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JANVIER FEVRIER 2012 LES TRAJECTOIRES SOCIOPROFESSIONNELLES DES JEUNES DIPLOMES B.A.P.A.A.T ET B.P.J.E.P.S SUIVIS PAR LES MISSIONS LOCALES DE PICARDIE

L B.A.P.A.A.T B.P.J.E.P.S SUIVIS PAR LES M L Phauts-de-france.drjscs.gouv.fr/sites/hauts-de-france.drjscs.gouv... · SYNTHESE : RAPPELS DES POINTS SAILLANTS DE L ’ANALYSE ... téléphoniques

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JANVIER – FEVRIER 2012

LES TRAJECTOIRES SOCIOPROFESSIONNELLES

DES JEUNES DIPLOMES B.A.P.A.A.T ET B.P.J.E.P.S

SUIVIS PAR LES MISSIONS LOCALES DE PICARDIE

SOMMAIRE

INTRODUCTION ............................................................................................... 1

I – L’ESPACE DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEU NES DIPLOMES SUIVIS PAR LES MISSIONS LOCALES ................................ 3

1.1 – PROFIL STATISTIQUE GENERAL ........................................................................................ 3

1.2 – LES TITULAIRES DU BPJEPS ET DU BAPAAT, DES TRAJECTOIRES DIFFERENCIEES ........ 8 1.3 – LES FREINS SOCIAUX A L’EMPLOI .................................................................................. 12

1.3.1 – Les femmes, cœur de cible du « précariat » ...................................................................... 12 1.3.2 – Zones rurales : un taux d’emploi non négligeable, mais précaire .................................... 13 1.3.3 – Etre « issu de l’immigration », un facteur discriminant .................................................... 14 1.3.4 – La mobilité : une problématique minoritaire, mais handicapante .................................... 16 1.3.5 – Le bénévolat, une voie d’entrée dans la profession ........................................................... 16 1.3.6 – Des clivages sociaux ancrés dans des territoires .............................................................. 16

1.4 – TYPOLOGIE DES PROFILS D’ INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE ................................... 18

SYNTHESE : RAPPELS DES POINTS SAILLANTS DE L’ANALYSE .................................... 21

II – LES TRAJECTOIRES SOCIALES DES JEUNES INTERVIEW ES : VERS UNE ANALYSE « COMPREHENSIVE » .......................................... 23

2.1 – ANALYSE THEMATIQUE ................................................................................................. 24

2.1.1 – Rapport à l’école et orientation ........................................................................................ 24 2.1.2 – Rapport au diplôme et trajectoire familiale ...................................................................... 27 2.1.3 – Conditions de formation, conditions de travail ................................................................. 32 2.1.4 – Conditions de l’insertion professionnelle et enjeux de réseaux ........................................ 36 2.1.5 – Espace de l’animation et représentation du métier ........................................................... 37 2.1.6 – Mobilité et trajectoire de vie ............................................................................................. 40

2.2 – « ZOOM » SUR DES TRAJECTOIRES TYPES ...................................................................... 42 2.2.1 – Profil n°1 : Justine, Adéma, Stéphanie .............................................................................. 43 2.2.2 – Profil n°2 : David .............................................................................................................. 46

2.2.3 – Profil n°3 : Hector, Marie-Clothilde ................................................................................. 47

SYNTHESE : RAPPEL DES POINTS SAILLANTS DE L’ANALYSE ..................................... 50

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ............................................................ 52

ANNEXES .......................................................................................................... 54

Annexe n°1 - Questionnaire .......................................................................................................... 54

Annexe n°2 – Guide d’entretien .................................................................................................... 57

Annexe n°3 – Sélection d’entretiens en version intégrale ............................................................. 58

1

INTRODUCTION

La présente étude est le fruit d’une collaboration entre la DRJSCS et l’ARIFEP, bâtie

autour d’un projet d’observation ciblant les trajectoires d’insertion professionnelles des jeunes

picards diplômés Jeunesse & Sports (niveau IV et V) suivis par le réseau des Missions

Locales. Il s’agissait, après avoir effectué un cadrage statistique via les données issues du

système d’information « Parcours 3 », d’effectuer 20 entretiens approfondis permettant de

dessiner des trajectoires sociales « type » constituant autant de rapports différenciés au

diplôme obtenu – en fonction du contexte familial, de l’accès au marché du travail ou encore

de la voie d’entrée dans le monde de l’animation socioculturelle et de loisir. Ce projet devait

fournir des données quant aux logiques sociales réellement à l’œuvre – au-delà des

projections effectuées par les acteurs publics – dans les trajectoires d’insertion des usagers du

réseau des Missions Locales ; mais également permettre d’éclairer, à la suite de l’ « étude

BAPAAT 20111 », le rapport au diplôme entretenu par un public à qui le secteur

socioprofessionnel régional ne semble pas offrir2 de chances poussées d’insertions

professionnelles.

Le dispositif d’enquête a finalement été modifié afin d’être revu à la hausse, dans la

mesure où il a été décidé non pas d’exploiter les données issues directement du système

d’information « Parcours 3 » mais de constituer une base de données complémentaire, plus

adaptée aux objectifs de l’étude. La mise au point d’un questionnaire3, à la lumière des

matériaux issus des premiers entretiens approfondis, puis sa passation téléphonique à

l’ensemble de la population ciblée, nous en ont donné la possibilité. Les méthodologies

employées n’en restent pas moins profondément complémentaires : les entretiens, qui

comptent parmi les méthodes d’investigation qualitative privilégiées en sociologie, permettent

en effet en amont de saisir le réel dans sa complexité – de « défricher » le terrain d’enquête en

ouvrant les pistes de réflexion – et en aval de rapprocher le focus de l’analyse sur des

trajectoires typiques. La passation de questionnaires permet, quant à elle, de « solidifier » les

données, de vérifier quantitativement des hypothèses ou – pour parler comme E. Durkheim4 –

d’effectuer l’ « administration de la preuve ».

1 Enquête menée par les services de la DRJSCS de Picardie auprès des stagiaires BAPAAT de 2006 à 2010 et des employeurs potentiels, avec le soutien financier du Ministère des Sports, juillet 2001. 2 En 2010, 31% des diplômés BAPAAT sont en recherche d’emploi, ce taux augmentant avec l’ancienneté du diplôme. Etude BAPAAT 2011, Enquête auprès des stagiaires BAPAAT de 2006 à 2010 et des employeurs potentiels, DRJSCS de Picardie. 3 Cf. Annexe n°1 4 DURKHEIM E., Les règles de la méthode sociologique, Paris, Flammarion, 1988.

2

La réalisation de l’étude a suivi, concrètement, différentes phases. Durant la première

de ces phases, en décembre 2011, l’ARIFEP a envoyé à l’ensemble des Missions Locales de

Picardie une requête visant à centraliser les contacts téléphoniques des usagers correspondant

au public ciblé. Ce premier temps de l’enquête, qui s’est terminé début janvier 2012, a

également été celui de la tenue des entretiens exploratoires. Dans la seconde phase, qui

s’étendit jusqu’à la mi-février, les différents matériaux ont été réunis : 62 questionnaires

téléphoniques ont été passés puis saisis informatiquement via Sphinx, les rendez-vous avec les

jeunes diplômés ont été pris, les entretiens ont été menés puis retranscrits. Sur un total de 100

contacts réunis grâce aux remontées des Missions Locales, 87 se sont avérées exploitables.

Dans un dernier, qui s’est terminé fin février 2012, nous sommes entrés dans une troisième et

dernière phase d’exploitation des matériaux via Spad 7 et de rédaction du rapport final de

l’étude.

Nous remercions chaleureusement ceux qui ont contribué au déroulé de l’étude : d’une part

les acteurs du réseau des Missions Locales de Picardie qui ont gracieusement mis leurs

compétences techniques (extraction des contacts des jeunes diplômés), logistiques (mises à

disposition de salles pour le déroulé des entretiens) et professionnelles (mise en place d’un

groupe de réflexion quant aux résultats obtenus) à notre disposition ; et de l’autre le Centre

Universitaire de Recherche sur l’Action Publique et le Politique (CURAPP-UPJV) qui a mis

son savoir-faire et de ses outils d’analyses (Sphnix, Spad 7) en matières statistiques à

disposition.

3

I – L’espace de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés suivis par les

Missions Locales

Le Réseau des Missions Locales de Picardie a pu établir – une fois éliminés les individus

inscrits dans plusieurs Missions Locales – la présence de 100 jeunes diplômés correspondant

au profil retenu pour l’enquête, dont 87 étaient exploitables. Après 7 relances téléphoniques,

le taux de réponse, avec 62 questionnaires remplis, fut globalement très satisfaisant : 71,3%

de la population joignable et 62% de la population recensée.

Le questionnaire mis au point visait à rendre compte, et à mettre en relation, à la fois les

caractéristiques sociales des diplômés Jeunesse & Sports (sexe, mode d’habitat et zone

d’habitation, situation matrimoniale, nationalités des diplômés et de leurs parents, origines

sociales, niveau de qualification obtenu en formation initiale, type de diplôme J&S obtenu,

mobilité) et leur trajectoire d’insertion professionnelle (revenu moyen actuel, adéquation

formation-emploi, délai d’insertion professionnelle, temps de chômage subi par les diplômés

depuis leur formation J&S et rapporté à une année, type de contrat majoritairement signé,

lieux d’exercices du métier, durée de la pratique professionnelle liée à la formation depuis

l’obtention du diplôme et rapportée à une année, précarité de l’emploi5, existence d’heures

supplémentaires non rémunérées, pratique parallèle du bénévolat, perspectives

professionnelles6).

Nous commencerons ici par établir le profil des diplômés J&S, profil différencié, comme nous

pourrons le constater, en fonction du type de diplôme obtenu, BPJEPS ou BAPAAT. Dans un

second temps, nous nous intéresserons, à l’aide de tableaux croisés, aux freins sociaux qui

peuvent exister dans le rapport à l’emploi des diplômés car, comme nous le verrons, les

inégalités d’accès à un emploi stable et correctement rémunéré existent largement au sein

même de la sous population en mal d’insertion qui constitue notre population d’étude. Enfin,

nous procéderons à une analyse multivariée afin de déterminer, tant que faire se peut, une

typologie des situations d’insertion socioprofessionnelle des jeunes diplômés.

1.1 – Profil statistique général

Les diplômés suivis par le réseau des Missions Locales se répartissent équitablement entre la

Somme et l’Aisne (26.2% et 27.9%), mais les effectifs les plus importants sont constitués par

les jeunes isariens (45.9%). La population interrogée est largement féminine (58,1%) et issue

des classes populaires7 (71,2%) : à eux seuls, les individus ayant un père ouvrier représentent

5 Temps complet ou partiel, choisi ou subi. 6 Reconversion professionnelle ou poursuite de formation envisagée. 7 Nous reprenons ici la définition des classes populaires formulée par L. Chauvel, qui comprend donc les PCS 5 et 6 telles que définies par l’INSEE, auxquelles nous rajoutons également les chômeurs. La part de ces derniers

47,4% de notre effectif total, ceux ayant une mère employée ou au foyer 60,7%

population à dominante urbaine (64.5%), de

sont majoritairement nés en France (82,3%).

encore en situation de jeunesse

enfants et 48,4% vivent toujours chez leurs parents.

souffrir, dans leur majorité, d’un déficit de mobilité

poche, 67,7% disposent d’une voiture personnelle et 88,7% déclarent résider dans une localité

desservie par un minimum de transports en commun.

Dans leur grande majorité, les individus interrogés sont titulaires du BAPAAT (71%), les

diplômés BPJEPS représentant

29% (les différentes catégories n’étant pas exclusives

représentée est « loisirs tous publics

l’enfant » (33,9%) puis « sports

de l’équitation). C’est une population relativement peu qualifiée en formation initiale

des individus interrogés ont décroché un diplôme de l’enseignement supérieur, 24.2%

détiennent un baccalauréat (professionnel ou technique

CAP/BEP tandis que 37,1% d’entre eux disposent du brevet des collèges ou n’ont aucun

est minime : si l’on ne tient compte que des catégories ouvrières et employées, la part des classes pos’élève malgré tout à 64,1%. 8 D’un point de vue sociologique, la jeunesse est bien davantage une situation d’appréhendée différemment en fonction des catégories sociales et plus ou moins étendue selon les trajectoires deindividus et des groupes – qu’une caractéristique fixe propre à une classe d’âge délimitée. Certains individus ne sont plus « jeunes » à 20 ans quand d’autres le sont encore à 30 ans. Les indicateurs principaux marquant la fin, dans une trajectoire individuelle, de la situation de jeunesse sont généralement la prise d’indépendance financière et résidentielle, la mise en couple et/

47,5

5,1

Origines sociales des jeunes

diplômés : PCS du père (%)

, ceux ayant une mère employée ou au foyer 60,7%

population à dominante urbaine (64.5%), de nationalité française (96.8%) et dont les parents

sont majoritairement nés en France (82,3%). Pour la plupart, les individus interrogés sont

encore en situation de jeunesse8 : 54,8% d’entre eux sont célibataires, seulement 5,4% ont des

ent toujours chez leurs parents. Les jeunes diplômés ne semblent pas

souffrir, dans leur majorité, d’un déficit de mobilité : 74,2% ont leur permis de conduire en

poche, 67,7% disposent d’une voiture personnelle et 88,7% déclarent résider dans une localité

desservie par un minimum de transports en commun.

Dans leur grande majorité, les individus interrogés sont titulaires du BAPAAT (71%), les

diplômés BPJEPS représentant quant à eux 37,1% de la population et les titulaires du BAFA

catégories n’étant pas exclusives). La spécialité de diplôme la plus

loisirs tous publics » (35,5%), suivie de près par « loisir du

sports » (16,1%, catégorie majoritairement composée de praticiens

C’est une population relativement peu qualifiée en formation initiale

des individus interrogés ont décroché un diplôme de l’enseignement supérieur, 24.2%

détiennent un baccalauréat (professionnel ou technique pour les 2/3 d’entre eux

CAP/BEP tandis que 37,1% d’entre eux disposent du brevet des collèges ou n’ont aucun

: si l’on ne tient compte que des catégories ouvrières et employées, la part des classes po

, la jeunesse est bien davantage une situation d’ « appréhendée différemment en fonction des catégories sociales et plus ou moins étendue selon les trajectoires de

qu’une caractéristique fixe propre à une classe d’âge délimitée. Certains individus ne » à 20 ans quand d’autres le sont encore à 30 ans. Les indicateurs principaux marquant la fin,

iduelle, de la situation de jeunesse sont généralement la prise d’indépendance financière et/ou l’arrivée d’une naissance, c'est-à-dire la fondation d’un nouveau foyer.

13,6

6,8

8,5

18,6

Origines sociales des jeunes

diplômés : PCS du père (%)

Artisans, commerçants

Cadres, P.I.S.

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Chomeurs

4

, ceux ayant une mère employée ou au foyer 60,7%. C’est une

nationalité française (96.8%) et dont les parents

Pour la plupart, les individus interrogés sont

, seulement 5,4% ont des

Les jeunes diplômés ne semblent pas

: 74,2% ont leur permis de conduire en

poche, 67,7% disposent d’une voiture personnelle et 88,7% déclarent résider dans une localité

Dans leur grande majorité, les individus interrogés sont titulaires du BAPAAT (71%), les

et les titulaires du BAFA

La spécialité de diplôme la plus

loisir du jeune et de

» (16,1%, catégorie majoritairement composée de praticiens

C’est une population relativement peu qualifiée en formation initiale : 8,1%

des individus interrogés ont décroché un diplôme de l’enseignement supérieur, 24.2%

les 2/3 d’entre eux), 30,1% un

CAP/BEP tandis que 37,1% d’entre eux disposent du brevet des collèges ou n’ont aucun

: si l’on ne tient compte que des catégories ouvrières et employées, la part des classes populaires

apesanteur sociale » – appréhendée différemment en fonction des catégories sociales et plus ou moins étendue selon les trajectoires des

qu’une caractéristique fixe propre à une classe d’âge délimitée. Certains individus ne » à 20 ans quand d’autres le sont encore à 30 ans. Les indicateurs principaux marquant la fin,

iduelle, de la situation de jeunesse sont généralement la prise d’indépendance financière dire la fondation d’un nouveau foyer.

Artisans, commerçants

Professions intermédiaires

diplôme9 . C’est une population qui semble, tendanciellement, avoir connu des parcours

marqués par le décrochage scolaire

mais du « pallier » atteint dans le système éducatif

le niveau de formation initiale

ont alors suivi une formation CAP/BEP, 14,8% un

des jeunes ayant réellement arrêté leur cursus en 3

à 18%.

Contrairement aux représentations engagées dans la construction

d’enquête, 68,9% des individus interrogés sont actuellement en situation d’emploi, 21

« seulement » déclarant être en recherche d’emploi et 9,

initiale ou continue. Quelque soit la situation déclarée aujourd’hui par les jeunes, elle s’inscr

dans une temporalité relativement longue, 63,2% d’entre eux la connaissant depuis plus de 6

mois. Signe évident de la précarité de l’emploi occupé, la moitié des diplômés touche un

revenu compris entre 400 et 900 euros et plus d’un diplômé sur cinq touc

euros.

Au-delà de la situation actuellement connu par les individus interviewés, nous avons cherché

à établir des indicateurs reflétant l’ensemble de leur trajectoire d’insertion professionnelle

depuis la fin de leur formation. Ainsi,

formation J&S, chaque diplômé a connu 2,3

secteur correspondant à sa qualification.

dernier diplôme J&S obtenu

majoritairement et dans le secteur correspondant à leur formation

9 La part des sans diplômes s’élève à 16,1%. qualification des individus interviewés, voir supra.

16,7

11,7

Revenu mensuel net moyen détenu

actuellement, en tranches (%)

C’est une population qui semble, tendanciellement, avoir connu des parcours

scolaire : si l’on tient compte non du niveau d

» atteint dans le système éducatif, mais non sanctionné par un titre scolaire,

le niveau de formation initiale apparait largement plus élevé : 44,3% des individus interrogés

suivi une formation CAP/BEP, 14,8% une formation supérieure, tandis que la part

jeunes ayant réellement arrêté leur cursus en 3ème (avec ou sans brevet des collèges)

Contrairement aux représentations engagées dans la construction même

des individus interrogés sont actuellement en situation d’emploi, 21

» déclarant être en recherche d’emploi et 9,8% ayant repris une formation,

Quelque soit la situation déclarée aujourd’hui par les jeunes, elle s’inscr

dans une temporalité relativement longue, 63,2% d’entre eux la connaissant depuis plus de 6

mois. Signe évident de la précarité de l’emploi occupé, la moitié des diplômés touche un

compris entre 400 et 900 euros et plus d’un diplômé sur cinq touc

delà de la situation actuellement connu par les individus interviewés, nous avons cherché

à établir des indicateurs reflétant l’ensemble de leur trajectoire d’insertion professionnelle

la fin de leur formation. Ainsi, en moyenne sur une année et depuis la fin de sa

J&S, chaque diplômé a connu 2,3 mois de chômage et 5,5 mois en emploi dans le

secteur correspondant à sa qualification. De la même manière, depuis la date de validation du

dernier diplôme J&S obtenu et sur 100 jeunes interrogés, 41 décl

majoritairement et dans le secteur correspondant à leur formation – embauchés en CUI ou en

La part des sans diplômes s’élève à 16,1%. Pour une vue graphique d’ensemble concernant le niveau de qualification des individus interviewés, voir supra.

11,7

10

50

Revenu mensuel net moyen détenu

actuellement, en tranches (%)

Aucun revenus

Entre 100 et 400

Entre 400 et 900

Entre 900 et 1300

Plus de 1300

5

C’est une population qui semble, tendanciellement, avoir connu des parcours

non du niveau de diplôme obtenu

non sanctionné par un titre scolaire,

: 44,3% des individus interrogés

e formation supérieure, tandis que la part

(avec ou sans brevet des collèges) tombe

même du dispositif

des individus interrogés sont actuellement en situation d’emploi, 21,3%

% ayant repris une formation,

Quelque soit la situation déclarée aujourd’hui par les jeunes, elle s’inscrit

dans une temporalité relativement longue, 63,2% d’entre eux la connaissant depuis plus de 6

mois. Signe évident de la précarité de l’emploi occupé, la moitié des diplômés touche un

compris entre 400 et 900 euros et plus d’un diplômé sur cinq touche moins de 400

delà de la situation actuellement connu par les individus interviewés, nous avons cherché

à établir des indicateurs reflétant l’ensemble de leur trajectoire d’insertion professionnelle

en moyenne sur une année et depuis la fin de sa

mois de chômage et 5,5 mois en emploi dans le

depuis la date de validation du

et sur 100 jeunes interrogés, 41 déclarent avoir été –

mbauchés en CUI ou en

Pour une vue graphique d’ensemble concernant le niveau de

Revenu mensuel net moyen détenu

Aucun revenus

Entre 100 et 400 €

Entre 400 et 900 €

Entre 900 et 1300 €

Plus de 1300 €

CAE10, 41 de leurs camarades déclarant quant à eux une prépondérance du

depuis l’obtention du dernier diplôme J&S, 66.1% des jeunes déclarent

majoritairement et dans le secteur correspondant à leur formation

ce temps partiel étant subi pour la totalité de ces derniers.

Parmi les 66,1% de jeunes ayant t

minorité (40%) occupa à un moment ou un autre un ou plusieurs emploi

complémentaire(s), en général dans un secteu

comme la lecture des entretiens le laisse entrevoir, le temps de travail

l’animation périscolaire notamment

aux salariés de trouver un emploi supplémentaire, le seu

en termes d’horaires à celui de l’animation étant alors celui des services à la personne

(ménages, garde d’enfants, etc.). Par ailleurs,

effectué à plusieurs reprises des heur

correspondant à leur formation, ce qui limite d’autant plus le temps disponible pour une

activité salariale complémentaire.

L’adéquation formation-emploi est la règle pour la quasi

eux déclarent exercer ou avoir exercé au moins un emploi en rapport avec leur formation,

69% déclarant avoir décroché un poste dans leur secteur dans les trois mois qui ont suivi

l’obtention de leur titre. L’importance du capital social, des

prépondérante lors de l’accès à l’emploi

10

Dans la mesure où notre indicateur renseignant le régime contractuel majoritairement expérimenté par les diplômés tient compte de la période dont connu les CAE avant leur refonte dans le Contrat Unique d’Insertion.

41

8,24,9

Régime salarial majoritairement

expérimenté par les jeunes (%)

, 41 de leurs camarades déclarant quant à eux une prépondérance du

rnier diplôme J&S, 66.1% des jeunes déclarent

et dans le secteur correspondant à leur formation – travaillé à temps partiel,

ce temps partiel étant subi pour la totalité de ces derniers.

66,1% de jeunes ayant travaillé majoritairement à temps partiel, une grande

minorité (40%) occupa à un moment ou un autre un ou plusieurs emploi

, en général dans un secteur extérieur à l’animation ou au sport

comme la lecture des entretiens le laisse entrevoir, le temps de travail –

l’animation périscolaire notamment – connait des horaires bien trop éclatés pour permettre

aux salariés de trouver un emploi supplémentaire, le seul secteur potentiellement compatible

en termes d’horaires à celui de l’animation étant alors celui des services à la personne

(ménages, garde d’enfants, etc.). Par ailleurs, 51,8% des jeunes interrogés déclarent avoir

effectué à plusieurs reprises des heures supplémentaires non rémunérées dans le secteur

correspondant à leur formation, ce qui limite d’autant plus le temps disponible pour une

activité salariale complémentaire.

emploi est la règle pour la quasi-totalité des diplômés

eux déclarent exercer ou avoir exercé au moins un emploi en rapport avec leur formation,

69% déclarant avoir décroché un poste dans leur secteur dans les trois mois qui ont suivi

l’obtention de leur titre. L’importance du capital social, des « réseaux

lors de l’accès à l’emploi : 38,3% des individus interrogés ont décroché un 1

Dans la mesure où notre indicateur renseignant le régime contractuel majoritairement expérimenté par les diplômés tient compte de la période d’emploi s’étant écoulé depuis la fin de la formation J&S, certains diplômés ont connu les CAE avant leur refonte dans le Contrat Unique d’Insertion.

4,9

41

4,9

Régime salarial majoritairement

expérimenté par les jeunes (%)

CDI

CDD

CUI-CAE

Vacation

Auto-entrepreneuriat

6

, 41 de leurs camarades déclarant quant à eux une prépondérance du CDD. Toujours

également avoir –

travaillé à temps partiel,

ment à temps partiel, une grande

minorité (40%) occupa à un moment ou un autre un ou plusieurs emploi(s)

r extérieur à l’animation ou au sport : en réalité,

– dans le secteur de

connait des horaires bien trop éclatés pour permettre

l secteur potentiellement compatible

en termes d’horaires à celui de l’animation étant alors celui des services à la personne

51,8% des jeunes interrogés déclarent avoir

es supplémentaires non rémunérées dans le secteur

correspondant à leur formation, ce qui limite d’autant plus le temps disponible pour une

totalité des diplômés : 87,1% d’entre

eux déclarent exercer ou avoir exercé au moins un emploi en rapport avec leur formation,

69% déclarant avoir décroché un poste dans leur secteur dans les trois mois qui ont suivi

réseaux », est largement

: 38,3% des individus interrogés ont décroché un 1er

Dans la mesure où notre indicateur renseignant le régime contractuel majoritairement expérimenté par les ’emploi s’étant écoulé depuis la fin de la formation J&S, certains diplômés

entrepreneuriat

emploi dans la structure où ils ont effectué leur stage BAPAAT / BPJEPS, et 25,5% ont été

embauchés via leurs réseaux propres.

Le lieu privilégié de l’embauche

Locales est le secteur associatif, dans lequel 54,1% des jeunes interrogés disent avoir

majoritairement exercé, tandis que les collectivités territoriales

plupart du temps – ont constitué l’employeur n°1 de 32,8% des répon

Il convient de rester prudent quant à ces résultats

délégation de service public, l’identification de l’employeur

nombre de jeunes. A noter toutefois qu’aucun répondant à l’enquête ne déclare travailler ou

avoir travaillé en établissements spécialisés, ainsi que les faibles effectifs d’embauche en

entreprises (13,1%, essentiellement des titu

Enfin, il faut noter le rôle prépondérant des Missions Locales en ce qui concerne l’entrée des

jeunes dans la filière Jeunesse & Sport

connaissance de l’existence du BAPAAT ou du BP

associations avec lesquels ils étaient d’ores et déjà en contact), ils sont 37,7% à déclarer y

avoir été orienté par le biais de leur conseiller(e) Mission Locale. De manière

(83,6%), les jeunes ont bénéficié d’un

besoins alimentaires ayant été assurés la plupart du temps par leur famille (70,5%). Malgré

l’évidente précarité de l’emploi que connaît le secteur, et malgré des indicateurs qui peuv

paraître peu enthousiasmants,

de qualité. Ils sont également 79% à continuer d’exercer dans l’animation socioculturelle et de

38,3

4,3

Modalité d'accès au premier emploi

dans le secteur de formation suite à

l'obtention du diplôme (%)

emploi dans la structure où ils ont effectué leur stage BAPAAT / BPJEPS, et 25,5% ont été

s réseaux propres.

eu privilégié de l’embauche des jeunes diplômés J&S suivis par le r

Locales est le secteur associatif, dans lequel 54,1% des jeunes interrogés disent avoir

majoritairement exercé, tandis que les collectivités territoriales – c'est-à-

ont constitué l’employeur n°1 de 32,8% des répondants de l’enquête.

l convient de rester prudent quant à ces résultats : avec l’augmentation de la pratique de

délégation de service public, l’identification de l’employeur s’avère complexe pour

s. A noter toutefois qu’aucun répondant à l’enquête ne déclare travailler ou

avoir travaillé en établissements spécialisés, ainsi que les faibles effectifs d’embauche en

entreprises (13,1%, essentiellement des titulaires du BPJEPS équitation).

Enfin, il faut noter le rôle prépondérant des Missions Locales en ce qui concerne l’entrée des

jeunes dans la filière Jeunesse & Sport : si 26,2% des répondants déclarent avoir eu

connaissance de l’existence du BAPAAT ou du BPJEPS via le secteur associatif (club ou

associations avec lesquels ils étaient d’ores et déjà en contact), ils sont 37,7% à déclarer y

avoir été orienté par le biais de leur conseiller(e) Mission Locale. De manière

éficié d’une aide régionale pour financer leur formation, leurs

besoins alimentaires ayant été assurés la plupart du temps par leur famille (70,5%). Malgré

l’évidente précarité de l’emploi que connaît le secteur, et malgré des indicateurs qui peuv

, les répondants déclarent à 88,5% avoir bénéficié de formation

79% à continuer d’exercer dans l’animation socioculturelle et de

19,1

12,8

25,5

4,3

Modalité d'accès au premier emploi

dans le secteur de formation suite à

l'obtention du diplôme (%)

Candidature spontanée

Mission Locale ou Pôle Emploi

Réseaux propres

Recrutement sur le lieu de stage

Agence d'intérim

7

emploi dans la structure où ils ont effectué leur stage BAPAAT / BPJEPS, et 25,5% ont été

nes diplômés J&S suivis par le réseau des Missions

Locales est le secteur associatif, dans lequel 54,1% des jeunes interrogés disent avoir

-dire les mairies la

dants de l’enquête.

: avec l’augmentation de la pratique de

s’avère complexe pour bon

s. A noter toutefois qu’aucun répondant à l’enquête ne déclare travailler ou

avoir travaillé en établissements spécialisés, ainsi que les faibles effectifs d’embauche en

Enfin, il faut noter le rôle prépondérant des Missions Locales en ce qui concerne l’entrée des

: si 26,2% des répondants déclarent avoir eu

JEPS via le secteur associatif (club ou

associations avec lesquels ils étaient d’ores et déjà en contact), ils sont 37,7% à déclarer y

avoir été orienté par le biais de leur conseiller(e) Mission Locale. De manière prépondérante

e pour financer leur formation, leurs

besoins alimentaires ayant été assurés la plupart du temps par leur famille (70,5%). Malgré

l’évidente précarité de l’emploi que connaît le secteur, et malgré des indicateurs qui peuvent

les répondants déclarent à 88,5% avoir bénéficié de formation

79% à continuer d’exercer dans l’animation socioculturelle et de

Modalité d'accès au premier emploi

dans le secteur de formation suite à

Candidature spontanée

Mission Locale ou Pôle Emploi

Recrutement sur le lieu de stage

loisirs et sont, parmi ces derniers,

professionnelle.

1.2 – Les titulaires du BPJEPS et du BAPAAT,

Le diplôme est une caractéristique sociologiquement structurante

insérés dans les réseaux de scolarisation

socialement marqués. Les diplômes Jeunesse et Sports ne font pas exception à la règle, loin de

là, et les données relatives au niveau de formation initiale sont, à ce sujet, éclairantes. Elles

établissent une concordance statistique

J&S détenu et le niveau de diplôm

d’un baccalauréat représentent

détenteurs d’un diplôme de niveau IV

constituent que 18% des effectifs titulaires de ce diplôme. Si cela ne remet pas en cause les

possibilités de promotion sociale induites par les diplômes J&S

deux remarques : d’un côté elles remettent en question l’existence d’une filière propre

« Jeunesse et Sport », en soulignant les barrières proprement scolaires existant à l’entrée des

diplômes ; de l’autre elles permettent de relativiser ces mêmes

BAPAAT, qui semble revêtir

promotion sociale (51,3% des titulaires BAPAAT sont détenteurs du Brevet des Collèges ou

sont « sans diplôme »).

11 Le BPJEPS représente – en négatif des données qui viennent d’être avancées ici sociale pour 43,5% de ses détenteurs, ce qui est loin d’être négligeable.

0

5

10

15

20

25

30

35

40

Etudes

supérieures

Baccalauréats

Diplôme le plus élevé obtenu en formation

initiale, par type de formation J&S (%)

, parmi ces derniers, 67% à ne pas envisager changer d’or

ulaires du BPJEPS et du BAPAAT, des trajectoires différencié

Le diplôme est une caractéristique sociologiquement structurante : les profils des individus

insérés dans les réseaux de scolarisation généraux et professionnels, par exemple,

. Les diplômes Jeunesse et Sports ne font pas exception à la règle, loin de

là, et les données relatives au niveau de formation initiale sont, à ce sujet, éclairantes. Elles

concordance statistique (voir figure ci-dessous) entre le niveau du diplôme

J&S détenu et le niveau de diplôme obtenu en formation initiale : alors que les détenteurs

d’un baccalauréat représentent 56,5% des individus interrogés titulaires du

n diplôme de niveau IV obtenu en formation initiale et du BAPAAT ne

constituent que 18% des effectifs titulaires de ce diplôme. Si cela ne remet pas en cause les

possibilités de promotion sociale induites par les diplômes J&S11, ces données per

: d’un côté elles remettent en question l’existence d’une filière propre

», en soulignant les barrières proprement scolaires existant à l’entrée des

; de l’autre elles permettent de relativiser ces mêmes barrières en ce qui concerne le

BAPAAT, qui semble revêtir – bien plus que son homologue de niveau IV

% des titulaires BAPAAT sont détenteurs du Brevet des Collèges ou

négatif des données qui viennent d’être avancées ici – un diplôme de promotionsociale pour 43,5% de ses détenteurs, ce qui est loin d’être négligeable.

Baccalauréats CAP, BT, BEP BEPC, classe

de collège et

seconde, CFG

Sans diplôme

Diplôme le plus élevé obtenu en formation

initiale, par type de formation J&S (%)

8

67% à ne pas envisager changer d’orientation

différenciées

: les profils des individus

, par exemple, sont

. Les diplômes Jeunesse et Sports ne font pas exception à la règle, loin de

là, et les données relatives au niveau de formation initiale sont, à ce sujet, éclairantes. Elles

le niveau du diplôme

: alors que les détenteurs

% des individus interrogés titulaires du BPJEPS, les

obtenu en formation initiale et du BAPAAT ne

constituent que 18% des effectifs titulaires de ce diplôme. Si cela ne remet pas en cause les

, ces données permettent

: d’un côté elles remettent en question l’existence d’une filière propre

», en soulignant les barrières proprement scolaires existant à l’entrée des

barrières en ce qui concerne le

us que son homologue de niveau IV – une fonction de

% des titulaires BAPAAT sont détenteurs du Brevet des Collèges ou

un diplôme de promotion

Diplôme le plus élevé obtenu en formation

initiale, par type de formation J&S (%)

BPJEPS

BAPAAT

Ensemble

9

Cette corrélation, entre le niveau de formation obtenu en formation initiale et la détention de

l’un ou l’autre des deux diplômes J&S qui nous intéressent, peut expliquer en grande partie

les différences dans la distribution par département des effectifs de titulaires du BAPAAT et

du BPJEPS : alors que, dans la Somme, les détenteurs du BPJEPS sont largement

surreprésentés (38,4% des effectifs BPJEPS pour seulement 26,2% des effectifs diplômés

totaux), ils sont largement sous-représentés dans l’Aisne (16,7% des effectifs BPJEPS pour

27,9% des effectifs totaux).

Répartition des effectifs de diplômés, par département et par diplôme (%)

Somme Aisne Oise

26,2% 27,9% 45,9%

BAPAAT BPJEPS BAPAAT BPJEPS BAPAAT BPJEPS

21,1% 38,4% 31,6% 16,7% 47,4% 44,4%

Au-delà du niveau de qualification initial, les caractéristiques sociales des titulaires du

BAPAAT et du BPJEPS diffèrent sensiblement, les détenteurs BAPAAT cumulant in fine

plus de « handicaps sociaux12 » que leurs camarades du BPJEPS : ils sont notamment moins

mobiles (33.3% ne disposent pas du permis de conduire alors que les titulaires BPJEPS ne

sont que 13% dans ce cas) et sont plus souvent « issu de l’immigration » (les diplômés de

nationalité française dont les parents sont nés à l’étranger sont tendanciellement plus

nombreux, avec 23,1% contre 8,7% chez les titulaires BPJEPS). Si l’on s’en tient à la

catégorie socioprofessionnelle d’appartenance du père de famille, les origines sociales des

diplômés BAPAAT et BPJEPS semblent relativement semblables : environ 70% de filles et

fils de classes populaires dans les deux cas, avec une légère prépondérance des enfants

d’artisans / commerçants chez les titulaires du BPJEPS et des professions intermédiaires chez

les détenteurs du BAPAAT. Par contre, en affinant l’analyse, c'est-à-dire en observant la

catégorie socioprofessionnelle d’appartenance de la mère de famille, les différenciations

sociales entre diplômés apparaissent. Les femmes ayant des enfants détenteurs du BAPAAT

sont tendanciellement des femmes au foyer (30,8%) ou des employées du secteur privé

(17,9%) ; alors que celles ayant des enfants titulaires du BPJEPS sont surtout employées dans

la fonction publique (26,1%) ou font partie des professions intermédiaires (17,4%). Ces

différences ont, évidemment, des répercussions en termes de capital culturel hérité et sont

donc au principe d’inégalités scolaire. Compte tenu de la correspondance existante entre le

niveau de qualification initiale et la formation J&S suivie, elles sont donc également au

principe de l’accès différencié des jeunes diplômés aux différentes filières J&S.

Les diplômes BAPAAT et BPJEPS, qui s’articulent – si l’on s’en tient aux caractéristiques

pré-structurantes des diplômés – autour de lignes de force socialement définies, fonctionnent

12 Il ne s’agit évidemment pas ici d’un jugement, il s’agit simplement de constater que, dans l’ordre social tel qu’il existe, ici et maintenant, certaines propriétés sociales fonctionnent comme autant de handicaps pour les individus qui en sont les porteurs.

également, à l’instar de tous les titres scolaires, comme des «

du travail et dans l’espace de l’animation socioculturelle et sportive.

est de constater que, dans la population des jeunes suivis par les Missions

les inégalités sont amples entre les trajectoires d’insertion professionnelles des titulaires de

l’un et l’autre des deux diplômes.

C’est en réalité toute la trajectoire professionnelle des jeunes qui semble largement

conditionnée au diplôme détenu

accès moins favorable à l’emploi que leurs camarades détenteurs du BPJEPS, mais également

des régimes contractuels et un temps de travail signe d’une plus grande précarité de l’emplo

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

Emploi

Situation actuelle des diplômés (%)

05

1015202530354045

Régime contractuel d'embauche des

’instar de tous les titres scolaires, comme des « droits d’entrées

du travail et dans l’espace de l’animation socioculturelle et sportive. De ce point de vue, force

est de constater que, dans la population des jeunes suivis par les Missions Locales de Picardie,

les inégalités sont amples entre les trajectoires d’insertion professionnelles des titulaires de

l’un et l’autre des deux diplômes.

C’est en réalité toute la trajectoire professionnelle des jeunes qui semble largement

au diplôme détenu : les détenteurs du BAPAAT connaissent non seulement un

accès moins favorable à l’emploi que leurs camarades détenteurs du BPJEPS, mais également

des régimes contractuels et un temps de travail signe d’une plus grande précarité de l’emplo

Demandeur

d'emploi

Reprise de

formation

Situation actuelle des diplômés (%)

Régime contractuel d'embauche des

diplômés (%)

10

droits d’entrées » sur le marché

De ce point de vue, force

Locales de Picardie,

les inégalités sont amples entre les trajectoires d’insertion professionnelles des titulaires de

C’est en réalité toute la trajectoire professionnelle des jeunes qui semble largement

: les détenteurs du BAPAAT connaissent non seulement un

accès moins favorable à l’emploi que leurs camarades détenteurs du BPJEPS, mais également

des régimes contractuels et un temps de travail signe d’une plus grande précarité de l’emploi.

BPJEPS

BAPAAT

Régime contractuel d'embauche des

BPJEPS

BAPAAT

Les inégalités de revenus n’en découlent que plus logiquement

que 33,3% des diplômés BAPAAT aient déjà du avoir recours à un emploi complémentaire à

leur emploi principal, tandis que leurs camarades diplômés du BPJEPS ne sont que 13% dans

ce cas. De la même manière, les titulaires du BA

à déclarer vouloir reprendre une formation

d’orientation professionnelle depuis l’obtention de leur diplôme (25,6% contre 13%).

façon en apparence paradoxale,

avis positif sur la formation qu’ils ont obtenu, alors que 78,3% «

0

10

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A temps complet

Temps de travail des diplômés (%)

0

10

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30

40

50

Aucun

revenus

Entre 100

et 400

Revenu mensuel net des

diplômés, en tranches (%)

Les inégalités de revenus n’en découlent que plus logiquement, aussi n’est t

que 33,3% des diplômés BAPAAT aient déjà du avoir recours à un emploi complémentaire à

leur emploi principal, tandis que leurs camarades diplômés du BPJEPS ne sont que 13% dans

ce cas. De la même manière, les titulaires du BAPAAT sont tendanciellement plus nombreux

à déclarer vouloir reprendre une formation J&S (53,8% contre 47,8%) ou à

d’orientation professionnelle depuis l’obtention de leur diplôme (25,6% contre 13%).

paradoxale, il est à noter que 92,3% des diplômés BAPAAT

avis positif sur la formation qu’ils ont obtenu, alors que 78,3% « seulement

A temps complet A temps partiel

Temps de travail des diplômés (%)

BPJEPS

BAPAAT

Entre 100

et 400 €

Entre 400

et 900 €

Entre 900

et 1300 €

Plus de

1300 €

Revenu mensuel net des

diplômés, en tranches (%)

BPJEPS

BAPAAT

11

aussi n’est t-il pas étonnant

que 33,3% des diplômés BAPAAT aient déjà du avoir recours à un emploi complémentaire à

leur emploi principal, tandis que leurs camarades diplômés du BPJEPS ne sont que 13% dans

PAAT sont tendanciellement plus nombreux

(53,8% contre 47,8%) ou à avoir changé

d’orientation professionnelle depuis l’obtention de leur diplôme (25,6% contre 13%). De

es diplômés BAPAAT émettent un

seulement » des diplômés

BPJEPS

BAPAAT

BPJEPS

BAPAAT

12

BPJEPS font des déclarations similaires. Cela peut pour l’heure, s’expliquer par la voie

d’entrée dans la filière et le coût différencié que la formation a pu représenter. Alors que, pour

les diplômés BAPAAT, l’entrée dans la filière s’est effectuée principalement par le biais des

Missions Locales (51,3% des répondants), les diplômés BPJEPS sont 43,5% a avoir eu

connaissance de l’existence des diplômes J&S dans une association ou un club avec lequel ils

étaient en contact : les diplômés BPJEPS sont plus souvent à l’origine des bénévoles de

l’animation ou du sport (pour 69,6% d’entre eux contre 33,3% pour les diplômés BAPAAT)

dont la pratique fut sanctionnée a posteriori par un diplôme, et peuvent de ce fait avoir un

regard plus sévère sur la formation relative à une pratique dont ils sont déjà connaisseurs. Le

diplôme a également représenté, pour les diplômés BPJEPS, un investissement financier plus

important : ils sont 74% à avoir bénéficié d’une aide régionale pour financer leur formation,

contre 87,2% des diplômés BAPAAT ; et n’ont de plus été que 56,5% à être soutenu par leur

famille pour faire face à leur besoin alimentaires13, contre 77% des diplômés BAPAAT,

tendanciellement plus jeunes.

.

1.3 – Les freins sociaux à l’emploi

Nous allons ici nous attacher à déterminer les freins à l’emploi. Concrètement, il s’agit de

souligner – dans notre population d’étude – les phénomènes de surreprésentations statistiques

de certaines variables « explicatives » : en d’autres termes, il s’agit de déterminer quel type de

population s’avère le plus fragilisée sur le marché du travail de l’animation socioculturelle et

de loisir tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Dans les tableaux qui suivent, les valeurs signalant

un phénomène de surreprésentation statistique ont été grisées afin d’en faciliter la lecture.

1.3.1 – Les femmes, cœur de cible du « précariat »

« C’est un temps plein que vous avez en ce moment ? Non, c’est du mi-temps. Et financièrement ça va, un mi-temps ? Ben… j’ai de la chance d’avoir quelqu’un qui gagne bien, si y’avait que moi ce serait dur. [rires] »

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CUI-CAE

En Picardie, pour l’année 2008, les femmes représentaient 66,1% de l’emploi total à temps

partiel14 : c’est donc sans surprise qu’elles constituent également le noyau dur des précaires de

l’animation socioculturelle et de loisir suivis par le réseau des Missions Locales picardes.

Evidemment, cette surreprésentation des femmes dans l’emploi à temps partiel a une

incidence directe sur le niveau de revenu qu’elles perçoivent.

13 26,1% d’entre eux avaient ouvert des droits au Pôle Emploi. 14 Données CURAPP-UPJV, source DADS 2008.

13

Tableau 1 : genre et temps de travail

% ligne Non

réponse A temps complet

A temps partiel

ENSEMBLE

Une femme 8,3% 25,0% 66,7% 100,0%

Un homme 0,0% 42,3% 57,7% 100,0%

ENSEMBLE 4,8% 32,3% 62,9% 100,0%

Tableau 2 : genre et rémunération nette mensuelle

% ligne Non

réponse Aucun revenu

De 100 à 400 €

De 400 à 900 €

De 900 à 1300 €

1300 € et plus

ENSEMBLE

Une femme 5,6% 8,3% 11,1% 50,0% 19,4% 5,6% 100,0%

Un homme 0,0% 15,4% 7,7% 46,2% 11,5% 19,2% 100,0%

ENSEMBLE 3,2% 11,3% 9,7% 48,4% 16,1% 11,3% 100,0%

Dans son « bulletin de statistiques et d’étude » de janvier 200615, restituant alors une enquête

du CEREQ sur l’insertion des diplômés BEES et BEATEP de la cohorte 2001, le Ministère de

la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative soulignait déjà le sexe comme facteur

« intervenant sur le taux d’emploi ». Ce constat est à relativiser en ce qui concerne notre

population, qui représente un sous ensemble de salariés de l’animation socioculturelle et de

loisir déjà fragilisé : les femmes y sont, tendanciellement, légèrement plus en situation

d’emploi que les hommes. Pour autant, les salariés interrogés évoluant tous dans un espace

social précaire, il est plus que probable que ce bon taux d’emploi féminin tiennent largement à

l’acceptation de sous-emplois, acceptation à laquelle les femmes sont socialement plus

enclines que leurs homologues masculins16. Nous pouvons émettre l’hypothèse, en nous

appuyant par exemple sur les propos de Justine mis ci-dessus en exergue, que ce taux général

de sous emploi féminin joue un rôle non négligeable dans la mise en couple précoce des

jeunes femmes et, inversement, que cette mise en couple précoce soit la condition

d’acceptation du sous emploi, le salaire des femmes devenant alors un « salaire d’appoint ».

1.3.2 – Zones rurales : un taux d’emploi non négligeable, mais précaire

« C’est petit ici. On a pas non plus beaucoup d’enfants à la journée, les mercredis ça tourne autour de 20, c’est pas le top pour faire des activités, tout ça. Ca fait combien d’heures par semaine ça ?

15 TRUCHOT G. et CLERON E., Stat-info n°06-01, Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative, janvier 2006. Le bulletin s’emploie à restituer les résultats de l’une des enquêtes « Génération » du CEREQ, réalisée au printemps 2004, dans le cadre de laquelle un échantillon de 1500 personnes diplômées du BEES et du BEATEP en 2001 a été interrogé. Cette extension de l’enquête « Génération » a été effectuée à la demande du MJSVA (DEF). 16 Ce phénomène, tout comme la sous rémunération des femmes – à qualifications égales et à postes équivalents – sur le marché du travail, est le produit de rapports sociaux de sexes bien connus des sociologues. Cf. notamment à ce sujet GOFFMAN E., L’arrangement des sexes, La Dispute, coll. Le genre du monde, 2002 ; BOURDIEU P., La domination masculine, Seuil, coll. Liber, 1998 ; et évidemment BEAUVOIR S., Le Deuxième Sexe, tomes I et II, Gallimard, 1949.

14

Ca fait pas beaucoup. Euh… ça dépend, quand y’a pas de petites vacances ça fait 40h au mois. Pis quand y’a des petites vacances, c’est deux semaines à 10h / jour, ça fait pour 15 jours de vacances ça fait 140 heures. […] Ca fait aux alentours de 400 euros, après si y’a les petites vacances en plus je passe les 1000 quoi. »

Jérémy, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en centre communal rural

Si les diplômés résidant en zones rurales semblent, davantage que leurs camarades de zones

urbaines, en situation d’emploi, ils semblent également devoir faire face au-delà des

problèmes de mobilité à un marché du travail sensiblement plus précaire. Compte tenu de

l’importance du capital social – des « réseaux » – dans le processus d’insertion

professionnelle du secteur de l’animation socioculturelle et de loisir, le bon taux d’emploi en

zone rurale peu s’expliquer par le « maillage » social plus dense qui existe à la campagne. En

d’autres termes, les réseaux de relation y sont plus solides et assureraient à ceux qui

parviennent à s’y faire une place une situation plus avantageuse vis-à-vis de l’emploi.

Tableau 3 : zone d'habitation et situation vis à vis de l'emploi

% ligne Non réponse Emploi Demandeur

d'emploi Reprise de formation ENSEMBLE

Rural 0,0% 90,9% 9,1% 0,0% 100,0%

Urbain 2,5% 55,0% 27,5% 15,0% 100,0%

ENSEMBLE 1,6% 67,7% 21,0% 9,7% 100,0%

Tableau 4 : zone d'habitation et temps de travail

% ligne Non réponse A temps complet

A temps partiel ENSEMBLE

Rural 4,5% 27,3% 68,2% 100,0%

Urbain 5,0% 35,0% 60,0% 100,0%

ENSEMBLE 4,8% 32,3% 62,9% 100,0%

Tableau 5 : zone d'habitation et rémunération nette mensuelle

% ligne Non réponse

Aucun revenu

De 100 à 400 €

De 400 à 900 €

De 900 à 1300 €

1300 € et plus

ENSEMBLE

Rural 9,1% 4,5% 4,5% 59,1% 13,6% 9,1% 100,0%

Urbain 0,0% 15,0% 12,5% 42,5% 17,5% 12,5% 100,0%

ENSEMBLE 3,2% 11,3% 9,7% 48,4% 16,1% 11,3% 100,0%

1.3.3 – Etre « issu de l’immigration », un facteur discriminant

« Faut s’accrocher, ça finira par marcher, ça va venir. Moi tu sais on m’a mis un million de bâtons dans les roues, t’en fais pas pour ça, j’ai de la niaque, c’est pour ça que j’en ai autant, avec ce qu’on m’a mis comme bâtons dans les roues ici. Même pour trouver des stages, des trucs comme ça… Après moi je le dis ouvertement, c’est une question de couleur, mais bon, c’est dans cette ville hein. C’est dans cette ville. […] C’est prouvable, en caméra cachée s’il le faut, ça peut être

15

prouvé, dans tous les sens. Je dirais pas ça, je me permettrais pas de le dire, si c’était pas le cas. Je le dis même pas pour que ça leur porte préjudice, je vois pas comment. Je le dis parce que c’est la pure réalité. Dans les patelins d’ici, prendre un arabe en tant qu’animateur, pfff… impossible, si t‘en vois un je te paies ce que tu veux, un resto, y’a pas de problème. Dans les bleds autours plus qu’ici en ville. Ils le montrent pas forcément, moi je suis très bien inséré par exemple, mais je suis quelqu’un qui ressent les choses, et je le sens bien. Moi je trouve ça dommage, je sais pas… »

Abdel, 23 ans, diplômé BAPAAT, en formation d’Educateur Spécialisé aujourd’hui

Le constat statistique fait largement écho aux propos d’Abdel restitués ci-dessus. Dans son

« bulletin de statistiques et d’études » de janvier 2006, le MJSVA désignait, comme second

facteur intervenant sur le taux d’emploi, la nationalité des diplômés BEES et BEATEP 2001.

Nous avons pour notre part choisi d’élargir cette variable, en introduisant dans le

questionnaire un indicateur permettant d’identifier non seulement les individus de nationalités

étrangères (très minoritaires dans notre population) mais également ceux de nationalité

française dont les parents sont nés à l’étranger. Le résultat de l’exploitation des données est

sans appel, l’ensemble des indicateurs concordant pour faire des origines géographiques

familiales – c'est-à-dire en partie de la couleur de peau – un facteur largement discriminant

dans l’accès à l’emploi des jeunes diplômés suivis par les Missions Locales de Picardie. La

question posée au diplômés était « vos deux parents sont-ils nés en France ? ».

Tableau 6 : Origines géographiques des parents et situation vis à vis de l'emploi

% ligne Non

réponse Emploi

Demandeur d'emploi

Reprise de formation

ENSEMBLE

Non 0,0% 45,5% 27,3% 27,3% 100,0%

Oui 2,0% 72,5% 19,6% 5,9% 100,0%

ENSEMBLE 1,6% 67,7% 21,0% 9,7% 100,0%

Tableau 7 : Origines géographiques des parents et temps de travail

% ligne Non

réponse A temps complet

A temps partiel

ENSEMBLE

Non 0,0% 18,8% 81,3% 100,0%

Oui 6,5% 37,0% 56,5% 100,0%

ENSEMBLE 4,8% 32,3% 62,9% 100,0%

Tableau 8 : Origines géographiques des parents et rémunération nette mensuelle

% ligne Non

réponse Aucun revenu

De 100 à 400 €

De 400 à 900 €

De 900 à 1300 €

1300 € et plus

ENSEMBLE

Non 0,0% 12,5% 18,8% 56,3% 12,5% 0,0% 100,0%

Oui 4,3% 10,9% 6,5% 45,7% 17,4% 15,2% 100,0%

ENSEMBLE 3,2% 11,3% 9,7% 48,4% 16,1% 11,3% 100,0%

16

1.3.4 – La mobilité : une problématique minoritaire, mais handicapante

Si, comme nous l’avons mentionné plus haut, les ¾ des diplômés ont leur permis de conduire

en poche, l’absence de mobilité – notamment dans les zones rurales les moins desservies par

les transports en commun – reste visiblement un frein pour le quart de diplômés restant, pas

tant vis-à-vis de l’accès à l’emploi (le taux d’emploi des « mobiles » et des « immobiles »

étant sensiblement le même) que du type d’emploi auquel on peut prétendre.

Tableau 1 : mobilité et temps de travail

% ligne Non réponse A temps complet A temps partiel ENSEMBLE

Permis 6,5% 37,0% 56,5% 100,0%

Pas de permis 0,0% 18,8% 81,3% 100,0%

ENSEMBLE 4,8% 32,3% 62,9% 100,0%

1.3.5 – Le bénévolat, une voie d’entrée dans la profession

Secteur en voie de professionnalisation depuis les années 1970, l’animation socioculturelle et

de loisir connait une forte proportion de salariés ayant effectué – au préalable – du bénévolat

au sein d’associations. Ce mode d’entrée constitue une ressource non négligeable en termes

d’accès à l’emploi et redouble le constat que nous avons effectué plus haut quant à

l’importance du capital social dans le processus d’insertion professionnelle des jeunes

diplômés.

Tableau 2 : bénévolat et situation vis à vis de l'emploi

% ligne Non

réponse Emploi

Demandeur d'emploi

Reprise de formation

ENSEMBLE

Non réponse 0,0% 66,7% 33,3% 0,0% 100,0%

Pratique du bénévolat

0,0% 79,3% 10,3% 10,3% 100,0%

Pas de bénévolat

3,3% 56,7% 30,0% 10,0% 100,0%

ENSEMBLE 1,6% 67,7% 21,0% 9,7% 100,0%

1.3.6 – Des clivages sociaux ancrés dans des territoires

Confronter les indicateurs d’insertion professionnelle que nous avons mis au point à la

ventilation géographique des diplômés s’est également avéré éclairant. Que l’on s’attache à la

situation actuelle des diplômés vis-à-vis de l’emploi, au régime temporel de travail

majoritairement expérimenté par les diplômés depuis l’obtention de leur titre, ou encore au

niveau de rémunération mensuelle nette que ces derniers perçoivent actuellement, le même

17

continuum se dessine : l’Oise semble proposer un marché de l’emploi largement plus

favorable à l’insertion que l’Aisne, la Somme constituant une situation intermédiaire.

Tableau 9 : départements et situation vis à vis de l'emploi

% ligne Non

réponse Emploi

Demandeur d'emploi

Reprise de formation

ENSEMBLE

Non réponse 0,0% 100,0% 0,0% 0,0% 100,0%

Oise 0,0% 71,4% 21,4% 7,1% 100,0%

Somme 0,0% 68,8% 18,8% 12,5% 100,0%

Aisne 5,9% 58,8% 23,5% 11,8% 100,0%

ENSEMBLE 1,6% 67,7% 21,0% 9,7% 100,0%

Tableau 10 : départements et temps de travail

% ligne Non

réponse A temps complet

A temps partiel

ENSEMBLE

Non réponse 0,0% 100,0% 0,0% 100,0%

Oise 7,1% 46,4% 46,4% 100,0%

Somme 6,3% 18,8% 75,0% 100,0%

Aisne 0,0% 17,6% 82,4% 100,0%

ENSEMBLE 4,8% 32,3% 62,9% 100,0%

Tableau 11 : départements et rémunération nette mensuelle

% ligne Non

réponse Aucun revenu

De 100 à 400 €

De 400 à 900 €

De 900 à 1300 €

1300 € et plus ENSEMBLE

Non réponse 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 100,0% 100,0%

Oise 3,6% 17,9% 7,1% 32,1% 17,9% 21,4% 100,0%

Somme 6,3% 12,5% 6,3% 62,5% 12,5% 0,0% 100,0%

Aisne 0,0% 0,0% 17,6% 64,7% 17,6% 0,0% 100,0%

ENSEMBLE 3,2% 11,3% 9,7% 48,4% 16,1% 11,3% 100,0%

Au-delà de l’état objectif du marché du travail dans les différentes zones d’emplois picardes,

les populations des départements est socialement diverse, et cette diversité se retrouve

évidemment dans notre population de jeunes diplômés. Les situations d’insertions

professionnelles différentes que connaissent les trois départements de Picardie tiennent

certainement autant à l’état des marchés départementaux de l’emploi qu’aux caractéristiques

sociales des diplômés qui les peuplent et fonctionnent comme autant de handicaps.

Tableau 12 : départements et sexe

% ligne Une femme Un homme ENSEMBLE Non réponse 100,0% 0,0% 100,0%

Aisne 70,6% 29,4% 100,0% Oise 46,4% 53,6% 100,0%

Somme 62,5% 37,5% 100,0% ENSEMBLE 58,1% 41,9% 100,0%

18

Tableau 13 : départements et zone d'habitation

% ligne A la campagne En ville ENSEMBLE Non réponse 0,0% 100,0% 100,0%

Aisne 17,6% 82,4% 100,0%

Oise 35,7% 64,3% 100,0%

Somme 56,3% 43,8% 100,0%

ENSEMBLE 35,5% 64,5% 100,0%

Tableau 14 : départements et origines géographiques des parents

% ligne Parents nés à

l’étranger Parents nés en

France ENSEMBLE

Non réponse 0,0% 100,0% 100,0%

Aisne 29,4% 70,6% 100,0%

Oise 17,9% 82,1% 100,0%

Somme 6,3% 93,8% 100,0%

ENSEMBLE 17,7% 82,3% 100,0%

Tableau 15 : départements et mobilité

% ligne Pas de permis Permis ENSEMBLE Non réponse 0,0% 100,0% 100,0%

Aisne 35,3% 64,7% 100,0%

Oise 21,4% 78,6% 100,0%

Somme 25,0% 75,0% 100,0%

ENSEMBLE 25,8% 74,2% 100,0%

1.4 – Typologie des profils d’insertion socioprofessionnelle

Procéder à l’isolement des variables jouant un rôle dans la trajectoire d’insertion

professionnelle des jeunes diplômés pourrait amener à construire, si nous n’y prenons garde,

des artefacts statistiques : comme nous venons de le mentionner en évoquant l’ancrage

territorial des clivages sociaux entre diplômés, l’ensemble des caractéristiques des individus

interrogés forment système pour dessiner des « profils type » d’insertion. Nous avons donc,

afin de dessiner quelques uns de ces profils, soumis les données dont nous disposions à une

Analyse des Correspondances Multiples (ACM). Une ACM est une technique d’analyse

géométrique des données permettant, par un algorithme spécifique, de procéder à une étude

statistique multivariée et d’en synthétiser les résultats sous forme graphique. En sociologie,

elle est souvent utilisée afin de représenter, dans un repère orthonormé, un espace social à

partir de données structurantes (ici le genre, la nationalité des parents, la zone d’habitation, la

situation d’emploi, etc.) puis de projeter en son sein, de manière illustrative, les autres

caractéristique sociales des individus. Si la technique repose en dernière instance sur les choix

opérés pour la construction des axes, elle rend néanmoins compte d’une certaine réalité de la

population étudiée et permet d’en produire une vue d’ensemble.

19

Les modalités « actives », c'est-à-dire ayant participé à la construction des axes, sont projetées

en bleu sur le graphique, tandis que les modalités « illustratives » y sont projetées en rouge et

en violet. Les indices de contribution aux axes des modalités sont disponibles dans le tableau

ci-dessous17.

Axe 2 Axe 3

Modalités actives Signe des

coordonnées

Contribution à la

construction de l'axe

Modalités actives Signe des

coordonnées

Contribution à la

construction de l'axe

Plus de 900 € - 33,48 Cadres, PIS, PI + 48,30

A temps complet - 22,10 Un homme + 15,37

Entre 400 et 900 € + 12,77 Une femme - 11,10

A temps partiel + 11,90 Classes populaires - 7,41

Demandeur d'emploi + 7,63 A la campagne + 4,99

Emploi - 3,21 Moins de 400 € - 4,42

Non + 2,41 Entre 400 et 900 € + 3,24

Moins de 400 € + 2,35 En ville - 2,75

Classes populaires + 1,81 Demandeur d'emploi + 0,61

A la campagne - 0,58 Non + 0,60

Cadres, PIS, PI - 0,52 A temps complet - 0,53

Oui - 0,52 A temps partiel + 0,36

En ville + 0,32 Oui - 0,13

Un homme - 0,25 Emploi - 0,11

Une femme + 0,18 Plus de 900 € - 0,09

L’axe 2, qui a conservé 20,1% de l’information graphique globale de l’analyse des

correspondances, se révèle être un axe de « précarité » : son pôle positif regroupe

tendanciellement les individus travaillant à temps partiel, touchant entre 400 et 900 € ou étant

privé d’emploi ; tandis que son pôle négatif représente les situations d’emplois à temps

complet et les rémunérations supérieures à 900 €. L’axe 3, qui a conservé 13,2% de l’inertie

du nuage de points de l’ACM, oppose quant à lui en son pôle positif les hommes issus de

catégories professionnelles supérieures aux femmes issues de catégories populaires (pôle

négatif). A la lecture de l’ACM, en s’attachant aux proximités entre les modalités actives

(bleues), on peut discerner trois nuages de points (entourés sur le graphique), qui sont autant

de profils typiques d’insertion professionnelle de nos jeunes diplômés :

17

Par convention, on retient pour l’interprétation des axes les modalités actives fournissant une contribution supérieure à la contribution moyenne (en gris dans le tableau), qui est pour l’analyse présentée ici de 6.67% (les 15 modalités actives se partageant la contribution totale).

ACM 1 : Représentation graphique des profils d’insertion professionnelle des jeunes diplômés suivis par les: Représentation graphique des profils d’insertion professionnelle des jeunes diplômés suivis par les Missions Locales de Picardie

20

Missions Locales de Picardie

21

- Profil type n°1

Il est situé en haut à gauche du graphique et pourrait être décrit en ces termes : il s’agit d’une

femme, issue des classes populaires, ayant au moins un parent né à l’étranger, sans diplôme ni

permis et habitant en ville, dans l’Aisne ou la Somme. Munie d’un diplôme J&S de spécialité

« animation sociale » ou « loisir du jeune et de l’enfant », elle est – lorsqu’elle parvient à

travailler – employée en contrat aidé à temps partiel.

- Profil type n°2

Opposé au 1er sur les deux axes de l’ACM, ce second individu typique est à l’inverse un

homme, né de parents français, vivant dans la campagne isarienne et disposant du permis de

conduire. Ayant un diplôme de spécialité « loisir de pleine nature » ou « loisirs tous publics »,

il est généralement en emploi (CDD ou vacation). Le positionnement de ce nuage de points

dans le pôle négatif de l’axe 2 indique également que, tendanciellement, les individus se

rapprochant de ce second profil travaillent plus facilement à temps complet et disposent donc

d’un meilleur niveau de vie.

- Profil type n°3

Enfin, le dernier nuage de points, situé tout en bas à gauche du graphique, représente des

individus ayant des parents artisans ou commerçants et qui ont décroché un diplôme du

supérieur avant d’entreprendre des formations J&S de spécialité « équitation » ou

« technologie de l’information et de la communication ». Ils sont généralement embauché à

temps complet. Le positionnement de se nuage de point, très éloigné des deux autres sur l’axe

2, montre a quel point ce profil représente l’ « élite » des diplômés suivis par le réseau des

Missions Locales. Il s’agit visiblement, au vu de la place du nuage de point sur l’axe 3, d’une

population tendanciellement plus féminine.

SYNTHESE : Rappels des points saillants de l’analyse

� La population formée par les diplômés « jeunesse & sport » niveau IV et V suivis par

les Missions Locales de Picardie est majoritairement féminine (58,1%) et issue de

milieux populaires (71,2%).

� Ce sont pour beaucoup des jeunes ayant connu des parcours de décrochage scolaire et

dont 67,1% ont un niveau de formation initiale inférieur ou égal au CAP/BEP. Une

majorité (37,7%) a eu accès à la filière de formation grâce au réseau des Missions

Locales.

22

� 68,9% des individus interrogés sont actuellement en situation d’emploi, mais 71,7%

d’entre eux touchent moins de 900 € par mois.

� L’adéquation entre formation et emploi est très bonne, avec 87,1% des diplômés ayant

décroché au moins un emploi dans leur secteur de formation, mais également très

précaire : en moyenne annuelle et depuis la fin de sa formation, chaque diplômé a

connu 2,26 mois de privation d’emploi et seulement 5,5 mois en emploi dans le

secteur de l’animation socioculturelle et de loisir.

� Dans le secteur de l’animation socioculturelle et de loisir, 66,1% des jeunes ont

majoritairement été embauché en temps partiel contraint, et plus d’un diplômé sur

deux a déjà effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

� Malgré des conditions d’embauche et de travail pouvant sembler médiocre, 79% des

diplômés continuent d’exercer dans l’animation socioculturelle et de loisir et, parmi

ces derniers, 67% n’envisage pas de changer d’orientation professionnelle.

� Bien que le BPJEPS et le BAPAAT connaissent des barrières proprement scolaires à

l’entrée des diplômes, ils représentent un diplôme de promotion sociale pour 51,3%

des titulaires BAPAAT et pour 43,5% des titulaires BPJEPS.

� Le BPJEPS semble plus rentable sur le marché du travail, pourtant 92,3% des

diplômés BAPAAT émettent un avis positif sur la formation qu’ils ont reçu, contre

78,3% « seulement » des diplômés BPJEPS.

� Le fait d’être une femme, d’être « issu(e) de l’immigration », d’habiter en campagne

ou de ne pas avoir de permis de conduire représente autant de freins identifiés dans le

parcours vers l’emploi.

� 3 profils typiques, détaillés ci-dessus, ont pu être établis à l’aide d’une Analyse des

Correspondances Multiples.

23

II – Les trajectoires sociales des jeunes interviewés : vers une analyse

« compréhensive »

Les entretiens ont été, pour des raisons d’efficacité et de rentabilité temporelle, réalisés dans

les localités de résidence des enquêtés : le plus souvent dans les locaux des Missions Locales,

quelques fois dans un café, ou même à domicile. Leur réalisation s’est effectuée en deux

temps : tout d’abord via une première vague de trois entretiens exploratoires, antérieure à la

construction du questionnaire d’enquête, suivie – après la réalisation et l’exploitation de la

base de données – d’une seconde vague de 17 entretiens18. En tout et pour tout, c’est donc 20

entretiens approfondis qui auront été réalisés (dont plus des ¾ retranscrits) dans un cadre

« semi-directif 19», c'est-à-dire dans lequel l’enquêteur explore certaines thématiques tout en

laissant à l’enquêté une certaine liberté de « se raconter », la mise en récit de soi qu’il effectue

alors étant en elle-même riche d’enseignements. Construit durant la phase d’exploration de

l’enquête, le guide d’entretien20 qui a été utilisé cherchait à éclairer la trajectoire de vie des

enquêtés à travers 4 axes de recherche :

• Le parcours professionnel depuis l’obtention du diplôme

• Le parcours scolaire et / ou professionnel antérieur à l’obtention du diplôme

• L’inscription dans une trajectoire familiale et le rapport à l’école

• L’inscription dans une trajectoire de jeunesse et le rapport à l’avenir

La tenue des entretiens s’est effectuée tant que faire se peut au plus près, géographiquement

comme socialement, des individus interviewés. Tout en profitant de la relation de confiance

que les conseillers des Missions Locales ont su établir avec leurs usagers, il s’est agit dans le

cours même des entretiens de faire tomber la barrière institutionnelle qu’impliquait dès

l’origine la démarche même de l’enquête. Pour reprendre les mots de P. Bourdieu, « le

sociologue peut obtenir de l'enquêté le plus éloigné de lui socialement qu'il se sente légitimé à

être ce qu'il est s'il sait lui manifester, par le ton et surtout par le contenu de ses questions,

que, sans feindre d’annuler la distance sociale qui le sépare de lui, il est capable de se mettre à

sa place en pensée21 ».

Nous allons ici, dans un premier temps, restituer les échanges qui ont eu lieu avec les jeunes

en les abordant à travers plusieurs thématiques : rapport à l’école et orientation ; rapport au

diplôme et trajectoire familiale ; marché de l’emploi et conditions de travail ; conditions

18 La durée moyenne des entretiens approche les 45 minutes. 19 « L'entretien dit "semi-directif', la méthode d'entretien la plus couramment utilisée en sociologie, est réalisé grâce à un ensemble, une "grille" de questions - appelée aussi "guide d'entretien" - que l'enquêteur pose en adaptant plus ou moins, suivant la liberté qui lui a été donnée par le chercheur, leur ordre et leur formulation, et en sollicitant un approfondissement variable des réponses.». DUCHESNE S., « Pratique de l’entretien dit non directif », in CURAPP, Les méthodes au concret, PUF, 2000. 20 Cf. Annexe n°2 21 BOURDIEU P., « La situation d'enquête et ses effets » in BOURDIEU P. (dir.), La misère du Monde, Paris, Éditions du Seuil, collection Points, 1993.

24

d’insertion professionnelle et enjeux de réseaux ; espace de l’animation et représentations du

métier ; mobilité et trajectoire de vie. L’enjeu sera évidemment de faire écho, de manière

compréhensive, aux phénomènes généraux que l’analyse statistique nous a permis

d’identifier. Dans un second temps, nous rapprocherons le focus de l’analyse en effectuant

des « zooms » sur quelques trajectoires individuelles typiques : il s’agira avant tout de donner

« corps » aux profils que nous avons mis en avant lors de l’analyse statistique et de mettre en

relief, par la confrontation de parcours socialement proches, les déterminants sociaux

favorisant l’insertion professionnelle. En annexe de l’étude, quelques entretiens – intéressants

parce qu’atypiques au vu des constantes dégagées – pourront également être consultés dans

leur intégralité.

2.1 – Analyse thématique

2.1.1 – Rapport à l’école et orientation

Comme nous avons pu nous en apercevoir en confrontant le niveau d’étude atteint par les

diplômés au diplôme réellement obtenu, nombre de jeunes diplômés suivis par les Missions

Locales ont connu des parcours de décrochage scolaire ou encore de reconversion

professionnelle. Au principe de cet accident de parcours scolaire se trouve, bien souvent,

l’imposition par l’école de ses propres critères d’orientation au détriment de la libre

construction socioprofessionnelle des élèves, comme en témoignent les paroles retranscrites

ci-dessous de Pauline et David. La première, qui voulait « travailler avec les enfants », avait

une moyenne « trop haute » pour entreprendre un BEP sanitaire et social ; tandis qu’à

l’inverse le second, qui voulait entreprendre le même parcours, n’avait « pas le niveau ».

Aucun des deux n’a poursuivi son cursus jusqu’au baccalauréat.

Pourquoi vous avez choisi de faire un bac littéraire à l’origine ? Ben c’est pas moi qui ai choisi. Je savais pas quoi faire en sortant de ma 3ème. Je suis sorti avec 16 de moyenne en 3ème et moi je voulais partir en BEP sanitaire et social, mais c’était pas possible parce que j’avais une moyenne qui était trop haute, du coup ils m’ont mis en économie et sociale, et j’ai un peu raté mon année, j’ai voulu rien faire pour dire qu’ils me mettent en BEP l’année d’après, mais le proviseur elle m’a pas lâché en fait, donc elle m’a mis en 1ère Littéraire. Elle m’a dit « même si tu fais rien et tout je te remettrais jamais en BEP ».

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi.

Ca ne vous a pas intéressé et vous avez arrêté... Ben à la base déjà je voulais pas faire un BEP Electronique, je voulais faire un BEP Sanitaire & Social. Mais au vu de mon parcours scolaire, j'ai été orienté vers mon deuxième choix, qui était l'électronique. Ah bon ? Pourquoi ils ne vont ont pas laissé faire Sanitaire & Social ? Ben y'avait beaucoup de demandes, et ils ont sélectionné par rapport au dossier scolaire... Le dossier scolaire après il arrive en file d'attente, donc pour éviter que je ne fasse rien ils m'ont mis sur mon 2ème choix, qui était le BEP Electronique. J'ai fait mon BEP que j'ai obtenu, mais j’ai pas voulu continuer. Ca ne s'est pas bien passé pour vous au collège c'est ça ?

25

C'est que les notes étaient moyennes, ceux qui avaient postulé pour le BEP Sanitaire & Social avait un niveau meilleur... Donc après mon bac pro [avorté] je suis resté pas mal à la recherche d'un emploi, c'était pas simple, je me suis dirigé vers les métiers de l'animation mais je savais pas trop vers quoi m'orienter.

David, 27 ans, diplômé BAPAAT-BPJEPS, actuellement technicien-conseiller-client en CDI.

Aux parcours de décrochages faisant suite aux mauvais aiguillages internes au système

scolaire s’ajoutent évidemment ceux qui découlent de choix familiaux, comme dans le cas de

Pascaline.

Avant mon diplôme j’ai fait la formation, et avant ça j’étais pas dans le domaine de la petite enfance. Ah oui ? Non, j’ai fait 8 ans de vente en boulangerie [rires]. 8 ans ! Tu as arrêté l’école à quel âge ? J’ai passé mon CAP, mon BEP, j’avais 18 ans. C’était dans quel domaine ton CAP et ton BEP ? Vente. […] T’as fait de la vente parce que vraiment ça te plaisais ? J’ai fait de la vente parce que mes parents m’ont dit « tu feras de la vente » [rires]. […] Pourquoi ? Je sais pas. Ils disaient que c’était un métier de fille… moi j’ai fait ! [rires]

Pascaline, 26 ans, diplômée BAPAAT, actuellement en CAE d’animatrice périscolaire

Evidemment, et si les cas de reconversion scolaire et/ou professionnelle du à une erreur

d’orientation sont nombreux, ils n’épuisent pas l’ensemble des parcours des jeunes diplômés

suivis par les Missions Locales. Un accident du travail, comme dans le cas de Justine, ou

encore une formation ne connaissant aucun débouché dans le marché du travail local, comme

dans celui de Dorothée, peuvent également se trouver à l’origine de la bifurcation

socioprofessionnelle provoquant l’entrée dans le monde de l’animation.

Alors avant le BAPAAT, en formation initiale, j’ai le Brevet des collèges. J’ai le niveau, parce que j’ai pas été à fond, BEP restauration. Après j’ai travaillé, mais j’ai eu un accident de travail [rupture des nerfs carpiens], je ne pouvais plus travailler dans la restauration…

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Vous avez quoi comme diplôme ? Un BMA, un Brevet des Métiers d'Arts, spécialisation broderie. Donc à l'origine je suis brodeuse, normalement. Mais ce diplôme là m'aide beaucoup dans l'animation, le côté arts m'aide bien. Et donc vous avez passé le BMA mais en sortant vous avez pas trouvé de... Non non. Non... J'ai fait de la surveillance.

Dorothée, 25 ans, diplômée BAPAAT, actuellement privée d’emploi

Au terme de parcours sinueux, généralement marqué par une période de privation d’emploi,

c’est le réseau des Missions Locales qui s’est avéré être un palliatif à l’école en terme

d’orientation professionnelle, comme en témoignait déjà l’analyse du questionnaire passé aux

jeunes diplômés, dont plus du tiers a pu accéder à une formation Jeunesse & Sport via ses

services.

26

Comment t’étais arrivé dans l’hôtellerie au départ, qu’est-ce qui t’avais plus ? C’était au collège. Au collège on te demande… ben je pensais que je voulais devenir cuisinier, et en fait… pas du tout ! [rires] En fait c’était pas du tout mon domaine, d’ailleurs j’ai été diplômé en tant que serveur alors… Non je pensais que c’était bien et puis, voilà, on nous demande de choisir notre taf au collège ! T’en sais rien à ce moment là, c’est un peu limite… Tu manques de maturité, tu peux pas ! C’est pour ça qu’il y en a beaucoup qui divaguent en entrant au lycée… Après moi je pensais que ça allait me plaire, on m’a dit que ça allait être difficile mais moi je me… je suis allé là dedans. En même temps je pense que c’était un peu aussi la… la roue de secours : « bon ben j’ai mis ça sur ma feuille de vœux, ça va je ferais pas rien l’an prochain ». J’pense y’a ça aussi, on n’y pense pas sur le coup mais y’a ça aussi. Donc pendant deux ans j’ai fait ça, en même temps je pense que ça a été un moment pour reculer un peu l’échéance aussi, et finalement après le BEP ça… c’est aussi bien qu’on m’ait pas accepté en Sanitaire et Social, ça se trouve j’aurais reperdu 2 ans là dedans et aujourd’hui je serais peut être pas titulaire du BAPAAT… Pourquoi ils t’ont pas accepté ? En fait j’ai passé ma candidature dans ce même lycée, et ils m’ont dit que comme j’avais déjà fait deux ans, que j’avais un diplôme, et ben ma moyenne était divisée par deux, donc j’avais quoi, 13, donc si je demandais à aller dans une nouvelle classe de BEP ma moyenne était divisée par deux et comme y’en a qui arrivaient du collège c’était eux qu’étaient prioritaires. Donc on a fait le tour après, mais non rien. […] Et c’est là que j’ai commencé à me mettre dans la danse, à me mettre à fond dedans en fait, parce que j’avais du temps pour moi, j’avais rien à faire. A 16 ans, sortir du système scolaire, c’est pas top. Moi on m’aurait dit… après moi je savais pas ce que je voulais faire après, c’est pas évident, mais si j’aurais su ce que je voulais faire et que je sais pas, je dis n’importe quoi, y’avait un Bac animateur, j’aurais été là dedans, ça aurait été aussi vite quoi. […] En fait t’as eu l’information quand tu as décroché du système scolaire et que tu arrives à la mission locale… Voilà. C’est ça, moi comme beaucoup de gens c’est comme ça que ça s’est passé…

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

Une fois cette reconversion professionnelle entamée, la formation professionnelle J&S a bien

souvent permis aux jeunes de se « remettre en selle » : les techniques de pédagogies

alternatives issue des différents courant de l’éducation populaire, mais également l’imposition

d’un cadre de travail alternatif à celui de l’institution scolaire se sont avéré salvateurs pour des

individus ayant bien souvent développé un rapport « malheureux » à l’école ou ayant connu

des difficultés à répondre aux attentes de l’institution scolaires.

Et une reprise de diplôme tu me disais tout à l’heure ? Oui. Soit passer le stade de formatrice d’insertion professionnelle pour adulte… Ca se fait comment ça ? Ca faut que je retourne en… c’est une université en fait. Faut que je fasse une licence. Ca ça me fait un peu peur, parce que je ne suis pas… je ne peux pas rester en cours tout le temps, faut que je sois au contact des gens. Donc je vais voir si je peux le faire en VAE, faut que je travaille 5 ans en tant que formatrice. Déjà faut que je trouve un emploi, que je le garde 5 ans, et après je pourrais faire valoir…

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE Qu’est-ce qui te plaisait pas à l’école et qui t’as plu dans la formation BAPAAT ? C’est pas que ça me plaisait pas l’école, j’aimais bien, mais c’est que je m’investissais pas dans le travail en fait, mais ça me dérangeais pas d’aller en cours. J’étais pas contre les cours, mais j’étais pas investi dans le travail à la maison, nin nin nin… Après le BAPAAT… moi ça me déplait pas d’être en cours et puis c’est ce qui se passe en formation parfois, c’est de la note de la note et puis c’est tout. Cette ambiance de cours moi elle me dérangeait pas, déjà quand elle était dans le système scolaire elle me dérangeait pas, c’est le travail à la maison qui me dérangeait. Mais le BAPAAT t’avais beaucoup de travail en cours, mais une fois rentré à la maison ça demandait pas un travail exceptionnel, sauf en fin d’année avec le mémoire, mais sinon… Donc voilà sur tous les points ça correspondait.

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

27

Evidemment, la formation professionnelle J&S connait tout de même – comme nous l’avons

constaté plus haut statistiquement – des barrières proprement scolaires à l’entrée de ses

diplômes, que nous pouvons retrouver, avec l’exemple caractéristique de la sélection

langagière, dans les paroles de Pauline. Ben après deux ans, ça a été retourner à l’école pour moi. Après l’ambiance a fait que je me suis mise dedans et tout, mais à des moments ça allait trop vite, le temps de comprendre et tout, fallait que je me remette dedans quoi… On a fait de la comptabilité, en littéraire on faisait pas de maths, ça me paraissait super loin quoi. On a crée nos dossiers aussi, par rapport à la commune avec laquelle on travaillait. Le plus dur c’était de décrire, mais là où j’ai eu le plus de mal c’était pour communiquer avec la personne qui était devant moi, parce que moi j’utilisais pas les mots de l’animation et tout et j’ai eu du mal à ce que ça… à me mettre dans le truc. C’est quoi les mots de l’animation ? Quand il fallait dire « projet pédagogique », ben moi je disais « projet » pis c’était banal quoi… Ou alors y’avait les « objectifs opérationnels »… Après quand on m’a dit que je l’avais, après le rattrapage, je me suis remotivée.

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi Si j’avais pas fait ma 1ère et ma Terminale j’aurais peut être eu du mal en BPJEPS, des fois je trouvais des mots que… y’en a qui me demandaient « comment tu connais ce mot là ? » mais vu que j’avais fait littéraire voilà, la phrase elle était faite quoi. Alors qu’il y en a qui sortaient de scientifique et tout, pour écrire un projet ça allait moins quoi… Pis bon au départ le BPJEPS ils demandent une équivalence Bac. Moi je sais que dans la formation y’en a trois qui avait pas fait un bac, ben ils l’ont pas eu quoi, ils avaient des difficultés pour beaucoup de choses.

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi

2.1.2 – Rapport au diplôme et trajectoire familiale

Pour le public de diplômés Jeunesse & Sport majoritairement composé – à l’instar de

l’ensemble des diplômés du secteur au niveau national22 – de filles et fils des classes

populaires (qui plus est ici connaissant des parcours de décrochage scolaire), l’obtention d’un

diplôme Jeunesse & Sport revêt pour nombre d’individus un caractère de promotion sociale.

Le rapport au diplôme peut ainsi bien souvent se comprendre à la croisée des attentes

familiales et de l’investissement, financier et symbolique, engagé pour entreprendre la

formation. Ainsi, pour Justine comme pour David, l’obtention d’un BPJEPS permet de

combler des attentes familiales « normales » de réussite scolaire, c'est-à-dire d’obtenir un

« niveau bac » voire d’envisager la poursuite de leur ascension scolaire et sociale.

Et s’ils sont pas trop animations et associatif, ils en pensent quoi tes parents de ce que tu fais ? … Ils dont fiers de moi ! Parce que ben déjà étant ouvriers, ils ont pas un niveau d’étude… Au début ils avaient surtout peur parce qu’ils pouvaient pas m’aider dans mes… Mais bon ayant toujours été débrouillarde comme ils disent, ils m’ont toujours poussé, en me disant « si tu peux faire des grandes études fais en »… ils pensaient pas non plus que j’irais jusque là. Et c’est pas terminé, je compte évoluer encore et encore !

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LEBON F. & DE LESCURE E., Les animateurs socio-culturel et de loisirs : morphologie d’un groupe professionnel (1982-2005), INJEP, 2007. Les enfants d’ouvriers représentent au niveau national, à eux seuls, un tiers de la profession.

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Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Après mes deux grands frères au niveau des études, ça a pas suivi, ils se sont peut être dit "un au moins qui aura le bac". Bon mon frère à côté il l'a passé son bac, il l'a eu du premier coup. Le dernier, le petit frère ? Oui, un bac électrotechnique. En même temps, moi je leur ai dis, "c'est un niveau bac, c'est équivalent". Mais y'a pas le mot "bac" dedans. J'avais aussi passé un entretien pour le DEAJEP, mais qui n'avait pas aboutit. C'était avec... je sais plus trop, sur Amiens. Y'avais plus trop de financements-régions pour ce diplôme là, il fallait en prendre 5 sur 15 et donc ils ont pris les 5 qui étaient les meilleurs en entretien.

David, 27 ans, diplômé BAPAAT-BPJEPS, actuellement technicien-conseiller-client en CDI.

L’obtention d’un diplôme équivalent au baccalauréat permet même, dans le cas de Justine, de

se positionner comme une référence dans son milieu familial. Dans l’extrait d’entretien ci-

dessous, elle se pose ainsi comme une tutelle supplémentaire (quand bien même elle fut

défaillante en ce cas précis) pour ses deux sœurs jumelles, déscolarisées et désormais fille-

mère à 16 ans pour l’une d’entre elles :

Ils sont capables de faire très bien, mais faut toujours être derrière eux, et moi comme j’ai entrepris mes formations après, ben j’ai quitté le nid. Alors avant je les poussais, je les poussais mais… en fait quand j’ai fait mon BPJEPS je suis partie, j’avais ma maison et tout ça, comme j’avais eu mes salaires avant j’étais partie entre temps, et donc du coup ben j’étais plus là pour les pousser…

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

En lien à la fois avec l’ascension professionnelle qui marque la trajectoire familiale après

l’obtention du diplôme et avec la « normalisation » du rapport aux études que permet la

formation professionnelle après des trajectoires de décrochages scolaires, le rapport au

diplôme J&S – comme nous l’avons vu dans la partie précédente – s’avère généralement très

positif. Il permet de renouer avec les connaissances théoriques, fournit de l’assurance et

légitime, aux yeux des diplômés, leur propre statut dans le monde de l’animation

socioculturelle. Cette forme de légitimation, que ne permet pas le BAFA aux dires des

diplômés qui en sont également détenteurs, est au principe d’un sentiment d’existence du

« métier » et permet aux jeunes de se projeter dans l’avenir et un secteur professionnel balisé

et délimité.

Et donc toi tu me disais tout à l’heure que ta formation BAPAAT t’avait bien servi, qu’elle avait donné une assurance pour faire ton métier que tu n’avais pas avant… Oui une assurance et même une crédibilité vis-à-vis de l’employeur, ça c’est clair. Et t’as pensé quoi de la formation en tant que telle ? Je l’ai trouvé enrichissante, parce que … en fait les modules sont très différents les uns des autres. Par exemple on a voyagé en Allemagne et ça a été très enrichissant, on a vu comment ça se passait là bas, l’histoire un peu de l’éducation là bas par rapport aux enfants, les premiers animateurs, les premières structures, etc. C’était enrichissant surtout… comme j’avais déjà travaillé au niveau de la pratique je savais un petit peu, j’étais plus connaisseur de la pratique que de la théorie. Ca m’a beaucoup plus aidé tout ce qui était par exemple dans la sociologie tout ça, qui va encore plus loin que l’animation en elle-même. Toutes façons c’est ça que je recherchais dans la formation c’était le côté théorique du métier.

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

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Vous trouvez que c’est une bonne formation un BPJEPS Action Sociale ? Oui. Moi j’ai fait beaucoup de choses… ben surtout au niveau de l’être humain, on apprend beaucoup, rien que pour les personnes âgées, pour l’adulte. Moi j’étais dans la petite enfance avant, depuis que j’ai eu ça je me suis dis « faut que je travaille avec les adultes » quoi. Parce que moi j’aime bien aider les gens, c’est dans ma nature, donc dès que j’ai vu ça je me suis dis « faut que je fasse ça », j’étais bien en fait [rires]. Là je suis retournée dans la petite enfance, ça va j’aime bien les enfants, et quand on a son public… Mais bon j’essaie de trouver autre chose, j’ai trois mois !

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Faut pas en rester au simple BAFA. Par exemple dans le BAFA un projet j’en avais jamais fait. Pis on apprend beaucoup sur les enfants, la psychologie de l’enfant, les enfants handicapés, les personnes âgées… Donc ça vous a bien aidé dans votre pratique… Oui carrément, en plus j’ai même eu mon diplôme de directrice dedans donc…

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi

Pour autant, si le regard positif posé par la formation est unanime, la concurrence que les

diplômés BAPAAT connaissent sur le marché du travail est systématiquement soulignée par

les jeunes dans les entretiens. L’investissement financier, temporel et symbolique dans le

diplôme induit une attente de rétribution sur le marché du travail qui, souvent, ne trouve pas

satisfaction.

C'est une bonne formation le BAPAAT ? Franchement oui. Ca vous a apporté ? Moi ça m'a apporté beaucoup. Notamment... on va nous dire "avec le BAFA vous êtes payés la même chose", c'est vrai on est payé au même prix, sauf que la formation est bien plus complète dans le sens où j'ai rencontré des vrais professionnels, des artistes connus, des sculpteurs, des peintres, un marionnettiste. Tout ça ça apporte beaucoup quand on les rencontre, quand ils nous apprennent à faire certaines choses. On a eu aussi une pratique de la vidéo, on a fait un petit long métrage, un truc sympathique, moi j'avais choisi l'animation à ce moment là, donc avec des petits personnages en papier, un petit décor, mais c'était vraiment pas mal, le rendu était pas mal. […] Cette formation m'a fait découvrir beaucoup de choses, elle était complète dans le domaine de l'animation mais aussi dans le sens où j'ai appris beaucoup sur l'enfant, son évolution, du moment où il était dans le ventre de la maman jusqu'à ce qu'il devienne adulte quoi, avec tout ce qui va avec. J'ai beaucoup appris, j'ai découvert beaucoup de chose en faisant le BAPAAT que je n'aurais pas découvert en faisant le BAFA. Pourtant les deux sont payés pareils, embauchés pareils, etc. Là à l'association on était deux BAPAAT et deux BAFA, on était payés au même taux, tout pareil. Alors que je sais que dans certaines régions de France, genre la Bretagne, qui est assez touristique, la BAPAAT est reconnu bien plus que le BAFA. Si j'arrivais là bas avec mon BAPAAT, on va me dire "vous avez une certaine formation, une certaine expérience"... Le temps de formation n'a rien à voir quand même entre les deux !

Dorothée, 25 ans, diplômée BAPAAT, actuellement privée d’emploi

Ta formation, ton BAPAAT, quel regard tu jettes dessus aujourd’hui ? Ca t’a apporté plus que le BAFA, toi qui l’a passé aussi ? Ben oui forcément, forcément. Parce que le BAFA c’est de la rigolade, tout le monde peut l’avoir le BAFA. Le BAPAAT c’est quand même 11 mois de formation, faut être régulier, alors que le BAFA c’est une semaine par ci par là, c’est vrai que ça va vite à passer. Le BAPAAT faut quand même être tous les jours soit en formation soit… enfin moi tous les jours je montais sur Amiens, je prenais le train, ça me faisait quand même des grosses journées, donc voilà quoi. […] Tu me disais que pour toi le BAFA et le BAPAAT c’était pas la même formation, pourtant beaucoup de gens, et même des animateurs, ont l’impression que sur le marché du travail c’est…

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Equivalent ? C’est pas du tout la même chose, mais y’a beaucoup de gens qui le perçoivent pareil, que t’aies ton BAPAAT ou ton BAFA c’est la même chose pour la plupart des gens qui emploient, nous on fait la différence, mais pour la plupart des gens qui emploient, le BAPAAT ou le BAFA c’est la même chose, surtout dans les petites villes comme ça. Dans les grandes villes, je pense que c’est un peu mieux perçu d’avoir le BAPAAT. Enfin c’est vrai que ça vaut plus grand-chose, mais pour ceux qui l’ont maintenant ça permet d’aller en BPJEPS après quoi. C’est une base…

Jérémy, 20 ans, actuellement animateur en CDD

Donc, tu disais ? On me dit « BAFA, BAPAAT, c’est pareil », ben moi je suis pas d’accord. Après je sais pas du tout… J’pense que ceux qui sont dans le métier ils le savent, mais je sais pas ils se disent que… Alors que le BPJEPS, c’est un niveau Bac, ben forcément ils vont beaucoup plus le valoriser qu’un BAPAAT. Des fois, j’ai l’impression qu’ils mettent sur le même piédestal un BAFA et un BAPAAT. Mais du coup, étant titulaires du BAPAAT on se dit « pfff », on est un peu dégoutés parce que finalement c’est pas un BAFA que j’ai passé c’est un BAPAAT… Mais le BAPAAT c’est un diplôme professionnel, le BAFA juste un brevet… Ouais voilà ! Je sais pas pourquoi. Moi j’ai remarqué ça. Après c’est pas partout mais en général on nous compare souvent à des BAFA…

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

Alors que la formation permet aux diplômés de renouer avec les études et de produire une

formation de légitimation et un sens du « métier », la situation de travail précaire et en

concurrence directe avec les diplômés BAFA qu’ils connaissent sur le marché de l’emploi est

au principe de fortes désillusions et de l’impression que leurs titres scolaires – et donc leurs

compétences – ne sont pas reconnu(e)s à leur juste valeur par les employeurs. On assiste alors

à un décalage entre les promesses du titre et les « droits d’entrée » qu’il confère réellement sur

le marché du travail.

J’avais fait le BAPAAT c’était pour avoir un peu d’expérience, mais après quand j’ai vu les débouchés, entre guillemets, ça m’a pas vraiment plu. […] Je dis ça, mais je suis pas le seul, je dis ça pour tous ceux qui ont passé le BAPAAT avec moi : ils en sont où aujourd’hui ? Moi je parle encore avec quelques unes, je parle toujours avec tout le monde, ben les personnes avec qui je parle elles ont changé de cursus ou… Voilà c’est une formation qui coûte quand même assez cher ! Elle a servi à quoi dans ce cas là ? Quand on se pose vraiment la question elle a servi à quoi ? […] J’suis désolé mais au début on leur offre du rêve – vous pourrez travailler dans les maisons de retraites, vous serez animateurs dans les clubs de vacances, vous pourrez faire ci, vous pourrez faire ça – et puis au final, c’est quoi la réalité ? Les clubs de vacances ils ouvrent à l’année ? Ben non, ils fonctionnent deux mois. Donc ce sera de la vacation. Est-ce que maintenant un être humain qui a des responsabilités, des enfants, demain avec un BAPAAT il va pouvoir assouvir ses besoins et ceux de sa famille ? […] Si les personnes font des diplômes c’est pour une place précise pour moi. Un BAPAAT c’est une place d’animateur dans une structure, ce qui pourrait normalement être une structure, je sais pas les mairies par exemple, c’est des structures qui vont persister, pourquoi ils feraient pas des contrats à temps plein ?

Abdel, 23 ans, diplômé BAPAAT, actuellement en double cursus AES / Educateur spécialisé

Pis passer par la mission locale ça fait un peu… Ca fait un peu chômeur tout ça, nin nin nin… C’est un peu ça hein ! Moi on m’avait dit « la mission locale c’est pas terrible, ils vont rien te faire », ben moi ils m’ont bien aidé. J’ai eu de la chance, j’ai eu une bonne conseillère, elle m’a bien aidé. J’aurais jamais été à la mission locale, faut dire ce qui est, je serais peut être pas là, moi je connaissais pas [les formations Jeunesse & Sport]. C’est un sous travail entre guillemets parce qu’il ne fait pas partie du système scolaire. […] Et c’est pour ça qu’on nous en parle pas. Et y’a plein d’autres formations comme ça hein. Dès que ça sort de la plomberie, de la cuisine, de la distribution, de la vente, du commerce… dès que ça sort de tout ça, du système scolaire général, ben c’est mort, on n’en sait rien.

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Moi je pense que c’est pour ça, c’est pour ça qu’on a pas d’infos. C’est à côté de l’institution. C’est complètement différent pour eux. […] J’pense y’a un travail à faire sur ça.

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

Lorsque l’investissement a été trop lourd pour une situation socioprofessionnelle décevante, le

rapport au diplôme s’avère bien plus négatif. Le cas d’Hector est emblématique à ce sujet :

fils d’une commerçante et d’un ouvrier qualifié, déscolarisé très jeune et sans soutien

financier familial, ce dernier a emprunté – malgré une aide de la Région – 7500 euros (qu’il

rembourse toujours) pour faire face à ses besoins alimentaires durant sa formation BPJEPS

(équitation). Après un passage malheureux en tant qu’auto-entrepreneur (il doit arrêter suite à un

accident de cheval), il est aujourd’hui privé d’emploi sans indemnités. Pratiquant le cheval depuis

l’enfance, possédant tous ses galops, il fustige aujourd’hui une formation qui « tire l’équitation

vers le bas ».

Ca te permettrait quoi le DEJEPS ? D’être plus seulement moniteur mais entraîneur sportif, de faire de l’optimisation de performance avec des élèves, ce qui nous permet de demander des pensions plus chères quand on est installés ou de demander des cours particuliers un peu plus cher que ce qu’on pourrait donner… C’est le niveau au dessus quoi. Moi ce serait vraiment pour me démarquer des autres BPJEPS. Je dis jamais que j’ai le BPJEPS, je dis que j’ai un monitorat, je trouve ça un peu… dévalorisant d’avoir un BPJEPS. Après c’est ma façon de penser à moi tout le monde pense peut être pas comme moi. […] Le BPJEPS, pour moi, ça veut pas dire grand-chose quoi. Pourquoi ? Parce que pour moi un BEES 1, donc l’ancien BPJEPS, c’est beaucoup plus valorisant qu’un BPJEPS. Déjà ils étaient sur deux années, maintenant on est plus que sur une seule année, et y’a tellement de centres de formations – je parle de mon milieu – que même quelqu’un de mauvais qui va se faire recaler dans un centre de formation va aller dans un autre centre de formation où ils sont moins plein et il va être pris. Oui pour toi ils font entrer tout le monde et n’importe qui… Voilà. Sans parler des examens de sortie qui sont d’une extrême simplicité.

Hector, 24 ans, diplômé BPJEPS, actuellement privé d’emploi.

La précarité du marché de l’emploi de l’animation socioculturelle n’est pas uniquement au

principe de désillusions des diplômés, elle provoque également la défiance de leurs familles

qui, si elles pouvaient se réjouir d’une percée scolaire de leurs enfants, se montrent fort

réticentes devant un milieu professionnelle perçu comme sans avenir possible.

Et lui il pense quoi de l’animation ? [rires] Mon père il est pas du tout pour l’animation, enfin si, parce que mon petit frère il va au centre de loisir et tout, mais lui c’est rapport aux horaires de travail, tout ça. Il se pose plus des questions pour une vie familiale après. Moi je lui dis que c’est possible, que je le vois vu que je suis dedans. Mais y’a des gens de l’extérieur ils comprennent pas comment on peut fonctionner…

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi

Voilà, en fait j’ai fait le bac… c’était plus pour mes parents. Ils voulaient pas que j’arrête les cours. Mais bon après ça me plaisait vraiment pas, alors j’ai arrêté pour faire de l’animation. Et ils en pensent quoi aujourd’hui ? Ben… le fait que je sois à 20h ça les dérange… … en même temps ça vous dérange aussi !

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[rires] Oui. Moi je pense pas que… des fois ils me disent « t’aurais pas du arrêter les cours, t’en serait peut être pas là, nin nin nin »… mais moi je regrette pas. Pas forcément.

Adéma, 22 ans, diplômée BAPAAT, actuellement adjointe d’animation en CDI

Tes parents ils en pensent quoi de l’animation ? Ma mère elle a fait un peu d’animation aussi, quand elle était jeune, enfin avant d’être à Inter. Mon père aussi, en fait quand moi je faisais mon BAPAAT lui il… parce qu’il habite à Eu mon père, et il s’occupait à ce moment là de la maison des jeunes de Eu, il faisait des animations pour les enfants le soir, tout ça. Et voilà, ils en pensent que du bien quoi, même si mon père me dit que c’est pas vraiment un métier d’avenir. Il aime bien essayer de… me rabaisser un peu, histoire que je remonte un peu, j’ai l’habitude. Non… moi je sais que pour l’instant je fais ça et que ça me plait. Après si j’avais pas un contrat d’un an peut être que je chercherais autre chose à faire, peut être dans la restauration je connais pas mal de patrons dans le coin, grâce au centre aéré d’ailleurs, puisque j’ai tous leurs enfants.

Jérémy, 20 ans, actuellement animateur en CDD

Ta mère elle en pense quoi de l’animation, de la carrière que tu te fais ? Ben au début ça lui a fait peur. Elle sait après que quand je veux quelque chose en général je l’ai. Elle me fait confiance, elle me laisse faire, elle a jamais été… elle a été un peu contre le fait que j’arrête les cours, elle voulait que j’aille jusqu’au Bac. Je lui ai dit « non non, c’est mort le Bac, le Bac Hôtellerie c’est pas pour moi [rires], j’arrête ». Aujourd’hui je comprends qu’elle voulait que j’aille quand même au Bac. Quand je lui ai parlé de l’animation ça lui a fait peur, elle m’en a parlé, pour elle c’était un taf éphémère. Moi je lui ai fait comprendre qu’il y a plein de boulot là dedans, qu’il y a plein de domaine qu’on peut… qu’on peut avancer, c’est pas juste « je garde des gosses », c’est pas de la garderie quoi.

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

2.1.3 – Conditions de formation, conditions de travail

La précarité est un élément transversal du parcours d’insertion professionnel des jeunes

diplômés suivis par le réseau des Missions Locales. En l’absence d’un dispositif social

d’encadrement de la formation, les situations de précarité sont la norme pour tous les

diplômés dont la famille n’a voulu ou n’a pu subvenir aux besoins alimentaires qu’implique la

dizaine de mois de préparation au diplôme.

Parce que la formation professionnelle c’est pas comme les études générales, on a pas de bourses, on n’a pas d’aides pour les transports… Je crois que c’est juste ça, tant qu’on a pas une vie… ben voilà suivant la situation des personnes, même moi là si je faisais une formation j’aurais pas de salaire, donc au moins tant que j’ai mes remboursements de trajets et mon repas de pris déjà… Je pense que c’est ça qui a bloqué certaines personnes, moi je l’ai vu dans mes formations… Je sais qu’en BPJEPS on a eu le coup, on était 15 stagiaires et on s’est tous soutenus, on donnait à notre collègue pour qu’elle continue, ça nous revenait à 5 euros par mois pour qu’elle puisse venir aux cours et qu’elle puisse manger. C’est vrai que voilà, j’trouve que ça c’est pas encore bien… Qu’il y ait pas de dispositif social qui encadre la formation des animateurs… Pour les filles – enfin je l’ai eu en BAPAAT mais pas au BPJEPS – en BAPAAT j’ai eu une aide, je sais plus ce que c’était, le fond de solidarité de jeunes filles je crois, je l’ai plus exactement mais je l’ai à la maison. Et en fait elle me donnait des bons, j’avais droit à des bons, à des chèques restos ou des bons de 15 ou 30 euros dans certains magasins. C’est vrai que franchement c’était… aidant, on se dit j’ai mon repas et puis… c’est pareil comme mes parents ne pouvaient pas me financer, quand on partait la journée en stage ou quand on partait – parce que des fois on faisait des excursions donc il fallait quand même payer une partie – ben je payais avec ça. C’est vrai pour des familles qui sont pas… ou même de classe ouvrière, quand y’a a peine 2000 euros qui rentrent, et quand y’a 4 enfants, ben voilà ! […] Moi j’avais une bonne conseillère à la mission locale je sais que tous les deux ou trois mois j’avais droit à 150 euros, ben à force de les mettre de côté ben… Ca aide…

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Oui ça aide. Et c’est vrai que… parce qu’au début pôle emploi finançait les frais de transport quand y’avait entretien d’embauche. Donc ils m’avaient financé l’entretien quand j’étais à Amiens. Mais après pour faire la formation ? Ben y’avais plus rien ! [rires] Fallait trouver. Voilà, c’est vrai que les financements, faudrait peut être pas offrir 500 euros quoi, mais bon… […] Voire même une psychologue. Parce que des fois, ben y’a la vie qui peut être dure, on se dit « purée, je suis en formation, j’ai mes factures EDF qui passent… ». J’ai vécu ça. […] Une psychologue ça ferait du bien pendant la formation. D’avoir un suivi. Parce qu’on va pas aller voire la formatrice, pour lui dire « je peux pas venir parce que… ». Rien que moi j’ai eu des soucis, ben au bout d’un moment on lâche prise, on se dit « c’est pas possible », « j’ai pas l’argent », « on va pas y arriver »… pis du coup moi je suis tombée en dépression, durant ma formation.

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Pour faire ça tu étais financé par le Conseil Régional toi ? J’étais demandeur d’emploi, donc la région pour les demandeurs d’emploi finançait UNE PARTIE de la formation. Sur les 7900 euros qu’on demande si on doit payer complètement, j’ai payé 1992 euros. Que tu as trouvé comment ? Ben alors pour les 1992 euros c’était pas trop le problème j’avais mis de côté pour ça, donc toute ma partie BPJEPS était faite mais bon, moi je n’habitais plus chez mes parents, j’étais célibataire, j’avais mon appartement à payer, ma nourriture, mon gazole, tout ça. Donc j’ai fait un prêt étudiant de 7500 euros. Pour vivre pendant ce temps là… Pour vivre sur 11 mois. Donc 7500 euros sur 11 mois on est en dessous du seuil de pauvreté [rires]. Donc c’était pas forcément une année facile non plus. Tu l’as remboursé là ton prêt ? Ah non non j’ai toujours pas fini de rembourser non. J’ai échelonné tout ça, là j’ai encore 4 années à payer. 4 années ?? Ouais… J’ai mis ça sur 5 ans, mais après si je veux rembourser plus vite je peux. Mais vu mes revenus actuels je ne peux pas.

Hector, 24 ans, diplômé BPJEPS, actuellement privé d’emploi.

Cette précarité, que les diplômés retrouvent ensuite sur le marché de l’emploi, s’avère ainsi

souvent être la principale cause des défections, des sorties du secteur de l’animation

socioculturelles et de loisir.

On nous fait des contrats par jour, à chaque fois que je vais travailler là bas il me fait un contrat. C'est pas un contrat au mois, c'est... Oui ça peut être considéré comme de la vacation. C'est un peu l'intérim de l'animatrice quoi, ça me fait penser à ça. […] C'est un enchaînement de petits boulots qui commencent vraiment à peser. J'aimerais vraiment me stabiliser, c'est pour ça que j'envisage de passer les concours pour commencer à... voilà quoi [rires].

Dorothée, 25 ans, diplômée BAPAAT, actuellement privée d’emploi

Et ça suffit pour vivre 700 euros par mois ? C’est duuuur [rires]. Très dur. Là je suis encore chez mes parents mais j’ose même pas prendre un appartement de peur de pas m’en sortir quoi. […] Et les conditions de travail au centre ? Je dirais que ça va, mais que pour moi et mon collègue elles sont un peu plus difficiles, parce qu’on nous en demande trop alors qu’on est qu’à 20h. En fait si vous voulez y’a plusieurs tranches d’âges, et donc y’a un animateur pour chaque. Et ils nous demande le même travail à nous que ceux qui sont à 35h, c’est pas possible. Entre les bilans, les projets… Comment vous faites ? Vous faites des heures sup’ ? Du travail bénévole ? Je fais plus d’heures, mais faut que je les rattrape, alors souvent en fin d’année j’ai des heures et des heures à récupérer. Tu perds encore du temps à récupérer tes heures alors que tu pourrais être sur tes projets, sur tes bilans… […]

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Pour revenir un peu sur le travail, vous imaginez comment la suite avec ce CDI de 20h au centre municipal ? Ben… moi ça commence déjà à ma blaser, donc j’imagine pas dans 5 ou 10 ans… Donc j’envisage de passer des concours dans la fonction publique. Après je pense pas vouloir être animatrice toute la vie, donc s’il faut que je passe des concours autres que dans l’animation, je le ferais. Pour l’instant, à court terme, surtout essayer de trouver de quoi combler le manque à gagner en termes d’heures de travail ? Oui, voilà. Peut être que la suite sera en fonction de si j’arrive à combler ou pas d’ailleurs.

Adéma, 22 ans, diplômée BAPAAT, actuellement adjointe d’animation en CDI

Pour faire face au temps partiel imposé, très peu de diplômés tentent néanmoins de décrocher

un emploi complémentaire, dans le secteur de l’animation ou non. Il faut dire que, pour

l’ensemble des animateurs périscolaires notamment, le temps partiel de travail s’avère

également éclaté dans la journée, la dispersion des horaires empêchant d’occuper un emploi

complémentaire, sauf à faire des heures de ménage.

Ce serait en 20h aussi ? Ben quand c’est des scolaires on est obligés, que ce soit 20h, on peut pas faire plus. Et tu comptes travailler un petit quelque chose à côté ? Ben par rapport à mes horaires c’est pas trop possible, parce que je fais 7h-8h30, après j’ai la cantine à midi, jusque 2h, et ensuite je reprend à 4h30. Donc entre deux… y’a juste les centres de loisirs où je fais plus de 35h.

Pascaline, 26 ans, diplômée BAPAAT, actuellement en CAE d’animatrice périscolaire

Tandis que certains diplômés choisissent, en désespoir de cause, de quitter une branche

professionnelle qu’ils affectionnent pourtant malgré tout, ceux qui le peuvent tentent de

reprendre des études, fustigeant au passage les pratiques des employeurs qui usent et abusent

des contrats aidés.

Majoritairement c’était du temps partiel ce que tu as eu pendant l’année où tu as travaillé ? Ouais. Mais c’était la majorité des propositions, y’a pas de temps plein en tant qu’animateur. Après voilà, je pense que… moi j’ai pris ça comme une faiblesse, c’est pour ça que j’ai pas voulu rester sur un BAPAAT. […] J’ai travaillé quand même un peu l’année, dès que j’ai eu le BAPAAT. Ils m’ont proposé des contrats d’aide à l’emploi, mais voilà c’est pas vraiment ce que je… je suis ptet’ ambitieux – c’est ce qui paiera un jour je pense – mais je veux pas me contenter d’un CAE payé 700 euros, 700 euros c’est ce que je touche en faisant mes études et en faisant mes stages correctement… Oui, les CAE ça se termine un jour, c’est 20h, et ça se transforme pas forcément en CDI… Ils prennent des CAE pourquoi ? Moi j’ai la réponse : parce qu’ils ont des aides et qu’ils payent qu’une partie de l’employé. Ce qui fait qu’ils en profitent hein ! C’est CAE CAE CAE… Moi on m’avais proposé un CAE, ben nan. Si c’est pour faire un BAPAAT et se retrouver en CAE… J’ai pas mal pris la chose, j’ai travaillé en vacation un peu, j’avais fait le village de Noël ici, à la patinoire. Après j’ai travaillé dans les centres, après j’ai passé le concours. […] Je comprend pas, à Saint Quentin y’en a par exemple des animateurs à temps plein : mais ils sont passés par quoi avant d’être à temps plein, ils ont passé combien d’années ? Ils sont passés par les CAE, aujourd’hui c’est CUI, par des contrats en vacations, des ceci des cela, à se faire renouveler… Franchement on m’aurait donné un poste après mon BAPAAT, je dis pas que je serais resté animateur, mais au-delà de ça j’aurais quand même accepté le poste, j’aurais pu travaillé, prétendre au chômage comme tu disais tout à l’heure, mais ici y’en a que quelques uns qui ont des contrats à durées indéterminées, je les connais… […] Rien qu’à temps plein ils ont pas ! Ils sautent sur les CAE… […] Oui, un CUI ça coute un peu plus de deux euros de l’heure pour l’employeur… 2 euros de l’heure ! C’est gratuit ! A la limite moi je peux payer un mec deux euros de l’heure, il me fait mon ménage, il me fait tout… Tu te mets à leur place ! Moi je donnerais un exemple, même les

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stages : nous on fait des stages, ben les conventions de stage, si y’a pas de rémunérations, elles sont refusées par l’école, parce qu’on n’est pas des esclaves.

Abdel, 23 ans, diplômé BAPAAT, actuellement en double cursus AES / Educateur spécialisé

On peut supposer en effet, comme le sous entend Abdel, que les contrats CAE produisent un

effet d’aubaine auprès de certains employeurs qui n’hésitent pas à exploiter les compétences

des diplômés J&S pour réaliser le « gros œuvre » de leurs structures pour – une fois le travail

produit et standardisé – faire ensuite effectuer le travail par des salariés moins diplômés et

donc plus longtemps éligible aux contrats aidés.

Donc voilà… j’ai été embauchée pour créer vraiment le contexte de l’association, réaliser le gros œuvre, on va dire ça comme ça… C’est quoi le gros œuvre ? Créer le projet éducatif, le projet pédagogique, le projet PMI, puisqu’on a des maternelles, le projet d’activités, donc créer des activités en rapport avec le programme scolaire. J’ai du recueillir les programmes scolaires de toutes les classes, et adapter mes activités à chaque fois. Après y’a tout ce qui est comptabilité, parce qu’on a créé un logiciel pour gérer les présences, en fait c’est 1 euros la ½ heure, donc 20 euros 20 ½ heures, pour que ce soit plus facile pour les parents, pis pour nous aussi au niveau de la compta. Ensuite y’a la réalisation des attestations fiscales, pour les impôts. Il y a… quoi encore… là on réalise un spectacle avec l’école, c’est la première cette année, on va voir ce que ça donne […] Vous êtes toute seule à travailler là bas ? Non je suis avec une collègue. Qui est en CAE aussi ? CAE aussi oui. On,est deux CAE. Elle elle est sans diplôme par contre. Y’a des bénévoles dans cette asso ? Oui, les parents, c’est tous des bénévoles. C’est pareil on crée aussi un goûter diététique en ce moment. Donc faut voir avec une diététicienne, prendre des RDV, voir ce qu’ils mangent, les proportions, donc on fait tout ça, avec ma collègue. J’essaie de lui transmettre ce qu’il faut, pour qu’elle puisse transmettre elle aussi après : comme elle est sans diplôme elle a droit à plus longtemps, du coup c’est plus elle qui va passer le BP que moi, alors je le forme un peu, mais faut qu’elle le veuille […] J’avais demandé à mon employeur de lui faire comprendre que même si je suis au même statut qu’elle, au niveau du contrat, moi ayant les diplômes, elle peut apprendre de moi.

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Mais c’est sûr qu’après, les heures où j’étais au boulot, ça a été beaucoup de travail genre ranger le local – bon ça après c’est normal c’est quand même notre local matériel – mais j’ai aussi retapé des armoires pour le rangement par exemple. Je me dis « c’est important, ça fait vivre le club, pis ça va nous servir à nous donc c’est normal qu’on y participe »… mais de là à faire que ça ! Dès qu’on se pose dans le bureau c’est « allez hop », il a un peu abusé sur ce coup là : repeindre les armoires ; retaper les haies – oui parce que comme on fait athlétisme y’a des haies, et quand on fixe les lattes sur les haies y’a des sortes de vis qui dépassent, et il fallait couper les vis qui dépassent avec une meuleuse ; ça a été… plein de choses, laver des trucs… Des fois c’était plus calme, on avait plus de temps pour nous pour préparer nos séances tout ça, mais quand il y avait des choses à faire c’était « bing bing » dès qu’on arrive et ça jusqu’à la fin. Donc ça ça m’a un peu embêté, et on lui en avait fait part, mais les fois où on lui dit qu’on a besoin de travailler sur nos séances en fait ce qu’il nous répondait c’était, comme il nous l’avait dit au début, « ben elles sont prêtes les séances, y’a plus qu’à reprendre ».

Nicolas, 21 ans, diplômé BPJEPS, actuellement éducateur sportif en CAE

En allant plus loin, il n’est pas fou d’avancer que les contrats aidés, conçus comme un

dispositif d’aide à l’insertion professionnelle, s’avèrent parfois avoir l’effet exactement

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inverse, c'est-à-dire être un frein à l’embauche stable en confinant ceux qui en sont les

bénéficiaires dans des situations de précarités.

D’ailleurs y’a même une personne qui est arrivée après moi, qui avait elle plus de 26 ans et qui avait fait STAPS, donc c’était plus possible pour elle de signer un CAE, en plus elle venait d’en faire deux ans avant. Du coup elle est arrivée, au début c’était pour un CDD d’un mois et derrière elle a été prise en CDI direct. J’ai eu un petit peu les boules quand même mais bon, c’est vrai que j’étais éligible au CAE et pas elle, donc forcément, c’est moins cher.

Nicolas, 21 ans, diplômé BPJEPS, actuellement éducateur sportif en CAE

2.1.4 – Conditions de l’insertion professionnelle et enjeux de réseaux

Comme nous l’avons évoqué dans la 1ère partie de ce rapport d’étude, l’un des conditions

majeures de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés semble être la constitution d’un

réseau. Ce capital social peut s’acquérir de plusieurs manières : par la pratique du bénévolat,

grâce aux stages de formation et / ou encore par la constitution d’un réseau personnel propre

se conjuguant parfois avec le réseau familial. Les cas de Justine et Stéphanie, qui exercent

dans le même bassin d’emploi, sont emblématiques quant à l’importance du « carnet

d’adresse » et semblent se répondre l’un à l’autre.

C’est quoi vos perspectives à court terme, après la fin de votre contrat ? Là ben j’ai… l’AFDE. Avec Pierre en fait, c’est mon employeur. De l’association où vous êtes ? Non, c’était mon employeur du BPEJPS et c’était mon formateur du BAPAAT [rires]. C’est une grande histoire… Oui c’est une grande histoire… ben c’est vrai que le fait de faire des formations professionnelles après on a un petit calepin, un petit réseau. Donc c’est vrai que c’est pas mal. Rien que moi quand je veux faire des… parce que je suis bénévole dans des associations, quand j’ai besoin de faire pour un truc que j’ai en tête, je sais vers qui aller direct j’ai pas besoin de chercher, ça c’est bien. Ca c’est le point fort des formations, c’est de se faire son réseau professionnel, le fait d’aller à droite à gauche… […] Et donc vous faites du bénévolat ailleurs ? Oui, dans deux associations. Donc « les P’tits Bonhommes », c’est une association pour les enfants, c’est un centre de loisir. Lui il est ouvert les mercredis pendant l’année et deux périodes de vacances scolaires, plus le mois de juillet. […] Ben c’est des gens du village en fait beaucoup, qui sont bénévoles. Donc c’est pareil, quelqu’un de formé ça permet plus de choses. […] Ma belle-mère est secrétaire des P’tits Bonhommes, pour qui je suis bénévole, et sa meilleure amie est présidente de l’association, qui aussi habite Descencourt. Et le VTT c’est pareil ! [rires] Voyez c’est des petits noyaux… […] Ayant été en contact avec une personne de la mairie quand j’ai travaillé à la ludothèque, souvent elle me dit – c’est du bouche à oreille en fait – elle dit « oh, ben y’a l’animation qui voudrait évoluer dans un certain domaine, si ça te dis et tout ». Après je pense aussi que ça vient de la personne, moi je suis très… culotée. Ca me gène pas d’arriver un jour avec… j’ai un projet que j’ai dans la tête, je le construis, je l’écris et j’y vais. Je vais taper à toutes les portes, je me gène pas. Je pense que l’animateur doit se faire montrer aussi. Pis ça prouve aussi nos qualités de travail quoi. Donc c’est des réunions de travail qui ont lieu avec la mairie ? Pas avec moi personnellement, c’est avec la responsable animations de la ville, mais comme je la connais c’est comme ça que je le sais. C’est dans ton réseau… C’est ça, c’est dans mon réseau. Si j’ai un projet je le transmets à la responsable, elle en parle dans les réunions, et si c’est accepté j’ai un entretien, après eux l’évaluent selon leur financement. Voilà, c’est ça. C’est le réseau qui fait tout [rires].

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

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Y’a que des CAE ici [rires]. Il se raconte que la mairie fait des choses pour l’animation ici… Oui c’est vrai. Mais c’est difficile pour rentrer à la mairie. Ah oui ? Pourquoi, parce que ça marche au piston ? Oui. C'est-à-dire que si tu connais pas, ou si tu t’entends pas, avec les bonnes personnes tu rentres pas ? Tout à fait.

Stéphanie, 26 ans, diplômée BPJEPS, actuellement privée d’emploi

2.1.5 – Espace de l’animation et représentation du métier

Le secteur de l’animation socioculturelle et de loisir se situe – par sa construction socio-

historique spécifique – à un carrefour entre monde professionnel à part entière et espace de

militantisme bénévole : la création des premiers diplômes professionnels d’animateur dans les

années 1970 résultait d’une volonté étatique de cadrage d’un espace qui était alors avant tout

investit par les militants et les organisations se réclamant de l’éducation populaire ; et

l’importance prise aujourd’hui par la pratique de la délégation de service public brouille

toujours plus les repères séparant les sphères professionnelle et associatives. Pour autant, si ce

secteur est aujourd’hui largement « professionnalisé », les résidus de l’histoire militante de

l’éducation populaire sont toujours présents (ne serait-ce que parce que ces structures assurent

toujours aujourd’hui la grande majorité des formations de l’animation), et la profession

d’animateur est bien souvent également une vocation, à mi-chemin entre le « social » et

l’éducatif. C’est en tous cas la thèse que semble défendre les paroles des jeunes diplômés

interviewés qui défendent, contre la représentation de l’ « animateur-amuseur public », celle

de l’ « animateur-éducateur ».

Quand je discute avec d’autres animateurs, ils me disent qu’ils ont l’impression parfois de passer plus pour des amuseurs que des éducateurs, c’est ton impression aussi ? C’est pour ça que je posais la question, tout à l’heure, de ce que pensais ta mère de ton métier… C’est ça ! Mais c’est ça… Ca m’énerve [rires]. Y’a ce cliché là aussi qui… C’est pour tout le monde hein, tout le monde, on dit animateur… C’est pour ça que en général moi je dis animateur-éducateur, parce que derrière l’animation y’a aussi tout le travail éducatif, alors je dis pas juste animateur. Souvent ouais c’est clair que… on stigmatise le métier donc… c’est vrai que pour eux animateur c’est soit quelqu’un qui garde des enfants, soit quelqu’un qui fait le clown.

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

Cette définition de la profession, à mi-chemin entre le travail social et l’éducatif, explique que

– chez nombre d’individus interviewés – l’éducation spécialisé entre de plein pied dans les

représentations du métier comme représentant son aboutissement. Les parcours de diplômés

s’étant à l’origine destiné au professorat ou à la petite enfance sont fréquents, tout comme

ceux ayant connu une période d’emploi en tant qu’Assistant d’Education.

C’est à cause de mes deux voyages en Allemagne que je pense ça, j’ai vu comment ils marchaient là bas et c’est beaucoup plus intelligent : tu rentres à l’école mais tu te formes directement pour un

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métier, leur 1er niveau disons, s’ils veulent travailler dans l’animation, ben ils vont pouvoir travailler avec les jardins d’enfants tout ça, et plus ils montent plus ils arrivent… pour nous disons tout en haut ce sera… éducateur spécialisé on va dire, et ça monte à chaque échelon, et ils s’arrêtent à l’échelon qu’ils ont envie.

Jérémy, 20 ans, actuellement animateur en CDD

Non, moi je suis en formation d’éducateur spécialisé, donc j’ai… sauté des grades

Abdel, 23 ans, diplômé BAPAAT, actuellement en double cursus AES / Educateur spécialisé

Ce « sens » donné au métier est à double tranchant : d’un côté on peut considérer sans nul

doute qu’il confère à la profession une qualité d’exercice, un goût du travail bien fait, tandis

que de l’autre c’est aussi ces représentations qui justifient, du point de vue des salariés,

l’acceptation de conditions de travail médiocre.

Pour moi un animateur s’il est pas excentrique il fera jamais son boulot. Faut se mettre à 200%, faut pas avoir peur du ridicule.[…]Enfin voilà l’animateur faut qu’il soit à fond dans son personnage […] :

communiquer avec un enfant de 3 ans, communiquer avec un enfant de 10 ans, communiquer avec une personne en difficulté, avec un handicap ou avec des difficultés autres, parce qu’elle se retrouve dans la mouise, qu’elle est divorcée avec 5 enfants ou que son mari est en prison, ça c’est LE cas ici, c’est le cas global, comme quoi on est vraiment dégradés [rires]… Donc nous animateurs faut déjà arriver à ce qu’elle vienne nous parler, parce qu’on peut pas aller vers elle si elle vient pas, si on sait pas…Faut installer un esprit de confiance et de la communication. […] Pour moi animateur c’est une passion, c’est pas comme un autre métier. C’est pas comme apprendre à clouer une planche. Faut aimer ça, faut se donner, faut pas avoir peur de faire des heures en plus.

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Je veux dire : pas de travail non payé par exemple ? [rires] Ah ben ça ! C’est pareil c’est partout ! Pfff… Ca arrive que parfois on travail plus que ce qu’on devrait. […] Après comme c’est du social on y met beaucoup du sien.

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

Ca vous arrivait de faire des heures non payées ? [rires] Oh oui beaucoup oui… Après je me suis fait une raison, je me suis dis « bon c’est dans l’animation, c’est comme ça », mais oui beaucoup. Mais bon moi j’y pensais pas, y’avait une bonne ambiance, je faisais ce que j’aime…

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi

Cette représentation du métier est également perceptible par l’une de ses voies d’entrées

largement rétribuée en termes d’accès à l’emploi, à savoir le bénévolat. En réalité, l’animation

est pour beaucoup une passion devenue métier, et aujourd’hui un métier qui passionne. Cela

explique en grande partie le faible taux de défection, de sortie du secteur professionnel,

malgré des conditions de travail difficiles et un marché de l’emploi très précarisé.

Si tu devais me définir en deux phrase l’animation, ton métier ? [rires] Mon métier ? C’est un monde de fou ! Non, mais c’est, comme je dis, pour moi c’est pas un métier, c’est une passion. Faut être excentrique… bon faut être sérieux aussi hein ! Quand on est dans l’administration faut faire gaffe, on peut se permettre quelques petites couleurs sur les papiers mais bon ! C’est un monde de fou, mais c’est un beau monde, bien construit. Je sais que quand je travaillais

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à l’AFDE, c’était magique pour moi, je voyais même pas l’année passer, on sentait qu’on avait besoin de quelqu’un, on était bien.

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Vous allez chercher dans l'animation ? Si je peux oui. Je me vois pas faire autre chose, tout simplement. J'ai vécu dans l'animation des choses que j'aurais pas vécu ailleurs et que je revivrais jamais ailleurs.

Dorothée, 25 ans, diplômée BAPAAT, actuellement privée d’emploi

Et votre maman elle en pense quoi de l’animation ? J’imagine qu’elle voit ça d’un bon œil si c’est ce qu’elle aimait faire aussi… Ouais mais pour elle ça change rien quand même… elle dit « de toutes façons tu veux pas lâcher ce métier », mais non je lâcherais pas ce métier. Parce que elle elle a arrêté par rapport à ça, parce qu’il y avait pas de boulot. Après je sais que oui, je vais me faire une raison, je vais chercher, y’a pas que dans l’animation que je vais trouver du boulot quoi. Mais je veux y rester quand même…

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi

Tes parents ils sont loin du secteur de l’animation et de l’associatif… ils en pensent quoi eux de ton métier ? Ma mère elle voit très bien que c’est un métier qui me passionne après mon père il me comprend pas [rires]. Pourquoi ? Parce que… il comprend pas ce que je fais, je sais pas je lui ai expliqué mais il comprend pas. Par rapport au salaire que j’ai il me dit « vas travailler à l’usine, tu gagneras plus ». Mais bon moi c’est pas mon truc, je préfère aller avec le sourire au boulot plutôt qu’aller à l’usine et faire la gueule quoi. C’est un métier qui te plait vraiment, tu t’éclates dans ce que tu fais… Ah ouais, des fois j’y reste jusque pas d’heure… [rires]

Stéphanie, 26 ans, diplômée BPJEPS, actuellement privée d’emploi

Moi j’ai 20 ans, si je peux faire que ça je ferais que ça […]. Même si c’est parfois payé au lance-pierre ben, je préfère me lever le matin pour aller au boulot content plutôt que de me lever et que ça me fasse chier.

Peter, 20 ans, diplômé BAPAAT, actuellement animateur en CDD et enseignant vacataire de hip hop

Face à au marché du travail peu favorable sur lequel ils évoluent, l’ouverture de leur propre

structure – association, club sportif ou centre hippique – s’avère être un point de mire

significatifs pour quelques jeunes, possédant en général et a minima un niveau diplôme de

niveau 5, qui voient là l’opportunité d’échapper à la précarité, de capitaliser leurs acquis dans

le secteur et de mettre en œuvre leur propre représentation de la pratique de l’animation

socioculturelle et de loisir.

Toi tu ferais quoi ? Je voudrais ouvrir mon association. C’est un projet que j’ai depuis longtemps, que je construis au fur et à mesure. Mais bon après faut trouver des financements, des locaux, faut démarcher des partenaires… Et là c’est pareil si je bouge mon réseau va me servir à rien, je vais devoir tout reconstruire. Mais bon… J’aimerais faire un accueil en mélangeant les publics, maisons de retraites avec enfants, handicapés… Tout mélanger en centrant sur les jeux

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Tu voudrais faire quoi comme projet ?

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Ben moi j’aimerais bien une asso ici, c’est ce que je disais, ici y’a des foyers, tout ce qu’il faut, mais y’a pas de… d’éducateurs ou d’assistante sociale qui se déplacent, font des enquête dans les familles, pour les familles, ça j’ai pas encore vu. Y’a pas de service éducatif en milieu ouvert, ça s’appelle comme ça. Et toi tu voudrais monter ça ici… Ouais, y’a des personnes qui y ont réfléchi avant moi, que je connais, qui ont des DEJEPS etc. T’as un bon carnet d’adresse… Ouais j’ai un bon carnet d’adresse, j’suis très sociable. Même ici à la mission locale, le conseiller que j’ai eu je m’entends super bien avec lui, c’est lui qui m’a aidé et tout. Après moi je demande pas forcément d’aide, j’suis plus autonome mais bon, mais de temps en temps quand on a un bon carnet d’adresse comme tu dis, autant s’en servir…

Abdel, 23 ans, diplômé BAPAAT, actuellement en double cursus AES / Educateur spécialisé

[Quelle vie] tu voudrais dans l’idéal dans 10 ans ? Tu auras donc 31 ans… Ben : un poste déjà. Je travaillerai dans une structure multisports, où c’est possible un peu comme à l’IFOLEP de faire des séances sportives à différents publics, enfants, séniors, un peu tout et tous les sports. Après donc ouais si possible particulièrement pour les publics en difficultés, parce que je sais que c’est des publics qui en ont besoin, qui sont demandeurs

Nicolas, 21 ans, diplômé BPJEPS, actuellement éducateur sportif en CAE

2.1.6 – Mobilité et trajectoire de vie

La mobilité des jeunes diplômés ne se réduit pas à la question des moyens matériels qui y sont

liés, qu’il s’agisse de la détention du permis de conduire et d’un véhicule ou de la desserte

satisfaisante des transports en commun entre le lieu d’habitation et les lieux d’embauche

potentiels : comme nous l’avons vu, pour une majorité de jeunes constituant notre population,

ces conditions matérielles sont bien souvent réunies. C’est également, voire majoritairement

dans le cas des jeunes diplômés suivis par les Missions Locales de Picardie, une question

d’ancrage territoriale des réseaux familiaux et amicaux. On n’est pas mobile de la même

manière à toutes les étapes du parcours de vie, on l’est plus ou moins selon que l’on soit en

couple ou non, que l’on soit inséré plus ou moins bien dans un cercle amical et familial, etc.

Certains diplômés ont quitté la Picardie pour y revenir une fois leur situation de couple

stabilisé, d’autres n’envisagent de migrer qu’en fonction des projets de leur partenaire (qui

connaissent bien souvent une situation d’emploi meilleur que la leur) et d’autres encore sont

libre de toute attache mais uniquement contraint financièrement à l’immobilité. Les situations

sont diverses, mais toujours en rapport avec la situation familiale personnelle.

Faut pas se leurrer, en Picardie y'a pas grand chose en terme d'emploi, fallait partir. Vous êtes parti où dans la Marne ? Au dessus de Reims. Et donc vous avez emménagé là bas... J'ai emménagé là bas. Vous êtes restés là bas longtemps ? 1 an 1/2. C'était quoi, des CDD ? CDD, CDD... CDD sur CDD. D'abord de novembre à novembre, après ils ont renouvelé au mois, le temps qu'ils retrouvent un autre animateur multimédia, que je puisse rentrer par ici. C'est vous qui avez stoppé les CDD pour rentrer par ici ?

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Oui. De toutes façons avec les aller-retour, ça coutait trop en essence, avec le loyer et tout... J'étais au SMIC, un loyer ça prend déjà beaucoup. Vous étiez obligé de rentrer souvent ? Ben... madame était en étude ici, je rentrais tous les weekends... Et à ce moment là elle faisait quoi ?[…] Elle était en études, en bac pro comptabilité. Oui donc vous faisiez les aller-retour... Pour voir la famille, pour voir madame... Vous étiez parti là bas mais tout était ici pour vous... Tout était ici.

David, 27 ans, diplômé BAPAAT-BPJEPS, actuellement technicien-conseiller-client en CDI.

Tu es venu en Picardie uniquement pour travailler dans la dernière écurie que tu as faite. Oui, c’est le frère d’un ami qui s’installait, alors il m’a demandé de monter pour lui. Donc je suis venu juste pour ça. Je connaissais personne en Picardie je serais jamais venu sinon. Mais tu reste quand même maintenant que c’est terminé ? Je reste en Picardie oui, parce que j’ai rencontré ma copine ici. Du coup bon… tant qu’elle a pas fini elle ses études… […] Dernière question : en termes de perspectives familiales cette fois, tu comptes t’installer dans la région avec ta copine une fois ses études finies ? J’ai pas trop le choix [rires]. Ma copine va rentrer en stage en cabinet au mois de février, et ce stage lui propose avant qu’elle est son diplôme une future collaboration, donc d’entrer dans le cabinet directement après le diplôme et après une ou deux années de collaboration si tout se passe bien acheter 1/3 du cabinet, donc s’associer avec eux.

Hector, 24 ans, diplômé BPJEPS, actuellement privé d’emploi.

Pas de copine ou de copain ici… Non, y’a rien qui me retient. Maintenant en plus on a le téléphone, si on veux communiquer, hop, un coup de téléphone. Pas besoin non plus d’être collé avec tout le monde. Bon après c’est une question de mentalité aussi… Oui oui, mais je suis pas casanier.

Jérémy, 20 ans, actuellement animateur en CDD

Si c’est pour qu’on me propose de la vacation autant que je reste ici, ça sert à rien que je bouge à Abbeville tant qu’il y aura pas des contrats… Toutes façons tant que je trouverai pas je resterais à Friville. Et sinon éventuellement partir ailleurs ? Ouais. Mais on a dit qu’on attendait le mariage, parce que là avec le mariage à préparer et tout, on va pas non plus… Parce que moi j’ai une copine qui l’a fait, elle s’est engagée à partir dans le centre de la France, elle elle avait trouvé du boulot mais son copain il avait rien, et ils sont revenus. Elle elle s’est fait viré, elle a pas été embauchée, pis son copain avait toujours rien. Donc faut réfléchir quand même beaucoup. Pis je me vois pas faire… je sais que l’année dernière je faisais 1h et ½ de route tous les jours c’est super crevant, donc je me vois pas le faire encore, je me vois pas du tout le refaire.

Pauline, 23 ans, diplômée BPJEPS, actuellement en recherche d’emploi

Si la mise en ménage, en multipliant par deux l’ensemble des freins à la mobilité (trouver

deux offres d’emplois dans des localités pas trop éloignées, dans des temporalités conjointe,

etc.), peut sembler être un obstacle à cette dernière, le couple est dans le même temps une

ressource non négligeable pour les diplômés non véhiculés. Quoi qu’il en soit, les projets

d’installation se forment donc en binôme. Dans la mesure où ils sont avant tout fonction des

contraintes imposées par le marché de l’emploi, l’injonction idéologique à la mobilité et son

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imposition – par les contraintes économiques elle mêmes – sont également parfois vécues à

contre cœur.

Mais vous allez faire du bénévolat à l’extérieur sans permis au fait ? Oui, mais mon chéri l’a lui. […] Comme il est dans un domaine qui est pas beaucoup… on risque peut être de partir… Vous avez des projets d’installation ? Ouais. Toulouse ou Annecy. J’ai regardé pour les deux, j’ai décidé direct, mais bon les deux marchent, y’a le tourisme. Ce qu’il y a c’est que ce sera pas dans mon sujet favori, l’environnement ça n’a rien à voir…

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

Au-delà de tes projets professionnels, tu as des projets personnels ? Tu préférerais rester habiter ici ou partir ? Je préférerais rester habiter ici, c’est une ville qui me tient à cœur quand même. Mais au-delà de ça… le travail c’est plus important je pense. T’es en couple ? Ouais. Vous avez le projet d’habiter ensemble ? Avec le projet d’habiter ensemble oui, mais pas de rester ici, y’a pas de perspectives d’avenir pour l’instant. Après… sur Paris, sur Paris c’est mieux, y’a… je sais pas ici y’a pas de demande, ils recherchent de temps en temps des éducateurs spécialisés dans l’Aisne mais bon… sur Paris, y’a une plus grosse offre par rapport aux demandes. Ils offrent plus d’emplois qu’il y a de demandeurs. C’est étonnant ! Ca c’est des débouchés… Voila c’est pour ça que je dis, sur Paris y’a du travail. Après si on me propose un poste ici… franchement y’en a un je le prend, c’est sur et certain je le prend. J’ai une grande maison ici, vers la cité de la ZUP. J’ai besoin de rien ici ! La vie à Paris c’est cher, pis c’est pas pareil, c’est métro-boulot-dodo, je le vis en ce moment.

Abdel, 23 ans, diplômé BAPAAT, actuellement en double cursus AES / Educateur spécialisé

Au-delà des questions liées à la mobilité, la précarité et les conditions de travail qui semblent

liées au monde de l’animation socioculturelle et de loisir semblent incompatibles avec une vie

adulte. Plus les individus avancent dans leur parcours de vie, plus la conciliation de leur

métier et de leur vie familiale peut s’avérer compliqué. Le fait d’avoir des enfants, par

exemple, en rend l’exercice difficile, que l’appartenance du conjoint à la profession peut venir

relativiser.

Bon moi après j’ai la chance d’être avec quelqu’un… d’être entourée, je sais que le weekend des fois je bosse en plus à la maison, ben voilà… pis là c’est pareil on a pas d’enfants, on aurait des enfants… Je sais que moi j’ai une copine animatrice qui a des enfants, elle me dit « des fois je m’occupe de mon travail et pas de mes enfants ». Après faut trouver le juste milieu, l’équilibre.

Justine, 25 ans, diplômée BPJEPS, actuellement animatrice en CAE

2.2 – « Zoom » sur des trajectoires types

Les biographies ci-dessous ont été sélectionnées, à la fois, à cause de leur proximité avec les

profils typiques dégagés lors du traitement des données statistiques et des écarts existants

entre elles : en comparant des profils socialement proches, il est possible de mettre en relief

les freins – rencontrés par certains diplômés et non d’autres – à la recherche d’emploi. Dans le

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même temps ces « zooms » ciblés sont certainement, contre la fragmentation effectuée

jusqu’ici dans les discours des jeunes interviewés, une des meilleures manières de restituer

leur parole en fournissant dans le même temps les clefs sociales de leur compréhension.

2.2.1 – Profil n°1 : Justine, Adéma, Stéphanie

JUSTINE

Justine, 25 ans, est issue d’une famille de « purs ouvriers » : son père est peintre-décorateur

dans le bâtiment, sa mère est agent polyvalent (« elle fait le ménage dans les entreprises, elle

fait les remises en état des machines et tout »). Son grand père maternel était agriculteur, et sa

grand-mère – qui a eu 11 enfants – était mère au foyer. Elle n’a jamais vraiment connu sa

grand-mère paternelle, décédée jeune, tandis que le père de son père était ouvrier d’usine lui

aussi. Son frère ainé, avec qui elle est en froid en ce moment, est maçon à mi-temps (en

CAE). Elle a également deux sœurs cadettes, des jumelles de 17 ans, déscolarisées (et mère

pour l’une d’entre elle) depuis 1 an.

Après avoir obtenu le brevet des collèges, Justine s’engage à 17 ans dans un BEP restauration,

qu’elle ne terminera pas, n’ayant « pas été à fond ». Elle travaille ensuite durant un an dans la

restauration, en tant que serveuse, mais est contrainte de stopper son activité après un accident

de travail (« je faisais beaucoup d’heures, […] j’ai les nerfs carpiens qui ont lâché ») qui

l’handicape toujours aujourd’hui. Elle entame alors une formation non diplômante à distance,

durant 6 mois, d’animatrice en halte garderie : « c’est ça qui m’a permis d’aller en BAPAAT,

[...] directement après ». En 2008 – désormais détentrice du BAPAAT – Justine travaille 22

mois à temps partiel dans une association en tant que responsable jeunesse, en remplacement

d’un congé maladie. Son employeur s’étant engagé à financer son futur BPJEPS pour

finalement se rétracter, elle démissionne finalement afin de pouvoir bénéficier d’un

financement régional via le système « Parcours Animation Sport » (PAS) : en 2011, elle

dispose désormais d’un BPJEPS « animation sociale » ainsi qu’un supplément au diplôme

équivalent au BAFD. Si ses parents n’on pu subvenir à l’ensemble de ses besoins durant ses

deux formations (« je sais qu’ils sont un peu frustrés, parce qu’ils ont pas non plus l’argent,

ils peuvent pas… […] Parce que la formation professionnelle c’est pas comme les études

générales, on a pas de bourses, on a pas d’aides pour les transports… »), ils l’ont malgré tout

hébergé et elle ne quittera le domicile familial qu’une fois ses objectifs atteints. Elle travaille

aujourd’hui comme animatrice-chargée de projet dans une association, sous un contrat CAE

se terminant en mars 2012, mais « fait du ménage » et du baby-sitting « à côté ». Elle ne

possède pas le permis mais son petit ami, ingénieur dans un autre département et ancien

animateur, est véhiculé. Elle est également animatrice bénévole dans deux autres associations,

dont les responsables font partie de sa belle-famille. Ayant rencontré, dans le cadre de l’un de

ses précédents emplois, la responsable de l’animation de sa ville, elle est parfois également

mobilisée pour travailler aux évolutions des politiques municipales. Malgré le « carnet

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d’adresse » dont elle dispose désormais, elle envisage un départ prochain pour Annecy, où

son compagnon connaitrait une meilleure situation professionnelle et où – dans l’idéal – elle

aimerait créer sa propre association.

Certainement en lien avec sa trajectoire propre, Justine a développé un goût pour le « social »,

qui transparait tout au long de l’entretien mené avec elle et participe de ses prises de positions

en faveur d’un dispositif de soutien financier encadrant les formations professionnelles

Jeunesse & Sports (« Je pense que c’est ça qui a bloqué certaines personnes, moi je l’ai vu

dans mes formations… […] Y’a la vie qui peut être dure, on se dit “purée, je suis en

formation, j’ai mes factures EDF qui passent…”, j’ai vécu ça ») comme de ses

représentations de la « bonne » pratique de l’animation (« pour communiquer avec une

personne […] dans la mouise, divorcée avec 5 enfants [ou avec] son mari est en prison, ça

c’est LE cas ici, faut déjà arriver à ce qu’elle vienne nous parler, […] faut installer un esprit

de confiance et de la communication »). Elle a conscience d’être en phase d’ascension sociale,

et cela module aujourd’hui le rapport qu’elle entretient avec ses diplômes (« [Mes parents]

sont fiers de moi ! Parce que ben déjà, étant ouvriers, ils ont pas un niveau d’étude… […] ils

pensaient pas non plus que j’irais jusque là. Et c’est pas terminé, je compte évoluer encore et

encore ! ») Elle a beaucoup apprécié les formations qu’elle a reçues (« on apprend beaucoup

au niveau de l’être humain »), même si elle déplore que « l’animation ne soit pas assez mise

an avant » : « on m’a déjà dit “oh ben ça va vous êtes payés à jouer avec les enfants et pour

partir en vacances” ». D’une certaine manière, elle semble avoir développé un rapport

malheureux à l’école – partagé visiblement par ses deux jeunes sœurs – que la formation

professionnelle lui a permis de dépasser, même si il est encore perceptible, notamment

lorsqu’elle évoque une possible reprise d’étude (« faut que je fasse une licence, ça me fait un

peu peur, je ne peux pas rester en cours tout le temps »).

ADEMA

Adéma, 22 ans, est issue d’un couple formée par un ouvrier d’usine et d’une femme au foyer.

Elle compte parmi les dernières nées d’une fratrie de 9 enfants. Elle n’a jamais pu connaître

ses grands parents : ses parents, nés au Mali, sont arrivés en France il y a 40 ans (« Mes

grands parents […] y’en a que j’ai perdus sans les avoir connu. J’ai jamais eu l’occasion

d’aller au Mali »). Aujourd’hui ses frères et sœurs travaillent tous, sauf ses deux sœurs

cadettes, encore à l’école. Mise à part une infirmière nouvellement diplômée, tous occupent

des postes d’employés dans le privé ou le parapublic, dont deux sous contrats CAE. Elle

dispose aujourd’hui, outre ses diplômes Jeunesse & Sports, d’un BEP « sanitaire et social » :

après avoir commencé un baccalauréat « services en milieu rural » (« c’était plus pour mes

parents »), et alors qu’elle était animatrice bénévole depuis plusieurs années déjà dans une

association (« j’y étais déjà étant enfant, et donc après j’y ai été comme animatrice »), elle

quitte l’école pour passer un BAPAAT « loisirs tous publics », dont on lui a révélé l’existence

durant son bénévolat et qui fut financé par le Conseil Régional.

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Après l’obtention de son BAPAAT, Adéma a connu une période de chômage de six mois

avant d’être embauchée durant deux ans sous trois contrats CAE différents. Après une période

de « titularisation » d’un an, en tant que stagiaire rémunérée, elle vient d’être embauchée en

CDI en juillet 2011, la directrice de son centre s’étant « battue » pour elle : « la plupart des

personnes qui sont dans les centres font un CAE et au bout de deux ans ils sont dehors, alors

même si c’est à 20h j’ai quand même eu la chance d’être embauchée ». Elle touche

aujourd’hui 700 euros par mois. Si elle trouve ça « très dur » (« je suis encore chez mes

parents mais j’ose même pas prendre un appartement de peur de pas m’en sortir »), elle n’a

pas encore pris d’emploi complémentaire mais s’apprête à le faire : « cette semaine faut que je

dépose mon CV à la mairie pour faire les cantines le midi, pour avoir quelques heures en plus

par semaine. […] Je vais essayer de m’arranger avec le centre pour pouvoir partir un peu

plus tôt, histoire d’être à 11h30 aux cantines, j’ai pas trop le choix ». Elle a rencontré son

compagnon – qui vient de prendre la direction d’un centre sportif après quelques années à

travailler dans des « salles » (il a un CAP de plomberie) – il y a quelques années déjà, avec

qui ils parlent de s’installer, mais « c’est pas encore du concret ». Si elle se « plait bien »

dans le centre où elle travaille, la précarité de l’emploi à temps partiel commence à la

« blaser » (« donc j’imagine pas dans 5 ou 10 ans… ») et elle pense donc à quitter le secteur

(« j’envisage de passer des concours dans la fonction publique » ).

STEPHANIE

Stéphanie a 26 ans. Elle a un père garagiste indépendant, une mère secrétaire administrative

dans le secteur public et 4 frères et sœurs mais « que des demis » (ses parents sont aujourd’hui

divorcés). Elle ne connait que très peu ses grands parents, et ne sait pas quels métiers ils ont

exercés durant leur vie active. Elle a entamé deux baccalauréats, STT commerce et STT

secrétariat, mais n’en a achevé aucun : le premier ne l’intéressait pas, et elle a connu « des

soucis personnels » durant le second. Après avoir passé un BAFA en sortant du système

scolaire, elle travaille comme animatrice puis entame une formation BPJEPS « animation

sociale » (« le BAFA c’est pas suffisant, pas assez reconnu ») via le système PAS, finançant

ses besoins alimentaires durant le temps de sa formation avec ses indemnités chômage (elle

n’habite plus chez elle depuis ses 20 ans). De ses propres dires, sa formation fut

« chaotique » : débutée à la MFR de Soissons, elle s’est continuée à Laon (après la fermeture

de la MFR) puis s’est achevée à Amiens (deux de ses UC n’étaient pas validés).

Depuis la fin de son BPJEPS, Stéphanie n’a connu que des postes en CAE. N’étant pas en

couple, ses parents l’aidant « de temps en temps », elle est inscrite aux restaurants du cœur

pour avoir « un coup de pouce » : « en ce moment c’est dur ». Si sa mère la soutient, son père

ne la « comprend pas », lui enjoignant régulièrement de quitter le secteur de l’animation (« il

me dit “vas travailler à l’usine, tu gagneras plus”, mais c’est pas mon truc, je préfère aller

avec le sourire au boulot plutôt qu’aller à l’usine et faire la gueule »). Elle envisage de

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reprendre une formation, pour être « renouvelée » : son CAE se termine dans un délai très

bref, le centre social où elle travaille voulant la reprendre mais « au niveau de la qualification,

ça va peut être coincer » (elle est trop qualifiée pour signer un nouveau contrat aidé).

Stéphanie n’imagine pas décrocher autre chose qu’un CAE : « ici y’a rien, aux alentours y’a

peut être mais j’ai pas envie de bouger en ce moment, […] c’est dans les 100 kms qu’il faut

partir. […] Et puis c’est difficile d’entrer à la mairie. ». Par le passé, elle occupait, comme

Justine, deux emplois complémentaires pour combler le manque à gagner induit par le temps

partiel (« je faisais des ménages chez les personnes âgées et je gardais un enfant »), mais elle

a aujourd’hui arrêté. Il faut dire qu’elle travaille parfois jusque 40h/semaine et qu’elle a

encore 50 heures à « récupérer » avant la fin de son contrat CAE (« au centre social on m’a

laissé plusieurs directions d’accueil de loisir, donc ça prend du temps »). Contrairement à

Justine (qui s’est forgé un carnet d’adresse durant ses stages de formation et à travers sa belle-

famille) et à Adéma (qui fut longtemps bénévole en association avant d’entreprendre son

BAPAAT), Stéphanie n’a aucune ressource en termes de capital social, aucun « réseau ».

Issue d’une famille morcelée (parents divorcés, aucun contact aujourd’hui avec ses grands-

parents), célibataire et ayant du prendre son indépendance relativement tôt, elle semble

aujourd’hui submergé par la situation précaire dans laquelle elle est tombé.

2.2.2 – Profil n°2 : David

DAVID

David va avoir 27 ans. Troisième d’une fratrie de quatre garçons, il est fils d’un ouvrier

d’usine (devenu agent de sécurité suite à des problèmes de santé) et d’une femme au foyer.

Son grand père paternel était également ouvrier, dans l’usine où a également travaillé son père

par la suite, tandis que sa grand-mère faisait « des ménages » et la cuisine. Il n’a jamais connu

ses grands parents maternels, décédés trop jeunes. Ses deux grands frères sont agent de

sécurité pour l’un et agent d’entretien pour l’autre, tandis que son frère cadet « fait de

l’intérim ». En sortant du collège, David aurait aimé faire un BEP sanitaire et social, mais a

été orienté vers un BEP électronique. Il a obtenu ce dernier, mais sa tentative de faire un

baccalauréat professionnel à sa suite n’a pas été couronné de succès (« ça m’a pas du tout

intéressé »). A la sortie du système scolaire, il tenta de passer la BAFA mais, « faute de

moyens », n’a jamais pu passer l’approfondissement. Après quelques années de salariat dans

l’animation et une longue période de recherche d’emploi (« c’était pas évident, y’a une pile de

CV qui est partie mais rien »), il commence finalement – par le biais de la Mission Locale –

une formation BAPAAT « loisir du jeune et de l’enfant » puis un BPJEPS « technologies de

l’information et de la communication », tous deux financé par le Conseil Régional.

A la suite de son BPJEPS, David a émigré dans la Marne (« faut pas se leurrer, en Picardie

y’a pas grand-chose en termes d’emploi, fallait partir ») où on lui proposait un emploi

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(comme contractuel de la fonction publique) d’animateur multimédia dans une médiathèque.

Après avoir occupé ce poste durant 1 an ½, David stoppe ses CDD pour rentrer en Picardie,

où il a laissé sa famille et sa compagne : « madame était en étude, je rentrais tous les

weekends […], ça coutait trop en essence, avec le loyer et tout ». Alors au chômage, et tandis

que sa compagne effectuait un BTS en alternance, ils emménagèrent ensemble (« mes

meubles de toutes façons j’allais pas les mettre chez mes parents »). Il occupa ensuite durant

un an un poste d’animateur jeunesse en CAE au PIJ de la ville, poste qu’il est contraint

d’abandonner, trop diplômé pour pouvoir signer un nouveau CAE. Après 9 nouveaux mois de

chômage durant laquelle il tenta de créer sa propre structure via le système de « couveuse

d’entreprise », il décrocha enfin un CDI à temps plein en tant que technicien hotline chez un

fournisseur d’accès internet. Bientôt père, il n’envisage pas aujourd’hui de reprendre une

nouvelle formation (« comme le bébé est en route… ») car – même si sa compagne vient

d’être titularisée dans la fonction publique – il leur faut aujourd’hui être sûrs que la demande

de prêt effectuée afin d’acheter une maison soit acceptée.

Comme ses parents avaient insisté pour qu’il continue son baccalauréat, dans lequel ils

avaient mis « pas mal d’argent », David est aujourd’hui attaché à ses diplômes J&S. Ses

grands frères n’ayant « pas suivi » au niveau des études, il a de plus été le premier de la

famille à avoir un diplôme de niveau 4 : « moi je leur ai dis, “c’est un niveau bac, c’est

équivalent”, même s’il y a pas le mot bac dedans ». Il est assez fier de son niveau en

informatique, lui qui n’a acheté son premier ordinateur que très tard, grâce à ses premiers

salaires d’animateur : « je suis autodidacte en fait, j’aime bien aller chercher plus loin, je me

suis formé tout seul. Je le vois là, au niveau de mon travail, les gens qui ont été embauché en

même temps que moi c’est des BTS informatique, moi je suis loin de ça, j’ai aucun diplôme en

informatique ». A postériori, il donne du sens à son parcours, et n’estime pas avoir réellement

quitté le secteur de l’animation aujourd’hui (« ça reste dans l’informatique, pis c’est plus

dans l’animation entre guillemets mais les personnes au téléphone il faut les assister et les

former quand même, pour la plupart ce sont des personnes âgées qui ont du mal avec

l’informatique »).

2.2.3 – Profil n°3 : Hector, Marie-Clothilde

HECTOR

Hector a 24 ans, il est fils d’ouvrier qualifié (maçon) et d’une gérante d’un magasin de chaussure,

et frère d’un aide-soignant. Originaire d’Angers, il a commencé un BEPA qu’il n’a jamais

terminé, car il en avait « marre des études ». Il a alors travaillé dans un « établissement de nuit »

en tant que chauffeur de navette, puis a commencé à travailler dans le milieu du cheval : dans une

petite écurie, « pour dépanner », puis durant deux ans dans le milieu des chevaux de course. Issu

d’une famille où personne ne pratique l’équitation, il fait du cheval depuis qu’il a 10 ans et

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possède les galops 1 à 7. Après avoir entrepris de passer un BPJEPS équitation (« diplôme

rassurant en cas de problème physique ») durant un an, il a travaillé comme auto-entrepreneur

pendant 1 an 1/2. Il habite aujourd’hui en Picardie, où il a effectué son dernier emploi et rencontré

sa compagne actuelle, qui finit ses études de Droit. Il envisage donc désormais d’y rester même si,

pour lui, ce n’est pas un pari d’avenir : « y’a du boulot un peu partout, jusqu’en Suisse ou même

en Australie y’a des offres, en Bretagne, en Pays de Loire chez moi y’a du boulot, mais pas en

Picardie ». Le BPJEPS a représenté un investissement pour lui sur le plan économique : malgré

une aide de la Région, il a du mettre de l’argent de côté (« 1992 euros ») pour financer son

diplôme et il a fait un prêt étudiant de 7500 euros, qu’il rembourse toujours, pour faire face à ses

besoins alimentaires. Il jette un regard amer sur sa récente expérience du statut d’auto-

entrepreneur (« c’est du salariat déguisé », « j’ai fait ça pour arranger », « pas de chômage, pas

d’indemnités à la Sécu, rien »), qu’il a dû arrêter suite à un accident après de nombreuses heures

de travail non payées (« je faisais au minimum du 70h/semaine avec des pics à 95h »). Il est

aujourd’hui sans ressources, mais continue à payer les charges impliquées par son statut passé

d’auto-entrepreneur (« 1400 euros par an »). Dans l’idéal, il voudrait passer un BPREA, qui lui

permettrait pense t-il de reprendre une exploitation agricole et d’y installer une écurie, ou à défaut

un DEJEPS, mais dans les deux cas la question du financement public est inévitable (« sinon c’est

pas possible »).

Hector jette aujourd’hui un regard négatif sur son propre diplôme, qu’il perçoit comme un

stigmate. Il compte passer un DEJEPS pour se « démarquer des autres BPJEPS » : « Je dis jamais

que j’ai le BPJEPS, je dis que j’ai un monitorat, je trouve ça un peu… dévalorisant d’avoir un

BPJEPS ». Il préconise donc une sélection plus féroce à l’entrée, comme à la sortie, du diplôme

(« le niveau est trop bas pour moi, ils tirent l’équitation vers le bas » ; « même quelqu’un de

mauvais qui va se faire recaler dans un centre de formation va aller dans un autre centre où il va

être pris […], sans parler des examens de sortie qui sont d’une extrême simplicité » ; « pour

louper le BPJEPS faut vraiment être à côté de la plaque »). Il jette également un regard amer sur

le milieu du cheval, « milieu assez fermé » où il n’est pas possible de faire valoir ses droits (« à

partir du moment où on commence à faire du bruit on est vite connu un peu partout et on trouve

plus de boulot »). Sa position dominée dans le secteur – qui avait pu laisser entrevoir une

alternative au salariat, potentiellement souhaitable au vu de ses origines sociales – comme

l’inadéquation entre son investissement majeur dans le titre scolaire et les droits d’entrées qu’il lui

permet in fine explique, pour partie, ses prises de positions en faveur d’une sélection marquée à

l’entrée du diplômé. Il faut dire que, dans un monde au capital social plus prépondérant, il

disposait a priori de peu d’entrées, sa famille na faisant pas partie du monde de l’équitation.

MARIE-CLOTHILDE

Marie-Clothilde a 25 ans, originaire d’Amiens, et est fille d’un couple de commerçants

amiénois : ses parents ont tenu un restaurant dans le quartier Saint Leu pendant plus de 25 ans

(ils possèdent et gèrent désormais des gîtes près d’Amiens). Comme Hector, elle fait du

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cheval depuis qu’elle est très jeune, mais à la différence de ce dernier elle avait d’ores et déjà

un pied (familial) dans le milieu : son oncle était à l’époque, et est toujours, le président d’un

centre équestre. Dès la 3ème, elle voulait « être dans les chevaux », mais devant les mises en

garde générale (« attention, le milieu des chevaux c’est un milieu fermé, faut que les parents

soient dedans ») elle décide de passer un bac STT dans un lycée catholique puis une licence

de psychologie à l’université de Lille, à l’origine « pour être prof » puis – dès lors qu’elle

décidât, en 2ème année de licence, de retourner vers sa première perspective professionnelle –

« pour avoir un bagage au cas où dans les chevaux ça n’irait pas ». Après avoir obtenu sa

licence, elle travaille durant un an, notamment dans un ranch aux Etats-Unis, avant d’entamer

son BPJEPS équitation. Le financement du BPJEPS ne lui a pas posé de problème : le coût du

diplôme (« 11000 ou 13000 euros environ, je ne sais plus ») a été intégralement pris en

charge par la Région, et elle habitait chez ses parents. Marie-Clothilde a avant tout passé le

BPJEPS pour se donner « un statut » (elle nourrit l’ambition de « s’installer », c'est-à-dire

d’ouvrir des écuries) : « ça donne quand même un minimum de crédibilité , vis-à-vis des

banques, des employeurs ». Après avoir obtenu son diplôme elle obtient un CDI en tant que

groom en Normandie, qu’elle quitte finalement, possédant trop de chevaux ici qu’elle ne

pouvait alors emmener. Elle obtient ensuite un second CDI, en Belgique, qu’elle quittera

également quand elle eu l’opportunité de travailler en Picardie. En parallèle, Marie-Clothilde

a donné – en Normandie comme en Belgique – des cours d’équitation particulier. Elle

continue aujourd’hui a enseigner l’hypologie dans un lycée agricole, en supplément de son

emploi en CAE de cavalier-soigneur. Elle effectue de nombreuses heures supplémentaires non

rémunérées dans l’exploitation où elle exerce, et dans laquelle elle réside, mais estime que

« c’est le métier qui est comme ça et puis voilà »

A posteriori, Marie-Clothilde estime que le BPJEPS lui « apporte un plus » dans les

connaissances inhérentes au métier qu’elle exerce, même si elle trouve le niveau « pas hyper

élevé ». Elle s’est inscrite à la Mission Locale pour pouvoir signer son CAE, pas pour trouver

un emploi, puisque « du boulot y’en a hein […], mais il faut se bouger ». Si cette prise de

position est relativement conforme aux valeurs des milieux commerçants (valeur reconnue au

travail, aux sacrifices), elle oublie qu’elle a des entrées – à la fois en termes de capital social

(un oncle directeur de centre équestre) et de capital culturel (elle détient un titre universitaire)

– dans le milieu hippique que d’autres n’ont pas, comme Hector. De la même manière, elle a

également bénéficié d’un soutien parental poussé, là où ce dernier paye encore les dettes qu’il

a contracté pour obtenir le diplôme. Leurs rapports sensiblement différents aux réalités

sociales est largement perceptible dans leur rapport différencié à l’argent. Elle a donc moins

de rancœur vis-à-vis du titre que ce dernier, mais estime – tout comme lui, qui a évolué depuis

l’enfance dans le milieu des chevaux – que le « niveau » est relativement bas.

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SYNTHESE : Rappel des points saillants de l’analyse

� Les parcours de décrochage des jeunes diplômés semblent liés avant tout à des erreurs

d’orientation, ou plutôt à des parcours scolaires contraints par les volontés familiales

ou le système de régulation des flux propre à l’école (c'est-à-dire une orientation

effectuée en fonction des résultats et non de la volonté des élèves).

� Le réseau des Missions Locales joue – une fois le décrochage scolaire effectué – un

rôle de palliatif à l’école en termes d’orientation et de construction professionnelle ;

tandis que la formation professionnelle Jeunesse & Sports, qui s’appuie sur les

techniques de pédagogies alternatives des associations d’éducation populaire, permet

bien souvent de réconcilier les jeunes et le savoir.

� Les jeunes diplômés sont globalement très attachés à leurs diplômes, BAPAAT ou

BPJEPS : ces derniers les réconcilient avec les études, revêtent bien souvent un

caractère de promotion sociale et donnent – notamment dans le cas du BAPAAT – un

sentiment du « métier ». Pour autant, dans le même temps, ils estiment leurs

qualifications trop peu reconnue sur le marché du travail et sont désabusés, tout

comme leurs familles, devant la précarité du secteur.

� La précarité est un élément transversal dans le parcours des jeunes, de la formation à

l’emploi. L’absence d’un dispositif social systématisé d’encadrement de la formation

épuise dès celle-ci les ressources des familles de classes populaires, et la précarité du

travail – y compris l’éclatement des horaires de travail – rend très difficile l’accès à un

emploi complémentaire. La précarité est la principale cause des non poursuites de

formation comme des défections, c'est-à-dire des sorties hors du secteur.

� Il semblerait que l’existence des contrats aidés produise un effet d’aubaine auprès de

certains employeurs, qui exploitent à peu de frais les compétences des plus diplômés

(création de la structure des associations, mise sur pied des séances de travail, etc.)

pour embaucher ensuite d’autres salariés, moins ou non diplômés et donc plus

longtemps éligibles aux contrats aidés.

� Les réseaux socioprofessionnels, qui constituent une ressource primordiale dans

l’accès à l’emploi, se constituent de 3 manières : via les stages effectués sur le temps

de formation, par le biais des réseaux familiaux ou encore par la pratique du

bénévolat.

� L’animation est pour beaucoup de diplômés une passion devenue métier et en

conséquence un métier passionnant. Cette donnée fondamentale est, certainement en

partie, un héritage de l’histoire militante du secteur. Si l’animation socioculturelle et

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de loisir est à mi-chemin entre bénévolat et profession, cela explique en grande partie

à la fois le faible taux de défection malgré la précarité de l’emploi et l’acceptation

d’heures supplémentaires non rémunérées. Il est fort probable que les structures

professionnelles aient beaucoup de mal à fonctionner sans le travail gratuit

qu’effectuent aujourd’hui ces jeunes diplômés dans leur grande majorité.

� Dans les représentations des jeunes interviewés, l’animation socioculturelle et de loisir

se situe a mi-chemin entre le travail social et l’éducatif : le statut dominant de la

profession serait alors celui d’éducateur spécialisé. Alors qu’ils estiment leur

profession stigmatisée, les jeunes avancent souvent cette représentation de

l’ « animateur-éducateur » contre celle de l’ « animateur-amuseur public ».

� Etre mobile est avant tout, chez les jeunes qui constituent notre population, fonction

d’ancrage familial, amical, amoureux. Les questions liées à la mobilité sont

entremêlées à celle des trajectoires de vie, ou plutôt des trajectoires de jeunesse : pour

les individus sur lesquels pèse la précarité du secteur, l’animation est un métier qui

pourrait s’avérer incompatible avec une vie adulte.

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Conclusion et perspectives

Les résultats de cette étude confirment largement certains constats dressés par le Centre

d’Etude et de Recherche sur l’Emploi et les Qualifications (CEREQ) et le Ministère de la

Jeunesse des Sports et de la Vie Associative (MJSVA) dans ses « bulletins statistiques et

d’études ».

Sur la place des animateurs non qualifiés tout d’abord : si, pris dans leur ensemble, les

diplômés J&S représentent environ 9% d’une génération (75000 diplômes), il s’agit à 95% de

diplômes non professionnels23 . Les animateurs professionnels représentant aujourd’hui

environ 110000 individus24 en France, on peut faire l’hypothèse, en tenant compte de la

composition générationnelle du secteur, que la place des salariés non qualifiés ou disposant

uniquement du BAFA est relativement grande, concurrençant ainsi les détenteurs de titres

professionnels.

De la même manière, et comme cela a été évoqué dans le cours de l’étude, l’enquête MJSVA-

CEREQ soulignait aussi – pour la génération 2001 – une forte adéquation formation-emploi et

identifiait deux freins sociaux majeurs à l’emploi sur le marché du travail, à savoir le sexe et

la nationalité25. Enfin, le Ministère constatait également pour cette génération un très fort taux

de contrats aidés26, supérieur – à niveau de diplôme équivalent – à un grand nombre de

secteur professionnel (même si, avec les « emplois jeunes », l’effet du type de contrat se

faisait moins ressentir sur l’amplitude horaire du travail).

A contrario, les résultats des enquêtes CEREQ-MJSVA interrogent la place des jeunes

diplômés suivis par les Missions Locales de Picardie dans l’ensemble social formés par la

totalité des diplômés picards. Si la population que nous avons interrogée s’avère – démentant

ainsi certains présupposés de l’enquête même – majoritairement en emploi, elle est loin de

connaître les indicateurs d’insertion que promet l’enquête « génération 2001 » aux diplômés

du secteur, avec 95% des diplômes MJSVA en emploi 7 mois après la fin de leur formation,

les emplois étant à 84% à temps complet27.

Il pourrait ainsi s’avérer éclairant, à titre comparatif, de comparer les caractéristiques des

diplômés BAPAAT et BPJEPS suivis par les Missions Locales de Picardie aux profils de

l’ensemble de la population des diplômés J&S de Picardie. Nous pourrions ainsi identifier de

manière certaine les freins à l’emploi, déclinés pour chaque diplôme J&S. Ce serait également

23 LE ROHELLEC A. & TRUCHOT G., « Stat-info », n°05-02, Mai 2005, MJSVA. 24 Ibid. Source DARES. 25 CLERON E. & TRUCHOT G., « Stat-info », n°06-01, Janvier 2006, MJSVA. 26 CLERON E. & TRUCHOT G., « Stat-info », n°06-02, Janvier 2006, MJSVA. 27 Ibid.

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l’occasion de produire une vue d’ensemble du nombre de diplômés annuels en Picardie et

d’actualiser les enquêtes réalisées par le CEREQ en les précisant sur le territoire picard.

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Annexes

Annexe n°1 - Questionnaire

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Annexe n°2 – Guide d’entretien

GUIDE D’ENTRETIEN

« Le parcours des titulaires du BAPAAT et du BPJEPS en Picardie »

« Peux-tu me parler de ta situation actuelle ? » Situation d’emploi, de chômage ? Obtention du titre, parcours depuis : postes, contrat, chômage… Conditions de travail, rémunérations, syndicalisation

« Comment en es-tu arrivé à préparer un diplôme d’animateur ? »

Parcours professionnel antérieur à l’obtention du diplôme Engagement associatif / pratiques sportives Financement du diplôme

« Et tes parents, ils pensent quoi de tout ça ? »

Stratégie scolaire des parents, rapport à l’école, normes éducatives Parcours scolaire antérieur à l’obtention du diplôme Trajectoire sociale et géographique de la famille : parents, grands parents

« L’avenir, tu le vois comment ? »

Perspectives professionnelles à court terme, reprise de formation Perspectives familiales : couple ou non, projet d’installation « Si tu devais imaginer ta situation dans 10 ans, ce serait quoi pout toi? »

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Annexe n°3 – Sélection d’entretiens en version intégrale

ABDEL

PAULINE

PASCALINE