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« La crise de l’éducation » en Tunisie… Par : Naoufel GAROUI Tous ceux qui ont suivi un parcours scolaire et universitair en Tunisie, auront certaineent eu l!occasion d!"tudier la conception #antienne du « devoir », et la d"finition sartrienne de « la re que tout %tre doit assuer vis&'&vis des c(oix qu!il est suscep ' tout oent de sa vie) Au niveau de l!ensei*neent, il est douloureux de se rendre le pessiise de +anna( Arendt soit ustifi", &et il l!est -& au oins en qui concerne le « cas » tunisien) .lle parle de « la crise de l!"ducation ») .lle s!int"resse s "c(antillon de eunesapprenants « $o$ard"s » par un savoir qu!ils n!arrivent pas ' assiiler ou ' positionner convena$leent dans leurs priorit"s « c"r"$rales » ou quotidiennes) Pour eux, c!est surr"aliste et a$surde ce qu!on leu ati/re0s1 ' apprendre) 2a cause principale de cette situation conflictuelle est ce « source » de laquelle coulent ce « savoir », cet « ensei*neen strat"*ie planifi"e par l!"tat, d!une part, et l!a$sence totale collective de ce qu!on entendconcr/teent par « responsa$ilit" » et « devoir » aupr/s de tous ceux auxquels est confi"e la t3c(e de financer, conceptualiser, r"forer, transettre et "valuer les les strat"*ies de l!ensei*neent en Tunisie) 2e d"tail le plus « surr"aliste » dans cette transi construction1 du savoir est la l"*/ret" avec laquelle cette t3 et r"alis"e) 2es ensei*nants et les inspecteurs de l!ensei*neent en

La Crise de L_éducation en Tunisie

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La crise de lducation en TunisiePar: Naoufel GAROUI

Tous ceux qui ont suivi un parcours scolaire et universitaire standard en Tunisie, auront certainement eu loccasion dtudier la conception kantienne du devoir, et la dfinition sartrienne de la responsabilit que tout tre doit assumer vis--vis des choix quil est susceptible doprer tout moment de sa vie. Au niveau de lenseignement, il est douloureux de se rendre compte que le pessimisme de Hannah Arendt soit justifi, -et il lest!- au moins en ce qui concerne le cas tunisien. Elle parle de la crise de lducation. Elle sintresse surtout un large chantillon de jeunes apprenants bombards par un savoir quils narrivent pas assimiler ou positionner convenablement dans la liste de leurs priorits crbrales ou quotidiennes. Pour eux, cest surraliste et absurde ce quon leur propose comme matire(s) apprendre. La cause principale de cette situation conflictuelle est certainement la source de laquelle coulent ce savoir, cet enseignement et cette stratgie planifie par ltat, dune part, et labsence totale dune conscience collective de ce quon entend concrtement par responsabilit et devoir auprs de tous ceux auxquels est confie la tche de planifier, financer, conceptualiser, rformer, transmettre et valuer les programmes et les stratgies de lenseignement en Tunisie. Le dtail le plus surraliste dans cette transmission (change, construction) du savoir est la lgret avec laquelle cette tche est prpare et ralise. Les enseignants et les inspecteurs de lenseignement en secondaire comme en suprieur le savent pertinemment: Les cours programms la dernire minute, les fiches toujours ou relativement absentes, limprovisation souvent catastrophique de plusieurs volets ou chapitres vitaux pour la formation dune partie importante de lapprentissage et la communication verticale et souvent autoritaire entre lenseignantet les apprenants. Cest un dtail qui fait la diffrence et qui en cache un autre: Il n y a pas une conscience scientifique et une reconnaissance morale du devoir de lenseignant envers ses lves. De l, on se rend compte de limportance de lducation (comme ensemble de valeurs morales, comportementales et sociales) au sein de lenseignement (contenu scientifique, anthropologique et humaniste). En fait, labsence de la conscience de limportance de la complmentarit de ces deux maillons (enseignement et ducation) fait que leur transmission et explication aux apprenants soit voue lchec. Nous nous trouvons donc face toute une gnration dlves ou de jeunes gens qui ne trouvent aucun lien entre leur stock pistmologique et didactique, et leur vcu social et psychologique. Cette rupture na pas t choisie par lapprenant mais elle lui a t impose. Emmanuel Kant dit dans son Anthropologie du point de vue pragmatique:L'homme n'tait pas destin faire partie d'un troupeau comme un animal domestique, mais d'une ruche comme les abeilles. Cette attitude passive affiche par une grande partie des enseignants et des reprsentants du corps de lenseignement en Tunisie ne fait que nourrir la rupture entre les apprenants et leur apprentissage, dun ct, et entre lenseignement et lintgration sociale, dun autre ct. Aussi, la responsabilit vis--vis de lchec remarquable de nos projets de rforme de lenseignement et de lducation, qui devrait ou devront lassumer? Les enseignants qui en sont dj le produit? Lentourage social qui na pas contribu lencouragement des efforts de ltat? Ou les stratgies politiques tendance conservatrice et incapable de changer la ralit douloureuse? Et si on est daccord sur la ncessit dintervenir de faon urgente pour rduire les dgts, par quoi faudrait-il commencer? Faut-il valuer pour valuer ou pour apprendre? Faut-il changer les critres de lvaluation au lieu de se concentrer sur les dficits des programmes de lducation et de lenseignement? Lcole peut-elle/ doit-elle tout donner lapprenant? Nest-il pas ncessaire dapprendre aux enseignants aussi adapter leurs moyens et mthodes avec les diffrentes catgories dapprenants? Et serait-possible desprer des exploits de la part dun corps denseignement trahi par sa condition sociale et intellectuelle? Quelles sont concrtement les solutions prvoir pour une telle situation de crise?

OpinionsEnseignement suprieur : les pralables une rformeParMounir KchaouEn ces temps o une consultation nationale sur la rforme de lenseignement suprieur et la recherche scientifique vient dtre engage par lautoritde tutelle, sur la base dun projet labor conjointement par le ministre de lEnseignement suprieur et le syndicat des enseignants chercheurs de lenseignement suprieur faisant partie de lUgtt, il nous semble opportun et mme relevant dune ncessit imprieuse dinsister sur deux conditions qui sont, notre sens, les pralables toute rforme.

Renforcer lautorit de la loiLa premire a trait lautorit et la crdibilit de ladministration, cense piloter le projet, car la russite de ce dernier dpend de la capacit de celle-l faire montre de dtermination et de vigueur dans la conduite des affaires de lenseignement suprieur. Or ce qui inquite est labsence tonnante de ractivit de la part du ministre face la multiplication des rumeurs au sujet de probables violations des rglements en vigueur, commises par des enseignants universitaires afin de soctroyer des faveurs ou de faire profiter leurs proches de certains avantages au mpris de la loi, des principes rpublicains dgalit et dimpartialit et des normes de la dontologie et de la bonne pratique universitaire. Soulignons ce propos, avec regret, quaucune enqute na t diligente par lautorit de tutelle afin de dterminer les responsabilits, de sanctionner les fautifs ou de dmentir ces allgations. En 2014, par exemple, les tudiants dune prestigieuse cole dingnieurs en informatique ont men des grves et ont organis un sit-in devant le ministre de lEnseignement suprieur pour protester contre ladmission du fils de la directrice de lcole alors quil tait loin de rpondre aux critres dintgration tablis et au dtriment dtudiants plus mritants. Lautorit de tutelle a reconnu la vracit des faits allgus et a donn raison aux tudiants en faisant pression sur la directrice pour quelle prsente sa dmission. Chose qui fut faite, mais aucune mesure disciplinaire na t prise et rendue publique lencontre de lex-directrice et rien nassure que de tels manquements lthique professionnelle et transgressions des rglements en vigueur ne se reproduisent pas dans dautres institutions universitaires. Cette anne mme, des informations ont circul sur les rseaux sociaux mettant en doute la fiabilit des notations, des dlibrations et des rsultats dexamens proclams par un institut public de commerce sans que les choses soient pour autant tires au clair. De telles rumeurs colportes de part et dautre sont de nature entacher la rputation de luniversit tunisienne, jeter le discrdit sur le systme denseignement suprieur et dcrdibiliser les parcours universitaires. Face ces rumeurs devenues de plus en plus insistantes, la tutelle a, le moins que lon puisse dire, pch par mollesse et indcision.Par ailleurs et fort malheureusement, le comportement de certains enseignants du suprieur et la passivit de ladministration svir contre les agissements non conformes la norme accrditent limpression de laxisme et de dysfonctionnement. Comme exemples de ces pratiques qui nous semblent miner la crdibilit de luniversit est lexercice par les enseignants-chercheurs titre informel dune activit rmunre autre que lenseignement et la recherche. Ce phnomne qui tait, autrefois, limit et pratiqu dans la discrtion la plus absolue est devenu, ces jours-ci, ostentatoire et a acquis une ampleur alarmante. Des enseignants universitaires de langue et littrature anglaise et amricaine passent plus de temps dans les box de traduction simultane dans les colloques et congrs que dans leurs bureaux encadrer les tudiants et mener des recherches ; des enseignants dconomie ou autres sciences sociales consacrent le gros de leur temps monnayer leurs services dexpertise aux bureaux dtudes et aux centres de recherches, tout en faisant valoir leur statut denseignants universitaires. Et lon a mme vu dautres universitaires distribuer des cartes visites o le statut denseignant universitaire se trouve accol celui dexpert et dautres prsents sur les plateaux de tlvisions comme exerant, ct des activits lies leur statut duniversitaires, dautres activits professionnelles comme celle davocat ou de consultant auprs dorganisations nationales ou internationales, sans que ladministration de tutelle ne ragisse. Le mtier denseignant et de chercheur universitaire est-il devenu si facile un point quil devient possible de lui adjoindre une autre activit rmunre exerce de faon informelle? Quelle est lincidence de lexercice dune activit parallle sur la pratique denseigner, dencadrer les travaux des tudiants et de mener des recherches ?Cest ainsi quil nous est impratif, avant toute rforme, de rtablir lEtat de droit lintrieur de luniversit et dinterdire tout enseignant lexercice dune activit rmunre autre que lenseignement et la recherche dans les tablissements auxquels il est affect pour recrdibiliser luniversit et rhabiliter lautorit scientifique des enseignants universitaires.

Rhabiliter lthique professionnelleLa seconde condition qui est, notre avis, le pralable toute rforme srieuse de lenseignement suprieur est la rhabilitation de lthique professionnelle de lenseignant- chercheur. Un code de dontologie professionnelle des enseignants-chercheurs est ncessaire, car dfaut de ce code, les liberts acadmiques, revendiques avec tant de hargne par les universitaires tunisiens, deviendraient compltement caduques. Rappelons ce sujet que la libert implique toujours responsabilisation et que celle-ci ne signifie pas exclusivement ordre et contrainte disciplinaires faisant de la surveillance et du contrle ses moyens appropris. Elle signifie galement donner un supplment de pouvoir, accorder confiance et librer lesprit dinitiative des acteurs et notamment ici des enseignants-chercheurs. Dans cette deuxime acception, elle devient gnratrice dautonomie et dlargissement de la marge daction et ce dans le respect de certains principes et obligations qui dlimitent un cadre commun un corps professionnel. Linstauration dun code de dontologie des enseignants-chercheurs universitaires tunisiens est de nature, notre avis, rendre explicite les rgles du jeu et ractiver le sentiment dappartenance un corps. Ceci est dautant plus ncessaire que le statut nimmunise plus, aujourdhui, contre le soupon ou le discours rprobateur dincomptence ou dimmoralit.Dautre part, nous remarquons partout dans le monde, sauf dans nos universits bien malheureusement, une tendance relever les normes morales des enseignants contrler leur moralit, car celle-ci doit tre irrprochable et exemplaire et ce pour deux raisons : la premire est que les enseignants en gnral, et du suprieur en particulier, sont investis dune autorit leur octroyant une influence considrable sur leurs tudiants du point de vue de leur avenir, leur plan de carrire, la qualit de leur formation et aussi du point de vue de leur projet de vie. La deuxime est que les enseignants doivent uvrer prserver la confiance du public lgard du systme denseignement suprieur par la garantie de la qualit des diplmes et de la qualit de la formation. Dans le pass, luniversit tunisienne pouvait se prvaloir de la lgitimit strictement institutionnelle quelle tire de la noblesse de ses fonctions et notamment la transmission dun univers symbolique et la formation du citoyen et des cadres dont lconomie du pays a besoin. Aujourdhui, luniversit ne peut plus faire lconomie dune rflexion et dune explication sur les raisons de son existence, sur la nature de sa mission, sur son mode de fonctionnement et aussi sur les dispositifs et les mesures disciplinaires dont elle fait usage pour faire respecter les normes de la bonne pratique universitaire. Elle doit allier les critres de la comptence et de la qualit du savoir transmis et produit ceux dfinissant les normes de lisibilit dontologique exige des enseignants. A la lgitimit traditionnelle de luniversit qui, aujourdhui, souffre dune rosion doit sadjoindre une autre, qui lui vient en soutien, celle qui met laccent sur le respect de lEtat de droit et de la dimension thique du mtier de lenseignant-chercheur.

(Professeur denseignement suprieur, Universit de Tunis)