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Chapitre 4 : La balance des paiements et le marché des changes Introduction : les contours de l’économie monétaire internationale. I – La balance des paiements A) Les règles de construction de la balance des paiements 1) Définition de la balance des paiements 2) Histoire et intérêt de la balance des paiements 3) Une comptabilité en partie double 4) La signification des termes crédit et débit B) L’architecture de la balance des paiements 1) Les différentes postes de la balance des paiements 2) Les balances intermédiaires 3) La nouvelle présentation depuis 1993 C) L’équilibre de la balance des paiements 1) Un équilibre comptable toujours vérifié 2) Les imprécisions statistiques 3) Le processus de retour à l’équilibre D) Balance des paiements et analyse macro-économique 1) La théorie des stades de la balance des paiements 2) Balance des paiements et agrégats internes II – Les taux de change A) Le marché des changes 1) Définition et importance 2) Les différents compartiments 3) Les différents comportements 4) Le rôle de la spéculation B) Les déterminants des taux de change à long terme 1) La parité des pouvoirs d’achat 2) Le solde courant 3) Le taux d’intérêt 4) La croissance économique C) Les déterminants des taux de change à court terme 1) Le modèle de sur réaction 2) Les modèles de choix de portefeuille 3) Les bulles spéculatives D) Les régimes de change 1) Typologie des différents régimes de change 2) Les caractéristiques des changes fixes 3) Les caractéristiques des changes flottants 4) Bilan

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Chapitre 4 : La balance des paiements et le marché des changes

Introduction : les contours de l’économie monétaire international e. I – La balance des paiements

A) Les règles de construction de la balance des paieme nts 1) Définition de la balance des paiements 2) Histoire et intérêt de la balance des paiements 3) Une comptabilité en partie double 4) La signification des termes crédit et débit

B) L’architecture de la balance des paiements 1) Les différentes postes de la balance des paiements 2) Les balances intermédiaires 3) La nouvelle présentation depuis 1993

C) L’équilibre de la balance des paiements 1) Un équilibre comptable toujours vérifié 2) Les imprécisions statistiques 3) Le processus de retour à l’équilibre

D) Balance des paiements et analyse macro-économique 1) La théorie des stades de la balance des paiements 2) Balance des paiements et agrégats internes

II – Les taux de change

A) Le marché des changes 1) Définition et importance 2) Les différents compartiments 3) Les différents comportements 4) Le rôle de la spéculation

B) Les déterminants des taux de change à long terme 1) La parité des pouvoirs d’achat 2) Le solde courant 3) Le taux d’intérêt 4) La croissance économique

C) Les déterminants des taux de change à court terme 1) Le modèle de sur réaction 2) Les modèles de choix de portefeuille 3) Les bulles spéculatives

D) Les régimes de change 1) Typologie des différents régimes de change 2) Les caractéristiques des changes fixes 3) Les caractéristiques des changes flottants 4) Bilan

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Chapitre 4 :

LA BALANCE DES PAIEMENTS ET LE MARCHE DES CHANGES

Dans les trois premiers chapitres, nous avons traité du commerce international. Pour cela, Il a été nécessaire de définir la nation. David Ricardo a proposé au début du 19ème siècle de définir la nation comme un bloc de facteurs de production, c’est à dire que les facteurs de production sont supposés parfaitement mobiles à l’intérieur de l’espace national alors qu’ils sont totalement immobiles entre nations. Si cette définition est très utile pour analyser les flux commerciaux internationaux, en revanche, elle n’est pas suffisante pour analyser les flux monétaires et financiers internationaux.

Dans les trois chapitres suivants, nous allons parler d’économie monétaire internationale, c’est parler des relations monétaires entre plusieurs nations. Une nation se définit au sens monétaire comme l’espace sur lequel une monnaie circule principalement. Les mouvements monétaires et financiers entre les pays sont visualisés à travers la balance des paiements, document comptable qui retrace les opérations entre les résidents et les non résidents pendant une période donnée. L’état de la balance des paiements influence à son tour le taux de change, qui lui-même influence la balance des paiements.

La mondialisation a accru l’ouverture des économies, les flux commerciaux et financiers internationaux se sont fortement développés, et le taux de change est une variable de plus en plus cruciale, d’autant plus que depuis les années 1970 de nombreuses monnaies sont devenues flottantes.

Dans ce chapitre, nous montrerons comment est construite la balance des paiements et à quoi elle sert ; nous analyserons les déterminants des taux de change et comparerons les changes fixes et flottants.

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I) LA BALANCE DES PAIEMENTS A) Les règles de construction de la balance des paiements :

1) Définition de la Balance des paiements : La balance des paiements est un document comptable qui recense l’ensemble des opérations économiques intervenues entre les résidents d’un pays et les non-résidents au cours d’une période donnée. Cette définition appelle 3 séries de précisions : 1- les agents concernés : La résidence est déterminée par le centre d’intérêt économique et non par la nationalité. Un résident est une personne physique qui a une activité dans un pays depuis plus d’un an, ou une personne morale ayant un ou plusieurs établissements dans le pays (filiale, succursale, agence, bureau, etc.). Ainsi, du point de vue de la balance des paiements de la France, l’usine Toyota de Valenciennes est un résident et l’usine Peugeot au Brésil un non-résident. 2- les opérations : La balance des paiements permet de distinguer trois types d’opérations : commerciales, financières et monétaires. La balance des paiements retrace les flux d’échange de biens (exportations et importations) et de services (tourisme, brevets, grands travaux, intérêts des dettes et créances, dividendes…), les flux financiers relatifs aux transferts d’actifs (créances et dettes, investissements directs), les flux monétaires (modification du stock de devises détenu par les banques commerciales et la banque centrale). 3- la signification des chiffres enregistrés : Elle n’est pas un inventaire de biens, services, capitaux ; elle décrit les mouvements de biens, services et capitaux entre les résidents et les non-résidents. Elle enregistre des flux et non des stocks. Ainsi, la balance des paiements permet de connaître la valeur des investissements étrangers réalisés au cours d’une année mais non le montant de capital détenu par les non-résidents ; la variation des réserves de change mais non son montant. La balance des paiements est établie en monnaie nationale. Les transactions en devises sont dans un premier temps comptabilisées dans la monnaie considérée et pas la suite converties en monnaie nationale sur la base du cours du jour du règlement avec l’étranger.

2) Histoire et intérêt de la Balance des paiements L’intérêt de la balance des paiements est d’avoir une vision précise des relations économiques

internationales de ce pays. Au Royaume-Uni, les premiers relevés de transactions commerciales remontent au 13ème siècle et les séries régulières à 1696. Des balances des paiements sont établies depuis 1816. En effet, les mercantilistes pensaient que l’information sur les flux avec l’extérieur étaient primordiales. Dans la pensée mercantiliste, la richesse d’un pays est basée sur la quantité d’or détenue. Or la balance des paiements va permettre de voir si le pays dégage ou non un excédent commercial susceptible de générer une entrée d’or dans le pays. De nos jours, cette conception mercantiliste de la richesse est devenue semble-t-il dépassée, du moins en apparence. Pourtant les comptables nationaux souhaitent connaître les flux de devises qui entrent et sortent, et le solde. La situation est préoccupante si les sorties sont supérieures aux entrées car il faudra puiser dans les réserves de la Banque centrale. D’où la mise en valeur des

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sources d’entrées et de sorties de devises. De plus, la balance des paiements présente un intérêt pour la politique économique, c’est un indicateur dont disposent les responsables économiques et monétaires d’un pays. La tenue de balance des paiements est donc liée à l’augmentation du rôle de l’Etat.

Concernant la France, avant 1945 les autorités ne publiaient pas de balance des paiements. Seules des statistiques douanières permettaient de connaître les opérations entre le France et l’extérieur. C’est en 1945 que les autorités françaises ont pour la première fois dressé une balance des paiements complète, pour surveiller le niveau des réserves en or et en devises, et pour faire face aux besoins d’informations statistiques des planificateurs.

En France dès l’origine, la Balance des Paiements a été mise en place par le Fonds de stabilisation des changes qui centralisait toutes les opérations réalisées avec l’extérieur et autorisait ou non les transferts de devises. On était dans une période où existait un contrôle des changes sévère. Depuis la suppression de ce Fonds en 1959, c’est la Banque de France qui élabore la Balance des Paiements, en utilisant deux sources statistiques principales : les douanes et les banques qui doivent transmettre à la Banque de France les récapitulatifs de leurs opérations avec l’étranger.

Le FMI a proposé en 1948 une méthode d’établissement de la Balance des Paiements qui a inspiré l’ensemble des pays adhérents à cette organisation. Cette organisation internationale a édité un Manuel de la Balance des Paiements.

3) Une comptabilité en partie double : La Balance des Paiements se présente sous la forme habituelle d’un document comptable : pour

chaque opération, on trouve un flux créditeur, un flux créditeur et un solde. La partie double est un principe fondamental de toute comptabilité. Toute transaction doit être

comptabilisée deux fois : une fois suivant sa nature économique (biens, services, capitaux), et une fois suivant le mode de règlement (devises, crédit, etc.). La 1ère correspond à l’enregistrement de l’opération elle-même, c’est l’opération autonome. La 2ème correspond à son financement, c’est l’opération induite.

En effet, dans une économie monétaire, tout acte économique a une traduction monétaire. La comptabilité enregistre l’un et l’autre. Chaque transaction est donc inscrite deux fois : une fois au crédit, une fois au débit. Cette règle de la partie double ne connaît aucune exception, même en cas de dons ou d’annulation de dettes.

NB : il existe cependant deux différences avec la comptabilité d’entreprise : - la balance des paiements n’a pas pour mission de calculer un bénéfice ou une perte. - l’ordre de présentation débit/crédit est inversé :

Balance des paiements Comptabilité d’entreprise Crédit Débit Débit Crédit

4) La signification des termes crédit et débit :

De manière arbitraire, les montants enregistrés dans la colonne « crédit » sont affectés d‘un signe + et les montants enregistrés dans la colonne « débit » sont affectés d’un signe –. Les termes de crédit et débit n’ont pas de relations directes avec le sens qu’ils ont dans le langage de tous les jours. Il faut bannir les connotations positives ou négatives associées à ces vocables. Le critère d’enregistrement des opérations au crédit et au débit est une affaire de convention.

Alors justement, qu’inscrit-on au crédit et au débit ? Une note d’information de la Banque de France apporte l’explication suivante : « Un chiffre + (crédit) traduit une diminution des avoirs, qu’ils soient réels, financiers ou monétaires, tandis qu’un chiffre – (débit) traduit une augmentation. (…) En conséquence, les diminutions d’actifs sont retracées au crédit et les augmentations d’actifs au débit. Ces principes sont applicables pour toutes les catégories d’actifs. »

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Principe : Toute opération qui diminue le patrimoine des résidents s’inscrit au crédit (+) Cas principaux : - une exportation = diminution des avoirs réels des résidents - une vente de titres à un non-résident = diminution des avoirs financiers - un virement bancaire d’un résident à un non-résident = diminution des avoirs monétaires - un dépôt d’un non-résident dans une banque résidente = hausse des engagements d’une banque

résidente vis à vis d’un non-résident A l’inverse, toute opération qui accroit le patrimoine des résidents s’inscrit au débit (-) Cas principaux : - une importation = augmentation des avoirs réels - un investissement à l’étranger = augmentation des avoirs financiers - un achat de titre à un non-résident = augmentation des avoirs financiers - un remboursement d’emprunt à un non-résident = diminution des engagements

Prenons un premier exemple concernant les biens et services. Renault-Flins vend des Clio pour un montant de 1 000 à des concessionnaires japonais et la FNAC achète des ordinateurs fabriqués en Corée du Sud pour une valeur de 1 500. Les sommes sont réglées par voie bancaire. Opérations Crédit Débit Solde Exportation Importation

+ 1 000 - 1 500

Balance commerciale : - 500

Avoirs et engagements du secteur bancaire

+ 1 500

- 1 000

Balance des capitaux : + 500

Total

+ 2 500

- 2 500

Balance des paiements 0

Les exportations sont ainsi enregistrées sous leur aspect négatif d’appauvrissement physique de la

nation. Selon J.M. Siroën, pour atténuer le caractère contre intuitif de cette écriture, il fut décidé que les exportations se verraient attribuer un signe positif. Voici un deuxième exemple ayant trait aux flux de capitaux. Toyota créée une usine à Valenciennes pour 2 000 et Renault achète 35% du capital de Nissan pour une valeur de 3 000. Les sommes sont également réglées par voie bancaire. Prenons d’abord l’opération de Toyota, ses avoirs augmentent suite à cette implantation, inversement les avoirs des résidents français baissent car ces derniers ont vendu à Toyota des terrains, des machines, des équipements, etc. Et qui dit baisse des avoirs des résidents, dit inscription au crédit (+). L’opération de Renault au Japon correspond à une hausse des avoirs des résidents car Renault possède un stock d’action plus élevé, ce qui est comptabilisé au débit (-). Opérations Crédit Débit Solde Investissement étranger en France Investissement français à l’étranger

+ 2 000 - 3 000

Balance des capitaux à long terme = - 500

Avoirs et engagements du secteur bancaire

+ 3 000

- 2 000

Balance des capitaux à court terme = + 500

Total + 5 000 - 5 000 Balance des paiements = 0

Dans le cas ci-dessus, Renault achète des titres de propriété à des Japonais. Donc un résident importe des titres, ce qui est comptabilisé par un signe négatif dans la balance des paiements. On peut en tirer une règle générale qui nous sera utile par la suite :

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Une exportation de biens, services ou titres => baisse des avoirs des résidents => signe (+) Une importation de biens services ou titres => hausse des avoirs des résidents => signe (-)

La note d’information de la Banque de France citée plus haut mentionne une deuxième façon

d’enregistrer les opérations. « Les flux résidents => non-résidents s’inscrivent au crédit (cessions d’actifs par les résidents) ; les flux non-résidents => résidents s’inscrivent au débit (cessions d’actifs par les non-résidents). Les deux manières de procéder aboutissent rigoureusement au même résultat car « toute diminution du patrimoine des résidents (crédit) correspond à une cession d’actifs par les résidents aux non-résidents. Toute augmentation du patrimoine des résidents (débit) provient d’une cession d’actifs par les non-résidents aux résidents. »

On peut rajouter une troisième manière d’enregistrement des flux. Les flux qui génèrent une entrée de devises sont notés au crédit (les exportations), les flux qui génèrent une sortie de devises au débit (les importations). Par exemple, une importation d’inscrit au débit car si la marchandise entre, les devises sortent. Le tableau ci-dessous résume les trois méthodes d’enregistrement, qui aboutissent évidemment au même résultat. A vous de choisir celle que vous maîtrisez le mieux.

Crédit (signe +) Débit (signe -) Diminution du patrimoine des résidents Augmentation du patrimoine des résidents Flux des résidents vers les non-résidents Flux des non-résidents vers les résidents

Flux générant une entrée de fonds Flux générant une sortie de fonds B) L’architecture de la Balance des paiements Les deux premières sous-parties font référence à l’ancienne présentation. 1) Les différents postes de la Balance des paiements : a) Les transactions courantes Poste 1 : Biens : Les exportations correspondent à des ventes de marchandises à des non-résidents Les importations correspondent à des achats de marchandises à des non-résidents les transactions sur marchandises sont évaluées sur une base FAB tant à l’importation qu’à l’exportation puisque les services liés au commerce extérieur (transport, assurances…) sont comptabilisés sous d’autres rubriques. FAB = franco à bord = les prix des marchandises n’incluent ni les frais de transport, ni ceux d’assurance. Par opposition, un prix CAF (= coût assurance fret) inclut ces éléments. Poste 2 : Services : Les services comprennent les poste suivants : transport, assurance, services de gestion, tourisme, services financiers, services juridiques, redevances et droits de licence, achat et vente de brevets, négoce international, services de communication et d’information, services culturels et récréatifs, services divers aux entreprises, locations. Poste 3 : Revenus de facteurs : Il s’agit des revenus du travail et des revenus du capital. Ces derniers s’appellent aussi revenus d’investissement : revenus des IDE et revenus des investissements de portefeuille, c'est-à-dire les intérêts et dividendes. Quand une entreprise française construit une usine au Canada, les profits rapatriés en France sont considérés comme une exportation de revenus du Canada vers la France.

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Poste 4 : Transferts unilatéraux : Il s’agit des opérations sans contrepartie monétaire ou réelle, comme l’envoi gratuit de médicaments dans un PED, l’envoi par les travailleurs immigrés de fonds dans leur pays d’origine, l’aide versée par le gouvernement aux PED. Ces 3 derniers postes (services, revenus de facteurs, transferts unilatéraux) constituent ce qu’on appelait les invisibles dans l’ancienne présentation de la Balance des paiements car ils ne se matérialisent pas par des mouvements visibles de marchandises. b) Les mouvements de capitaux à long terme Le long terme est fondé en principe sur une durée supérieure à un an . L’idée de « long terme » recouvre 3 types d’opérations : - les crédits octroyés ou reçus dont l’échéance est supérieure à un an - tous les IDE car un IDE est un phénomène marqué par une certaine durée de vie, en général

supérieure à un an. L’idée n’est pas choquante même si elle n’a pas un caractère systématique - les investissements de portefeuille : un achat d’action, même s’il porte sur un faible % du capital

de l’entreprise, est considéré comme un investissement à long terme car une action est un titre de propriété qui a une durée de vie supérieure à un an. Mais la détention d’une action peut être de courte durée, surtout depuis le mouvement de libéralisation financière des années 1980.

Poste 1 : les crédits commerciaux Il s’agit des crédits à l’exportation des résidents, des crédits à l’importation des non-résidents. Exemple : exportation qui ne sera payée que dans 2 ans => crédit sur la ligne exportation et débit sur la ligne crédits commerciaux Poste 2 : les investissements directs Toute prise de participation de plus de 10% dans le capital d’une entreprise. Volonté de contrôler l’entreprise. Les investissements français à l’étranger => sortie de fonds (importations de titres de propriété ou hausse des avoirs) => débit (-) Les investissements étrangers en France => entrée de fonds (exportation de titres de propriété ou baisse des avoirs) => crédit (+) Les IDE correspondent à : - la création de succursales - la souscription d’actions en nombre suffisant pour assurer le contrôle de la société nouvellement

constituée ou déjà constituée - l’achat de biens immobiliers par des résidents - le financement des déficits d’exploitation des filiales et des succursales - les prêts à long terme entre maisons-mères et filiales Poste 3 : les prêts Opérations de crédits qui ne sont pas directement liées au financement du commerce extérieur et qui ne revêtent pas la forme obligataire. Prêts consentis en francs ou en devises. Prêt d’un résident => sortie de fonds (importation de titres de créances ou hausse des titres de créances) => débit (-) Emprunt d’un résident => entrée de fonds (exportation de titres de créances ou baisse des avoirs en titres) => crédit (+) Quand un résident français emprunte 1000$ à un américain, il lui vend un titre, à savoir la promesse de rembourser plus tard ces dollars avec intérêt. L’emprunt représente une exportation de titres (et une entrée de devises), donc est enregistrée au crédit (+). Inversement, quand un résident français fait

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un prêt à un agent étranger, le compte capital est débité ; le prêt représente une importation de titres et une sortie de capitaux. Poste 4 : les investissements de portefeuille Il s’agit des émissions, achats et ventes de valeurs mobilières par les non-résidents en France et par les résidents à l’étranger. Quand il s’agit de prises de participation, le montant du capital détenu ne doit pas excéder 10% du capital de la société, sinon cela est considéré comme un IDE. Le principe d’enregistrement est le même que pour les IDE. Achat d’une action française par un non-résident => entrée de fonds => écriture au crédit. Achat d’une action étrangère par un résident => sortie de fonds => écriture au débit

Résumé à propos de la balance des capitaux : exemple de la France

Crédit (+) Débit (-)

Investissements étrangers en France Investissements français à l’étranger

Investissements de portefeuille étrangers en France Inv. de portefeuille français à l’étranger

Emprunt Prêts

c) Les mouvements de capitaux à court terme Poste 1 : le secteur privé non bancaire Crédits commerciaux, avances à la commande, prêts et placements à court terme. Exemple : avance de 3 mois octroyée par une entreprise française à une de ses filiales étrangères. Crédit d’un exportateur à un acheteur étranger => assimilable à une sortie de fonds => inscription au débit Poste 2 : le secteur bancaire La plupart des opérations financières et monétaires internationales transitent par les banques, d’où le rôle essentiel de ce poste. Lorsqu’une entreprise française paie un fournisseur étranger, elle doit effectuer son règlement – en francs ou en devises – par l’intermédiaire de sa banque. Celle-ci se mettra en relation avec son correspondant étranger (une banque étrangère) qui débitera son compte pour créditer celui du fournisseur étranger. Les avoirs de la banque résidente à l’étranger diminuent. Les banques peuvent aussi prendre l’initiative d’accorder des crédits internationaux, en monnaie nationale ou en devises. Enfin, elles effectuent des opérations de change pour le compte des résidents, et notamment des opérations à court terme pour ceux qui veulent se protéger contre d’éventuelles variations du taux de change. Poste 3 : le secteur officiel Le secteur officiel détient les réserves de change indispensables pour assurer la défense de la monnaie nationale. Les avoirs correspondent aux réserves officielles en or, en devises, aux créances vis à vis des organismes internationaux (FMI, FECOM). Les engagements correspondent aux dettes du secteur officiel vis à vis des organismes internationaux (FMI, FECOM). Matériellement, ces réserves se présentent sous la forme d’avoirs déposés sur des comptes de banques étrangères, de bons du Trésor étrangers, d’or.

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2) Les balances intermédiaires Dans la balance des paiements, les opérations sont enregistrées en fonction de la nature des

échanges : biens, services, capitaux à court terme ou à long terme. En allant du haut vers le bas, on fait apparaître 5 balances. Il s’agit de « balances-gigognes » construites sur le modèle des poupées russes, chacune comprenant la précédente. a- la balance commerciale : Exportations et importations de biens. Son contenu exprime la spécialisation d’un pays et son solde est un indicateur de sa compétitivité. Attention : ce qui est positif ou négatif d’un point de vue comptable ne l’est pas forcément d’un point de vue économique. Un pays riche et en forte croissance peut avoir un déficit commercial, et inversement un pays pauvre et en récession peut connaître un excédent commercial. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre sur les déséquilibres externes. b- la balance des transactions courantes ou balance courante : Biens, services, rémunérations des salariés et revenus d’investissements. Elle exprime le besoin (-) ou la capacité (+) de financement d’un pays. C’est souvent son solde qui est visé – improprement – quand les journalistes parlent du déficit ou de l’excédent de la balance des paiements. c- la balance de base : BTC + balance des capitaux à long terme. Il s’agit des opérations à caractère durable. Son solde traduit le résultat des opérations les plus stables d’un pays, celles qui correspondent à ses forces profondes et qui sont moins susceptibles d’être influencées par les facteurs les plus volatils (spéculation, politique monétaire).

d- La balance globale ou balance des opérations non monétaires : Balance de base + balance des capitaux à court terme du secteur privé non bancaire L’idée est d’observer tous les mouvements indépendamment de leurs règlements monétaires, et mettre à part ces règlements. Cela permet de connaître l’origine des variations de la masse monétaire induites par les échanges avec l’extérieur. Excédent de la balance globale => augmentation des créances sur l’étranger du secteur public ou du secteur bancaire => expansion de la masse monétaire . Exemple : la Banque de France accroît ses créances sur l’étranger en achetant des devises = > création de francs en contrepartie => hausse de la masse monétaire. Les opérations qui entrent dans le calcul de la balance globale sont appelées opérations autonomes, par opposition aux opérations induites qui sont des opérations monétaires. Celles-ci sont considérées comme résultant des précédentes. Elles regroupent les mouvements de capitaux à court terme du secteur bancaire et du secteur public (réserves officielles, avoirs sur le Fonds Européen de Coopération Monétaire, avoirs sur le FMI, DTS…). Ces mouvements représentent la variation de la position monétaire extérieure laquelle compense le solde de la balance globale. Par construction, le solde de la balance globale et la position monétaire extérieure sont égaux mais de signe opposé. Si la balance globale dégage un solde positif, la position monétaire est affectée d’un signe (-) : il y a augmentation des avoirs (hausse des créances sur l’étranger, augmentation du stock de devises) ou diminution des engagements des résidents. Le problème est de savoir où passe la ligne qui sépare les opérations autonomes des opérations induites. En France, on choisit de faire passer la ligne au-dessous du poste « capitaux à court terme

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du secteur privé non bancaire ». Ainsi, pour bien distinguer mouvements économiques et mouvements monétaires, on scinde la balance des paiements en 2 parties : - « au-dessus de la ligne » : opérations sur biens et services, capitaux à long terme et à court terme du secteur privé non bancaire - « au-dessous de la ligne » : flux de capitaux à court terme bancaire et officiel permettant de régler un solde excédentaire ou déficitaire des mouvements économiques. e- La balance des règlements officiels :

Une partie de la balance des capitaux concerne l’achat ou la vente d’avoirs officiels de réserve par les banques centrales. Les banques centrales achètent ou vendent souvent des réserves internationales sur les marchés des changes afin d’influencer les conditions macro-économiques de leurs économies.

La balance des règlements officiels met en relation d’un côté le compte courant, le compte capital en dehors du secteur officiel et de l’autre côté le secteur officiel. Elle indique le déséquilibre de paiements que les transactions sur les réserves officielles doivent couvrir.

Pour un pays, un chiffre positif dans les avoirs et engagements du secteur officiel signifie que le déficit courant ou des capitaux hors réserves officielles a été couvert par les autorités monétaires du pays. Cela indique que les réserves internationales détenues par la banque centrale diminuent et/ou que les banques centrales étrangères (les non résidents) détiennent plus de monnaie nationale et/ou que le pays a emprunté à des banques centrales étrangères. L’expression « déficit de la balance des paiements » utilisé souvent par les économistes fait généralement référence à cette situation. Cela signifie que les réserves officielles du pays diminuent.

Symétriquement, un chiffre négatif dans les avoirs et engagements du secteur officiel signifie que les réserves internationales détenues par la banque centrale augmentent.

Prenons un exemple : une voiture a été exportée des USA vers la France pour une valeur de

10 000 dollars. L’acheteur français change des francs en dollars auprès de la Banque de France pour payer l’achat. Dans la balance des paiements française, l’importation est enregistrée négativement pour - 10 000 euros dans la balance commerciale, la contrepartie est l’enregistrement de + 10 000 dans le compte capital au titre des avoirs français sur les USA. La France a importé une voiture et « exporté » des dollars. Balance des paiements de la France Crédit Débit Balance commerciale - 10 000 Réserves officielles + 10 000

La balance des paiements permet de mesurer la hausse ou la baisse des réserves de change mais pas leur niveau. Les réserves sont utiles en tant qu’amortisseur des chocs. Le FMI recommande d’en détenir au moins l’équivalent de 3 mois d’importations.

L’enregistrement des opérations dans la balance des paiements

Crédit (+) Débit (-) Flux commerciaux Exportations de biens et services Importations de biens et services Flux financiers Exportations de titres

Investissement étrangers Emprunts des résidents

Importations de titres Investissements à l’étranger

Prêts des résidents Flux monétaires Exportation de devises

Baisse du stock de devises Importation de devises Hausse du stock de devises

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3) La nouvelle présentation : A partir de 1993, conformément au 5ème manuel du FMI, la présentation de la balance des

paiements a changé. Trois innovations majeures ont été introduites : - Une nouvelle approche des transactions courantes : les services, de plus en plus importants, ont

été séparés des revenus. La notion d’invisibles a disparu. - La création d’un compte de capital comprenant les transferts en capital (remise ou

réaménagements de dettes, conversion en actifs, etc.) - La création d’un grand compte d’opérations financières regroupant aussi bien les opérations à

long et court terme. En effet, la multiplication des instruments financiers ayant fait perdre de sa pertinence à la distinction long terme / court terme, on peut vendre à tout moment des obligations même si leur durée est très longue. La balance de base a de ce fait disparu.

La balance des paiements est désormais structurée de la manière suivante : 1. Compte de transactions

courantes 1.1. Balance des biens et services 1.1.1. Balance des biens

1.1.2. Balance des services 1.2. Balance des revenus 1.2.1. Revenus du travail

1.2.2. Revenus du capital 1.3. Balance des transferts courants 1.3.1. Aide au développement

1.3.2. Versement au budget européen 1.3.3. Transfert des travailleurs immigrés

2. Compte de capital 2.1. Remise de dette 2.2. Achat ou vente de brevet, droits d’auteur

3. Compte financier 2.2.1. Investissement direct 2.2.2. Investissement de portefeuille 2.2.3. Produits financiers dérivés 2.2.3. Prêts et crédits 2.2.4. Avoirs de réserves

4. Erreurs et omissions

À l’intérieur du compte financier il est intéressant de repérer les opérations ayant affecté les avoirs de réserves. Le solde de ces opérations constitue la variation des “avoirs de réserve”. Cette dernière concerne les mouvements d’or monétaire, les droits de tirage spéciaux, les positions de réserve au FMI pour la Banque de France, et les avoirs en devises étrangères (en monnaie ou en titres) pour la Banque de France et les autres banques.

Il est à noter que ces modifications entrainent une nouvelle définition de la balance globale. La ligne principale séparant la balance des opérations non monétaires (le haut de la balance) de la variation de la position monétaire extérieure (le bas de la balance) n’est plus tracée comme précédemment. Jusqu’en 1993, on séparait les opérations de la balance globale (ou des flux non monétaires) des mouvements de capitaux à court terme du secteur bancaire et officiel. C’est ce solde qui était égal, au signe près, à la variation de la position monétaire extérieure.

L’inconvénient est qu’il ne pouvait que partiellement être rapproché de la création monétaire résultant des opérations avec l’étranger, à court et à long terme. On s’est orienté vers un solde de la balance globale égal au solde du compte courant, du compte en capital et du compte financier hors les flux à court et long terme du secteur bancaire et de la Banque de France.

Une variation des avoirs de réserve a des conséquences macroéconomiques importantes : Une augmentation des avoirs de réserve est une source de création monétaire pour les banques.

Chaque fois qu’une banque porte des devises à la Banque centrale, son compte à la Banque centrale est crédité en monnaie centrale. Elle dispose donc d’une capacité supplémentaire de refinancement des crédits qu’elle accorde. Une augmentation des avoirs de réserve procure à la Banque centrale des moyens supplémentaires pour intervenir sur le marché des changes si elle souhaite. NB : Un excédent de la balance globale se traduit par une augmentation des avoirs de réserve qui est enregistrée avec un signe négatif (en débit).

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C) L’équilibre de la balance des paiements : 1) Un équilibre comptable toujours vérifié

Par construction, la balance des paiements est toujours équilibrée. Si les achats de biens et services des résidents aux non-résidents excèdent les ventes, le déficit ainsi généré sera compensé par des entrées nettes de capitaux ou par des prélèvements sur les réserves. Il est intéressant de comprendre comment cet équilibre se réalise. Il est parfois question dans la presse d’une balance des paiements déficitaire ou excédentaire. Cette expression est inadaptée car par définition la balance des paiements est équilibrée. En fait ce sont les sous-balances ou balances intermédiaires qui peuvent être excédentaires ou déficitaires. Mais l’usage du mot « balance » est malheureux car une balance est une construction comptable équilibrée. Il devrait être question de solde, à la fois expression et mode de règlement du déséquilibre, permettant l’équilibre comptable de la balance.

Comme toutes les transactions internationales créent automatiquement deux entrées équivalentes dans la balance des paiements, le total du crédit est nécessairement égal au total du débit. C’est un équilibre comptable, rien de plus. Il nous indique qu’il n’y a pas d’erreur dans l’enregistrement.

Pour expliquer cet équilibre, prenons une version simplifiée de la balance des paiements en prenant deux balances seulement, celle des transactions courantes et celle des capitaux. En vertu de l’écriture en partie double, la balance des transactions courantes et celle des capitaux s’équilibrent nécessairement. On a donc :

Solde de la balance courante + Solde de la balance des capitaux = 0. Cet équilibre de la balance des paiements se constate ex-post, à posteriori. La question majeure

est de savoir comment parvient-on à ce solde nul. Prenons l’exemple du Japon et des USA sur la période 1990-2010. Le Japon connaît un

excédent courant vis-à-vis des USA. Logiquement il doit connaître un déficit du reste de la balance des paiements pour arriver à l’équilibre, ce que nous avons appelé auparavant la balance des capitaux. Ce qui pourrait vouloir dire que le Japon connaît un « déficit de la balance des capitaux ». Mais cette façon de présenter les choses prête à confusion car les Japonais sont justement connus, sur cette période, pour exporter leurs capitaux vers les USA, à travers des achats de firmes ou de bons du Trésor nord-américains. Par conséquent, au lieu de balance des capitaux, on devrait parler de balance des titres : les résidents nippons achètent des titres (actions, obligations) à des résidents américains plus qu’ils n’en vendent, ils sont donc importateurs nets de titres.

Japon : excédent courant et déficit de la balance des titres USA : déficit courant et excédent de la balance des titres

Titres =================� Flux nets : USA ================= Japon Biens et services

Introduisons maintenant la variation des réserves de change pour expliquer le phénomène d’équilibre de la balance des paiements. Si on note BC la balance courante, BF la balance des opérations financières (hors avoirs de réserves), et ∆R la variation des réserves officielles de change, on a : BC + BF – ∆R = 0 ou encore BC + BF = ∆R Le solde de la balance globale est égal aux variations des réserves officielles de change. Ainsi lorsque les résidents sont exportateurs nets de biens et services, et de titres (c'est-à-dire dans le langage courant importateurs de capitaux), les réserves de change augmentent. Inversement, quand les résidents sont importateurs nets, les réserves de change diminuent.

Quand les économistes parlent d’équilibre de la balance des paiements, ils font référence généralement à l’équilibre de la balance globale. Cet équilibre est atteint quand la variation des

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réserves officielles de change est nulle, soit : BC + BF = 0. Cette situation coïncide normalement avec l’équilibre sur le marché des changes car l’offre et la demande de devises sont égales.

Dans le cadre du système de Bretton Woods, les taux de change fixes devaient être assurés pas des interventions des autorités monétaires à l’aide de ces réserves de changes, d’où l’importance d’en posséder. Le solde de la balance globale était considéré comme un bon indicateur de l’état de la balance des paiements.

L’approche monétaire de la balance des paiements correspondant au modèle de Polak (1957) du nom d’un chercheur du FMI, tente d’expliquer l’origine d’un déficit ou d’un excédent. Le solde de la balance globale reflète les déséquilibres sur le marché de la monnaie. Un excès d’offre de monnaie interne aboutit à un déficit courant puisque la monnaie en excédent est exportée contre des marchandises qui entrent dans le pays. On peut alors définir un montant de crédit intérieur à ne pas dépasser pour stabiliser les réserves extérieures. Dans ce modèle le taux de change est supposé fixe, mais ce n’est pas toujours le cas.

2) Les imprécisions statistiques Le poste « erreurs et omissions » : Les deux balances ne s ‘équilibrent pas toujours parfaitement. La différence vient de ce que les inscriptions au crédit et eu débit ne sont pas effectuées simultanément à l’occasion de chaque transaction, à l’aide d’un seul et même document, comme l’exigerait un véritable système de comptabilité en partir double. Les diverses rubriques peuvent être remplies à partir de documents pouvant provenir de sources statistiques différentes. La valeur d’une importation peut venir d’un rapport des douanes tandis que la valeur à créditer au compte capital peut venir d’un rapport d’une banque où le chèque a été déposé. Ces données peuvent différer au niveau de leur définition, de leur précision et du moment de leur enregistrement. Le mystère du surplus manquant : Les pays pris isolément peuvent avoir des déficits ou des surplus de leur balance courante afin d’emprunter ou d’investir à l’étranger. La somme de tous les déséquilibres individuels doit nécessairement tendre vers zéro. Les statistiques montrent que le monde pris dans son ensemble connaît un déficit substantiel du compte courant : 38.5 milliards de $ en 1980, 122 milliards en 1991, 144 milliards en 2001. Le déficit courant est devenu le lot commun de toutes les grandes zones de l’économie mondiale. Le FMI a montré que les paiements d’intérêts en expliquent sans doute une bonne partie car dans certains cas les paiements d’intérêts obtenus de l’étranger sont crédités sur un compte bancaire étranger et ne sont pas déclarés aux autorités du pays d’origine. De plus, l’enregistrement des frets maritimes est aussi en cause car une grande partie de la flotte maritime mondiale est enregistrée dans des pays où les gains faits sur les frets ne sont pas transmis au FMI. En outre, certains pays ne recensent pas comme entrées les profits réinvestis par les FMN et il est difficile d’évaluer l’activité des centres financiers « offshore »

3) Les processus de retour à l’équilibre de la balance des paiements Modes d’ajustement de la balance selon les régimes de change Régime de change Mode d’ajustement Flottement pur Variations du taux de change Changes fixes Variations des réserves officielles Flottement impur Variation des taux de change et des réserves officielles L’équilibrage en changes flexibles : Si la balance globale est en excédent, c'est-à-dire une demande excédentaire de monnaie nationale sur le marché des changes, on assiste à une appréciation de la monnaie nationale, les produits nationaux sont moins compétitifs, ce qui provoque une dégradation de la balance courante. Inversement, si la balance globale est en déficit, la baisse de la monnaie nationale qui s’en suit provoque, sous certaines

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conditions, une amélioration de la compétitivité des produits domestiques. C’est la fameuse courbe en J. Ainsi, dans un système de changes flottants pur, la seule variation du taux de change permet de corriger tout déséquilibre de la balance globale. L’équilibrage en changes fixes :

Dans l’étalon or, le rééquilibrage se fait par les flux internationaux d’or . Cela a été décrit par Hume (1752) et Stuart Mill. Un déficit de la balance courante se traduit par une baisse des réserves en or, ce qui entraine une baisse de la masse monétaire en circulation, une baisse des prix nationaux et une restauration de la compétitivité. Dans les faits, ce mécanisme n’était pas totalement appliqué (cf. la balance courante anglaise excédentaire au 19ème siècle).

Dans le système de changes fixes avec monnaie-étalon, l’équilibrage se fait par les réserves officielles de change. Supposons un excédent de la balance globale associé à une augmentation des réserves officielles de change, cela induit une hausse de l’offre de monnaie domestique, en l’absence de politique de stérilisation des réserves de change. L’équilibre sur le marché domestique de la monnaie peut être rétabli par une hausse du revenu national (hausse des importations) et/ou du niveau général des prix (baisse de la compétitivité) et/ou une baisse du taux d’intérêt (sorties de capitaux). En raison de ses conséquences sur la balance courante et celle des capitaux, la hausse de la masse monétaire permet de rétablir l’équilibre de la balance globale.

Parfois les banques centrales mettent en place une politique de stérilisation des réserves de change. Par exemple, en cas de hausse des réserves de change, la banque centrale peut diminuer les autres postes à son actif, comme les créances sur l’Etat ou l’économie, de manière à éviter toute modification du passif, donc de la masse monétaire. Mais cette politique n’est pas tenable à moyen et long terme. En effet, dans l’exemple précédent où se produit une augmentation de réserves officielles, la banque centrale doit réduire le montant des créances sur l’Etat et l’économie. Ce type de politique doit par définition cesser lorsque ces deux postes deviennent nuls.

Dans la situation inverse où le pays connaît un déficit de la balance globale et une baisse des réserves de change, si la banque centrale refuse la nécessaire baisse de la masse monétaire, il y a un risque que les réserves officielles deviennent nulles et que la banque centrale ne puisse plus intervenir sur le marché des changes et se voit contrainte de dévaluer la monnaie nationale. Si les opérateurs s’aperçoivent de l’épuisement des réserves officielles, ils peuvent se mettre à croire à une baisse imminente du taux de change. On parle alors de « crise de la balance des paiements » et il peut y avoir des sorties massives de capitaux du pays.

Ce processus a une implication importante sur la politique monétaire : en changes fixes, la masse monétaire domestique est déterminée à long terme par les variations du solde de la balance globale, elle devient une variable endogène sur laquelle les autorités n’ont plus de contrôle. Le rôle du taux d’intérêt :

Les banques centrales possèdent un autre moyen d’action : les taux d’intérêt. En effet, la parité non couverte des taux d’intérêt établit que les mouvements internationaux de capitaux sont déterminés par les rendements attendus des placements domestiques et étrangers. En cas de hausse de la rémunération des titres étrangers, les capitaux domestiques sortent du pays. En cas de hausse de la rémunération des titres domestiques, les capitaux entrent dans le pays, ce qui permet de renforcer la valeur de la monnaie nationale.

Cependant, cette relation est basée sur l’hypothèse de neutralité vis-à-vis du risque. Si l’opérateur éprouve de l’aversion au risque, il va chercher à diversifier son portefeuille. Or la théorie financière établit qu’il existe une corrélation entre le rendement et le risque d’un placement. Ainsi, pour réduire le risque global de son portefeuille, l’opérateur peut choisir de placer une partie de sa richesse à l’étranger même si sa rémunération est inférieure à celle des actifs domestiques. La présence d’une prime de risque peut expliquer l’écart de rémunération entre les actifs domestiques et étrangers. Ainsi certains pays, jugés risqués par les investisseurs, peuvent augmenter leur taux d’intérêt sans forcément voir les capitaux étrangers affluer.

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D) Balance des paiements et analyse macroéconomique

1) La théorie des stades de la balance des paiements : a) Présentation Appelée aussi théorie de la croissance transmise par les mouvements de capitaux, cette théorie développée par T. Boggs (1922), Charles Rist (1933) et A. Cairncross (1957) indique qu’il existerait une relation stable entre le niveau de développement d’un pays et sa balance des paiements. Le pays commence à recevoir des capitaux, qui permettent une croissance des revenus, lesquels entrainent une croissance de l’épargne locale et le pays exporte à son tour des capitaux. on distingue traditionnellement 4 étapes.

a- l’étape du pays jeune emprunteur : BC déficitaire, balance des revenus aussi (paiement d’intérêts), balance des capitaux positive. Exemple : les pays neufs qui s’ouvrent à l’échange, les Etats-Unis avant 1914, de nombreux PED aujourd’hui.

b- l’étape du pays emprunteur adulte : le pays commence à décoller et accroît ses exportations, BC excédentaire, déficit de la balance des transactions courantes (le pays s’acquitte du service de la dette accumulée antérieurement), balance des capitaux positive car l’entrée nette de capitaux reste nécessaire pour faire face au service de la dette constituée antérieurement.

c- l’étape du pays jeune prêteur : BC excédentaire, balance des revenus de capitaux d’abord négative devient positive, déficit des capitaux car l’épargne interne est supérieure à l’investissement. au plan interne et car le solde courant est positif. Exemple : France de 1880 à 1914, Etats-Unis de 1918 à 1971, Japon depuis les années 1970.

d- l’étape du pays prêteur adulte : BC déficitaire, balance des services excédentaire (fret et négoce), fort excédent des revenus de capitaux car le pays reçoit les revenus de capitaux exportés précédemment, excédent courant et déficit de la balance des capitaux. Au plan interne, l’épargne est inférieure à l’investissement, une partie de l’investissement est financée par les rémunérations des capitaux placés à l’étranger. Le pays devient rentier. Au plan externe, le pays assure le rôle de bouclage du SMI. Exemple : la Grande Bretagne au XIXème siècle qui est le créancier du monde en asseyant encore plus sa prépondérance sur la livre sterling. Le tableau suivant, construit à partir du livre de Bye et De Bernis1, schématise les relations entre balance des paiements et balance interne.

Balance commerciale

Balance des revenus de capitaux

Balance des capitaux

Balance interne ( S – I)

Jeune emprunteur - - + -

Emprunteur évolué + - + +

Jeune prêteur + - puis + - +

Prêteur évolué - + - -

1 M. Bye et G. Destanne de Bernis, Relations économiques internationales, Dalloz, 1987, p. 239.

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b) Intérêt et limites de cette analyse Cette théorie est optimiste car elle promet à tout pays jeune de devenir un jour rentier et se

trouve compatible avec la conception du sous-développement comme simple retard (Rostow). Tous les pays peuvent devenir riches à la double condition du libre-échange des produits et des capitaux. Par exemple, les NPI sont soit dans une situation d’emprunteur adulte (Mexique, Brésil) soit de jeune prêteur (Taiwan, Corée du Sud)

Inspirée de l’expérience historique de la GB et des USA, cette théorie des étapes de la balance des paiements semble décrire certaines évolutions historiques de long terme mais ne doit pas être considéré comme un schéma obligé et mécanique. On peut lui opposer trois limites : - les PMA sont des pays jeune emprunteur mais leur situation semble bloquée car l’épargne locale

n’arrive pas à relayer l’endettement extérieur. - il est impossible que tous les pays atteignent le dernier stade (à qui prêter dans ce cas ?) - les USA sont redevenus emprunteurs nets, ce qui ne cadre pas avec leur niveau de

développement. Plus globalement, les Etats développés – privés en grande partie de leur force de production mais continuant à vivre au-dessus de leurs moyens – ont dû s'endetter... et de plus en plus auprès de ceux qui avaient suffisamment de liquidités, c'est-à-dire les pays émergents. En quelques années, la Chine est ainsi devenue le premier prêteur des Etats-Unis. Ce que l’on peut résumer sous la formule : Anciens riches débiteurs des anciens pauvres.

Cela explique pourquoi cette théorie, qui a eu longtemps la faveur des experts, soit quelque peu tombée en désuétude.

2) Balance des paiements et agrégats internes On peut faire apparaître un lien entre le solde des transactions courantes et l’équilibre I/S. En effet, la balance des opérations courantes est le pur reflet de la balance interne mesurée par l’écart entre l’investissement (I) et l’épargne (S). Y = biens et services produits chaque année sur le sol national M = importations Y + M = ensemble des ressources dont dispose la nation, utilisées pour la consommation (C), l’investissement (I), les exportations (X). Il vient : Y + M = C + I + X => Y = C + I + X – M (1) De plus, Y est aussi le revenu dont disposent les nationaux (salaires, profits, loyers, rentes, etc.). Ces revenus sont soit consommés, soit épargnés : Y = C + S (2) Il s’agit d’équation de définitions, toujours vraies. (1) et (2) => C + I + X - M = C + S => I + X – M = S => X – M = S – I Solde de la balance commerciale = différence entre l’épargne et l’investissement. Il ne s’agit pas d’une théorie qu’il faudrait vérifier ; c’est une identité comptable incontournable, une contrainte mathématique que toute théorie doit respecter pour rester cohérente.

Cette formulation permet d’envisager 2 cas : 1er cas : X<M => S<I. L’excès d’investissement par rapport à l’épargne est comblé par l’épargne étrangère. Le pays consomme et investit plus qu’il ne produit, il connaît un besoin de financement. (Cas des EU dans les années 2000). 2ème cas : X>M => S>I. L’excès d’épargne par rapport à l’investissement prend la forme d’exportation de capitaux. Le pays produit plus qu’il ne consomme et n’investit, il possède une capacité de financement. (Cas de la Chine et du Japon dans les années 2000).

Dans une économie ouverte, il n’y a pas nécessairement égalité entre l’épargne et l’investissement. L’excès d’épargne domestique sur l’investissement est égal au solde de la balance commerciale. Conclusion sur la balance des paiements :

Depuis l’origine, la balance des paiements renvoie à la notion de nation. Le dépassement de la nation, avec le développement des firmes transnationales ou dans le cadre d’union commerciale ou monétaire, remet en cause son utilité et son importance comme guide pour la politique économique. Pourtant, la balance des paiements permet de mesurer la hausse ou la baisse des réserves de change. C’est la plaque tournante avec le marché des changes que nous allons analyser maintenant.

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II) LES TAUX DE CHANGE

A) Le marché des changes

1) Définition et importance La B.R.I. révélait qu’en avril 2010 un montant quotidien de 3 981 milliards de $2 se trouvait

traité sur les marché des changes. Chiffre que l’on peut comparer aux 15 528 milliards de $ d’exportations mondiales de biens et services pour 2009 (les chiffres de 2010 ne sont pas encore disponibles). Les transactions quotidiennes sur le marché des changes représentent donc l’équivalent de trois mois d’échange de biens et services, ou encore 50% des réserves mondiales de change (8 000 milliards de dollars). Les plus importantes places mondiales sont Londres, New-York, Tokyo, Singapour, Hongkong, Zurich, Paris.

Le marché des changes est le lieu où s’achètent et se vendent les devises, c’est-à-dire les monnaies étrangères convertibles. Il est donc au centre des relations antre les pays. La confrontation entre l’offre et la demande permet la détermination d’un prix qui est le taux de change entre deux monnaies. Le taux de change est le prix de la monnaie d’un pays exprimé par rapport à la monnaie d’un autre pays, autrement dit la quantité d’une devise étrangère qui peut être acquise avec une unité de monnaie nationale.

L’écriture des cotations fait l’objet de deux conventions : • La cotation au certain, utilisée dans les pays anglo-saxons, indique le nombre d’unités

monétaires étrangères équivalant à une unité de monnaie nationale. Ex : 1 euro = 1.40 $ • La cotation à l’incertain, utilisée à Paris, indique le nombre d’unités monétaires nationales

correspondant à une unité de monnaie étrangère. Ex : 1 $ = 0.71 euros. Lorsque l’euro s’apprécie, son cours côté au certain s’élève, et son cours côté à l’incertain baisse.

Le marché des changes ne connaît pas de frontières, il y a un seul marché des changes dans le monde, les transactions sur une devise de font en même temps à Paris, Londres ou New-York, et les taux de change sont cotés en continu 24 heures sur 24. De par son caractère planétaire et son organisation largement auto-réglementée, le marché des changes apparaît comme un marché parfait au sens où les cours reflètent à tout instant toute l’information disponible.

Le taux de change n’est pas forcément constaté sur le marché des changes, il peut être imposé par les autorités monétaires et/ou le gouvernement, notamment dans les pays où il n’existe pas de véritables marchés de l’argent ou quand les autorités pratiquent le contrôle des changes. Les entrées et/ou sorties de devises doivent être justifiés auprès des autorités monétaires, la détention des devises est réglementée voire interdite. Il vise en général à défendre la valeur d’une monnaie. Le taux de change est un des déterminants de la compétitivité, puisque le prix des produits nationaux en monnaie étrangère s’en déduit, ainsi que le prix des produits étrangers en monnaie nationale. C’est aussi un symbole de la puissance d’un Etat, la dévaluation étant souvent considérée par l’opinion commune comme une défaite ou un échec. Le taux de change est donc un indicateur essentiel. Après avoir décrit le fonctionnement du marché des changes, nous analyserons comment se déterminent les taux de change et de quelle manière ils agissent sur l’économie à travers les politiques de change. Le tableau suivant, extrait des statistiques de la BRI, donne la répartition des opérations sur le marché des changes par devises.

2 http://www.bis.org/publ/rpfxf10t.htm, rubrique final summary tables.

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Currency distribution of global foreign exchange market turnover 1

Currency 1998 2001 2004 2007 2010

US dollar 86,8 89,9 88,0 85,6 84,9 Euro ... 37,9 37,4 37,0 39,1 Deutsche mark 30,5 ... ... ... ... French franc 5,0 ... ... ... ... ECU and other EMS currencies 16,8 ... ... ... ... Japanese yen 21,7 23,5 20,8 17,2 19,0 Pound sterling 11,0 13,0 16,5 14,9 12,9 Australian dollar 3,0 4,3 6,0 6,6 7,6 Swiss franc 7,1 6,0 6,0 6,8 6,4 Canadian dollar 3,5 4,5 4,2 4,3 5,3 Hong Kong dollar 1,0 2,2 1,8 2,7 2,4 Swedish krona 0,3 2,5 2,2 2,7 2,2 New Zealand dollar 0,2 0,6 1,1 1,9 1,6 Korean won 0,2 0,8 1,1 1,2 1,5 Singapore dollar 1,1 1,1 0,9 1,2 1,4 Norwegian krone 0,2 1,5 1,4 2,1 1,3

Mexican peso 0,5 0,8 1,1 1,3 1,3 Indian rupee 0,1 0,2 0,3 0,7 0,9 Russian Rouble 0,3 0,3 0,6 0,7 0,9 Chinese renminbi 0,0 0,0 0,1 0,5 0,9

Polish zloty 0,1 0,5 0,4 0,8 0,8

Turkish new lira ... 0,0 0,1 0,2 0,7

South African rand 0,4 0,9 0,7 0,9 0,7

Brazilian real 0,2 0,5 0,3 0,4 0,7

Other currencies 8,9 6,5 6,6 7,6 4,8 All currencies 200,0 200,0 200,0 200,0 200,0

1 Because two currencies are involved in each transaction, the sum of the percentage shares of individual currencies totals 200% instead of 100%.

2) Les différents compartiments :

Le marché au comptant : La livraison des devises a lieu dans deux jours ouvrables qui suivent la date de la négociation, au cours de change arrêté par les deux parties. Comme il y a un risque de change notamment pour les exportateurs et les importateurs dès qu’ils signent un contrat commercial libellé en monnaie étrangère, d’autres marchés existent pour le limiter. Le marché à terme : le cours des devises est fixé immédiatement mais les devises ne seront livrées qu’ultérieurement. Les contrats à terme sont des engagements fermes d’acheter ou de vendre une quantité convenue d’un actif, à un prix fixé à l’avance et à une date ultérieure. La couverture à terme consiste pour un opérateur à prendre une position à terme de même montant et de sens inverse à sa position de change. Les futures sont la traduction anglaise de contrats à terme.

• les contrats à terme sur devises : les « futures » : Un contrat à terme sur devises représente un engagement à acheter ou vendre, à une date donnée, et pour un prix fixé au départ, un montant déterminé de devises.

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Ils ont été introduits le 16 mai 1972 à Chicago (International Money Market), puis à New York, Londres et Singapour. Contrairement aux opérations à terme auprès des banques, ce sont les contrats qui sont négociés et non les devises elles-mêmes. Ils permettent de mettre en jeu des sommes importantes en ne versant au départ que le montant du dépôt de garantie. Prenons un exemple adapté de l’ouvrage de Jean-Yves Carfantan3. Un Américain achète le 1er juin des voitures miniatures allemandes. A cette date, la valeur des voitures est de 1 DM, soit compte tenu du taux de change en vigueur 1DM=0,5$, 0,5$. Il ne règlera son fournisseur allemand en DM qu’au 1er décembre. Cependant il ignore quelle sera alors le taux de change $/DM. Pour se protéger contre une baisse du dollar qui augmenterait la valeur de son achat, il va acheter des futures en DM, c'est-à-dire s’engager à prendre livraison dans six mois d’une certaine quantité de DM au taux de 0,5$. Imaginons que le dollar se soir déprécié, avec 1DM = 0,55$. Pour payer son fournisseur allemand, l’Américain doit débourser 5 cents de plus que prévu. Mais sur le marché des futures, l’Américain achète les DM à 0,5$ (prix du contrat) et les revend à 0,55$, il gagne ainsi 5 cents par DM. Sa perte sur le marché des changes est effacée par son gain sur le marché des futures. Dans l’hypothèse où le dollar monte, par exemple au taux de 1DM= 0,45$, l’Américain devra débourser moins de dollars pour payer les voitures. Le gain sur le marché des changes compensera la perte sur le marché des futures.

Ce système d’assurance ne peut fonctionner que dans la mesure où le risque de change est transféré à d’autres acteurs. Il a fallu que l’Américain trouve sur le marché des futures une contrepartie, c’est à dire un spéculateur qui accepte de vendre des DM contre des dollars. Nous reviendrons sur le rôle des spéculateurs dans un instant.

Le marché à terme a un inconvénient : une fois engagés, les agents ne peuvent se rétracter même si l’évolution du marché est défavorable à une des deux parties. Dans notre exemple, au cas où le dollar s’apprécie, la couverture de change empêche l’Américain de bénéficier de la plus-value. Il peut donc être tenté d’acheter une option de vente (put), qui lui donne la possibilité d’acheter des DM dans six mois, au cours prévu aujourd’hui, mais sans y être obligé. En cas d’appréciation du dollar, il suffit de ne pas exercer l’option et d’acheter les DM au comptant. Compte tenu de cet avantage, une option est plus chère qu’une commission de vente à terme.

• les options sur devises : Une option sur devises est un droit d’acheter (call) ou de vendre (put) une devise contre une autre devise, à une certaine date et à un certain prix. L’acheteur de l’option paye une prime au vendeur et exerce ou non son droit selon l’évolution du taux de change. Les options sur devises ont été massivement utilisées lors de la crise du SME en 1992 lors de laquelle Georges Soros a gagné 1 milliard de $ en spéculant contre la livre. Avant la sortie de la £ du SME le 16 septembre 1992, les opérateurs ont acheté à leur banque des options de vente de £ contre DM à un prix proche du cours plancher de la £ dans le mécanisme de change européen soit 2,7780 DM pour 1£, pensant que la £ allait tomber à un cours plus bas. Les opérateurs anticipaient la dévaluation de la £, ce qui se produisit après le 16/09/1992 car la £ fut dévaluée. Les opérateurs ont exercé leurs options et vendu leur £ à un cours supérieur au cours du marché. Le marché des options sur devises s’est développé dès 1982 à Philadelphie, puis à Chicago, à Londres, et à Paris depuis 1994.

3) Les différents comportements : a) la couverture (hedging) :

Les taux de change ayant, au moins à court et moyen terme, un caractère assez imprévisible, les agents économiques qui opèrent en devises se protègent par des opérations de couverture. Un

3 J.-Y. Carfantan, Les finances du monde, Seuil, 1989, p. 152.

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agent se couvre quand il prend sur le marché une position inverse de celle engendrée par l’opération qu’il veut couvrir. Exemple : un importateur français qui paye ses achats en dollars supporte une dette dont le montant en francs est aléatoire. Si l’agent anticipe une hausse du dollar, il peut chercher à se couvrir contre cette hausse en achetant du dollar. La valeur de sa dette en francs n’est plus aléatoire mais certaine. Signalons pour information que le terme hedge funds n’a rien à voir avec un comportement de couverture puisque ce sont des fonds hautement spéculatifs. b) l’arbitrage

Les opérations d’arbitrage sont celles qui proviennent des imperfections du marché (coûts de transaction et d’information). Les agents qui repèrent certains écarts de cours peuvent en tirer profit par des opérations d’arbitrage. Ces opérations font elles mêmes disparaître les écarts de cours qui leur ont donné naissance.

Si par exemple le taux de change de l’euro/dollar est de 1.40 à Paris et de 1.42 à New-York, les arbitragistes vont acheter l’euro à Paris et le revendre à New-York, ce qui va faire augmenter son cours à Paris et le faire baisse à New-York pour atteindre le même niveau, par exemple 1.41. c) la spéculation

Contrairement à celui qui se couvre face aux fluctuations possibles du taux de change, le spéculateur cherche à tirer parti des fluctuations des taux de change dans l’espoir d’obtenir un gain. En matière de taux de change, la spéculation consiste à acheter une monnaie dans l’espoir de la revendre plus cher, ou vendre une monnaie dans l’espoir de la racheter moins cher.

Il y a spéculation à partir du moment où l’on espère tirer un profit d’une différence entre un prix actuel certain et un prix futur incertain. En ce sens nous sommes tous des spéculateurs car nous cherchons tous à anticiper les prix futurs : un consommateur avance ses achats s’il pense que les prix vont augmenter, un entrepreneur s’engage à produire s’il pense dégager une marge bénéficiaire. La spéculation est donc un phénomène fondamental de la vie économique, dans la mesure où l’incertitude en est aussi un phénomène fondamental.

Le comportement d’arbitrage est différent : un arbitragiste est quelqu’un qui cherche à tirer un profit à partir d’une différence entre deux prix certains. Par exemple, il effectue des achats et des ventes de devises s’il y a un écart entre le taux de change au comptant et le taux de change à terme. Le thème de la spéculation ayant fait couler beaucoup d’encre, nous allons y consacrer un paragraphe entier.

4) Le rôle de la spéculation Spéculer signifie prendre un risque, dans l’espoir d’un gain ultérieur. Aux yeux de certains, le

spéculateur est une personne malfaisante qui n’hésite pas à déclencher des crises graves toutes les fois où il peut y trouver un intérêt personnel. Cette opinion est souvent utilisée par les gouvernements : en cas de crise monétaire, il est politiquement plus facile de dénoncer les spéculateurs, qui agissent dans l’ombre, donc difficilement identifiables, que d’avouer des fautes de gestion. Le premier ministre de Malaisie, Mohamad Mahathir déclarait en 1998 après la crise asiatique qui avait fait plonger les bourses et les monnaies asiatiques : « Il faut protéger la société des faiseurs de profit sans scrupules. Les transactions sur devises devraient être illégales. Acheter de l’argent n’est nécessaire que lorsqu’on veut financer du commerce réel4 ».

Qu’en est-il vraiment ? D’abord, la spéculation apparaît comme un transfert du risque des agents qui y sont hostiles à

ceux qui en sont preneurs. Le spéculateur produisent et vendent un service : la protection contre le risque de change. Il accepte, en espérant un gain, de prendre un risque que les autres participants ne souhaitent pas courir. 4 Le Monde, 6 octobre 1998.

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Ce système d’assurance dont nous venons de parler (les futures et les options), ne peut fonctionner que dans la mesure où le risque de change est transféré à d’autres acteurs. Il a fallu que l’Américain trouve sur le marché des futures une contrepartie, c’est à dire un spéculateur qui vende des DM à terme en vue de réaliser un profit. Or les ordres d’achat et de vente à terme émanent des entreprises désirant se couvrir ont peu de chance de s’équilibrer sans la spéculation. La spéculation est nécessaire au bon fonctionnement des marchés à terme car elle en assure la liquidité . Les spéculateurs contribuent à l’ajustement nécessaire en se portant contrepartie du solde des positions. Sans les spéculateurs, la liquidité du marché serait plus faible et il n’y aurait pas ou moins de possibilité de couverture.

La spéculation est indispensable à l’équilibre des marchés. S’il existe des agents qui veulent se débarrasser de certains risques, il faut bien que d’autres en prennent. Les spéculateurs jouent ce rôle. Ils ont donc une utilité sociale.

Les spéculateurs sont plus nombreux que les industriels, les pertes et les profits sont donc répartis sur un grand nombre d’opérateurs. Leur présence autorise une meilleure gestion du risque.

De plus, le spéculateur s’engage sur un achat de devises lorsque les cours sont bas et cherche à dénouer sa position par une promesse de vente quand les cours sont élevés. En période calme, la spéculation tend à être équilibrante : par exemple si le dollar baisse, les spéculateurs l’achètent, anticipant son redressement ultérieur.

La spéculation ne fait que s’adapter aux conditions sous-jacentes existantes. S’il existe des mouvements de taux de change non désirés par les autorités, c’est parce que certains gouvernements ont choisi des politiques économiques incompatibles avec le taux de change souhaité. Ils ne sont que les premiers à repérer les déséquilibres à venir, à identifier les politiques qui ne peuvent être prolongées sans engendrer de graves déséquilibres. Les spéculateurs repèrent les pays mal gérés, surendettés, incapables de mettre en place des réformes ou des plans de rigueur. Le spéculateur est celui qui fait apparaître aux yeux de tous qu’une monnaie est sous ou surévaluée. Le mot vient d’ailleurs du latin speculare qui signifie deviner, observer. S’ils ont raison, ils évitent que les déséquilibres ne s’accumulent. S’ils ont tort, ce sont eux qui perdent. Il n’y a pas de spéculation contre une monnaie du seul fait des spéculateurs, ils ne peuvent rien contre l’opinion majoritaire des investisseurs institutionnels et des banques.

Cependant, pour être complet, il faut signaler que la spéculation peut être déstabilisante en période de crise car les spéculateurs amplifient les mouvements de parité. Les spéculateurs foncent sur tout ce qui bouge vite et fort. Objectif : maximiser les profits. Ils sont de tous les coups, poussent les cours à la hausse ou à la baisse. Il leur faut juste un directionnel fort. Ils se greffent dessus et exacerbent le mouvement. Evitant de se « fâcher avec la tendance », les spéculateurs sont de véritables "amplificateurs de tendance", même si celle-ci peut être définie avec un horizon très court.

La spéculation explique ainsi une partie des mouvements de « yo-yo » des taux de change. Quand une monnaie a baissé, pour encaisser la plus-value les spéculateurs vont la racheter, entraînant des reprises techniques sur les monnaies attaquées.

En outre, les produits dérivés issus du marché des changes peuvent entrainer des pertes spectaculaires, comme la faillite de la banque Herstatt à Cologne en 1974 qui a perdu 6 fois ses capitaux propres en spéculant sur le marché des changes.

L’article suivant montre la difficulté qu’il y a à lutter contre la spéculation, en raison de la frontière floue entre couverture et spéculation. Il concerne les marchés agricoles mais comporte des enseignements valables aussi pour le marché des changes.

L'introuvable spéculateur sur les marchés agricoles Lutter contre la spéculation se heurte d’abord à une difficulté technique : comment isoler la

spéculation de la couverture ? L'hypothèse d'un monde binaire dans lequel évolueraient les "méchants" spéculateurs, d'une part, et les

"gentils" acteurs de la filière agroalimentaire, d'autre part, n'est pas du tout conforme à la réalité. Prenons deux

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exemples, qui ont une portée générale. Les entreprises de la filière agroalimentaire, tels les fabricants de farine ou d'amidon, sont exposées au risque de hausse du prix des céréales et se couvrent souvent en achetant des options d'achat sur le blé. Elles achètent le droit d'acheter le blé dans le futur à un prix fixé dès l'origine, profitant d'une baisse éventuelle du prix de la matière première et étant simultanément protégées en cas de hausse.

Cette opération est une pure couverture, bien éloignée d'une position spéculative. Mais un achat d'option ne peut se faire sans un vendeur, le plus souvent une banque. Craignant une hausse du prix du blé qui la conduirait à verser l'écart entre le nouveau cours et le prix d'exercice initial de l'option, la banque va elle-même se couvrir... en achetant sur les marchés à terme une partie du blé demandé, par exemple 50% à l'origine, contribuant à faire monter le prix. Or si le prix monte, la probabilité que l'entreprise exerce son option augmente, obligeant la banque à réajuster sa couverture par un nouvel achat : lorsque le prix monte, les banques vendeuses d'options achètent, lorsque le prix baisse, elles revendent, amplifiant mécaniquement et dans une pure logique de couverture la volatilité du prix des matières premières agricoles.

Lorsque les entreprises, inquiètes d'un scénario durable de hausse du prix des matières premières agricoles, assis sur des données démographiques, agronomiques et climatiques fondamentales, cherchent à allonger l'horizon de leur couverture, de quelques mois à quelques années, elles achètent des options sur un tonnage beaucoup plus élevé et contribuent de manière encore plus significative, à la fois à la hausse du cours des matières premières et à l'accroissement de leur volatilité. L'allongement de l'horizon de la couverture est-il un comportement spéculatif ou de couverture ? On se rappellera que la France, au milieu des années 1970, avait limité l'horizon de la couverture du risque de change sur les importations à... quinze jours, pour éviter les conséquences d'un achat trop important de devises étrangères et l'affaiblissement du franc...

Les investisseurs purement financiers amplifient certes l'effet des couvertures sur la tendance et la volatilité des marchés, mais la mise en place d'une politique de régulation visant à réduire les externalités suppose une définition claire de la frontière entre spéculation et couverture, associée à un contrôle de la nature des opérations réalisées sur les marchés. La difficulté de l'exercice explique probablement pourquoi la taxe Tobin n'a jamais pu être mise en place, le projet se transformant progressivement d'une taxe sur les opérations de spéculation en une taxe sur les... opérations financières...

Plutôt qu'une nouvelle taxe, sur une assiette qui restera difficile, voire impossible, à établir, nous recommandons la mise en place de mesures encadrant les comportements d'aléa moral des opérateurs purement financiers, parmi lesquelles la révision des contrats de rémunération des opérateurs et gestionnaires de fonds, la modification des règles comptables autorisant la valorisation des produits structurés sur la base d'un « prix de modèle » lorsque le marché n'est pas suffisamment liquide, ou encore la restriction des conditions d'accès des opérateurs purement financiers au marché « physique », afin de réduire les risques de manipulation. Et si le prochain G20 était celui de "l'aléa moral"...

Didier Marteau, professeur à l'ESCP Europe, et Marius Frunza, chercheur au Cnam La Tribune, 26 avril 2011. Pour terminer, laissons la parole à Pascal Salin, un libéral convaincu, et à ce titre défenseur du spéculateur, personnage qui selon lui rend un service en prenant en charge une partie du risque et en atténuant l’instabilité des prix.

« De manière plus générale, on peut d’ailleurs s’étonner que la spéculation soit si souvent considérée comme une activité nuisible, alors qu’elle résulte d’un effort pour essayer d’imaginer le futur et qu’en ce sens elle constitue une spécificité de l’esprit humain. Ce qui caractérise l’homme c’est en particulier, sa capacité à imaginer le futur, même s’il l’imagine de manière imparfaite. En ce sens, tout homme est un spéculateur et on peut même dire qu’il est homme dans la mesure où il est spéculateur. Ainsi, l’étudiant qui espère améliorer son revenu futur (incertain) grâce à son ‘achat’ de connaissances actuelles est un spéculateur. (…)

Pourquoi, dans ces conditions, la spéculation est-elle si fréquemment critiquée ? La raison en est peut-être simplement que les responsables de l’inflation – les producteurs de monnaie étatique – trouvent ainsi un alibi commode à leur incapacité de produire une ‘bonne’ monnaie en accusant les spéculateurs d’être responsables de la hausse des prix et de la dépréciation de la monnaie. Et ils arrivent d’autant mieux à imposer cette erreur intellectuelle à notre époque qu’ils bénéficient d’un accès privilégié au marché des idées dans le monde médiatisé, politisé et centralisé qui est le nôtre 5». 5 Pascal Salin, Macroéconomie, PUF, 1991, p. 261.

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B) Les déterminants des taux de change à long terme

1) La parité des pouvoirs d’achat (PPA)

Selon la thèse de la PPA, il existe un taux de change entre deux monnaies qui donne le même

pouvoir d’achat à ces deux monnaies dans les pays concernés. Le taux de change permet donc d’établir la parité entre le pouvoir d’achat interne et le pouvoir d’achat externe d’une monnaie.

a) La forme absolue de la PPA

La loi du prix unique est le socle de base de la théorie de la PPA. La loi du prix unique développée par Alfred Marshall énonce que sur un marché unique il ne peut y avoir qu’un seul prix pour des biens identiques, la concurrence et les comportements d’arbitrage assurant cette égalisation des prix. Appliquée à des échanges entre deux pays utilisant des monnaies différentes, cette loi stipule que le taux de change est la variable d’ajustement qui permet d’aboutir à un prix unique. Une unité monétaire domestique permet d’acheter autant de biens dans le pays lui-même qu’à l’étranger, une fois faite la conversion de la monnaie nationale en monnaie étrangère.

Par exemple, si une tonne d’acier vaut 1 000$ aux EU et 6000 f en France, alors l’unicité du prix implique 1 000$ = 6 000f ; en divisant les deux membres par 1 000, on obtient 1$ = 6f. Comme les échanges entre les EU et la France ne concernent pas que l’acier, les économistes choisissent un panier de biens similaires dans les deux pays. Imaginons qu’un certain panier de biens coûte 2 000$ à New York et 12 000 francs à Paris, alors le taux de change qui assure la PPA est de : 1 $ = 12 000/2 000 = 6 francs.

Plus généralement le taux de change qui assure la PPA est défini par S = P/P* Avec P le niveau général des prix dans le pays, P* le niveau général des prix à l’étranger et S le nombre d’unités de monnaie domestique obtenu avec une unité de monnaie étrangère.

Cette loi n’est pas toujours vérifiée pour de nombreuses raisons telles que les préférences différentes des consommateurs suivant les pays (la part accordée à chaque bien dans P et P* sera différente), la différenciation internationale des prix par les firmes, l’existence de coûts de transports, de droits de douane, de biens différenciés et donc imparfaitement substituables, de biens non échangeables (les indices de prix prennent en compte le prix de biens non échangeables comme les loyers d’immeubles d’habitation, les coupes de cheveux, etc.).

La PPA absolue suppose une comparaison parfaite et instantanée des pouvoirs d’achat des monnaies. Mais beaucoup de facteurs peuvent perturber cette relation, de sorte qu’une liaison moins stricte, en termes de taux de variation, est mieux admise.

b) La forme relative de la PPA Elle est donnée en calculant la différentielle de l’égalité mise en évidence en α :

dS/S = dP/P – dP*/P* Sur une période donnée, la variation du taux de change est égale au différentiel d’inflation. Si dP/P > dP*/P*, le pays possède un taux d’inflation supérieur à celui de l’étranger et r s’accroit (dépréciation de la monnaie nationale).

Si on appelle j le pays donné et si on prend en compte le reste du monde, on obtient : Taux d’inflation (pays j) = Variation du taux de change + Taux d’inflation (monde)

Si le taux d’inflation du pays j est de 10% et si le taux d’inflation dans le monde est de 5%, la monnaie du pays j se déprécie de 5%. Si on suppose que le franc est la monnaie du pays j et que le dollar est la monnaie du reste du monde, le taux de change est le nombre de francs pour 1$.

La théorie de la PPA énonce que l’évolution du taux de change entre deux monnaies est liée à l’évolution des taux d’inflation dans les deux pays. A long terme, les différences d’inflation entre les

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pays sont compensées par des mouvements de sens inverse des taux de change. Par exemple, si les prix augmentent plus vite en France qu’en Allemagne, le franc va se déprécier par rapport au mark.

La théorie de la PPA a été proposée initialement par Gustav Cassel en 1916, économiste suédois qui devait trouver des taux de change réalistes pour les pays ayant subi des niveaux d’inflation différents pendant la 1ère Guerre mondiale. Hume et Ricardo en avaient déjà eu l’intuition.

Le fondement de la PPA relative est la théorie quantitative de la monnaie. Si dans un pays le stock de monnaie augmente plus vite qu’à l’étranger, les prix domestiques

augmentent plus vite, les résidents demanderont plus de monnaie étrangère (pour acheter des produits étrangers) et les non-résidents moins de monnaie domestique, ce qui entrainera une dépréciation du taux de change.

Dans l’exemple précédent, si l’inflation de 10% en France, la tonne d’acier va couter 6 600f. Si les prix sont stables aux EU, la tonne d’acier y coûte toujours 1 000$. Si le taux de change reste à 6f pour un dollar, personne ne veut acheter l’acier français qui coûte 600f de plus. Il devient intéressant d’acheter de l’acier aux EU pour le revendre en France. Pour se procurer l’acier aux EU, les Français devront acheter des dollars, et vendre des francs. Le cours du dollar contre franc va augmenter sur le marché des changes. Ce processus d’arbitrage va se poursuivre jusqu’à ce que la PPA soit rétablie. Quand le taux de change sera de 1$ = 6.6 francs, il redevient égal d’acheter l’acier aux EU ou en France.

Inversement, quand dans un pays le stock de monnaie augmente moins vite qu’à l’étranger, l’inflation est plus faible ; il sera avantageux d’acheter cette monnaie et de l’employer à acheter des marchandises de ce pays. Cela augmentera le prix de la monnaie nationale. .

Dans ce cadre, on suppose une relation stable entre la croissance de la masse monétaire et l’inflation : l’augmentation de la demande, l’augmentation des salaires sont par exemple des facteurs de hausse des prix. Mais l’inflation ne peut se perpétuer que si les autorités monétaires ratifient ces facteurs de hausse, c’est à dire qu’elles fournissent aux agents économiques les moyens monétaires qui permettent de financer la croissance des prix. Nous traiterons ce point crucial dans le chapitre 7 avec les causes de l’inflation.

Hausse de la masse monétaire => hausse des prix => baisse du taux de change

c) La validité de la PPA Vérifier la thèse de la PPA revient à comparer un taux de change observé sur le marché avec

des indices du niveau général des prix. Mais les indices de prix possibles sont divers (prix de détail, prix de gros, prix des seuls biens échangés, etc.).

A court terme, il y a des déviations substantielles. Les taux de change varient plus que les prix, notamment car le marché des changes réagit plus aux anticipations sur les événements futurs plutôt qu’aux informations passées révélées notamment par l’évolution des prix. En outre, les monnaies sont demandées en tant qu’actifs financiers, pas seulement pour se procurer des biens. A long terme, la PPA agit comme une force de rappel puissante. Plus un pays est inflationniste, plus sa monnaie se dévalue.

C’est généralement par rapport à la PPA qu’une monnaie est dite sous-évaluée ou surévaluée.

L’instrument le plus couramment utilisé est l’écart entre le taux de change nominal (TCN) et le taux de change réel (TCR). Le taux de change réel6, obtenu après correction des écarts de prix entre les deux pays, est égal à Sij. Pi/Pj où Sij est le taux de change nominal (valeur d’une unité de monnaie i en monnaie j), Pi l’indice des prix du pays i, et Pj l’indice des prix du pays j.

Si TCR > TCN => la monnaie nationale est surévaluée 6 A ne pas confondre avec le taux de change effectif qui est calculé en donnant à chaque monnaie un poids qui correspond à la répartition géographique des échanges du pays considéré.

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Si TCR < TCN => la monnaie nationale est sous-évaluée Exemple : l’inflation en France est de 10% et de 0% en Allemagne, si le franc ne se déprécie pas, il est surévalué car il devrait baisser de 10% selon la PPA. TCR = TCN. 1,1/1 > TCN

Ainsi, chaque année The Economist publie un Big Mac Index7, comparant les prix du Big

Mac, bien homogène s’il en est, dans les grands pays du monde. Pour l’édition 2011, on peut lire que le Big Mac coûte 4.07$ aux EU et 3.44 euros dans la zone euro. L’unicité des prix implique 3.44 euros = 4.07 $, soit 1 euro = 4.07/3.44 = 1.18 $. C’est le taux de change de PPA. A comparer avec le taux de change constaté, tournant autour de 1.40 $. En prenant comme étalon le Big Mac, l’euro est surévalué par rapport au dollar, ce que prétendent d’ailleurs plusieurs économistes français. Cependant, la mesure de la sur ou sous évaluation d’une monnaie est un sujet controversé, comme l’illustre l’article suivant de Jean-Marc Vittori.

L’euro est-il à sa valeur d’équilibre par rapport au dollar ?

Que vaut vraiment l'euro ? Revenant de 1,60 dollar à un peu plus de 1,20 dollar en moins de deux ans, il a pratiquement perdu le quart de sa valeur face au billet vert. Et il semble parfois devenu la monnaie du diable. Il brûle les mains de ceux qui en ont et qui s'en débarrassent par wagons entiers avant parfois de le racheter le lendemain. Il brûle aussi les têtes des experts, qui annoncent un matin que tout est en place pour un formidable rebond de la devise européenne avant d'expliquer le soir qu'elle pourrait bien plonger. En même temps, cette chute incontrôlée est aussi une bonne nouvelle. Non seulement parce que, en stimulant les exports, elle redonne de l'air à une économie européenne encore asphyxiée par les conséquences de la crise financière de 2008, mais aussi parce qu'elle ramène l'euro à une valeur jugée plus normale. C'est le sentiment que traduisait mercredi John Lipsky, le numéro deux du Fonds monétaire international : « L'euro est plutôt proche de ce que nous pourrions considérer comme sa valeur d'équilibre après une longue période où il s'est échangé au-dessus de sa valeur. »

C'est bien sûr le marché qui fixe la valeur des monnaies. Il a donc par définition toujours raison. Mais il fait aussi souvent n'importe quoi - un fait de moins en moins contestable, particulièrement sur les actifs financiers. Comme pour les actions, les économistes tentent de déterminer la valeur « fondamentale » des monnaies. La première technique consiste à regarder les pouvoirs d'achat. L'hebdomadaire londonien « The Economist » compare ainsi régulièrement les prix du Big Mac. Dans sa dernière livraison, en mars, le hamburger valait en moyenne 3,58 dollars aux Etats-Unis et 3,36 euros dans la zone euro. Le taux de change qui donnerait aux deux monnaies la même capacité d'achat (les experts parlent de PPA, parités de pouvoir d'achat) serait donc 1,07 dollar pour un euro8.

Mais, par bonheur, nous ne mangeons pas que des Big Mac dans la vie. Les experts comparent donc non seulement les prix des sandwichs, mais aussi ceux de la lessive, des voitures, des forfaits téléphone et tout ce qui constitue le panier de la ménagère pour calculer un chiffre PPA. Pour l'année 2009, l'OCDE donne un taux de 1,17 dollar pour 1 euro et le FMI 1,19 dollar. Juste au-dessous des valeurs récentes - et par hasard au niveau de la toute première cotation de l'euro le 4 janvier 1999, à 1,18 dollar. D'où cette sensation de « retour à l'équilibre ». Mais ce n'est pas si simple. Avec une technique de calcul différente, la Banque mondiale donne pour la France en 2008 un taux un peu supérieur, de 1,34 dollar.

Et la valeur de la monnaie ne s'explique pas seulement - voire pas du tout -par le souci de donner le même prix au chariot du consommateur dans tous les pays. Elle se joue sur des marchés financiers, en fonction de l'offre et de la demande. Les économistes Hamid Faruqee et Ronald MacDonald (pas celui du hamburger) ont mis au point une technique dite du taux de change d'équilibre comportemental (Beer en anglais). Elle prend notamment en compte la possibilité pour un pays de payer les intérêts qu'il doit au reste du monde avec l'excédent de sa balance commerciale. D'après les calculs du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii) réalisés en 2008, le taux Beer serait autour de 1 euro pour 1,10 dollar. Là aussi, un peu au-dessous du niveau actuel.

Les chercheuses du Cepii, Agnès Bénassy-Quéré, Sophie Béreau et Valérie Mignon, ont employé une autre technique, le taux de change d'équilibre fondamental (Feer en anglais) défini par John Williamson - à ne pas confondre avec Oliver, le Nobel 2009. Elle consiste à déterminer le taux de change compatible avec un

7 http://www.economist.com/blogs/dailychart/2011/07/big-mac-index. 8 La fin de la phrase a été reformulée pour éviter toute confusion.

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déficit « soutenable » des comptes courants, fixé à 3 % du PIB aux Etats-Unis. Elle aboutit à des chiffres sensiblement différents : le taux devrait se situer alors autour de 1,50 dollar pour 1 euro, voire plus de 2 dollars dans certaines hypothèses extrêmes !

Ces modèles ont cependant un biais qui devient aujourd'hui une faiblesse. Ils sont fondés sur les déséquilibres extérieurs, qui sont surtout américains. Pour l'année 2010 par exemple, le FMI prévoit un déficit des comptes courants américains de 500 milliards de dollars tandis que la zone euro serait à l'équilibre. Si ce déficit paraît encore énorme, la crise financière l'a fait revenir dans la fameuse zone de 3 % du PIB jugée supportable, car les Américains ont moins dépensé et plus exporté. Le principal problème, aujourd'hui, c'est l'Europe (jusqu'au jour où les investisseurs redécouvriront l'effroyable situation des comptes américains, à la fois du côté du Trésor et de celui de la Réserve fédérale).

La glissade de l'euro est peut-être une réponse simple à une anxiété profonde : la croissance européenne sera trop faible pour rembourser des dettes trop lourdes. Si l'on refuse le défaut de paiement, l'inflation ou l'étalement de la dette, la seule marge de manoeuvre qui reste au Vieux Continent est la dévaluation de sa monnaie. Patrick Artus, l'économiste en chef de Natixis, chiffre la baisse nécessaire à… 30 %, ce qui doperait la croissance européenne de 1,5 % par an. Le chiffre paraît bien sûr énorme. Il ramènerait l'euro au-dessous des 90 cents, comme en 2000. Mais après tout, le Royaume-Uni s'est sorti de la Grande Dépression en dévaluant la livre de 40 % d'un coup en 1931. JEAN-MARC VITTORI, Les Echos, 21/05/10.

2) Le solde de la balance des transactions courantes

Un excédent courant => paiement de cet excédent par le reste du monde => demande de monnaie nationale contre monnaie étrangère => appréciation de la monnaie nationale.

Un déficit courant => paiement du déficit par les résidents => demande de devises contre monnaie nationale => dépréciation de la monnaie nationale. Cette analyse s’inscrit dans les modèles keynésiens Mundell-Fleming du début des années 1960 où le taux de change dépend surtout du solde courant, lui-même relié à la demande interne et aux taux d’intérêt. En moyenne période, ce lien est vérifié car les pays à monnaie forte sont ceux dont le solde courant est positif (Allemagne, Japon) et les pays à monnaie faible sont ceux dont la balance courante tend à être déficitaire.

Cependant cette explication souffre deux limites. Premièrement, au sein de la balance des paiements c’est les transactions courantes qui sont ici déterminantes. Or on constate un net affaissement de la part des transactions courante au sein de la structure de la balance des paiements, au profit des transactions financières, et notamment des investissements de portefeuille, comme le montre le tableau suivant. Les flux de capitaux sont donc aujourd’hui autant voire plus déterminants que les flux de marchandises pour expliquer les échanges de dives et l’évolution des taux de change.

Balance des paiements de la France9

1980 2000 Transactions courantes 72% 11% Investissements de portefeuille 8% 79% Investissements directs 2% 3%

Source : Rapports annuels de la Banque de France Deuxièmement, si on prend le cas du dollar, le déficit courant américain n’a pas entrainé pendant des années la baisse du billet vert que l’on aurait pu imaginer. Car le dollar est la principale monnaie du monde en termes de facturation ou de réserves. Le cours du dollar sur les marchés des changes dépend de l’offre et de la demande de dollars dans le monde entier, bien plus que du solde des paiements extérieurs des USA.

3) Le taux d’intérêt :

9 Moyenne approchée du crédit et du débit.

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La parité des taux d’intérêt a été mise en évidence notamment par Keynes10. Cette théorie stipule que sur des marchés nationaux différents, et pour des actifs ayant le même degré de risque et de liquidité, le rendement doit être identique en raison des comportements d’arbitrage.

Selon la théorie de la parité des taux d’intérêt, il existe une relation inverse entre le taux d’intérêt et le taux de change : si une monnaie offre un taux d’intérêt plus élevé, elle est amenée à se dévaluer, si elle offre un taux d’intérêt plus faible, elle est amenée à s’apprécier. Si par exemple, le taux du marché monétaire est de 8% en France et de 3% en Allemagne, et si l’arbitrage se fait librement (pas de coûts de transaction), le franc se dévaluer de 5%.

Par conséquent, sur deux ou plusieurs marchés nationaux, le rendement net (taux nominal ajusté des variations de change) sur plusieurs actifs strictement équivalents doit être identique. L’idée de base est que le marché des changes est en équilibre si les dépôts dans les différentes devises offrent le même rendement attendu. C’est la condition de parité des taux d’intérêt montrée par le graphique suivant.

On constate empiriquement que monnaie faible et taux d’intérêt élevé vont corrélés, comme l’Italie ou la France pendant les années 1970, par opposition à l’Allemagne. Des taux d’intérêt élevés sont souvent signe d’une forte inflation et d’une dépréciation anticipée de la monnaie. La relation de PTI est toujours vérifiée, dès lors que les agents ne manifestent pas d’aversion pour le risque et peuvent arbitrer immédiatement et sans coût entre ces différents placements. Empiriquement, il existe des déviations par rapport à la PTI en raison de l’existence de primes de risque, ce qui signifie que les actifs libellés dans une monnaie ne sont pas des substituts parfaits des actifs libellés dans une autre

10 J.M Keynes, The Tract on Monetary Reform, MacMillan, 1923.

Variation du taux de change

(Nombre de francs pour un mark)

iF-iDM

_

5%

La ligne de parité des taux d’intérêt

5% 0

+

+

_

45%

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devise. Les primes de risque sur une monnaie sont surtout liées à la volatilité des taux de change et peuvent être mesurées par les différentiels de taux d’intérêt.

En outre, et sans que cela contredise ce qui précède, une hausse des taux d’intérêt, toutes choses restant égales par ailleurs, doit provoquer une appréciation de la monnaie nationale, et inversement. D’ailleurs, les autorités monétaires utilisent très souvent l’arme des taux d’intérêt pour défendre leur monnaie attaquée sur le marché des changes. Si l’inflation anticipée reste constante, la hausse des taux d’intérêt aboutira à l’appréciation de la monnaie nationale ; en revanche, si l’inflation anticipée augmente, les choses ne sont plus égales, et la monnaie peut continuer à se déprécier. Par exemple, la hausse des taux américains au début des années 1980 est allée de pair avec la hausse du dollar.

Globalement, le lien statistique entre taux d’intérêt et taux de change est assez distendu. Ainsi Michel Dupuy peut écrire : « (…) selon les études économétriques, la sensibilité du cours du dollar au différentiel de taux d’intérêt entre les Etats-Unis et le reste du monde est faible. Au total, les taux d’intérêt ne permettent pas d’expliquer convenablement les fluctuations du dollar, du moins sur longue période »11. De même, le taux de change DM/yen était extrêmement volatil par rapport à l’impressionnante stabilité de leur taux d’intérêt.

Le lien entre PTI et PPA :

Il peut être expliqué par l’effet Fisher, The theory of interest, 1930. On désigne sous ce terme la relation à

long terme entre l’inflation et le taux d’intérêt. Il indique que si l’inflation d’un pays doit s’accroître de

manière permanente d’un taux de 5% à un taux de 10%, les taux d’intérêt nominaux vont eux aussi

augmenter de 5 points par rapport à leur niveau initial. Le taux de rendement réel reste inchangé.

I nominal = I réel + (�) inflation anticipée

L’effet Fisher est à la base de l’approche monétaire selon laquelle quand le taux d’intérêt augmente, le taux

de change se déprécie. Car à long terme, une hausse de la différence de taux d’intérêt entre pays se produit

seulement quand l’inflation attendue est différente selon les pays.

Ecrivons la relation de Fisher pour le pays domestique et le pays étranger (*) :

(1) In = Ir + �

(2) In* = Ir* + �*

La différence entre les lignes (1) et (2) donne : In - In*= (Ir - Ir*) + (� - �*)

En supposant que le taux d’intérêt réel est le même dans les deux pays (même efficacité marginale du capital

et même arbitrage inter-temporel entre l’épargne et l’investissement), on obtient :

In - In* = � - �* C'est-à-dire que le différentiel d’intérêt nominal entre deux pays doit être égal au différentiel d’inflation

anticipée. C’est la relation de Fisher en économie ouverte.

Or In - In* est la variation de change anticipée en vertu de la relation de PTI.

Et � = �* est la relation de PPA

Conclusion : différentiel d’intérêt = variation de change anticipée = différentiel d’inflation.

4) La croissance économique : Si la PPA était vérifiée, les taux de change réels devraient rester constants dans le temps puisque

les différences de prix devraient être compensées par l’évolution des taux de change nominaux. Or on observe dans la réalité d’amples variations de longue période des taux de change réels.

11 M. Dupuy, Le dollar, Dunod, 1999, p. 46.

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Depuis les travaux de Gilbert et Kravis (1954), il a été établi qu’à long terme l’évolution du TCR est étroitement liée au niveau relatif de développement d’un pays. Lafay l’a montré à partir d’un échantillon de 31 pays en 1975. L’explication tient à trois facteurs structurels : - Le différentiel de croissance : une hausse de ce différentiel doit provoquer une appréciation de la

monnaie nationale. En effet, une plus forte croissance signifie que, toutes choses égales par ailleurs, une unité monétaire nationale pourra acheter plus de biens et services. Une hausse du pouvoir d’achat de la monnaie entrainera une hausse de sa valeur en termes des autres devises.

- le mécanisme des productivités relatives : à mesure qu’un pays se développe, la productivité du secteur exposé s’accroît relativement plus que celle du secteur abrité. Cf. l’effet Balassa-Samuelson.

- le développement améliore la qualité de sa spécialisation internationale avec une meilleure adaptation à la demande mondiale. Cette compétitivité structurelle élève les prix du secteur exposé et accroît le TCR sans pénaliser la croissance et l’équilibre externe.

- les effets de domination à travers l’imposition de normes de production et de consommation. - Le phénomène d’habitat préféré dont bénéficient les monnaies aux marchés domestiques larges,

liquides et surs. L’effet Balassa-Samuelson : On constate que les taux de change des monnaies des pays à faible niveau de développement en termes des monnaies des pays développés sont inférieurs à ceux de PPA. En 1964, les économistes Bela Balassa12 et Paul Samuelson13 ont expliqué ce phénomène par les écarts de productivité, qui sont plus élevés dans les secteurs exposés à la concurrence internationale que dans les secteurs abrités L’effet Balassa-Samuelson repose sur deux éléments :

• la distinction entre biens échangeables (secteur exposé) et bien non échangeables (secteur abrité). La concurrence internationale ne porte que sur les biens échangeables. Or le taux de change de PPA prend en compte les biens échangeables mais aussi les biens non échangeables

• le surcroit de productivité des pays développés pour les biens échangeables. Qu’un pays soit riche ou pauvre, un coiffeur fera un certain nombre de coupes par jour, mais il y aura par contre de grandes différences pour la production d’ordinateurs.

Dans le secteur exposé (la majorité de l’industrie), les prix sont à peu près identiques entre les pays, en raison de la concurrence internationale. Dans les PED, la productivité plus faible est compensée par des salaires plus faibles, ce qui permet d’afficher les mêmes prix que dans les pays riches. Dans le secteur abrité (la majorité des services). les différences de prix sont importantes. Dans les PED, les salaires faibles permettent d’avoir des prix très bas. (Exemple de la coupe de cheveux au prix modique pour un Occidental). Dans les pays riches, les salaires élevés du secteur exposé se diffusent au secteur abrité via la concurrence sur le marché du travail ou les conventions collectives. (Le coiffeur a le même salaire qu’ouvrier de l’automobile). Confrontés à des salaires élevés, les entreprises des secteurs abrités augmentent leurs prix pour conserver leurs marges, d’autant qu’elles ne sont pas contraintes par la concurrence internationale.

Si on agrège les prix des deux secteurs, on obtient un niveau moyen de prix plus bas dans les pays en développement que dans les pays industriels. Effectivement, les études empiriques montrent que dans les PED, le niveau général des prix est plus bas que dans les pays avancés. Ce lien positif entre niveau de prix et niveau de revenu par tête est lié en grande partie au prix des biens non échangeables : les prix plus élevés des biens non échangeables dans les pays riches contribuent au niveau général des prix plus élevé de ces pays. 12 B. Balassa, “The Purchasing Power Parity Doctrine : A Reapprisal”, Journal of Political Economy, 1964. 13 P. Samuelson, « Theoretical Notes on Trade Problems », Review of Economics and Statistics, 1964.

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Cet écart est plus marqué dans les secteurs abrités de la concurrence internationale que dans les secteurs exposés à la concurrence. Il en résulte un ratio ‘prix des biens échangeables/prix des biens non échangeables’ plus élevé dans le pays en développement,

La démonstration algébrique s’inspire de l’ouvrage de Bernard Guillochon14. Appelons : PE = prix des biens échangeables produits par un pays développé ; P*E par un PED

PNE = prix des biens non échangeables produits par un pays développé ; P*NE par un PED S est le nombre d’unités monétaires du pays développé obtenues avec une unité monétaire du PED On définit le niveau général des prix dans chaque pays de la manière suivante :

P = PE α × PNE

1-α et P* = (P*E) α × (P*NE) 1-α avec 0 < α < 1 Le taux de change assurant la parité des pouvoirs d’achat vaut : SPPA = P/P* Mais le taux courant S n’a pas de raison d’être égal à SPPA puisqu’existent des biens non échangés. Par contre, on peut supposer que le taux courant assure la parité des pouvoirs d’achat pour les biens échangés : S = PE / P*E Comme les prix des biens échangeables sont à peu près identiques dans les deux pays alors que les prix des biens non échangeables sont très bas dans les PED comparativement aux pays développés, on a l’inégalité suivante : PE / P*E < PNE / P*NE soit encore S < PNE / P*NE En partant de cette inégalité, et moyennant quelques opérations, on peut comparer le taux de change courant au taux de change de PPA : S < PNE / P*N

� S1-α < (PNE / P*NE)1-α � Sα × S1-α < (PNE / P*NE)1-α × Sα � S < SPPA Donc le taux de change courant de la monnaie nationale du pays en développement est inférieur à celui de parité des pouvoirs d’achat. Conséquences : En statique : Le taux de change des PED parait sous-évalué par rapport à la PPA en raison du bas prix du secteur abrité. Les taux de change en PPA, fondés sur l’ensemble des biens et services, surestiment la compétitivité des pays les moins développés. Cela permet de comprendre pourquoi les prix sont moins élevés dans les pays les moins développés

En dynamique : Une économie dont la productivité s’accroit voit son taux de change réel s’apprécier : c’est l’effet Balassa-Samuelson. En effet, à mesure que le pays se développe, la productivité s’accroit dans le secteur exposé et les salaires augmentent. Dans le secteur abrité, cette hausse de salaire se répercute sans que la productivité n’augmente. Les prix des biens non échangeables augmentent par rapport au reste du monde et le taux de change réel s’apprécie. Le taux de change réel est donné par la formule : Qij = Sij. Pi/Pj où

� Sij est le taux de change nominal (valeur d’une unité de monnaie i en monnaie j) � Pi l’indice des prix du pays i � Pj l’indice des prix du pays j

L’appréciation du taux de change réel peut s’obtenir soit par l’appréciation du taux de change nominal soit par la hausse des prix15.

14 B. Guilochon, Economie internationale, Dunod, p. 178. 15 Une hausse de Qij traduit une perte de compétitivité-prix de pays i vis-à-vis du pays j.

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Par conséquent, les pays émergents en forte croissance connaissent soit une appréciation du taux de change nominal, soit un taux d’inflation plus élevé (dans le cas des PECO, les études montrent que le surcroit d’inflation ou l’appréciation réelle des taux de change imputables à l’effet Balassa-Samuelson seraient compris entre 0 et 4% par an16), soir un mélange des deux. Illustration : hausse du yen et du DM dans les années 1950 et 1960, les monnaies des pays d’Asie du Sud-est depuis une vingtaine d’années. « En résumé, parler d'effet "Balassa-Samuelson" revient à considérer que l'égalisation des prix par le taux de change, c'est-à-dire la détermination du taux de change selon la parité des pouvoirs d'achat (PPA), ne peut se faire qu'entre des économies ayant le même niveau de développement et d'efficacité du capital et de la main-d’œuvre, les pays en retard connaissant systématiquement une inflation plus forte que les pays avancés » écrit Jean-Marc Daniel, professeur à l'ESCP-EAP, le 29.01.2008. Synthèse :

Parmi les fondamentaux, l’inflation a perdu son rôle de déterminant prioritaire depuis qu’elle est partout éradiquée. Par contre, la croissance, l’investissement, l’emploi et le solde des finances publiques ont pris le relais. Stein a proposé d’utiliser le Natrex (Naturel Real Exchange Rate), tenant compte d’une part la productivité du capital et de l’investissement, d’autre part du cumul des créances ou dettes sur l’étranger.

La valeur de la monnaie d’un pays est déterminée moins par la performance économique que par l’offre et la demande de monnaie. Pour une quantité donnée de monnaie, une augmentation de la production de marchandise augmente la valeur de la monnaie, car chaque unité monétaire permet d’acheter davantage de marchandises. A l’inverse, l’augmentation de la monnaie en circulation par rapport à une quantité fixe de production entraine un déclin du pouvoir d’achat, car chaque unité de monnaie peut acheter moins de marchandises.

C) Les déterminants des taux de change à court terme

Les approches basées sur les fondamentaux ont été élaborées à une époque où les transactions financières étaient moins importantes et réglementées. Aujourd’hui, la libéralisation des mouvements de capitaux, jointe à l’abandon des parités fixes au début des années 1970, s’est traduite par une instabilité des taux de change que les théoriciens ont tenté d’expliquer.

1) Le modèle de sur réaction : Il a été développé en 1976 par Rudiger Dornbusch pour expliquer notamment la volatilité du $ à

partir du début des années 1970 dans un contexte de flottement des monnaies et de des mouvements accrus de capitaux.

a) Intuition du modèle : L’instabilité des taux de change provient du fait que les vitesses d’ajustement sont différentes sur

les marchés financiers et les marchés des biens et services. Dornbusch fait l’hypothèse que les prix sur les marchés financiers s’ajustent instantanément aux variations de l’offre et de la demande. En revanche, les prix des biens et services sont rigides à court terme.

A long terme, le taux de change suit son sentier de parité des pouvoirs d’achat (PPA), l’évolution du taux de change est déterminée par le différentiel d’inflation entre les pays. La PPA joue donc son rôle de point d’ancrage du système à long terme.

16 Conjoncture, BNP Paribas, octobre 2004, n°9, p. 32.

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A court terme, le marché des changes est dominé par les mouvements de capitaux et le taux de change est déterminé par la parité des taux d’intérêt (PTI). L’écart de taux d’intérêt entre deux monnaies est égal au taux anticipé de dépréciation du change.

b) Fonctionnement du modèle : Supposons qu’un choc monétaire se produise, par exemple l’accroissement de l’offre de monnaie

non anticipé. L’équilibre ne peut être retrouvé par l’augmentation de la production ou des prix. C’est le secteur financier qui l’absorbe par la baisse du taux d’intérêt national. Celle-ci, ainsi que l’anticipation d’une dépréciation de la monnaie liée au laxisme monétaire, déclenche une dépréciation instantanée du taux de change allant au-delà de sa valeur de long terme respectant la PPA. Le passage de S1 à S2

17 décrit la dépréciation à court terme. Il y a ainsi sur réaction (overshooting) du taux de change, au sens où le mouvement immédiat du taux de change est trop fort et doit être compensé par la suite. En effet, dans un second temps, la dépréciation de la monnaie nationale améliore le solde de la balance commerciale, ce qui amène une appréciation de la monnaie nationale jusqu’à ce que la PPA soit respectée. Le passage de S2 à S3 décrit l’appréciation à moyen terme.

La sur réaction se produit quand, à la suite d’un choc économique comme l’augmentation de l’offre de monnaie, le taux de change s’éloigne momentanément de son niveau dit d’équilibre qui se formerait si le marché appliquait instantanément le principe de la PPA.

c) Intérêts et limites : Si les politiques monétaires sont imprévisibles, il en ira de même des écarts d’inflation et les

taux de change seront volatils avec des variations amplifiées. L’atonie des prix et des salaires oblige le taux de change à absorber les chocs pour le compte de la politique monétaire. Ce modèle suggère qu’une politique monétaire plus stable entrainerait des taux de change plus stables.

Cette analyse a pu expliquer une partie de la forte volatilité des taux de change après 1973 ainsi que la forte appréciation du dollar entre 1981 et 1985. Mais les agents anticipent de mieux en 17 Ici, est utilisée la cotation à l’incertain, le cours indique le nombre d’unités monétaires nationales correspondant à une unité de monnaie étrangère.

Taux de change

Temps Expansion monétaire

S2

S3

S1

Taux de change de PPA

Le schéma de la sur réaction

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mieux les changements de politique monétaire. Dans le modèle, la sur réaction se produit car les agents sont incapables d’anticiper le taux de change à long terme. Mais les agents devraient apprendre de leurs erreurs et anticiper le taux de change de long terme. Si les anticipations sont parfaites, les agents anticipent de suite le taux de change qui sera atteint à long terme et il n’y a pas de sur réaction.

Au niveau empirique, d’après Kenneth Rogoff c’est un échec indiscutable, au moins pour les taux de change du G-3 (USA, Europe, Japon) ; en effet, il constatait en 2002 que la politique monétaire des membres du G-3 est beaucoup plus stable que dans les années 1970 sans que la volatilité des taux de change n’ait baissé18.

2) Les modèles de choix de portefeuille : Les premiers modèles ont été développés par McKinnon (1969), Branson (1975), Kouri

(1976). Les opérateurs arbitrent entre les différents marchés nationaux afin de maximiser leur portefeuille d’actifs, en fonction des rendements et des risques relatifs de chaque placement. L’évolution du taux de change est la conséquence d’arbitrages permanents entre actifs qui affectent le marché des changes.

Le taux de change est le prix qui assure l’équilibre sur les différents marchés d’actifs nationaux et étrangers. Les taux de change sont déterminés par l’offre et la demande d’actifs monétaires et financiers.

Une hausse du taux d’intérêt domestique élève l’achat de placements financiers domestiques, ce qui accroit la demande de monnaie nationale et entraine l’appréciation du taux de change. Symétriquement, la hausse du taux d’intérêt étranger entraine la dépréciation du taux de change. Une hausse de l’offre de monnaie engendre une sortie de capital, correspondant à des achats de titres étrangers, ce qui amène la dépréciation de la monnaie nationale.

Le modèle de substitution des monnaies : Dans le modèle de choix de portefeuille, un résident peut détenir des actifs étrangers mais pas des

devises étrangères. Cette hypothèse est apparue peu conforme à la situation car les grandes entreprises et les banques détiennent souvent une trésorerie multidevises. Dans le modèle de substitution des monnaies (Miles, 1978), les résidents peuvent détenir des devises étrangères.

Chaque devise est désirée non seulement en fonction du taux d’intérêt domestique mais aussi des taux d’intérêt étrangers. Ces modèles montrent que lorsque la substituabilité des monnaies devient très forte, les taux de change deviennent extrêmement instables.

Au point de départ, on trouve l’idée selon laquelle la diversification des actifs monétaires est déstabilisatrice contrairement à celle des titres. En effet, deux titres libellés dans la même monnaie ont des marchés stables, car une variation de leur prix (Pt) exerce un effet stabilisateur à travers une modification de leur taux de rendement (Rt) : d(Rt)/d(Pt) < 0. Ainsi, à dividende donné, la hausse du cours d’une action diminue sa rentabilité mesurée par le ratio ‘dividende/cours’. Par contre, deux monnaies distinctes ont des marchés instables puisqu’une variation du taux de change affecte seulement les anticipations des agents et laisse inchangé leur taux de rendement respectif (le taux de rendement nominal de la monnaie est nul) : d(Rm)/d(Pm) = 0.

Plus le coefficient d’élasticité de substitution entre deux monnaies est fort, plus élevée doit être la variation du taux de change anticipé. A la limite, si ce coefficient est infini, les monnaies sont des substituts parfaits et les taux de change sont extrêmement instables.

Utilité et enseignements du modèle de substitution des monnaies : o Ce modèle est utile pour suivre les taux de change des pays à monnaie fondante dont les

agents détiennent d’importantes encaisses en dollars (Amérique du Sud) o le flottement des monnaies peut être déstabilisateur et ne permet qu’une faible autonomie des

politiques monétaires 18 K. Rogoff, Pourquoi les taux de change du G-3sont-ils si instables ?, Finances et développement, juin 2002, p. 56.

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o les demandes de monnaie nationale sont instables alors que la demande mondiale de monnaie est stable d’où la nécessité d’une coopération monétaire internationale selon Mac Kinnon.

3) Les bulles spéculatives :

a) Le phénomène des bulles spéculatives :

Une bulle se produit quand un prix de marché s’éloigne d’un prix considéré comme normal pour y revenir au bout d’un certain temps. Ce prix normal est déterminé par les fondamentaux.

De très nombreux marchés connaissent des fluctuations des prix autour d’une moyenne. Le terme de bulle est cependant réservé à des fluctuations qui résultent de comportements spéculatifs. Il n’y a donc de bulles que spéculatives. Ce qui caractérise la bulle est son caractère autoalimenté, la hausse appelle la hausse, et inversement.

Le mécanisme des bulles spéculatives passe par les anticipations auto-réalisatrices : si une majorité d’acteurs anticipent que le prix va monter, ils achètent avec la conviction qu’ils pourront vendre plus cher, l’excès de demande sur l’offre fait augmenter les prix, ce qui valide à posteriori les anticipations.

En regardant les fondamentaux, chacun sait que le prix s’est éloigné de sa valeur normale et que cet écart ne peut durer. Plus l’écart est important, plus la probabilité théorique d’un retour à la valeur normale augmente. Celui conduit un jour ou l’autre à un retournement des anticipations majoritaires qui enclenche une baisse, elle-même auto-entretenue, pouvant prendre la forme d’un krach, suivi d’une bulle négative.

b) Les bulles spéculatives rationnelles : Elles expliquent les déviations par rapport à la tendance fondamentale et montrent l’existence

de dynamiques auto-entretenues. Cette approche, développée à l’origine pour les actions, a connu une importante popularité au début des années 1980 face à l’instabilité des changes. La théorie des bulles a été développée notamment par Blanchard et Watson (1984) qui ont montré que les bulles pouvaient être compatibles avec les anticipations rationnelles. Cette théorie aboutit à trois résultats : - A court terme, le marché des changes peut connaître une multiplicité de solutions d’équilibre - La divergence entre le taux de change du marché et sa valeur fondamentale peut être croissante - Le taux de change dépend de sa propre valeur anticipée, les anticipations deviennent auto-

réalisatrices Pour Blanchard, la bulle peut être parfaitement compatible avec un comportement rationnel des

opérateurs : ils savent que la monnaie est surévaluée par rapport aux fondamentaux (ex : le $ de 1983 à 1985) mais ont intérêt à acheter la devise aussi longtemps que le risque de perte imputable à la surévaluation est plus faible que le gain susceptible d’être réalisé grâce à la poursuite de la hausse. Les anticipations s’auto réalisent et le marché est efficient dans la mesure où il anticipe correctement l’évolution du change.

La bulle est-elle rationnelle ? Cela renvoie à l’hypothèse d’efficience du marché des changes. L’efficience pleine ne paraît valoir que pour des horizons temporels limités.

c) L’hypothèse de rationalité du marché des changes est-elle pertinente ? Le marché des changes est-il efficient ? Fama (1970) a défini l’efficience en considérant que le taux de change à la période t contient

toute l’information disponible en t. Cela implique le respect de deux hypothèses. Les arbitrages sont parfaits, c'est-à-dire que si les actifs financiers sont parfaitement

substituables, les rendements anticipés des actifs en différentes monnaies sont égaux. Si le franc bénéficie de taux d’intérêt supérieurs de 2% à ceux du mark, cela signifie que les opérateurs anticipent une appréciation du mark/franc de 2%.

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Les anticipations sont rationnelles : d’une part les agents utilisent toute l’information disponible, et d’autre part ils connaissent le bon modèle de détermination du taux de change, ce qui implique que les agents ne font pas d’erreurs de prévision systématiques, ce qui signifie statistiquement que les écarts entre le taux de change constaté en t et le taux de change anticipé pour cette période ont une espérance mathématique nulle.

L’hypothèse d’anticipations rationnelles est très forte. Elle suppose d’une part que les agents connaissent le modèle pertinent permettant d’expliquer les variations du change. Or non seulement il y a plusieurs modèles théoriques possédant de sérieuses limites et il est difficile d’invoquer un soi-disant modèle vrai, mais en plus pour le change on ne voit guère ce qui peut tenir lieu de valeur fondamentale, au sens par exemple de la somme des dividendes futurs actualisés pour une action. Elle suppose d’autre part que les agents, étant aussi bien informés que le modèle, ne font pas d’erreurs systématiques, pas plus qu’il n’en fait lui-même. Or la psychologie des opérateurs peut aller à l’encontre de cette hypothèse de rationalité.

André Cartapanis (1996) explique l’instabilité des taux de change par l’hétérogénéité des acteurs avec d’un coté des opérateurs qui se basent sur les fondamentaux (les fondamentalistes) et de l’autre des traders utilisant une stratégie de court terme (les chartistes) (modèle chartiste19 ou extrapolatif), à l’affut de la moindre occasion de profit, et très influencés par les rumeurs, les modes.

Le poids de ces derniers est devenu très important, il peut donc être rationnel d’ignorer les fondamentaux dans la très courte période si les parités sont effectivement déterminées par ces traders. Ces professionnels qui font le marché forment un milieu très restreint où tout le monde pense la même chose. La moindre information prend alors un poids considérable. Ainsi, au gré des modes et des influences, les indicateurs sur lesquels se fondent les opérateurs changent : un jour le déficit courant américain est jugé décisif, la semaine suivante il devient accessoire, sans qu’il se soit réduit d’un seul dollar.

André Orléan (1986) parle de contagion mimétique des anticipations. Quand pour former leurs anticipations, les agents ont le choix entre acquérir une information en la payant, ou l’obtenir gratuitement ne se basant sur le prix du marché, c’est généralement la seconde solution qui est retenue. « Si on se trouve dans une situation d’imitation généralisée, dans laquelle chacun copie l’autre en croyant qu’il détient l’information, alors qu’aucun agent n’est informé, le prix qui se forme ne reflète que la ‘psychologie du marché’ et ne contient aucune autre information. On est en présence d’un processus d’anticipations ‘auto réalisatrices’ dans lequel un prix va s’auto confirmer, même s’il s’éloigne de plus en plus de son niveau d’équilibre fondamental.20 »

Les opérateurs qui voient sur leurs écrans les cours baisser (monter) sans en connaître les causes se disent que les autres opérateurs doivent avoir des informations qu’eux n’ont pas, et tels des moutons de Panurge se mettent eux aussi à vendre (acheter) ; cela précipite la baisse (hausse) des cours, laquelle déclenche à son tour des ventes (achats) par les assureurs de portefeuille. Et la baisse (hausse) nourrit la baisse (hausse). Pour réussir, il faut se préoccuper non de la valeur véritable d’une monnaie mais de la valeur que le marché, sous l’influence de la psychologie des masses, lui attribuera dans le futur proche. Il ne set à rien d’avoir raison contre la majorité. Si la majorité pense que le prix va monter, le prix monte, il est rationnel d’acheter. Un acteur doit se décider en fonction non de ce qu’il pense mais de ce que les autres pensent. Ce jeu de miroir à l’infini laisse l’évaluation finale indéterminée.

Cette importance du mimétisme en période d’incertitude sur les marchés financiers avait déjà été formulée par Keynes avec l’exemple du concours de beauté (cf. encadré) L’élection de la plus belle fille résulte d’un vote, pour inciter le public à voter, les organisateurs promettent un cadeau à celui qui aura voté dans l’ordre pour le trio gagnant. Le comportement rationnel de celui qui veut le cadeau n’est pas de voter selon ses préférences, mais selon ce qu’il pense être les préférences moyennes des votants. 19 Du mot anglais chart qui veut dire graphique. 20 D. Plihon, Les taux de change, la découverte, 2001, p. 66.

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Mais si on ne trouve pas d’agent connaissant la vraie valeur, il y a imitation généralisée. Ainsi survient le paradoxe de Grossman (1976) selon lequel tous les agents observent les prix bien que ceux-ci ne contiennent plus aucune information.

D’après Dominique Plihon21, « l’hypothèse d’efficience est rejetée par la plupart des tests économétriques ». Pour cet auteur, on peut l’expliquer par l’imparfaite substituabilité des actifs libellés dans des devises différentes, illustrée par l’existence de primes de risque. Ces primes de risque peuvent être liées à la volatilité des taux de change (plus le taux de change d’une monnaie est instable, plus elle apparaît risquée) ainsi qu’au phénomène d’habitat préféré (certaines monnaies, comme le dollar jusqu’à nos jours, sont toujours très demandées car leur marché financier offre à la fois liquidité, sécurité et diversité des placements).

Keynes et lKeynes et lKeynes et lKeynes et la métaphore a métaphore a métaphore a métaphore du concours de beautédu concours de beautédu concours de beautédu concours de beauté

(…) l(…) l(…) l(…) la technique du placementa technique du placementa technique du placementa technique du placement peut être comparée à ces concours organisés par les journaux où les participants ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de photographies, le prix étant attribué à celui dont les préférences s'approchent le plus de la sélection moyenne opérée par l'ensemble des concurrents. Chaque concurrent doit donc choisir non les visages qu'il juge lui-même les plus jolis, mais ceux qu'il estime les plus propres à obtenir le suffrage des autres concurrents, lesquels examinent tous le problème sous le même angle. Il ne s'agit pas pour chacun de choisir les visages qui, autant qu'il peut en juger, sont réellement les plus jolis ni même ceux que l'opinion moyenne considérera réellement comme tels. Au troisième degré où nous sommes déjà rendus, on emploie ses facultés à découvrir l'idée que l'opinion moyenne se fera à l'avance de son propre jugement. Et il y a des personnes, croyons-nous, qui vont jusqu'au quatrième ou au cinquième degré ou plus loin encore.

PeutPeutPeutPeut----être le lecteur objecteraêtre le lecteur objecteraêtre le lecteur objecteraêtre le lecteur objectera----tttt----il il il il que pendant une période assez longue un homme habile doit nécessairement réaliser, aux dépens des autres joueurs, des bénéfices considérables si, indifférent au passe-temps prédominant, il persiste à acheter des investissements à la lumière des prévisions véritables à long terme les plus parfaites qu'il puisse établir. À ceci il convient de répondre tout d'abord qu'il existe en effet des esprits sérieux de ce genre et que, suivant que leur influence ou celle des simples joueurs prévaut, la physionomie d'un marché financier diffère profondément. Mais nous devons ajouter que plusieurs circonstances s'opposent à la prédominance de semblables esprits sur les marchés de capitaux modernes. Le placement fondé sur une véritable prévision à long terme est de nos jours une tâche trop difficile pour être souvent possible. Ceux qui s'y attellent sont sûrs de mener une existence beaucoup plus laborieuse et de courir des risques plus grands que ceux qui essayent de deviner les réactions du public plus exactement que le public lui-même ; et, à égalité d'intelligence dans les deux activités, ils risquent de commettre dans la première des erreurs beaucoup plus désastreuses.

L'exL'exL'exL'expériencepériencepériencepérience ne prouve nullement que la politique de placement qui présente une utilité sociale coïncide avec celle qui rapporte le plus. Il faut plus d'intelligence pour triompher des forces secrètes du temps et de l'ignorance de l'avenir que pour « voler le départ ». Au surplus la vie n'est pas assez longue pour cette tâche ; la nature humaine exige de prompts succès, et l'enrichissement rapide a une saveur particulière, l'homme moyen calculant la valeur actuelle des profits différés à un taux d'escompte fort élevé. Le placement professionnel est une tâche fastidieuse et astreignante au point d'être intolérable pour quiconque n'a aucunement le goût du jeu, et ceux qui l'ont doivent payer pour ce penchant la redevance appropriée. Au surplus, celui qui veut investir sans se préoccuper des fluctuations momentanées du marché a besoin pour sa sécurité de ressources plus importantes et ne peut donc, au moins avec de l'argent emprunté, opérer sur une échelle aussi considérable ; nouvelle raison pour qu'à égalité d'intelligence et de ressources il soit plus avantageux de se consacrer au passe-temps.

21 D. Plihon, Les taux de change, La découverte, 2001, p. 61.

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FinalementFinalementFinalementFinalement l'individu qui investit à long terme et qui par là sert le mieux l'intérêt général est celui qui, dans la pratique, encourra le plus de critiques, si les fonds à placer sont administrés par des conseils, des comités et des banques. Son attitude en effet doit normalement le faire passer aux yeux de l'opinion moyenne pour un esprit excentrique, subversif et inconsidéré. S'il connaît d'heureux succès, la croyance générale à son imprudence s'en trouvera fortifiée ; et, si, comme c'est très probable, il subit des revers momentanés, rares sont ceux qui le plaindront. La sagesse universelle enseigne qu'il vaut mieux pour sa réputation échouer avec les conventions que réussir contre elles.

J.M. Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Payot, 1936, pp. 168 à 170.

Conclusion sur les déterminants des taux de change : Il est finalement assez difficile de prévoir les évolutions des taux de change, notamment à court

terme. Meese et Rogoff ont montré dans une étude de 1983 l’incapacité des modèles à prévoir correctement l’évolution du taux de change à moins d’un an. On obtient une meilleure prévision avec un modèle naïf qui suppose que le taux de change d’aujourd’hui constitue la meilleure prévision du taux de change futur. D’ailleurs les cambistes n’utilisent pas ces modèles et s’efforcent de prévoir les cours par d’autres moyens (analyse technique).

P. Isard et L. Stekler22 (1985) ne parviennent à rattacher les mouvements du dollar jusqu’au début de l’année 1985, ni à une configuration particulière de la balance des capitaux américaine, ni aux divers types de flux financiers entre les Etats-Unis et le reste du monde. R. König et M. Ledig (1990) notent que le taux de change mark/dollar a suivi des évolutions en sens opposés, en 1984 et 1985, sans modification majeure des flux de capitaux allemands.

Parmi les vingt professionnels interrogés en janvier 1999 par la revue Consensus Forecast, un seul a osé prévoir – à bon escient – une dépréciation de l’euro/dollar au cours des douze mois suivants. Globalement, les prévisionnistes s’attendaient à une appréciation de l’euro. Le tableau suivant montre que l’erreur de prévision est généralisée.

Cours au 11-1-1999 Prévision dans 12 mois Cours au 11-1-2000 Euro/dollar 1.15 1.21 1.01 Euro/livre 0.7 0.74 0.62 Dollar/yen 109.3 122.8 105.2

Source : Consensus FX D’après l’économiste belge Paul De Grauwe (2000), les théories économiques ne peuvent

expliquer que 5% de l’évolution des taux de change. L’analyse de l’évolution des taux de change s’est encore complexifiée avec l’avènement des

taux de changes flexibles qui entraine parfois des variations erratiques. Michael Mussa, professeur d’économie à Chicago et chef économiste du FMI de 1991 à 2001, notait avec ironie dès 1979 : « Un modèle capable d’expliquer plus de 50% des variations trimestrielles des cours de change devrait soit être rejeté car cela est trop beau pour être vrai, soit être envoyé au Vatican, un tel miracle justifiant la canonisation d’un nouveau Saint ». Le pourvoir explicatif relativement faible des théories du change peut trouver son origine d’une part dans les asymétries entre monnaies avec le phénomène d’habitat préféré (exemple du dollar), et d’autre part dans les interventions des banques centrales. Nous allons maintenant étudier ces dernières à travers l’étude des régimes de changes.

22 P. Isard et L. Stekler, « US International Capital Flows and the Dollar », Brookings Papers on Economic Activity (1), 1985.

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D) Les régimes de changes

1) Typologie des différents régimes de change : On distingue de manière basique deux régimes de change : à une extrémité se situe le régime

de changes purement flexibles, c’est à dire que les offreurs et demandeurs sur le marché déterminent librement le taux de change sans aucune intervention de la banque centrale. La détention d’or et de devises par la banque centrale est inutile. A l’autre extrémité, il y a le régime de changes parfaitement fixes : la banque centrale s’engage à maintenir le cours de sa monnaie à un niveau fixe. Le gouvernement détermine une fois pour toutes le taux de change qu’il souhaite pour sa monnaie. Dans ce système de changes, la banque centrale détient des devises pour stabiliser le cours de sa monnaie.

Entre ces deux systèmes, il existe une variété de régimes de change. En particulier l’encadrement de la monnaie dans une bande de fluctuation : la monnaie évoluera autour d’un taux pivot, et la banque centrale devra veiller à ce que les parités ne sortent pas de cette fourchette. Il existe une version plus souple, l’ancrage à crémaillère, appelé crawling peg en anglais, qui, tout en retenant l’idée de la bande de fluctuation, ménage l’éventualité de dévaluations graduelles.

Pascal Salin affirme que ce que l’on appelle en général un régime de changes fixes est avant tout un système d’intervention de la Banque centrale. Dans ce système de Bretton Woods par exemple, il existait une marge de flexibilité, c’est à dire que les banques centrales n’étaient tenues d’intervenir que lorsque le taux de change atteignait +/- 1% de la parité. Dans un tel système, le taux de change constaté peut donc se situer en n’importe quel point entre les limites de flexibilité et ne coïncider que rarement avec la parité.

En 1975, le FMI a établi 3 catégories de régimes de change : parités fixes, flexibilité limitée, flexibilité étendue. Après la crise asiatique, Le FMI a proposé un nouveau classement des régimes de change, en huit groupes, du plus rigide au plus flexible :

Classifications des régimes de change selon le FMI depuis 1999 : 1. Régime des pays n’ayant pas de monnaie officiell e distincte :

Une autre unité monétaire est la seule monnaie ayant cours légal dans le pays, ou le pays est membre d’une union monétaire ou d’un mécanisme de coopération monétaire ayant adopté une monnaie commune qui a cours légal dans chacun des pays membres.

2. Caisse d’émission : Régime monétaire en vertu duquel un pays s’engage implicitement en vertu de la loi à échanger à un taux fixe sa monnaie nationale contre une devise spécifique ; cet engagement impose certaines restrictions à l’autorité émettrice pour garantir le respect des obligations imposées par la loi.

3. Autre régime conventionnel de parité fixe : Le pays rattache (officiellement ou de facto) sa monnaie, à un taux fixe, à une grande monnaie ou à un panier de monnaies, le taux fluctuant à l’intérieur d’une bande étroite de + ou ,1% maximum de part et d’autre du taux central.

4. Rattachement à l’intérieur de bandes de fluctuat ion horizontales : La valeur de change de la monnaie est maintenue à l’intérieur de bandes de fluctuation supérieures à 1% de part et d’autre d’un taux central fixe, officiel ou de facto.

5. Système de parités mobiles : La valeur de change de la monnaie est ajustée périodiquement dans de faibles proportions, à un taux fixe annoncé au préalable ou en réponse aux variations de certains indicateurs quantitatifs.

6. Système de bandes de fluctuation mobiles : La valeur de change de la monnaie est maintenue à l’intérieur de certaines marges de fluctuation de part et d’autre d’un taux central qui est ajusté périodiquement à un taux fixe annoncé au préalable ou en réponse aux variations de certains indicateurs quantitatifs.

7. Flottement dirigé sans annonce préalable de la t rajectoire du taux de change : L’autorité monétaire influe sur les mouvements du taux de change par des interventions actives sur le marché des changes, sans spécifier ni s’engager à annoncer au préalable quelle sera la trajectoire du taux de change.

8. Flottement indépendant : La valeur de change est déterminée par le marché, toute intervention sur le marché des changes étant plus destinée à modérer le taux de change et à en éviter les fluctuations indésirables qu’à le situer à un niveau particulier.

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D’après cette classification, la part des pays utilisant (de jure) un régime de changes fixes est passée de 80% en 1974 à 40% environ en 2000. De facto, la proportion s’élèverait à 73% d’après les travaux de Bénassy-Quéré et Coeuré (2000) car plusieurs pays se déclarant officiellement en changes flottants interviennent fortement sur le marché des changes. Depuis les années 1970, la part des monnaies flottantes s’est néanmoins progressivement accrue. Dans ce qui suit, nous entendrons par changes fixes les systèmes avec intervention de la banque centrale type Bretton Woods ou SME. En effet, ce sont généralement ces systèmes qui sont visés quand on compare changes fixes et flottants. USA : la FED n’a pas son mot à dire et doit se contenter d’exécuter, pour le compte de l’Etat, les instructions gouvernementales. Le secrétaire au Trésor est la seule personne habilitée à parler de la politique de change.

2) Les caractéristiques des changes fixes :

a) La politique monétaire : En changes fixes, les pays doivent avoir un même taux d’inflation, donc la politique

monétaire est dépendante du pays à monnaie clef. Prenons le cas d’un pays moins inflationniste que le pays à monnaie clef. Par suite de

l’inflation extérieure, les produits nationaux deviennent plus compétitifs, entrainant un excédent commercial. Les exportateurs obtiennent des devises qu’ils convertissent en monnaie nationale, ce qui fait monter son cours.

En raison des changes fixes, dès que la limite supérieure de la marge de fluctuation est atteinte, la banque centrale achète ces devises et vend en contrepartie de la monnaie nationale. Elle crée de la monnaie nationale et ainsi de l’inflation. Il s’agit ici de la 3ème source de création monétaire : la contrepartie externe de la masse monétaire, c'est-à-dire le poste ‘Créances extérieures’ de l’actif de la banque centrale.

Banque centrale

Actif Passif Créances intérieures sur l’Etat Créances intérieures sur l’économie Créances extérieures (devises)

Billets Réserves des banques commerciales

Pour éviter cette inflation non désirée, la banque centrale peut pratiquer une politique de

neutralisation en essayant d’accumuler d’autant moins de créances intérieures qu’elle recevra plus de devises, en mettant en place une politique monétaire plus stricte (hausse du taux d’escompte, hausse du coefficient de réserves obligatoires, etc.). Mais cette politique, si elle peut être d’une certaine efficacité à court terme, n’atteindra pas son but à long terme.

La politique de neutralisation (appelée aussi stérilisation) implique que les variations des avoirs nets en devises soient strictement compensées par des variations en sens inverse des contreparties internes de la masse monétaire, de façon à ce que la base monétaire (billets + réserves des banques commerciales) ne soit pas modifiée. La politique de stérilisation consiste donc pour la Banque centrale à vendre des titres publics pour compenser l’accumulation de réserves en devises à son actif afin de ne pas augmenter la masse monétaire.

Mais plus sa politique monétaire sera restrictive, plus le besoin d’encaisses du public sera important et plus l’excédent de la balance globale sera grand. La baisse des créances intérieures sera

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contrecarrée par la hausse des créances extérieures. En outre, la hausse des taux d’intérêt va attirer les capitaux étrangers et constituer une nouvelle source de devises et de création monétaire. L’accélération des entrées de devises conduit nécessairement la banque centrale à abandonner un jour ou l’autre sa politique de neutralisation.

Le pays importe la politique monétaire expansionniste du reste du monde. Pour arrêter l’inflation, une banque centrale n’a que deux moyens à sa disposition :

• soit adopter les changes flottants et ainsi retrouver son indépendance monétaire • soit annoncer une nouvelle parité, mais le recours à une dévaluation ou une réévaluation est la

preuve que la banque centrale n’a pas été capable de tenir ses engagements et les variations des taux de change par à-coups sont plus déstabilisantes que les évolutions progressives.

Symétriquement, un pays qui connaitrait un taux d’inflation plus élevé que le taux d’inflation du pays à monnaie clef subirait des pertes en devises et serait obligé de modérer sa création monétaire. En effet, l’inflation plus élevée diminue la compétitivité et entraine un déficit extérieur, les sorites de devises affaiblissent la monnaie nationale sur le marché des changes. Pour soutenir le cours de sa monnaie, la banque centrale vend des devises et achète sa propre monnaie. Ce faisant, elle diminue le montant des billets en circulation. La réduction de la liquidité de l’économie est une conséquence de l’intervention de la banque centrale.

Celle-ci peut alors, à court terme, en annuler les effets intérieurs en augmentant ses prêts au Trésor ou au système bancaire. Il y a alors neutralisation de l’intervention sur le marché des changes. Mais, selon le même mécanisme qu’indiqué plus haut, la création monétaire qui va s’en suivre affaiblira la monnaie nationale et obligera la banque centrale à la racheter.

Conclusion : dans un système de changes fixes, un pays doit avoir le même taux d’inflation que le pays à monnaie clef. Il est contradictoire de désirer en même temps les changes fixes et l’indépendance à l’égard du pays à monnaie clef.

Taux de change

Temps

1$=5.01f

1$=5f

1$=4.99f

Parité

Le système de Bretton Woods

Limites de flexibilité

La Banque de France achète des dollars et

vend des francs

La Banque de France achète des francs et

vend des dollars

Dévaluation du franc

nouvelle parité

1$=6f

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b) La croissance et le commerce international :

Certains auteurs pensent que seules des parités fixes peuvent garantir la stabilité des changes nécessaire au développement du commerce mondial et de la croissance. Les changes fixes facilitent le commerce extérieur en réduisant les coûts de transaction, en limitant l’incertitude de change et en offrant une meilleure lisibilité aux agents économiques.

Pour que les parités soient fixes, il faut nécessairement qu’elles soient administrées. C’est la philosophie de Bretton Woods sur laquelle White et Keynes s’étaient rejoints, malgré leurs divergences de vues. Michel Aglietta montre la nature de « bien public » de la monnaie. Elle permet la constitution d’une communauté de paiement ; les services qu’elle rend comme étalon, instrument de règlement et réserve de valeur ont un caractère de bien collectif indivisible profitant simultanément à l’ensemble de la communauté de paiement. Ainsi l’intervention des autorités monétaires et la fixation de règles sont une nécessité pour préserver ce bien collectif.

Ces auteurs mettent en avant le risque d’instabilité des cours et de bulles spéculatives en changes flottants : les taux de change peuvent s’écarter des niveaux compatibles avec l’équilibre de la balance globale, affecter à la baisse les relations commerciales et les flux d’IDE. Risque de retour au protectionnisme. Jean Denizet écrivait en 1984 : « Dix années de changes flottants nous ont appris que les marchés de change livrés à eux-mêmes sont essentiellement spéculatifs, c'est-à-dire abandonnés aux comportements d’imitation, de contagion psychique, et par suite aux excès23 ». Les changes fixes procurent un ancrage nominal bien défini, qui atténue les anticipations inflationnistes, et donc les taux d’intérêt. Autres caractéristiques des changes fixes : - c’est plus de contraintes pour la politique économique : soit on limite la mobilité des capitaux, soit on

renonce à une politique monétaire autonome (triangle de Mundell) - c’est un combat : il faut avoir des réserves de change suffisantes et une crédibilité de la politique

monétaire ; la défense de la parité a un cout : baisse des réserves de change, hausse des taux d’intérêt - c’est un problème quand l’appréciation de la monnaie de référence entraine dans son sillage la monnaie

suiveuse et provoque la déflation en étouffant la croissance (Argentine à la fin des années 1990) - leur solidité dépend de la crédibilité de l’engagement des autorités publiques à défendre cet objectif :

les périodes de crises agissent ici comme des tests de cette crédibilité. - l’expérience des changes fixes a montré que leur fixité était purement théorique (21 réajustements

monétaires dans le SME de 1979 à 1993)

3) Les caractéristiques des changes flottants : Les partisans du flottement des monnaies, en particulier Milton Friedman24, en attendent cinq avantages.

1- La formation de taux de change « vrais », c’est à dire déterminés non de façon administrée par les autorités monétaires, mais par les conditions d’offre et de demande. Les agents privés sont plus performants que les gouvernements pour fixer les taux de change compatibles avec les équilibres interne et externe de chaque économie. Les gouvernements poursuivent plus une logique politique qu’économique quand ils fixent un prix. Les changes fixes ne sont rien d’autre un prix bloqué et ils ont tous les inconvénients du contrôle des prix et du faux prix qu’ils engendrent.

2- L’effacement du rôle des banques centrales. Les banques centrales n’ont plus à détenir des

réserves de change coûteuses pour intervenir sur le marché des changes. En principe, la banque centrale ne détient pas d’avoirs extérieurs. Seules des créances nationales apparaissent à l’actif de son

23 L’Europe soit sauver le dollar, L’Expansion, 16 mars 1984, p. 159. 24 M. Friedman (1953), Essays on Positive Economics. The case for Flexible Exchange Rates, Washington.

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bilan. Cette hypothèse ne correspond pas exactement à la réalité actuelle car d’une part il existe un legs du passé : quand certains pays ont adopté les changes flottants, ils possédaient une certaine quantité de créances extérieures. D’autre part, le système de changes actuels est un système de taux de changes flottants impurs car dans de nombre pays la banque centrale intervient de manière discrétionnaire sur le marché des changes.

3- L’utilisation du taux de change comme instrument principal de l’ajustement de chaque

économie aux conditions du marché international. En changes flottants, la variation du change assure l’ajustement entre deux pays de manière moins brutale que la variation des prix intérieurs. En cas de choc économique, la baisse des prix relatifs est plus facile à obtenir en agissant sur le taux de change nominal qu’en révisant des millions de contrats, en particulier les salaires. En résumé, il vaut mieux voir le taux de change fluctuer que le taux de chômage exploser. Pour Friedman, « Pourquoi ne pas laisser le chien remuer la queue, au lieu de laisser la queue remuer le chien ?25 ».

4- L’autonomie de la politique monétaire. En changes fixes, la politique monétaire est

dépendante du pays à monnaie clé. En changes flottants, chaque pays peut assigner à la politique monétaire des objectifs internes.

5- La stabilisation de la spéculation et son caractère équilibrant :

Les partisans du flottement pensent que les changes fixes, loin de décourager la spéculation, l’encouragent. Si les opérateurs anticipent la dévaluation d’une devise, ils vont la vendre. a) Si la Banque centrale défend sa monnaie avec succès, il n’y a pas de dévaluation et les opérateurs

rachètent ladite devise au cours où ils l’ont cédée. b) Si la Banque centrale s’avoue vaincue et dévalue, les opérateurs peuvent la racheter à un cours

inférieur et réalisent un gain. Cette absence de risque encourage la spéculation en changes fixes. La banque centrale finance les spéculateurs. La responsabilité des spéculateurs – qu’on met souvent en cause – est en réalité la responsabilité des banques centrales.

En changes flottants au contraire, la spéculation a un caractère rééquilibrant et l’instabilité éventuellement constatée est un symptôme de l’instabilité propre une économie, surtout de la politique monétaire. Nous utiliserons ici la démonstration proposée par Pascal Salin26.

Supposons un pays spécialisé dans l’agriculture et dont la monnaie est le franc. Le point A correspond au moment des récoltes et la période qui suit est celle où on exporte le plus. Les exportateurs reçoivent plus de monnaie étrangère que dans les autres périodes ; comme ils payent les facteurs de production en monnaie nationale, ils vont vendre ces devises et acheter des francs. D’où l’appréciation du franc avec le passage de Se à S1. Le taux de change est ici défini comme le nombre de francs pour obtenir une unité de monnaie étrangère. Le comportement des exportateurs se traduit par une variation AB du taux de change constaté (trajet t1). Ce trajet t1 représente l’évolution ‘normale’ du taux de change sans spéculation.

Introduisons maintenant la spéculation. L’idée habituelle selon laquelle la spéculation serait déstabilisante se traduit par le trajet t2 où le taux de change est plus instable que dans le cas t1. On se retrouverait à tout moment en un point plus éloigné du taux de change d’équilibre. Dans ce cas, cela signifierait que les spéculateurs continuent à se porter acquéreurs de francs contre des devises, alors même que le point E a été atteint, c'est-à-dire que le prix ‘normal’ maximum a été atteint. Pour passer de E à C, il faut que des spéculateurs soient acheteurs de francs, ils imposent un taux de change S2 au lieu du taux normal maximum S1.

25 Milton Friedman, Inflation et systèmes monétaires, Calmann-Lévy, p. 221. 26 Macroéconomie, page 255 et L’ordre monétaire mondial, page 46.

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La dernière assertion implique que les spéculateurs sont, dans leur ensemble, acheteurs nets de francs, alors qu’il est cher (portion EC). Certes, lorsque le point C a été atteint, il se peut que certains spéculateurs qui avaient acheté le franc au taux S1, plus malins que les autres, vendent immédiatement et fassent encore un bénéfice. Il n’en reste pas moins que, globalement, les spéculateurs sont perdants dans l’hypothèse t2. La hausse du franc qu’ils ont provoqué par leurs achats de francs est compensée par la baisse du franc qui se produit quand ils revendent. Mais l’activité spéculative est couteuse car il faut rechercher l’information et financer les stocks spéculatifs. Prétendre que la spéculation est déséquilibrante revient logiquement à prétendre qu’elle est en moyenne perdante. Or puisqu’il existe toujours des spéculateurs, c’est qu’ils font des profits et n’imposent pas ce type de trajet. Il est probable que la spéculation aboutira au trajet t0 au lieu du trajet t1 ‘normal’. Les spéculateurs, ayant acheté le franc avant A quand il était bas vont le revendre après quand il est plus haut. Ils font un profit et rendent service aux demandeurs de francs puisque ceux-ci peuvent se procurer des francs à un taux plus faible qu’en l’absence de spéculateurs. Ainsi le taux de change maximum avec spéculation sera S1 au lieu de S2. Ainsi, plus les spéculateurs sont gagnants, plus ils jouent un rôle équilibrant. Le gain des spéculateurs rémunère leur service de stabilisation.

Signalons qu’il est socialement préférable que le taux de change constaté soit le plus proche possible du taux de change d’équilibre car les fluctuations de taux de change ont des coûts réels liés à l’incertitude et aux déplacements de facteurs de production. Par exemple, si le taux de change s’apprécie momentanément, les producteurs nationaux sont incités à se tourner vers le marché national où les ventes sont plus faciles. Il y a un déplacement de facteurs de production temporaire. Quand on reviendra au taux de change d’équilibre, il faudra déplacer les facteurs dans l’autre sens. Il existe des preuves empiriques d’un impact négatif de la variabilité des taux de change sur l’emploi et l’investissement27, et ceci est encore plus marqué pour les pays émergents.

27 Buscher et Muller (1999), Stirboeck et Buscher (2000), Belke et Gros (2002).

Taux de change

Temps

A

S1

S2

Le rôle rééquilibrant de la spéculation en changes flottants

Taux de change d’équilibre

t2

t1

t0

D

C

B

Se

E

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Les changes flottants permettent ainsi un ajustement régulier et de faible ampleur alors que les changes fixes entrainent bien souvent un ajustement aléatoire et de grande ampleur lors des dévaluations ou réévaluations.

Autres caractéristiques des changes flottants : - l’avenir est plus incertain - une onde de choc sera fortement répercutée en cas de choc mondial comme la hausse des taux

d’intérêt - les autorités monétaires doivent trouver un autre moyen d’établir leur crédibilité - cela évite les traumatismes et des dévaluations et réévaluations brusques - cela introduit une sorte de concurrence entre devises, ce qui est une bonne chose comme l’a

montré Hayek. Cependant, les marchés des changes ne sont pas véritablement des marchés concurrentiels car l’offre de monnaie est totalement sous le contrôle de la banque centrale. Cette dernière peut influer sur le taux de change en faisant varier l’offre de monnaie.

N.B. : le risque d’inflation importée :

Certains pensent que les changes flottants sont une cause de renforcement de l’inflation. Pour les pays à monnaie faible, la dépréciation du change accroît mécaniquement le prix des produits importés, ce qui se répercute sur tous les prix intérieurs, y compris les salaires. Cette inflation diminue la compétitivité du pays et accroît le déficit commercial, d’où affaiblissement de la monnaie. Cercle vicieux (cf. hyperinflation allemande). Cette spirale peut aussi apparaître en changes fixes, mais le flottement, en accroissant l’instabilité des changes et en permettant des dépréciations excessives, crée les conditions idéales au déroulement de ces séquences cumulatives dont l’Italie et le RU firent les frais dans les années 1970. Les spéculateurs réalisent dans le court terme ce qui se serait produit dans le long terme. Il y a accélération de la baisse de la monnaie et de la hausse des prix des biens importés qui se répercute sur l’ensemble de l’économie.

D’où la suggestion que la banque centrale intervienne pour empêcher les spéculateurs de pousser la monnaie à la baisse, même si la banque centrale est forcée de dévaluer régulièrement sa monnaie. En changes fixes, on aurait alors une dépréciation en escalier, impliquant une dépréciation à long terme plus faible, donc un taux d’inflation à long terme plus faible.

Outre que cette politique oblige souvent à imposer un contrôle des changes aux coûts importants, on peut démontrer que la spéculation n’est pas réellement déséquilibrante. Si la banque centrale décidait un jour d’arrêter sa politique expansionniste, les spéculateurs seraient frustrés dans leurs anticipations. Ils ont vendu une monnaie qui était « peu chère » et ils sont obligés de la racheter « chère ». Les spéculateurs ne peuvent accélérer la dépréciation que dans la mesure où ils prévoient que la banque centrale ratifiera cette cause de hausse des prix et où elle le fait effectivement.

Les spéculateurs, comme les salariés par leur comportement d’anticipation, peuvent être des agents de la hausse des prix. Mais ces hausses de prix et la dépréciation corrélative de la monnaie ne peuvent se réaliser que si les autorités monétaires l’acceptent.

4) Bilan a) Sur le plan empirique :

E. Levy-Yeyati et F. Sturzenegger28 ont analysé empiriquement les effets des régimes de change sur les performances économiques sur la période 1974-1999. Ils concluent : - pour l’inflation, pas de lien systématique entre les régimes de changes, flottants ou fixes, et l’inflation ; les régimes intermédiaires accompagnent systématiquement une inflation plus forte - pour la croissance, les régimes de changes fixes ont une croissance inférieure aux régimes de changes flottants 28 « Exchange Rate Regimes and Economic Performance », First Annual IMF Research Conference, 9-10 novembre 2000, in « Régimes de change et performances économiques », Problèmes économiques, n°2698, 31 janvier 2001, p. 2.

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En ce, quelque soit la classification des régimes de change utilisée, celle du FMI (de jure) ou la leur (LYS-de facto). Ce que montre le tableau suivant :

FMI LYS Flottement Intermédiaire Fixe Flottement Intermédiaire Fixe Inflation 12.1 17.7 13.2 11.1 24.7 10.4 Croissance 0.7 1.8 0.3 1.9 0.6 0.3

Prenons quelques exemples de flottement réussi. Le Chili en 1982. Jusqu’en 1974, le Chili connut une très forte inflation. A partir de 1974, Pinochet décida de

combattre l’inflation, conseillé par les Chicago Boys. L’inflation passa de 700 % en 1974 à 46% en 1979. Le taux de change du peso fluctua jusqu’en juin 1979, les autorités laissant la monnaie se déprécier progressivement pour tenir compte du taux d’inflation plus élevé au Chili qu’aux USA et dans les autres pays industrialisés.

En juin 1979, le peso chilien fut accroché au $ par le ministre des Finances Sergio de Castro, dans le but de consolider les avantages déjà acquis dans la lutte contre l’inflation. Le choix d’un taux de change fixe doit en principe obliger à une certaine discipline à l’égard de l’étranger, ce qui interdit la création monétaire excessive et attire l’arrivée de capitaux étrangers. Le résultat fut positif au départ, le taux d’inflation passant de 29% en 1980, 29% à 12% en 1981. Mais ensuite, la politique monétaire américaine très restrictive entrainant une forte appréciation de la valeur externe du $ de 1980 à 1985 (+ 50% environ). Le peso chilien fut obligé de suivre l’appréciation du $ vis à vis des autres devises et les produits chiliens perdirent en compétitivité. La croissance n’aurait pu se poursuivre que si les prix et les salaires nominaux avaient diminué. Mais ils n’étaient pas assez flexibles Pour les salaires, la législation s’y opposait et ils continuèrent même à monter grâce en partie à une indexation basée sur les hausses de prix antérieures. D’où une forte récession : -14% en 1982 ; –1% en 1983. Abandon du lien fixe avec le $ en août 1982 et amélioration de la situation économique dès 1984. Si le peso avait été flottant, il aurait pu se déprécier vis-à-vis du $ tout en demeurant stable vis à vis des autres grandes devises. Il aurait certes connu une récession, comme une partie du monde, mais moins sévère.

La Corée du Sud en 1997 Suite à la crise asiatique de 1997, le won coréen s’est déprécié de 50% contre le dollar en 1997, le déficit courant de 4,1% du PIB en 1996 a laissé place à un excédent de 11,7% en 1998. En 1998 la PIB chutait de 7%, en 1999 il augmentait de 9,5%.

L’Argentine en 2002 Le currency board a coïncidé avec une crise économique sans précédent, le flottement du peso a permis une reprise économique. 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Taux de change 1 1 1 1 3.4 2.9 3 3 3 Croissance PIB 3.9 -3.3 -0.8 -4.4 -10.8 8.8 9.1 9.2 6.5 Solde budgétaire -1.5 -2.7 -2.5 -3.3 -1.5 0.5 2.6 1.7 1.4 Solde courant -4.9 -4.2 -3.2 -1.2 8.5 6.2 2.2 3 2

L’Islande en 2008 La dévaluation de la couronne islandaise en 2008 de plus de 40% a dopé la compétitivité des exportations (aluminium et pêche) et a permis à ce pays de sortir peu à peu de la crise. Inversement, on note un succès des changes fixes avec le dollar de Hong Kong est uni au $ depuis 1983 par un comité monétaire, ou currency board. Obligation de ce comité monétaire : donner 7.8 $ de Hong Kong en échange d’un $ US, et inversement. Il peut le faire car il détient un volume

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d’actifs en USD égal à la valeur en cette monnaie des dollars de Hong Kong en circulation. Cela fonctionne assez bien en raison de la grande flexibilité des salaires et des prix, ainsi que de la mobilité des facteurs de production.

b) Sur le plan théorique Le choix d’un régime de change ne peut être tranché uniquement sur le plan théorique, il s’agit d’une question empirique concernant le comportement des banques centrales. Une banque centrale tentée par l’expansion monétaire est-elle davantage contrainte par les changes fixes (perte de devises mais possibilité de dévaluer) ou les changes flottants (une dépréciation de la monnaie est souvent mal ressentie par l’opinion) ? De plus, dans le cas de pays où le marché des changes est peu actif, où la spéculation est limitée, l’intervention de la banque centrale se justifie davantage que dans le cas de pays disposant d’un vaste marché financier. L’idée que les keynésiens penchent nécessairement pour les changes fixes et les monétaristes pour les changes flottants est erronée. De 1925 à 1931, Keynes était partisan du flottement de la livre ; les monétaristes prônaient dans les années 1990 l’établissement de currency boards et de la dollarisation pour remplacer les banques centrales irresponsables. Le choix d’un régime de change est question de circonstances car les économistes subordonnent la politique de change aux objectifs macroéconomiques généraux (le plein emploi pour les keynésiens, la stabilité des prix pour les monétaristes).

D’après Pascal Salin, au niveau des systèmes idéaux, il n’y a pas de raison fondamentale de préférer l’un à l’autre. Les deux systèmes ont des avantages et des coûts qui se balancent à peu près. Les changes fixes ont l’avantage toutefois de permettre à tous les agents économiques d’avoir un même instrument monétaire : cas extrême où il y a une monnaie unique dans le monde où on évite les coûts de change et de risque. Le problème est de savoir s’il est possible, car cela implique une banque centrale mondiale ou un système de banques centrales multiples coordonnées, ce que les pays ne sont pas prêt à accepter. L’histoire des tentatives d’unification monétaire européenne illustre ce fait. Les systèmes qui fonctionnent effectivement sont des systèmes de changes flottants ou bien des systèmes de changes fixes avec possibilité de dévaluer ou réévaluer.

Milton Friedman a dénoncé les changes pseudo fixes. D’une part, les accords de Bretton Woods n’ont jamais été respectés, dévaluations et réévaluations se sont succédé pendant trente ans. D’autre part, les banques centrales sont amenées à gonfler ou dégonfler la quantité de monnaie pour faire descendre ou monter sa valeur pour la ramener à sa parité officielle, perturbant ainsi l’économie nationale en conduisant à l’inflation et au chômage « A mon avis, un système de taux de change de monnaies nationales liées de manière rigide [comme le SME] est pire que chacun des deux extrêmes, à savoir une véritable monnaie unique ou des monnaies liées entre elles par des taux flottants librement. » écrivait Friedman en 1993. En effet, dans le monde actuel, les Banques centrales ne consacrent pas leur attention uniquement au taux de change de la monnaie, une pression irrésistible s’exerce sur elles pour que la politique monétaire satisfasse des besoins internes. Et les taux de change deviennent alors instables. D’ailleurs le FMI, suite à la crise asiatique, a préconisé ces solutions extrêmes (corner solutions), un temps présentées comme seules viables.

Le flottement dispose d’une mauvaise image car on a toujours recours à lui lorsque la situation économique est instable ou lors des crises. « Les changes flottants sont le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres » ironisait en 1999 Robert Rubin, le secrétaire américain au Trésor, en paraphrasant Churchill. Conclusion :

Les taux de change ont une valeur à la fois stratégique et symbolique pour les nations. Mais le volontarisme des gouvernements a des limites : la valeur d’une monnaie ne se décrète pas, elle est avant tout le reflet de la puissance économique et financière d’une nation.