Embed Size (px)
Citation preview
La France qui nous
rassembLe
Axel Maugey
Et si les Français reprenaient confiance en eux ?
L’évolution de la société actuelle pose question. Encore faut-il se
demander ce qu’est la France aujourd’hui. De ne pas poser cette
question, nous nous condamnons à voir se creuser les fractures.
De ne pas proposer à tous les Français, quelles que soient leurs
origines et leurs opinions, l’adhésion à une identité nationale dans
laquelle ils peuvent tous se reconnaître, nous nous préparons à un
pays rongé par l’incompréhension mutuelle. Que faire pour éviter
ce grand écart ? Il faut réinvestir et réinventer un espace commun
au service de la liberté, affirmer en priorité ce qui nous rassemble,
au-delà de nos diversités.
La France qui nous
rassembLe
Axel Maugey, docteur de la Sorbonne, est un éminent universitaire qui a enseigné très longtemps à McGill au Canada, en Italie, en France et au Japon. Essayiste, professeur d’université, spécialiste de la francophonie mondiale, conférencier international, ancien correspondant du Figaro au Canada, Axel Maugey témoigne de l’aventure multiple des francophones et des francophiles dans une trentaine d’ouvrages. En 2006, il reçoit un Grand Prix, médaille de vermeil, de l’Académie française.
La
Fr
an
ce qu
i nou
s ra
sse
mb
Le
Axe
l Mau
gey
17 E
Couverture : © Studio Eyrolles © éditions EyrollesPhotographie : David Ramos © Getty Images / AFP C
ode
édite
ur :
G56
272
ISB
N :
978-
2-21
2-56
272-
9
G56272LaFranceQuiNousRassemble-1.indd 1 22/03/16 17:11
La France qui nous
rassembLe
Axel Maugey
Et si les Français reprenaient confiance en eux ?
L’évolution de la société actuelle pose question. Encore faut-il se
demander ce qu’est la France aujourd’hui. De ne pas poser cette
question, nous nous condamnons à voir se creuser les fractures.
De ne pas proposer à tous les Français, quelles que soient leurs
origines et leurs opinions, l’adhésion à une identité nationale dans
laquelle ils peuvent tous se reconnaître, nous nous préparons à un
pays rongé par l’incompréhension mutuelle. Que faire pour éviter
ce grand écart ? Il faut réinvestir et réinventer un espace commun
au service de la liberté, affirmer en priorité ce qui nous rassemble,
au-delà de nos diversités.
La France qui nous
rassembLe
Axel Maugey, docteur de la Sorbonne, est un éminent universitaire qui a enseigné très longtemps à McGill au Canada, en Italie, en France et au Japon. Essayiste, professeur d’université, spécialiste de la francophonie mondiale, conférencier international, ancien correspondant du Figaro au Canada, Axel Maugey témoigne de l’aventure multiple des francophones et des francophiles dans une trentaine d’ouvrages. En 2006, il reçoit un Grand Prix, médaille de vermeil, de l’Académie française.
La
Fr
an
ce qu
i nou
s ra
sse
mb
L
G56272LaFranceQuiNousRassemble-1.indd 1 22/03/16 17:11
LA FRANCE QUI NOUS RASSEMBLE
Groupe Eyrolles 61, bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05
www.editions-eyrolles.com
Composition : Soft Office (38)
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploita tion du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
© Groupe Eyrolles, 2016 ISBN : 978-2-212-56272-9
AXEL MAUGEY
La France QUI NOUS RASSEMBLE
Et si les Français reprenaient confiance en eux ?
Dédicace
Je dédie ce livre au regretté Jean Cassou du musée de l’Homme,
un compagnon de la Libération, au résistant Edgar Morin,
à la courageuse Latifa Ibn Ziaten, à toutes les victimes des assassins ;
au délicieux Henri Salvador, à l’étonnant Fabrice Luchini,
un virtuose de la langue française, à Yvon Gattaz
… Et à Jean d’Ormesson, un maître de l’esprit français.
Je tiens à remercier tout particulièrement mon éditrice, Marguerite Cardoso,
qui m’a prodigué d’excellents conseils pour la réalisation de cet essai qui me tient tant à cœur.
J’ai également une grande reconnaissance pour Elodie Ther, lectrice très avisée.
7
Sommaire
Dédicace..................................................................................................... 5
Introduction............................................................................................ 9
Partie 1LE MALAISE FRANÇAIS
Chapitre 1Le vif désir de francité .............................................................. 17
Chapitre 2« Des élites sans boussole » ................................................. 45
Chapitre 3L’exil des Français ......................................................................... 63
Partie 2PEUT-ON ENCORE ÊTRE FRANÇAIS ?
Chapitre 1Quels droits pour quels devoirs ? .................................. 85
Chapitre 2L’insurrection des sans politique ................................... 103
Chapitre 3« Pour un renouveau français : les raisons d’espérer » ................................................................ 123
La France qui nous rassembLe
8
Partie 3L’ÉCONOMIQUE ET LES RELATIONS
INTERNATIONALES EN LIGNE DE FRONT
Chapitre 1La redécouverte de l’importance de l’économie .......................................... 163
Chapitre 2La France au cœur du choc des empires ............. 205
Conclusion ............................................................................................... 259
Bibliographie ........................................................................................ 267
Notes .............................................................................................................. 273
9
Introduction
Ce livre a été écrit mû par une nécessité, celle de répondre à ceux qui dénigrent systématique-ment la France (avec des arguments souvent fallacieux) en essayant bien sûr de faire la part des choses, en proposant une réflexion positive pour sortir de cet univers labyrinthique, afin de nous tourner vers l’action et ce après avoir présenté l’état « réel » de notre société.
Il est paradoxal que notre pays et notre civili-sation qui sont appréciés dans de nombreux lieux du monde soient si souvent vilipendés en France même par des commissaires politiques qui s’ar-rogent le droit de condamner pour un oui ou pour un non, ou de s’emparer de la parole avec arro-gance, soi-disant au nom de tous.
Notre peuple qui a tant apporté au monde dans les domaines les plus divers doit sans cesse battre sa coulpe depuis des années. Manquerions-nous de fierté et de courage ? Ne sommes-nous pourtant pas les descendants des créateurs des Lumières ?
Il serait grand temps de confondre les faussaires prêts à sacrifier notre nation pour de multiples raisons, souvent obscures.
La France qui nous rassembLe
10
Rien n’est parfait certes dans notre République, loin de là, concédons-le volontiers. Nul doute que de nombreuses erreurs et fautes ont été commises au nom de notre civilisation, mais presque toujours une réaction de notre peuple « mobile, incertain et contradictoire », pour reprendre la fameuse formule du général de Gaulle, a permis de corriger les excès et de revenir aux principes fondamentaux de l’humanisme.
En effet, notre pays, comme l’a si bien analysé le résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « après l’hémorragie physique de 14/18 et l’hémorragie mentale de l’entre-deux-guerres, n’avait pas la force biologique de faire une seconde guerre mondiale1 ». Tout est résumé dans cette analyse et explique en partie l’état de notre société aujourd’hui et de son manque de francité.
Cette « force biologique » n’ayant pas été suffisamment rétablie par le renouveau des nais-sances après la Seconde Guerre mondiale, il a été nécessaire d’accueillir de nombreux immigrants, lesquels en cinquante ans ont transformé le visage de la société française.
Face aux nombreux défis de la modernité, les réponses ont été visiblement insuffisantes, voire dans certains cas inadaptées. Accuser sans cesse, au fil du temps, la France et son peuple des pires maux alors qu’il avait été saigné à blanc
introduCtion
11
est non seulement malhonnête mais destructeur psychologiquement.
Et, selon nous, c’est parce qu’il a été saigné à blanc et donc « incapable en partie de se défendre » qu’il est vilipendé ainsi. On lui refuse le droit de se défendre.
Ces attaques orchestrées contre notre peuple, « celui des origines », et contre notre civilisation depuis quarante ans méritent d’être examinées. Certains élus au sein de ministères régaliens jouent parfois aux apprentis-sorciers, en dénigrant à l’oc-casion les Français qui cherchent les chemins de l’exil, lassés par la situation actuelle.
Une question que se posent de plus en plus de catholiques, de protestants, de juifs, de musulmans et de citoyens croyants ou non, est la suivante : peut-on encore être français au xxie siècle ?
Devant un tel phénomène qui s’accroît, devant une telle angoisse réelle, le temps est venu d’es-sayer d’y voir plus clair avec l’aide des travaux d’historiens parmi les plus sérieux.
Comment pouvons-nous espérer continuer à être français à l’avenir, en dépit des obstacles ?
L’heure est assurément grave. Par bonheur, l’existence de forces démocratiques véritables dans notre société forme un contrepoids appré-ciable, face à ceux qui souhaitent nous entraîner dans des aventures risquées.
La France qui nous rassembLe
12
Au cœur de cette France contemporaine, au sein de laquelle on assiste à un brouillage des idéologies, il serait temps de revenir enfin aux fondamentaux, c’est-à-dire aux leçons souveraines de la culture et à celles de l’économie de marché pour rendre confiance aux habitants de notre pays, pleins de qualités, capables de créer des richesses.
Dans ce vaste monde, a priori, personne n’at-tend la France pour continuer à se développer, mais après avoir écrit cela, on peut constater que dans beaucoup de lieux de notre planète on aime avoir des nouvelles de la France, accueillir nos concitoyens, recevoir nos produits et multiplier avec nous les échanges dans de très nombreux domaines.
Au sein de la classe politique, qui permettra au peuple français de mieux avancer ? Un meil-leur avenir est tout à fait possible à condition que les élus de la République aient non seulement le courage mais aussi l’intelligence de remettre de l’ordre ici et là, d’apaiser les communautés (et de refuser le communautarisme) lesquelles ont le devoir d’accepter les lois de la République et de se plier aux décisions de justice.
L’esprit de Voltaire qui a soudain soufflé, en janvier 2015, devrait continuer à nous inspirer puisque l’exemple de son œuvre, tournée vers la liberté, nous apprend à mieux penser la réalité,
introduCtion
13
à débattre, à nous remettre en question. Avec Voltaire et beaucoup d’autres esprits de qualité, il faut accepter de vivre une sorte d’ébranlement permanent.
Cette France pleine de promesses qui existe depuis longtemps, nous avons, nous descendants d’un pays plus que millénaire, et nous, nouveaux venus porteurs de rêves et pleins de dynamisme, nous avons à la faire mieux connaître, afin de partager ce qu’elle offre de meilleur.
Et ce meilleur, on le trouve dans de magni-fiques exemples chez ceux notamment qui, en cette année 1940, terrible année de l’effondrement de la France, à la fois si lointaine et si proche de nous, ont refusé de s’agenouiller devant les nazis. Comme ce militaire français de confession musulmane qui a refusé de s’agenouiller devant son assassin islamiste.
Qu’aurions-nous fait en 1940 ? Que voulons-nous faire aujourd’hui devant autant de manquements au bien commun, à l’intégrité de la personne humaine et à la difficile fraternité ?
Le pari de l’ouverture s’impose à nous. Il en va de l’avenir de la France, de notre image, de notre rayonnement futur. Il en va de l’avenir de notre pays qui a tant d’atouts pour lui, souvent inexplorés, délaissés, voire rejetés par certains
La France qui nous rassembLe
14
responsables oublieux de notre génie, pourtant réel. Tant de réussites le prouvent.
Un seul objectif possible apparaît pour notre prochain « raid » qui démarre tout de suite : celui du renouveau de la France et de la francité. C’est ce que nous vous proposons dans ce livre, une boussole à la main.
Partie 1
LE MALAISE FRANÇAIS
17
Chapitre 1
Le vif désir de francité
Il est curieux que les causes du malaise français soient si peu mises en perspective aujourd’hui.
Elles remontent pourtant à au moins 150 ans. Depuis un siècle et demi, la France a été envahie trois fois, en 1870, en 1914 et en 1940. En 1914, elle a su se ressaisir à temps mais ce ne fut ni le cas en 1870, ni en 1940.
Plus tard, elle a été meurtrie en Indochine, puis en Algérie.
Comme le souligne Pierre Servent, « La France est en décalage horaire sur son temps militaire ». Et l’essayiste d’ajouter : « Une certaine arrogance, une bonne dose d’indolence, une forme d’amateurisme ne seraient-elles pas l’ennemi intérieur de cette fière nation1 ? »
La disparition brutale de tant d’hommes fran-çais durant la Première Guerre mondiale est une cause importante de notre état actuel. À l’époque, une population de 39,6 millions d’habitants a su mobiliser 8 millions d’hommes. Sur cet ensemble, 1,4 million d’entre eux ont été tués et 4 millions
La France qui nous rassembLe
18
blessés. Au total, plus d’un quart de la tranche d’âge des 18/27 ans a péri dans les tranchées. Deux tiers des familles françaises ont perdu un proche. À la fin de la guerre, on compte 1 million d’orphelins et 600 000 veuves. De tous les « grands pays » engagés dans cette effroyable tuerie, la France est celui qui a souffert le plus. Les pertes en tués, blessés, disparus et prisonniers s’élèvent en effet à 78 % des mobilisés contre 56 % pour l’Allemagne, pays bien plus fort à l’époque du point de vue démographique. Dès la première année de l’ouverture des hostilités, en 1914, la société française a déploré 300 000 morts.
La Grande Guerre a effacé non seulement un grand nombre de vies, mais aussi beaucoup de repères et de souvenirs. Ce premier cataclysme du xxe siècle a en réalité supprimé une partie de cette « francité » si chère au cœur des Français. Il explique à quel point ce terrible sacrifice humain subi lors de la Première Guerre mondiale a trau-matisé la France et causé sa perte en 1940. Il explique en partie la situation actuelle.
Le traumatisme lié aux pertes a été terrible au sein de la paysannerie, de la bourgeoisie et de l’aristocratie. Paradoxalement, le monde ouvrier est relativement moins touché car on a besoin de lui pour le fonctionnement des usines. Ce facteur
Le vif désir de franCité
19
explique en partie les multiples revendications et avancées des années 1930.
Malgré les bouleversements, la condition fémi-nine, elle, change peu en profondeur après le conflit.
Pour la France, la Grande Guerre fut une catas-trophe humaine, démographique et idéologique qui laisse des traces visibles et invisibles encore aujourd’hui.
Elle explique l’effondrement terrible de mai-juin 1940. On oublie que la France, de 1940 à 1945, a de nouveau perdu à peu près 400 000 hommes, sans parler des civils tués, des déportés et des blessés qu’ils soient civils ou militaires. Dans ce tableau cumulatif, reste à comptabiliser les pertes subies lors des aventures coloniales (tués, blessés, morts de maladie).
Pour résumer, de 1900 à 1962 (nous pourrions évoquer également les pertes sous la Révolution de 1789, celles lors des campagnes napoléoniennes et même celles subies lors de la guerre de 1870), les pertes pour la France sont énormes, trop importantes pour son tissu humain. Durant cette période, elle a donc vu périr au bas mot 2 millions d’hommes, lesquels, sur plusieurs générations, auraient pu enfanter au moins 5 millions de jeunes Français.
La France qui nous rassembLe
20
C’est Andréï Makine qui déplore avec raison que la France ne soit pas toujours à la hauteur de ses héros. Dans son livre2, il s’intéresse notamment à la Seconde Guerre mondiale et s’attarde sur les années de résistance. Nul doute que Makine en veut à la France de mettre en veilleuse l’honneur de ceux qui ont combattu.
À la suite de ces deux terribles conflits, faute de bras, d’hommes et d’énergie, la France a eu un vif besoin de faire venir de nombreux immigrés. Ces 5 millions de Français qui n’ont pas vu le jour ont été remplacés par bien plus de 5 millions d’im-migrants. Aussi avons-nous assisté, telle est la loi de la vie, en moins de cinquante ans à des transfor-mations profondes de notre pays. D’un côté, pèsent ceux qui manquent à l’appel et de l’autre ceux qui arrivent avec leur univers à eux souvent plein de richesses.
Si, au fil du temps, beaucoup d’immigrants se sont bien intégrés, ce dont on ne peut que se féliciter, d’autres, une minorité très active, en revanche, ont à présent des attitudes erratiques, voire parfois hostiles à l’endroit de notre nation. Il aurait été plus judicieux de mieux réguler, de mieux choisir et de mieux former cette immigra-tion. D’où un réel affaiblissement de la francité. Mais qu’est-ce que la francité ?
Le vif désir de franCité
21
La « francité » est un néologisme qui apparaît vers 1963 presque simultanément sous la plume de Jacques Berque à Paris et de Jean-Marc Léger, à Montréal. Mais c’est Léopold Senghor qui l’a employé le plus souvent.
Selon la définition du dictionnaire, ce mot exprime « la qualité de ce qui est français ».
Pour Senghor, ce concept est associé à la fran-cophonie, devenue une communauté spirituelle, une noosphère autour de la Terre.
Pour ce grand poète de la négritude, la francité exprime donc une communion des tenants de la langue française.
Dans cet essai, le concept de francité est utilisé pour témoigner de la passion pour la langue fran-çaise, le goût de l’histoire et le sens du savoir-vivre en français. Pour moi, ces trois éléments fonda-mentaux appartiennent au cœur même de la francité. Mais en plus, elle peut dans bien des cas dépasser l’espace français, en accueillant tous ceux qui enrichissent notre aventure commune. Ce concept s’inscrit donc au cœur du « donner et du recevoir » et rassemble tous ceux qui ont le désir de partager l’univers en français et ses multi-ples qualités tant culturelles qu’économiques (par exemple le luxe et l’artisanat).
Tout au long de cet essai, nous regrettons que certains parmi nous ont justement oublié la force de
La France qui nous rassembLe
22
la francité, c’est-à-dire cette liberté avec laquelle la pensée aborde l’homme, la cité, l’histoire.
Ce concept à géométrie variable est enrichi par des sources diverses tant françaises que franco-phones mais la francité prend sa source au départ dans l’œuvre de Voltaire, reflet vivant de la fran-cité, reflet complexe de la francité, qui a su donner des ailes à bon nombre d’écrivains et de penseurs de la francophonie.
La francité exprime donc le cœur de la « qualité de ce qui est français ». Francité et francophonie sont deux concepts qui infusent et diffusent le fran-çais en ses variétés et diversités.
L’affaiblissement actuel de la francité dans certains milieux en France est un signe inquié-tant pour l’avenir. Aussi, il faut résister à tous les déclinistes.
Rien n’est perdu, car le fait français continue de passionner des millions d’êtres humains. C’est ce dont témoigne cet essai qui, s’il dénonce certaines réalités, propose de nombreuses pistes pour mieux servir le nouveau rayonnement français et fran-cophone. Ce réel affaiblissement de la francité, de l’identité et de l’énergie françaises, on peut le constater à travers trois films emblématiques de cette France qui change.
Le premier est signé Jean Renoir. Il s’agit de La grande illusion (1937) qui montre bien
Le vif désir de franCité
23
la hiérarchisation de l’époque. Dans ce film, la francité est forte. Le patriotisme aussi. Les prota-gonistes représentent les milieux dont ils sont issus. Jean Gabin, dont le courage a été réel durant la Seconde Guerre mondiale, incarne ce Français, fils du peuple, qui conquiert en s’évadant le cœur d’une Allemande. Dans ce film, la France continue de séduire par son art de vivre et, ce, malgré les malheurs.
La séquence de la reprise du Fort de Douaumont reste un moment d’anthologie. Tant d’années après les événements, « La Marseillaise », chantée par les prisonniers pour fêter cette reconquête, nous serre le cœur. Lorsque l’on a visionné ce film, on ne se pose pas de questions sur la force de l’iden-tité française. Elle rayonne. Elle nous colle à la peau. Ce film humaniste, vivant, émouvant, est l’œuvre d’un patriote, d’un esthète qui souhaite, déjà en 1937, une possible réconciliation entre la France et l’Allemagne. Elle viendra plus tard. Dans La grande illusion, l’homme français et la francité occupent une place de choix.
Autre film, autre époque, celui d’Alain Resnais : Hiroshima, mon amour, qui est sorti en 1959. Les héros ne sont plus des hommes, mais une femme incarnée par Emmanuelle Riva. Il s’agit d’une jeune Française qui a connu l’amour (son premier amour) avec un soldat allemand. Son
La France qui nous rassembLe
24
amant ayant été tué à la Libération, en 1944, elle a été tondue pour « collaboration horizontale ». Quelques années plus tard, on la retrouve travail-lant dans l’humanitaire à Hiroshima. Et c’est dans les bras d’un Japonais qu’elle cherchera à revivre son premier amour si dramatique et non avec un Français, il est intéressant de le remarquer.
La série télévisée récente Un village français montre bien que l’amour n’a pas de frontières et nous rappelle que, durant la Seconde Guerre mondiale, au moins 200 000 enfants sont nés des amours entre femmes françaises et hommes alle-mands, ce qui a été longtemps caché.
Vu d’aujourd’hui, l’histoire de cette jeune femme lui appartient. Loin de nous l’idée de la lui reprocher. L’amour comme la nature se moquent des frontières (c’était déjà, entre autres, un des thèmes du film de Renoir).
Mais force est de constater que « l’homme français » a bien perdu de son aura en l’espace de vingt ans (1940-1960).
Il est curieux que l’on n’ait jamais vraiment évoqué les nombreuses humiliations subies par les centaines de milliers de prisonniers français de 1940 à 1945. À la suite de tels événements, la dégringolade de la figure de l’homme français apparaît assez forte. Tandis qu’au contraire celle de la femme s’améliore.
