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Le magazine de Stratégie & Management En 2006, Mostafa Terrab a été choisi pour remettre à niveau le mastodonte phosphatier. Les résultats sont là! Alors Terrab, visionnaire ou né sous une bonne étoile? Choumicha La Oprah marocaine ? Mauboussin Plus gourmand que Chopard, Chaumet , Cartier... ? Méditel démonopolise le marché de la triple play tilt Ar c ti En temps de crise, 30 idées pour motiver vos cadres

La Baraka de l_OCP_Essor_Janvier 2011

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Le magazine de Stratégie & Management

En 2006, Mostafa Terrab a été choisipour remettre à niveau le mastodontephosphatier. Les résultats sont là! AlorsTerrab, visionnaire ou né sous unebonne étoile?

Choumicha La Oprah marocaine ?

Mauboussin Plus gourmand que

Chopard, Chaumet , Cartier... ?

Méditel démonopolise

le marché de la triple playtilt Arc ti

En temps de crise, 30 idées pour motiver vos cadres

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Stratégie

Stratégiedegroupe

LA BARAKA DE L'OCP

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TERRAN'A FAITPROFITEL'ÉCLAIR2008

BQUER DECIE DE

Trente ans de bureaucratie ont mis le premier groupe public, connupour son culte du secret et sa totale opacité, dans une situation

périlleuse. En 2006, Mostafa Terrab a été choisi pour faire entrer lemastodonte phosphatier dans l'ère de la modernité. Où en est l'OCPaujourd'hui, après quatre ans de restructuration? Comment gouverne

le grand gourou du phosphate? A quel point les performances del'OCP sont-elles imputables à la stratégie qu'il a mise place, sachant

que le cours du phosphate est passé de 4o dollars en 2006 à 300dollars en 2008 pàr exemple? A défaut de pouvoir pénétrer dans sontemple, Essor a rapproché certains collaborateurs de rocp, qui ont

touché de près ses méthodes de management.

i Amine Tazi Riffi n'est pluspatron du cabinet McKinseyMaroc, c'est parce que MostafaTerrab, PDG de l'OCP, aurait

expressément demandé son départ. Raisoninvoquée: Amine Tazi Riffi aurait divulguédes informations stratégiques sur l'OCP,notamment au sujet de la plateforme in-dustrielle de Jorf Lasfar. La plainte a étédirectement adressée aux grands patrons duleader de consulting international. Il n'enfaudra pas plus pour que le brillant consul-tant international, selon un certain nombrede spécialiites, soit écarté du dossier OCPet appelé à des responsabilités régionales(ndlr: directeur associé senior et responsa-ble Afrique du Nord). Il est remplacé aupied levé par Morad Taoufiki. Ces faits, quipourraient paraître presque anecdotiques,démontrent au moins une chose: le poids du14ème directeur de l'OCP vis-à-vis de sespartenaires externes, en particulier des cabi-nets de conseils. Car il faut savoir que Mos-tafa Terrab est un grand consommateur derapports et études en tous genres. L'OCP yaurait consacré, uniquement au titre de l'an-née 2010, quelques 480 millions de dirhams!Au lendemain de sa nomination à la tête del'OCP en 2006, il a commandité un certainnombre d'audits pour déceler les pointsd'ombre de l'office. «Terrab a voulu réaliserun état des lieux lorsqu'il a pris ses fonctions,au moment où une ambiguïté absolue préva-lait durant des années sur la gestion de cet em-pire», rappelle un responsable. Ce sont donctrois cabinets étrangers qui se sont attelésà la tâche: Kroll Associates pour les plans

de gestion, ,KPMG pour tout ce qui relèvedes finances et McKinsey chargé de l'élabo-ration de la nouvelle politique stratégiqueou plutôt, la feuille de ,route à adopter. Lescadres de l'OCP n'espéraient pas beaucoupde ces études qui auraient coûté les yeux dela tête: c'est la première fois que l'on entendparler à l'OCP de sommes de l'ordre de 10millions de dirhams versées à des consul-tants. «Jusqu'à l'arrivée de Terrab, la stratégieétait décidée à Rabat. Voir ainsi les dossiers in-ternes de l'OCP disséqués par des bus entiers deconsultants avait quelque chose de surréaliste»,se rappelle un ex-ocpien. Du jamais vu!«D'autant plus que nous avions peur que cesaudits de gestion ne soient quedu vent... comme beaucoupd'autres auparavant qui sontrestés dans les tiroirs», pour-suit-il. Résultats des audits:l'OCP possède toujoursun grand savoir-faire dansl'exploitation minière et lesmétiers de la chimie. Il dis-pose d'atouts majeurs avec trois quarts desréserves mondiales de phosphates, un porten eau profonde et des gisements prochesdes marchés européen, asiatique et sud-américain. Seulement, le groupe vieillit, lesinfrastructures se déprécient et la directionn'a pas de véritable stratégie industrielle nicommerciale. Le nouveau patron, à l'aidede McKinsey, définit sa stratégie d'attaque.«La nouvelle stratégie mise en oeuvre s'inscriten discontinuité totale avec un passé caractérisépar une gestion bureaucratique, lente et lourde»,avait déclaré Mostafa Terrab lors de sa pre-

mière sortie médiatique. Il ouvre ainsi le feusur divers fronts pour faire sortir l'OCP defere soviétique et se lance dans une réformejamais réalisée jusqu'alors. Même s'il réfutele mot réforme, car Terrab préfere plutôtparler de «restructuration».

2008, premiercoup de chance?Trente ans de bureaucratie ont mis la pre-mière entreprise du pays dans une situationfinancière des plus délicates: des créancesimportantes jamais recouvrées, des dettesnon réglées et des contrats commerciauxmal négociés qui ont été à l'origine du dé-

séquilibre structurel dugroupe. Et c'est justementpar la stratégie commer-ciale que Mostafa Terrabcommence sa révolution.C'est un virage à 180° qu'ileffectue, pour profiterd'une conjoncture qu'il es-time alors favorable.

Ainsi, tous les contrats établis avec les clientsont été ramenés à une échéance trimestrielleplutôt qu'annuelle. Objectif gagner en ter-mes de marges quand les prix flambent àl'international. Dans le passé, les directeursqui se sont succédés optaient pour une poli-tique axée sur les volumes. Mais Terrab re-définit l'équation: pour lui, mieux vaut agirque subir. Il décide ainsi de jouer sur les prix,qui sont restés inchangés pendant une tren-taine d'années, quitte à sacrifier des parts demarché. Un ancien cadre de l'OCP nousraconte dans quelles conditions s'est négo-

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7•69/89Karim Lamrani

89/95Mohamed Fettah

95/99Morad Cherif

99/2001Mohamed Berrada

;alDriss jettou(un mois en 2001)

2001/2006Morad Cherif

Stratégie

cié le premier contrat après l'adoption de lapolitique du fly up (ndlr: prix fixé selon la ca-pacité des acheteurs à payer dans un marchéen croissance, où peu à peu la demande vientsaturer l'offre): «A l'arrivée de Terrab, le prixdu phosphate était fixé à 40 dollars. Lors de sonpremier contrat de négociation en décembre2006 avec l'Inde, Terrab réunit ses commer-ciaux et leur demande de vendre à 200 dollars.La mission leur paraît impossible. Le PDG lesrassure et leur demande de tenter le coup, quitteà perdre le contrat. Et effictivement, les indiensont refusé et le contrat n'a pas été signé cette an-née-là. Ils ont préféré recourir à la Tunisie. Or,celle-ci ne pouvait subvenir à leurs besoins. Lesindiens reviennent à la charge. Terrab ré-en-voie son équipe à la demande des Indiens qui,entre-temps, sont revenus à la charge. Seule-ment, ces derniers ne proposent que 80 dollarsla tonne. Terrab demande à ses équipes de tenirbon et de rester enfermés trois jours à l'hôtel.Encore une fois, la partie indienne revient àla table des négociations: au final, le contratest signé à 140 dollars la tonne». De 40 à 140dollars? Le Terrab avait manifestementraison d'y croire! Pour l'anecdote, après cet

Depuis toujours, lesdirigeants de l'OCP ontété nommés par Dahir

épisode, James T Prokopanko, le présidentdu premier producteur mondial, l'américainMosaic, est venu en jet privé spécialementau Maroc pour remercier Terrab qui a oséchanger la donne du marché et le féliciterpour son courage. Après tout, cela ne peutqu'être bénéfique pour tout le monde! De-puis lors, l'OCP commence à récolter lesfruits de ses nouvelles orientations. En effet,la stratégie adoptée a permis à l'OCP d'affi-cher des performances opérationnelles plusqu'enviables. Son chiffre d'affaires augmentede 20 à 29 milliards de dirhams entre 2006 et2007, avant d'exploser à presque 60 milliardsà fin 2008. Ces réalisations permettent ainsià l'office chérifien de renforcer la structurede son bilan et de financer dès lors et sansaugmentation de capital, l'externalisationde sa caisse de retraite pour un montant de28 milliards de dirhams. Mais il faut direque 2008 a été une année exceptionnellepour l'OCP, du jamais vu depuis 1973. «En2006, le rendement en termes de productionet de commercialisation était proprement mé-diocre et la tonne de phosphate était plafonnéeà 40 dollars depuis des années. Un cours que ' Ili

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200 millions de dirhams pour la com'A l'avènement de Terrab, la mise en placed'une direction Communication au sein del'OCP a nécessité, tenez-vous bien, 200 mil-lions de dirhams ! «La création d'une telle di-rection avait pour but de communiquer bienentendu mais principalement les bienfaits duphosphate qui étaient attaqués en tant queproduit polluant», commente un ex-ocpien.Terrab avait aussi promis aux médias, à l'épo-que, la publication des résultats annuels entoute transparence. Et à vrai dire, il a tenu sapromesse uniquement les deux premièresannées à la tête de l'office. Depuis 2009, plusrien! Est-ce parce que les résultats de l'OCPcette année-là n'étaient pas au RDV, ou parceque tout simplement Terrab a décidé de fairemarche arrière? Certains anciens membres deson cabinet le disent clairement: «Terrab n'estpas un homme de communication. Il ne com-munique que sur ce qu'il veut communiquer etquand il veut communiquer. C'est lui aussi quichoisit le support médiatique sur lequel il sou-haite communiquer. Jamais l'inverse. En d'autrestermes, c'est un anglophone mais loin d'être un

anglo-saxon...peut-être à force de fréquenterlies cercles de Rabat et le makhzen». D'autresmettent cette absence de communicationsur le dos de son nouveau dircom'. «Si Terrabne communique plus ou presque ces dernièresannées, c'est tout simplement parce qu'il est malconseillé par sa direction Communication quine fait pas son travail». A noter au passage quele 3ème directeur de la communication depuis2006, débauché de Bombardier au Canadapour la modique somme de 150.000 dirhamspar mois, Jamal Azzouaoui, vient de quitterle navire. Toutefois, hormis sa disparition dela scène médiatique, le passif de la com' del'OCP s'alourdit. Qu'en est-il des journaux in-ternes restés dans les tiroirs? Qu'en est-il dusite internet, censé être la vitrine de ce playerà l'international, qui n'est toujours pas actua-lisé? Qu'en est-il du projet d'un nouveau logodont on a beaucoup parlé et qui n'a jamais vule jour? Un budget de 3 millions de dirhamsa été réservé à ce projet et une agence pari-sienne aurait même été mandatée pour créerune nouvelle identité visuelle.

Stratégie

certains considéraient déjà comme une embel-lie», déclare un ancien cadre de l'OCP. En2008, coup de théâtre: le phosphate se né-gocie à 300 dollars la tonne, que les expertsmondiaux explique par la forte demande dela Chine, du Brésil et de l'Inde. Autrementdit, un phénomène structurel lié à la loi del'offre et de la demande. Selon notre source,si aujourd'hui ce poumon exportateur duMaroc a pu devenir ce qu'il est et résister àla récente crise, c'est grâceuniquement à une conjonc-ture favorable plutôt qu'à lastratégie déployée par le pa-tron de l'OCP. «Terrab n'a

fait que profiter de l'éclairciede 2008», rétorque-t-il. Enréalité, ce que l'homme de lanouvelle ère OCP appelait«ne pas jouer sur les volumes»consistait en fait à réduire-hproduction dans l'espéranced'une flambée des cours sur le marché mon-dial. Et c'est arrivé ! Mostafa Terrab avaitstocké l'équivalent en chiffres d'affaires de 4millions de tonnes de phosphates traités etles cours ont flambé sur le marché. Coup dechance ou stratégie calculée? Quoiqu'il en

soit, une chose est sûre: ce capitaine d'in-dustrie est né sous une bonne étoile.

Des décisionsopérationnellesrisquéesMais la sérénité des marchés mondiaux netarde pas à se transformer en cauchemaravec la crise internationale de fin 2008. Lademande en phosphate se réduit et, inexo-

rablement, les courspiquent du nez. Lespremiers chiffres tirentla sonnette d'alarme: enjanvier 2009, le verdicttombe: 60% de ventesen moins par rapport àjanvier 2008! Du coup,la stratégie deTerrab estremise en question. Onlui reproche sa stratégiecommerciale agressive

qui a fait que l'Inde et le Pakistan, clients-traditionnels, ont réduit leur demande.Certains y voient d'ailleurs une réplique del'Inde à la première expérience qu'elle a eueen 2006. «Cela dit, il ne faut pas perdre de vueque, en 2008, lorsque les résultats étaient au

rendez-vous et des primes conséquentes ont étéversées grâce à la politique du fly up, la plupartdes salariés étaient satisfaits. Ce n'est qu'avec lacrise de 2009 que les critiques ont commencé à

fluer. Autrement dit, sous Terrab, l'ambiance àl'OCP est fonction des résultats», prévient unconsultant externe. Mais Terrab ne baissepas les bras face aux critiques et à la situationatone du marché. Sa vision, il la défend becet ongles car le groupe n'a qu'un seul objec-tif: devenir un market maker. Le patron del'OCP continue alors à gérer l'office avecune main de fer, comme lors de son arrivée,sans jamais flancher. 11 n'est pas alors ques-tion de céder à la pression des prix et de ven-dre juste pour faire du volume. Lempereurdu phosphate préfère réduire la productiondans les mines et arrêter ou presque celledans les unités chimiques. Toutefois, l'année2009 n'est pas aussi noire que l'on pourrait le,croire! L'OCP conclut un contrat avec unnouveau partenaire. La BCP fait sa rentréedans le capital via une prise de participationcroisée. L'investissement de 5 milliards dedirhams prendra la forme d'une augmenta-tion de capital de l'OCP à l'issue de laquellela BCP recevra une participation de 5,88%.Le deal a été conclu sur la base d'une valeurd'entreprise de l'OCP de 100 milliards dedirhams. Ainsi, l'adossement à un groupebancaire lui permet d'accélérer le rythme deses investissements étalés sur une périodeallant jusqu'à 2020. Cette confortable assisefinancière, couplée avec des résultats excep-tionnels de 2008, est allouée à un ambitieuxplan d'investissement «Leadership 2009».Plus de 20 milliards de dirhams sont mo-bilisés. Objectif: modernisation des instru-ments de production, ouverture de nouvel-les mines, aménagements portuaires, etc.

Une bonne étoile...En 2010, le miracle se reproduit encore unefois. Là, ce n'est plus une probabilité! Terrabest sans doute né sous une bonne étoile. Etau terme des onze premiers mois de l'année,l'OCP réalise un chiffre d'affaires de 32,1milliards de dirhams contre 17 milliards àla même période de 2009, soit un taux decroissance de 88%. Un bond qui s'expliqueà la fois par une amélioration des volumes etpar la revalorisation des prix. Un analyste dusecteur explique encore ces résultats par «uneconjoncture favorable notamment avec ce quis'est produit en Russie. Le marché des engrais a

LE PRÉSIDENT DU1 er PRODUCTEUR

MONDIAL EST VENUSPÉCIALEMENTREMERCIER TERRABD'AVOIR OSÉCHANGER LA DONNE

essor n°50 - Janvier 2011 26

Page 6: La Baraka de l_OCP_Essor_Janvier 2011

DIRECTION EXECUTIVE DU GROUPE OCP

MOSTAFA TERRABPrésident Directeur Général

MOHAMED EL KADIRISecrétariat Général

M'BAREK KAROUADirection audit et contrôle

Vacant*Pôle capital humain

MERYEM CHAMICabinet

Vacant*Direction stratégie,

planification et partenariats

MOHAMED EL HAJJOUJIPôle finances

Stratégie

AMAR DRISSIPôle Mines & Chimie

Meryem Chami, la soeur d'Ahmed RedaChami, le ministre du commerce, de l'in-dustrie et des nouvelles technologies, estl'actuelle directrice du cabinet du prési-dent directeur général de l'OCP. Elle est in-génieur Télécom lauréate de l'Ecole Natio-nale Supérieure des télécoms de Bretagneet titulaire d'un Executive MBA de l'Ecoledes Ponts et Chaussées. Son parcours pro-fessionnel a débuté comme consultanteen réseaux et télécommunications ausein de Siticom à Paris. Ses fonctions l'ontamenées à travailler sur des projets danstoute l'Europe, en Asie et en Afrique. A sonretour au Maroc et après une courte ex-périence comme directrice commercialede CBI, elle a intégré Attijariwafa Bank oùelle a assumé successivement les respon-sabilités de directrice des achats groupeet directrice chargée de l'assistance àmaîtrise d'ouvrage du schéma directeur.Elle rejoint l'OCP en 2008, lorsque Terrabl'appelle pour rejoindre son équipe et,mieux encore, gérer à sa place durant sonabsence.

connu ainsi un redressement notable. En plus,il faut signaler l'effet de la parité dollar/dirhamqui s'est bien appréciée cette année». Au niveau

MHAMEDIBNABDELJALILPôle Commercial

Mohamed El Kadiri,l'homme de confiance

de TerrabAvant de rejoindrê l'OCP, Mohamed El Ka-diri était directeur technique de l'ANRT. Ti-tulaire d'un doctorat d'Etat de l'Universitéde Lille, ce fou du net avait auparavant oc-cupé le poste de conseiller technique ausein de la même agence et ce, à l'époquede Terrab. Donc, il a été son ex collègue.Depuis 1986, il enseigne à l'UniversitéMohammed V à Rabat et occupait le postede vice-président du Département Ingé-nierie Electrique de l'Eccle Mohammédia.En 1995, il a été président du centre derecherche spéciale au sein de la mêmeécole.

opérationnel, à l'arrivée du chef Terrab,l'office était tout simplement géré commeun magasin: un système de management àl'aveuglette, pas de tableaux de bord, pas decanaux de communication entre les diffé-rents départements... Comptabilité écono-mique et industrielle, contrôle de la gestionfinancière, risk management étaient jus-qu'alors des concepts quasi-inconnus dansla vénérable institution. Le nouveau patron,sur la base des recommandations du cabi-net Kroll, modifie les process de A jusqu'à

Z. Une gestion moderne est mise en placeaux normes comptables IFRS à l'aide detous les outils de contrôle, de planificationet anticipation des risques éventuels. Paral-lèlement, l'OCP, qui était jusque-là enfermésur lui-même et inaccessible, décide enfin des'ouvrir aux médias. Terrab fait alors appel àune équipe de professionnels pour se doterd'une direction de communication qui serachargée d'informer le monde économique,publièr des résultats mensuels et éditer, pourla première fois dans l'histoire de l'office, unrapport annuel d'activité. Autrement dit,une révolution ! Malgré ces résultats satis-faisants, la nouvelle stratégie adoptée parTerrab ne plait pas à tout le monde. Elle aété décriée par de nombreux professionnels.

La méthode TerrabL'un des anciens membres du cabinet de l'of-fice de Terrab nous affirme que «Terrab estaussi dcile d'accès qu'une forteresse, surtoutparce qu'il sait que parler peu est le meilleurmoyen d'entretenir le mystère et donc le désir».On ne plaisante pas avec le secret à l'OCP.«Les cadres de l'entreprise sont extrêmementdisciplinés quant au respect de la stratégiedu silence», ajoute la même source. Terrabsait pertinemment que distiller les infos aucompte-gouttes suscite la fidélité absoluede ceux qui, en interne, se sentent honorésd'avoir été mis dans le secret. Le patronest assuré d'en faire ses meilleurs ambassa-deurs. «Je n'aurais jamais imaginé trahir saconfiance», raconte ainsi un ocpien qui étaitau courant du détail des résultats des étu-des commandées par Terrab avant sa sortie.«Même à mes enfants, je n'ai rien révélé». Est-ce vraiment une question de confiance ouplutôt une peur? Une chose est sûre: Terrabn'est pas apprécié par le gros des troupes eninterne... climat social tendu, hémorragiedes effectifs, turn-over élevé, pression surles chiffres... la situation laisse à désirer!Flashback. Février 2006. Le cru des nomi-nations royales à la tête des offices et éta-blissements publics n'est pas sans surprise.L'ancien directeur de l'Agence Nationalede Réglementation et Télecoms (ANRT)est nommé à la tête de cette institution quibrille à l'époque par son opacité. Si, à l'épo-que, le microcosme des affaires expliquaitcette nomination par les compétences et leparcours brillant de l'homme, aujourd'huil'on peut dire que c'est peut-être aussi parce

* postes dirigés par intérim par Mohamed El Kadiri

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Le chiffre d'affaires a,de l'OCP est passé t-iie

de 20 à 29 milliard dedirhams entre 2006et 2007. En 2008, il '

s'affiche à 60 milliards!

M. QQ. DurecteurGa9 en, eecc,acuté, et réponde

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que ce docteur d'Etat du MIT -Massachu-setts Institute Of Technology- bénéficied'une certaine Baraka. Soiivenez-vous desconditions de l'octroi de la seconde licenceGSM qu'il a pilotée. Le Maroc a encaisséquelques 11, 5 milliards de dirhamspour 30 millions d'habitants, soit le meilleurprix au monde par utilisateur: 30.000 euros,alors que la moyenne en Europe par exempleest autour des 15.000 euros! Il a ainsi permisau Maroc de toucher son premier milliardde dollars en recettes de privatisation. Ma-nifestement, Terrab arrive toujours au bonmoment, au bon endroit. Après quatre an-nées d'exil volontaire à la Banque Mondialeà Washington, en qualité de lead RegularySpecialist, le voilà rappelé pour prendre lescommandes de l'OCP. Sa mission: entamerla mutation de l'office vers une nouvelle èreet il dispose de toute la marge de manoeuvrepour y arriver. «Terrab a exigé d'avoir carte

blanche pour assainir l'OCP», se rappelle uncadre retraité. «Il y avait une mafia à l'inté-rieur et il se devait de tuer la révolte dans l'oeufpour y parvenir», ajoute-t-il. D'ailleurs, lepatron du mastodonte phosphatier l'a biendit à-l'époque «Jamais je n'aurais accepté deconduire le groupe s'il m'était imposé de gé-rer l'Office dans la continuité». Dès lors, l'oncomprend que Terrab s'inscrive en rupturetotale avec les pratiques du passé. Du moins,c'est ce qu'il semble annoncer. Mais est-cevraiment le cas?

Le prix dela transparenceSi du point de vue des résultats, la barakaest au rendez-vous, du moins en 2007 et2008, il en est autrement pour ce qui est duclimat et de l'atmosphère en interne. CarTerrab commence par rogner sur les effec-tifs, en adoptant un programme de départs

volontaires. «Terrab voulait agir sur un autrevolume que celui de la production, la masse sa-lariale», analyse un consultant RH. Près de1.300 cadres du siège de Casablanca ont étépriés de rendre leur tablier. Deux mois desalaire par année d'ancienneté avec un mi-nimum de 500.000 dirhams et un plafondde 48 mois de paie ont été proposés en guised'au revoir. Résultat: des économies impor-tantes mais un climat social de plus en plustendu.'D'autant plus que, parallèlement,celui que l'on a surnommé M. Propre re-crute à prix d'or d'autres profils qu'il ramèneprincipalement de l'étranger. Le tout à dessalaires exorbitants... «Toutefois, il faut pré-ciser-là que l'OCP n'est pas à comparer avec lesautres établiss'ements publics, car c'est un play- ermondial. Les salaires de la garde rapprochée duPDG, ou du moins ceux qui sont chargés de dé-cliner sur le terrain la réforme de Terrab, sonten grande partie justifiés», relativise un hautcadre sur le départ. Mais il n'y a pas que levolet RH que l'on reproche au grand patron.C'est toute son approche managériale, sonattitude presque provocatrice, que les phos-hatiens ont du mal à accepter. D'autant plusqu'à son arrivée, Terrab a pris, comme quidirait, un mauvais départ lorsqu'il n'a pashésité à qualifier l'OCP de «maison de fous»!Une expression utilisée par notre confrère lemensuel «Economie/Entreprises» en 2004,dans la première enquête jamais réaliséesur l'OCP et intitulée «Circulez, y a rien àvoir!». L'impair est de taille aux yeux des sa-lariés. La réponse ne s'est pas faite attendre.Réunis sous forme d'un club informel qu'ilsont nommé «club des phosphatiers» dans lecadre d'un mouvement syndical que la di-rection a toujours combattu, le ton est sanséquivoque: «Les fous ne sont autres que les

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Dans le cadre du pland'investissement

«Leadership 2009», 20milliards de dirhams ont

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Stratégie

personnes qui ont bâti les usines chimiques dontle pays est fier aujourd'hui», lui réplique-t-on,selon un salarié retraité. «Travailler à l'OCP,c'est une identité et une culture. C'est un travailpénible qui nous exposait aux pires maladiesprofessionnelles et aux accidents de travail»,argumente-t-il. Une autre vague de départsmet en péril alors la situation de l'office, sur-tout avec la perte de vraies perles rares, unemain d'oeuvre compétente et expérimentéeirremplaçable. Et parce quel'homme est très méfiant,selon ses pairs, il s'entoured'une dream team qu'iltrie sur le volet. Objectif:secouer le mamouth OCP.Un nouveau sang est certestoujours le bienvenu. Maisencore faut-il le motiver et le fidéliser. Uncoup, celui-là, manqué par le grand maes-tro. Les jeunes cadres, piochés à l'étrangeret ayant fait leurs armes au sein des multi-nationales internationales, ont tout simple-ment été déçus. La grande majorité d'entreeux ne dépasse pas les 18 mois. L'on peutciter Saïd Mouline, qui avait laissé tombersa vie de consultant privé pour rejoindrel'équipe des conseillers de Terrab, LamiaBoutaleb, diplômée de la Harvard Businessschool et débauchée de Attijari pour deve-nir conseillère de Terrab, ou encore AmedNezbar, l'ex directeur du pôle des mines,une sommité dans son domaine qui, bienqu'il ait fait carrière à l'OCP, a fini par jeterl'éponge... A l'image de ce jeune cadre qui alaissé tomber une vie facile en France pour

venir servir l'OCP. Mais « Surprise!„, lorsqu'ils'est retrouvé de l'autre côté de la porte: «J'aiété leurré comme beaucoup d'autres personnes.Certes, l'offre était très alléchante, le projet sé-duisant mais, au-delà de son indisponibilité, lesméthodes de gestion ne correspondaient guère àmes ambitions et, mieux encore, à mes princi-pes. Alors, j'ai claqué la porte», nous confie-t-il. Tous ces profils qui ont aujourd'hui quittéle navire OCP semblent avoir été victimes

du pouvoir de séductiondu grand Terrab. «II vousdresse un tableau si séduisantde son projet d'entreprise quevous ne pouvez qu'y adhérer.Son charisme aidant, voussuccombez complètement à savision stratégique. Mais une

fbis surie terrain, Terrab est absent», regretteune de ses proches collaboratrices en 2008.Mais où est-il alors? L'homme passe d'unavion à autre pour négocier les contratsmais aussi, semble-t-il, pour gérer de grandsdossiers d'intérêt national tel que celui duSahara. Son agenda est surbooké. On ditmême aujourd'hui que l'OCP est en «pi-lotage automatique». «Vous savez, MostafaTerrab est un homme de stratégie, l'intendanceau quotidien, ce n'est pas son business», rappelleun observateur averti. Une ex-ocpienne af-firme l'avoir vu deux fois lors de son pas-sage qui a duré un an au sein de l'entreprise.Mieux vaut deux fois que rien! Comme cettejeune recrue qui ne l'a pas encore vu depuisson arrivée, depuis bientôt un an. Il fautdire aussi que, en l'absence d'un véritable

directeur des Ressources Humaines, la si-tuation s'empire. D'ailleurs, la bonne piochetarde à venir pour gérer ce pôle. En quatreans, l'OCP a dû consommer pas moins desix DRH. Malgré les 200.000 dirhams netsofferts pour ce poste, personne ne sembleavoir les ressources nécessaires pour accep-ter de l'occuper...Terrab n'est presque jamaislà! Alors, qui gère? A qui fait-il confiance?Le big boss délègue la gestion à ses fidèlesMeryem Chami, sa directrice du cabinet etMohamed El Kadiri, le chef du secrétariatde son cabinet. Les deux dirigeants ne sontpas appréciés en interne. Un ancien direc-teur n'a de cesse de le répéter: «A l'OCe sil'on n'est pas en contact direct avec Terrab, c'estdcile depbuvoir travailler. Chami et ElKa-diri sont encore dans l'esprit Makhzenien et neveulent guère sortir de leur jellaba archaïque».D'ailleurs, si certaines nouvelles recruessont parties, c'est principalement en raison-de la mainmise des deux bras droits de Ter-rab sur la gestion courante. Et ceux qui sonttoujours là, selon une source à l'OCP, le sont«surtout pour des raisons financières, l'OCPest une véritable vache à lait». D'ailleurs, lamajorité de ceux qui ont quitté l'OCP sontaujourd'hui à la tête de leur propre entre-prise. L'un d'eux nous confie «que c'est grâceà son passage à l'OCP qu'il a pu amasser unjoli petit pactole pour réaliser son rêve et deve-nir son propre chef>. Aujourd'hui, malgré larévolution qu'a connue le premier groupedu phosphate au Maroc, qui contrôlera80% du phosphate d'ici 2050 selon les pré-visions du journal Américain Newsweek, lesystème makhzénien semble avoir la peaudure et n'est encore prêt de rompre avec lesméthodes tayloriennes. Par ailleurs, depuisquelques mois, la rumeur enfle sur le départde Terrab et son éventuelle nomination auposte de conseiller du roi, à la place de feuMeziane Belafqih. Hasard du calendrierou communication savamment orchestrée,Mostafa Terrab refait parler de lui et mul-tiplie les sorties médiatiques ces dernièressemaines... comme pour faire un bilan deses quatre années à la tête de cet empire.Mais il faut dire que la restructuration del'OCP n'en est qu'à ses débuts. Son succes-seur qui, d'après des sources fiables, pourraitêtre Chakib Benmoussa, aura alors la tâcheencore plus dure ! e

Par Mounia Kabiri Kettani

essor n°50 - Janvier 2011 30