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AND #6 . Janvier–Février 2016 TANDEM Scène nationale / DouaiHippodrome – ArrasThéâtre

Journal AND - Janvier / Février 2016

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Je dis que l’avenir

c’est du désir, pas de la peur.

PATRICE CHÉREAU

(1944-2013)

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Le courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie.

Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action.

Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit.

Le courage, c’est d’être tout ensemble et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe.

Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale.

Le courage, c’est d’accepter les conditions nouvelles que la vie fait à la science et à l’art, d’accueillir, d’explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant d’éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, de l’organiser et de la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes.

Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir, mais de ne pas en être accablé et de continuer son chemin.

Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense.

Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.

Le courage, c’est savoir qui on est.

JEAn JAURès

Ce texte est extrait du spectacle Jean Jaurès, le monde sensible de Thierry Balasse, présenté les 20 et 21 janvier 2016 au Théâtre d’Arras.

04 ENTRETIEN Avec Marlene Monteiro Freitas

08 Buzz Ces artistes qui montent, qui montent…

12 RENCONTRE Avec Aude Tortuyaux, conseillère à la programmation des musiques savantes

16 PORTfOlIO Les spectacles à ne (surtout) pas rater !

26 PORTRaIT Milo Rau

30 RENdEz-vOus

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d’ivoire et chair – les statues souffrent aussi

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Après Lisbeth Gruwez, la saison dernière, nous consacrons ce nouveau 100% à l’une des figures les plus singulières et flam-boyantes de l’avant-garde chorégraphique européenne : Marlene Monteiro Freitas. Depuis son solo Guintche (2010), galerie sidérante de grimaces et de transformations, jusqu’à sa pièce pour sept performeurs de marfim e carne – as estátuas támbem sofrem (d’ivoire et chair– les statues souffrent aussi), bal de zombies robotiques sur fond de cymbales, la Capverdienne apporte la preuve « que l’on peut tout lire sur un visage, la musique par exemple et même la danse. » Le temps de quatre soirées composées avec elle, ce 100% est pour nous l’occasion de vous faire découvrir le travail de cette artiste explosive et passionnante, sa galaxie et ses affinités artistiques. Entretien.

entretien

Vous avez quitté le Cap-Vert où vous êtes née pour étudier la danse à PARTS, l’école d’Anne Teresa de Keersmaeker, puis à Lisbonne. Quel a été votre parcours de danseuse et vos colla-borations les plus marquantes en tant qu’interprète?La relation à la danse et à la musique au Cap-Vert est quoti-dienne et intense. Très jeune, j’ai pu co-fonder un groupe de danse avec des amis, Compass ; nous y dansions sur des mu-siques que nous écoutions à l’époque : hip hop, reggaeton, mu-sique capverdienne, salsa, un peu de tout. On créait les choré-graphies, les costumes, les scénographies, on faisait même la billetterie les soirs de spectacle. La « pratique » de la danse, dans notre cas, n’a jamais été une pratique technique avec entraîne-ment, elle a toujours été associée à la création de chorégraphies et de spectacles. Ensuite, je suis partie à Lisbonne et à Bruxelles, pour suivre des études de danse… ça a été pour moi l’occasion de séparer les choses, de construire des cadres : interprétation, chorégraphie, études techniques, répertoires, production… J’ai toujours créé des pièces, de petits projets, même quand j’ai étudié ou travaillé, surtout comme interprète ; cette activité parallèle a beaucoup nourri mon travail de danseuse. Mais j’ai aussi été très touchée, influencée, par les chorégraphes avec qui j’ai travaillé, car j’aime le travail d’interprète et pour moi il s’agit encore et toujours d’un travail de création. Et au-delà des influences en danse, la musique et le cinéma m’impressionnent beaucoup, restant toujours des expériences très marquantes.

C’est après avoir assisté à un concert que vous avez décidé d’écrire le solo Guintche, la première pièce que vous avez cho-régraphiée et qui montre la relation très forte que la danse entretient, pour vous, avec la musique. Pouvez-vous nous dire qui est cette Guintche et comment vous allez la recréer de manière inédite pour ce 100% ?Guintche n’est pas ma première pièce mais la première à m’avoir donné une certaine visibilité. Cette Guintche est comme une sculpture de cire qui change de forme tout en restant la même, et qui est en réalité née d’un concert, puis d’un dessin. Après un concert, j’ai fait un dessin et après le dessin j’ai créé cette danse.

100% Marlene Monteiro Freitas

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Pour le 100%, nous avons souhaité construire une version de Guintche avec de la musique live. Une performance-concert, avec deux musiciens percussionnistes. La voie empruntée par Guintche est celle de la métamorphose, il apparaissait ainsi natu-rel de transformer et de donner à cette pièce une nouvelle forme.

Ce goût pour la métamorphose se décline également dans votre précédente création, d’ivoire et chair – les statues souffrent aussi, avec des personnages faits d’ivoire et de chair, comme le titre l’indique. Comment les mythes d’Orphée et de Pygmalion vous ont-ils inspirée ? J’avais envie de travailler autour de la matière inanimée, de l’idée de statues, et ces deux mythes se sont imposés parce que l’un traite de la pétrification, l’autre, de la matière devenue chair, vivante, et que les deux sont liés au désir. Pas seulement au désir amoureux, mais au désir propre à la métamorphose et à l’hy-bridité : celui de l’autre, de l’étranger. Dans Les Métamorphoses d’Ovide, l’un des chants du mythe d’Orphée raconte l’histoire de Pygmalion. Dans les deux cas, un homme transgresse les limites entre ce qui est vivant et mort au nom de l’amour ; j’y réponds par une transgression des formes. L’idée de jugement d’une puissance supérieure très présente dans ces mythes, comme dans Le Testament d’Orphée de Cocteau où le héros est jugé par un tribunal d’artistes et condamné à une errance éternelle. Nous avons retrouvé cette idée dans les concours télévisés où les artistes amateurs sont jugés en public et l’avons transposée avec un son de buzz qui ponctue la pièce en interrompant le cours des événements. Elle avance ainsi de rupture en rupture, mais aussi de musique en musique… comme à un bal. Entre ces pôles son-silence et mobile-immobile, on trouve des automates.

En quoi peut-on relier la singularité de votre écriture, avec ce goût prononcé pour la métamorphose, à la culture capver-dienne dans laquelle vous avez grandi ?Je travaille sur la métamorphose pour aller à la rencontre de figures hybrides dans lesquelles plusieurs éléments hétérogènes, contradictoires, coexistent, se battent, s’entrechoquent. Ce choc produit de l’énergie, de l’émotion et brouille le sens. C’est un travail intense pour le performeur et, pour le public, cela crée une relation plus émotionnelle avec ce qui se passe au plateau. Mon intérêt pour la déformation vient sans doute des nombreux carnavals auxquels j’ai participé dans ma jeunesse ; j’étais fas-cinée par ces figures grotesques, par cette idée de sortir dans la rue pour dérégler l’ordre et les paramètres du beau et du laid. Derrière la dimension carnavalesque de mes pièces, il y a certai-nement un désir de transgresser les limites de l’esthétiquement correct, d’essayer autre chose. Au Cap-Vert, la musique et le chant visent moins à transmettre des idées ou des messages que des affects et des émotions qu’on peut lire sur les visages des gens. C’est pareil dans ma danse.

Le titre de votre pièce fait écho à celui d’un film d’Alain Resnais et Chris Marker, Les Statues meurent aussi, qui a aussi été une source d’inspiration et qui sera programmé dans le cadre de ce 100%…Dans notre titre Les Statues souffrent aussi, « être en souf-france » fait référence au verbe souffrir, mais aussi au verbe attendre, comme on le dirait d’un paquet à la poste. Le film d’Alain Resnais et Chris Marker date des années 1950 et éclaire différents aspects de l’art africain, du colonialisme et de ses conséquences. Ce film a nourri la pièce par sa force esthétique :

Jaguar

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entretien

l’utilisation de la musique, la lumière, les plans choisis, la pro-lifération des mots du narrateur, les ruptures, la succession de masques… Tout ce foisonnement a largement teinté la pièce. D’une certaine façon, le montage a permis la transformation des masques et conféré aux réalisateurs un pouvoir animiste : celui de rendre vivants des objets inanimés. Dans d’ivoire et chair, c’est un peu la même chose : nous rendons visibles, vivants, des choses, des êtres, des situations, des images, qui sinon, seraient invisibles, inexistantes, froides, dures, mortes. Vous laissez le sens de vos œuvres ouvert, mais qu’il s’agisse de Joséphine Baker dans Guintche ou de Nina Simone dans d’ivoire, vous rendez, dans vos pièces, hommage à des femmes fortes et engagées, dominant presque les hommes. Vous reven-diquez-vous comme une artiste féministe ?Joséphine Baker est quelqu’un qui me touche beaucoup : elle a été une très grande performeuse, qui a brisé les frontières entre les arts, défendu la cause des Noirs ou mis à plat certains tabous. Mais même si je comprends que beaucoup pensent à elle en regardant Guintche, je n’ai pourtant pas travaillé à partir de cette grande figure. Quant à Nina Simone, l’état – une sorte de pétrification – dans lequel elle interprète le titre Feelings que nous utilisons dans la pièce, m’impressionne énormément… Et comme il est question dans d’ivoire et chair, d’un bal d’êtres pé-trifiés et amoureux, nous l’avons conviée. Ce sont en tout cas deux performeuses d’une intensité peu commune…

Musique, cinéma, arts plastiques, votre œuvre est baignée d’influences multiples. Qu’est-ce qui a nourri Jaguar, votre toute nouvelle création que vous présenterez en première fran-çaise à l’Hippodrome ?Nous nous sommes notamment nourris du travail polymorphe et vertigineux de l’artiste d’art brut Adolph Wölfli : musique, dessins, textes, peintures ; de l’ouverture proposée par le mou-vement expressionniste Der Blaue Reiter (Le Cavalier Bleu) ; de musiques créées à partir de poèmes, notamment La Nuit Transfigurée d’Arnold Schönberg ; de l’aspect carnavalesque des Mandingas capverdiens, de l’opéra de Puccini – Madame Butterfly et de son adaptation cinématographique par David Cronenberg ; d’objets-poupées…

Ce 100% est la première carte blanche qui vous est consacrée. Comment l’avez-vous appréhendée et construite ?C’est une expérience extraordinaire ! Je me rends compte que le résultat est proche des pièces que j’ai faites : le programme est dense, multiple, presque saturé et la performance et l’intensité sont au cœur de tous les évènements.

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le programme du 100 %

02.02 ArrasThéâtre

20:30 DANcEHAll MoNTEgo BAy (création)

Cecilia Bengolea

20:30 TuTuguri (avant-première)

Flora Détraz

21:00 guiNTcHE (re-création)

Marlene Monteiro Freitas . P.OR.K

22:15 DANcEHAll MoNTEgo BAy (création)

Cecilia Bengolea

03.02 DouaiHippodrome

20:00 ArrASTão (création)

Lander Patrick

21:00 JAguAr (première en France)

Marlene Monteiro Freitas . Andreas Merk

04.02 ArrasThéâtre

19:30 SForzANDuo

Miguel Filipe . Tomás Moital

TäglicH i (création)

Andreas Merk . Marlene Monteiro Freitas

20:30 lA TArArA (création)

François Chaignaud . nino Laisné

21:15 THE PArT

Antonija Livinsgtone

05.02 DouaiHippodrome

18:30 lES STATuES MEurENT AuSSi Chris Marker . Alain Resnais . Ghislain Cloquet

20:00 D’ivoirE ET cHAir, lES STATuES SouFFrENT AuSSi Marlene Monteiro Freitas

21:20 oMAr SoulEyMAN

Guintche

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(« si près de la lagune, a tangué le navire, l’homme amusé depuis la dune, voit le ferry mourir; du ciel tombe des cordes, faut-il y grimper ou s’y pendre… »). Il faut aimer les étincelles pour transformer un texte de poésie rétro-galante en tube disco (« madame, je jalouse ce vent qui vous caresse prestement la joue, en ce provinces andalouses, lui vient se poser contre votre peau d’acajou »). Quinze mois après avoir fait les premières parties de Fauve et chauffé les salles avec leur musique magnétique, les cinq dandys viennent de sortir en octobre leur premier album, intitulé poétiquement Ici Le Jour (A Tout Enseveli), et s’annonce définitivement comme le nouveau phénomène musical français.

Le quintette parisien a fait son apparition en 2012 sur le site de partage de vidéos YouTube avec le titre La Mort dans la pinède. Le nom du groupe est emprunté à celui du poète anglais Thomas Chatterton, suicidé en 1770, déjà célébré en chanson par Serge Gainsbourg et Alain Bashung. C’est dans ces références tuté-laires qu’il faut chercher l’identité musicale de Feu! Chatterton, mélange de rock lettré et d’électro entraînante, qui redouble d’énergie sur scène, lors des Francofolies de La Rochelle et du festival Rock en Seine, où le groupe s’illustre devant un public conquis par le magnétisme du chanteur Arnaud Teboul. Et il faut de l’inconscience ou du génie pour transformer le naufrage du Costa Concordia en slow rock épique, poétique et chanté-hurlé

Ces artistes qui montent,

Feu ! Chattertonrockeurs lettrés

Feu ! CHaTTerToN

ArrasThéâtre Jeudi 28 janvier / 20:00

Tarif : 8 €

navette gratuite au départ de

Douai à 19:15

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faite pour jouer ce rôle : petite silhouette brune et comédienne troublante, elle sait faire parler l’enfance, dans sa fragilité et sa maturité paradoxale. Pour Séverine Chavrier, elle incarne Charlotte Rittenmeyer, cette femme à la passion sans retour, qui quitte son mari, ses enfants et sa vie tranquillement bourgeoise pour aimer Harry. Un personnage féminin particulièrement fascinant, l’amante « aux yeux jaunes » qui « porte de vrais pantalons d’homme », qui se présente comme une artiste et s’engage dans un dévouement total à l’amour. Une bouleversante héroïne faulknérienne !

Diplômée de l’IAD (Institut des Arts de Diffusion) après une li-cence en Interprétation dramatique, Deborah Rouach approche aussi bien le monde télévisuel que théâtral. Cette comédienne belge, qui a écrit un mémoire sur Mikhaïl Boulgakov : sa vie, son théâtre, son destin ; ou comment être écrivain dans la Russie stalinienne a joué dans de nombreuses pièces, dont Face de cuil-lère (2007), rôle qui lui vaut le Prix du meilleur espoir féminin au Prix de la critique 2007. C’est surtout le rôle de Cendrillon, dans l’exceptionnelle adaptation de Joël Pommerat qui marque un tournant dans sa jeune carrière. Nominée meilleure actrice au Prix de la critique 2012, Déborah Rouach est absolument

qui montent… qui montent…

Déborah rouaCh Fragile héroïne

leS palmIerS SauVageS

D’après William Faulkner

séverine Chavrier

ArrasThéâtre 7 et 9 janvier / 20:00

8 janvier / 20:30

Tarifs : de 9 à 20 €

navette gratuite au départ de

Douai le 8 janvier à 19:45

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harmonie). Lauréat de plusieurs concours internationaux tant en soliste qu’en chambriste, il réserve une place privilégiée à la musique de chambre et joue avec des artistes tels Bertrand Chamayou ou Thierry Escaich... Passionné par les musiques actuelles, Jonas Vitaud a travaillé avec des maîtres de la création comme György Kurtag, Philippe Hersant ou Henri Dutilleux à qui il rendra un vibrant hommage les 29 et 30 janvier.

Artiste curieux qui explore aussi bien les terres inconnues de la musique d’aujourd’hui que le grand répertoire, Jonas Vitaud est l’un des pianistes les plus talentueux de sa génération. Né en 1980, il commence le piano à 6 ans et l’orgue à 11 ans. Formé par Brigitte Engerer, Jean Koerner et Christian Ivaldi, il obtient au Conservatoire National Supérieur de Paris quatre premiers prix (piano, musique de chambre, accompagnement au piano,

qui montent… qui montent…

JonaS VitauDPassion Dutilleux

Hommage à HeNrI duTIlleux

ArrasThéâtre Jonas Vitaud & Quatuor Zaïde

Vendredi 29 janvier / 20:30

Tarifs : de 9 à 20 €

DouaiHippodrome Jonas Vitaud + Quatuor Diotima

samedi 30 janvier / 19:00 + 20:30

Tarifs : J. Vitaud : 8 €

Quatuor Diotima : de 9 à 20 €

soirée composée Jonas Vitaud +

Quatuor Diotima : 17 €

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le théâtre n’est pas

un moyen mais une fin.

Traquer la vie. Et ce qui n’a pas

de vrai but est essentiel :

ça équilibre l’esprit.

LUC BOnDY

(1948-2015)

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Trauernacht / Katie Mitchell & Raphaël Pichon

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Aude Tortuyauxconseillère à la programmation

des musiques savantes

Après des études d’histoire à Paris I et de Sciences Politiques à Sc-Po Paris, Aude Tortuyaux commence son parcours professionnel en travaillant pour le Concert Spirituel auprès d’Hervé Niquet puis à l’Office de diffusion et d’Information Artistique de Normandie en tant que Secrétaire générale en charge du secteur musique. Après un passage par le Ministère de la Culture au poste de conseillère Musique et Danse en DRAC Nord-Pas-de-Calais puis au Festival d’Île-de-France, la voilà un temps chroniqueuse pour La Grande Table, l’émission de France Culture, parlant d’opéra, de concerts, de danse et de théâtre. Entretien avec celle qui vous offre la chance, cette saison, de découvrir les œuvres de Katie Mitchell, Raphaël Pichon, Geoffroy Jourdain ou encore Philippe Jaroussky…

Vous avez travaillé en orchestre, avec le Concert Spirituel, à Radio France ou au Festival d’Île-de-France, vous êtes au-jourd’hui conseillère à la programmation des musiques sa-vantes du TANDEM. Oui, ce parcours peut paraître atypique à première vue mais ces multiples expériences m’ont permis de connaître parfaitement le fonctionnement des différents acteurs culturels, qu’ils soient artistes (dans la création, la production), financeurs (comme le Ministère de la culture) ou accompagnateurs des artistes et des lieux de diffusion ou encore, dans un autre rapport au public et à la transmission, telle que la radio. Et puis surtout, il y a un point commun à tous ces métiers : une veille permanente sur le travail des artistes, découvrir toujours et encore de nouvelles œuvres… Et aller au moins 4 fois par semaine au spectacle !

Qu’il s’agisse de 5.1 Polyphonies spatialisées des Cris de Paris ou du trauernacht de Katie Mitchell, vous manifestez un vif intérêt pour la façon dont la musique classique ou contempo-raine se met en scène. La musique ne naît pas de nulle part, elle est liée à un contexte de création. C’est particulièrement le cas des polyphonies dont la naissance est intrinsèquement liée à l’architecture qui allait les accueillir. La question pour les musiques dites anciennes est toujours la suivante : comment la jouer au mieux, faire en sorte que ces œuvres « résonnent » auprès d’un public contemporain, dans des lieux comme des théâtres. Très souvent, le travail scé-nique permet de rendre certaines œuvres plus accessibles.Pour les polyphonies spatialisées, les chanteurs pourront les jouer en entourant le public et chanter ensemble grâce à un dispositif technologique leur permettant de voir parfaitement le chef. Le public sera en immersion dans le son comme pou-vait l’être le public des XVe et XVIe siècles. Cela permet de prendre conscience de l’impact que pouvait avoir cette musique à l’époque.

rencontre

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Quatuor Zaïde

Quatuor Diotima

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La mise en scène de Trauernacht révélait, quant à elle, à quel point les cantates de Bach sont théâtrales, expressives. Mais cette mise en scène n’aurait pas été pertinente sans l’interpréta-tion magistrale de Pygmalion et son jeune chef Raphaël Pichon dont le point de vue interprétatif allait dans ce sens, avec une finesse et une grande palette de contrastes.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos choix de programma-tion ?Ce qui guide mes choix de programmation pour le TANDEM, scène pluridisciplinaire explorant les nouvelles formes scé-niques, c’est bien de présenter la musique comme un langage, qui, avec une grande multitude de vocabulaire, de symboles, dessine un monde, un paysage mental ; montrer à quel point on peut être au théâtre en écoutant de la musique. Je porte une grande attention à choisir les interprètes qui peuvent avoir cette approche des œuvres. C’est dans cet esprit que vous pourrez découvrir les Leçons de Ténèbres de Delalande, qui sont un chef-d’œuvre de musique religieuse et… théâtrale.

Vous proposez, cette saison, un parcours de 3 spectacles de Thierry Balasse. Qu’est-ce qui, chez cet artiste, vous tient à cœur ?Thierry Balasse se passionne pour le rapport au son, le fonc-tionnement physiologique de l’oreille et évidemment le rapport sensible au monde qui nous entoure. Connaisseur de toutes les musiques et particulièrement des musiques électroacoustiques contemporaines et populaires , il peut aussi bien nous montrer comment nous pouvons faire musique de tout. Il tente de nous rendre attentifs aux sons qui nous entourent, avec une pensée critique. Que donne-t-on à écouter et donc à penser ? Son spec-tacle à partir des textes de Jaurès (Jean Jaurès, le monde sensible) est à ce titre exemplaire.

De la même manière, vous avez souhaité rendre hommage à Henri Dutilleux. Comment avez-vous construit ce temps fort ?J’ai souhaité rendre hommage à ce grand homme en montrant quel langage il a créé ainsi que la place qu’il a occupée dans l’histoire de la musique. Pour cela j’ai voulu réunir de jeunes artistes comme Jonas Vitaud, grand pianiste qui a pu travailler avec Henri Dutilleux et décortiquer son œuvre. Avec le Quatuor Zaïde, jeune quatuor féminin, nous proposons de découvrir les influences que Debussy ou Ravel ont pu avoir sur la musique de chambre de Dutilleux, le rendant dépositaire d’un certain « son français ».Avec le Quatuor Diotima, en quelque sorte les aînés du Quatuor Zaïde, nous aurons une version différente d’Ainsi la nuit, œuvre mythique de Dutilleux. Ils joueront aussi Gyorgi Ligeti et la mythique Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg : ce programme souligne comment Henri Dutilleux s’inscrit dans une certaine filiation et quel langage il a développé à travers ce même thème de la nuit.

Si vous aviez un coup de cœur cette saison, ce serait… Concert pour le temps présent autour de Psyché Rock : un beau concert autour d’un grand monsieur, Pierre Henry, qui a créé, dans son studio et pour Maurice Béjart, ce tube passé dans la culture populaire et qui n’a jamais été donné sur scène. Fidèle à ses marottes, Thierry Ballasse nous invite à une re-création et met cette musique pour la première fois sur scène, avec des instruments qui ont disparu. Il nous fait découvrir les dessous de la création !

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BoN ANNivErSAirE, MoNSiEur DuTillEux !

né le 22 janvier 1916 et disparu le 22 mai 2013, Henri

Dutilleux, le plus grand compositeur français de la deu-

xième moitié du XXe siècle, aurait eu 100 ans en ce mois

de janvier. Arrière-petit-fils du peintre Constant Dutilleux,

né à Arras, il entre en 1926 au Conservatoire de Douai

avant d’être élève au Conservatoire supérieur de Paris et

de décrocher le Prix de Rome en 1938. Aude Tortuyaux

a souhaité rendre hommage à cet héritier de Debussy,

Ravel et Fauré, à ce grand pédagogue qui a influencé bon

nombre de compositeurs actuels mais aussi de jeunes

musiciens. Pour célébrer celui qui est aujourd’hui le com-

positeur français le plus joué dans le monde, elle convie le

pianiste Jonas Vitaud qui a eu le bonheur de travailler aux

côtés de Dutilleux, le Quatuor Zaïde et le Quatuor Diotima.

Pierre Henry

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Les Palmiers sauvages est un concertino pour deux êtres, une partition musicale

débridée où tout fait son, où tout fait sens. Une histoire d’amour fusionnelle, passionnelle, torride et terrible. (...) Le

corps à corps amoureux devient un mano a mano à fleuret moucheté où les mots se perdent pour laisser place à des sons

chaque fois plus saturés. La tragédie pointe le bout de son nez. Voix, sons, images,

corps, lumières, objets... Tout se percute sur le plateau à un rythme vertigineux, avec

des cassures mélodiques comme autant d’éclats de sentiments brisés dont on ne pourra plus recoller les morceaux. Des

secousses telluriques font trembler les murs et les cœurs. Tout se fissure.

Le vent s’engouffre, violent, inquiétant, balayant sur son passage les derniers

soubresauts de l’amour. L’HUMAnITÉ

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LES PALMIERS SAUVAGES D’après William Faulkner . séverine Chavrier

ArrasThéâtre 7 et 9 janvier / 20:00 — 8 janvier / 20:30

Tarifs : de 9 à 20 €

navette gratuite au départ de Douai

le 8 janvier à 19:45

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SCHITZD’Hanokh Levin . David strosberg

ArrasThéâtre 14 janvier / 20:30 — 15 et 16 janvier / 20:00

Tarifs : de 9 à 20 €

navette gratuite au départ de Douai

le 14 janvier à 19:45

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La précision et l’humour phénoménal

des interprètes […] sont d’une drôlerie et

d’une inventivité étourdissantes.

LIBÉRATIOn

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JEAN JAURÈS, LE MONDE SENSIBLE

Thierry Balasse . Cie Inouïe

ArrasThéâtre 20 janvier / 20:30 — 21 janvier / 20:00

Tarifs : de 9 à 20 €

navette gratuite au départ de Douai

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EN AVANT, MARCHE !Frank Van Laecke . Alain Platel . steven Prengels

DouaiHippodrome 26 janvier / 20:00

Tarifs : de 9 à 20 €

navette gratuite au départ d’Arras à 19:15

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En avant, marche ! est inspiré de

la tradition des fanfares musicales.

Un bon aperçu du style « populaire,

éclectique, anarchique et engagé »

caractéristique des Ballets C de la B.

ARTE

L’équipe de choc parie sur la forme

musicale et collective de la fanfare

pour faire sonner les trompettes

d’une certaine idée du populaire et

du rassemblement.

TÉLÉRAMA

Un spectacle émouvant, qui renvoie à l’enfance, à des souvenirs que l’on croyait enfouis à jamais et qui resurgissent, sans crier gare.L’HUMAnITÉ

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Stéphane Braunschweig, qui a déjà

monté cinq pièces du dramaturge

norvégien, en signe la superbe

mise en scène qui rassemble neuf

acteurs formidables[...].

FRAnCE InTER

Les comédiens évoluent avec justesse, naturel et personnalité, gérant avec aisance toute une palette d’émotions.

HUFFInGTOn POsT

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LE CANARD SAUVAGED’Henrik Ibsen . stéphane Braunschweig

DouaiHippodrome Du 23 au 25 février / 20:00

Tarifs : de 9 à 20 €

navette gratuite au départ d’Arras

le 24 février à 19:15

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THe darK ageS

Residenztheater Munich . Milo Rau

DouaiHippodrome 6 et 7 janvier / 20:00

Tarif : de 9 à 20 €

navette gratuite au départ d’Arras

le 6 janvier à 19:15

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une enquête sur de jeunes djihadistes belges, Milo Rau et ses – remarquables – acteurs dressent un tableau aussi puissant qu’émouvant d’une Europe en miettes et en perte de (re)pères.On pourra voir parallèlement, toujours à Nanterre, les deux films que Milo Rau a réalisés d’après deux de ses « spectacles », Les Derniers Jours des Ceausescu et Les Procès de Moscou. Et, au Centre culturel suisse, Breivik’s Statement, une performance au cours de laquelle une comédienne turque lit à la tribune la plaidoirie écrite par le tueur norvégien de l’île d’Utoya lors de son procès.

Psychanalyses politiques

Quasiment une rétrospective, donc, pour un artiste né en 1977 et peu connu en France, mais qui, dans l’espace germanophone, a déjà fait beaucoup parler de lui. Qui est donc Milo Rau, qui convoque l’Histoire à la barre, et fait bouger les lignes du théâtre ?

Un homme tombé dans la politique tout petit, et chez qui cette relation à l’Histoire, aux idées et à l’action s’est construite autour de figures paternelles contradictoires. Ce n’est pas un hasard si ses spectacles ou ses films sont souvent des sortes de « psy-chanalyses politiques ». Milo Rau a été élevé par son beau-père, musicien de jazz et militant actif de la IVe Internationale. Un trotskiste suisse, autrement dit. « Cela semble une contradiction en soi, mais ça existe », sourit Milo Rau derrière ses lunettes à monture noire d’éternel étudiant.

À 12 ans, le jeune homme lit Ma vie et La Jeunesse de Lénine, de Léon Trotski, il apprend le russe – qu’il parle couramment, ainsi que l’allemand, le français, l’anglais, l’italien, l’espagnol… –, sous l’égide de ce beau-père qu’il admire, autant qu’il rejette son « père biologique ». « Mon père est typiquement suisse : conserva-teur, pour ne pas dire d’extrême droite, antisioniste, pour ne pas dire antisémite. Il fait partie de ces gens qui pensent que les attentats du 11 septembre 2001 ont été fomentés par le Mossad et la CIA… Il tient des propos qui, partout en Europe, vous feraient condamner pour apologie du terrorisme, mais qui en Suisse vous font gagner les référendums… » Chez Milo Rau, les propos les plus radicaux sont toujours tenus avec le sourire, et la distance.

L’International Institute of Political Murder n’est pas un orga-nisme officiel ou humanitaire, mais une maison de production de théâtre et de cinéma. À sa tête, un homme de 37 ans, Milo Rau, dont on mesure, dès qu’on lui serre la main dans le hall du Centre culturel suisse de Paris, l’énergie physique, morale et intellectuelle.

Car Milo Rau est suisse. Mais son pays n’est pas vraiment celui de la banque HSBC. En France, on l’a découvert, à La Villette d’abord, puis au Festival d’Avignon, en 2013, avec un spectacle saisissant, de très haute tenue, sur le génocide rwandais : Hate Radio reconstitue une émission de la fameuse Radio des Mille Collines, qui a joué un rôle capital dans les massacres de masse perpétrés au Rwanda en 1994.Ce spectacle, dont on sort ébranlé comme rarement au théâtre, on peut le voir en ce début mars au Théâtre Nanterre-Amandiers, accompagné d’un autre, The Civil Wars, déjà présenté au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles et au Théâtre d’Arras, où nous l’avons vu. Un choc, là aussi : avec comme point de départ

PortrAit

Occupés depuis une dizaine d’années à « psychanalyser la politique », et tout particulièrement à démonter/remonter les mécanismes du terrorisme et des guerres civiles de notre époque, Milo Rau et son International Institute of Political Murder ont lancé un projet d’envergure, La Trilogie de l’Europe. Après The Civil Wars, présenté la saison dernière, il revient avec The Dark Ages, qui ausculte la période 1945-1995, depuis la chute du IIIe Reich jusqu’au siège de Sarajevo, en posant une question : sur quoi l’Europe est-elle construite ? Nous reproduisons ici le portrait que Le Monde lui consacrait l’année dernière.

Milo RauMetteur en scène de notre temps

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Un père à abattre, un beau-père influent, et un grand-père (maternel) comme figure charismatique : Milo Rau est aussi le petit-fils de Dino Larese, figure intellectuelle de l’après-guerre en Suisse, ami de Martin Heidegger et de Thomas Mann. « C’est chez lui que j’ai rencontré Ionesco, quand j’étais enfant, se sou-vient-il. Quand je suis entré à l’école, je me suis rendu compte que mon grand-père était très célèbre : un peu comme les frères Grimm, il avait collecté des contes de fées de la région… »

Ainsi Milo Rau s’est-il construit, en regard des pères aimés et haïs – vieille histoire de théâtre –, ainsi continuera-t-il, sous l’égide de trois pères avec qui en découdre ou avec qui dia-loguer : Pierre Bourdieu, Joseph Beuys et Bertolt Brecht. Du sociologue français, auprès duquel il est venu tout spécialement étudier à Paris au début des années 2000, il retiendra l’analyse profonde « des comportements humains comme création sociale et culturelle ». Du plasticien Joseph Beuys et du mouvement Fluxus, il héritera de la notion de « sculpture sociale ».

Quant à Brecht… compliqué, très compliqué. La statue du com-mandeur, à déboulonner et à réinterroger, pour le jeune homme, qui sera d’abord sociologue et journaliste, avant de devenir ci-néaste expérimental, puis metteur en scène de théâtre – et, à nouveau, de cinéma.

Le rapport à Brecht, mais aussi à des metteurs en scène comme René Pollesch ou Frank Castorf, est au cœur de la réflexion de Milo Rau sur la postmodernité et ses dégâts – il a d’ailleurs publié, en 2013, un essai intitulé Que faire ? Critique de la raison postmoderne. « Quand j’ai commencé le cinéma et le théâtre, j’ai fait, comme tout le monde dans ces années-là, surtout en Allemagne, du pseudo-Tarantino, tous ces gestes automatiques de déconstruc-tion dont je sentais peu à peu qu’ils n’avaient plus aucun sens dans un monde où ressurgissait le traumatisme de la violence », ana-lyse-t-il.

Valeur collective et allégorique

Milo Rau a alors cherché un « nouveau réalisme », dans la lignée de Flaubert et du cinéaste Michael Haneke, qu’il admire. Il a inventé une nouvelle forme de « théâtre documentaire » – bien qu’il n’aime pas ce terme, faisant remarquer à juste titre que le théâtre ne peut pas être vraiment documentaire –, un peu comme ses compatriotes et amis du collectif Rimini Protokoll, qui l’ont précédé dans cette voie.

Et, surtout, il a, à travers ses « spectacles-procès », rejouant le jugement des Ceausescu à Bucarest, des Pussy Riot à Moscou ou d’un journal d’extrême droite à Zurich, cherché les pistes d’un nouveau théâtre d’intervention, susceptible de « créer un espace symbolique, utopique, où la justice peut enfin advenir ».

Pour The Civil Wars, qui s’offre comme un spectacle de théâtre plus classique, Milo Rau a donc mené, avec son fidèle comédien Sébastien Foucault, une longue enquête dans les milieux sala-fistes de Belgique, et notamment autour de l’histoire d’un jeune homme parti faire le djihad en Syrie. Puis il s’est rendu compte qu’il était plus intéressant, dans le cadre du théâtre, d’interroger

autrement cette figure du djihadiste, devenu selon lui « la grande figure mythologique de notre temps ».

C’est à partir des histoires personnelles de ses quatre acteurs – outre Sébastien Foucault, Karim El Tahiri, Sara de Bosschere et Johan Leysen – qu’il a tissé son spectacle. Et comme il arrive, parfois, au théâtre, ces histoires singulières prennent une ex-traordinaire valeur collective et allégorique, comme ce pouvait être le cas au temps d’Euripide et de la tragédie grecque. Elles racontent, ces histoires, une Europe au bord de la désintégra-tion, en une sorte, effectivement, de psychanalyse politique qui montre la faillite des pères (par la violence, la folie ou la fuite) et celle des utopies collectives et gauchistes. The Civil Wars dis-sèque aussi les ravages du libéralisme radical et les complexités des sociétés multiculturelles, mais de manière totalement in-carnée, puisque vécue par ses acteurs.

Milo Rau ne s’en tient pas à ce constat très noir. Par sa forme à la fois simple et magnifique, par sa manière de faire de ses auteurs-acteurs des figures mythiques, filmées et agrandies à la dimension du théâtre, The Civil Wars est bien l’œuvre d’un garçon d’aujourd’hui qui s’« obstine dans l’humanisme de gauche old style », comme il le dit avec humour.

Ni rire, ni pleurer, ni s’enfoncer dans les délices autoréférencés de la déconstruction, mais agir, y compris par l’art. Il en restera bien quelque chose, quelles que soient les diverses forces nihi-listes à l’œuvre. The Civil Wars est le début d’une trilogie, qui se poursuivra avec The Dark Ages et Histoire de la kalachnikov. Tout un programme, qu’on ne manquera pas de suivre.

fabienne darge

PortrAit

THE DArK AgES

Dans the Dark Ages, cinq acteurs de Bosnie, serbie,

Allemagne et Russie racontent leurs enfances, leurs fa-

milles, leurs histoires de fuites et d’exils, dévoilant en

creux une interrogation : comment survivre, comment

se reconstruire après la guerre ? Pour rythmer ces récits

autobiographiques liés à la grande et sombre Histoire,

Milo Rau a commandé la musique à Laibach, un groupe

de rock slovène mythique qui avait prédit la chute ter-

rible et sanglante de la Yougoslavie et dont le concert de

1995 à sarajevo s’est donné le même jour que les accords

de Dayton qui ont mis fin à la guerre en Bosnie. Ces té-

moignages de vie croisés – l’enfance sous les bombes,

le retour de guerre d’un père, les épreuves en camp de

concentration, les émigrations forcées, la perte d’un

parent – questionnent la manière dont on peut rendre

compte du pouvoir par l’art, mêler sur scène spectacle

et politique.

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Atelier gratuit pour les personnes ayant une place pour le spectacle en lien avec l’atelierInscription obligatoire auprès de [email protected] ou au 03 21 60 61 01

Autour de Tristan et IseutAtelier musique parents-enfantslundi 29 février de 18h à 19h30ArrasThéâtreIntervenants : deux comédiens-chanteurs des Cris de ParisÀ partir de 6 ans

la soirée continueNouveauté ! Des spécialistes animent les rencontres avec les équipes artistiques, à l’issue de certaines représentations

À l’issue de En avant, marche !Mardi 26 janvier ArrasThéâtre, salle des concertsRendez-vous en bord de plateau ou à l’espace bar, pour partager vos réflexions et vos émotions. Animée par Anne Lempicki, doctorante en arts du spectacle à l’Université d’Artois

Avec le Musée de la chartreuse de Douai Autour de Nui : histoire de doudousSamedi 30 janvier à 10hAtelier arts plastiques à partir de 3 ans, en lien avec le spectacle. Au Musée de la Chartreuse, 130 rue des Chartreux, 59500 Douai.Renseignements et réservations auprès du musée au 03 27 71 38 83

conférence Animées par yannic Mancel, conseiller artistique, dramaturge et enseignant à l’université de Lille 3 – Charles de Gaulle.

gratuit sur réservation pour les adhérents du TAnDEMInscriptions auprès de : Arras : [email protected] ou au 03 21 71 76 35Douai : [email protected] ou au 03 27 99 66 60

Autour du Canard Sauvage lundi 22 février de 14h30 à 16h30 ArrasThéâtre, salle des concerts« Entre naturalisme et symbolisme, Henrik Ibsen fondateur du drame moderne ». En partenariat avec l’Université Pour Tous de l’Artois

Autour de Le Sorelle Macaluso lundi 29 février de 14h30 à 16h30 ArrasThéâtre« Emma Dante au cœur des dramaturgies de l’Italie méridionale »En partenariat avec l’Université Pour Tous de l’Artois

renDez-vous

Autour des spectacles

Directeur de la publication gilbert langlois

Responsable de la publication Amandine Haegelin

Graphisme Altstudio.be

Impression imprimerie vincentTirage 20 000 ex.

© Photo couverture : Bob Lima

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Festival TéléramaDans le cadre du Festival Télérama 2016, qui aura lieu du 20 au 26 janvier 2016, le Cinéma Paul Desmarets vous propose 8 longs-métrages parmi les 16 sélectionnés par la rédaction du magazine :

la loi du marchéMia MadreMargueriteMuch lovedTrois Souvenirs de ma jeunessecomme un avionTaxi TéhéranPhantom Boy

Grâce au Pass Télérama à découper dans les numéros des 13 et 20 janvier, profitez de places à 3,50€ !

ciné DroitLa projection de caricaturistes, fantassins de la démocratie de Valérie Valloatto sera suivie d’un débat avec Valédie Mutelet, Maître de conférence en Droit public.En partenariat avec Plan séquence et l’Université d’Artois. le jeudi 28 janvier à 20h30Tarif unique : 4,40€

ciné Dimanche En  présence d’Armel Gourvennec, premier assistant sur the search de Michel Hazanavicius.

11:00 : Pays de cocagne14:30 : The Search17:30 : respire

Petit-déjeuner offert entre 10:30 et 11:00. Repas « auberge espagnole » : apportez un plat à partager, l’Hippodrome vous offre les boissons ! le dimanche 31 janvier en partenariat avec Plan séquence et l’option cinéma audiovisuel du lycée Arthur Rimbaud de sin-le-noble.

renDez-vous

Au cinéma de l’Hippodrome

INFormaTIoNS praTIQueS

Réservations sur place

et par téléphone

ArrasThéâtre 7, place du Théâtre

62000 Arras

Rens. / Rés. :

03 21 71 66 16

Du mardi au vendredi

de 14h00 à 18h45 et

le samedi de 11h à 12h30

et de 14h00 à 18h45

DouaiHippodrome Place du Barlet BP 10079

59502 Douai Cedex

Rens. / Rés. :

03 27 99 66 66

Du mardi au samedi

de 14h00 à 18h45

Ou par internet

www.tandem-arrasdouai.eu

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Janvier

Février

Douai20:00The Dark AgesMer 06 ThéatreMilo rau

Douai20:00The Dark AgesJeu 07 ThéatreMilo rau

Arras20:00les Palmiers sauvagesJeu 07 ThéatreSéverine chavrier

Arras20:30les Palmiers sauvagesVen 08 ThéatreSéverine chavrier

Arras20:00les Palmiers sauvagessam 09 ThéatreSéverine chavrier

Arras20:30SchitzJeu 14 ThéatreHanokh levin . David Strosberg

Douai18:30r.A.g.EMer 20 Marionnettescie les Anges au Plafond

Douai18:30r.A.g.EVen 22 Marionnettescie les Anges au Plafond

Douai20:00En avant, marche !Mar 26 Théâtre / MusiqueFrank van laecke . Alain Platel

Arras20:00Jeu 28 Concert-Club #4Feu ! chatterton

Arras20:30Jonas vitaud & Quatuor zaïdeVen 29 MusiqueHommage à Henri Dutilleux

Douai19:00Jonas vitaudsam 30 MusiqueHommage à Henri Dutilleux

Douai20:30Quatuor Diotimasam 30 MusiqueHommage à Henri Dutilleux

Douai17:00Nuisam 30 Théâtre d’objetschristine le Berre

Arras

20:30

20:30

21:00

22:15

Dancehall Montego Bay Tutuguri guintche Dancehall Montego Bay

Mar 02

Danse / Performance

100 % Marlene Monteiro Freitas

Arras

19:30

20:00

20:30

21:15

Sforzanduo Täglich i la Tarara The Part

Jeu 04

Danse / Performance

100 % Marlene Monteiro Freitas

Douai 20:00

21:00

Arrastão Jaguar

Mer 03 Danse / Performance 100 % Marlene Monteiro Freitas

Douai 20:00

21:30

d’ivoire et chair… omar Souleyman

Ven 05 Danse / Performance

Musique

100 % Marlene Monteiro Freitas

Douai21:30le canard sauvageMar 23 ThéâtreStéphane Braunschweig

Douai21:30le canard sauvageMer 24 ThéâtreStéphane Braunschweig

Douai21:30le canard sauvageJeu 25 ThéâtreStéphane Braunschweig

Arras20:00sam 27 Musiquetindersticks

Arras17:00Tristan & iseutDim 28 Théâtre musicalles cris de Paris

Arras20:30Jean Jaurès, le monde sensibleMer 20 MusiqueThierry Balasse

Arras20:00Jean Jaurès, le monde sensibleJeu 21 MusiqueThierry Balasse

Arras20:30Mar 12 Musiquecécile Mclorin Salvant

www.tandem-arrasdouai.euLe Théâtre d’Arras et l’Hippodrome de Douai sont subventionnés par la Ville d’Arras, la Ville de Douai, le Ministère de la Culture et de la communication,

le Conseil régional du nord-Pas-de-Calais, le Conseil départemental du nord et le Conseil départemental du Pas-de-Calais.

Arras20:00SchitzVen 15 ThéatreHanokh levin . David Strosberg