LA JOIE, SA 6 ÈME ÉQUIPE,

7 NAINS, 2 GÉANTS ET

MARTINICIDE...1

La nuit venait de tomber sur le bivouac des 42 martiniens et des 3 chanoines, épuisés par la marche mais l'âme gonflée de soleil après la messe et les topos. Les 4 équipes de marcheurs et celle de la log dormaient bien mais les 2 frères continuaient leurs entretiens avec des jeunes et l'aumônier cherchait à prier

pour trouver l’inspiration du sermon du lendemain à tous ces étudiants... Soudain, dans l'ombre, une petite troupe marchant sans bruit s'approcha en souriant.– Coucou ! Nous sommes l'équipe de Joie !– De quoi ?– De Joie ! Joie, c'est elle ! me dit un garçon très sûr de lui qui semblait le chef d'équipe, en désignant une

petite jeune fille. – On va vous expliquer... Notre invisible équipe marche avec vous depuis le 4 août, puisque vous faites votre

marche sur le thème de « la joie, secret gigantesque du chrétien »2 En fait, on est tous de la même famille et on nous confond souvent avec Joie. Mais c'est une erreur !

Je découvris alors cette singulière 6ème équipe3 : Le chef s'appelait BONHEUR, il était riche et

imposant, plus âgé, fort sympathique mais ce n'était pas la joie. Douce et réconfortante, son animatrice s'appelait la PAIX : calme et équilibrée, elle mettait tous les équipiers à leur place, dans un ordre tranquille. Troisième membre de cette équipe de rêve : une fille : la BÉATITUDE. Elle ne touchait pas terre, et tous l'enviaient pour son sourire céleste. Un garçon ensuite : l'OPTIMISME. Il voyait tout en rose : ampoules et crampes, le sac qui cisaille les épaules et ce soleil de plomb, tout était matière à louange ou à édification spi et psy. Il marchait avec un inséparable ami : L'ENTHOUSIASME, charmant jeune homme un peu fragile, exquis, mais qui semblait trop frêle pour affronter toutes les difficultés du camp et de la vie. Puis, une ravissante jeune fille, petite cousine de JOIE : L’ESPÉRANCE...Aussi attirante que l'enthousiasme, elle était mieux campée que lui et n’arrêtait pas de parler de ces deux grandes sœurs, Foi et Charité.... (la maman de Joie !)

Le 7ème et dernier membre de l'équipe était PLAISIR. Bavard, élégant, il en imposait par sa faconde et sa prestance mais on le sentait capable d'être un peu vulgaire, infidèle et finalement fragile. En attendant, on préférait l'avoir avec soi...

JOIE m’expliqua : – Attention à ne pas me confondre avec eux tous ! Je suis d'ordre

supérieur alors que le PLAISIR est d'ordre inférieur, je m'avance dans le temps alors que L'ESPÉRANCE ne regarde que l'avenir, je suis plus solide et durable que L'ENTHOUSIASME, agréable certes, mais instable et trompeur.

1 Aperçu des sermons à suspens... du camp saint Maximilien, du Canigou à Carcassonne, en août 2012, (PJB CRMD Lagrasse.)Les photos sont celles du camp.

2 Gilbert Keith CHESTERTON, Orthodoxie, Idées Gallimard, 1984, p. 244. (le livre est paru pour la première fois en 1908)3 Ces lignes s'inspirent de : Yvonne ESTIENNE, Joie, Bonne Presse, Paris, 1954, p.13-18. Sur la joie, nous recommandons aussi le

livre récent et tonique du Père DANIEL-ANGE, La joie de ce jour et pour toujours, Éditions des Béatitudes, 2009, 254 p., 13 € et, bien sûr le Message du Pape BENOÎT XVI à l'occasion de la XXVII journée Mondiale de la jeunesse (15 mars 2012) et la belle Exhortation apostolique de PAUL VI en 1975, Gaudete in Domino, qui sont dans le carnet de camp !

– Tu es la meilleure de l'équipe alors ?– Non ! Je vis des fluctuations que l'OPTIMISME, dans sa force, ne connaît pas ; je vis dans un jeu de

passions alors que la PAIX est faite de détachement, je vis sur terre alors que la BÉATITUDE est en Dieu. Enfin, à l'opposé de mon chef, le BONHEUR, je suis un mouvement et lui un état : on me cherche tandis qu'on le rencontre, et pourtant je reste spontanée tandis qu'il suppose une sagesse...

– Mais qui es-tu donc ?

Joie baissa les yeux et sourit. Elle reprit : – Je suis l'épanouissement de l'âme dans la possession de ce qu'elle aime... 4 : Si tu aimes le chocolat, ta joie

sera très extérieure, parfois vulgaire et, de toutes façons... bien éphémère. Si tu aimes un ami, une bonne action, ta joie sera plus intérieure mais encore trop fugace. Si tu aimes DIEU, alors sois sûr que ta joie, devenue très intérieure, sera inaltérable : Jésus nous l'a dit : « je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie et votre joie, nul ne vous l'enlèvera ».5

Je commençais à rêver quand Joie me tira par la manche.– Mon Père ! Un grand danger vous poursuit : une petite équipe de 7 nains s'est mis à votre poursuite pour

plomber l'ambiance du camp !– 7 nains ? Sont-ils bien dangereux pour altérer notre joie

surnaturelle et toutes les joies humaines qui nous comblent le cœur à la belle étoile ? Ils paraissent si gentils et inoffensifs !

– Oui... jugez plutôt... Cette 7ème équipe fantôme est dirigée par une fille : La TRISTESSE. Tout mon contraire ! Je dilate le cœur, elle le resserre, le contracte et rabougrit. S. Jean

Cassien y voit même le 8ème des péchés capitaux ! Puis vient L'ENNUI, ce gars n'a aucun appétit pour la vie, il dit bof tout le temps. Saturé des biens de la terre, il ne sait plus goûter les joies simples d'un camp et celles de la vie intérieure...Le 3ème, un garçon, est L'IGNORANCE. Il juge des autres et des choses sans les connaître... et se trompe sans cesse. Quand il s'agit de Dieu et des vérités saintes, sa stupidité atteint des sommets, il affirme des bêtises énormes et, hélas, tous ceux qui ne viennent pas aux topos risquent de le croire ! Ensuite, il y a une vraie peste, la DISPERSION. Elle s'éclate, dit-elle... et elle s'éparpille fiévreusement, incapable de faire oraison et de rester à lire un beau texte durant le temps désert, ou de vivre en cœur à Cœur avec Jésus et Marie durant l'Adoration... Vous imaginez l'influence néfaste qu'elle pourrait avoir sur vos martiniens, pourtant si généreux ! Il y a encore une fille, L'IMPATIENCE... Tout l'énerve : les retards, la filles de la log, les 1000 contrariétés inévitables dans un camp. Elle a un copain : le STRESS...Le moindre bug le tend et le fait bondir de colère ou fondre en larmes. Comme il vit toujours à la surface de lui-même et ne prie jamais, il n'a confiance qu'en lui et non en Dieu et ne peux trouver aucun des secours que ma cousine la PAIX pourrait lui offrir... Enfin, une fille achève cette équipe de 7 nains, et elle est hyper-féminine...c'est la COMPARAISON...toujours en train de se juger au dessus des autres par orgueil ou de jalouser la jupe, le succès ou même la ferveur qu'elle n'a pas... elle est alors toujours triste et rend tel ceux qu'elle approche.

– Et ils sont loin ces horribles 7 nains ?– Ils sont déjà parmi vous... Ils passent d'équipe en équipe, invisiblement, s'attaquant aux étudiants (et

aumôniers !) les plus fatigués et leur distillant leur venin de mort spirituelle. Mais il y a pire...– Rassurant ! Et quoi donc ?– 2 Géants... beaucoup plus dangereux pour altérer

votre joie : La SOUFFRANCE d'abord... Benoît XVI en parle bien sûr dans sa merveilleuse synthèse du 15 mars 2012.6 Au tout début de votre camp, (vous ne le saviez pas !) il précisait ceci : « Est-il permis d’être si heureux alors que le monde est rempli de souffrance, qu’il existe tant d’obscurité et de mal ? Est-il permis d’être si insouciants et joyeux ? La réponse ne peut être que «oui» ! Car en disant «non» à la joie, nous ne rendons service à personne, nous ne faisons que rendre le monde plus obscur. Et celui qui ne s’aime pas ne peut rien donner au prochain, il ne peut pas l’aider, il

4 Cf S. THOMAS D'AQUIN, Somme de théologie, Ia IIae q. 28 a.1 c.5 Jn 16,22.6 Relisez notre remarquable carnet de camp p. 29 et 45 entre autres... Réutilisez souvent ce TB ensemble de textes pour vos oraisons !

ne peut pas être messager de paix. Nous le savons à partir de la foi et nous le voyons chaque jour : le monde est beau et Dieu est beau. Et, parce qu’Il s’est fait homme et qu’il est venu habiter parmi nous, qu’il souffre et vit avec nous, nous le savons définitivement et concrètement : oui, Dieu est bon et il est bon d’être une personne. Nous vivons de cette joie, et en partant de cette joie, nous cherchons également à apporter la joie aux autres, à repousser le mal et à être serviteurs de la paix et de la réconciliation. »7 En outre, les martiniens savent bien faire de leurs mini souffrances du camp un levier de sanctification et de purification. Mais il y a le 2ème géant...

– Le PÉCHÉ ?– Oui, et là, c'est l'arme fatale contre la Joie ! « Il n'est finalement qu'une tristesse,

disait Léon Bloy, celle de n'être pas des saints. » Il faut absolument retrouver la pureté du cœur et du corps pour jouir de la vraie et durable exaltation de l'âme joyeuse. « Bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu »8 et donc malheureux les impurs, et infiniment tristes...

– Rassurez-vous les martiniens sont fans de la confession fréquente !

Endormi sur ce bel échange, j'espérais me reposer un peu quand soudain mon ange gardien me secoua vivement. – Alerte mon Père ! Je viens d'intercepter un mail cripté envoyé à Lucifer en personne à propos de ce camp saint

Martin.– Allons bon ! Faut-il descendre aussi bas en enfer pour attaquer nos pauvres étudiants ? Lui causent-t-il donc

autant de soucis ?– Lisez...

A la lueur de ma lampe frontale (rechargée grâce à la log...) je découvrais le rapport d'un démon gardien spécial au chapitre : MARTINICIDE, tueur de martinien...

« Cher Lucifer,Je viens Te faire un rapport accablant des premières attaques contre ces horribles jeunes du

camp saint Maximilien. L'équipe des 7 démons nains s'est vue fermée la porte de tous les cœurs par la 6ème équipe de cette saleté de Joie et les anges gardiens de ces atroces martiniens. J'ai envoyé alors les 2 géants. Ils se sont pris des baffes sur la route (170 kms avec 15 kgs sur le dos sous 35 °C : ils sont dingues ces jeunes !) et au confessionnal du Père qui ne désemplissait pas. Je te proposes alors d'arrêter là notre humiliation. Protégés par notre ennemie absolue, l’Immaculée et forts de leur cohésion dans cette abominable charité fraternelle, les martiniens sont presque invulnérables. Je n'ai pu que les blesser superficiellement. Mais je te proposes une revanche éclatante...

Car, dès la fin du camp, les jeunes seront beaucoup plus fragiles, puisqu'ils seront esseulés et sans le cadre spi si porteur de ce camp exécrable. Il faut donc :

1. Eviter par tous les moyens qu'ils se revoient, et communiquent. Je ferai tout pour les décourager de venir au WE de rentrée, au pélé du Mont Saint Michel, à la retraite de fin d'année et à tous ces WE mensuels du chapitre où je m'en prend plein la gueule pour pas un rond...

2. Les décourager de prier seuls comme ils le faisaient en camp tous ensemble. J'ai plein d'idées : 'pas le temps de faire oraison', bof, 'ça me saoule', 'ça sert à rien' etc.

3. Les faire retomber dans la mollesse du confort, loin de cette ascèse martinienne qui les a tous purifiés. Je vais utiliser la télé, la bonne bouffe, et, pour certains l'alcool, les clopes et pourquoi pas le shit...et l'impureté !!

miam miam... c'est jouissif de les voir tomber dans mes griffes !

4. Ils vont se sanctifier par leur devoir d'état d'étudiants ou de jeunes pro : ils faut les encourager à la paresse, au mensonge, au vol au boulot etc et leur faire croire qu'on peut être catho dans sa vie privée mais surtout pas au bureau !

5. Les chanoines veulent en faire des « missionnaires de la joie »9 beurk !! Il faut les en décourager : 'tu es nul, ça ne se fait pas de parler de ta foi aux autres, arrête de sourire en parlant du camp, tu paraîtra ringard et coincé à ta promo' etc !

6. Ils doivent couper tous les ponts avec les chanoines et tous les prêtres. Evitons qu'ils gardent leurs coordonnées et surtout qu'ils envoient mails, tél ou qu'ils aillent à Lagrasse pour demander des conseils ! Il ne manquerait plus que ça !! Je leur montrerai qu'ils sont débordés, trop loin etc. Ça devrait marcher... Loin des yeux, loin du cœur...

7 BENOÎT XVI, Discours lors du Pèlerinage de l'archidiocèse de Munich et Freising, Castel Gandolfo, 3 août 2012.8 Mt 5,8.9 L'expression est de Benoît XVI dans son beau texte du 15 mars 2012.

7. Enfin, détachons-les absolument de notre Ennemie fatale, l'Immaculée.10 Le chapelet et les angelus ? : les rendre tièdes, mous, moches. Il faut tout faire pour que ceux qui portent le scapulaire et surtout les 5 traîtres qui l'ont reçu à Lagrasse en la fête de saint Max, le perdent ou l'abandonnent. Quand à ces monstres de consacrés à la Vierge et surtout les 7 nouveaux du 15 août, compte sur moi pour leur pourrir la vie !

Je t'encrasse très fort, cher Lucifer Signé : ton détesté MARTINICIDE.

Je restais songeur...Peut-être que Martinicide donnait ici les 7 TB conseils d'après-camp que les jeunes me demandaient ! APATAPI :

1. A comme Amitié : rester fidèles aux membres de son équipe2. P : Prière : garder de bonnes habitudes, tenables mais généreuses : ex : prières du matin et soir (aussi évident que

la douche et le petit déj !), les angelus et un minimum non négociable de 10' d'oraison quotidienne pour les nouveaux (plus pour les anciens !), idem pour le chapelet... ! Et bien sûr confessions régulières et communions ferventes !

3. A : Ascèse : un peu moins de douceurs et de futilités nocives (cigarette...) pour garder le tonus de la volonté, ce ressort qui fait les héros et les saints.

4. T : Travail comme lieu de sanctification au même titre que les oraisons et les sacrements.

5. A : Apostolat pour rayonner la Joie reçue durant ces 2 semaines, dans un monde qui meurt de Tristesse : Aux JMJ de Madrid le Saint Père exhortait les jeunes du monde entier : « Ne gardez donc pas le Christ pour vous-mêmes. Transmettez aux autres la joie de votre Foi »11 « Soyez donc des missionnaires enthousiastes de la nouvelle évangélisation... des missionnaires de la joie. [Or] Pour qu'elle puisse demeurer en nous, nous devons la transmettre »12 Pour ne pas être coupables de « non assistance à personnes en danger » par votre silence devant le péché,

votre honte à dénoncer les attaques contre notre Foi, l’Eglise et le Pape, pour être les missionnaires dont Jésus veut avoir besoin pour sauver les âmes, « N’ayez pas peur du monde ni de l’avenir, ni de votre faiblesse »13. Soyons d’abord des exemples , toujours avec douceur, patience, joie et bonté ! C'est le plus important. S. Ignace le Loyola disait : « Voulez-vous sauver une âme ? Commencez à la convaincre que vous l’aimez »14. « Les hommes, disait S. François de Sales, se gagnent par l’amour plus que par la rigueur, nous ne devons pas seulement être bons, mais très bons. »15 Et cette bonté sera joyeuse : or « notre joie est le plus sûr moyen d'annoncer le Christ au monde » remarquait la Bse Mère Teresa.16 N'oublions jamais d'être des modèles. Le Saint Père nous le disait récemment avec une image étonnante : « Nous chrétiens, devons être un message vivant ; dans de nombreux cas, nous sommes même l'unique évangile que les hommes d'aujourd'hui lisent encore. »17

6. P : Père spi : le chrétien seul perd un temps fou et s'enlise dans des difficultés idiotes sans l'aide d'un prêtre : de nombreux prêtres et les chanoines sont à votre service !

7. I : Immaculée : elle est notre chemin le plus rapide, le plus sûr et le plus facile pour nous unir à Jésus et devenir des saints18 : ne l'oublions pas !!!

Restez humblement accrochés à Elle et, soyez-en sûr, Martinicide pourra se préparer à de nouveaux rapports catastrophes !

10 Lors d'un exorcisme qu'il faisait en 1991, Don Gabriele AMORTH, de l'Archidioçèse de Rome, a demandé au démon pourquoi il craignait tant la Vierge Immaculée. Il a répondu : "c'est la seule créature qui peut me vaincre totalement parce qu'elle n'a jamais été effleurée par la plus petite ombre de péché." C'est logique. L'Immaculée Conception est notre toute puissante protectrice contre l'Enfer et les forces du Mal. Or elle est aussi notre Mère protectrice et notre puissante Médiatrice...Recourons à elle dès que la tentation approche ! 11 BENOÎT XVI, Homélie aux JMJ de Madrid du 21 août 2011.12 BENOÎT XVI, 15 mars 2012.13 BENOÎT XVI, Veillée des JMJ de Madrid à Cuatro Vientos, 20 août 2011.14 S. IGNACE DE LOYOLA, cité par Matyssek-Ricard, Memento de pastorale, Alsatia, Paris, 1942, p. 35.15 S. FRANÇOIS DE SALES, cité par Matyssek, op. cit., p. 12.16 Bse MÈRE TERESA, citée par Père Bernard PEYROUS, Dieu est humour, Ed de l'Emmanuel, Paris, 2007, p. 157. Benoît XVI cite une phrase semblable le 15 mars 2012.17 Benoît XVI, 9 mars 2011.18 Cf S. LOUIS-MARIE GRIGNION DE MONFORT, Traité de la Vraie dévotion, n°152.