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La communauté du sud tome 3, Mortel corps à corps

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DESCRIPTION

Revoilà Sookie Stackhouse, la jeune serveuse télépathe de Chez merlotte, dans une aventure pour le moins singulière : lasse de supporter l'indifférence de Bill, son beau vampire parti en voyage, elle part enquêter au sein de la pègre des suceurs de sang.

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Mortel corps à corps

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Traduit de l’américainpar Frédérique Le Boucher

Mortel corps à corpsLA COMMUNAUTÉ DU SUD 3

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Titre original :CLUB DEAD

Ace Books, New YorkPublished by The Berkley Publishing Group,

a division of Penguin Putnam Inc.

© Charlaine Harris, 2003

Pour la traduction française :© Éditions J’ai lu, 2005

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Je dédie ce roman à mon fils cadet, Timothy Schulz, qui m’a dit sans ambages qu’il voulait un livre « rien que pour lui».

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Remerciements

Je tiens à remercier Lisa Weissenbuehler, KerieL. Nickel, Marie La Salle et l’incomparable DorisAnn Norris pour leurs renseignements sur lescoffres de voiture, petits et grands. Je remercie aussi Janet Davis, Irene et Sonya Stocklin, cyber-membres de DorothyL, pour leurs informations surles bars, le bourré (un jeu de cartes) et les adminis-trations de Louisiane. Merci aussi à Joan Coffrey,qui a été une vraie mine de renseignements surJackson, et enfin, à la merveilleuse et si serviableJane Lee, qui m’a inlassablement guidée à traversJackson à la recherche de l’emplacement idéal pourun bar de vampires.

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Quand je suis rentrée, Bill était devant son ordi-nateur (scène de plus en plus courante, ces derniersmois). Il y avait à peine quinze jours de ça, il réus-sissait encore à s’arracher à son PC. Mais aujour-d’hui, entre sa bécane et moi, son choix était vite fait.

Il a lancé un «Bonjour, mon cœur» distrait, lesyeux rivés à son écran. Une bouteille de PurSangtraînait sur son bureau, à côté du clavier : il n’avaitpas oublié de manger. C’était déjà ça. Et puis,c’était du O positif : mon groupe sanguin…

Sa large carrure tendait sa chemise, sa peau scin-tillait, et ses épais cheveux bruns sentaient l’HerbalEssences. Rien qu’à le regarder, il y avait de quoiavoir une poussée de fièvre. Je l’ai embrassé dans lecou. Aucune réaction. Je lui ai mordillé l’oreille.Indifférence totale.

Je venais de faire mes six heures non-stop au bar,et chaque fois qu’un client m’avait laissé un pour-boire de misère ou qu’un crétin avait essayé de memettre la main aux fesses, j’avais respiré un grandcoup en me disant que bientôt, très bientôt, jeretrouverais l’amour de ma vie, que je serais l’objetindiscuté de toutes ses attentions et, probablement,en train de grimper aux rideaux.

Bon. Apparemment, ce n’était pas prévu au pro-gramme. En tout cas, ça semblait mal parti.

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J’ai pris une profonde inspiration, en lui déco-chant un regard noir. Enfin, pas vraiment à lui. À son dos, plutôt. Son dos… lisse… musclé… nu…dans lequel j’avais eu la ferme intention de plantermes ongles, dans le feu de l’action… À vrai dire,j’avais même carrément misé là-dessus. J’ai expirélentement, progressivement.

— Je suis à toi dans une minute, m’a-t-il assuré.Sur son écran apparaissait la photo d’un homme

distingué aux tempes argentées, une sorte de versionsexy d’Anthony Quinn, avec cet air supérieur propreaux hommes de pouvoir. En dessous, il y avait unnom et, encore en dessous, quelques mots : «Né en1756, au nord de la Sicile…» Tiens! Contrairementà ce que prétendait la légende, on pouvait donc pho-tographier les vampires. Juste au moment où j’ou-vrais la bouche pour le lui dire, Bill s’est retourné.

En s’apercevant que je lisais par-dessus sonépaule, il a tapé sur une touche. Clic! Black-out surl’écran.

Je l’ai dévisagé en silence. J’avais du mal à lecroire.

— Sookie… a-t-il murmuré en esquissant unsourire hésitant.

Ses canines étaient complètement rétractées : iln’était pas du tout dans l’état d’esprit sur lequelj’avais compté. Comme tous les vampires, Bill nemontre les crocs que quand il les a. Autrement dit,lorsqu’il est en appétit. Appétit sexuel ou appétit toutcourt (quand, tenaillé par la faim, il est pris du désirde tuer pour se nourrir du sang de ses victimes). Ilarrive, malheureusement, que ces différents désirsse mélangent un peu les pinceaux… Et c’est commeça qu’on se retrouve avec des mordus comblés,mais… morts (entre vous et moi, c’est justementcette part de risque qui les attire, à mon avis).

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Quand vous sortez avec un vampire, on a souventtendance à vous confondre avec ces pathétiquescréatures qui leur collent aux basques dans le vainespoir de s’attirer leurs faveurs (des membres deleur fan-club, si vous préférez). On m’avait déjàaccusée d’en faire partie. J’avais pourtant un seulvampire dans ma vie – volontairement, du moins –,et c’était précisément celui qui était assis devantmoi. Celui qui me cachait quelque chose. Celui quin’avait pas l’air plus content que ça de me voir.

— Oui, Bill, lui ai-je répondu d’une voix glaciale.— Tu n’as rien vu, OK?Il me regardait fixement, sans ciller.— Han han, ai-je acquiescé d’un ton un peu sar-

castique. Et… qu’est-ce que tu fabriques exacte-ment?

— Je travaille. On m’a confié une mission secrète.J’ai pincé les lèvres : je ne savais pas s’il fallait rire

ou pleurer, voire piquer une crise, avec sortie au pasde charge et claquements de portes en série. Dans ledoute, je me suis contentée de hausser les sourcilset j’ai attendu la suite. Bill était l’investigateur de lacinquième zone (une division administrative de la Louisiane, si j’avais bien compris). À ma connais-sance, Éric, le chef de la zone en question, n’avaitjamais confié à Bill de «mission secrète» aupara-vant. Secrète pour moi, du moins. Je faisais mêmehabituellement partie intégrante de l’équipe d’inves-tigation (que je le veuille ou non, d’ailleurs).

— Éric ne doit rien savoir. Aucun vampire de lacinquième zone ne doit être au courant.

J’ai senti poindre comme une crampe d’estomac.— Mais alors… si ce n’est pas pour Éric, c’est

pour qui?Je me suis agenouillée. J’avais mal aux pieds. Et

puis, mes six heures de boulot commençaient à se

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faire sentir : j’étais crevée. Je me suis laissée allercontre ses jambes.

— La reine de Louisiane.Il avait pratiquement chuchoté, comme si c’était

ultra-confidentiel.En le voyant si solennel, j’ai essayé de garder

mon sérieux. Peine perdue. J’ai brusquement étéprise de gloussements irrépressibles.

— C’est une blague?Je savais pourtant pertinemment qu’il n’en était

rien. Pour commencer, Bill n’est pas du style àplaisanter, en général. Et puis, quand j’ai jeté unpetit coup d’œil à sa tête, il avait l’air franchementdépité. J’ai appuyé ma joue contre sa cuisse pourlui cacher ma mine hilare.

— Pas du tout. Je suis sérieux comme la mort.Venant d’un vampire, ça calme. Son ton cassant

m’a incitée à changer d’attitude. Et vite.— Bon. Attends, on va essayer de tirer ça au

clair, que je comprenne bien, ai-je réussi à arti -culer d’une voix que j’estimais raisonnablementposée.

Je me suis assise en tailleur, les mains sur lesgenoux : zen.

— Tu bosses pour Éric, qui est le chef de la cin-quième zone, on est d’accord. Mais il y a aussi unereine? Une reine de Louisiane?

Bill a opiné du bonnet.— Donc, la Louisiane serait une sorte de

royaume divisé en zones? Et cette «reine» les gou-vernerait toutes ? Par conséquent, elle serait lasupérieure d’Éric?

Nouvel acquiescement muet. J’ai secoué la tête,incrédule.

— Et alors, où vit-elle, cette fameuse reine ? À Baton Rouge?

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La capitale de l’État me semblait être l’endroitidéal. Enfin, pour moi, ça tombait sous le sens.

— Mais non, voyons ! À La Nouvelle-Orléans,évidemment.

Bien sûr! Comment se faisait-il que je n’y aie paspensé plus tôt ? La Nouvelle-Orléans était le Q.G.des vampires. Impossible d’y balancer un caillousans éborgner un immortel, d’après les journaux(entre vous et moi, il faudrait être carrément débilepour les prendre au mot). Le tourisme explosait lit-téralement, à La Nouvelle-Orléans. Mais ce n’étaitplus vraiment la même faune qu’avant. Les joyeuxfêtards éméchés qui envahissaient la ville pourfaire la nouba jusqu’au bout de la nuit avaientlaissé la place à des touristes qui venaient là pourse donner des frissons, se frotter aux créaturesde l’autre monde. Ils fréquentaient les bars devampires, s’offraient les talents très spéciaux de prostituées aux dents longues et assistaient aux spectacles érotiques donnés par de lugubressuceurs de sang revenus des ténèbres de l’au-delà.

C’était du moins ce que j’avais entendu dire. Jen’étais jamais retournée à La Nouvelle-Orléans.Mes parents nous y avaient emmenés, mon frèreet moi, quand j’étais petite (ce devait être avantmes dix ans, puisque c’était à cet âge-là que j’étaisdevenue orpheline). Ils étaient morts bien avantque les vampires n’apparaissent pour la premièrefois sur le petit écran pour annoncer au mondeentier qu’ils étaient parmi nous (annonce qui avaitentraîné la création, puis l’industrialisation, auJapon, du sang de synthèse qui permettait à unvampire de se maintenir en vie sans avoir besoinde s’approprier l’hémoglobine de ses, désormais,« frères humains»).

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Les vampires installés aux États-Unis avaientlaissé à leurs collègues japonais la primeur d’uncoming out très remarqué. Puis, simultanément,dans presque toutes les nations qui possédaient la télévision – et qui ne l’a pas, de nos jours? –, lanouvelle avait été divulguée en des centaines delangues différentes, par des émissaires de la gentvampiresque triés sur le volet, de ceux qui avaientfière allure et qui présentaient bien.

Cette nuit-là, nous autres, braves mortels stan-dard, avions appris que des monstres étaientparmi nous et que nous vivions avec eux sans lesavoir depuis toujours.

— Mais, disaient en substance les émissaires enquestion, maintenant, nous pouvons sortir del’ombre et cohabiter avec vous en paix. Vous n’avezplus rien à craindre de nous. Nous n’avons plusbesoin de votre sang pour vivre (sic).

Comme vous pouvez l’imaginer, cette révélationavait fait l’effet d’une bombe. Les réactions avaientcependant été très différentes selon les paysconcernés.

Les vampires des nations à majorité musulmanen’avaient pas été les plus gâtés. Je préfère vousépargner la description de ce qui était arrivé à leurporte-parole en Syrie, quoique leur ambassadriceen Afghanistan ait peut-être connu une mort (défi-nitive) plus horrible encore (mais à quoi pensaient-ils donc, en choisissant une femme pour un jobpareil? Les vampires peuvent se montrer brillants,mais il y a des moments où ils semblent complète-ment déphasés).

Certains pays (la France, l’Italie et l’Allemagneen tête) avaient refusé de les considérer commedes citoyens à part entière. Beaucoup (dont la Bos-nie, l’Argentine et la plupart des nations africaines)

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leur avaient dénié tout statut social de quelquenature que ce soit et avaient même aussitôt déclaréla chasse ouverte, invitant explicitement tous leschasseurs de prime potentiels à les débarrasser dece gibier de potence. Mais les États-Unis, l’Angle-terre, le Mexique, le Canada, le Japon, la Suisse etles pays scandinaves avaient su faire preuve deplus de tolérance.

Difficile de dire si les vampires s’étaient atten-dus à une telle réaction. En tout cas, une choseétait sûre : comme ils continuaient à se battre pourconserver un pied dans la société des vivants, ils semontraient très discrets sur leur organisation. Peude gens savaient qu’ils possédaient leur propre sys-tème de gouvernement. Ce que Bill m’en révélait àprésent était tout nouveau pour moi. Il ne m’enavait jamais autant dit. Et ça faisait des mois qu’onsortait ensemble.

— Donc, la reine des vampires de Louisiane t’aconfié une mission secrète, ai-je enchaîné en tentantde prendre un ton aussi neutre que possible. Et c’estpour ça que tu passes ton temps devant ton écran.

Il a acquiescé, en portant sa bouteille de PurSangà ses lèvres. Comme il ne restait que quelquesgouttes au fond, il est allé en chercher une autredans le réfrigérateur de l’espèce de cagibi qui luiservait de cuisine (quand il avait fait restaurer savieille maison de famille, il ne s’était guère souciéde la cuisine. On le comprend : que voulez-vousqu’un vampire fasse d’une cuisine?). Je l’ai suivi àl’oreille : il a décapsulé sa bouteille et l’a mise aumicro-ondes. La minuterie a sonné et il est revenuen secouant son PurSang, le pouce sur le goulot.

— Et combien de temps comptes-tu encore pas-ser sur ce mystérieux dossier top secret ?

Question on ne peut plus légitime, à mon sens.

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— Aussi longtemps qu’il le faudra.Nettement moins légitime, comme réponse, je

trouve. Pour tout dire, Bill avait l’air franchementde mauvais poil.

Était-ce la fin de notre lune de miel? Je parle aufiguré, évidemment : Bill étant un vampire, nousn’aurions pu être légalement mari et femme prati-quement nulle part sur cette planète.

Non pas qu’il m’ait demandé de l’épouser…— Eh bien, puisque tu es si absorbé par ton tra-

vail, il serait peut-être préférable que je prenne lelarge quelque temps, jusqu’à ce que tu aies fini, ai-je dit d’une voix sourde.

— Ce serait sans doute mieux, oui, a-t-ilreconnu, après avoir quand même marqué une hési-tation.

Il aurait tout aussi bien pu me balancer un cro-chet du droit. En un éclair, j’étais debout et jeremettais mon manteau par-dessus mon uniformede serveuse (version hiver : pantalon noir, sweat-shirt blanc à encolure bateau avec Chez Merlottebrodé côté cœur). Je me suis retournée pour qu’ilne me voie pas pleurer (j’avais du mal à retenirmes larmes, mais pas question de les lui montrer.Pas même quand il a posé la main sur monépaule).

— Il faut que je te dise quelque chose, m’a-t-ilannoncé.

J’ai suspendu mon geste, un gant dans la maingauche, l’autre couvrant à moitié la droite. Mais jene pouvais toujours pas le regarder. Il n’avait qu’àparler à mon dos. Chacun son tour !

— S’il m’arrive quoi que ce soit, a-t-il poursuivi(et c’est là que j’aurais dû commencer à m’inquié-ter), jette un coup d’œil dans le placard que j’ai amé-nagé chez toi. Mon ordinateur devrait s’y trouver,

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avec quelques disquettes. N’en parle à personne. Simon PC n’est pas là-bas, viens vérifier ici ce qu’il enest. Viens de jour. Et armée. Prends l’ordinateur ettoutes les disquettes que tu pourras trouver et va lescacher chez toi, dans «mon trou à rats», comme tul’appelles.

J’ai opiné en silence. Il devrait se contenter decette réponse. J’avais trop peur de craquer.

— Si je ne suis pas rentré, ou si tu n’as aucunenouvelle de moi, disons dans… deux mois… oui,c’est ça, deux mois, répète à Éric tout ce que jeviens de te dire. Et mets-toi sous sa protection.

Je n’ai rien répondu. Pas parce que j’étais encolère (j’étais trop malheureuse pour ça), mais jesentais que je n’allais pas tarder à m’effondrer. J’aijuste hoché la tête. Ma queue de cheval a balayéma nuque.

— Je vais bientôt partir pour… pour Seattle, a-t-il repris.

J’ai senti la caresse de ses lèvres froides dansmon cou juste à l’endroit que mes cheveuxvenaient de frôler.

Il mentait.— Quand je reviendrai, nous aurons une petite

conversation tous les deux.Allez savoir pourquoi, cette perspective ne me

réjouissait pas. Elle avait même quelque chosede… sinistre.

De nouveau, j’ai hoché la tête. Je ne me seraispas risquée à ouvrir la bouche parce que, mainte-nant, je pleurais pour de bon. Plutôt mourir quede lui laisser voir mes larmes.

Et c’est comme ça que je l’ai quitté, par unefroide nuit de décembre.

Si j’avais su…

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