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La crise et les moyens de s’en sortir durablement

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Les travailleurs ne sont pas responsables de la crise financière et économique. A l'origine de la catastrophe actuelle se trouve le capitalisme casino qui a dominé la politique sociale et économique des trente dernières années. Un autre modèle de société est possible. Cette brochure présente les alternatives de la FGTB. --- Mars 2009. FGTB

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La crise et les moyens

de s’en sortir durablement

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Chaque matin, nous nous demandons quelle mauvaise nouvelle nous entendrons cette

fois-ci à la radio. Plus aucun doute n’est permis: nous vivons la crise la plus grave depuis la grande dépression de 1929. Ce que nous ne savons pas encore, c’est à quelle phase de la crise nous nous situons. La crise a-t-elle déjà atteint son paroxysme ou pas?

La crise bancaire et financière n’est pas terminée et les conséquences sur l’ensemble de l’économie deviennent de plus en plus évidentes. L’emploi est menacé que cela soit dans le secteur bancaire et financier, le secteur automobile, la sidérurgie, la construction…Rares sont les entreprises et les secteurs qui réussissent à tirer leur épingle du jeu.

Les travailleurs ne sont pas responsablesNous, les travailleurs, actifs et non actifs, ne sommes en rien responsables de cette crise. Mais nous serons obligés d’en payer le prix. D’abord comme premières victimes de la crise

économique, ensuite comme contribuables lorsqu’il s’agira de restaurer les finances publiques. C’est pourquoi nous devons avoir notre mot à dire dans ce qui est mis en œuvre pour reconstruire l’économie.

Pour la seule journée du 26 janvier 2009, 70 000 emplois ont été détruits dans le monde. Triste record qui, espérons-le, ne sera pas rapidement dépassé. Car les prévisions pessimistes s’accumulent et les révisions à la

baisse se succèdent. Pour la Belgique, les licencie-ments annoncés ont dépassé les 10.000 emplois en 2008. Et la machine s’accélère; pour le seul mois de janvier de cette année, plus de 2.200 pertes d’emplois sont annoncées.

Le Bureau du Plan prévoit dorénavant pour l’ensemble de l’année 2009 une perte nette de 25.000 emplois, une décroissance de 2% et une aggravation des finances publiques qui risque d’amener la dette publique à flirter dangereuse-ment avec le seuil symbolique des 100% dans les prochaines années.

La crise et les moyens de s’en sortir durablement

Nous devons avoir notre mot à dire!

HOMMES / FEMMESLes références aux personnes et fonctions au masculin visent naturellement aussi bien les hommes que les femmes.

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La faillite de la politique néolibérale de ces 30 dernières années est donc de plus en

plus manifeste. L’arrivée au pouvoir de Thatcher en 1979 et de Reagan en 1980 a ouvert la voie d’abord dans les pays anglo-saxons et ensuite dans l’ensemble du monde occidental à une radicalisation de la politique libérale. Nous aurions dès lors pu penser que ceux qui nous ont conduits dans un tel chaos adopteraient à tout le moins un profil bas. Que du contraire. A croire que, chez certains, l’arrogance n’a pas de limite. Pour ces jusqu’au-boutistes, les responsables de cette crise seraient justement ceux qui ont freiné la dérégulation, ceux qui, comme les syndicats, ont exigé l’établissement de normes sociales, environnementales, de santé ou autres, encadrant le marché, et qui auraient ainsi empêché la prise d’initiatives rationnelles.

Mais que penser des autres, de ceux qui ont toujours vécu dans une économie de

marché et qui souhaitent profiter du climat actuel, fait de doute et d’angoisse chez nombre de citoyens, pour parachever leur œuvre incomplète en réclamant la fin de toute «entrave» sociale ou environnementale? Que penser de ceux qui, en Belgique, proposent comme solution pour sortir de la crise de supprimer l’indexation automatique, de limiter dans le temps les allocations de chômage, de flexibiliser le travail, de réduire le rôle de l’Etat, de libéraliser davantage encore les marchés financiers…?

La situation est dramatique et il convient de faire une analyse correcte des causes. Pour nous, les responsabilités sont claires. Les germes de la catastrophe actuelle ont été semés par le capitalisme casino, qui a dominé, au cours des trente dernières années, la politique sociale et économique caractérisée par;• les dérégulations et les privatisations,• l’absence d’une politique – belge et

européenne – incluant une vision d’avenir (y compris l’inexistence d’une approche commune des restructurations industrielles et l’absence d’un poste de Commissaire européen aux restructurations)

• la suppression des règles de contrôle du marché, qui permettaient de protéger les plus faibles contre les plus forts

• l’affaiblissement du rôle des pouvoirs publics,

• l’affirmation qu’une bonne protection sociale constitue un obstacle à la croissance et au développement et non un atout,

• l’affirmation que les inégalités croissantes sont le moteur d’une société dynamique,

• la présentation des réductions d’impôts linéaires comme un objectif en soi

La faillite du système néolibéral de ces 30 dernières années

C’est un tel système de dérégulation globale de l’économie qui a conduit, partout dans le monde, à l’augmentation de la part des profi ts dans le revenu national

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• l’affirmation qu’une baisse de l’impôt augmentera les recettes fiscales,

• et enfin, l’introduction d’un chèque en blanc permanent pour les entreprises devenues peu à peu les plus grands allocataires de la société, développant une véritable stratégie de la main tendue pour obtenir aides de l’état, réductions fiscales et diminutions de cotisations sociales.

C’est un tel système de dérégulation globale de l’économie qui a conduit, partout dans le monde, à l’augmentation de la part des profits dans le revenu national. Et en particulier des profits du secteur financier. Tout cela aux dépens des salaires et en entraînant une croissance des inégalités de revenus.

Comment est née la crise

C’est au sein même du pays champion toutes catégories de cette politique néolibérale que ce transfert des richesses a pesé le plus fort sur la demande. Faute de salaires suffisants, la classe moyenne américaine a rejoint les couches sociales plus faibles, dans la spirale de la carte de crédit pour la consommation courante et des prêts hypothécaires pour acquérir un logement (prêts de différentes qualités selon la nature des emprunteurs; prime pour les riches, Alt-A pour les classes moyennes, subprime pour les plus pauvres). C’est donc l’augmentation des inégalités de revenus depuis près de 30 ans, qui a conduit, en particulier aux Etats-Unis, à développer une demande nourrie par l’endettement des salariés, elle-même garantie sur la valeur des bien achetés avec cette dette.

Le financement des dettes a été la seule bouée de sauvetage

pour les centaines de milliers de travailleurs américains mal payés – y compris dans les classes moyennes - pour conserver leur niveau de vie et acquérir leur propre habitation. C’est ensuite sur ce besoin sans cesse croissant de s’endetter que les institutions financières et les «initiés» ont prospéré. De nouveaux acteurs sont apparus (hedge funds, private equities,…).

Ils ont créé à leur tour, grâce aux nouvelles technologies, des nouveaux mécanismes d’endettement, basés sur des instruments sans cesse plus sophistiqués, que plus personne ne comprenait réellement et contrôlait encore moins (on vise ici tous ces mots aux consonances étranges comme titrisation, produits dérivés, CDO, CDS, monolines, credit default swaps,…). Cet endettement était garanti sur les biens immobiliers. Ce système a pu fonctionner tant que les prix de l’immobilier augmentaient.

Dans le même temps, les entreprises se sont endettées elles aussi et ont utilisé des moyens de plus en plus risqués. Des dirigeants et financiers rachetaient des entreprises avec très peu de capital et beaucoup d’emprunt, en imposant à l’entreprise achetée une rentabilité de l’ordre de 20% par an, très supérieure à ce qu’elle

rapporte naturellement. Et ceci afin de permettre aux nouveaux propriétaires de rembourser rapidement les emprunts qu’ils avaient contractés pour acheter l’entreprise. Les conséquences ne se firent pas attendre: recentrage des activités vers les segments plus rentables, réduct ion de l ’emploi et parfois, à terme, disparition de l’entreprise.

La spirale fol le était en place… jusqu’à l’aveuglement. Jusqu’au moment où quelques personnes se sont rendu

L’augmentation des inégalités de revenus depuis près de 30 ans, a conduit, en particulier aux Etats-Unis, à développer une demande nourrie par l’endettement des salariés

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compte que la machine tournait à vide, que les acteurs financiers – y compris les banques et les compagnies d’assurance traditionnelles - devenaient de moins en moins transparents, que les mécanismes de régulation ne régulaient plus rien, que les contrôles mis en place étaient inefficaces, que les agences de notation ne pouvaient pas jouer leur rôle correctement puisqu’elles étaient juge et partie à la fois. Enfin, les rémunérations exorbitantes des dirigeants de ces entreprises étaient basées sur une vision de profits à court terme, privilégiée par rapport à une stratégie de long terme.

Les prix pratiqués dans l’immobilier sont devenus absurdes et totalement déconnectés de la réalité et certains «initiés» ont décidé de sortir du marché en le faisant savoir. L’euphorie s’est vite transformée en peur, puis en panique. Les prix de l’immobilier ont commencé à baisser et lorsqu’il est apparu que de plus en plus de ménages américains n’étaient plus capables de rembourser leur emprunt, le système s’est écroulé comme un château de cartes.

La crise financière «made in USA» a vite fait de se répandre dans le monde entier, et en particulier en Europe, à travers les institutions financières. Elle s’est propagée, ensuite, à l’économie réelle.

L’aveuglement idéologique du capitalisme casino

Nombreux pourtant sont ceux qui ne veulent rien changer en profondeur et souhaitent revenir à une « normalité » après avoir corrigé quelques «excès» du système capitaliste, excès qu’ils reconnaissaient du bout des lèvres. On peut les comprendre. Ceux qui ont profité du système voudraient que cela recommence comme avant.

Il faut pourtant partir du point de départ suivant: cette faillite n’est pas le produit de quelques excès, elle est le résultat logique du système mis en place, elle est la conclusion inéluctable du fonctionnement «normal» du système mis en place, d’une accumulation d’erreurs qui ont été faites au cours des 30 dernières années.

Il faut donc changer de paradigme, transformer les bases du modèle économique, si nous voulons résoudre la crise actuelle et éviter la prochaine. La voie est ouverte à une nouvelle politique. Nous avons encore bien du pain sur la planche si nous voulons que cette crise inaugure un tournant pour; • remettre à l’agenda politique et social des

valeurs comme la solidarité et l’égalité• concrétiser un rôle renouvelé et puissant pour

les pouvoirs publics• défendre un nouveau modèle de croissance

qui ne considère plus les salaires comme un ennemi de l’innovation et d’une croissance durable puissante,

• offrir aux allocataires sociaux actuels et aux générations futures une sécurité sociale capable de faire face aux effets du vieillissement et préservant davantage d’emplois par un financement intelligent.

Pour cela, il faudra poser des choix clairs, sortir de l’impasse actuelle, s’opposer à ceux qui veulent proposer les vieilles recettes libérales, afin d’empêcher la mise en place d’une nouvelle politique.

Cette faillite n’est pas le produit de quelques excès, elle est le résultat logique du système mis en place

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Il suffit de voir dans notre pays ceux qui se présentent, au nord comme au sud, comme les partis anti-establishment mais qui défendent, en réalité, le libéralisme le plus radical. Les Jean-Marie Dedecker et autres Rudy Aernoudt ne sont pas tant des populistes anti-démocratiques que des libéraux radicaux qui reprennent des slogans que n’auraient pas reniés les Ronald Reagan, Bush et Thatcher des années 80 contre l’Etat, les impôts, la régulation, les salariés, les allocataires sociaux,… Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait beaucoup de points communs avec les partis libéraux traditionnels. Ne sont-ce pas des élus MR et Open VLD – dont certains anciens baby-Thatcher - qui préconisent de sortir de la crise par de nouvelles réductions fiscales, de nouvelles baisse des cotisations sociales pour les entreprises, de nouvelles lois Monory-Declercq (achats d’actions fiscalement déductibles) pour relancer la Bourse, des aides au système bancaire sans aucune contrepartie pour l’Etat et sans garantie pour l’emploi,….?

Les dangers d’un agenda caché

A côté de cela, leur bilan gouvernemental est désastreux. Prenons le Ministère des Finances. A un moment, où les finances publiques demandent plus que jamais rigueur de gestion et professionnalisme, de plus en plus d’observateurs s’accordent pour juger qu’une politique systématique a été appliquée par le Ministre pour désorganiser le département des Finances. La récolte des recettes aujourd’hui en Belgique ne répond plus aux principes d’équité élémentaire de la capacité

contributive qui veut que chacun contribue en fonction de ses capacités financières; dans de nombreuses villes et communes, les entreprises et les indépendants ne sont pratiquement plus contrôlés. Les recettes fiscales n’entrent plus et les citoyens ne sont plus égaux devant

l’impôt. Selon qu’ils seront simples salariés ou allocataires sociaux ou bien détenteurs de capitaux, indépendants ou entreprises, ils seront mis à contribution ou pas. De même, la surestimation permanente des recettes fiscales – selon le sacro-saint principe libéral que la diminution d’impôts engendrera spontanément une augmentation des recettes fiscales (?) – a conduit l’Etat à devoir se passer des moyens nécessaires pour faire face à la crise et au coût du vieillissement de manière efficace.

Une question mérite d’être posée; les libéraux ne suivent-ils pas délibérément une politique de pourrissement de la situation budgétaire pour

dire, après les élections, qu’il n’y a pas d’autre solution que de pratiquer des coupes sombres dans la sécurité sociale et les dépenses publiques en général? Comment comprendre, sinon, la désorganisation du Ministère des Finances et l’absence de lutte contre la fraude fiscale depuis l’arrivée de Didier Reynders et ce malgré l’instauration d’un Secrétariat d’Etat qui en porte le nom? Selon certaines sources, le coût de l’économie souterraine a représenté, rien que pour l’année 2007, 60 milliards d’euros, ce qui a entraîné un manque de recettes publiques de l’ordre de 30 milliards d’euros !

Après les élections régionales et européennes de juin 2009, certains agendas pourraient concorder:• l’agenda des

libéraux,• l’agenda des

nationalistes,• l’agenda des

employeurs

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N’est-il pas étonnant que des Ministres libéraux et la FEB réclament de réduire le déficit public d’un milliard par an en réduisant le nombre de fonctionnaires de près de 30.000 unités? Selon eux, les services publics pourraient travailler efficacement si on réduisait leurs effectifs de 27.000 unités ! Ils ne précisent pas dans quels services; les pompiers? Les services de police? Le personnel enseignant? Le personnel infirmier? Les puéricultrices?

Ainsi, après les élections régionales et européennes de juin 2009, certains agendas pourraient concorder;• l’agenda des libéraux, qui souhaitent faire

des coupes sombres dans les effectifs des services publics et dans la sécurité sociale, qui veulent étendre les assurances privées et les réductions fiscales linéaires ;

• l’agenda des nationalistes, qui invoqueront l’affaiblissement du budget fédéral pour qualifier d’inéluctables d’importants transferts de compétences vers les régions;

• l’agenda des employeurs, qui voient la diminution de l’emploi dans le secteur public comme le seul moyen de maintenir une marge politique sur le plan fédéral, mais qui, dans le même temps, n’hésitent pas à réclamer encore plus de réductions d’impôts et de cotisations sociales.

Non au nationalisme, au protectionnisme et au dumping social

A côté de ces agendas cachés, un autre danger menace. Les tentations nationalistes et populistes guettent et les discours simplistes trouvent toujours chez certains des échos favorables dans les moments difficiles. Les vieux démons des années 30 sont toujours prêts à

ressurgir. Le mouvement syndical doit rappeler fermement qu’il s’oppose avec détermination à tous ceux qui voudraient utiliser ces subterfuges pour opposer les travailleurs entre eux, surtout qu’ils souffrent déjà de la globalisation néo-libérale.

Comme l’a indiqué récemment la conférence européenne de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à laquelle nous avons activement participé, il convient de «rester extrêmement vigilants face aux risques d’une résurgence de réactions politiques consécutives à la montée du chômage et de l’exclusion sociale qui pourraient prendre la forme de haines raciale et religieuse, de discriminations à l’encontre des immigrants ou des minorités ethniques, de harcèlement des représentants syndicaux et de politiques économiques protectionnistes qui aggraveraient la crise.»

Pour nous, le meilleur moyen de combattre ces menaces, c’est d’instaurer une véritable coopération aux niveaux européen et mondial entre les Etats pour résorber la crise. Sur le plan européen, la coordination des politiques économiques doit passer à une vitesse supérieure pour assurer une croissance durable.

Au lieu de se faire la concurrence à travers des baisses d’impôts sur les bénéfices et les revenus du capital, il faut obtenir une harmonisation

fiscale européenne (taux minimum de 30% pour l’impôt des sociétés et élargissement de la directive épargne) afin de donner des marges budgétaires supplémentaires et aider à financer ainsi un plan de relance européen coordonné.

Instaurer une véritable coopération aux niveaux européen et mondial

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Il faut en même temps lutter contre le dumping social qui conduit les travailleurs à se dresser les uns contre les autres. Il faut réaffirmer haut et fort la nécessité d’appliquer le principe de base «à travail égal, salaire égal», principe dernièrement bafoué par l’Europe à travers plusieurs arrêts de la Cour Européenne de Justice (cas Laval, Viking et Rüffert). C’est pourquoi nous demandons, avec l’ensemble de la Confédération Européenne des Syndicats, une révision de la directive sur le détachement des travailleurs et l’inclusion d’un protocole de progrès social dans les traités européens.

Pour éviter que les travailleurs soient mis en concurrence entre eux, la Confédération Européenne des Syndicats doit renforcer la coordination salariale entre ses membres. Les travailleurs allemands ont été amenés à accepter

depuis bientôt 10 ans une évolution très faible des salaires qui a entraîné une spirale à la modération salariale dans les autres pays européens. Autrement dit, une meilleure coordination salariale en Europe devrait se traduire, en ce moment, par des hausses de salaires significatives en Allemagne afin de stimuler la demande européenne.

Renforcer la coordination salariale entre ses membres

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Pour éviter ces dérives, il faut privilégier la coopération et la cohésion entre les

différents acteurs et surtout pratiquer une rupture avec tout ce qui s’est pratiqué ces 30 dernières années. Une autre politique est possible. Un autre projet de société est possible.

Il existe un programme syndical et progressiste pour sortir de la crise financière et permettre une période de croissance durable grâce à une alliance conciliant relance de la demande, respect de l’environnement et création d’emplois dans de nouvelles filières de production. Une politique de relance de la demande qui tienne compte des nouveaux défis dus aux changements climatiques sans oublier les défis sociaux, comme le vieillissement de la population. Une relance où besoins sociaux et défis environnementaux peuvent se rencontrer efficacement pour le bien de tous.

Un nouveau rôle régulateur pour les pouvoirs publics

Au cours des trente dernières années, les néolibéraux ont systématiquement mis en cause le rôle des pouvoirs et des services publics. Aujourd’hui, tout le monde, y compris ces mêmes libéraux, fait la file pour demander l’intervention des pouvoirs publics en vue de sauver les banques. Mais y a-t-il unanimité sur le rôle nouveau des pouvoirs publics? Loin de là. Les libéraux et les employeurs considèrent cette intervention uniquement comme une phase

transitoire en période de crise, alors que nous souhaitons jeter les bases d’un nouveau départ pour le secteur public qui doit jouer un rôle de choix en tant que régulateur et prestataire de services.

En effet, la qualité d’une société est étroitement liée à la qualité de ses services publics: soins de santé, transports publics, enseignement, accueil des personnes âgées…. Une fiscalité équitable doit garantir l’accessibilité financière de ces services à tous. Les services publics sont dès lors essentiels pour assurer l’égalité des citoyens. Il faut donc rétablir le rôle régulateur des services publics par l’instauration d’un contrôle du secteur financier, des prix de l’énergie, de l’environnement, de la politique industrielle, …

Réformer le système financier international

Les marchés internationaux ont démontré leur incapacité à s’autoréguler. le système financier international doit être réformé en profondeur et les déséquilibres économiques fondamentaux de l’économie mondiale doivent être corrigés.

Une autre politique est possible

Un autre projet de société est possible!

Le secteur public doit jouer un rôle de choix en tant que régulateur et prestataire de services

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La Belgique a un rôle à jouer, évidemment, mais ce rôle ne peut que s’inscrire dans une réponse européenne et internationale. La Belgique se doit de prendre des mesures – avec les autres Etats membres de l’eurozone sinon de l’Union européenne - pour améliorer sa gestion monétaire et le contrôle prudentiel de ses institutions bancaires et financières et des assurances.

De nombreuses réunions politiques sur le plan international et européen (FMI, G20, Banque des Règlements Internationaux, Eurogroupe,…) se succèdent ces derniers mois pour essayer d’éteindre le feu et surtout fixer de nouvelles règles de surveillance et de gouvernance destinées à éviter toute répétition dans le futur.

Ce qui pour nombre de personnes relevait de la pure utopie il y a encore moins d’un an se discute aujourd’hui très sérieusement dans les cénacles officiels; régulation et surveillance des acteurs, transparence des flux financiers, taxation des spéculations financières, sanct ions des faut i fs… Comme après la seconde guerre mondiale, la nécessité apparaî t de créer tout simplement une architecture économique et financière mondiale plus exigeante, où l’OIT devra pouvoir jouer un rôle accru, pour mieux intégrer la dimension sociale de la mondialisation.

Nous agissons dans ce dos-sier et participons activement, avec l’ensemble du mouvement syndical international et euro-

péen et les ONG progressistes, afin de faire entendre les travailleurs et les «sans-voix» dans ce concert pour le mo-ment fort chaotique.

Relancer la demande pour une nouveau projet de société

Tout en travaillant à la reconstruction d’un système finan-cier international,

il ne faut cependant pas perdre de vue que l’urgence numéro un, à court terme, c’est la re-lance de la demande à travers la consommation des ménages et l’investissement des entrepri-

ses et des pouvoirs publics.

Nous voilà donc revenus aux recettes keynésiennes. L’idée centrale de Keynes, émise lors de la crise des années 1930, était simple; les économies modernes peuvent souffrir d’un manque de demande persistant, entraînant un chômage inutile et in fine la misère. Il faut donc que les Gouvernements stimulent la demande pour relancer la machine. Avec une nouveauté essentielle par rapport aux années 30; le respect de la planète sur laquelle nous vivons. C’est-à-dire un plan de relance durable.

Il faut frapper vite, fort et de manière coordonnée si on veut éviter que la récession ne

Les Gouverne-ments doivent stimuler la demande pour relancer la machine. Avec une nouveauté essentielle par rapport aux années 30: le respect de la planète sur laquelle nous vivons

Régulation et surveillance des acteurs, transparence des fl ux fi nanciers, taxation des spéculations fi nancières, sanctions des fautifs…

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se transforme en dépression. Des mesures devraient être prises à court terme pour la consommation et l’investissement tant dans le secteur privé que public. Le système bancaire a un rôle important à jouer dans cette reprise. Il doit non seulement être stabilisé mais les plans de relances doivent être liés à des engagements concrets. Il ne faut pas seulement sauver l’emploi mais les banques doivent également coopérer activement à la relance. La baisse des taux d’intérêts par la Banque Centrale Européenne doit se traduire en une baisse des taux proposés aux entreprises et aux ménages et non dans une reconstitution des marges bénéficiaires des banques au profit des actionnaires.

L’excès de prudence pourrait déboucher sur une situation où les plans de relance n’auraient plus aucun effet, car plus aucun acteur économique n’aurait confiance; les ménages ne consommeraient plus, les institutions bancaires ne prêteraient plus, les entreprises n’investiraient plus,…un tel scénario nous plongerait dans une crise dont il faudrait probablement mettre plus de 10 ans à sortir.

Evidemment, un telle politique de relance – notamment à travers de grands projets d’investissement - ne peut pas se faire seuls dans notre coin. Mais là n’est pas le problème. Tous les pays se sont déjà lancés dans des plans de relance. Le problème majeur est la cohésion entre eux. La responsabilité première se trouve de l’autre côté de l’Atlantique. La crise actuelle est née aux Etats-Unis. Elle sera d’abord et avant tout résolue aux Etats-Unis.

Mais la coopération internationale est plus que jamais nécessaire. Cette coopération démarrera inévitablement au sein des pays industrialisés. Mais la solidarité avec les pays en voie de développement, la protection de l’environnement et les objectifs climatiques

devront avoir une place prioritaire dans les plans de relance.

Alliance belge pour une croissance durable…

La relance doit être concertée au moins sur le plan européen, sinon mondial.

Mais la Belgique doit utiliser ses marges de manœuvres nationales. Ici se situent nos propositions pour rétablir la croissance dans une perspective durable. Nous avons proposé depuis octobre 2008 une alliance qui entend soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs, améliorer la protection sociale, réduire les inégalités et mieux protéger l’environnement. Une partie de notre programme a été réalisée à travers l’accord interprofessionnel exceptionnel pour 2009-2010.

Ce plan traduit nos préoccupations permanentes pour améliorer le pouvoir d’achat et la structure économique de la Belgique. Ceci permet de renouer avec les revendications de réforme de

Ce plan traduit nos préoccupations permanentes pour améliorer le pouvoir d’achat et la structure économique de la Belgique... et pour approfondir la démocratie économique

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structure que nous avons lancées il y a plus de 50 ans pour avoir une prise sur la politique d’investissements et d’approfondir la démocratie économique. Les flux d’investissement doivent être réorientés afin que les mesures à court terme deviennent une première étape vers une structure de l’économie plus soucieuse de l’environnement à moyen terme. Une telle stratégie doit se préoccuper d’un sortie de crise qui soit environnementalement durable et socialement juste. Ceci signifie donc investir dans l’innovation énergétique pour le logement et le transport public, l’infrastructure durable, les énergies renouvelables , l’épuration de l’eau,…

Dans un premier temps, l’alliance pour l’emploi et l’environnement peut se concrétiser dans l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc de logement. Ceci contribuerait à relancer un secteur intensif en main-d’œuvre, à créer de l’emploi, à émettre moins de gaz à effet de serre et à alléger la facture énergétiques des ménages, en particulier des plus faibles.

Ensuite, nous voulons continuer à promouvoir une politique qui réinvestit ses bénéfices dans la R&D publique et privée, l’innovation, l’enseignement, la formation tout au long de la vie efficace et de haut de gamme, du haut

en bas de l’échelle sociale et pour toutes les niveaux de qualification. Une politique qui s’avance dans les nouvelles technologies sans oublier son industrie existante et qui s’appuie sur des services publics forts, efficaces et correctement financés.

…plus que jamais d’actualité

L’actualité, depuis le lancement de ce plan en octobre 2008, a été riche en rebondissements en Belgique. L’approfondissement de la crise appelle pour nous une série de mesures complémentaires, qui mettent en pratique nos objectifs de solidarité tout en s’adaptant à la réalité économique et sociale. A côté de notre plan de relance, nous demandons des mesures complémentaires pour aider les victimes de la crise;

• l’évolution des finances publiques doit être surveillée avec une attention soutenue. La gestion calamiteuse de l’administration des finances par le Ministre Reynders doit cesser. La perception de l’impôt doit devenir plus efficace et la lutte contre la fraude fiscale renforcée. A l’heure où une coordination européenne des politiques économiques montre toute sa nécessité, la fiscalité doit revenir à l’avant-plan de l’agenda politique avec la lutte contre les paradis fiscaux et la meilleure répartition de la charge fiscale. Nous devons nous atteler immédiatement à une meilleure perception de l’impôt et au renforcement des moyens de fonctionnement de l’administration fiscale. La Belgique devrait à cet égard prendre exemple sur le reste de l’Europe et supprimer les anachronismes que sont le secret bancaire et les intérêts notionnels. Le système fiscal doit devenir plus équitable grâce à une meilleure taxation des revenus du capital, et à l’introduction d’un impôt sur les grosses fortunes

Une meilleure perception de l’impôt et un renforcement des moyens de fonctionnement de l’administration fi scale

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• Les vicissitudes du système bancaire belge sont une opportunité pour créer une banque publique capable de garantir l’emploi, de maintenir le centre de décision en Belgique et de mener une stratégie de long terme grâce à la réorientation de l’épargne vers des projets à vocation économique, sociale et environnementale. La crise a impliqué une baisse importante de la valeur du portefeuille de nombreux fonds d’épargne-pension. Notre alliance pour une croissance durable propose la création d’un fonds de solidarité permettant d’héberger des cotisations pour les 2ème et 3ème piliers des pensions (pensions complémentaires). Cette alternative permet d’éviter que cet argent ne soit versé dans des projets à haut risque. Il serait au contraire assuré d’un rendement fixe et canalisé vers le financement de projets utiles à la société. Pour nous, cette proposition doit être vue dans le cadre d’une vision globale sur les pensions, pour lesquelles nous continuons à donner priorité à l’amélioration des pensions légales (1er pilier). Dans le cadre du 3ème pilier, la réorientation des investissements peut être liée au démantèlement de l’incitant fiscal pour les personnes qui ne s’inscriraient pas dans le nouveau système. Les recettes ainsi obtenues par le démantèlement de cet incitant fiscal pourraient alors être utilisées pour améliorer la pension légale (1er pilier).

• La réduction collective du temps de travail et la semaine des quatre jours avec maintien du salaire constituent des alternatives aux propositions de certains d’élargir les mesures du chômage économique aux employés.

• Une sécurité sociale efficace reste la meilleure protection pour les victimes de la crise et pour permettre de rebondir lorsque celle-ci sera passée ; c’est pourquoi nous proposons de prolonger la mesure transitoire prise pour les personnes qui viennent de perdre leur emploi et qui, depuis le 1er octobre 2008, bénéficient d’un relèvement du plafond de 300 €. Cette mesure qui pour les premiers bénéficiaires devrait s’achever au 1er avril 2009 doit être prolongée d’au moins 6 mois. Le financement de la sécurité sociale doit être assuré à moyen et long terme par plus d’emplois et des emplois de qualité, un nouveau modèle de croissance économique et des moyens supplémentaires, à travers l’introduction d’une Cotisation Sociale Généralisée.

• Il faut augmenter les moyens pour assurer un véritable accompagnement des chômeurs vers des emplois de qualité et ne pas faire la chasse aux chômeurs

Démocratie économique

Nous, les travailleurs, ne sommes pas responsables de cette crise. Pour en sortir, et ce d’une manière durable, il faut créer un rapport de force et défendre nos propositions. C’est pourquoi nous nous inscrivons pleinement dans les plans d’actions syndicales aux niveaux européen et international, en vue d’arriver aux réformes profondes souhaitées.

La réduction collective du temps de travail et la semaine de quatre jours

Une sécurité sociale effi cace

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En Belgique, nous voulons nous impliquer dans la mise en pratique d’une alliance pour une croissance durable. Pour cela, nous interpellons; • le gouvernement belge (pour

mettre en place un fonds de solidarité et une meilleure justice fiscale)

• les gouvernements régionaux (pour développer l’’innovation dans l’industrie et l’énergie)

• les employeurs (au niveau interprofessionnel, sectoriel et au sein des entreprises) sur leur capacité à dévelop-per des stratégies innovantes visant à renforcer la structure économique et l’emploi et donc à rendre compte de l’usage qu’ils ont fait des efforts importants que les travail-leurs et le gouvernement ont consentis pour

eux (réductions de cotisations sociales, réductions fisca-les,…)

Pas de défaitisme

La situation est grave. Nous ne devons pas nous voiler la face.

Mais l’heure ne peut pas être au défaitisme. Pas question de nous croiser les bras et d’attendre

que ceux-là même qui nous ont amenés dans l’impasse actuelle nous concoctent quelque ravalement de façade sans changer l’ensemble de la structure. Plus que jamais, nous devons mettre en avant nos alternatives. Avec conviction.

Pour nous, la volonté et l’action sont plus que jamais de rigueur pour transformer la déroute actuelle en marche en avant pour la solidarité et l’égalité !

Créer un rapport de force et défendre nos propositions

Pas de chasse aux chômeurs

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Editeur responsable : Rudy De Leeuw

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