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D e l’avis unanime des participants, les 41èmes Assises de la Presse Francophone, organisées à Yaoundé du 16 au 22 novem- bre, ont été une réussite. Réussite au plan de l’accueil, grâce à une équipe locale, diri- gée par Alain-Blaise Batongué, qui n’a pas ménagé sa peine. Réussite au plan de la solennité de ce congrès, qui a été honoré de la présence des plus hautes autorités du Cameroun. Réussite surtout au plan des travaux, les ateliers ayant été particulièrement animés. Il est vrai que le thème choisi par les responsables de l’UPF, « Ethique et déontologie à l’heure d’Internet : liberté et responsabilité des journalis- tes », est en pleine actualité, avec la montée en puissance, sur tous les continents, d’un phénomène irréversible : l’in- trusion au sein du monde de l’information de nouveaux acteurs : les « blogueurs », aux- quels d’aucuns accordent par- fois le titre -fallacieux, sinon I l est 22 h 56, heure fran- çaise, mardi 12 janvier. À Port-au-Prince, Frédéric Dupoux écrit sur son compte Twitter : « Ça tremble. Séisme majeur en Haïti. » Ce n’est que dix minutes plus tard que les premières dépêches d’agence alertent les rédac- tions de ce tragique événe- ment. Ce n’est pas la première fois que ce site américain fait parler de lui. Lors des mani- festations iraniennes, en juin dernier, les opposants au régime de Mahmoud Ahma- dinejad contournaient la cen- sure de la presse iranienne et internationale en utilisant massivement Twitter. Présenté comme une révolu- tion de l’information, Twitter n’était pourtant à l’origine qu’un réseau social extrême- ment dépouillé et simple d’uti- lisation. Il naît en 2006 de l’envie de Biz Stone et Jack Dorsey de savoir en temps réel ce que leurs amis font. Le principe est simple : une fois inscrit, l’utilisateur poste sur son compte des messages -ou tweets (gazouillis en anglais)- n’excédant pas 140 caractères, soit un peu moins long qu’un sms (160 signes). Les tweets peuvent d’ailleurs être aussi envoyés depuis un téléphone portable connecté à Internet. Chaque membre se constitue un réseau de contacts, qui sont autant d’abonnés à son fil d’information, et peut égale- ment suivre d’autres person- nes. Mais si l’accès au profil n’est pas restreint – ce qui est le plus souvent le cas –, tous les internautes peuvent consulter les messages qui y sont publiés. Décrié à ses débuts comme un gadget futile et nombriliste, Twitter a su mettre en valeur sa richesse : cette masse de petites et grandes nouvelles, de témoignages, de liens Internet, d’humeurs, de pho- tos, etc. La page d’accueil du site n’est d’ailleurs plus, depuis juillet dernier, une page d’inscription, comme c’est le cas sur Facebook, le plus gros réseau social, mais une barre de recherche, à l’instar de Google. « Qu’est-ce que Twitter a de révolutionnaire par rapport au Téléphone rouge d’Europe 1? », s’interroge Alain Joannes, auteur du Journalisme à l’ère électronique (ed.Vuibert). « Il y a un avant et un après Twitter dans la rapidité de l’accès à l’information. On est passé de la carriole au TGV ! », répond Laurent Guimier, HAÏTI FANN KÈ COLLOQUE EN CROATIE Page 13 Suite page 12 N° 143 JANVIER / FEVRIER 2010 8 EUROS Internet aux Assises de Yaoundé Accueillis au Cameroun pour réfléchir sur le thème « Ethique et déontologie à l’heure d’Internet : liberté et responsabilité des journalistes », deux cents professionnels ont réaffirmé que le respect de la déontologie et une formation de qualité restaient leurs armes essentielles pour se distinguer des « blogueurs » dans un monde où, désormais, chacun est invité à « fabriquer » son information. Suite page 4 6 0 è m e a n n i v e r s a i r e 1950-2010 1950-2010 Une information instantanée Page 14 42 ÈMES ASSISES DE LA PRESSE FRANCOPHONE 1-5 JUIN 2010 A RABAT « La responsabilité politique et sociétale des médias » Plus qu’une Union, une âme par Georges Gros L imoges, 1950… Soixante ans plus tard, la frêle ami- cale voulue par Dostaler O’Leary est devenue notre chère et forte UPF. Partie pour défendre la langue française, elle a fait siens d’autres combats, tout aussi jus- tes, tout aussi importants. Et d’abord le premier d’entre eux: la liberté de presse, cette liberté mère de toutes les autres, fille de la démocratie et de l’humanisme. Revendiquant sa dimension francophone avant même la naissance de la Francophonie politique, l’UPF, malgré les obstacles, les mauvais coups, parfois la simple adversité, n’a jamais baissé les bras. Aucune des luttes qu’elle mène n’est achevée, qu’il s’agisse du français, aujourd’hui agressé au sein même du pays où il est né, ou du droit des journalistes de s’exprimer librement, dans un environne- ment juridique stable et équitable, sans craindre menaces et représailles d’où qu’elles viennent. Sans craindre d’être jetés en prison… Disons-le net : sur ce point, trop de dirigeants politiques francophones font encore la sourde oreille ou arguent de motifs injustifiés. L’UPF le déplore, se bat et se battra jusqu’à la dernière garde à vue, jusqu’à la dernière peine privative de liberté prononcée pour sanctionner un délit d’opinion. Cela a été dit et répété à Yaoundé, cela sera redit lors des prochaines assises et autant de fois qu’il le faudra, tant que ce scandale perdurera en terre francophone. Au fil des ans, au fur et à mesure que les « indépendances » s’installaient, prenaient tant bien que mal le chemin, sou- vent douloureux, de la démocratie, l’UPF a applaudi l’éclo- sion de leurs médias, publics et privés, avec un seul souci en tête : la qualité de leurs contenus. Très vite, elle a soutenu les actions de formation, aidé à l’organisation de la profes- sion, incité les dirigeants politiques à promouvoir chez eux une véritable économie de la communication. Dire que ceux-ci l’ont partout entendu serait présomptueux. Des progrès substantiels ont néanmoins été accomplis, même si, trop souvent encore, les jour- 6 0 è m e a n n i v e r s a i r e 1950-2010 1950-2010 Edito Suite page 5 Le réseau social en ligne qu’est Twitter a fait une nouvelle fois la preuve de la rapidité avec laquelle l’information y est diffusée. ABDOU DIOUF : ETHIQUE ET DÉONTOLOGIE Page 3

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La Gazette de l'Union de la presse francophone

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De l’avis unanime desparticipants, les 41èmesAssises de la Presse

Francophone, organisées àYaoundé du 16 au 22 novem-bre, ont été une réussite.Réussite au plan de l’accueil,grâce à une équipe locale, diri-gée par Alain-Blaise Batongué,qui n’a pas ménagé sa peine.Réussite au plan de la solennitéde ce congrès, qui a été honoréde la présence des plus hautesautorités du Cameroun.Réussite surtout au plan destravaux, les ateliers ayant étéparticulièrement animés.

Il est vrai que le thème choisipar les responsables de l’UPF,« Ethique et déontologie àl’heure d’Internet : liberté etresponsabilité des journalis-tes », est en pleine actualité,avec la montée en puissance,

sur tous les continents, d’unphénomène irréversible : l’in-trusion au sein du monde de

l’information de nouveauxacteurs : les « blogueurs », aux-quels d’aucuns accordent par-

fois le titre -fallacieux, sinon

Il est 22 h 56, heure fran-çaise, mardi 12 janvier. ÀPort-au-Prince, Frédéric

Dupoux écrit sur son compteTwitter : « Ça tremble. Séismemajeur en Haïti. » Ce n’estque dix minutes plus tard queles premières dépêchesd’agence alertent les rédac-tions de ce tragique événe-ment. Ce n’est pas la premièrefois que ce site américain faitparler de lui. Lors des mani-festations iraniennes, en juindernier, les opposants aurégime de Mahmoud Ahma-dinejad contournaient la cen-sure de la presse iranienne etinternationale en utilisantmassivement Twitter.

Présenté comme une révolu-tion de l’information, Twittern’était pourtant à l’originequ’un réseau social extrême-ment dépouillé et simple d’uti-lisation. Il naît en 2006 del’envie de Biz Stone et JackDorsey de savoir en temps réelce que leurs amis font.

Le principe est simple : unefois inscrit, l’utilisateur postesur son compte des messages-ou tweets (gazouillis enanglais)- n’excédant pas 140caractères, soit un peu moinslong qu’un sms (160 signes).Les tweets peuvent d’ailleursêtre aussi envoyés depuis untéléphone portable connecté àInternet.

Chaque membre se constitueun réseau de contacts, qui sontautant d’abonnés à son fild’information, et peut égale-ment suivre d’autres person-nes. Mais si l’accès au profiln’est pas restreint – ce qui estle plus souvent le cas –, tousles internautes peuventconsulter les messages qui ysont publiés.

Décrié à ses débuts comme ungadget futile et nombriliste,Twitter a su mettre en valeursa richesse : cette masse depetites et grandes nouvelles,de témoignages, de liensInternet, d’humeurs, de pho-tos, etc. La page d’accueil dusite n’est d’ailleurs plus,

depuis juillet dernier, une paged’inscription, comme c’est lecas sur Facebook, le plus grosréseau social, mais une barrede recherche, à l’instar deGoogle.

« Qu’est-ce que Twitter a derévolutionnaire par rapport auTéléphone rouge d’Europe 1?», s’interroge Alain Joannes,auteur du Journalisme à l’èreélectronique (ed.Vuibert). « Ily a un avant et un aprèsTwitter dans la rapidité del’accès à l’information. On estpassé de la carriole au TGV !», répond Laurent Guimier,

HAÏTI FANN KÈ COLLOQUE ENCROATIE

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NN°° 114433 JJAANNVVIIEERR // FFEEVVRRIIEERR 22001100 88 EEUURROOSS

Internet aux Assises de YaoundéAccueillis au Cameroun pour réfléchir sur le thème « Ethique et déontologie à l’heure d’Internet : liberté etresponsabilité des journalistes », deux cents professionnels ont réaffirmé que le respect de la déontologie et

une formation de qualité restaient leurs armes essentielles pour se distinguer des « blogueurs » dans unmonde où, désormais, chacun est invité à « fabriquer » son information.

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60ème anniversaire

1950-20101950-2010

Une information instantanée

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42ÈMES ASSISES DE LA PRESSE FRANCOPHONE1-5 JUIN 2010 A RABAT

« La responsabilité politique et sociétale des médias »

Plus qu’une Union,une âme

par Georges Gros

Limoges, 1950… Soixante ans plus tard, la frêle ami-cale voulue par Dostaler O’Leary est devenue notrechère et forte UPF. Partie pour défendre la langue

française, elle a fait siens d’autres combats, tout aussi jus-tes, tout aussi importants. Et d’abord le premier d’entre eux:la liberté de presse, cette liberté mère de toutes les autres,fille de la démocratie et de l’humanisme.

Revendiquant sa dimension francophone avant même lanaissance de la Francophonie politique, l’UPF, malgré lesobstacles, les mauvais coups, parfois la simple adversité,n’a jamais baissé les bras. Aucune des luttes qu’elle mènen’est achevée, qu’il s’agisse du français, aujourd’huiagressé au sein même du pays où il est né, ou du droit desjournalistes de s’exprimer librement, dans un environne-ment juridique stable et équitable, sans craindre menaces etreprésailles d’où qu’elles viennent.

Sans craindre d’être jetés en prison… Disons-le net : sur cepoint, trop de dirigeants politiques francophones fontencore la sourde oreille ou arguent de motifs injustifiés.L’UPF le déplore, se bat et se battra jusqu’à la dernièregarde à vue, jusqu’à la dernière peine privative de libertéprononcée pour sanctionner un délit d’opinion. Cela a étédit et répété à Yaoundé, cela sera redit lors des prochainesassises et autant de fois qu’il le faudra, tant que ce scandaleperdurera en terre francophone.

Au fil des ans, au fur et à mesure que les « indépendances »s’installaient, prenaient tant bien que mal le chemin, sou-vent douloureux, de la démocratie, l’UPF a applaudi l’éclo-sion de leurs médias, publics et privés, avec un seul souci entête : la qualité de leurs contenus. Très vite, elle a soutenules actions de formation, aidé à l’organisation de la profes-sion, incité les dirigeants politiques à promouvoir chez euxune véritable économie de la communication.

Dire que ceux-ci l’ont partout entendu serait présomptueux.Des progrès substantiels ontnéanmoins été accomplis, mêmesi, trop souvent encore, les jour-

60ème anniversaire

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Edito

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Le réseau social en ligne qu’est Twitter a fait une nouvelle fois la preuve de la rapidité avec laquellel’information y est diffusée.

ABDOU DIOUF :ETHIQUE ET

DÉONTOLOGIE

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JANVIER / FEVRIER 2010 - N° 143

D’emblée, les partici-pants aux 41èmesassises de l’UPF sont

entrés dans le vif des débatsde leur congrès. Dès les pre-mières interventions de laséance inaugurale, présidéepar le Premier ministre duCameroun, Philémon Yang,l’éthique et la responsabilitédes journalistes, leur rôledans les sociétés modernes,ont été abordés à la tribune,avec un souci commun à cha-cun des orateurs : ouvrir undialogue constructif, en évi-tant les habituels griefs quiséparent professionnels de lapresse et autorités politiques.

Protocole oblige, c’estGilbert Tsimi Evouna, délé-gué du gouvernement auprèsde la communauté urbaine deYaoundé qui, le premier, asouhaité la bienvenue auxjournalistes. Président de lasection camerounaise et vice-président international del’UPF, Alain-BlaiseBatongué a fait de même,après avoir invité ses confrè-res à observer une minute desilence en mémoire de ceuxqui, depuis le congrès deMontréal, « ont cassé leurplume », notamment AbuiMama Eloundou, le directeurde la rédaction de CameroonTribune, que ses amis ontporté en terre à la veillemême des assises.

Le rêve d’Alain-Blaise Batongué

Ce congrès, a dit avec émo-tion le directeur du quotidienMutations, est « la matériali-sation d’un rêve qui a mis dutemps à se réaliser ». C’est eneffet dès mars 2004 que leprésident de la République,Paul Biya, a invité l’UPF auCameroun. Un événementque diverses circonstancesont retardé, mais qui n’en apas moins l’ampleur souhai-tée alors. Rendant hommageà « l’implication personnelle»du chef de l’Etat dans la pré-paration des assises, Alain-Blaise Batongué a remerciéaussi deux autres personnali-tés, Jean-Pierre Biyiti biEssam et Issa TchiromaBakary, qui, pendant cettepériode, se sont succédés à latête du ministère de laCommunication.

Le président de la Sectioncamerounaise a enfin renduhommage aux « pionniers »qui, au début des années 80,ont implanté l’UPF en terrecamerounaise, en particulier àPius Njavé, directeur du quo-tidien de Douala LeMessager, qui, le jour mêmede cette séance inaugurale,fêtait ses trente ans. « Il fut lepremier à recevoir le Prix dela Libre Expression », a rap-pelé l’orateur, avant de pro-mettre une vraie relance desactivités de la section dans lesprochains mois, notammentl’organisation de séminaires

et l’élection d’un nouveaubureau.

« Faisons de notre Union uneassociation forte, toujours auservice du professionnalisme,de la solidarité, du partage et,surtout, de la promotion et dela qualité de la langue fran-çaise dans nos médias », a-t-ilconclu.

Après un intermède musical,Jean Miot, président de laSection française de l’UPF, alu un message de Jean-PierreRaffarin, Représentant per-manent du président de laRépublique française pour laFrancophonie (voir encadré),avant de souligner à titre per-sonnel combien, selon lui, lesparticipants aux assises

étaient unis, par leur languecommune, le français -« qua-trième parler mondial »-,mais aussi par « notre mer-veilleux métier de journa-liste ».

« Nous devons aujourd’huifaire face à une deuxièmefabuleuse révolution aprèscelle de Gutenberg, celled’Internet », a dit l’ancienPDG de l’AFP. « Notremétier est menacé : si tous lesjournalistes sont blogueurs,tous les blogueurs ne sont pasjournalistes… », a-t-il insisté,avant de souhaiter des débats« à égalité » entre tous lesparticipants. « Nous rencon-trons les mêmes difficultés,les mêmes problèmes d’éthi-que, nous avons beaucoup àapprendre de vous », a-t-ilajouté, avant de conclure surune première proposition :l’aide de l’IFRA, la celluletechnologique de l’Associa-tion Mondiale des Journaux,aux éditeurs des pays émer-gents confrontés à la révolu-tion numérique.

Des sanctionspécuniaires plutôt

que la prison

Axant son discours sur « laliberté et la responsabilité du

journaliste », le présidentinternational de l’UPF, AlfredDan Moussa, après avoir mul-tiplié les remerciements àtous ceux qui ont oeuvré àl’organisation des assises alui aussi, d’entrée de jeu, sou-ligné une évidence :Internet n’est pas que l’affairedes seuls journalistes. « Lescitoyens de toutes les catégo-ries socio-professionnellesdeviennent chaque jourdavantage des producteursd’information… à la diffé-rence près que le journalismeimpose la vérification dessources, la sélection et le trai-tement de l’information, alorsqu’Internet apparaît commeun fourre-tout », a-t-il ajouté,soulignant que l’éthique et lerespect de la déontologie pro-fessionnelle étaient, de cefait, plus que jamais à l’ordredu jour.

« L’actualité nous imposait cethème pour nos assises », a-t-il estimé, avant d’aborder unequestion que l’UPF a placéedepuis longtemps au centrede ses préoccupations : lasuppression de la peine priva-tive de liberté pour les délitsde presse. S’adressant auxchefs d’Etats francophones,Alfred Dan Moussa a expli-qué qu’« il ne s’agit pas pourl’UPF de revendiquer le droit,pour les professionnels del’information, d’être des

intouchables ». « Commen’importe quel citoyen, nousdevons accepter d’être sanc-tionnés, a-t-il dit. Mais, à laprison, nous préférons lessanctions pécuniaires raison-nables ».

Une revendication qu’ilestime « confortée » par « lesretombées incontestables dutravail quotidien de formationet de sensibilisation des jour-nalistes » réalisé par les mul-tiples organismes qui enca-drent la profession dans l’es-pace francophone. « Dès lors,comment comprendre que,sur 172 journalistes incarcé-rés dans le monde en 2009, 65le soient dans celui-ci ? »s’est-il interrogé, avant deréclamer la libération immé-diate de tous les confrèresencore en détention et lalevée des interdictions deparaître et d’émettre qui frap-pent certains médias.

Conseiller spécial d’AbdouDiouf, Ousmane Faye lutensuite le message duSecrétaire général de l’OIF,avant l’intervention la plusattendue, celle du Premierministre. Soulignant lui aussicombien le Président de laRépublique avait fait de laréussite de ces assises unobjectif prioritaire, PhilémonYang a insisté sur « la préoc-cupation » de Paul Biya de« faire du plein épanouisse-

ment de la liberté d’expres-sion et, partant, celle de lapresse, un pilier essentiel et lebaromètre par excellence desprogrès d’une démocratieapaisée dans notre pays ».

Un citoyen éclairéparce que bien

informé

« Nous sommes convaincusqu’il ne saurait y avoir dedémocratie sans liberté depresse, ni de liberté de pressesans responsabilité du journa-liste », a-t-il ajouté, abordantainsi le thème même des assi-ses. Et le Premier ministre,

La cérémonie d’ouverture : un dialogue constructifentre journalistes et politiques

Chacun des orateurs, en abordant le thème des assises, a admis qu’Internet bouleversait l’univers des médias, mais a aussi insisté sur l’importance du respect del’éthique dans une société dominée par l’information. « Il ne saurait y avoir de démocratie sans liberté de presse, ni de liberté de presse sans responsabilité des

journalistes », a affirmé le Premier ministre camerounais, Philémon Yang.

Jean-Pierre Raffarin :« Des règles spécifiques

à la Toile »

Représentant permanent du président de la Républiquefrançaise pour la Francophonie, Jean-Pierre Raffarin,dans son message aux congressistes de l’UPF, lu par

Jean Miot, a d’abord souligné le rôle éminent des médiasdans « la démocratisation des relations internationales et lapromotion de la diversité culturelle ». « La France, a-t-ilajouté, accorde une importance primordiale à la presse inter-nationale », qui joue « un rôle fondamental en matière dedéfense de la liberté de communication et d’expression dansle monde ». Un monde que la Francophonie veut « plusjuste ».

Puis l’ancien Premier ministre français est entré dans le vifdu sujet en affirmant que « les nouvelles pratiques liées à larapidité de la diffusion de l’information confrontent le jour-naliste à de nouveaux obstacles ». « Le journaliste en ligne,a-t-il précisé, est pris en étau entre la loi du marché et sa res-ponsabilité professionnelle ». D’où la nécessité, selon Jean-Pierre Raffarin, de définir « des règles éthiques spécifiques »à la Toile pour combler « le vide juridique » qui demeure enmatière de gestion de celle-ci, « malgré les efforts réaliséspar les gouvernements ».

Le représentant de Nicolas Sarkozy suggère ainsi que «lejournaliste en ligne explicite ses sources avec rigueur » etqu’il « permette au lecteur, par courriel, d’obtenir des préci-sions supplémentaires ». Il s’agit, a-t-il dit, « d’éviter lesdérapages dans cette course effrénée à la recherche duscoop ».

Enfin, le sénateur de la Vienne a rappelé que, par un décretdu 29 octobre 2009, le système juridique de la presse fran-çaise avait été modifié « afin de reconnaître les services depresse en ligne ». Ceux-ci, désormais, bénéficient du régimefiscal des entreprises de presse et les membres de leur rédac-tion sont reconnus comme journalistes. « C’est une véritableinnovation qui, je l’espère, va servir d’exemple pour laFrancophonie », a-t-il conclu.

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Le Premier ministre Philémon Yang

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qui s’est réjoui que les journa-listes, aujourd’hui, soient deplus en plus nombreux à s’in-téresser à l’éthique et à ladéontologie, de se lancer dansune véritable leçon de journa-lisme, en insistant notammentsur les responsabilités desprofessionnels lorsqu’ils déli-vrent des informations qui «mettent en jeu l’honneur, laconsidération, la réputation,la vie professionnelle ou pri-vée de particuliers ».

« Il n’y a pas de démocratiesans démocrate, c’est-à-direce citoyen éclairé et sereinparce que bien informé, capa-ble de prendre son destin enmain, en toute connaissancede cause. Ce citoyen-là est,

pour une part essentielle, leproduit d’un bon systèmed’information et de communi-cation », a encore dit lePremier ministre, avant desouligner que les textes qui,au Cameroun, encadrent laliberté de presse sont «conformes aux attentes uni-verselles en la matière et auxspécificités de notre société,un melting-pot humain etsocio-culturel s’il en fût ».

Enfin, avant de conclure sondiscours en déclarant ouvertesles 41èmes assises de l’UPF,Philémon Yang a souhaité quece congrès soit aussi unmoment de réflexion sur lesrelations Nord-Sud à traversla presse francophone.

Regrettant qu’à côté d’unreportage sur les enfants victi-mes du choléra, les médias duNord ne relatent pas lesefforts des services de santé,le Premier ministre a appelé à« une information objective,c’est-à-dire équilibrée ». « Ilimporte de promouvoir uneéthique communicationnellede la solidarité entre pressedes pays du Nord et pressedes pays du Sud. Une solida-rité, a-t-il souhaité, qui doitconduire la presse franco-phone à montrer un réel refletdu Sud, à montrer ses forces,ses succès, ses hommes et sesélites ».

Serge Hirel

«Internet peut représen-ter une chance pour laréalisation des objectifs

que la Francophonie s’estfixée : la promotion de lapaix, de la démocratie et desdroits de l’homme, la pro-motion de la diversité cultu-relle ». Loin du procès tropsouvent prononcé contre cenouvel outil de communica-tion, notamment dans lescercles politiques, leSecrétaire général de laFrancophonie, Abdou Diouf,dans son message auxAssises de l’UPF, lu par sonconseiller spécial, OusmaneFaye, a, au contraire, « louéses vertus en tant qu’outil desocialisation, diffuseur de laculture de masse, source decréativité et support pédago-gique efficace ».

« L’impact d’Internet sur lescitoyens et la vie des nations,parce qu’il est instantané,immédiat et universel, bou-leverse notre appréhensionde la communication », a-t-ilajouté, insistant sur « le rôleactif » qu’il donne auxc o n s o m m a t e u r s .L’interactivité permet à l’in-ternaute de « jouer un rôlecitoyen, de développer sonimagination », aux commu-nautés humaines « de sortirde l’isolement et du repli sursoi ».

Cette puissance d’Internet,qui « apparaît comme l’outilde communication le pluscomplet », n’a pas échappéaux médias traditionnels, aindiqué Abdou Diouf.Aujourd’hui, ils « construi-sent leur stratégie de déve-loppement sur leurs versionsen ligne et développent unéchange inédit avec leurslecteurs et leurs auditeurs ».

Mais, a-t-il aussi prévenu,Internet ne tiendra ses pro-messes « que si les condi-tions de sa gouvernanceobéissent aux principesd’éthique et de déontologieinhérents à un journalismede qualité ». Regrettant que,trop souvent sur la Toile,apparaissent informationsincertaines, sources anony-mes, diffamations, manipu-lations, le Secrétaire généralde la Francophonie a dit sacrainte d’y voir « planer la

menace de désinformation ».

« Trop longtemps, émerveil-lés par l’outil, nous avonsfait l’impasse sur la néces-sité de définir et de faire res-pecter des règles de bonnepratique, d’informer et deformer les personnelsconcernés », a-t-il affirmé,

avant de rappeler que toutesles actions de la Francopho-nie en faveur du développe-ment des médias sont baséessur « le principe de profes-sionnalisation des acteurs,dans le respect scrupuleuxdes règles de déontologie etd’éthique ».

« C’est cette référence quidoit servir de base aux règlesà proposer pour gouvernerInternet », en conclut AbdouDiouf, qui souhaite que « lesjournalistes aient un rôlemajeur dans cette nécessairemobilisation ». A eux d’édu-quer les nouveaux cyber-citoyens, suggère-t-il.

Aux réseaux deprofessionnels demener le combat

Reconnaissant que, mêmes’il est « envisageable, indis-pensable », l’encadrementlégislatif et réglementaire dece nouveau média aura seslimites, se refusant à « éta-blir un ordre moral sur la

Toile », mais certain de lanécessité d’une éthique, leSecrétaire général de laFrancophonie voit dans lesréseaux de professionnels «les fers de lance de ce com-bat ».

Cette mission, l’UPF la faitsienne. Depuis longtemps,

ensemble, journalistes duNord et du Sud réfléchissentsur l’éthique et les pratiquesprofessionnelles. Le thèmedes assises de Yaoundédémontre, s’il en étaitbesoin, que l’UPF partageles craintes et les convictionsd’Abdou Diouf sur l’avenird’Internet. Comme lui, elleen est persuadée, «les journalistes doiventdemeurer les passeurs d’uneinformation multiforme, quise doit de rendre compte dela diversité des modes depensée et d’expression ».

Dans le préambule de sonmessage, le Secrétaire géné-ral de la Francophonie avaitrendu hommage à l’Union,« cette vaillante associa-tion », dont tous les mem-bres, depuis soixante ans,font preuve d’un « activismemilitant au service de lacause francophone ». Unactivisme qui, outre seschamps d’action tradition-nels, en a désormais un nou-veau : développer la qualitéde l’information franco-phone sur la Toile.

Abdou Diouf : « Ethique etdéontologie sont indispensables

au succès d’Internet »

Apeine achevée la cérémonie officielled’ouverture des 41èmes assises del’UPF, les congressistes ont écouté

l’un des leurs, Yves Agnès, ancien rédacteuren chef au Monde, présenter un « exposéintroductif » censé cadrer les futurs débats.L’ancien directeur du Centre de Formationdes Journalistes de Paris n’a pas établi la listedes nombreuses questions qui allaient êtreexaminées dans les ateliers, ni même celle desréponses possibles. Il a plutôt prononcé « uneleçon inaugurale », en donnant son point devue sur sa conception du journalisme àl’heure d’Internet, sur les nouveaux rapportsque ce média crée avec le lecteur et l’auditeur,en disant aussi sa conviction que l’autorégula-tion de la profession devait s’imposer, y com-pris en France, où il est président d’une asso-ciation de préfiguration d’un « conseil depresse »…

Divisant son propos en cinq chapitres, YvesAgnès a d’abord rappelé les diverses défini-tions du journalisme professionnel. « Deuxmots sont au centre de notre travail, a-t-il dit :information et public. Ils caractérisent notremétier, en déterminent l’importance sociale etfondent sa spécificité pour le bon fonctionne-ment d’une démocratie ». « Le journaliste estau service du public », a-t-il résumé, regret-tant que, « trop souvent », il ait « tendance àoublier ceux pour lesquels ils travaillent : lescitoyens consommateurs d’informations ».D’où de « vives critiques », qu’elles soientadressées directement aux médias ou indirec-tement via des sites Internet ou des blogs.« Cela nous appelle avec insistance à laréflexion sur nos pratiques et, plus encore, surnotre raison d’être », a-t-il affirmé.

Des critiques de plus en plus acerbes

Deuxième thème abordé : « la liberté d’infor-mer, mais aussi le droit d’être bien informé ».Pour Yves Agnès, si laliberté d’expression etde communication estreconnue pour la pre-mière fois avec laDéclaration des Droitsde l’Homme du 26 août1789, « le droit de cha-que citoyen à recevoirune information plura-liste, libre, honnête etde qualité n’est pasencore entré dans lesconsciences ». « Il n’apas trouvé de traductionsuffisante dans lesconstitutions », a-t-ilregretté, citant toutefoisdeux résolutions duConseil de l’Europe etdes Nations Unies qui,l’une et l’autre, en ter-mes différents, exigentrigueur et morale de lapart des médias et desjournalistes.

« L’apparition d’Inter-net modifie-t-elle réel-lement la donne dans ladémarche qui doit êtrela nôtre de recherche etde production d’uneinformation honnête etde qualité ? », a alorsinterrogé l’orateur.

Sur ce thème du respectde l’éthique et de ladéontologie, Yves Agnès a ensuite consacréquelques instants aux « dérives des pratiquesjournalistiques » provoquées, « ici par desconsidérations marchandes, là par des injonc-tions politiques, mais aussi, simplement, par

un avachissement de la morale profession-nelle ». « Que nous arrive-t-il ? », s’est-ilexclamé. « Pas étonnant que les critiques despublics se fassent de plus en plus acerbes »,malgré l’apparition de « médiateurs », mal-gré, dans de nombreux pays, l’adoption dechartes déontologiques, nationales ou parentreprise, et la création de « conseils depresse » chargés de veiller à l’application desprincipes professionnels.

« La partie serait-elle perdue ? », a-t-il lancé,avant de consacrer un quatrième chapitre àdéfendre le principe de la médiation -et doncdu « conseil de presse »- qu’il oppose au pou-voir des juges. « Dans les sociétés démocrati-ques libérales, qui dit liberté dit aussi respon-sabilité sociale et donc régulation ou autoré-gulation », argumente Yves Agnès.L’information exigeant une liberté absolue,donc une responsabilité vis-à-vis du public, «chaque entreprise médiatique et la professiontout entière doivent mettre en oeuvre des dis-positions structurelles efficaces ».

La deuxième raison pour refuser de confieraux juges l’éthique professionnelle découle,selon l’orateur, « de la demande généraliséedu public de participer à la vie sociale ».« Aujourd’hui, le public n’attend plus desmédias une vérité assénée comme paroled’évangile. Il veut être traité avec respect etêtre associé, d’une façon ou d’une autre, à laproduction de l’information ». Initiée avec le« courrier des lecteurs », l’interactivité a prisun envol définitif avec Internet. Saisir la jus-tice quand on s’estime lésé ne suffit pas.

Un partenaire incontournable : le public

Dès lors, en conclut Yves Agnès, « signed’une avancée démocratique, d’une concep-tion évoluée des rapports sociaux, la média-tion devient un passage obligé ». Selon lui,

« faite d’écoute du public, d’at-tention aux critiques, d’enquê-tes sur les faits reprochés,d’explications, de dialogue »,la médiation, qui « s’intercaleentre les acteurs d’un litige etle recours aux tribunaux, s’op-pose à toute tentative de replicorporatiste, de conseil de l’or-dre ou de jugement des pairs ».

« C’est donc à la profession, etnon aux juges, de s’organiseren toute liberté, mais avec unpartenaire désormais incon-tournable, le public des lec-teurs, auditeurs, téléspectateurset internautes », a insisté YvesAgnès.

Enfin, l’ancien rédacteur enchef au Monde a donné sonpoint de vue sur l’impactd’Internet sur le métier de jour-naliste. Aujourd’hui, avec l’ap-parition des radios et télévi-sions d’information continueet, bien évidemment,d’Internet, le public est plongédans « un bain d’informationspermanent », au point de neplus savoir d’où il les détient,a-t-il dit. Chez les profession-nels, la Toile conduit bon nom-bre d’entre eux à pratiquer « lejournalisme assis, décalé de laréalité du « terrain », qui nepeut qu’être préjudiciable àune information de qualité »,

a-t-il aussi regretté.

Puis dressant un tableau des points positifs etnégatifs d’Internet en matière d’éthique et derapport avec lepublic, Yves Agnès

Séance de présentation : la « leçoninaugurale » d’Yves Agnès

« Pour nous, journalistes, Internet est une chance de retrouver nosfondamentaux et la confiance du public », a affirmé l’ancien directeur du

Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris. Président d’uneassociation de préfiguration d’un conseil de presse, il défend le principe de la

médiation, qu’il oppose au pouvoir des juges.

Quatreprincipes

En conclusion de son exposé,Yves Agnès a énuméré quatreprincipes qui, a-t-il dit, « résumentmes convictions sur la qualité del’information au regard de l’éthi-que et de la déontologie » :

- Des journalistes conscients deleurs responsabilités vis-à-vis dupublic ;

- Des journalistes compétents,campés sur leurs fondamentaux,donc bien formés ;

- Des éditeurs de médias pas uni-quement obnubilés par les divi-dendes de leurs actionnaires oupar leur complaisance envers lapuissance publique, mais, euxaussi, responsables de la qualitéde l’information ;

- Des dispositifs déontologiquesvivants, donc évolutifs, fortementprésents dans la collectivitémédiatique de chaque pays, asso-ciant le public, qui servent à tousde boussole dans un univers agitéet changeant.

Suite page 7

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Des quatre ateliers orga-nisés pendant les41èmes assises de

l’UPF, c’est le premier qui futle plus interactif. Consacré àl’impact d’Internet sur lesmédias et les pratiques profes-sionnelles, le débat, modérépar Pierre Essama Essomba,président du Comité camerou-nais des médias, a été alimentépar une bonne vingtaine departicipants, après les témoi-gnages et les points de vue desquatre membres du panel.

Directeur du quotidien came-rounais Le Jour, Haman Manane décolère pas : « Nos conte-nus sont piratés par un site trèsregardé à l’étranger. Nousavons tenté une action judi-ciaire aux Etats-Unis. Mais ledossier de l’entreprise étaitétabli à une fausse adresse etpour une toute autre voca-tion… Poursuivre nous auraitcoûté trop cher… et le sitecontinue à nous piller…».

Amer, Haman Mana, dont lejournal est diffusé à 5 000exemplaires, fulmine aussicontre « la religion de la gra-tuité » qui sévit sur Internet.« Nous, nous payons nos jour-nalistes pour collecter et traiterl’info ! », dit-il. « Internet nenous fascine plus. Et nousn’avons rien à faire de la noto-riété que ce site pirate nousapporte dans les pays du Nord!Notre problème est simple :comment capter la manne quenous créons tous les jours ?Comment obliger les servicesen ligne à respecter le droitd’auteur ? D’évidence, la solu-tion n’est pas encore trouvée.Même les plus grands groupesde communication du mondese battent sur ce point avecGoogle… ». « Cette question,la plupart des éditeurs afri-cains se la posent », a conclu ledirecteur du Jour.

TV5Monde : unerédaction devenue

« globale »

Philippe Dessaint, rédacteuren chef de l’émissionKiosque sur TV5Monde etvice-président de l’UPF pourl’Europe, a décrit les boulever-sements qu’entraîne Internetdans une rédaction qui devient« globale ». « Voici trois ans,nous avons pris conscienceque nous avions un retard enmatière d’information sur leNet, que nous devions y pren-dre notre part. Une grande par-tie de la rédaction a eu peur eta soulevé des questions perti-nentes : la responsabilité édito-riale, les droits d’auteur, lavérification de l’info, le res-pect de la ligne éditoriale…Nous avons pris le problème àl’envers : au lieu de créer uneautre rédaction, dédiée auxnouveaux médias, nous avons« globalisé » notre équipe ».

« Aujourd’hui, nos 80 journa-listes fabriquent des contenusqui sont immédiatement misen diffusion, soit sur le télé-phone portable, sur le Net ou àla télévision, a expliquéPhilippe Dessaint. Celachange pas mal de choses en

matière de rapidité : le journaldoit être prêt à tout moment…Nous devons, à chaque instant,être en mesure d’entrer enémulation avec d’autres sup-ports… Ce qui entraîne unedifficulté nouvelle : aller viteet, pourtant, vérifier solide-ment… Notre choix est clair :ne pas employer le condition-nel, vérifier d’abord… quitte àperdre quelques matches…».

Le chef des opérations spécia-les et internationales deTV5Monde a aussi abordé unequestion qui, aujourd’hui, faitdébat dans beaucoup de rédac-tions : le blog personnel desjournalistes. « Leur notoriété,qui découle de leur présence àl’antenne, attire les internau-tes… Nous sommes très inter-rogatifs sur ce modèle », a-t-ilindiqué. « Nous pensons à éta-blir une règle de bonneconduite pour éviter que deschoses figurant sur ces blogssoient ensuite reprochées à lachaîne… ».

Labelliser les sitesd’information

Michel Tjade Eoné, professeurà l’ESSTIC (Ecole Supérieuredes Sciences et Techniques del’Information et de laCommunication) de Yaoundé,a ensuite donné son point devue sur « le binôme liberté-responsabilité ». « Un couplequi doit se compléter et seconseiller mutuellement », a-t-il dit, avant d’observer qu’au-jourd’hui, l’homme public estdevenu « l’homme cathodi-que ». Ce qui, selon lui, justi-fie le primat du droit de chaquecitoyen à l’information sur lerespect scrupuleux de sa vieprivée.

Après l’exposé d’IbrahimKoné, un débat s’est installé,qui, la densité des interven-tions du panel aidant, a prisplusieurs directions. A laremarque d’un confrère quinotait que, depuis toujours, lesjournalistes ont à vérifier uneinformation tombée à quel-ques instants du bouclage,Philippe Dessaint rétorquaitque le problème est d’unetoute autre dimension lorsquele bouclage est permanent.

Puis, plusieurs congressistesont repris la question des blogs

tenus par des journalistes.Pour André Buyse, « le blo-gueur doit rester fidèle, correctet honnête vis-à-vis de sonemployeur ». « Un blog dejournaliste n’est pas obligatoi-rement une réponse à son jour-nal. Il peut être aussi réalisé enaccord avec le média. C’est

une façon d’aller vers le médiaglobal », a fait remarquer, poursa part, Jean Kouchner, tandisque Jean Miot insistait sur lefait que « tous les blogueurs nesont pas journalistes ».

« Qu’un journaliste, sous cou-vert de son journal, discute

avec ses lecteurs permet d’ap-profondir, d’enrichir l’infor-mation », a estimé l’anciendirecteur délégué du Figaro,qui a élargi son propos à la cré-dibilité des sites d’informationsur la Toile. « L’internaute doitpouvoir être sûr qu’une infor-mation est authentique, c’est-à-dire vérifiée, grâce à un labelaccordé au site qui la diffuse,qu’il soit attaché à un médiatraditionnel ou ‘pure player’ »,a-t-il dit. Il a aussi énoncé son« théorème » qui veut que, àcondition de ne pas dupliquersur le Web le contenu du jour-nal, « l’écran sauvera l’écrit »(lire page 10 l’interview deJean Miot paru dans Muta-tions.

Plusieurs intervenants ont, de

leur côté, dit leur inquiétude àpropos de l’utilisation du Netcomme source d’information.Une habitude qui s’est notam-ment développée dans lesrédactions du Sud, où il n’estpas rare, faute de moyens éco-nomiques, que la Toile soit,aujourd’hui, le seul moyen de

vérification d’une information.« Internet nous permet d’avoiraccès aux dépêches de l’AFP»,a dit l’un. « Internet, ce n’estpas la vérité », a dit l’autre.« Notre attitude ne doit pasêtre négative vis-à-vis de cettenouvelle source, mais nousdevons exercer notre profes-sionnalisme », a nuancéLucien Messan.

Chacun est responsablede sa liberté

Autre thème débattu : l’écri-ture sur Internet. « On a par-fois l’impression que la techni-que prend le dessus sur lecontenu. Le journaliste sembledonner l’impression de négli-ger certaines règles… », aregretté une intervenante.« Ecrire pour le Net ne veutpas dire que l’on doit outrepas-ser les canons de l’informa-tion », a répondu un autre, tan-dis que Silvija Luks-Kalogjera, présidente de laSection croate de l’UPF, affir-mait : « Notre travail reste lemême. Internet n’est qu’unoutil technique. Auprès desjeunes journalistes, il fautd’abord insister sur la respon-sabilité et la liberté person-nelle. Chacun est responsablede sa liberté. Si je n’obéis pasà la déontologie de l’info, jesuis d’abord responsabledevant moi-même ! » Desdébats très riches donc, aux-quels l’organisateur des assi-ses, Alain-Blaise Batongué, aaussi participé en résumantl’opinion générale. « Laréponse à tous ces problèmes,a-t-il dit, tient en un mot : leprofessionnalisme ».

Jules de la Fayolle

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usurpé- de « journalistescitoyens ». Les quelque 200participants aux assises,venus de 33 pays, ont donclonguement examiné lesconséquences sur leurs activi-tés professionnelles de la pos-sibilité pour tout internaute des’exprimer directement, sansl’intermédiaire d’un média,grâce au Net, pour informer,pour commenter, pour désin-former et manipuler.

Comment, confronté à cenouvel environnement, lejournaliste professionnelpeut-il se démarquer ? Laréponse n’a fait de doute pourpersonne : par ses compéten-ces et par son respect rigou-reux des règles du métier.Plus que jamais, dans unmonde où les nouvelles sonttransmises à la vitesse de lalumière, la formation etl’éthique feront la différence,tout simplement parce lepublic préférera toujours uneinformation exacte, parce quevérifiée, recoupée, hiérarchi-sée, placée dans son contexte,à une rumeur reprise, ampli-fiée, trouvée par hasard sur

une Toile où se côtoient lemeilleur et le pire.

Président des travaux, JeanKouchner a réussi à bâtir despanels particulièrement com-pétents pour tenter de répon-dre à quatre sujets princi-paux: les bouleversementsprovoqués par Internet dansles pratiques du métier dejournaliste, la régulation éthi-que des médias confrontée àcette nouvelle donne, l’impé-rieuse nécessité de la forma-tion, enfin le délicat pro-blème, irrésolu à ce jour, dufinancement et donc dumanagement des médias,qu’ils soient traditionnels ouélectroniques.

Pas de journalistesen prison

Une bonne vingtaine de per-sonnalités, camerounaises ouétrangères, ont planché surces questions, et leurs inter-ventions, précises, parfoisrugueuses, ont fait réagir lescongressistes, qui ont été par-ticulièrement nombreux às’exprimer. En particulier les

confrères locaux de la presseprivée, quelque peu malme-nés par certains dirigeants desmédias publics, qui ont décritun paysage médiatique quasiapocalyptique…

En tout cas, une bonnedémonstration de la vitalitéde l’UPF, de son pluralismeaussi, même si, sur de nom-breux points, en particulier ladéfense de la liberté d’expres-sion, les points de vue étaientunanimes. Président interna-tional, Alfred Dan Moussa,dès son discours d’ouverture,a rappelé que l’UPF militaitdepuis de nombreuses annéespour la dépénalisation desdélits de presse dans tout l’es-pace francophone. « Aucunjournaliste ne doit être jeté enprison dans le cadre de sesactivités professionnelles »,a-t-il plaidé, tout en recon-naissant avec la mêmeconviction que les profession-nels de l’information ne sontpas au-dessus des lois.

Les participants aux assisesont aussi tous applaudi ladécision du comité internatio-

nal de l’UPF de remettre lePrix 2009 de la LibreExpression à la chaîne TV+,de Libreville, qui, après uneinterdiction de diffusion lejour même du scrutin prési-dentiel, a vu ses émetteurs ettous ses équipements confis-qués par l’armée gabonaise.

Enfin, les congressistes nesont pas prêts d’oublier nonplus la partie festive des assi-ses, en particulier les deuxréceptions très réussies offer-tes par les ambassadeurs deFrance et du Cameroun,Bruno Gain et Eugène BitiAllou Wanyou. Cette dernièred’autant plus qu’elle s’estdéroulée au soir d’un voyageparticulièrement éprouvant,mais passionnant, àFoumban. Dans cette cité,l’une des plus anciennes duCameroun, à 250 km deYaoundé, les plus vaillantsont bénéficié d’un rare privi-lège : la rencontre avec le sul-tan Bamoun, IbrahimMbombo Njoya XIX. Celaméritait bien près de quinzeheures d’autobus…

S. H.

Suite de la page 1 : Internet …

Le journaliste doit s’adapter à Internet mais ne rien changer à son éthique

Organisé autour du thème « Internet change-t-il la donne ? », le premier atelier des assises, très interactif, s’est achevé sur un consensus : oui, la révolutionnumérique bouleverse le journalisme mais ne change en rien l’ardente obligation du professionnalisme et du respect de ses règles.

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Avec le lyrisme et lefranc-parler qui lecaractérisent, Ibrahim

Koné, ancien directeur deRadio-Côte d’Ivoire, a livré àses confrères, pendant le pre-mier atelier, un discoursd’une qualité exemplaire,nourri par son expérience deprès de cinquante ans de jour-nalisme. Il les a d’abord appe-lés à « ne pas se résigner »face aux « crises démocrati-que, économique et moralequi minent l’information, saqualité et son utilité, son hon-nêteté et sa liberté ». Pestantcontre « le présidentialismeexacerbé », qui « réduit l’in-formation au pouvoir d’unseul », le journaliste-ensei-gnant a regretté que, « danscette culture politique-là, lejournaliste professionneldevienne un adversaire qu’ilfaut séduire ou soumettre,vaincre dans tous les cas ».

« Tout semble fait, en cetteépoque, pour démoraliser lejournalisme, ses valeurs, sesidéaux, sa jeunesse en somme», a poursuivi l’orateur… qui,pourtant, espère des joursmeilleurs, grâce aux « boule-versements » provoqués parInternet. « La nouvelle pressenumérique invente et pré-serve, innove et prolonge, a-t-il dit. Elle protège l’indépen-dance et le pluralisme de l’in-formation par le secours et lerecours de lecteurs contribu-teurs… Elle réinvente un ave-nir où notre travail retrouvecrédit et valeur ».

« Oui, Internet change ladonne », s’est-il exclamé, pré-cisant aussitôt que, si les pro-fessionnels de l’informationveulent profiter de « la nou-velle alliance » avec leurpublic que le net rend possi-ble, ils devront, sur ce média

aussi, « s’attacher à trois exi-gences : leur responsabilitédémocratique, la qualité deleurs informations et l’au-thentique exigence éthique ».

« La Toile doit apporter l’in-formation qui fait sens, lanouvelle qui enseigne, ledébat qui construit, l’échangedes savoirs et le partage desconnaissances », a ajoutéIbrahim Koné, avant d’appe-ler ses confrères à ne renoncer« ni à la qualité, ni à la réfé-rence ». « Notre ambition, a-t-il affirmé, doit rester de four-nir des informations d’intérêtpublic, de demeurer libres etautonomes, acteurs de nosdestins, individuel et collectif.Notre première obligation està l’égard de la vérité, notrepremière loyauté envers lescitoyens, notre première dis-cipline la vérification et notrepremier devoir l’indépen-dance ».

« Il ne suffit pas de revendi-quer cet héritage pour lui res-ter fidèle, a-t-il prévenu.Malmenée par d’autres, dis-

créditée parnous-mêmes,notre légitimitéest à reconqué-rir. Notremétier ne peutplus être prati-qué d’en haut,nous ne pou-vons plus tenirà distance noslecteurs, nosauditeurs, nost é l é s p e c t a -teurs ».

Pour IbrahimKoné, « la révo-l u t i o nd’Internet » aparachevé cettemutation. « Lejournalisme qui

prétendait avoir le monopolede l’opinion est tombé de sonpiédestal, a-t-il jugé. Cela meparaît une bonne nouvelle !Nous voici remis à notreplace, ramenés à notre raisond’être : chercher, trouver,révéler, trier, hiérarchiser,transmettre les informations,les faits et les réalités utiles àla compréhension du monde,à la réflexion qu’elle suscite, àla discussion qu’elle appelle».

Et « l’ancien » de poursuivresa leçon : « Le journaliste doitréapprendre que le jugement,le point de vue, l’analyse oule commentaire, l’engage-ment, l’expertise et laconnaissance ne sont pas sapropriété exclusive ». En cesens aussi, selon lui, Internetmodifie la donne, en facilitantl’interactivité entre les profes-sionnels de l’information etleur public. Ce qui renforcerala fidélité des lecteurs. « C’estcette fidélité qui assure laliberté d’un journal ».

Enfin, affirmant encore que la

valeur des informations d’unmédia dépend directement dela qualité de ses journalistes,Ibrahim Koné, commentantun article paru dans La

Gazette, a déclaré être deceux qui pensent qu’unegrande partie de ses lecteurssuivrait un professionnel dequalité qui changerait de titre.

Une fidélité qui doit inciterles éditeurs à étudier au plusprès la question des « blogs ».

Georges de Villerville

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nalistes du Sud, faute d’êtresalariés de véritables entrepri-ses, travaillent dans une pré-carité financière et socialeinquiétante. Une précaritéqui, naturellement, ne facilitepas l’indépendance d’esprit,mais ne saurait cependant jus-tifier les graves entorses auxbonnes pratiques profession-nelles constatées ici et là.

Parallèlement, depuis toutaussi longtemps, l’UPFconduit ce combat majeur enfaveur de l’éthique et de ladéontologie. Sur ce point éga-lement, la situation s’est glo-balement améliorée, maisbeaucoup reste à faire, au seindes écoles de journalisme, ausein aussi des rédactions etdes organisations profession-nelles. Mais qu’on ne s’ytrompe pas : le « gombo » ou« l’enveloppe », pratiqués auSud, ont leur pendant auNord, « ménages » et autresarrangements tout aussidétestables, qui flétrissentl’image du plus beau métierdu monde, le nôtre.

Etre libre, c’est aussi respec-ter son métier, respecter sonlecteur, son auditeur, son télé-spectateur. Bref, c’est aussiêtre responsable. L’un ne vapas sans l’autre. L’UPF, quelsque soient le lieu et l’instant,le rappelle sans cesse, d’au-tant plus fermementaujourd’hui qu’Internet et ses« blogs » ont troublé la donne

en contestant aux journalistesle monopole de l’information.Tous ceux qui ont participéaux assises de Yaoundé l’ontdit : seuls survivront les pro-fessionnels et les médias, ycompris électroniques, quiresteront attachés ou revien-dront aux « fondamentaux »du métier : la vérification, letri, la prudence, voire ledoute…

Notre force :notre diversité

Pourquoi la petite amicale de1950 a-t-elle pu devenir,soixante ans plus tard, cetteorganisation reconnue etécoutée ? Grâce à la qualitéde ses membres et de ses diri-geants successifs, bien sûr.Mais aussi, probablement,parce que ceux qui l’ont crééeont eu une véritable intuitionen l’appelant « union ». Ni« ONG », ni « association »,ni « club » : « union » !

Une union de journalistes qui,tous, à égalité, qu’ils soientdu Nord ou du Sud, partagentle même amour du métier, lamême soif de liberté et dedémocratie, le même goûtpour la chose publique, lemême respect du lecteur, lemême sens de la responsabi-lité professionnelle.

Ils utilisent aussi la même

langue, notre belle languefrançaise, avec ce qu’il fautde couleurs locales, d’expres-sions originales, d’accentsdifférents, pour que, tout enrestant la langue de Molière,celle des Lumières, elle soitaussi l’outil d’une autre mon-dialisation que celle que ten-tent de nous imposer leschantres piteux de l’uniformi-sation des cultures.

La force de la Francophonie,la force de notre Union, c’estjustement cette diversitéacceptée, proclamée, recher-chée, qui -paradoxe de l’hu-main- est le plus sûr cimentde notre unité. La diversitéexige la tolérance, la solida-rité conduit à l’humanisme età la paix.

En un mot comme en cent,l’UPF n’est pas un corps,comme on l’entend des archi-tectes ou des médecins, mais,osons-le, une âme. Une âmevivante, sage parfois, impé-tueuse aussi, mais jamaissilencieuse, une âme qui n’aqu’un objectif : l’excellenced’une profession indispensa-ble dans un monde globaliséet électronique, à la recherchenéanmoins d’un développe-ment durable profitant à cha-cun…

Georges GrosSecrétaire général de

l’UPF

Suite de l’édito page 1 : Plus qu’une Union...

Ibrahim Koné : « Internet réinvente notre avenir »

D’emblée, MichelTjadé Eoné a affirméque, « malgré les

apparences, liberté et respon-sabilité ne sont pas enconflit ». « Dans l’exercicedes métiers de la communi-cation, a-t-il dit, ces deuxvaleurs fondamentalesdevraient se compléter et seconseiller mutuellement etinlassablement. Autrementdit : pas de liberté sans res-ponsabilité, pas de responsa-bilité sans liberté ».

« Le principe de la liberté decommunication fait droit »,a-t-il poursuivi. Mais ce droità la communication -« droitde chaque citoyen à commu-niquer sa pensée et à accéderà la pensée d’autrui »-, danstous les textes qui, depuisplus de deux cents ans, l’éta-blissent, « n’induit pas uneliberté absolue. Ce n’est pasla liberté de l’anarchiste. Aucontraire, c’est une liberté

concrète qui s’exerce dans unespace sociopolitique pré-cis».

Dans toute société démocra-tique, « le droit positif pré-cise les contours et donc leslimites ainsi que les modali-tés de l’exercice des libertésde communication », a notéle professeur de l’ESSTIC,avant d’énumérer ces diver-ses restrictions. Il les diviseen deux catégories : cellesliées à la protection de l’inté-rêt général -c’est le casnotamment des textes inter-disant la propagande enfaveur de la guerre ou l’appelà la haine raciale- et celles« nécessaires pour protégerles droits d’autrui ».

Parce que les médias ont, endémocratie, une responsabi-lité sociale indéniable, le res-pect de ces droits est inscritdans la loi. Mais, au-delà, ilimplique aussi « l’obser-

vance scrupuleuse par lesjournalistes d’un certainnombre de devoirs qui relè-vent de la déontologie et del’éthique professionnelles »,a noté Michel Tjadé Eoné.Devoir -et obligation- de nepublier que des informationsexactes, donc vérifiées.Devoir de rechercher lavérité, pour « servir le droitdes citoyens à une informa-tion authentique». Devoir -etobligation-, enfin, de respec-ter la vie privée.

Un point sur lequel l’orateurs’est étendu pour traiter ducas particulier de l’hommepublic. Observant qu’au-jourd’hui, « avec l’intrusiondes nouvelles technologies etsingulièrement d’Internet, lacélébrité rend incertaine,voire poreuse, la frontièreentre vie publique et vie pri-vée » et que, « de toute évi-dence, un conflit latent existealors entre le droit de chacun

à la protection de la vie pri-vée et le droit de chacun àune information complète »,le professeur de l’ESSTIC aestimé que, dans une démo-cratie représentative, celui-cil’emportait sur le premier.« Un primat, a-t-il dit, qui sefonde sur l’exigence detransparence qu’entraînel’émergence de « l’hommecathodique », un hommepresque sans vie privée ». Unprimat qui, néanmoins, nesaurait justifier aucun man-quement au devoir de vérifi-cation des faits.

« La toute-puissance desmédias, qu’elle soit réelle ousurfaite, ne doit pas, sousprétexte de liberté de com-munication, inciter à la viola-tion d’autres droits del’homme », a conclu MichelTjadé Eoné. « Il en découleune synergie d’action entreliberté et responsabilité, deuxvecteurs de progrès social

qui doivent former un couplesolide, solidaire et insépara-ble, déterminé à vivre dura-blement une vraie histoired’amour ».

« Pour qu’il en soit ainsi, a-t-il encore affirmé, il faut queles hommes des médiassoient de vrais profession-

nels, bien formés et bieninformés des règles de l’art.Ils doivent acquérir un savoiret un savoir-faire qui leurpermettent en permanenced’être pleinement libres dansla responsabilité et pleine-ment responsables dans laliberté ».

Michel Tjadé Eoné : « Liberté et responsabilité sont deux valeurs fondamentales et complémentaires »

De tous les panélistes des 41èmes assises de l’UPF, c’est à coup sûr Michel Tjadé Eoné, professeur à l’Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information(ESSTIC) de Yaoundé, qui a réalisé le plus important travail de recherche pour étayer son exposé « Le binôme liberté-responsabilité ». Cette étude comparative des

différents textes qui proclament le droit fondamental de l’homme à la communication, allant du poète anglais John Milton (en 1644) à la Charte africaine de Nairobi (en 1981), restera notamment dans les mémoires.

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Modéré par Alfred DanMoussa lui-même, ledeuxième atelier

organisé dans le cadre desassises de Yaoundé a étéconsacré à un débat récurrentau sein de l’UPF : la régulationéthique des médias. D’entréede jeu, Marie-Claire Nnana,directeur général de laSopecam, société éditrice deCameroon Tribune, a rappeléque cette question figurait aumenu des congrès de l’Uniondepuis plusieurs années, toutcomme celle, concomitante,de la dépénalisation des délitsde presse.

Il est vrai que, dans uncontexte où les entorses à ladéontologie restent légion, «face à une presse apparem-ment sans principes et sanslimites », qui pratique « biensouvent l’abus de positiondominante », il convient, nonseulement de faire respecterles droits du public, « peuaverti et mal informé desrecours possibles», mais ausside tenter de redorer le blasonde la profession, a dit la DG duquotidien public camerounais.

La déontologie,c’est notre permis

de conduire Les solutions, « souvent déjàrabâchées », relèvent ou de «la méthode douce » ou de « lamanière forte », a-t-elle pour-suivi. Pour les partisans de lapremière, il s’agit de « former,informer, éduquer les profes-sionnels et faire fonctionnerles instances de régulationinterprofessionnelles, qui neprononcent que des peinessymboliques et morales ». Lesautres préfèrent « faire leménage dans les écuriesmédiatiques, limiter la carte depresse aux seuls titulaires d’undiplôme d’une école de forma-tion, considérer les journalis-tes comme des justiciablesordinaires et s’en remettre àl’institution judiciaire… »

« En tout état de cause, il fautréguler la pratique profession-nelle, si l’on ne veut pas ris-quer de voir le journalisme

dépérir sous ses propresexcès », a ajouté Marie-ClaireNnana, avant de reprendre« une belle image » utiliséelors des assises de Lomé parDaniel Deloit, directeur del’ESJ Lille : « Imagine-t-on,au coeur d’une cité grouillantede vie, un chauffeur sans per-mis de conduire ? Les princi-pes d’éthique et de déontolo-gie sont notre permis deconduire ! ».

Réfutant « l’utopie d’une régu-lation automatique » confiéeaux forces du marché, la DG adit ensuite que sa préférenceallait à l’autorégulation. « Lecombat pour la déontologiejournalistique est certes lecombat de toute une société,mais avant tout celui des jour-nalistes et, plus encore, celuides rédactions », a-t-elle expli-qué, tout en reconnaissant que« le contexte de la sociétécamerounaise se prête mal » àune telle pratique.

Oui, mille fois ouià la régulation

Et Marie-Claire Nnana deregretter l’étroitesse du mar-ché de la presse, la fragilité desentreprises, qui déterminent« une certaine précarité » dansla condition des journalistes,mais surtout « l’absence effa-rante de consensus à l’intérieurde la profession », « le manqued’esprit corporatiste » et « lesdivisions : public-privé, hom-mes-femmes, audiovisuel-presse écrite ». Des proposqui, pendant la discussiongénérale, ont provoqué un troplong débat entre profession-nels du Cameroun, d’autantque l’oratrice a aussi dénoncé« le climat de propagande » etla « tonalité militante » de cer-tains titres…

« Seul un fonctionnement dela presse respectueux desvaleurs, des libertés indivi-duelles, de la morale, desrègles éthiques et déontologi-ques, pourra plaider efficace-ment pour la dépénalisationdes délits de presse », a-t-elleencore estimé, avant de bros-

ser un tableau des « comporte-ments déviants » et des« mesures préventives » et« correctives » au sein deCameroon Tribune.

« Oui, mille fois oui à la régu-lation, a-t-elle conclu. Maisavant, il convient de formercorrectement les journalistes,d’améliorer les conditionsd’exercice du métier, de facili-ter l’accès aux sources d’infor-mation. Il faut encouragerl’autorégulation en donnantaux instances professionnellesla reconnaissance, la crédibi-lité, les moyens et la sérénitépour fonctionner… Mais ilfaut néanmoins laisser la jus-tice jouer son rôle face auxéventuels abus. Nul ne doitêtre au-dessus des lois ».

DG de la radio-télévisionpublique, Amadou Vamoulkéa, lui aussi, décrit la situationassez inquiétante qui prévaut àla CRTV. Malgré les rappels àl’ordre, les « mal pratiques »sont courantes, en particulierle « gombo », appellationlocale d’une méthode de cor-ruption des journalistes, quiconsiste à accepter, voire solli-citer, une « enveloppe » lorsd’une interview ou d’un repor-tage « commandé »…

Combattre« l’infectiongénéralisée »

« De manière générale, le jour-naliste de la radio et de la télé-vision apparaît constammentcomme soumis à une doublepression, celle des pouvoirspublics et celle des puissancesde l’argent », a-t-il affirmé,non sans pointer aussi la res-ponsabilité de « certainesadministrations ou entreprises» qui, dans leur budget, pré-voient de « prendre en charge» les journalistes. « La consé-quence, a-t-il dit, c’est que cesgroupes de pression détour-nent la CRTV de ses missionsde service public à leur seulprofit ».

Pour Amadou Vamoulké, cette« infection généralisée » estd’autant plus alarmante que sasociété entend appliquer lesdeux codes de déontologienationaux -celui de 1992,édicté par le ministère de laCommunication, et celui de1996, voté par l’Union desJournalistes-, mais aussi lacharte de l’Association de lacommunication publique, quis’intéresse particulièrement aurespect de l’égalité descitoyens. Même les statuts dela CRTV, qui formulent« l’obligation déontologique »de « la conformation des jour-nalistes à la ligne éditoriale »,

leur interdisent de « se servirde l’antenne pour faire valoirleurs opinions ou leurs intérêtspersonnels ».

« Pourra-t-on s’en sortir ? »Oui, répond le DG, « par dessanctions sévères, par la for-mation du personnel, par unerigueur accrue de l’encadre-ment », mais aussi par unemeilleure compréhension durôle d’un média de servicepublic de la part de tous lesprotagonistes.

« Les habitudes ont la peaudure, il y a des résistances àl’intérieur, plus grandes encoreà l’extérieur… Mais, déjà, onne parle plus avec le mêmedédain du gombo à la CRTV »,s’est-il réjoui, avant de con-clure sous forme de menaceenvers ceux qui « se complai-sent dans ces pratiques abjec-tes » : « Qu’ils sachent qu’ilsne grandiront jamais profes-sionnellement et qu’ils ne per-dent rien à attendre… », a-t-ildit. Un discours qui, bien sûr, aaussi alimenté le débat came-rouno-camerounais pendant ladiscussion générale.

Quant au troisième orateur dupanel, Yves Agnès, présidentde l’Association de Préfigura-tion d’un Conseil de Presse(APCP), il a défendu âprementce concept, qui, en France, agagné du terrain après les étatsgénéraux de la presse, organi-sés au printemps dernier par laPrésidence de la République.

Admettre la sanc-tion, mais pas la

prison

De la discussion qui a suivi cesinterventions, on retiendrad’abord celles centrées sur ladépénalisation des délits depresse. « Nous ne revendi-quons pas l’immunité totale etabsolue pour les journalistes, aindiqué Alfred Dan Moussa,en sa qualité de présidentinternational de l’UPF. Dèslors qu’un délit de presse estcommis, les journalistes sontprêts à subir et à assumer dessanctions pécuniaires. En tantque citoyens, nous devonsaccepter d’être sanctionnéscomme n’importe lequel d’en-tre eux ».

Vice-président pour l’Afriquede l’Ouest de l’UPF, EdouardOuedraogo partage cet avis.« Il faut dépénaliser le délit depresse -ce qui n’est pas encorele cas au Burkina Faso-, parcequ’il peut s’apparenter au délitd’opinion. On ne va plus enprison pour un tel délit… A laprison, il faut substituer desactions au civil ». Mais, a pré-venu le directeur deL’Observateur Paalga, « lesréparations civiles peuvent

s’avérer aussi mortelles pourles journaux que les peines pri-vatives de liberté… ».

« La dépénalisation est unequestion récurrente, a déclaré,pour sa part, Jean Kouchner. Ilfaudra que l’UPF en reparleautant de fois qu’il le faudra,sans jamais modifier son pointde vue. Mais nous disons aussique le journaliste n’est pas au-dessus des lois. Il doit les res-pecter et être sanctionné en casde manquement… sans êtrepassible de prison ! ».

Ce qui est le cas, depuis cinqans, à Lomé, a indiqué LucienMessan, président de laSection togolaise de l’UPF. Ledirecteur du Combat du Peupledresse toutefois un bilan trèsnuancé de cette dépénalisa-tion. « Elle a permis trop dedérives », regrette-t-il, avant denoter qu’une loi organiquerécemment votée confie lessanctions à l’égard des médias-interdictions temporaires deparaître, suppression du récé-pissé de déclaration,…- à laHaute Autorité, alors que leCode de la Presse prévoitencore qu’elles sont l’affairede la Justice…

Chaque société asa propre vision

de l’informa-tion…

Un autre débat a porté sur l’in-dépendance des médias de ser-vice public. Marie-ClaireNnana et Amadou Vakoulméont tous deux affirmé qu’ils nerecevaient de « coups de télé-phone » ni de la Présidence, nidu gouvernement. « Cela n’apas toujours été le cas… Onnous laisse une certaine lati-tude. Nous cherchons l’équili-bre entre la place accordée àl’Etat et celle, nécessaire, àaccorder au public, et donc àl’opposition », a indiqué laDG de la Sopecam, qui,cependant, a reconnu recevoir« quelquefois quelques recom-mandations sur la nature à ris-que de tel ou tel événement ».« Cela ne nous crée pas d’étatd’âme…, a-t-elle dit. Chaquesociété a sa propre vision del’information, de son traite-ment et, donc, de la régula-tion».

« L’indépendance est d’abordune question personnelle pourchacun d’entre nous », estintervenue une présentatricedu journal de la CRTV. « Toutest une question d’hommes…Beaucoup veulent grimperdans la hiérarchie. Ils se tai-sent… Dans un débat, j’ai prisposition en faveur de la presseprivée. J’ai été mise encause… ». « Mieux vaut êtreun journaliste debout qu’unDG couché », a commenté

Ibrahim Koné.

Au cours de cette discussiongénérale, plusieurs interve-nants ont aussi décrit lesconditions dans lesquelles lesjournalistes travaillaient dansleur pays. André Buyse(Belgique) a ainsi indiqué qu’àBruxelles, il est « inconceva-ble » qu’existe un ministère dela Communication et que lesdélégués de l’Etat dans les ins-tances de régulation ne sontque des experts, qui ne votentpas. Stefania Muti (Italie-Vald’Aoste) s’est inquiétée desatteintes au pluralisme et à laliberté d’expression qu’elleconstate dans son pays. « Unjournal est sous protectionparce qu’il a dénoncé les prati-ques de la Mafia », a-t-elleaffirmé.

Au Gabon, nousavons régressé de

vingt ans…

Quant aux journalistes afri-cains, ils ont tous insisté sur« l’état déplorable des finan-ces » des journaux et donc deleurs journalistes. Une situa-tion qui explique -sans lesexcuser- la plupart des dérives.« Nous bradons notre profes-sion ! », s’est exclamé unconfrère, avant de rappelerque, partout en Afrique fran-cophone, la loi fait obligation àl’Etat de protéger lesmédias…

Partout… y compris auGabon, où, pourtant, le nou-veau pouvoir multiplie lesagressions contre les profes-sionnels de l’information.« Nous avons régressé de vingtans… », a déploré un repré-sentant de Libreville, qui ademandé -et bien sûr obtenu-qu’au cours des assises, l’UPFs’inquiète officiellement decette situation inadmissible.

Le mot de la fin est revenu àJean Kouchner, lui aussi fermepartisan de la régulation desmédias par des instances adhoc. « Elles sont dans l’intérêtdu public, pour qu’il exerceson droit d’être bien informé,a-t-il dit. Mais aucune d’ellesn’a de valeur si la loi ne pré-voit pas la liberté de l’informa-tion et la liberté des pratiquesjournalistiques. Les pressions?Ce n’est pas le problème. Laquestion est : quelle force d’in-dépendance ont les journalis-tes face aux pressions écono-miques et politiques ? ». Enclair : tout dépend de la qua-lité, de la neutralité et de la sta-bilité du cadre juridique danslequel évoluent les médias. Al’UPF, ce sujet, aussi, estrécurrent…

S.H.

Un objectif : renforcer l’éthique professionnelle

Le constat reste inquiétant : l’économie chancelante de leurs médias et leur manque de formationconduisent encore de trop nombreux journalistes africains à se dispenser du respect des bonnes

pratiques. L’autorégulation est une des réponses à ces dérives, à condition qu’elle soit reconnue par lesautorités et admise par tous. Le deuxième atelier s’est aussi préoccupé de la question récurrente de la

dépénalisation des délits de presse.

Alfred Dan Moussa

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Les assises n’ont pas faillià la tradition : le troi-sième atelier, modéré

par Edouard Ouedraogo, PDGde L’Observateur Paalga(Ouagadougou), a été consa-cré à la formation des journa-listes. Un débat d’autant plusd’actualité que ceux-ci sontconfrontés aux bouleverse-ments que provoque Internetdans leur pratique profession-nelle, mais aussi pour leurplace au sein de la société.

L’apparition des « blogs » et lapossibilité nouvelle pour cha-cun d’accéder sans intermé-diaire au grand public, leur ontfait perdre définitivement lerôle, jusqu’alors essentiel, de« fabricants » uniques de l’in-formation. Seule la qualité del’offre fera désormais la diffé-rence. Ce qui suppose des pro-fessionnels qui, non seule-ment, maîtrisent parfaitementles outils techniques, maisaussi connaissent et respectentles règles du métier.

Point de salut sans solide for-mation, ont convenu tous lesintervenants, qui ont estiméque celle-ci était l’une desconditions nécessaires à l’in-dépendance et à l’exercice desresponsabilités des journalis-tes professionnels. La situationchaotique des médias came-rounais, longuement évoquéeau cours de l’atelier, démontrecependant qu’elle n’est pas laseule…

« On peut être surpris du com-portement de certains anciensélèves de l’ESSTIC, une foisrendus sur le terrain profes-sionnel », a déploré ValentinNga Ndongo, qui, professeurde sociologie à l’Université deYaoundé, a étudié « la sociali-sation » des journalistes duCameroun. « Les reprochesque leur adresse l’opinionpublique portent globalementsur des manquements à l’éthi-que », a-t-il poursuivi, citantnotamment « la désinforma-tion et l’information spectacle,la pratique du « gombo », laviolence verbale, la conflictua-lisation des champs médiati-que et politique,… ».

Des journalistessous influence

« Ces pratiques témoignentdes insuffisances de la forma-tion, mais sont aussi le refletdes tares de la société », a-t-ildit. Jugeant qu’à l’ESSTIC, laformation à l’éthique et à ladéontologie « figure en bonneplace », Valentin Nga Ndongoa souligné que la socialisation« ne s’arrête pas au sein desstructures d’éducation » « Elledure toute la vie », a-t-ilaffirmé, notant au passage quebeaucoup de journalistescamerounais ne bénéficientpas de formation initiale. Ilssont formés sur le tas, « c’est-à-dire pas du tout ou, tout auplus, sommairement »…

« Après l’école, formelle ouinformelle, vient l’école de la

vie… La société dans laquelletravaille le journaliste n’est passans exercer une forteinfluence sur la culture deshommes de presse », a jugé lesociologue. Selon lui, lasociété camerounaise est mar-quée par trois « dynamiquessociopolitiques qui influent surles pratiques de journalistes :une pauvreté générale et struc-turelle, une déstabilisationpolitique et une psychologiespécifique ».

« Le journaliste camerounaisappartient à une catégoriesociale pauvre et défavorisée,a-t-il dit, d’où sa tentation,dans une société dominée parla munificence et la « politiquedu ventre », de rechercherl’enrichissement par tous lesmoyens… Cela conduit aujournalisme alimentaire, aujournalisme instrumentalisé…que l’on appelle ici journa-lisme du Hilton ».

Quant à la « déstabilisationpolitique », que Valentin NgaNdongo perçoit à travers lapersistance des luttes tribaleset ethniques, elle a entraîné,selon lui, « l’émergence dejournaux à la ligne éditorialeouvertement régionaliste outribaliste », certains profes-sionnels, depuis la démocrati-sation des années 90, n’ayantpas résisté à « la tentation del’opportunisme politique, dumonnayage de leurs servi-ces… ».

S’ajoutent encore à cela lesdéfauts de la psychologienationale, « la propension àl’affabulation, qui entraîne larumeur, la violence verbale, legoût pour l’injure, les déliresverbaux... ». « Les journaux ensont le reflet », a jugé l’orateur,avant de souligner la nécessitépour les professionnels deréfléchir à leur métier, « de seposer le problème fondamen-tal : celui de la vocation ».

« Immergé dans la structuresociale, le journaliste doitnéanmoins s’en distinguer,rester au-dessus de la mêlée,pour jouer son rôle de veilleurau service de la société », aconclu Valentin Nga Ndongo.« Difficile, mais pas impossi-ble », a-t-il jugé, tout en esti-mant que « le chemin estencore long »…

Ne nous laissonspas fasciner par

Internet

Après cette intervention enforme de réquisitoire, Nta àBitang, vice-président del’Union des Journalistes duCameroun (UJC), a préféréélargir le débat, même si,enseignant à l’ESSTIC, ilestime, lui aussi, qu’il esturgent que ses confrères seressaisissent. « Le journaliste,a-t-il dit, remplit une tâche dif-ficile, qui nécessite une curio-sité toujours en éveil, unesolide culture générale, unsens critique aiguisé, une

grande indépendance d’espritet une profonde qualité…Toutes choses qu’il ne peutacquérir spontanément enl’absence totale d’une forma-tion adaptée et d’une respon-sabilité sociale réelle ».

Restant un instant dans lechamp camerounais, il s’estfélicité de ce que le gouverne-ment fasse de plus en plusréférence au code de déontolo-gie adopté par la profession en1996 et a souhaité qu’« unjour » l’autre code, édicté pardécret en 1991, « soit retiré »au profit de ce texte reconnu -sinon respecté- par les profes-sionnels.

« Un tel code, a-t-il affirmé,donne à chacun un sentimentde sécurité, de force collective.Il augmente la crédibilité, lafidélité de la clientèle… Il nesaurait être imposé aux profes-sionnels. Il doit être conçu etadopté par eux librement. Iln’a pas force de loi… Maisc’est un code moral auxquelsmédias et journalistes se réfè-rent pour définir leurs prati-ques, les réguler, au besoin lesdéfendre contre quiconqueaurait l’intention d’attaquerl’exercice libre et protégé del’expression ».

Un impératif : leretour aux fonda-

mentaux

Puis Nta à Bitang a consacréle reste de son intervention aujournalisme professionnel surInternet. « En raison de la dif-fusion individuelle de l’infor-mation, notre responsabilitépersonnelle est plus interpelléeque par le passé, a-t-ilreconnu. Mais Internet ne posepas de problèmes déontologi-ques nouveaux. Simplement,ne nous laissons pas fascinerpar l’outil, n’oublions pas nosrègles éthiques, faisons preuvevis-à-vis des messages électro-niques de la même méfianceque pour les documents surpapier… ».

Bien qu’elle date de 1971,avant même la naissanced’Internet, la Charte des droitset devoirs des journalistes, dite« de Munich », reste valable, a

estimé le vice-président del’UJC. « Y compris les articlesqui prescrivent le respect de lapropriété intellectuelle et celuide la vie privée », a-t-il pré-cisé.

Enfin, observant que la multi-plication des « blogs » et dessites amateurs est à saluer entant que « nouveaux contre-pouvoirs », l’orateur n’en estpas moins inquiet « s’il nes’agit d’une compilation derumeurs, d’une addition defausses informations ».Pointant aussi la fragmenta-tion et l’absence de hiérarchi-sation de l’offre d’information

sur Internet,qui entraî-nent un pro-blème de cré-dibilité, il aestimé que« cette situa-tion remet laresponsabi-lité socialedu journa-liste au cen-tre de la pro-fession ».« Le journa-liste resteraun média-teur, un inter-médiaire, a-t-il affirmé, àc o n d i t i o nq u ’ i laccroisse sa

vigilance et applique avec uneextrême rigueur les techniqueset règles professionnelles ».Bref, pour Nta à Bitang, « leretour aux fondamentauxdevient un impératif ».

Savoir répondreau marché

« Nous tenons des discoursmasochistes ! », s’est exclamé,pour sa part, AbdelmounaïmDilami, vice-président interna-tional de l’UPF. « J’exerce leplus beau métier du monde…

Il n’y a pas plus de tricheursdans nos rangs que chez lesjuges ou les policiers ! », a-t-ilencore affirmé, avant d’esti-mer que l’éthique, avant tout,est « le produit de la société.Elle en découle… et diffèreselon les valeurs et les normesdéfendues par celle-ci ». Pourle PDG du groupe L’Econo-miste (Casablanca), la com-munication est devenue leprincipal enjeu économique.Ce qui le conduit à affirmerque la question principale estcelle de la structure des entre-prises de presse, qui, selon lui,doivent être en mesure de« répondre au marché ».

La nécessité de la formation,le respect des règles profes-sionnelles, l’éthique -« uncomplexe souvent flou, parfoisvide »- sont des élémentsnécessaires au développementdes médias, mais ce sont des« accessoires » et non l’objec-tif principal, a-t-il encoredéclaré, tout en émettant éga-lement des réserves sur la ten-dance actuelle à mettre enparallèle la responsabilité indi-viduelle du journaliste etl’exercice de la liberté depresse. « Cela mériteréflexion », a-t-il dit, crai-gnant que, pour les médias, les

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en a conclu que ce nouveau média était un «encouragement » puisqu’il permet de se rap-procher davantage de celui-ci, mais aussi une« chance » pour les journalistes profession-nels. « Si nous voulons ne pas être submergéspar ce miroir aux alouettes que constitue lejournalisme « amateur » ou même « participa-tif », il importe que nous retrouvions rapide-ment nos fondamentaux », a-t-il expliqué.« C’est la valeur ajoutée d’un informationrigoureuse, indépendante, sûre, qui permettraau public de distinguer le vrai du faux. Nousretrouverons alors la confiance du public qui,aujourd’hui, fait défaut au journalisme profes-sionnel ».

Autorégulation : des expé-riences divergentes

Ce qui, pour Yves Agnès, n’exclut pas l’appa-rition de médias professionnels sur la Toile,qu’il s’agisse de sites rattachés à des médiastraditionnels ou de « nouveaux joueurs ». « Acharge pour la profession d’adapter ses dispo-sitifs déontologiques, en intégrant ces nou-veaux médias dans le champ d’action de laveille éthique et de la médiation », a-t-il pré-cisé.

Le débat qui a suivi cet exposé fut une sorte deséance d’entraînement pour les futurs ateliers.Si l’on a évité de justesse la sempiternellequestion du sens des mots -« définissonsd’abord les mots ‘public’ et ‘information’ », aproposé un participant-, on s’est vite renducompte qu’il fallait, sur toute question tou-chant à l’éthique, non seulement prendre encompte les diverses réalités nationales, maisaussi écouter des points de vue très divergentssur celles-ci.

Ainsi, si le secrétaire du syndicat des journa-listes camerounais s’est félicité du bon fonc-

tionnement de l’organe d’autorégulationnational, qui comporte des membres représen-tant le public, un autre journaliste de Yaoundéa, lui, estimé que la plupart des médias dupays appartenant à des groupes de pression, ilétait bien difficile de responsabiliser ceux quiy travaillent. Quant à Lucien Messan, direc-teur du Combat du Peuple à Lomé, il est alléjusqu’à se demander s’il ne fallait pas en reve-nir au juge, tant les dérives de la presse togo-laise se sont accentuées depuis l’instaurationd’un « conseil de presse » et la « dépénalisa-tion ». « On ne maîtrise plus rien », a-t-il dit.

André Buyse, président de la Section belge del’UPF, a dénoncé « le système de perversionde l’information » que représentent selon luiles blogs, Jean-Baptiste Akrou, directeurgénéral de Fraternité Matin, a regretté « lapiraterie en ligne de nos publications » etPhilippe Stroot, de Genève, s’est emportécontre « la pensée unique » des « grandsmédias » qui hiérarchisent l’information aumépris du droit de chacun d’être informé.

Jean Miot doutant qu’une même déontologiepuisse être appliquée dans tous les titres, YvesAgnès lui a répondu que « l’éthique profes-sionnelle s’applique aux faits, pas aux com-mentaires ». C’est aussi en rappelant que cha-que publication défend une ligne éditorialeque Jean Kouchner, responsable du comitééditorial des assises, a justifié la hiérarchisa-tion des infos. « Le choix doit correspondreaux attentes du public, a-t-il dit. Mais où est lalimite entre ce souci et celui, plus commercial,de faire plaisir au lecteur ? ».

C’est le même Jean Kouchner qui, en unephrase, a résumé cette première séance de tra-vail : « Le développement des médias, a-t-ildit, a pour rançon un développement des exi-gences du public, d’où, pour nous, journalis-tes, l’obligation d’une plus grande déontolo-gie ».

La formation reste l’arme principale des journalistes face aux « blogueurs »

Internet ne pose pas de problèmes déontologiques nouveaux, ont estimé les congressistes. Mais le besoin de formation est encore plus évident depuis quechaque citoyen, grâce à la Toile, est devenu « fabricant » d’informations. Un rôle qui, avant l’apparition des médias électroniques, était réservé aux

journalistes professionnels.

Suite de la page 3 : Séance de présentation

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D’emblée, le quatrième ate-lier, consacré au « manage-ment » des médias et modéréd’abord par Evelyne Yao,sous-directeur du contentieuxdu Conseil National de laPresse de Côte d’Ivoire, puispar son président, Eugène DiéKacou, a connu la mêmeambiance fiévreuse que lesdeux précédents. Et pour lamême raison : une diatribesans concession d’un repré-sentant des médias publicscamerounais contre la presseprivée.

Ancien directeur général de laSopecam et enseignant àl’ESSTIC, Paul CélestinNdembiyembe a dénoncépêle-mêle le financement« opaque » des journaux,leurs « mensonges » sur lestirages, leurs contenus «orientés », la corruption desjournalistes…

« Parce que la presse est unproduit particulier, les politi-ques veulent savoir quifinance et donc qui inspire, a-t-il expliqué. La loi prévoit latransparence de la propriété.Mais cette règle n’est pas res-pectée. Il y a beaucoup deprête-noms… Tout ce quel’on connaît, c’est l’originetribale des vrais propriétaires,parce que les « ours » indi-quent les noms des dirigeantsofficiels, qui, généralement,sont issus du même groupeque ceux-ci… ».

« Les tirages indiqués sont

factices. Il n’existe pas decontrôle de la diffusion, pour-tant prévu par la loi, ce quiaffecte le financement par lapublicité. Les tarifs sont opa-ques, alors qu’ils devraientêtre publiés… Au final, lesjournaux sont à la merci deleurs annonceurs, qui fixentles prix à la tête du support !»,a poursuivi l’orateur, qui areconnu cependant que lesquotidiens ont essayé de s’or-ganiser. « Difficile », a-t-ilcommenté.

Une solution :le regroupement

des titres

Paul Célestin Ndembiyembea aussi regretté « la politisa-tion à outrance » de la plupartdes publications -« pourplaire aux lecteurs », a-t-iljugé- et « l’apparition de jour-naux occasionnels, qui jouentla carte de l’instrumentalisa-tion politique. Leur finance-ment est bien sûr occulte et ilsdisparaissent dès leur missionaccomplie… ».

Quant aux journalistes eux-mêmes, qu’ils travaillent dansla presse privée ou les médiaspublics, ils pratiquent le« gombo », a dit l’ancien DGde la Sopecam, avant d’indi-quer que le Groupement deshommes d’affaires camerou-nais (Gicam), dans un récent

rapport, plaçait la presse ausixième rang des institutionscamerounaises les plus cor-rompues ». Selon lui, toutcela explique que les investis-seurs ne s’intéressent pas à lapresse, que, de plus, ils« considèrent comme un sec-teur non rentable ».

En conclusion, Paul CélestinNdembiyembe a proposé« une solution : le regroupe-ment des titres ». « Ce quin’est pas la concentration, a-t-il ajouté. Condamné au Nord,cela peut être la solution auSud. Aujourd’hui, trop detitres sont installés sur unmême créneau. Cet émiette-ment n’est peut-être pas salu-taire pour la presse. Mieuxvaudrait quelques groupesforts, solides et viables ».

Les esprits s’étant échauffésau fil des critiques, lescongressistes camerounaisont tenu à répondre immédia-tement, avant même d’écouterles autres intervenants dupanel. « A chaque fois qu’unresponsable de la pressepublique parle de la presseprivée, c’est pour lui taperdessus », a dit l’un. « Pourdémarrer, on ne peut pas faireautrement que passer parl’économie informelle.Ensuite, installé, le journalpeut faire appel à des investis-seurs… », a affirmé un autre,avant qu’un troisième ne s’enprenne à l’importance des «financements opaques » des

médias publics.

« D’où le développementanarchique du contre-pouvoirque représente la presse pri-vée », a-t-il ajouté, avantd’appeler à « la création desconditions réglementaires »nécessaires à la mise enconfiance des investisseurs. «Aujourd’hui, a-t-il dit, lesbanquiers craignent de nousfinancer en raison du contextepolitique. Nos titres peuventêtre interdits du jour au lende-main. Notre problème, c’estque nous ne sommes pas desentreprises… ».

Les concentra-tions ne sont pas

forcémentmalsaines

Président de la Section came-rounaise de l’UPF et organi-sateur des assises, Alain-Blaise Batongué est intervenului-même pour s’élever contrece « tableau excessif, volon-tairement négatif ». « Nosgroupes de presse ne ressem-blent pas au profil indiqué parl’orateur, a-t-il dit. Nos tarifspublicitaires sont connus, ycompris par le parti au pou-voir. Quant aux tirages et auxventes, si certains mentent,des structures permettent devérifier leur réalité ».

Cette levée de boucliers n’a

pas modifié le point de vue del’orateur. « Mes propos sonten rapport avec la loi, a-t-ilrépondu. L’OJD existe-t-il ?Non. Les quotidiens annon-cent leur entente en matièrede tarifs de publicité, mais,rentrés chez eux, leurs diri-geants négocient avec lesannonceurs… ». « Si nouscontinuons dans cet amateu-risme, si nous n’avons pasd’entreprises de presse écono-miquement viables, bien diri-gées, nous resterons incapa-bles de payer nos journalis-tes », a-t-il jugé, avant d’ajou-ter qu’il ne changeait en rienson discours sur la presseoccasionnelle : « L’annoncede l’aide à la presse provoquel’éclosion de titres qui parais-sent, prennent l’argent et dis-paraissent… », a-t-il affirmé.

Quant à l’idée de « regrou-per » les médias lancée parPaul Célestin Ndembiyembe,elle n’a suscité que les com-mentaires d’André Buyse(Belgique) et de Jean Miot.« 700 journaux… Le nombrede publications n’est pas uncritère de démocratie », aaffirmé le premier, tandis quele président de la Sectionfrançaise de l’UPF se disait« réjoui par ce foisonnementde titres, même si des abussont à corriger ».

« Les concentrations ne sontpas forcément malsaines.Elles permettent des syner-gies, dans l’impression, la

distribution,… », a pour-suivi l’ancien présidentde la FédérationNationale de la PresseFrançaise, qui a rappeléqu’en 1945, la pressequotidienne régionalecomptait 80 titres indé-pendants et qu’au-jourd’hui, cinq groupesse partagent le marché. «Pas un seul quotidiennational ne peut vivresans être appuyé sur ungrand groupe industriel,a-t-il ajouté. Pour des rai-sons historiques, depuisla Libération, on n’a paslaissé se créer en Franceun grand groupe depresse, comme enAllemagne ou aux Etats-Unis… ».

Après ce long débatautour de la presse came-rounaise, l’atelier a reprisson cours avec, d’abord,les interventions dumême Jean Miot (voirpage 9) et de TidianeDioh, responsable duprogramme Médias del’OIF.

Centrant son propos surle financement des sitesInternet des médias afri-cains, ce dernier ad’abord rappelé que la« fracture numérique »est loin d’être réduite. «Le français ne représenteque 4% des contenus dece nouveau média et seu-lement 4% des Africainsy ont un accès régulier.De plus, face au nouveau

langage multimédia, noussommes des analphabètes…», a-t-il dit.

Puis, tout en faisant le constatque, pour l’instant, nul n’atrouvé un système économi-que rentable, il a fixé « deuxpréalables » à la réussite d’unmédia électronique installédans un pays du Sud : « l’uti-lisation massive de l’ordina-teur et l’accès de tous les jour-nalistes à la Toile ».

Deux conditions qui, selonlui, lorsqu’elles seront rem-plies, permettront aux médiasdu Sud d’atteindre la mannefinancière que représente ladiaspora… « Elle est seule àpouvoir payer », a-t-il insisté,citant l’exemple de l’héber-geur français Free qui fait« de bonnes affaires » en ven-dant sur Internet un bouquetde neuf chaînes nationalesafricaines. « Même les jour-naux à très faible tirage pour-ront profiter de cela », a-t-ilajouté pour tenter de convain-cre son auditoire, un peu dé-sarçonné par cette « solution»qui ignore le coeur du mar-ché : le lectorat local…

Fort heureusement, l’interve-nant suivant, fort de son expé-rience, s’est montré plus réa-liste. Patron d’un groupe decommunication indépendantqui, créé en 1990, regroupenotamment Equinoxe TV, uneradio et le quotidien « LaNouvelle Expression »,Séverin Tchounkeu voit dansson site Internet « un nouveaucentre de profit ». « Il est bientenu, la publicité arrive », a-t-il dit, affirmant que ses tarifssont dix fois supérieurs sur leNet à ceux pratiqués pourl’édition papier.

« Internet renforce notre indé-pendance. Quand, dans votrejournal, vous ne chantez pasla chanson du roi, vous ris-quez des difficultés. Mais, surla Toile, vous pouvez conti-nuer à déplaire… », a-t-ilencore affirmé, avant d’appe-ler ses confrères à créer « devrais entreprises, qui paientleurs salariés », à éditer desjournaux qui « visent despublics identifiés, lesquelsexigent éthique et déontolo-gie… »

« Parce que nous avons res-pecté cela, nous avons su don-ner confiance à nos partenai-res financiers… », a-t-il dit,regrettant cependant que lesinvestisseurs n’accordent pasencore des crédits à longterme au secteur des médias.« Cinq ans pour nous, qua-rante ans pour la bière… », a-t-il observé.

Enfin, exhortant encore sespairs à « faire en sorte d’êtreéligibles aux structures finan-cières internationales, qui dis-posent de possibilités definancement», SéverinTchounkeu a demandé àl’UPF de faire du « lob-bying » auprès de la BanqueMondiale. « C’est son inter-vention qui déclenche celledes autres organismes inter-nationaux », a-t-il précisé.

contraintes liées à cette responsabilités’ajoutent à celles définies par la loi.

« Nous irions alors vers une restriction deslibertés », a-t-il jugé, avant de conclure sursa conception de la presse et du rôle desjournalistes professionnels : « Un médian’est pas un pouvoir. Se prétendre tel estune erreur. Notre rôle, c’est d’informer etd’observer ! C’est ce que nous demandentnos lecteurs ! »

Peu de formationsur la qualité de l’info

Quant à Jean Kouchner, professeur de jour-nalisme à l’ESJ-Montpellier, il s’est surtoutattaché à examiner la question de la néces-sité ou non d’une formation spécifique àInternet. Ce qui ne l’a pas empêché d’entrerun instant dans le débat sur la responsabi-lité sociale des journalistes, en tentant unedéfinition de celle-ci : « Etre responsable,a-t-il dit, c’est avoir conscience des consé-quences d’une information sur un individuou un groupe… Ce qui ne gêne en rien lepluralisme ! ».

Notant que, pour les journalistes, Internetétait tout autant une source qu’un vecteurd’informations, il s’est dit partisan d’unapprentissage des techniques spécifiques àl’outil, comme cela se fait déjà pour lesautres médias, presse écrite, radio ou télévi-sion. En ce domaine, l’offre est déjà impor-tante, juge-t-il, de « l’editing Web » aux« techniques de mise en valeur de l’info »,de la « technique photo » à « l’écritureWeb ».

Mais, pour Jean Kouchner, l’essentiel,

pourtant, n’est pas là. « Aujourd’hui, a-t-ildit, on ne trouve que peu de formations surla qualité de l’information sur le Net, surles responsabilités particulières qu’imposece média en matière de déontologie, d’éthi-que, de vérification de l’info... Certes, surle fond, les pratiques professionnelles doi-vent rester les mêmes, mais dans le cadrenouveau que dicte la rapidité de la diffusionde l’information sur la Toile… ».

Ce qui l’a conduit à indiquer quelques-unsdes stages proposés en ce domaine parl’ESJ, à Lille ou à Montpellier : « Savoirévaluer les « blogs » en termes d’informa-tion », « Savoir évaluer la qualité des sour-ces », « Créer et modérer le dialogue avecles internautes, « Le pièges du Web »,...Avec, en conclusion, une dernière ques-tion: « Qui paie ces stages de formation desjournalistes aux NTIC ?... En France, mal-gré nos moyens, nous n’avons pas trouvéde solution… ».

Ni ordresni interventions de l’Etat

Du débat qui a suivi ces interventions, onretiendra surtout les échanges assez vigou-reux provoqués par le point de vue deMartine Ducolombier, directrice deDialogue Production (Abidjan), qui s’estdemandé à haute voix « si la multiplicationdes titres était conciliable avec la qualité »et « si la porte de la maison n’était pas tropouverte ». « Il faudrait exiger que les petitsjournaux emploient des gens formés », a-t-elle ajouté.

« Idée dangereuse », a répliqué Jean Miot,tandis qu’Edouard Ouedraogo s’élevait

aussitôt contre l’idée d’une quelconqueintervention de l’Etat dans l’existence desjournaux. « Non, non et non ! a surenchériJean Kouchner. L’Etat n’a pas à dire si unjournal peut paraître ou non. Son rôle est dedonner les moyens à ceux qui respectent uncertain nombre de règles professionnel-les… Mais il est vrai aussi que la pléthorede journaux fait que personne ne s’y recon-naît… ».

Il y eut aussi quelques escarmouchesautour de l’idée très enracinée dans lemilieu professionnel que la presse est uncontre-pouvoir, mais c’est surtout l’impor-tance de l’éthique qui a été défendue parquelques confrères, en désaccord avecAbdelmounaïm Dilami. « Elle a permis à lapresse d’avancer », a dit un journaliste deBrazzaville, tandis qu’un autre, du Congoégalement, réclamait un ordre profession-nel, « comme les médecins ou les pharma-ciens, pour faire face aux braconniers quienvahissent la profession ».

Une proposition très loin de faire l’unani-mité, même si d’autres congressistes ontaussi dénoncé « les apparatchiks » et « lessorciers » qui sévissent dans leurs médias.« Cela arrange les pouvoirs publics », a ditl’un d’eux, expliquant que la médiocrité deces pseudo-professionnels entamait la cré-dibilité des journaux…

Enfin, on notera encore une intervention deJean Miot, qui, avant de rappeler quel’IFRA propose des stages de formationaux NTIC, a estimé que l’éthique « relèvede la conscience personnelle ». « Il estgrand temps de développer le principe devigilance vis-à-vis d’Internet », a-t-ilajouté, s’élevant contre la notion « bizarre »de « journaliste-citoyen ». « Non, tous lescitoyens ne sont pas des journalistes, a-t-ilinsisté. Nombreux sont ceux qui, sur leur« blog », ne connaissent même pas la pré-somption d’innocence… ».

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Suite de la page 7 : La formation...

Le financement des journaux africainsreste extrêmement fragile

Les travaux du quatrième atelier, consacré au financement des médias à l’heure d’Internet, ont démontré, si besoin était, que la presse africaine souffre d’undéfaut majeur : le trop petit nombre de véritables entreprises de presse. Quant à la situation des médias camerounais, elle a échauffé les esprits…

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Le long débat qui a suivi cesinterventions a été particuliè-rement intéressant et instruc-tif sur l’état d’esprit danslequel les dirigeants desmédias africains conçoiventle financement de la presse.

« Les investisseurs sont fri-leux parce que l’entreprise depresse leur semble définitive-ment en situation de perte », aregretté une journaliste came-rounaise, qui s’insurge contrele taux de commission de lasociété de distribution desjournaux, filiale des NMPP :« 44% du prix facial ! Il nousreste 225 francs par exem-plaire pour tout payer ! ».

« C’est 32% chez nous », aindiqué Jean-Baptiste Akrou,directeur général deFraternité Matin (Abidjan),qui a d’autre part souhaité que« l’OIF se cherche les moyensde continuer à financer lesmédias du Sud ». « Le pro-blème en Afrique, c’est quetout le monde veut être prési-dent… Cela ne facilite pas laconcentration », a-t-il ajouté,avant d’admettre qu’il est« difficile pour un groupefinancier d’aider un journald’opposition ».

« Notre activité est une acti-vité économique, a affirmé,pour sa part, le président de laSection marocaine de l’UPF,Abdelmounaïm Dilami. AuMaroc, nous avons fait desefforts pour passer de l’artisa-nat à l’entreprenariat. En2004, nous avons négociéavec le gouvernement uncontrat-programme de 50 mil-lions d’euros sur cinq ans.Cela représente 20% du coûtd’achat du papier. Nous noussommes engagés à rémunérerun certain nombre de journa-listes, à être en règle avec lesconventions sociales, avec lesimpôts, et à payer nos stagiai-res 800 euros par mois auminimum. La première année,nous étions quinze journauxdans les clous, la deuxième35. Aujourd’hui, nous som-mes 55… sur 400, il estvrai… ».

« Les organisations profes-sionnelles peuvent doncentreprendre des actions pourmoderniser le secteur en pas-sant par le système des sub-ventions », a ajouté le PDGdu groupe L’Economiste.« Mais, a-t-il prévenu, il nefaut pas faire de la subventionl’objectif final ! ».

Un point de vue approuvé parSéverin Tchounkeu. « Je suiscontre l’assistance perma-nente. Je n’ai jamais sollicitél’OIF parce que sa démarcheentre dans une telle perspec-tive. C’est au marché de déci-der de la survie ou non d’uneentreprise de presse ! ».

Alain-Blaise Batongué estplus nuancé. « Pour courir dixkilomètres, il faut d’abordfaire le premier pas… L’aidede l’OIF, si elle n’est au maxi-mum que de 30 000 euros,n’est pas à négliger. Ce fonds

d’appui a permis des décolla-ges… ».

C’est aussi l’opinion deVincent Nkeshimana, direc-teur de Radio-Isanganiro(Burundi) : « Notre objectifest très précis : le rapproche-ment des communautés pen-dant la période de sortie decrise. Nous avons longtempsfonctionné grâce à des sub-ventions des organisationsinternationales », a-t-il dit,avant de suggérer que lesmédias du Nord proposent àleurs confrères africains desoffres de formation et leurenvoient les matériels qu’ilsréforment.

Tidiane Dioh a, lui aussi, par-ticipé à ce débat, en rappelantd’abord que les organisationsinternationales, OIF com-prise, « gèrent des fonds pro-venant de leurs Etats-mem-bres, dont la vocation est d’yretourner ». « Ce n’est pasfaire preuve de non indépen-dance que d’aller chercher cesfonds publics », a-t-il affirmé,avant de rappeler que, depuisdix ans, le fonds d’appui auxmédias de l’OIF a subven-tionné 120 projets pour 2 mil-lions d’euros. « Il faut sensi-biliser les autres organisationsinternationales, a-t-il pour-suivi. 40 milliards d’eurosdorment à Bruxelles, destinésà des pays en développement.N’ayez pas peur des adminis-trations, de la paperasserie !».

Quant au problème de laconcentration des titres enAfrique, le directeur du pro-gramme Médias de l’OIF leconnaît bien : « Nous sommesdans une nouvelle géopoliti-que des médias. En matièred’aide, nous ne devons plusfaire de l’émiettement… Maisdepuis dix ans, aucun projetcollégial ne m’a encore étésoumis… Le syndrome dupatron à 150 exemplaires esttoujours là ! ».

« La presse est une grandefamille… mais des Atrides !»,a commenté Jean Miot, citantle cas de la presse française. «Chaque quotidien possède sesmoyens d’impression. La plu-part de nos rotatives fonction-nent quatre heures parjour…». « La liberté de lapresse commence par sonéquilibre économique… Lacrise fait qu’on s’aperçoitqu’il va falloir travailler enfamille », a-t-il ajouté, évo-quant les travaux récents desétats généraux de la pressefrançaise. « Une initiative dela Présidence de laRépublique, a-t-il précisé. Ala crise conjoncturelle,s’ajoute, en France, une crisestructurelle : la sous-capitali-sation de nos journaux…L’Etat a mis sur la table 600millions d’euros sur trois ans.Ce n’est pas une mise soustutelle. L’aide de l’Etat à lapresse est un devoir, parceque la presse est l’un desoutils de la démocratie ».

Un modèle que Jean Miot

souhaite voir se reproduire auCameroun, mais aussi dansd’autres pays de l’espacefrancophone. « Il faut jouerles synergies, dialoguer avecle pouvoir », a-t-il conclu àl’adresse de ses confrères.

Le mot de la fin est en quel-que sorte revenu à JeanKouchner, qui avait préparél’ensemble des quatre ate-liers : « Il est assez singulier,mais pas étonnant, a-t-il dit,qu’un débat sur Internetdébouche sur les questionsgénérales du financement dela presse ». « Lafracture numérique est réelle,y compris au Nord, a-t-ilajouté. Au Sud, certainscitoyens n’ont pas mêmeaccès aux médias tradition-nels… Notre réflexion doitêtre de savoir comment fairepour que chacun puisse dispo-ser d’une information de qua-lité… en nous battant aussisur le front de l’éthique ».Une « feuille de route » quisera encore au premier rangdes préoccupations des mem-bres de l’UPF, lors des pro-chaines assises, en juin, auMaroc.

S.H.

941ÈMES ASSISES

JANVIER / FEVRIER 2010 - N° 143

ZI des Colonnes6, rue Gustave Eiffel

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« La révolution d’Internet, ilne faut pas la diaboliser, maisla maîtriser », a lancé JeanMiot, qui, outre la question,encore sans réponse, dufinancement de ce nouveaumédia, a abordé son sujetfavori : le rapport entre celui-ci et la presse papier. «Internet, c’est l’informationimmédiate, brute de décof-frage, parfois mal vérifiée,souvent incontrôlée, a-t-ilaffirmé. Dans un pays démo-cratique, le citoyen peut-ils’en contenter ?... Le papier,c’est l’indispensable recul del’analyse, de la réflexion, ducommentaire ».

Et l’ancien directeur déléguédu Figaro de reprendre sadémonstration sur l’avenir del’écrit, « conservatoire denotre langue et de notre cul-ture ». « Non, chaque nou-veau média ne fait pas dispa-raître le précédent », a-t-ildit, raillant « les prétendusvisionnaires », tel Mc Luhan,qui, en 1962, annonçait lamort de l’imprimé au profitde l’édition virtuelle.« Comme si on pouvait ima-giner un monde sans papier !». Fustigeant aussi les jour-nalistes, sur lesquels « lesscénarios d’apocalypse sem-blent exercer une véritablefascination ».

Jean Miot en est persuadé,« ce n’est pas Internet quimenace les journaux, c’est la

presse qui a besoin d’Internetpour se développer ». D’oùson « théorème » - « plus,une conviction »- : « L’Ecransauvera l’Ecrit ».

« C’est cette conjugaisonentre le papier et le Web,cette complémentarité, quiva nous donner toutes noschances », a-t-il assuré, sansnéanmoins se laisser éblouirpar « le côté magique dunumérique ». « C’est aussiun réel danger, a-t-il dit.Notre métier de journalisteest menacé », même si, a-t-ilinsisté « tout citoyen-blo-gueur n’est pas journaliste ».

« Nos responsabilités sont,chaque jour, accrues parl’hyperchoix imposé par lemultimédia, a-t-il encoreaffirmé. Internet augmentel’exigence de qualité du jour-naliste professionnel. C’estpar cet effort qu’il se distin-guera du flot d’informationsqui inonde la Toile… ».« Pour que l’internaute sacheoù aller puiser en touteconfiance, il faut que nossites d’information soientlabellisés », a-t-il ajouté.

Reste la question du finance-ment de ceux-ci. « La publi-cité y est encore maigre etnous sommes loin de la sor-tie de crise », a reconnu JeanMiot. « Ne rêvons pas : lareligion d’Internet, c’est lagratuité. Sauf à lui offrir unevaleur ajoutée exception-

nelle, aucun internaute n’ac-cepte de payer pour lire sur leWeb », a-t-il dit, qualifiant de« risqué » le « pari » deMurdoch de tenter l’expé-rience du site payant.

« On s’oriente plutôt vers lacréation de sites marchands,vers l’accès couplépapier/Web avec des offrespublicitaires multimédias »,a indiqué le président de laSection française de l’UPF.« En fait, personne ne sait ceque sera l’économie des sitesWeb dans les prochainesannées. Une seule chose estsûre : le journalisme duXXIème siècle est obligatoire-

ment multimédia et l’infor-mation doit être désormaisdélivrée sur tous les sup-ports ».

Le journaliste devra-t-ilsavoir les utiliser tous ou sespécialiser? La quetion n’estpas tranchée. « Les salles depresse multimédias sontencore à l’état expérimen-tal… On n’écrit pas sur lepapier comme sur le Web », anoté Jean Miot, qui, plaidantenfin pour « une presse libre,outil fondamental de ladémocratie », a conclu surune formule d’AlbertCamus : « Un journal, c’estla conscience d’une nation ».

Jean Miot : « Aujourd’hui, le journalisme est obligatoirement multimédia »

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Il n’est de bonne compagnie quine se quitte…, dit un proverbe.A Yaoundé, la cérémonie declôture des 41èmes assises del’UPF, présidée par le ministrede la Communication, IssaTchiroma Bakary, a été l’occa-sion pour tous les participantsde démontrer combien ilsavaient apprécié l’accueil quileur avait été réservé, mais aussila qualité des travaux. Plusieurssalves d’applaudissementsnourris ont retenti pour honorertous ceux qui, en coulisses ousur l’avant-scène, ont fait de cecongrès l’un des plus réussisdans l’histoire de l’Union.

Ambiance d’amitié donc, maisaussi avec ce qu’il faut de solen-nité pour clore trois jours dedébats intenses autour de ques-tions qui, toutes, resteront tou-jours au coeur même du métierde journaliste professionnel,quel que soit le média qui l’em-ploie : l’éthique, la liberté d’ex-pression, la formation, la res-ponsabilité sociale, le respectdes bonnes pratiques…

Rapporteur général des assises,Aimé-Robert Bihina, journalisteà la CRTV et membre de laSection camerounaise de l’UPF,a lu le rapport général. Puis,Georges Gros, secrétaire géné-ral international de l’UPF, aprèsavoir présenté au ministre lestrois résolutions votées quelques

instants plus tôt lors d’unedernière séance de travail, aannoncé que le comité interna-tional avait décidé de remettre lePrix 2009 de la LibreExpression à la chaîne TV+, deLibreville. « Cela a valeur desymbole et de soutien auxmédias gabonais, victimes de larépression voulue par les nou-velles autorités politiques de cepays », a-t-il commenté.

Nous l’avons fait,tous ensemble

Ovationné, Alain-BlaiseBatongué, visiblement ému, luia succédé. « Nous l’avons fait,nous, tous ensemble ! Ces assi-ses font désormais partie denotre histoire commune », a-t-illancé, avant de remercier tousceux qui ont aidé l’UPF-Cameroun à les organiser, aupremier rang desquels le gou-vernement et le Président PaulBiya lui-même.

« De ces journées enthousias-mantes, nous tirons quelquesmotifs d’espoir », a-t-il ajouté,saluant notamment « la volontéaffichée du gouvernementd’oeuvrer pour assainir lapresse ». « Ce congrès va nousservir de tremplin pour relancerles activités de notre section »,a-t-il promis, annonçant un

effort de recrutement dans lesprochaines semaines.

Alfred Dan Moussa a, lui aussi,exprimé sa reconnaissance auxautorités et remercié longue-ment tous ceux qui ont fait ensorte que les congressistes sesentent chez eux au Cameroun.« Nous avons apprécié votresourire, a-t-il dit. Certaines des-tinations francophones ne nousont guère offert pareilaccueil…».

Puis le président internationalde l’UPF, tirant les leçons desassises, a exhorté ses confrères à« ne pas se détourner des fonda-mentaux du métier ». « Mieuxvaut rater une information quedivulguer une fausse nouvelle!»,a-t-il dit, avant de rappeler« les préoccupations » et « lescentres d’intérêts » des journa-listes soucieux du respect del’éthique et de la déontologie :la formation, l’application desconventions collectives, maisaussi « l’existence et la culturede l’esprit de confraternité, decohésion et de solidarité ».

Quant aux instances de régula-tion ou d’autorégulation, pourêtre efficaces et constituer unlien entre les médias, le public etles instances politiques, ellesdoivent être « animées par desjournalistes, par des éditeurs etpar des représentants du public

et dirigées par des profession-nels de qualité, agissant en touteindépendance », a-t-il affirmé.

« Si la meilleure sanction estcelle des pairs, elle est aussicelle des auditeurs, téléspecta-teurs, lecteurs et internautes. Onpeut les induire en erreur, lestromper, les manipuler une ouplusieurs fois, mais on ne peutles trahir indéfiniment. Lesmédias, modernes ou tradition-nels, qui manquent continuelle-ment de professionnalisme,d’éthique et de déontologie,finissent inévitablement par dis-paraître sans qu’on ait besoind’emprisonner leurs anima-teurs », a conclu Alfred DanMoussa, rappelant ainsi, unedernière fois, que l’UPF militaitet militera toujours en faveur dela dépénalisation des délits depresse.

L’honneur de clore les 41èmesAssises de l’UPF revenait biensûr au ministre de laCommunication. « Désormais,je mettrai des gants et prendraides pincettes pour parler auxjournalistes ! », a-t-il d’abordplaisanté, pour saluer avechumour la qualité des interven-tions des congressistes.

« Au Cameroun, l’homme depresse voit le lever et le coucherdu soleil en toute liberté, il n’y apas de journaliste en prison poursa ligne éditoriale ! », a pour-suivi le « MinCom », insistantsur l’attitude « résolument libé-rale » des autorités de l’Etat vis-à-vis de la presse. « Vous pou-vez témoigner de sa liberté deton ! », a-t-il dit, avant d’affir-mer que les travaux des assisesnourriraient sa réflexion à l’oc-casion de la préparation desétats généraux de la communi-cation, programmés « pour bien-tôt ». Des états généraux aux-quels il a invité les dirigeants del’Union à participer.

Défendez le pluri-linguisme !

« Beaucoup de vos propositionssont à affiner pour les rendreapplicables. Nous chercherons àen tirer le meilleur profit pouraméliorer les ressorts essentielsde notre système médiatique »,a encore ajouté Issa TchiromaBakary, avant de lancer un appelaux journalistes pour qu’ilsdéfendent le français et, par làmême, le plurilinguisme, « rem-part indispensable contre l’hé-gémonie d’une langue ».

« Le plurilinguisme, a-t-il dit,est aussi important pour la com-munauté internationale que lepluralisme pour la communauténationale. Si rien n’est fait, uneseule langue de communications’imposera, qui occupe déjà87% du cyberespace. Celaconduirait à une situation péril-leuse pour la paix… ». « Lesjournalistes francophones nedoivent plus se contenter de seplaindre comme des bannis duvillage planétaire. Ils doiventdéfendre le pluralisme et le plu-rilinguisme ! », a-t-il conclu.

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Une cérémonie de clôture,le sourire aux lèvres…

Après trois jours de débats intenses, salués par le ministre de la Communication, les travaux des assises se sontachevés dans une belle ambiance confraternelle. « Ne soyez plus les bannis du village planétaire », a lancé Issa

Tchiroma Bakary aux journalistes francophones.

Jean Miot : « L’écransauvera l’écrit »

Dans un entretien accordé au quotidienMutations, le président de la Section française

de l’UPF s’est déclaré certain qu’Internet netuera pas les autres médias.

Qu’entendez-vous par management des médias ?

C’est savoir si on peut rentabiliser une entreprise depresse. Jusqu’à présent, dans l’histoire de la communi-cation, il y a eu deux révolutions extraordinaires. Lapremière, c’était Gutenberg et la seconde c’estInternet. Il s’agit d’une révolution prodigieuse, quibouleverse complètement la société et toute la planète.Qui bouleverse également toute la presse. La questionque l’on doit se poser : est-ce que, demain, on liraencore la presse sur du papier ? A cela, j’ai une réponseformelle. Oui, parce qu’on ne pourra jamais se conten-ter d’une information brute, immédiate, souvent nonvérifiée, d’où le thème de nos travaux. Le citoyen nesaurait se contenter d’une information aussi brève,aussi sèche. Il a besoin de commentaires et d’analyses.C’est à ce niveau que j’ai un théorème qui dit quel’écran sauvera l’écrit.

Quand vous dites que l’écran sauvera l’écrit, com-ment cela se manifestera-t-il ?

Le sauvetage ne sera possible qu’à condition que lesjournaux, qui vont également produire de l’informa-tion sur le Web, ne s’amusent pas à y reproduire cequ’ils ont fait sur le papier. Car, à ce moment-là, le lec-teur n’ira pas acheter son journal. Il ira directement etgratuitement sur le Net. Personne n’accepte de payerpour aller lire son journal sur Internet. En effet, la tared’Internet, c’est la gratuité. On le voit bien, les grandséditeurs aux Etats-Unis essayent de faire payer lesinternautes pour aller lire leur journal. C’est extrême-ment difficile. Seuls y parviennent quelques grandsjournaux, très spécifiques, comme le Financial Times,qui donnent vraiment une valeur ajoutée extrême, for-çant le lecteur à aller lire la version Web.

Le journaliste, aujourd’hui, est-il forcément pluri-média?

S’il faut faire la différence entre l’édition en ligne etl’édition classique, il y aura forcément des coûts finan-ciers conséquents…

Le journaliste, aujourd’hui, est forcément un journa-liste plurimédia. Jusqu’à présent, on était attaché à untitre, une radio ou une télévision. Or, en ce moment,même les télévisions produisent de l’écrit, du texte. Caveut dire que notre métier est totalement bouleversépar ce phénomène d’Internet. Attaché à un journalpapier, le journaliste plurimédia produira bien sûr surce support. Mais les informations, qu’il n’aura pasexploitées sur le même sujet seront mises en ligne.

Il existe aussi les blogs. Maintenant, chaque journalistea son blog, avec le nom du journal attaché. Que font-ils dans ce blog ? Ils y font figurer ce qu’ils n’ont paseu la place de mettre sur le papier et les internautesvont pouvoir le lire. Car il y a des limites sur le papier.Grâce au blog, il sera possible de développer, de pro-duire de nouvelles informations et de renvoyer même àd’autres liens. Alors que le rôle du papier sera d’appor-ter l’analyse, l’explication profonde, le commentaire.

Faut-il donc mobiliser davantage de fonds pour lagestion des médias en intégrant Internet ?

La difficulté, c’est que l’équilibre économique du sup-port Web n’existe pas encore, parce que la publicité esttrès faible. Donc, il va falloir le trouver. Et, là, on levoit bien, même dans les plus grands groupes, on en estaux balbutiements. Le drame, c’est qu’à la crise struc-turelle que vit la presse partout dans le monde, s’ajouteaujourd’hui la crise conjoncturelle, qui fait que, dans lemonde industriel, on licencie à tour de bras, on sup-prime des postes. C’est là le problème du managementde la presse. Comment trouver l’équilibre ? Un journalcomme Le Figaro consacre 17% de son chiffre d’af-faires à sa version Internet. C’est énorme. Or, ces 17%sont totalement déficitaires. Il n’y a pas encore lesrecettes de publicité. Ca va venir petit à petit. Celaprendra la forme de liens de services qui permettrontd’alimenter et de soutenir économiquement ce nou-veau support qu’est le Web.

Propos recueillis par Priscille G. Moadougou« Mutations » - Yaoundé

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En marge des 41èmesassises de l’UPF, leministre camerounais

de la Communication, IssaTchiroma Bakary, a accordéun entretien au quotidienCameroon Tribune, danslequel il fait part de son senti-ment sur l’état de la presse etprécise l’action du gouverne-ment en sa faveur.

Monsieur le Ministre, vousavez eu récemment à sanc-tionner certains médias au-diovisuels pour non respectde la déontologie, et d’autresparce qu’ils évoluent enmarge des textes en vigueur.Quel regard posez-vous surle paysage médiatique ca-merounais, tant du point dela déontologie que du res-pect des règles institutionnel-les en vigueur ?

Votre interrogation comportedeux aspects. Le premier atrait à l’assainissement dupaysage audiovisuel national.Le second questionne l’ap-préciation que le ministre dela Communication porte surles médias camerounais dansleur globalité, s’agissant desexigences légales, réglemen-taires, éthiques et déontologi-ques.

En ce qui concerne l’assainis-sement du secteur audiovi-suel, il s’agit d’un travail pro-fond et méthodique queconduit le département minis-tériel dont j’ai la charge.Seront hors course, au termede ce processus, tous les pira-tes, mais aussi tous ceux quirefusent de s’astreindre auxobligations que leur impose laloi, en vertu de leur statutd’opérateur économique dansle secteur de la communica-tion. A terme, nous ne souhai-tons travailler qu’avec desmédias professionnels, sou-cieux de la promotion de lacohésion nationale, de la paixet du développement, et dontles promoteurs reçoivent unjuste retour de leurs investis-sements.

Cette exigence me permetd’aborder le second volet devotre question pour dire quecette mission cardinale quenous assignons aux médiasnationaux ne peut êtreconduite avec bonheur quepar des professionnels respec-tueux de l’éthique et de ladéontologie. Sur ce plan, jedois avouer que la maturationest souhaitable ; elle est àvenir.

Des critiques de plus en plusrécurrentes s’élèvent contrele système de répartition jugéaléatoire et le volume estiméinconsistant de l’aide publi-que à la communication pri-vée. Comment réagissez-vousface à ces observations ?

L’aide publique à la commu-nication est un grand sujet depréoccupation au ministère dela Communication. Il y a unevolonté du gouvernement deviabiliser les entreprises,parce que, nous semble-t-il,une presse libre et responsa-ble est aussi une presse éco-nomiquement viable.

Nous sommes informés d’uncertain nombre de critiquesque formulent les opérateursdes divers secteurs de la com-munication, qui ont trait entreautres au volume de l’aide età son mode de répartition.

A cet égard, un rappel estnécessaire pour indiquer quel’aide publique est évoquéepour la première fois auCameroun au cours de l’exer-cice 2002. Depuis lors, elles’est régulièrement chiffrée à150 millions de FCFA chaqueannée, répartis sous formedirecte aux différents postu-lants, sur la base des critèresobjectifs définis dans l’arrêtéqui crée cette aide. Je signaleque, depuis trois exercices,sur instruction du Premierministre, l’enveloppe allouéeà l’aide publique à la commu-nication privée est passée à250 millions de FCFA.

Au regard de ce qui est prati-qué dans certains pays afri-cains, ce montant peut êtrejugé insignifiant. Mais toutela question ne se situe pas auniveau du montant de l’aide,pour lequel mon départementministériel est déjà engagédans un plaidoyer en faveurde son augmentation. Noussommes davantage préoccu-pés par la qualité de la pro-duction médiatique, qui est lafinalité de cette aide. Celle-ciappelle un renforcement descapacités techniques desentreprises de communica-tion, mais aussi un renforce-ment des capacités profes-sionnelles des hommes et desfemmes chargés d’animer cesstructures.

Nous travaillons méthodique-ment à cela, à travers un toi-lettage complet des textes quiorganisent l’aide publique à lacommunication privée.Bientôt, je vais avoir des ren-contres sectorielles avec tous

les acteurs de la communica-tion privée au Cameroun. Aces diverses occasions, nousaborderons cette questionessentielle, en vue de nouvel-les avancées consensuelles.

Le paradoxe du paysage ca-merounais s’observe dansune presse quantitativementflorissante, qui s’exprimedans une liberté parfois dé-bridée, avec des profession-nels formés conformémentaux canons universels, maisaussi beaucoup de brebis ga-leuses à la formation som-maire, vivant dans la préca-rité, et ternissant l’image dela presse nationale, voirecelle du pays. Comment en-tendez-vous, dans ce contexte,oeuvrer pour la promotionde la liberté de la presse, enmême temps que de celle desvaleurs éthiques et républi-caines ?

Le paradoxe que vous évo-quez n’est pas propre auCameroun. Il n’y a pas unseul pays au monde où tousceux qui exercent commejournalistes sont passés pardes moules formels. Mais jeconviens avec vous qu’auCameroun, l’entrée dans cebeau métier a de quoi révolter.Très peu de journalistes sontidentifiables comme tels,parce qu’ils ne se croient pasobligés de détenir la carte depresse.

Le gouvernement continued’encourager les journalistescamerounais à aller vers lacarte de presse, même si lesconditions d’accès à cesésame professionnel sontencore à améliorer. Mieuxque par le passé, le ministèrede la Communication va met-tre un accent particulier sur lerenforcement des capacitésdes journalistes et des entre-prises de presse, ainsi que jel’ai indiqué plus haut.

Ma conviction est cependantque l’oeuvre d’assainisse-ment ne saurait incomber auxseuls pouvoirs publics. Lesassociations et les syndicats

professionnels, ainsi que lespatrons de presse, devraientmettre la main à la pâte. Il estégalement de la responsabi-lité du reste du corps social defermer l’accès à l’informationaux aventuriers de tous lesbords, avec lesquels une sour-noise complicité est malheu-reusement entretenue, pourservir très souvent la médi-sance, la calomnie, le lyn-chage pour des intérêts politi-ques, économiques, tribaux,etc.

Si tous, nous nous mettonsensemble pour travailler à lapromotion d’une presse librequi serve les valeurs éthiques,

déontologiques et républicai-nes, alors les brebis galeusess’élimineront d’elles-mêmes.

A l’exception de l’exigencedu ministère de la Commu-nication liée à la couverturedes événements officiels, lacarte de presse n’apparaîtpas comme un instrumentde valorisation de la profes-sion, étant donné qu’aucunavantage véritable n’en dé-coule jusqu’à présent au Ca-meroun. Comment le minis-tère de la Communicationentend-il y remédier ?

Je vous renvoie la question envous demandant quel avan-tage vous avez à détenir votrecarte d’identité nationale ouprofessionnelle. Ceci pourdire que la carte de presse doitêtre perçue comme un élé-ment d’identification du jour-naliste camerounais. C’estainsi que ça fonctionne danstous les pays de vieille tradi-tion médiatique, dont nous nedevons pas seulement nousapproprier l’exigence deliberté de presse. La questiondes avantages liés à la carte depresse, sans être superféta-toire, ne peut se poser qu’au-trement et après.

Propos recueillis parEssama Essomba

« Cameroon Tribune »

41ÈMES ASSISES 11

JANVIER / FEVRIER 2010 - N° 143

aapresse.frPour commander

d’anciens numéros de la presse française

En distinguant ce média, vic-time, de la part des nouvellesautorités politiques, d’uneinterdiction illégale de diffu-sion, l’UPF entend apporterson soutien à la presse gabo-naise et exige un retourimmédiat à la liberté depresse.

Afin de souligner particuliè-rement son inquiétude quantaux atteintes à la liberté depresse au Gabon, le comitéinternational de l’UPF, réunià Yaoundé en marge des41èmes assises, a décidé deremettre le Prix 2009 de laLibre Expression à la chaîneprivée de télévision deLibreville TV+, dont lasituation est exemplaire del’attitude néfaste des nouvel-les autorités du pays, au len-demain du décès duPrésident Omar BongoOndimba.

Ce prix, créé en 1991 parl’UPF avec le concours del’OIF, distingue un journa-liste ou un média qui, « dansun environnement difficile, amaintenu son indépendancemalgré les atteintes à sa per-sonne ou à ses biens ». C’est

le cas de TV+ qui, le 30 aoûtdernier, a été victime d’unedécision du gouvernementgabonais ne s’appuyant suraucune disposition légale ouadministrative.

Ce jour-là, qui était aussicelui du scrutin présidentiel,le ministre de laCommunication a fait arrêterle signal de la chaîne et ainterdit ses émissions. Legouvernement a fait brouillerles images, puis a lancé uneopération nationale d’enlè-vement de ses émetteurs. Parailleurs, pour compléter cedispositif répressif et illégal,la Garde Républicaine aséquestré les équipementssatellitaires de la chaîne, ins-tallés sur le site de la Cité…de la Démocratie.

Dans une note adressée auxassises de l’UPF, les éditeurset responsables des associa-tions de presse du Gabon,qui préfèrent ne plus êtrecités nommément, estimentqu’il est « devenu périlleuxd’exercer dans le secteur dela presse ».

« La situation ressemble à la

période sombre du monoli-thisme et de la pensée uni-que», écrivent-ils, avantd’énumérer les différentesexactions dont sont victimesles médias et les journalistes:« interdiction faite à plu-sieurs journalistes étrangers(France 24, agence Capa-TV,L’Express) de couvrir lesévénements politiques auGabon, expulsions d’autresconfrères sous prétexted’exercice de la souverai-neté, sabotages d’installa-tions de médias, menacesphysiques à l’endroit desjournalistes locaux, interpel-lations de directeurs depublication, interdictions deparaître… ».

Ainsi, à la mi-novembre,après avoir suspendu lespériodiques Ezombolo et LeNganga, le Conseil Nationalde la Communication a inter-dit la parution d’une dizainede titres réguliers pour unepériode allant d’un à troismois. Motif : la publicationd’articles critiquant l’actiondes autorités politiques. Sontnotamment concernés Nku’u

Le Messager pour un texte

intitulé : « Et s’instaura lamonarchie », Le Crocodile(« L’argent du pétrole »),L’Ombre (« Boukoubi auxaveux »), La Nation, LeScribouillard, Les Echos duNord, Gabon d’abord et LeTemps.

Même Albert Yangari, direc-teur de publication du quoti-dien public L’Union a étéinterpellé par les militaires« pour avoir laissé paraîtredes reportages sur les événe-ments dramatiques de Port-Gentil », précise la note deséditeurs, qui s’émeuventaussi des menaces contreJonas Moulenda, l’auteur desarticles.

« Il s’est installé au Gabonun climat délétère, empreintde violations et de restrictiondes libertés fondamentales »,concluent-ils, en demandantque l’UPF intervienne pourfaire cesser ce « véritablemuselage ».

Issa Tchiroma Bakary « Pour une presse libre qui serve les valeurs »

Pour le ministre camerounais de la Communication, l’oeuvre d’assainissement des médias n’incombe pas seulement aux pouvoirs publics.Elle est aussi l’affaire des professionnels et de tout le corps social.

La chaîne gabonaise TV+ a reçu le Prix 2009 de la Libre Expression UPF-TV5Monde

Le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary

gazette 143 5/03/10 15:59 Page 11

Page 12: La Gazette 143

Au moment même où setenaient à Yaoundé les41èmes assises de l’UPF,

le quotidien de Douala LeMessager fêtait ses trente ans.A cette occasion, il a organiséun colloque sur « l’avenir dela presse africaine». OmarBelhouchet, directeur depublication du quotidien algé-rien El Watan (dont le tiragejournalier est de 160 000exemplaires) y participait.Dans un article publié le 19novembre 2009 sous la signa-ture de Robert Ngono Ebodé,le quotidien, qui s’appuie surle témoignage de son invité,retrace l’histoire de la pressealgérienne depuis les années90. Une histoire qui démontreque, quand ils s’unissent, leséditeurs peuvent placer leurstitres sur les chemins parallè-les de la liberté et de la renta-bilité…

Avec les événements qui ontprécédé l’ouverture démocra-tique en Algérie à la fin desannées 80 et début 90, le pay-sage médiatique de ce paysétait face à plusieurs défis.D’abord sortir de l’emprisedu monopole de l’Etat,construire une presse libre,fiable, viable et forte, jouer lerôle qui lui est dévolu, notam-ment dans la promotion decertaines valeurs propres auxpays modernes et relatives àla démocratie, aux libertéspubliques, à la gouvernance.Ensuite, construire de vérita-bles entreprises dans le sensréel du terme et permettre unesaine émulation de ceux quien sont acteurs.

« L’émergence d’une telle

presse a commencé à se met-tre en place avec les événe-ments émanant de la révoltepopulaire des années 90, qui aété malheureusement récupé-rée par les acteurs politiques.Des journalistes ont senti lanécessité de se regrouper pourmettre sur pied des entrepri-ses de presse et offrir desinformations crédibles »,indique Omar Belhouchet.

Concevoir unestratégie

Avec ces soulèvements popu-laires, la presse en général, etcelle privée en particulier, aété prise comme bouc émis-saire. Elle s’est retrouvéeentre le marteau et l’enclume,entre le pouvoir et le mouve-ment islamiste, qui a récupéréle soulèvement populaire.Dans ces affrontements, plu-sieurs milliers d’Algériensont laissé leur vie, environ150 000 personnes, dont 70journalistes qui étaient parti-culièrement visés pour leursopinions, dans la seulepériode 1993-1998.

« Avant cette période,l’Algérie était dirigée par leparti unique, qui interdisaittoute expression contraire à laversion officielle. Les événe-ments que nous venons deciter ont contraint près de 500journalistes à l’exil », expli-que le directeur de publica-tion de El Watan.

« Nous qui avions décidé demettre sur pied des entrepri-ses de presse, il nous fallaitréfléchir à la stratégie qui

nous permettrait de lesconstruire. Nous étionsconscients du fait que le gou-vernement faisait tout pourque nous ne puissions pasfonctionner normalement. Parailleurs, il a instauré le mono-pole dans le secteur de lapublicité, de sorte que lesjournaux qui ne jouaient passon jeu étaient interdits derevenus d’annonceurs. Ce quifragilisait davantage certainespublications et faisait pres-sion sur elles », poursuit-il.

Constituer unbloc solide

Pour le journal El Watan, ilfallait sortir de cette tentativede musellement. Il fallait s’or-ganiser pour ne plus dépendrede qui que ce soit, sinon duconsommateur de l’informa-

tion à qui le produit est des-tiné. « Nous avons alorsdécidé de mettre sur pied, eninterne, une agence de publi-cité ayant des représentationsdans les principales régionsdu pays. Au bout de dix ans,le journal est sorti de l’em-prise du gouvernement »,explique Omar Belhouchet.

Il a fallu ensuite résoudred’autres problèmes, notam-ment l’impression du journalet sa distribution. « Nousavons engagé un dialogueentre éditeurs de quotidiens,malgré nos différences édito-

riales et sans tenir compte dela concurrence, pour fairebloc et travailler ensembledans le domaine de l’impres-sion et de la distribution desjournaux. Après plusieurstractations et des hésitationsde quelques éditeurs qui n’ycroyaient pas, nous sommesarrivés, pour certains, à nousmettre d’accord sur le projet».

« Nous avons fait appel à desexperts, des techniciens pourle montage du dossier etmobiliser des financements àla banque. Nous avons puobtenir notre première rota-

tive et nous avons investi dansl’imprimerie en 2001. C’estcela qui nous a permis d’avoirune liberté de ton et une indé-pendance qui, aujourd’hui,rend possible de travaillersans subir des pressions diver-ses quant à nos prises de posi-tion », poursuit-il.

Aujourd’hui, le quotidien ElWatan est une référence enAfrique du Nord en matièrede presse écrite et d’entre-prise de presse. « La presseafricaine ne peut pas se déve-lopper si elle n’innove pas. Ilfaut qu’elle passe à un nou-veau mode économique, quifait appel à la synergie, à lacomplémentarité, quitte à ceque le lecteur choisisse désor-mais ce qu’il veut lire »,pense le directeur de la publi-cation, qui appelle les éditeursà la transparence dans la ges-tion.

« Nous avons recruté uncommissaire aux comptes, quifait son travail. Et, régulière-ment, nous faisons notre bilanpour appliquer toutes lesrègles de gestion indispensa-bles à une entreprise qui veutaller loin ».

Robert Ngono Ebode« Le messager» Douala

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Quotidiens algériens : des moyens pour une presse libre et prospère

directeur de la rédactiond’Europe 1, inscrit àTwitter, comme beaucoupde journalistes français etinternationaux.

« C’est une formidableagence de presse, la meil-leure, la plus puissante, laplus rapide, estime PhilippeMathon, rédacteur en chefdu Point.fr. C’est un outil deveille fantastique poursavoir ce qui se dit à défautde savoir ce qui se passe. »Car il n’est pas toujours aiséde démêler le vrai du fauxsur Twitter.

Après le séisme en Haïti, lesrares photos du désastre ontété postées sur Twitter.Parmi celles que les agencesde photo ont récupérées,l’une représentait des mai-sons effondrées lors d’untremblement de terre enChine…

Les loupés sont inhérents àla nature de l’outil, ouvert àtous. « Ce n’est pas uneagence de presse commel’AFP, s’insurge AlainJoannes, car il faut vérifierl’information publiée surTwitter ». Pour LaurenceFerrari, présentatrice dujournal télévisé de TF1, «

cela remet les journalistes aucentre du jeu : la fonction devérification et de hiérarchi-sation de l’information n’enest que plus essentielle ».

Stéphane Dreyfus« La Croix »

Suite de la page 1 : Twitter, une information instantanée

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Tél : 33 (0) 6 12 47 59 89

L’abus d’alcool est dangereux pour la santéA consommer avec modération

.

Les textes relatifs aux 41èmes assises ont été rassemblés et rédigéspar Serge Hirel.

Les photos sont signées Stefania Muti, Arnaud Danloux-Dumesnils

et Alexandre Godard.

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MÉDIAS 13

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Vingt ans après avoir conquisleur liberté, grâce à la chute ducommunisme, les journalistesroumains sont en train de lareperdre. Pour des raisons à lafois économiques et politiques.

La crise a frappé de plein fouetune industrie bâtie sur unmodèle économique fragile.Les radios et les télévisionspubliques sont gérées selondes critères exclusivementpolitiques, leurs cadres étantnommés par le pouvoir. Côtéprivé, trois groupes impor-tants, « tout terrain » (télévi-sion, radio, presse écrite etélectronique), se partagent ungâteau publicitaire réduit à laportion congrue. Il leur fautdonc trouver des financementsailleurs.

Par conséquent, les principauxmédias mettent leur influenceau service des partis. Sansétats d’âme. Il ne s’agit pasd’idées ou de valeurs à défen-dre mais de business. Les idéesne manquent pas. On lance descampagnes d’opinion. Ontourne des publi-reportages,payés par le gouvernement etprésentés comme de l’infor-mation. On accepte des enve-loppes pour faire venir devantles caméras tel ou tel responsa-

ble. On fabrique même l’évé-nement, en mettant en scènedes comptes rendus frôlant lafiction.

Rien d’exagéré dans cette énu-mération. Elle ne fait que

reprendre des affaires deve-nues célèbres.

La dernière d’entre ellesconcerne le salaire des journa-listes. Déjà peu mirobolants,

ils viennent d’être réduitsd’une manière radicale (prèsde moitié, souvent) au sein desmédias des plus influents. Etce dans un silence assourdis-sant. Les journalistes roumains

se taisent. Faute d’une législa-tion adéquate, ils peuvent êtrecongédiés du jour au lende-main. Faute d’être représentéspar des organisations profes-

sionnelles dignes de ce nom,ils n’ont aucun accès à ceuxqui décident de leur sort. Alorsils pensent aux factures, auxcrédits à rembourser, auxgamins qu’il faut nourrir. Ilsbaissent les yeux, la rage et ledégoût au coeur. Et écriventsur commande. Comme avant,quand on suivait « la ligne duparti ». Maintenant, on colleaux intérêts du patron, en sou-tenant X et en tapant sur Y.Sinon, c’est la porte.

Le journalisme est donc tou-jours un combat. Mais ce n’estplus celui pour la liberté.

Deux décennies après la dispa-rition de Nicolae Ceausescu,des professionnels en voie depaupérisation luttent avant toutcontre le spectre du chômage.Ceux qui les dirigent seconcentrent sur la recomposi-tion du paysage médiatique, aulendemain de l’élection prési-dentielle. Une nouvelle partiecommencera alors. Avec d’au-tres équipes. Composées,hélas, des mêmes joueurs.

Nicolas Don« Regard »

Bucarest

Roumanie : journalistes en criseLe Conseil de déontologie journalistique (CDJ) pour laCommunauté française de Belgique a été installé àBruxelles, dernière étape d'une longue maturation visant àdoter le journalisme francophone belge d'une instance dedéontologie chapeautant l'ensemble des organes de presse.Le CDJ rassemble des représentants des journalistes maisaussi des représentants des rédacteurs en chef, des éditeursainsi que des personnalités de la société civile, au contrairedu Conseil de déontologie (fédéral et bilingue) qui a existéjusqu'en 2001 à l'initiative de l'association professionnelledes journalistes. Le CDJ ne pourra infliger de sanctions etrevêtira donc une autorité morale. Il est notamment chargéde codifier les règles déontologiques du journalisme entenant compte de la spécificité de chaque média, et de trai-ter les demandes d'avis et les plaintes.

******Le Temps, média de référence de la Suisse romande et fran-cophone, renouvelle sa structure de direction : ValérieBoagno à la direction générale et commerciale, Jean-Jacques Roth à la rédaction en chef (jusqu’à la désignationde son successeur), Ignace Jeannerat au secrétariat général.

******La journaliste française Michèle Cotta juge lucidement lesjournalistes qui se laissent débaucher par les pouvoirs enplace : « Le passage du journalisme à la politique est unaller sans retour, et c’est irréversible ; on peut flirter avecles pouvoirs, mais jamais faire le pas. Les politiques sontpersuadés que les journalistes connaissent bien la presse etpeuvent les aider dans leur communication. Or c’est faux,ils ne connaissent que les mécanismes. »

******TV5Monde vient de lancer le sous-titrage de ses program-mes en japonais. "Cette nouvelle langue de sous-titrage vapermettre aux nombreux Japonais fascinés par l'art devivre à la française et par notre culture, mais ne parlant pasnotre langue, de suivre nos programmes", a déclaré sadirectrice générale Marie-Christine Saragosse. Les pro-grammes de TV5Monde sont déjà sous-titrés dans neufautres langues: l'anglais, l'arabe, l'espagnol, le portugais, lenéerlandais, l'allemand, le roumain, le russe et le français.« On prévoit deux autres langues l'an prochain, le polonaiset le vietnamien », a indiqué Mme Saragosse. « Il existedes déclinaisons de chaînes thématiques dans des languesdifférentes, mais TV5Monde est un modèle unique fondésur une signature linguistique qui est le français, maisjamais exclusivement puisqu'on sous-titre. On en fait ausside plus en plus un outil d'apprentissage du français. On serend ainsi accessibles aux non-francophones et on les aideà apprendre cette langue s'ils le souhaitent", a-t-elle ajouté.

******Un accord a été signé au Burkina Faso entre le Conseilsupérieur de la communication (CSC) et les promoteurs de22 médias audiovisuels : 12 radios associatives/commu-nautaires, 3 radios confessionnelles, 1 radio commerciale,4 télévisions confessionnelles, 1 télévision commerciale et1 opérateur MMDS. Pour la présidente du CSC, BéatriceDamiba, cette signature de convention s'inscrit dans uncontexte de grands bouleversements technologiques oùl'analogique cède progressivement le pas au numérique.

******Le prix de l’Association de la presse diplomatique fran-çaise a été décerné à Marc Nexon, grand reporter à l’heb-domadaire Le Point, pour ses articles sur la Russie. Ce prixdistingue un journaliste pour le talent avec lequel il rendcompte de l’actualité internationale.

******L’Assemblée nationale du Togo a effectué une modifica-tion de la loi - sous la pression des médias et de la sociétécivile - afin que la Haute autorité de l’audiovisuel et de lacommunication (HAAC) ne dispose plus d’un pouvoir depolice. Désormais l’organe de régulation des médias exer-cera son autorité dans les limites de la loi. C’est à la justicequ’il reviendra de se prononcer sur des sanctions éventuel-les.

******Un rapport du Comité de protection des journalistes (CPJ)établit qu’au moins 70 journalistes ont été tués dans l’exer-cice de leur métier en 2009, soit le nombre le plus élevéjamais enregistré. Face à cette « sombre situation »,Robert Mahoney, directeur adjoint du CPJ, a appelé lesecrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, à « prendreposition avec plus de fermeté et d’autorité en faveur de laliberté d’expression ».

EN BBREF...

Tous les superlatifs décrivant l’horreur ont été employés pour tra-duire la gravité de la catastrophe qui vient d’ajouter à la situationdramatique que vit la République d’Haïti. Il n’y a pas de malé-diction programmée et encore moins d’îles ou de pays maudits.Dany Laferrière a raison de dénoncer ce terme de malédiction,insultant et qui sous-entend qu’Haïti a fait quelque chose de malet qu’elle le paie. La catastrophe haïtienne traduit d’abord notreimpuissance face aux forces de la nature.

Haïti fann kè* ! Nous comprenons la compassion et la solidaritédes peuples qui se découvrent des frères. Et davantage encore desêtres d’un extrême dénuement. Mais gardons-nous cependant dela politique de l’émotion amplifiée par les médias, mettant lasolidarité en mouvement d’une manière hélas trop souvent éphé-mère. L’aide et la solidarité portées envers Haïti doivent êtredurables. Elles doivent être aussi exemplaires et désintéresséesque celles de ces femmes et de ces hommes qui au péril de leurvie accourent du monde entier pour sauver d’autres vies et rap-peler que : «Si une vie ne vaut rien, rien ne vaut une vie» ! Et quela vie doit toujours triompher de la mort ! La reconstructiond’Haïti doit s’inscrire dans une démarche durable. L’oublier ceserait tuer encore une fois Haïti, tant qu’il est vrai que les mortssont véritablement morts seulement quand on les a oubliés ! Ledéblaiement des tours du World Trade Center à New York, c’est4 ans ! La reconstruction après le tsunami en Asie dure depuis 5ans. Pour l’heure, il s’agit d’organiser le pays au plus vite et decoordonner l’aide internationale. Tout chauvinisme national outentative de récupération serait, devant l’ampleur d’un tel drame,déplacé voire indécent. La transition en attendant la reconstruc-tion autrement, est un cap difficile. Il y a des traumatismes à gué-rir. Que faire des tonnes de débris ? Que faire des milliers d’es-tropiés et d’amputés ? Que faire des milliers d’orphelins ?Comment remettre debout ces milliers de traumatisés ?Comment faire redémarrer un pays aussi anéanti ? Tous les«kenbé rèd pa moli»** du monde doivent se concrétiser dans desactions pragmatiques, trébuchantes et sonnantes.

La tragédie qui frappe Haïti, au-delà de nos identités individuel-les, familiales, géographiques et historiques vient avec ce formi-dable élan de solidarité planétaire, renforcer notre conscience del’universel.

Certes, il est encore dommageable que la peur et la mort, commepour les animaux, restent les seuls catalyseurs instantanés capa-bles de renforcer notre fraternité dans une claire conscience de lasurvie de la horde. Si l’homme meurt, et c’est son destin, l’hu-manité elle, ne meurt pas. Et c’est là notre victoire, notre éternité,avec comme feuille de route : la sauvegarde de l’espèce humaine.

Jean-Claude Rodes« Le Progrès social »

Pointe-à-Pitre

* Haïti fann kè : Haïti, notre coeur est brisé* kenbé rèd pa moli : Tenez bon (encouragements)

Le lendemain du terrible tremblement de terre qui aravagé Haïti, nous avons reçu ce courriel émouvant de

notre correspondante à Port-au-Prince,Nicole Siméon.

Je suis très touchée par tous les témoignages de soutien desuns et des autres. Je vous remercie du fond du coeur. Lesdétails sont navrants, désespérants... C’est tout simplementinimaginable. On approche les 200 000 morts et disparus. Cemail est pour vous rassurer sur notre sort. Faites passer s’ilvous plaît. Internet et la téléphonie sont plus qu'aléatoires, onne trouve pas tout le monde. Ne vous inquiétez pas si vous n’yparvenez pas. Je vous donnerai plus de nouvelles et pourraiparler aux uns et aux autres dès que possible. On a perdu beau-coup d’amis et de connaissances. Nos maisons sont en ruine,quand elles ne se sont pas carrément effondrées. On dort à labelle étoile depuis trois nuits (il n’y a que les enfants qui s’enamusent) de peur que ce qui est encore debout ne s’effondresous les petites secousses qu’on continue à avoir. Il y a unevraie solidarité entre nos voisins. Haïti est sur les genoux. Lesaides tardent à arriver à la population. On commence à crain-dre les pénuries en eau potable et en produits de premièrenécessité, on a sérieusement besoin de l’aide extérieure… oncraint des épidémies pour les semaines à venir.

Merci de vos prières pour ceux qui y croient : pourvu qu’onn’ait pas de réplique…

Alors là, personne ne pourra survivre…

Témoignage

Aide et solidarité durables

Haïti

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JANVIER / FEVRIER 2010 - N° 143

UPF14

Pourquoi la Section croate del'UPF a-t-elle organisé uncolloque et pas une confé-rence ? Parce que les confé-rences ont la vocation dechanger le monde et que notreprétention était plus modeste.Avec le colloque deDubrovnik nous désirionsseulement « échanger », ceque nous avons fait duranttrois jours.

Une des conséquences dela globalisation est la lentedisparition de la languefrançaise et des valeursfrancophones dans larégion de l' « Europe duSud-Est ». Par consé-quent nous, journalistes del'époque d’Internet, som-mes condamnés à recevoirles informations par lecanal dominant anglo-saxon. C’est pourquoi ilfaut agir. Le fil conducteurde nos débats a donc été :comment réintroduire lafrancophonie dans lessources d'informations.

Le président croate StipeMesiç (alors en fonction), lePremier ministre et ex journa-liste Mme Jadranka Kosor, leministre des Affaires étrangè-res et le ministre de la Culturede Croatie ont apporté leursoutien à notre démarche.Dans la lettre adressée auxparticipants, le chef de l'EtatStipe Mesiç a rappelé : «J'espère que vous vous senti-rez bien à Dubrovnik, perle denotre Adriatique, queNapoléon était si fier d'avoirconquise qu'il l'a inscrite surla liste de ses victoires surl'Arc de Triomphe. Mais dansla mémoire des Croates, lapériode du pouvoir français

reste gravée pour d'autres rai-sons. Ce fut justement sousl'administration française quela langue croate fut introduitecomme langue officielle etque les premiers journauxfurent imprimés dans notrelangue. »

Le ministre de la Culture deCroatie, Bozo Biskupic, asouligné : « Je suis heureux

que la rencontre des journalis-tes francophones soit organi-sée en Croatie et je suisconvaincu que vos discus-sions et vos ateliers contribue-ront à la compréhension del’autre et des différences quisont le moteur essentiel dedéveloppement de la diversitéculturelle. »

Et ce fut le cas. C’est àDubrovnik que nous avonsenvisagé d'établir une nou-velle télévision régionalefrancophone.

Si les journalistes ne peuventpas changer le monde, ils peu-vent contribuer à mieux lecomprendre.

Colloque en CroatieDiversité culturelle et linguistique, coopération et développement sont les mots clés autour desquels les journalistes et les écrivains francophones ont échangé

pendant le colloque « Journalisme et métissage culturel à travers la francophonie », organisé par la Section croate de l’UPF le 23 et 24 octobre 2009. Cesrencontres ont été une occasion de réflexion et d’échanges intellectuels entre des participants venus de différents milieux francophones européens.

Goran Mili : pour une télévisionfrancophone méditerranéenne

« Je vais profiter de mes 40 ans d’expérience à la télévision pourdire qu’il serait bon qu’une télévision puisse défendre les valeursde la francophonie. Pour cela, il faut savoir que la télévision esttrès superficielle, car plus elle est superficielle, plus elle aurad’audience. Ce que l’anglophonie dominante a bien compris.Les messages sont courts, dans une langue simplifiée, qui jouesur l’impression. Au contraire des francophones qui adorent lesdiscours, qui pensent que tout le monde a lu « Guerre et paix »et qui répètent peu les phrases. Les francophones aiment lesmessages, les discours, de préférence avec une certaine philoso-phie. C’est l’amour de la belle langue, avec éventuellement passé

simple et imparfait du subjonctif,là où le même concept s’exprimeraen deux mots anglais.

Le monde francophone résiste à laglobalisation, on y parle de nosvaleurs, l’argent entre peu en lignede compte. Par exemple, aucontraire des Américains, on trou-vera rarement un héros hommed’affaires self made man, sauf s’ilest un artiste qui est arrivé grâce àson talent ! Et un artiste ne parlepas d’abord d’argent, comme auxUSA, mais du contexte…

Notre chance, c’est de préservernos valeurs francophones, de fra-ternité, de famille, qui sont sou-vent les mêmes que dans le mondehispanique et méditerranéen. LaFrance est riche de son histoire et

doit s’en servir. Mais faire aujourd’hui une télévision franco-phone serait mission impossible, en revanche le faire graduelle-ment est envisageable. La France en a les moyens mais il neserait pas souhaitable que ça ne vienne que d’elle. Pourquoi nepas proposer un programme en français qui serait géré par lesminorités vivant en France ? Ce serait une excellente manièrepour les Français de comprendre leurs minorités, mieux qu’avecune télévision où les Algériens parleraient arabe. Les Français,regardant ces programmes, saisiraient davantage les débats quiagitent ces populations. Car ils souhaitent comprendre. On pour-rait également inventer une série d’émissions sur laMéditerranée, où tant de choses nous rassemblent. Et c’est vrai-ment la seule région du monde où l’anglais n’est pas dominant.Pourquoi pas, également, des échanges de programmes entrepays francophones, car le manque est criant.

En se globalisant, la télévision francophone perd toutes ses chan-ces, c’est en restant spécifiques, en montrant nos traditions et nosvaleurs que nous gagnerons. Les inventions, la culture, sont denotre côté. Il faut une télévision méditerranéenne. »

L’Europe peut-elle en-core avoir des accentsfrançais ? Cela paraîtaujourd’hui être unedouce utopie alors quel’anglo-saxon est l’espé-ranto du monde, en atten-dant l’éclosion pas spon-tanée du tout, de mil-liards de petits experts enchinois. Il appartenait àSilvija Luks, correspon-dante de la télévisionpublique croate à Paris etfondatrice de la Sectioncroate de l’Union de laPresse Francophone, deréunir une quarantaine dejournalistes venus denombreux pays d’Europede l’Est, pour discuter enfrançais des conditionsplus ou moins aisées del’exercice de leur métier.Si Bucarest, la capitaleroumaine, publie unluxueux magazine en lan-gue française, d’autres,en Slovénie, au Vald’Aoste, en Serbie, enSlovaquie et ailleurs, sebattent pour préserver unespace francophone dansla grande bourrasque dela mondialisation. Ils sesentent certes aidés, maispas assez, par lesAlliances Françaisesexistant dans toutes ces

capitales, ainsi que par laprésence sur les petitsécrans, de TV5 monde etde France 24. Mais celasuffit-il à créer, chez lesjeunes, des vocations ?On a senti en tout casdurant ces trois jours pas-sés dans l’une des plusbelles cités médiévalesdu continent, chez lesjeunes Croates présentsau colloque, l’envie del’alternative à l’anglais etsurtout le goût vif de nosécrivains. Ainsi, l’und’eux, parlant de Camuset de Sartre, trouvaitindispensable de les lireen français, car rien nevaut le génie de la lan-gue. Lors de la guerred’Algérie, à un écrivainarabe qui disait : « Monexil, c’est la langue fran-çaise », un autre écrivainarabe répondit : « Mapatrie, c’est la languefrançaise ».

Il est à espérer que descolloques comme celuiorganisé si cordialementet chaleureusement parSilvija Luks, croissent etse multiplient. Un parfumde France sur les rives del’Adriatique c’est plusqu’un plaisir : unenécessité vitale.

Silvija Luks : les journalistes aident àcomprendre le monde

André Bercoff a aimé lafrancophonie à Dubrovnik

Le père assomptionniste Joseph Delvordre, qui effectue dans la région instabledu Nord-Kivu (République démocratique du Congo) un travail exceptionnelpour faire vivre la région, créer des liens, apporter de l’aide et de la solidarité,

était récemment de passage en France. Cinquante ans jour pour jour après son ordi-nation à Rome. Les nouvelles qu’il apporte ne sont pas toutes bonnes, sa ville deButembo abrite des rôdeurs qui s’échangent armes et uniformes, les rebelles despays voisins sèment le trouble et parfois la terreur. La crise financière frappel’Afrique de plein fouet, la faim se fait sentir et les terres du Kivu sont convoitéespar des populations qui passent la frontière de l’Est avec enfants, troupeaux etarmes. Mais parmi les bonnes nouvelles, la radio RMBB, dont s’occupe le Père, afêté son dixième anniversaire, le Centre de formation informatique assure une ini-

tiation à internet, ainsique des cours de languesou de maths. Les inter-nautes peuvent user deleur savoir-faire toutneuf au cybercafé créépar le père Delvordre,qui offre également lalecture de journaux,revues, CD et cassettes.Un travail inlassable,modeste et précieux, unegénérosité qui se traduiten action depuis plus detrente ans en Afrique.

Cécile de Songy

Des nouvelles du Père Delvordre

Toute l’information pratique sur

l’économie dumonde arabe

sur le siteccfranco-arabe.org

La lettre mensuelle de la Chambre du commerce

Franco-Arabe

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Page 15: La Gazette 143

La Section gabonaise est endeuilléepar la mort, le 23 janvier, de la fillede Jean-Pascal Ndong, vice-prési-dent international de l’UPF. Étu-diante en agronomie, Diane-Charlotte a succombé, à 22 ans, à unecrise de paludisme. A sa famille,nous adressons les condoléances detoute l’UPF.

***

Nos condoléances vont aussi à lafamille de Criwa Zeli Paulin.Secrétaire général de l’Union natio-nale des journalistes de Côte d’Ivoire(Unjci) et vice-président de laSection UPF de Côte d’Ivoire, Criwa

Paulin est décédé le 2 février à l’âge de 41ans. Connu pour son dynamisme et sa dispo-nibilité, notre confrère avait été la chevilleouvrière des 39e assises de l’UPF.

***

Membre de la Section guinéenne de l’UPF,Mamadouba Sylla est décédé le 10 février.Diplômé de l’Institut supérieur des sciencesde l’éducation à Manéah (Conakry),Mamadouba Sylla avait débuté dans l’ensei-gnement avant d’opter pour le journalisme àla division Presse et Interprétariat de la prési-dence de la République de Guinée, dont il futle chef de service. A 47 ans, notre confrèrelaisse derrière lui une femme et quatreenfants.

Rédacteur à TempsNouveaux et correspon-dant de RFI à Bangui,Christian-Noël Panikadevient président de laSection centrafricaine del’UPF.

La Section UPF de laGuinée équatoriale s’estdotée d’un responsableen la personne deFrancisco PatricioAngue. Titulaire d’unBTS en information etcommunication optionjournalisme, F-P Anguetravaille comme direc-teur de la rédaction dumagazine Hola Cemac.

JANVIER / FEVRIER 2010 - N° 143

UPF 15

ALBANIE : CANI Eva, GJERMIZI Fjorilda, MUSAI Drita, PULAKE Irma, PRIFTI Ilda -ALGÉRIE : ARKAT Yahia, DERRADJI Anissa, HAOUCHINE Mohammed, LAFER Naryman- BELGIQUE : CHALUMEAU Nicolas - BÉNIN : ACCROMBESSI Robin, ADJOVI-AGBAN-GLANON Franck, ADJOMASSOKOU Jean-Discipline, ANIEATH ECKDONA Da Gloria,AHOUE Akoffio Claude, BIDIAS Marie-Louise, BRAHI Serge, DOSSOU-HOUNTONDJIArsène, FANOU Bessan Ignace, GNACADJA Ange-Gabriel, KATAKOULA Dieu-Donné,KOUAKOU Amany-Théodort, LIGAN Dossou Charles, N’ZI Charles-Richard, SAGBO HuguesArioste, ZOUMENOU Marcel – BURUNDI : NDESHIMANA Vincent - CALIFORNIE (USA): BOHBOT Georges, BOUCQ Isabelle, GARANDEAU-MIRGUET Coralie, GREGORIADESCécile, SERRERA Marc, PONS Emilie-Anne, SÉRINA Guillaume - CAMEROUN : BAYOCKEmmanuel, EKAMBY-MPESSAH Joël - CANADA : MONTAGUE Tony - CONGO-RD :BOSONGO Barthélémy, BWALYA-MALONGI Gudule, KANYINDA Dieubénit, KASONGATshilunde, KOKOLO Nganga, MULANGA Mimi, MASOLO BRUNA Bita, MBONGO-MPASIMadeleine, MUNSALA Didier, MUBOYAYI Polydor, MPOLO Gathy, MBOYO Patience, KAS-HAURI Thembo Kash – COTE D’IVOIRE : AKA Lambert, BAILLET Désiré, BARRY Josette,CHAUDET Pierre, CISSÉ Drissa, GNAHORE Djedeje Romain, HUIBAN Frédéric, KOFFIKouame Michel, KRAIDI Agnès, KRA Kouakou Rober, LEBRY Léon Francis, MIQUELOTGéraldine, MORANCE Marianne, MOUSSAÏD Kadija, OBINDE Marie-Chantal, VIOLETJacques, ZAGBEYOU Degbou Armand, ZAHUI Dasse Claude - FRANCE : BLANC Gérard,BOUZANDA Kiesse, BROU Marc J.Ettien, CAMARA Lanciné, COLAONE Michaël, CORGIERJean-Louis, DEPERTHES Xavier, DESMET Nathalie, EDJANGUE-LENGUE Jean-Célestin,FEVILIYE Carmen, GAUVRIT-BLANC Isabelle, GRIVEL Thierry, FITTE Caroline, JEONGJong Yeob, LOBOUÉ Aimé Jacob, MATHIEU Florence, MOUTHON Xavier-Serge, NDONGNoël, NOACK Martine, PROSENICA Nina, SIEGRIST Martine – STERN-MAREUSE Martine,WEISS Isabelle - GUINÉE : GUILAVOGUI M’mah, DIALLO Idrissa - HAÏTI : GAUS Noël –HONG KONG : DE LOYNES Thibaud - HONGRIE : FARKAS Lucie, MADARAS Gabor,VARUYONYI Tibor – ISRAËL : BOCHNER Jessy - LIBAN : ABDELKHALEK Vedyane,LAHOUD JAZZAR Désirée, YOUNES Paradis, EL HAKIM Charbel, MASSAAD Tatiana,MOUFARREJ Elsy, TORBEY Zeina, EL HELOU Rouba, CHAHLA Nayla, - MAROC :BENYASSIN Abdellatif, EL FAD Saïd, EL OMARI Iliays, HALIF Abir, JAWAD-ABDELJALILSamir, SAHIMI Ayoub, WAHBI Aïssa - MONACO : CHABRIER Carole, DIACONESCOGérard, MARCEL Matthieu - MONTÉNÉGRO : DURETIC-MRDAK Maja, KOVACEVICZorka, MIKCEVIC Snezana, PIPEROVIC Tatjana, VUKCEVIC Jovana - QUÉBEC : MAYEGAMA NDIHE Ferdinand - ROUMANIE : BANDILA Alina, COJOCARIU Eugen, DUMI-TRESCU Valentina, DIACONESCU Virgil, FRUMUSANI Daniela, LEPADATU Florin, MILO-SESCU Monica, MIHAI Mihaida, MIHAIESCU Ligia, POP Alexandra, STANCESCU Ioama,SABAU Corina, TAROI Ileana, TUDOSE Mariana, ZERIRI Dalila - SERBIE : ILIC IvanSUISSE : CALFELIS Charly, CHABOU Mohamed, WINDISCH Uli - TCHAD : DJEKOMBEFrançois - VALLÉE D’AOSTE : BERTOLIN Elio, CHENUIL Michèle, FOSSON Jean-Pierre,PAROUTY Évelyne, REAN PEANO Paola, TRAVERSA Anna Maria, VEVEY Ortensia Danielle,WILLIEN Renato.

LISTE DES NOUVEAUX MEMBRES

CENTRAFRIQUE

GUINÉE ÉQUATORIALE

Réunie le 27 février àLuanda, l’assembléegénérale a reconduit ladirection exécutive intéri-maire de l’UPF, Sectionangolaise.

Mpassi Salamau est ainsiconforté dans le siège deprésident de l’associa-tion tandis que LutonadioKunsunga garde la vice-présidence. Le secrétariatest assuré par Nsingui

Mabuassa et Maria Inês Domingos. L’assemblée areconduit le trésorier Nelson Mujinga.

ANGOLA

Responsable des program-mes étrangers à laRadiotélévision du Monte-negro, Snezana Nikcevic aété investie présidente de laSection UPF montenegrine.

MONTENEGRO

Le comité directeur 2010 de la Section acadienne de l’UPF

Président : François Leblanc, journaliste à Radio-Canada, Vice-présidente : Michèle Brideau, journaliste à Radio-Canada,Secrétaire : Ricky Landry, journaliste à Radio-Canada, Trésorier:Gilles Haché, PDG de l’hebdomadaire Le Moniteur Acadien,Conseiller : Julien Abord-Babin, journaliste de l’hebdomadaireL’Etoile, Conseiller : Gervais Mbarga, professeur au programmeInformation-Communication de l’université de Moncton,Président sortant : Eldred Savoie, journaliste à Radio-Canada,Vice-présidente internationale : Elisabeth Créner, directrice del’information de Radio-Canada-Acadie.

ACADIE

CARN

ET

Sous l’autorité de DoruCostea, président de laSection roumaine de l’UPF,Daniela Coman est devenuesecrétaire générale. Chef derubrique à Radio Roumanieet pigiste pour le magazinefrancophone Regard, elle estchargée de développer lesactivités de la section quienregistre, déjà, de nouveauxmembres.

ROUMANIE Forum Francophone des Affaires : le français, outil de travailA l’occasion de la Journée de la Francophonie du 20 mars, le Forum Francophone des

Affaires (FFA) a inauguré deux initiatives qui témoignent de l’utilité et de l’efficacité dufrançais comme langue de travail.

Contribuer au rayonnement économique du français est l’une desprincipales missions que s’est donné le Forum économique desaffaires. En partenariat avec Pôle Emploi International, le FFA –

par l’intermédiaire de son représentant canadien : le Réseau de dévelop-pement économique et employabilité (RDEE) – met en place à Paris une« banque d’offres d’emploi authentifiées ». Ce dispositif est constituéd’offres d’emplois émanant des entreprises canadiennes et s’adressantspécifiquement aux demandeurs francophones. Pôle Emploi est chargéde la mise en relation des candidats avec le RDEE/FFA, qui reste le pointde contact des recruteurs.

Le Canada est une destination attractive tant l’offre y est importante pourune demande qui existe dans tout l’espace francophone. En novembre 2009, l’Ambassade du Canadaen France organisait – toujours avec la collaboration de Pôle Emploi International – un forum emploidestiné aux candidats intéressés par, l’enseignement francophone.

Outre cette initiative, le FFA en la personne de Françoise Foning, présidente du FFA Cameroun etdes Femmes mondiales chefs d’entreprise, consacre un séminaire de formation aux femmes respon-sables d’entreprises. Cet apprentissage vise à familiariser ce public à l’utilisation d’une plateformede commerce en ligne. Avec cette innovation, la francophonie économique initie une réflexion essen-tielle sur Internet et sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication audiovi-suelle.

Crée en 1987 au premier sommet de Québec, le Forum Francophone des Affaires est l’unique orga-nisation économique reconnue par le sommet des chefs d’États et de gouvernements francophones.En plus de vingt ans d’existence, cette organisation est devenue l’un des premiers réseaux mondiauxd’entreprises. Au-delà de la Journée de la Francophonie, le FFA prépare plusieurs grands rendez-vous pour les acteurs économiques, comme celui organisé dans le cadre du prochain sommet qui setiendra à Montreux en 2010.

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Ont collaboré à ce numéroPriscille G. Moadougou, Essama Essomba, Robert Ngono

Ebode, Chantal Delsol, J. de Villerville, Jules de la Fayolle,Cécile de Songy, Stéphane Dreyfus, Jean-Claude Rodes,

Nicolas Don

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Être français. Cela ne vaplus de soi. Ce lien nonchoisi est devenu diffi-

cile à admettre. Beaucoupvoudraient trier leur France…En premier lieu, être français,c’est assumer tout le passé dela France : se sentir et sesavoir l’héritier des rois et desabbayes bénédictines, desguerres de religion, de l’espé-rance et de l’intolérance révo-lutionnaires, de quarante mil-lions de pétainistes, et de l’in-telligentsia stalinienne.Autrement dit, ce serait nerien comprendre à la patrieque de vouloir choisir en ellece qui, aujourd’hui, plaît, etpire encore, de tenter deréécrire le passé qui nous cha-grine ou nous indigne : laFrance sans les racines chré-tiennes, voire l’invention deracines musulmanes, pourfaire plaisir au temps pré-sent… Quand on reçoit unhéritage, on n’accepte pas lechâteau sans les dettes. Et ilen va de même pour le pré-sent. Être français, c’est sesentir et se savoir le compa-triote des immigrés naturali-sés, mais aussi des électeursdu Front national. C’est aimerce pays avec sa cuisine et sonélégance qui font pâlir d’en-vie nos voisins, mais aussiavec ses corporatismesétroits, son éternel ressenti-ment égalitaire.

Il s’agit d’aimer un pays réel,avec ses grandeurs et sescatastrophes, ses erreurs etses gloires, son charme et sespesanteurs. S’inscrire dans unpassé et dans un présent quenous n’avons pas forcémentratifiés, accepter les consé-quences de situations aux-quelles nous n’avons pointpart : répondre de ce dontnous ne sommes pas respon-sables.

Etre patriote, c’est aimer sapatrie sans la travestir, et sansen avoir honte. Juste parceque c’est elle, et juste parceque c’est moi.

Aussi, se sentir françaisaujourd’hui, c’est apercevoir,sans faux-semblant ni ruse dela raison raisonneuse, quenous héritons d’une patrie enperte de puissance. Que laFrance a pu être ou se croirele phare du monde, mais nel’est plus. Cette puissancedésormais moyenne doit seremettre en cause, non parceque ses trouvailles se révèle-raient fausses, mais parcequ’elles se révèlent dépas-sées.

Etre français aujourd’hui,c’est d’abord un étonnementdouloureux, celui qui faisaitdire au jeune Périclès, sus-pendu au manteau du Maître:« comment se fait-il, Socrate,que notre cité ait ainsidécliné? ». Comment cettepatrie si brillante, fille aînéede l’Eglise et de laRévolution, est-elle devenueune puissance si moyenne, siessoufflée, si endettée, sienfermée dans ses proprespréjugés ?

Etre français aujourd’huirevient à faire le deuil de ce

que nous ne sommes plus, etnous apparaît si enviable. Etrefrançais c’est une nostalgie,et l’analyse d’un manque irré-médiable, et la lucidité devantles béances laissées par l’his-toire – dans tous les pays dumonde où notre influence sefaisait sentir, et ils sont nom-breux, les soixantenaires del’élite cultivée parlent encorefrançais, les trentenaires par-lent anglais. Mais la nostalgien’est pas une réponse. Elle setransforme aisément enaigreur : celle qui nourrit lahaine de l’Amérique, puis-sance qui monte pendant quenous descendons. Elle peutdevenir une révolte, celle quicoupe le courant électriquepour conserver ses privilèges.

La nostalgie se retournecontre son détenteur et netransforme pas la réalitéregrettable. Il nous faut toutmettre en oeuvre pour ladépasser. Peut-on alorsoublier les rêves de puis-sance ? Se contenter d’uneplace médiocre ? Accepter ladiminution comme ce sageauquel on a volé une partie deses capacités, et qui rendgrâce pour celles qui restent?Un individu peut faire sondeuil de sa grandeur passée,parce qu’il se sait vieillissantet mortel. Mais une patrie ?N’a-t-elle pas pour projetl’immortalité, quoiqu’en diseValéry ? Saurait-elle accep-ter de vieillir et de mourir ?

Il faut prendre alors le paysfatigué tel qu’il est et combat-tre pour l’arracher des orniè-res où il se débat inconsciem-ment. Les Français ne peu-vent plus se reposer sur l’hé-ritage : la richesse du pays,ses institutions archétypales,sa langue admirée, sa paroleuniverselle. Tous ces bienfaitssont en voie de dislocation, etnous n’emmènerons plusaucun peuple derrière nous

aux paroles de LaMarseillaise. Etre Français,c’est, par affection pour laFrance, tâcher de comprendreles ressorts des maladies quinous minent, oser en dévoilerles symptômes, avoir le cou-rage de désacraliser nos cer-titudes qui nous entraînentpar le fond : l’uniformité etl’égalité, les privilèges descorps, et autres tabernacles.En période de calme, lapatrie s’identifie à ses institu-tions et à ses coutumes, à cepoint qu’elle se défend parleur simple légitimation.Dans les époques de rupture,la patrie doit pour se sauverse défaire de bien des pointsd’ancrage qui autrefois lamaintenaient. Nous en som-mes là. Etre français, c’estaimer suffisamment laFrance pour vouloir la redéfi-nir, lui proposer d’autrespiliers et d’autres rêves.

Ce désarroi peut se muer envolonté nouvelle : c’est undéfi, aujourd’hui, que d’êtrefrançais. Car cela consiste àcomprendre que la Francen’est plus une sinécure, unhôtel 5 étoiles au jeu duMonopoly, un modèle parnature. Elle ne peut plus sereposer sur ses lauriers fanés.Il lui faut s’exposer pour sur-vivre à elle-même. Etre fran-çais, pendant longtempsc’était savourer des épopéeset jouir de l’influence gagnéepar nos ancêtres.Aujourd’hui, être françaisc’est se risquer dans l’in-connu d’une métamorphose,penser la rupture, chercherdes voies nouvelles par oùs’imagineront d’autres for-ces, encore inconnues. Nousavons longtemps marchédans des sillons millénaires,balisés par la fierté. Il nousfaut à présent tailler des che-mins dans la forêt. Nous n’enavons pas l’habitude. Nous

sommes un peuple heureux,que la fortune a comblé.Longtemps nous nous som-mes crus immortels presquepar nature, en tout cas par

l’ampleur de l’histoire quinous enracine dans le sol.Mais l’histoire ne produit pasde miracle. Il nous faudra,comme tous les peuples, nous

battre contre nous-mêmes(nos habitudes, nos erreurs)pour conquérir temporaire-ment cette immortalité dontaucun peuple n’a jamais cesséde rêver.

Etre français peut signifierainsi une fin autant qu’unrecommencement. Celui-ciexige la lucidité. J’ai honte deces élites qui cherchent àcacher notre diminution, afinde faire vivre le peuple dansun contentement artificiel.Les Français des faubourgs,des villages et des banlieues,ressentent cet étonnement etcette diminution, et ont enviede s’accrocher aux basquesde Socrate : « comment sefait-il que notre cité ait ainsidécliné ? ». Nos gouver-nants les renvoient à leursaffaires : de quoi parles-tu,Périclès ? Notre cité estgrande et puissante, seuls nosennemis la voient petite ; lapreuve : tu conserveras tes35 heures, que tous les étran-gers t’envient…

Etre français ce n’est plusdonner des leçons au monde: c’est devenu une aventure del’esprit. Il nous faut redessi-ner sans les perdre les réfé-rents qui nous ont construits.Etre français, c’est avoirbesoin de ce courage-là.

« Le Figaro »

Être françaisPour la philosophe Chantal Delsol, « être français, c’est aimer sa patrie sans la travestir et sans en avoir honte.

C’est assumer le passé avec ses grandeurs et ses pesanteurs».

Directeur de la publication : Georges Gros - 3, cité Bergère - 75009 Paris. Commission paritaire N° 0909 G 85883

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