règlements d'applications 17/62 et 153/62 de l'article 85 du traité de Rome n'ont pû, par définition, élargir les in• compatibilités et interdictions édictées parle texte fondamental; en la matière il n'existe aucun automatisme faisant tomber toutes les concessions de vente exclusive sous le couperet d'un texte à qui on ferait dire ce qu'il ne prescrit point;
II importe de rechercher dans chaque cas d'espèce l'infraction éventuelle à l'article 85;
Certes les parties au procès ont chacune leur siège au sein du Marché commun;
Ces entreprises ont souscrit un accord. Mais ont-elles affecté le commerce entre Etats membres, ont-elles .empêché ou voulu empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence en répartissant les marchés ou les sources d'approvisionnement?
Les auteurs du traité de Rome poursuivent la création. d'un marché unique entre les participants au !Marché commun;
Rien n'établit que la concession litigieuse a freiné tant soit peu les échanges de machines et d'outils pour le travail du bois .entre l'Allemagne Fédérale et la Belgique, ou entre l'Allemagne et
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Ja Belgique d'une part, et les autres Etats membres du Marché commun;
Concédant et concessionnaire ne se sont pas réservé la distribution exclusive réciproque de produits concurrents essentiellement fabriqués par eux; ils n'ont pas réduit les possibilités pour des intermédiaires de s'approvisionner en produits concédés chez un autre concessionnaire; le concessionnaire ne se voyait pas interdire de vendre en dehors de sa zone contractuelle; le respect d'un prix minimal fixé par le concédant n'était pas imposé au concessionnaire;
L'objet de la concession incriminée demeurant exempt d'une protection territoriale absolue, ses clauses déduites de son exécution, ont laissé libre cours à la concurrence des industriels et des marchands du Marché commun;
Il faut raison garder et ne pas s'obnubiler de considérations étrangères à la pratique des affaires. Aussi paradoxal que cela puisse paraître,· un contrat de concession exclusive du type ouvert ou imparfait améliore la concurrence par l'irruption de produits encore inconnus dans une zone déterminée et par l'extension d'une entreprise vivant jusqu'ores à l'intérieur de ses frontières nationales;
Il suit de tout ce qui précède que la demanderesse n'a pas contrevenu à l'article 85, du traité de Rome;
Dès lors la convention analysée ne devait pas être soumise à la procédure de la notification à la commission de la Communauté économique européenne prévue par le règlement t7 /62 puisque ces règles d'application ne jouent que si l'accord entre entreprises enfreint l'article 85, paragraphe ter;
* **
II est vrai que dès t960, la défenderesse avait informé la demanderesse de ce qu'elle refuserait de lui fournir encore des machines si les délais de paiements n'étaient pas respectés, et que la demanderesse prit l'engagement de ne pas dépasser un découvert de plus de 15.000 D.M.
Mais les cocontractants y trouvant chacun leur profit, c.ette disposition resta lettre morte jusqu'à ce que la défenderesse en prit prétexte pour y trouver un nouveau et grave manquement dans le chef de la demanderesse;
Au moment de la rupture, le découvert ne s'élevait plus qu'à 1.069 D. M. bien que la demanderesse fut ·à la .merci de ses propres acheteurs, solliciteurs de crédits; '
Le principe du préavis effectivement accordé à la demanderesse serait démuni de toute justification si la demanderesse avait erré aux yeux du concédant;
Or, la correspondance précise fort bien les raisons de la rupture; la demanderesse s'était refusé à maintenir à son service le sieur Luypaert et à conférer tous pouvoirs à ce dernier, son ancien directeur de ventes destiné dès le ter avril t964 à devenir le nouveau concessionnaire ou représentant de la défenderesse. Entrer dans les vues de la défenderesse aurait fait d'un employé subordonné, celui qui disposait de l'autorité sur son employeur;
* **
La défenderesse conclut que le préavis de trois mois était amplement suffisant;
La demanderesse aurait immédiatement représenté une firme «Locatelli»;
Le préavis est << destiné à permettre aux concessionnaires la découverte d'une situation nouvelle » (Doc., chambre, session extraordinaire, 1961, n°5 65 et s., p. 4) équivalente à l'ancienne en vue d'éviter des pertes . de bénéfice au concessionnaire qui subit la résiliation autorisée par la loi;
Le bénéfice retenu sera le bénéfice net;
Le volume des affaires provenant de la concession de vente exclusive des produits Hempel, représente un quart du montant total des affaires de la demanderesse;
Depuis trois ans le tableau des achats chez la défenderesse s'élaborait suivant une courbe ascendante de bénéfices nets;
En effet, le bénéfice brut (2·8 % du prix de revente) était passé entre 196t et 1963 de 597.245 francs à 694.405 francs;
Les frais généraux absorbant au maximum t8 % à en croire la défenderesse (voy. sa note de plaidoirie) et la demanderesse ne prouvant pas le bénéfice net allégué de 1.2 %, il échet de chiffr~r à 10 % des achats de t963, le bénéfice net supputé pendant les quinze mois de préavis auxquels la demanderesse aurait dû avoir droit;
Les 24 mois suggérés par la demanderesse constituent une demande excessive compte tenu de ce que la concession ne représentait qu'une activité partielle de la demanderesse;
Dès lors déduction faite des trois mois de préavis effectif, l'indemnité de résiliation que percevra la demanderesse s'élèvera à 248.000 francs;
Les pièces produites ne prouvent pas que sont inexactes les affirmations de la demanderesse répondant qu'elle ne disposait pas de la représentation exclusive de Locatelli, pour qui elle n'a travaillé que pendant six mois en raison de la qualité relative des nouveaux produits;
Cette circonstance convainc de la difficulté déjà appréciée, a retrouver un concédant similaire au concédant perdu;
La loi du 27 juillet l9'6t, en son article 3 prévoit l'octroi d'une indemnité complémentaire s'il existe une plus-value notable de clientèle apportée par le concessionnaire et qui reste acquise au concédant après la résiliation du contrat;
Cette plus-value se démontre par le chiffre d'affaires quasi sextuplé en dix ans·
Et cette clientèle apportée par la demanderesse restera d'autant plus acquise à la défenderesse que celle-ci a fait de l'ancien directeur de ventes de la demanderesse, son nouveau représentant ou concessionnaire;
Une somme de 300.000 francs réparera suffisamment le préjudice ainsi subi par la demande·resse;
La demanderesse réclame encore un quart des frais de publicité exposés par elle en 1963, soit ·50.000 francs;
Mais cette publicité n'apparaît pas comme étant à ce point extraordinaire qu'elle dépasse le stade d'une publicité d'entretien de la notoriété de la marque de la défenderesse qui, au surplus, bonifiait la demanderesse de t % pour ses frais de publicité;
Par ces motifs
LE TRIBlJNAL,
'Condamne la défenderesse à payer à la demanderesse les sommes de 248.000 francs et de 300.000 francs, plus les intérêts judiciaires et les dépens.
OBSERVATIONS. - Nous limiterons nos observations à la question de droit communautaire abordée par le jugement annoté. Celui-ci met opportunément en évidence que l'infraction éventuelle à l'article 85 doit être recherchée dans chaque cas d'espèce.
Il n'y a pas de règle générale en la matière; tout au plus des tendances, des orientations que révèlent les solutions données par la Cour de justice à des cas d'espèces. Encore la Cour précise-t-elle avec soin que les contrats assortis d'une clause concédant un droit exclusif de vente doivent être individuellement considérés étant donné qu'ils ne réunissent pas, par leur seule nature, les éléments constitutifs de l'incompatibilité avec le Marché commun, prévus à l'article 85, paragraphe Ier du traité (arrêt Maschinenbau du '30 juin 1966, J.T., 521 avec note Pierre A. Franck).
Sans que l'on puisse en faire un principe, il est toutefois permis de constater, en fait, que la Cour de justice considère que, dans la grande majorité des cas, il faut tenir pour interdits les accords qui organisent une protection territqriale absolue. En revanche, les exclusivités dites ouvertes ou imparfaites seront le plus souvent licites, même si elles contiennent l'engagement du concédant : a) de ne vendre directement qu'à un concessionnaire unique dans une zone déterminée et b) à vendre au concessionnaire des appareils dotés de caractéristiques adaptées spécialement au marché prospecté par ce dernier.
Analysant le contrat qui lui est produit, le juge doit vérifier s'il est susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres et s'il restreint la concurrence à l'intérieur du Marché commun (Liège, 8 juin rg66; J.T., 671 avec note Bricmont).
Le critère de l'accord « susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres » étant essentiellement un critère de compétence, celui-ci jouera presque toujours lorsque le contrat intéresse le commerce entre plusieurs Etats membres. Nous écrivons « presque toujours » car il est fait exception pour les accords dont l'influence sur le marché est de peu d'importance. Cette dernière notion doit encore être précisée par la jurisprudence.
Le critère des accords restreignant la concurrence commande d'abord un examen de l'objet du contrat. Celui-ci tombera sous l'article 85, paragraphe 1er si l'étude de ses clauses révèle qu'il tend à empêcher restreindre ou fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.
Si l'analyse des clauses de l'accord ne révèle pas un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence, il faut alors s'attacher aux effets de .l'accord. Le tribunal doit se demander si, en fait, le jeu de la concurrence est empêché, restreint ou faussé de facon sensible.
,Le jugement annoté n'a pas eu à procéder par le détail à cet examen de nature principalement économique, sans doute parce que le concédant n'avait pas fourni d'éléments déterminants à l'appui de sademande de nullité. C'est qu'il ne suffit pas, comme certains plaideurs le pensent, d'invoquer la nullité d'un contrat de concession qui n'a pas été notifié à la Commission de la C.E.E. Encore faut-il démontrer préalablement que le contrat tombe sous l'article 85, paragraphe 1er. Car, s'il échappe à cet article, il ne doit pas être notifié comme le relève, fort à propos, le jugement annoté.
La conclusion du jugement nous paraît exacte et digne de faire jurisprudence.
Bien sûr, suivant l'ardeur des plaideurs, la motivation sera plus ou moins étoffée mais, dans la majorité des cas, il faudra écarter les demandes de nullités dirigées contre les contrats d'exclusivité. Ainsi les tribun~ux, par une exacte interprétation des dispositions communautaires, ne restreindront-ils pas le champ d'application que le législateur belge a voulu donner à la loi du 27 juillet 1961.
Georges BRICMONT.
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LA
Le rapprochement du droit des sociétés dans le cadre
du Marché commun.
Conférence de M. LOUSSOUARN, professeur à la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris, à l'Institut d'Etudes Européennes de l'Université de Bruxenes, les 30 et 31 janvier 1967.
M le professeur Loussouarn était l'hôte, et • de qualité, de l'Institut d'études euro
p~nnes, très impatient de recevoir son enseignement.
Auditoire comble et comblé par la présence des autorités en la matière comme par la présentation de M. le professeur Jean Van Ryn et l'enseignement reçu.
M. Loussouarn a parcouru le chemin qu'il s'était tracé, passant du droit international au droit commercial et, de :'ceux,-ci, à diverses questions dont l'avenir nous réserve les difficultés et, le conférencier, les réponses.
Le droit international est certes concerné par la nationalité des sociétés ou la reconnaissance mutuelle de leur personnalité juridique, leurs fusions tant que par le transfert international de leur siège social. Le « laxisme » de l'article 58 du traité de Rome, dont le libéralisme généreux mais naïf est dangereux pour les sociétés vraiment communautaires, méritait une convention quelque peu restrictive écartant de son bénéfice toute société statutairement .« européenne » dont le siège réel serait en fait hors Marché commun.
Abordant le droit commercial, plus particulièrement, M. Loussouarn nous présenta une étude claire et très complète du projet de première directive préparé par la Commission de la C. E.E. en vue de coordonner le droit des sociétés.
Arbitrant sagement la sécurité des tiers d'une part et le secret des affaires d'autre part, le projet énonce quels actes et documents devront être publiés, augmentant sensiblement les publicités obligatoires mais laissant aux Etats membres le choix des moyens.
Le projet de la Commission prône également l'unification du droit quant à l'opposabilité aux tiers des actes des organes de représentation des sociétés. Faute de publicité, les nominations, révocations ou démissions seront inopposables aux tiers de bonne foi mais ils pourront s'en prévaloir. Les formalités de publicité requises rendront inopposables aux tiers de bonne foi les éventuelles irrégularités de la nomination, de la révocation ou de la démission. Ainsi la publicité met-elle à charge de la société les risques d'un acte irrégulier.
Toutefois, un tel effet n'est accordé qu'à la publicité régulière. Une publicité irrégulière laisserait malheureusement à l'acte irrégulier toute son opposabilité aux tiers. Regrettons cette légère lacune du projet et souhaitons qu'elle soit comblée.
L'opposabilité aux tiers des excès ou abus de pouvoir des organes est également traitée par le projet. La société sera engagée à moins que les statuts limitent les pouvoirs des organes; la limitation statutaire sera toutefois inopposable aux tiers; les lois nationales établiront une stricte répartition des pouvoirs.
Tout acte dépassant l'objet social sera inopposable aux tiers sauf si, de bonne foi, ce dernier aurait pu croire que l'acte entrait dans l'objet social.
La société européenne obtint du conférencier la place d;honneur qu'elle méritait autant par le professeur que par l'Institut qui nous recevait.
Favorable notamment à la concentration, à l'obtention de capitaux. au maintien de la personnalité morale en cas de transfert de siège, aux fusions et, plus théoriquement, à l'harmonisation du droit des sociétés par l' expérience pratique qu'elle incarne, la société européenne mérite l'enthousiasme.
On la conçoit société de statut européen (un statut type incorporé dans les droits internes) ou société de droit européen (complètement dégagée des droits nationaux par un droit de création proprement communautaire dont la Cour de justice assurerait l'interprétation en toute unité).
M. le professeur Loussouarn observe à cet égard que la société de droit européen apporte seule la solution aux difficultés actuelles de fusion des sociétés.
ln cauda venenum, beaucoup de difficultés restent à résoudre : le conférencier les a soumises à notre timide réflexion. Une société doit-elle connaître une période nationale avant de devenir européenne ? La forme anonyme est-elle seule admissible ? Un ordre de dimension minimale sera-t-il imposé ? J ouïra-t-elle de la liberté de constitution ou subira-t-elle un contrôle ? La personnalité morale de la société naîtra-t-elle avec son statut européen ou pourra-t-on dissocier? Combien d'associés exigerat-on?
Merveilleux détours du droit européen, si neufs, si doux à la démarche et qui, très vite, conduisent aux inconnues juridiques. C'est un peu l'exploration du monde de demain.
Xavier MAGNÉE.
LA~OQ[-
Cycle de cours pour .stagiaires au Jeune barreau de Bruxelles.
Séànce du ~ février 1967.
C'EsT par une liaison toute naturelle que les accidents de la circulation, sujet d!l jour,
ont amené M~ Henry Dewit à entretenir son auditoire des rapports de l'avocat avec les compagnies d'assurances. Par une confrontation avec des situations précises et bien illustrées, les I'ésolutions du ·,,Conseil de 'l'Ordre ,s'ont apparues dans leur évidente logique~
Il est vrai que Me Dewit a su découvrir et cerner toutes les possibilités d'oppositions d'intérêts dans ce domaine où l'avocat ne doit jamais oublier celui qui est son client... et ne pas vouloir en cumuler à tout prix !
Praticien éprouvé, Me Dewit n'a pas manqué de sélectionner les conseils pratiques qui transforment une situation apparemment très complexe en un simple fait journalier résolu par une seule lettre. Admirable solution qui n'est simple que parce que tout à fait adéquate !
Fixer les idées sur les différents procédés d'évaluation des dommages, en énumérant les critères qui doivent guider le choix, c'est à cela que s'employa Me Dewit dans la seconde partie de son cours.
Le caractère pratique de son enseignement en a fait un tremplin pour les stagiaires : désormais, les actions en réparation feront penser à Me Dewit, patron d'un jour et conférencier passionnant.
Charles UNIKOWSKI.
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Un répertoire notarial est, on le sait, annoncé par la maison qui accueille nos coups de règle. Trois de ses traités sont déjà sortis de presse. Ont-ils paru ou sont-ils parus ?
Telle est la question que soulève la publicité qui leur est consacrée. Autrement dit, paraître se conjugue-t-il avec l'auxiliaire être ou avec l'auxiliaire avoir, ou encore, selon les cas, avec l'un ou avec l'autre ?
A croire le rédacteur de l'annonce, ces traités seraient parus. Nous croyions plutôt qu'ils avaient paru.
C'est ce qu'enseignait Landais dans sa grammaire des grammaires. Grévisse estime, par contre, que paraître est l'un de ces verbes intransitifs qui se conjuguent, tantôt avec être, tantôt avec avoir : avec avoir, quand on veut exprimer une action qui s'est passée à l'époque dont on parle; avec être, quand on veut exprimer l'état résultant de l'action antérieurement accomplie.
Il cite Maurice Druon, aujourd'hui académicien: c'est encore le thème d'un livre dont le premier tome est paru l'an dernier, et Robert Kemp : quand sera paru le second tome ...
Invoquant Le Bidois, Robert partage cet avis, mais y ajoute que .paraître s'emploie toujours avec avoir quand le sujet est une personne.
Qu'ils aient paru ou soient parus, l'essentiel est que les traités du répertoire notarial paraissent grâce aux soins des éditeurs qui nous composent, nous mettent en page, nous impriment et nous distribuent si complaisamment.
TERTIUS.
~
Les petits pois.
LES petits pois s'enferment en chaloupes qui par le chemin des· averses parviennent à
gravir des buissons printaniers, à s'y cramponner. Une fleur blanche les précède, annonce aux chenilles qu'ils désirent la paix, refusent de combattre, n'ont rien de commun malgré la forme, avec des balles de fusils.
Sous pression d'un ongle l'esquif s'incise, desserre la coque, s'ouvre sur l'extraordinaire spectacle d'un banc de rameurs, en perles alignées, immobiles, que la larve se hâte d'atteindre, heureuse de les percer, les enfiler, s'en faire un collier, dans l'espoir d'apprivoiser l'oiseau, chasseur d'insectes.
Marcel LA HAYE.
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BÏBLÏ061WHiE
A. M. EULER : c Europaisches Beamtenstatut » (3 volumes, 909 pages). - Edité par l'« Institut für das Recht der Europaischen Gemeinschaften der Universitat Këln », Këln, Carl Heymanns Verlag, 1966.
L'apparition de nombreuses organisations internationales a provoqué un développement considérable du droit administratif international. C'est dans le cadre de cette branche du droit que se situe l'étude de la fonction publique internationale.
Parmi les organisations internationa~es, les trois Communautés européennes occupent une place à part. Ceci se reflète, entre autres, dans l'aménagement de la fonction publique communautaire, c'està-dire du régime juridique auquel sont soumis les fonctionnaires des trois Communautés. L'étude de M. Euler, qui donne un tableau complet et fidèle de ce régime, commence par souligner que le droit communautaire de la fonction publique puise ses inspirations beaucoup plus dans les droits nationaux des six Etats membres et notamment le droit français, que dans celui d'autres organisations internationales, telles que l'O.T.A.N., les Nations Unies ou les institutions spécialisées.
L'ouvrage se présente comme un commentaire détaillé et systématique des cent dix articles què comprFnd le statut commun des fonctionnaires de la C.E.E. et de l'Euratom arrêté par le règlement n° 31 C.E.E. et n° II C.E.E.A., du 18 décembre 1961, (J. 0., p. 1385/62). A l'occasion de l'élaboration de ce règlement, le statut des fonctionnaires de la C.E.C.A. fut revisé pour le mettre en harmonie avec· celui des deux nouvelles Communautés. Il subsiste toutefois quelques différences que l'auteur ne manque pas de relever au début de son ouvrage et de commenter par la suite.
Respectant la suite des articles du statut, l'auteur commente successivement, dans neuf titres distincts, les dispositions générales (art. 1 à 10), les droits et obligations du fonctionnaire (art. II à :26), la carrière du fonctionnaire (art. 27 à 54), les conditions de travail (art. 55 à 61), le régime pécuniaire et les avantages sociaux (art. 62 à 85), le régime disciplinaire (art. 86 à 8g), les voies de recours (art. go à 91), les dispositions particulières applicables aux fonctionnaires des cadres scientifique ou technique du Centre commun de recherches nucléaires de l'Euratom (art. 92 à 101) et, finalement, les dispositions transitoires et finales (art. 102 à 1 I o).
Un chapitre spécial est consacré au règlement commun n° 32 (C.E.E.) et n° 12 (C.E.E.A.) relatif à l'impôt sur les traitements, salaires et émoluments des fonctionnaires. (J. 0., p. q61/62).
Remarquons que l'auteur n'examine que le statut des fonctionnaires et non le régime applicable aux autres agents des Communautés, c'est-à-dire le régime des agents engagés par contrat (J. 0., p. 1442/62). Il se propose d'y consacrer un volume complémentaire.
En vue d'analyser les principales notions juridiques utilisées dans le statut, M. Euler fait souvent appel à des considérations de droit comparé, examinant par exemple le concept de nomination dans les commentaires consacrés aux articles Ier, 4, 17, ou soulignant les différences de fond et de forme du régime disciplinaire dans les droits allemand et français. Des références aux ·précédents et aux motifs éclairent certains articles assez obscurs du Statut. L'ouvrage se caractérise en outre par de nombreux renvois à la jurisprudence, déjà abondante, de la Cour de justice, Le praticien du droit communautaire appréciera notamment l'énumération chrono-
Doc·TEUR EN DROIT (Université de Salamanque)
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logique, au début de l'ouvrage, des litiges concernant les fonctionnaires avec mention de leur objet et renvoi au Recueil de jurisprudence de la Cour et au Journal Officiel.
Ce livre, écrit par un spécialiste du droit communautaire, est incontestablement un guide pratique très précieux pour la connaissance du régime juridique des fonctionnaires européens. Dans cette matière où la jurisprudence, bien que déjà abondante, n'a pas encore pu dégager des directives suffisamment générales et où les études doctrinales sont
.core rares, l'auteur nous offre un travail d'analyse remarquable qui facilitera aux intéressés, et notamment à l'administration communautaire, aux fonctionnaires et aux avocats, la solution des problèmes précis avec lesquels ils sont, au jour le jour, confrontés. C'est en outre k premier ouvrage qui examine sous tous ses aspects un secteur important du droit communautaire de la fonction publique : par là, il représente une contribution importante aux efforts actuels tendant à instaurer un statut unique pour les fonctionnaires des trois Communautés.
P. PEscATORE et J. HIPPERT.
Alain DURIEUX : c La condition de la femme mariée:..- La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1966, 125 pages.
Voici le premier volume d'une collection nouvelle animée et dirigée par notre ami Pierre-Paul Hamesse, sous le vocable d'un· modernisme délibéré de « Renaissance Droit ».
« Renaissance Droit », « Résistance Rail ».
La collection est, effectivement animée d'un esprit de résistance. De résistance à l'idée qu'il n'y a pas de milieu concevable entre les ouvrages proprement juridiques, destinés « à la clientèle docte et relativement limitée des praticiens et des chercheurs », « ouvrages importants par leur volume, ardus par essence et relativement coûteux » et « les vulgarisations faciles ».
Ainsi s'exprime la notice de lancement. Y a-t-il effectivement place aujourd'hui pour des
travaux accessibles aux profanes, mais scientifiquement sûrs et qui leur permettraient de « s'instruire sans ennuis (le « s » final n'est pas du soussigné) ni difficultés » ?
L'avenir le dira. Nos vœux, en tout cas, accompagnent l'initiateur de ce projet et les jeunes praticiens à qui il a pu insuffler son enthousiasme.
Il est de fait que le plus zélé d'entre eux s'exprime « en un langage clair et vivant », façon Carbonnier mutatis mutandis, et que c'est avec une suffisante sûreté d'information et de jugement qu'il a traité des nombreux problèmes soulevés depuis le jour lointain et sans doute symbolique où « Adam estima qu'une compagne lui serait agréable - n'avait-il pas déjà les animaux? » et où « Eve naquit d'une côte d'Adam », par la vertu de ce vœu périlleux.
La table des matières en témoigne : « Historique. Le nom et la nationalité. Le domicile. La profession. Les devoirs des époux. ·Si l'époux manque à ses devoirs. Contribution de l'épouse aux charges du ménage, etc... ». Cela est bien complet. Et judicieusement analysé.
De loin en loin, une faille, il est vrai. Le mari n'est-il pas tenu, en vertu du mandat domestique de sa femme, que dans les seules limites des ressources apparentes du ménage? Je n'ai pas trouvé trace de cette opportune restriCtion dans le chapitre ad hoc du traité d'Alain Durieux.
Mais quid de ces vétilles, au prix des mérites évidents d'un travail « clair et vivant », en effet, et qui rappellera à bien des praticiens des principes, anciens, nouveaux souvent, qui devraient leur être familiers?
J.D.
Du football ••• Il y a au palais, des avocats auxquels il ad
vient de temps en temps de s'adonner à la pra· tique du football. Ils trouvent là sans doute de quoi oublier quelque peu leurs préoccupations juridiques journalières.
Mais il y a aussi les autres footballeurs. Ceux qui sans être nécessairement plus fervents ont fait du hallon rond leur métier.
Jusqu'à présent, le problème de leur situation juridique vis-à-vis du club qui les employait ne les avait guère agités. TI y avait certes uri contrat qui les liait à leur employeur mais pour certains joueurs devenus des dieux du stade et des « idoles », les conditions du contrat pouvaient selon leur humeur du moment, être assez aisément modüiées ...
Force était hien à leurs dirigeants de s'incliner hon gré mal gré.
Certains événements récents conduiraient à penser que ce hon vieux temps de l'improvisation serait sur le point d'être révolu.
• •• à la liberté de travail. La validité de certaines règles coutumières
en vigueur dans le monde du football semble en effet sérieusement mise en question ces temps derniers.
Singulièrement le principe qui fait obstacle à ce que les footballer professionnels qui ont signé une carte d'affiliation dans un club, puissent s'embaucher ailleurs sans l'accord de leur employeur.
C'est contre cette règle qu'il estime asociale et contre d'autres aspects de la profession de footballeur que M. Blanpain, professeur à l'Université de Louvain, vient d'entreprendre une campagne ardente.
Il lui paraît en effet inadmissible qu'il n'existe aucune liberté de travail pour ces joueurs professionnels. · Pourquoi ces derniers ne pourraient-ils, à
l'instar des autres travailleurs salariés, conclure un contrat à durée déterminée et exercer à son terme le droit légitime de chercher un nouvel employeur ?
M. Blanpain, dont certains journalistes spécialisés prétendent avec quelque acrimonie qu'il aimerait plus le droit que le football, a ainsi créé la Fédération internationale des footballers ·professionnels.
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••• et aux droits de l'homme. Le comité directeur de cette fédération s'est
réuni récemment à Paris et a évoqué le cas d'un joueur marocain dénommé Salem.
Après avoir été affilié pendant deux ans au club du Daring à Bruxelles; ce joueur apparemment consciencieux et apprécié par ses dirigeants, leur a fait savoir à l'aube de la présente te saison footballistique, qu'il souhaitait rejoindre son ancien club de Sedan dans les Ardennes. Ce qui lui fut refusé.
Salem ne consentit cependant pas à défendre de nouveau la bannière de son club et s'en retourna dans son pays d'adoption.
Le comité directeur de la fédération chère à M. Blanpain vient de publier un communiqué aux termes duquel n. prend fait et cause pour ledit Salem empêché, selon lui, d'exercer son métier.
Et il ajoute qu'il n'hésiterà pas à poursuivre son action devant les instances judiciaires et même devant la Cour européenne des droit!! de l'homme à Strasbourg.
Voilà pour notre droit social et pour nos juridictions prud'homales la perspective de prolongements assurément nouveaux et imprévus.
Quant à la Cour européenne, il n'y aura bientôt plus guère de domaine où son action ne trouve à s'exercer de manière vigilante et salutaire.
Reforme judiciaire. Le commissaire royal à la réforme judiciaire,
M. E. Krings, y consacrera, à l'invitation du Jeune barreau, quatre conférences (16 et 23 février - 2 et 9 mars) qui auront lieu à 11 h 15 dans la salle d'audience de la cour militaire.
Les travaux parlementaires sont près d'aboutir. Il est temps de se préparer à un « recyclage».
Montréal 67. On l'annonce. On le répète. On n'a ·pas fini
d'en parler : Montréal 67 a démarré. Personne n'est resté insensible à la magie
des villes-étapes dont les noms d'un bleu électrique trouent l'affiche détaillant le voyage.
Au programme : tourisme, nous le savions. Prix compétitif, nous l'espérions, il l'est. Nombreux contacts avec les confrères d'OutreAdantique : ils sont prévus.
Quant à ceux qui ne sont pas convaincus de prime abord, qu'ils interrogent ceux qui ont assisté à la séance de films du 14 février.
Les absents et les retardataires auront une fois de plus tort. C'est bien connu.
ASSOCIATION BELGE DES EXPERTS -ABEX. - (groupant les expert& de toutes le& disciplin.e&). Là liste· des experts avec le détail de leur& spécialités est envoyée gracieusement aux magistrats et aux avocats. Toute corres· pondance est à adresaer au secrétaire général, M. Elie POUPKO, 17, place Constantin Meunier, Bruxellea 18. Tél. 44.71.50.
DATES RETENUES * Conférence du Jeune barreau de Bruxelles. - 20 février 1967 à 20 h : Raymond Gérome :
Tradition et renouveau dans le jeu de l'acteur (Centre culturel d'Uccle). Prix des places :. membres 75 F; Etudiants : 50 F; Non-membres : 100 F. 2 mars 1967 à 12 h 30 à la Trattoria : Déjeuner des magistrats (prix : 200 F à payer au vestiaire ou au C.C.P. 610.55 de la Conférence du Jeune barreau avant le 28 février 1967).
- 13 avril 1967 : Conférence de M. le bâtonnier Thévenet : « Sainte-Hélène - Petite île ~-
- 26-27-28 avril 1967 : Prix Lejeune, Janson et du Président (s'inscrire avant le 31 mars auprès de Me Durieux).
- 29-30 avril et 1er mai 1967 : Voyage en Belgique. ·
* Section de droit européen et d'outre-mer de la Conférence du Jeune barreau. - Rappel. -Mardi 21 février : « le droit d'établissement ~- question particulière : droit d'établissement des sociétés ».
La conférence aura lieu à 1 1 heures précises au palais de justice, cour militaire.
* XX" congrès interuniversitaire flamand de droit à l'Université libre de Bruxelles.
Programme :
Vendredi 24 février 1967
I o h Academische opening
10h30 Prof. Dr. W. Brand, Hoogleraar aan de R.U. te Leiden en de G.U. te Amsterdam : « Het wereldbevolkingsvraagstuk »
12h30 Receptie aangeboden door de Heer Marcel Homes, Rector aan de Vrije Universiteit te Brussel
15 h De Heer Dr: Nathan 'Weinstock, Assistent aan de Rijksuniversiteit te Gent : « Kritische bespreking van de Belgische wetgeving betreffende abortus en anticonceptie »
128
16h30 De Heer Dr. J.-A. Reymond, Assistent aan de Universiteit te Genève : « La législation suisse en matière d'avortement et de limitation des naissances »
20 h Banket.
Samedi 25 février 1967 10 h Mgr Victor Heylen, Hoogleraar aan de Ka
tholieke universiteit te Leuven » « Abortus volgens de katholieke opvatting »
II h 30 Prof ... Dr. J. Kruithof, Hoogleraar aan de Rijksuniversiteit te Gent : « Een vrijzinning standpunt ten aanzien van de problemen van geboortebeperking en abortus provocatus ~
15 h Prof. Dr. René Vanden Driessche, Hoogleraar aan de Vrije Universiteit te Brussel : « Abortus provocatus, Abortus op medische indicatie en Geboorteregeling »
17 h Slotrede en besluiten
21 h Het congres danst op het jaarlijks Geuzenbal, Hotel Plaza, Boulevard Adolf Max. A vondkledij gewenst.
Pour tous renseignements, s'adresser 22, avenue Paul Heger, Bruxelles 5, tél. 49.00.30 - ext. 2174.
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE BELGIQUE Rapport de J'exercice 1966
Dans son introduction, le rapport annuel de la SOCIETE GENERALE DE BELGIQUE relève deux caractéristiques fondamentales de l'évolution économique du monde occidental en 1966 ·: la hausse très vive des taux d'intérêt et le fléchissement quasi général du rythme d'expansion.
Il traite ensuite d·e trois problèmes d'actualité concernant la Belgique : la rentabilité insuUisante des entreprises industrielles, le financement des dépenses publiques et la reconversion des régions affectées par le déci1.1n ou les dlfficuJ.tés de certaines industries.
L'insuffisante rentabilité des entreprises belges, imputable notamment à un accroissement des charges de salaires nettement supérieur à ce qu'autorisaient les progrès de la productivité dans le pays, remonte à plusieurs années. Déjà dans son rapport de 1962, la SOCIETE GENERALE DE BELGIQUE exprimait la crainte que le développement des entreprises nationales en pâtit. Les f•aits ont ·malheureusement confirmé ces appréhensions; diverses statistiques citées dans le rapport qui vient d'être publié le démontrent. L'une d'eLles compare le rendement moyen des sociétés industrielles belges cotées en bourse à celui des 500 plus importantes sooiétés industrielles américaines. Le premier est inférieur, depuis 1963, à 6 p.c. des capitaux propres; le second s'est élevé en moyenne, en 1965, à 13 p.c. des fonds inv.estis.
On comprend dès lors aisément l'attrait que le Marché commun a exercé sur les grandes entreprises américaines, dotées de moyens financiers considérables. C'est ce qui explique l'ampleur des investissements qu'elles ont réalisés et réalisent encore en Europe, et particullèremen t dans notre pays.
De leur côté, les entil."eprises belges n'ont guère la possibilité de faire encore appel au marché des capitaux à risque. Beaucoup se sont endettées jusqu'à la limite de leur capacité; leur assise financière, constituée par leur capital-actions ne leur permet pas d'aJ.ler au-delà.
A ce propos, le rapport souligne la portée limitée de l'octroi de 'crédits à taux réduit, tel qu'il est prévu par la loi de reconversion régionale de juiUet 1966. Il évoque l'opportunité de recourir à des détaxations pour renforcer les disponibilités propres des entreprises. C'est ce que fit le Gouvernement a.méricain en 1964. Hélas, la liberté de manœuvre des pouvoirs publics belges est fort réduite en cette matière, en raison de la mauvaise situation budgétaire.
Les dépenses publiques ont pris partout une ampleur considérable. Dès lors, leur affectation a une très large incidence sur le niveau de vie. Il faut donc - souhaite le rapport - que l'administration entreprenne un effort parallèle à celui que le secteur privé a accompli en contribuant à l'accroissement rapide de la productivité. D'autres mesures sont suggérées en vue de résoudre les problèmes de financement de l'Etat,
telle l'instauration du péage· sur certaines autoroutes, à l'instar de ce qui s'est fait avec succès en Italie.
La reconversion régionale est l'une des questions le plus âprement débattues dans notre
. pays. Il faut savoir toutefois que la disparition d'entreprises et même d'industries, est un phénomène normal à une époque de développement rapide et d'augmentation accélérée des revenus. L'élimination d'activités devenues non rentables est le prix que le pays a dü payer pour bénéficier d'une a.mélioratlo·n du niveau de vie atteign·ant 45 p. c. depuis 1953, et pour augmenter dans le même délai, de plus de 300.000 le nombre de personnes au travail.
Trois provinces sont particulièr·ement touchées par le recul de il.'industrie charbonnière. Comme, auparavant, deux d'entre elles faisaient régulièrement appel à la main-d'œuvre d'autres provinces ou d'autres pays, les problèmes d'emploi qui s'y posent sont moindres que ne le laisse a.ppa.raitre le nombre des licenciements. Il n'empêche qu'au-delà de cet aspect de la question, subsistent les autres conséquences d'un certain déclin économique, notamment sur le plan psychologique.
Analysant les moyens susceptibles d'améliorer la vitalité économique des régions en cause, le rapport montre le rôle primordial d'une bonne infrastructure routière : la. route est le moyen de transport le plus employé, surtout au moment où l'industrie lourde voit son importance relative décliner. IJ. est noté que le Hainaut, situé à l'intersection des axes Amsterda.m-Pa.ris et RuhrDunkerque, dispose à cet égard d'un atout principal qui, malheureusement, n'a pas encore été mis en valeur
Mats l'existence d'une bonne infrastructure routière n'est pas suftisante. La poursuite du développement industriel et l'éclosion d'initiatives dépendent en ordre principal - et c'est sur ces mots que se termine l'exposé général du rapport annuel - «des conditions d'activité des entreprises, en particulier de leur faculté de rémuné·rer· adéquatement tous les concours auxquels elles doivent faire appel».
Le document contient en outre, comme de coutume, un aperçu de la situatio:Q des différents secteurs auxquels la SOCIETE GENERALE DE BELGIQUE est intéressée.
Dans le commentaire consacré à l'évolution économique de la République démocratique du Congo, on attire l'attention sur la dégradation progressive, en 1966, de la situation financière des entreprises installées dans ce pays, sous le poids des charges d'impôts et de salaires en majoration sensible. Les négociations infructueuses qui se sont déroulées avant le 31 décembre dernier, entre le Gouvernement congolais et les principales sociétés industrielles établies sur place, y sont évoquées.
Février 1967.
124
* Vlaams Pleitgenootschap. - 6 mars 1967 à 20 h 30 : M. W De Clercq, vice premier ministre et ministre du budget parlera de : « Sociale fictie, sociale wetenschap, sociale werkelijkleid » (salle des audiences solennelles de la cour d'appel au palais de ustice de Bruxelles).
Etude de Maître R. KEYAERTS, Huissier de Justice à Bruxelles 5
VENTE PUBLIQUE les 28 février, ter, 2 et 3 mars 1967
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SOMMAIRE du 18 février 1967.
DOCTRINE:
Jaak Van Doorselaere. - Soixante-quinze années de présence flamande au barreau de Bruxelles.
LA .VIE DU DROIT :
Arthur De Meulder. - Bail à ferme et terrains à bâtir.
JURISPRUDENCE : 1. COUR EUROPEENNE DES DROITS DE
L'HOMME. - Litige ayant trait à l'interprétation et à l'application de la Convention de sauvegarde. - Griefs déclarés recevables par la Commission. - Rapport de la Commission faisant apparaître la nécessité "' in specie » d'une interprétation de la Convention. - COMPETENCE DE LA COUR. -Moyen tiré de l'absence de rapport entre les griefs et la Convention. - REJET. -Il. CONVENTION DE SAUVEGARDE ET PROTOCOLE ADDmONNEL. -.Objet : fixer des normes internationales à respecter par les Etats Contractants sur leurs rapports avec les personnes placées sous leur juridiction, en des matières qui relèvent normalement de l'ordre juridique interne. - Moyen tiré de la notion de domaine réservé.·REJET (Cour européenne des droits de l'homme, 9 février 1967).
BIENS RURAUX. - DROIT DE PREEMPTION. - Terrain à bâtir. - Terrain à destination industrielle. - Bail. - Défaut de déclaration. - Reconnaissance par le juge de paix. - Doit être antérieure à la vente (Cass., 1re ch., 4 novembre 1966).
SOCIETE. - Exploitation commune. - Location de choses mobilières. - Contrat. - Location de ·voitures sans chauffeur. - Ne constitue
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DROIT EUROPEEN.- Infraction à l'article 85 du traité. ~ Conditions. - Compétence du juge national. - Notification à la Commission de la C.E.E.--:- LOI DU 27 JUILLET 1961. - Vente exclusive à durée indéterminée. - Préavis. -Durée. - Plus-value notable de clientèle. - Indemnités. - Estimation (Comm. Brux., 6e ch., 5 décembre 1966, note de Georges Bricmont).
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Cours et conférences : Le rapprochement du droit des sociétés dans le cadre du Marché commun, par Xavier Magnée. - La Robe prétexte : Cycle de cours pourstagiaires au Jeune barreau de Bruxelles, par Charles Unikowski. - Coups de règle, par Tertius. - Thémis et. les Muses : Les petits pois, par Marcel La Haye. - Bibliographie : A. M. Euler : « Europaïsches Beamtenstatut "• par P. Pescatore et J. Hippert. - Notes bibliographiques : Alain Dw·ieux : "' La condition de la femme mariée,., par J.D. -Echos.- Dates retenues.
Il sera procédé par ministère de l'huissier de justice PECHER, les
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Le JOURNAL DES TRŒUNA.UX
DIRECTION Jean DAL, rédacteur en chef. Secrétaire général de la rédaction : Roger-O. DALCQ. Secrétaires de la rédaction: Wivine BOUltGAUX et Ma-
rie-Thérèse CUVELLIEZ. Chronique judiciaire : Bernard VAN REEPINGHEN. Comité de direction : Cyr CAMBIER, Robert PmsoN, Ro
bert HENRION.
ADMINISTRATION : Maison Perd. LARCIER, s.a., 39, rue des Minimes.
Bruxelles 1 - Tél. 12.47.12 - C.C.P. 423.75 Administrateur~délégué :
J.-M. RYCKMANs, docteur en droit.
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