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La lettre des élus #188
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La lettredes élus
Une publication mensuelle de l’UNEF et de l’APFEE - 0,15 EurosN° de Commission Paritaire : 0108G82659 • ISSN : 1761-1547 // Directeur de publication : Sébastien Chaillou // Rédacteurs en chef : Yannis Burgat, Benoit Soulier // mail : [email protected] // tél : 01 42 02 25 55 // Impression : imprimerie Grenier RCS Créteil B 622.053.189
Actualités • Réforme du concours de SciencesPo Paris // IDEX de Toulouse
Dossier • Unifier l’enseignement supérieur pour démocratiser les écoles
Fiche pratique • Rôle des élus dans les grandes écoles
Interview • Pierre Tapie, Président de la CGE
Association pour la Formation des Elus Etudiants
APFEE
Bonjour à tous !
Ces derniers mois, dans le cadre des élections présiden-tielles, le débat public est revenu sur la question de la réussite dans l’enseignement supérieur et la diversité des étudiants au sein des grandes écoles. Pour faire état des propositions des élus « UNEF et association étudiantes » et des batailles à mener dans les conseils, la Lettre des Elus consacre ce mois-ci un numéro spécial aux élus étu-diants dans les Grandes Ecoles.
Si la qualité du diplôme dans les grandes écoles est indé-niable, l’accès à ces diplômes demeure réservé à une mi-norité. La massification de l’enseignement supérieur, qui permet aujourd’hui à plus de 2,3 millions de jeunes d’être étudiants, repose principalement sur les épaules des uni-versités. Les élus « UNEF et associations étudiantes », s’organisent dans chaque établissement pour réduire les inégalités entre les étudiants et démocratiser l’accès aux grandes écoles.
Le dossier du mois est consacré au rapprochement entre les universités et les grandes écoles. Les élus « UNEF et associations étudiantes » portent le projet d’unification de l’enseignement supérieur. Celui-ci passe nécessaire-ment par un rapprochement des deux structures.
Nous donnerons également la pa-role à Pierre Tapie, président de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE), qui nous fera part de sa vision du rapprochement entre les écoles et les universités.
Bonne lecture !
Sébastien Chaillou,Élu au CNESER
#188Mai 2012
Spéciale grandes écoles
L’Institut d’Etudes Politique de Paris va réfor-
mer son concours d’entrée en première année
à la rentrée 2013. L’objectif est de diversifier les
profils des étudiants. En effet, le ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche
oblige Sciences Po Paris à intégrer la procé-
dure Admission Post Bac. Cette exigence du
ministère impose alors une réforme en pro-
fondeur du concours d’entrée à l’IEP afin qu’il
s’organise avant les épreuves du baccalauréat.
Une remise à plat du concoursSuite à la volonté de la direction d’avancer la
date du concours au mois de mars, les élus
« UNEF et associations étudiantes » identifient
plusieurs risques. D’abord le risque que les
lycéens ne soient pas informés à temps de la
procédure d’entrée à SciencesPo et que seuls
ceux issus des milieux les plus favorisés s’y pré-
sente. Le risque également que les épreuves ne
soient pas en conformité avec ce que l’on peut
attendre d’un élève de terminale, renforçant
ainsi le poids des inégalités sociales entre les
lycéens et les étudiants inscrits en prépas pri-
vées.
Des avancées en faveur de la démocratisationTrois ans après la dernière réforme et malgré
des améliorations sur le format et le contenu
des épreuves, le concours reste encore com-
posé d’épreuves particulièrement discrimi-
nantes socialement. Durant plusieurs mois, les
élus « UNEF et associations étudiantes » ont
fait des propositions afin de réduire la sélection
sociale et ont obtenu de nombreuses avancées
sur le concours :
• Le placement des épreuves après les vacances
de février afin de permettre à tous les candidats
de bénéficier d’un temps minimal de révision.
• La suppression de l’épreuve de culture gé-
nérale fortement discriminante, car elle fait
appelle à des connaissances et une méthodo-
logie absente des cours de terminale.
• La possibilité de choisir entre plusieurs types
d’exercices (une épreuve documentaire et
deux dissertations) pour l’épreuve d’Histoire.
• Le rapprochement du contenu et de la forme
des épreuves avec le programme de terminale
afin que les classes de première et de terminale
restent la meilleure préparation au concours.
• La réduction de la durée et du coefficient
de l’examen écrit de langue socialement dis-
criminante ainsi que la suppression de la note
éliminatoire pour cette épreuve.
Aller plus loin dans la réforme du concoursAfin de diminuer le coût et le temps de dé-
placement des candidats, les élus « UNEF et
associations étudiantes » demandent que ces
changements soient accompagnés d’une dé-
localisation rapide des épreuves sur davantage
de sites.
Enfin, l’épreuve de langue doit avoir pour
objectif d’évaluer et non pas de sélection-
ner les étudiants. C’est pourquoi, les élus
« UNEF et associations étudiantes » de-
mandent la suppression de l’oral de langue
étrangère puisqu’une épreuve écrite de langue
existe déjà dans les épreuves d’admissibilité au
concours.
Paul Bernardet,
Elu au conseil de direction de SciencesPo Paris
L’ouverture sociale à SciencesPo Paris
REFORME DU CONCOURS
Suite au recensement des établissements pra-
tiquant des frais d’inscription illégaux et aux
courriers de rappel à l’ordre réalisés par les
élus UNEF et associations étudiantes, l’Institut
Polytechnique de Bordeaux (IPB), l’Institut Na-
tional Polytechnique de Toulouse (INPT), l’Ins-
titut Lillois d’Ingénierie Santé (IRIS) et Centrale
Paris ont annoncé la suppression de leurs frais
d’inscription illégaux ainsi que le rembourse-
Actualités des conseils
2
5 écoles suppriment leurs frais d’inscrip-tion illégaux
L’épreuve de chimie du concours d’entrée
à plusieurs grandes écoles (Polytechnique,
les Ecoles Normales Supérieures de Cachan
et Lyon et l’École supérieure de physique et
de chimie industrielles de la ville de Paris)
qui s’est déroulée le 17 avril 2012 a été an-
nulée. Le Comité de pilotage des banques
d’épreuves aux écrits communs de ces
écoles a annoncé qu’elle devra être repassée.
Selon lui, « une partie de l’épreuve de chimie
du concours Physique-Chimie n’était pas
totalement inédite ».
Grandes écoles : épreuve annulée
Actualités des conseils
3
Le 4 avril dernier, le conseil d’administration de
l’Institut National Polytechnique de Toulouse a
élu Olivier Simonin président de l’établissement.
Ce dernier souhaite changer la gouvernance et
la répartition des financements dans le projet
de fusion des établissements toulousains.
Un projet de fusion qui affaiblit le service publicLa fusion des écoles et des universités toulou-
saines a été un des 8 projets IDEX sélection-
nés par le « jury international » du Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
L’IDEX de Toulouse se verra attribuer une dota-
tion en capital de 750 millions dont seuls les
intérêts lui seront versés chaque année.
L’IDEX de Toulouse a été sélectionné par le
jury international pour son caractère élitiste.
Le projet de fusion propose de concentrer
les moyens sur une poignée d’étudiants et de
chercheurs dans le but de faire émerger un
pôle d’excellence capable de rayonner au ni-
veau international.
Un projet largement contesté lors des électionsLe projet de fusion s’est constitué sans aucune
concertation avec la communauté universi-
taire. Les dernières élections dans les écoles et
les universités ont démontré un rejet important
de ce projet tant chez les étudiants que chez
les personnels et les enseignants-chercheurs.
C’est notamment le cas à l’INPT ou les can-
didats de la liste « UNEF et associations étu-
diantes », opposés au projet de fusion, ont
obtenu 4 élus.
Le changement de président à l’INPT remet en cause le projet de fusion
Olivier Simonin, nouveau président de l’INPT
a relayé les inquiétudes des étudiants et per-
sonnels de son école et exige des ajustements
importants.
Le projet sélectionné par le jury international
prévoit la création d’une grande université fu-
sionnée sous le statut de Grand Etablissement.
Elle serait dirigée par un Conseil d’Administra-
tion (CA) unique avec une part importante de
personnalités extérieures. Selon Olivier Simonin
« Il faut s’interroger sur le rôle de cette struc-
ture : si elle n’est là que pour chapeauter, ce
n’est pas réellement un problème. Si elle a un
rôle politique fort, il faut en revoir la représen-
tativité. »
La version initiale du projet IDEX proposait éga-
lement la création de « chaires d’excellence » qui
monopoliseraient des moyens important pour
quelques scientifiques. Cette vision est égale-
ment dénoncée par le président de l’INPT pour
qui il s’agit d’une « vision particulière de l’ex-
cellence qui ne correspond pas à l’ingénierie »
Il exige que ce projet soit adapté à toutes les
communautés scientifiques.
Les batailles à venir pour faire avancer les droits des étudiants en école Ce changement de cap à l’INPT vient s’ajouter
à l’élection de nouveaux présidents à Toulouse
2 et Toulouse 3 qui critiquent également vive-
ment le projet de fusion. Le renouvellement des
Le nouveau président de l’INPT souhaite un « ajustement »
IDEX DE TOULOUSE
conseils des universités et des écoles a ainsi
permis de changer la donne et de suspendre la
signature de la convention entre les établisse-
ments toulousains et le ministère.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
entendent bien poursuivre leur action contre le
projet de fusion et faire entendre leurs reven-
dications.
Il est important de s’assurer une gouvernance
démocratique et une répartition équitable du
budget dans la nouvelle université fusionnée
mais il est également fondamental de faire pro-
gresser les droits des étudiants en école.
La fusion des établissements toulousains doit
également permettre d’assurer des passerelles
entre écoles et universités. D’un côté, pour que
les étudiants des universités puissent intégrer
en cours de route les cursus d’ingénieurs. De
l’autre côté, pour que les étudiants en écoles
puissent intégrer des masters universitaires,
en particulier pour pouvoir se tourner vers la
recherche.
La fusion doit également être l’occasion d’har-
moniser vers le haut les droits de tous les étu-
diants. Les étudiants à l’université bénéficient
de droits comme des frais d’inscription faibles
et régulés, ou des modalités d’examens qui per-
mettent la réussite des étudiants (rattrapages,
compensation entre les UE…). Les étudiants en
écoles doivent pouvoir bénéficier de ces droits.
William Martinet
élu au CNESER
tions d’études sont nettement supérieures à
celles des universités. Les étudiants au sein
des écoles ne bénéficient quant à eux pas des
mêmes droits.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
portent le projet d’unification de l’enseigne-
ment supérieur. L’unification de l’enseigne-
ment supérieur reste à terme le seul outil per-
mettant d’assurer à la fois l’égalité entre les
étudiants et la qualité de toutes les formations
dispensées. Cette unification ne pourra pas se
faire sans un processus de démocratisation
des grandes écoles qui passe par la mise en
place de mesures visant à favoriser l’accès de
tous aux écoles. Cette unification doit débuter
par un processus de rapprochement entre les
écoles et les universités incluant un rappro-
chement des travaux de recherche, des for-
mations, ainsi que des moyens qui sont attri-
bués aux différents établissements.
Démocratiser les grandes écolesAfin que les universités ne soient pas les seules
à assumer la démocratisation de l’enseigne-
ment supérieur, il est déterminant de modifier
le fonctionnement des écoles.
Démocratiser les concours
La sélection sur concours est le premier verrou
social à l’entrée des écoles. Les concours de-
mandent généralement la maitrise de connais-
sances qui ne sont pas enseignées et qui
dépendent du capital culturel acquis par l’étu-
diant. Ceux qui souhaitent intégrer des écoles
sont obligés d’avoir recours à une formation
supplémentaire comme les prépas, souvent
privées et hors de prix. Afin de démocratiser
les concours, leurs contenus doit correspondre
au niveau d’études antérieur à l’intégration de
l’étudiant dans l’école. Les concours doivent
Unifier l’enseignement superieur pour démo-cratiser les écoles
GRANDES ECOLES
Dossier du mois
4
Mettre fin à la bipartition de l’enseignement supérieur
L’accès aux grandes écoles reste fermé au
plus grand nombre et les universités, qui ac-
cueillent tous les publics, supportent seules la
démocratisation de l’enseignement supérieur.
Les voies d’excellence que représentent les
écoles sont sélectives et la plupart du temps
payantes créant ainsi une forte reproduction
sociale. Si 21% des enfants de cadres accèdent
aux grandes écoles, ce taux baisse fortement
pour les autres catégories socioprofession-
nelles : 4% pour les enfants d’employés et 1%
pour les enfants d’ouvriers.
Ce système crée aussi des inégalités fortes
entre les étudiants. Les écoles drainent la
majorité des financements tant publics que
privés (taxe d’apprentissage, frais d’inscrip-
tion) qui font que l’encadrement et les condi-
L’enseignement supérieur est aujourd’hui divisé avec d’un côté les universités et de l’autre les écoles. Cette bipartition de l’enseignement supérieur est aujourd’hui un frein à la démocratisation de l’enseignement supérieur et pose deux problèmes majeurs.
Aujourd’hui, dans le cadre de la restructu-
ration de la carte universitaire, de nom-
breuses écoles sont devenues des com-
posantes à part entière d’une université. A
titre d’exemple, la création de l’Université de
Lorraine regroupe les universités de Nancy
et de Metz ainsi que l’INPL (Institut National
Polytechnique de Lorraine) qui a intégré la
nouvelle université.
Cependant, ces rapprochements n’ont en
réalité rien fait avancer en matière d’unifi-
cation de l’enseignement supérieur puisque
les problématiques de mobilité, d’égalité
et de démocratisation restent inchangées.
Ainsi, la bipartition de l’enseignement supé-
rieur se retrouve toujours au sein des uni-
versités : les écoles concentrent les moyens
budgétaires alloués et continuent à mettre
en place de la sélection à leur entrée.
L’intégration des écoles dans les universités
pousse également les universités à changer
leur statut pour pouvoir librement sélection-
ner les étudiants et fixer les frais d’inscrip-
tion. Certaines composantes des universités
tendent également à reproduire la logique
d’écoles dans certaines filières comme le
droit ou l’économie, freinant d’autant plus la
démocratisation.
Les élus « UNEF et association étudiantes »
revendiquent l’unification du service public
de l’enseignement supérieur pour le démo-
cratiser. Il faut pour cela rapprocher les deux
structures : en démocratisant les écoles, et
en réduisant les inégalités entre les étu-
diants.
Zoom sur l’intégration des écoles au sein des universités
Dossier du mois
5
être gratuits pour qu’ils ne soient pas réservés
à une minorité d’étudiants. A titre d’exemple
le regroupement des concours qui permet de
passer un seul concours pour plusieurs écoles
au plus près de chez soi, est une véritable me-
sure en faveur de la démocratisation.
Démocratiser la préparation aux grandes
écoles
Au delà des méthodes propres de sélection
des grandes écoles, les préparations à l’entrée
sont aussi des freins à la démocratisation des
grandes écoles. Les classes préparatoires aux
grandes écoles demeurent aujourd’hui des
lieux de reproduction sociale, qui privent les
étudiants de milieux modestes de préparations
aux épreuves d’admission aux grandes écoles.
L’intégration des CPGE aux universités ainsi que
leur transformation en filières non sélective
sont des leviers essentiels pour permettre à un
maximum d’étudiants de préparer le concours
d’entrée aux grandes écoles.
Lutter contre la sélection financière
Que ce soit le prix des concours, des frais d’ins-
criptions ou le manque d’aide à la mobilité
pour étudier dans une grande école, la ques-
tion financière écarte chaque année de nom-
breux étudiants de l’accès aux écoles. La mise
en place de frais progressifs en fonction des
revenus des parents est une fausse bonne idée
car ils incitent les établissements à recruter des
étudiants issus des milieux les plus favorisés.
Lutter contre la sélection sociale à l’entrée des
grandes écoles suppose de fixer des frais d’ins-
cription au même niveau que ceux de l’univer-
sité.
Unifier le service public : rapprocher les universités et les écolesLa bipartition de l’enseignement supérieur crée
non seulement des inégalités en termes d’ac-
cès au diplôme et de qualité mais rend égale-
ment illisible l’offre de formation. Pour les élus
« UNEF et associations étudiantes », l’unifica-
tion de l’enseignement supérieur répond au
double enjeu d’égalité et de mobilité des étu-
diants.
Développer les coopérations entre écoles et
universités
Le contenu des formations entre les écoles et
les universités est très différent. Cela handicape
à la fois la lisibilité de l’offre de formation et
accentue la concurrence entre les écoles et les
universités. Une coopération plus poussée doit
permettre de mutualiser les bonnes pratiques
pédagogiques et de renforcer la qualité des
diplômes délivrés par les universités : suivis in-
dividualisés, pluridisciplinarité, années d’études
à l’étranger, stages… Cette coopération permet
également de renforcer la qualité des ensei-
gnements en écoles par leur adossement à la
recherche.
Améliorer les passerelles
La coopération entre les écoles et les univer-
sités doit encourager la mobilité des étudiants.
A tous les niveaux de sa formation, un étudiant
à l’université doit pouvoir rejoindre une grande
école. Les ENS ont d’ores et déjà développé les
doubles cursus qui offrent la possibilité pour
les étudiants en écoles de pouvoir également
poursuivre leurs études à l’université. Des pas-
serelles restent à développer pour permettre
à des étudiants de l’université d’accéder à des
écoles en cours de cursus.
Unifier les droits étudiants
Les élus « UNEF et Associations étudiantes »
ont obtenu l’année dernière un nouvel arrêté
qui garantit au niveau national des nouveaux
droits pour les étudiants pendant les examens
(rattrapages, compensation annuelle…). Celui-
ci ne s’applique qu’aux étudiants de licence à
l’université. Pour aller vers plus d’égalité entre
les filières, les mêmes droits étudiants doivent
s’appliquer dans l’ensemble des établissements
de l’enseignement supérieur.
Intégrer les écoles au sein des universités
L’unification du service public doit passer par
une intégration des écoles au sein des univer-
sités. Dans le cadre des fusions d’universités,
certaines écoles d’ingénieurs ont déjà été inté-
grées aux universités. Ces fusions n’ont pour
autant pas permis de réduire le fossé entre les
deux structures tant sur les droits étudiants que
sur la qualité des diplômes délivrés. Pour les
élus « UNEF et associations étudiantes », l’inté-
gration des grandes écoles au sein des univer-
sités doit donc s’accompagner de dispositifs
contraignants d’ouverture sociale et d’harmo-
nisation des droits étudiants.
Rattraper le retard des universités
Les grandes écoles tirent leur plus-value des
conditions d’études et de la qualité des ensei-
gnements qui y sont dispensés. Alors que l’in-
vestissement pour un étudiant en CPGE est de
15 240€, celui pour un étudiant à l’université
varient entre 5000 et 10000€ en fonction des
filières. Les universités sont en retard en terme
de qualité dans l’offre de formation, ce qui ex-
plique leur difficulté à permettre aux étudiants
d’obtenir un diplôme qui constitue une vraie
protection sur le marché du travail. Il est donc
urgent de l’Etat se réengage financièrement
dans les universités.
Yannis Burgat
Elu au CNESER
En direct des universités
Pourriez-vous nous présenter votre mouvement et votre position sur cette circulaire ?
Le Collectif du 31 mai s’est créé au mois de sep-
tembre 2011 suite à une prise de conscience,
permise par les réseaux sociaux, de probléma-
tiques nouvelles auxquelles se sont heurtés de
nombreux diplômés étrangers demandant le
changement de statut d’étudiant à salarié. A
l’origine, ce mouvement d’étudiants et de diplô-
més, étrangers ou français, s’est constitué pour
un partage d’expériences et une aide de proxi-
mité. Avec les nombreux soutiens qui se sont
créés autour de la cause des diplômés étrangers,
la vocation du collectif a évolué : sensibiliser
les décideurs et l’opinion publics au problème.
Notre revendication : le retrait de la circulaire
Guéant du 31 mai 2011.
La circulaire du 31 mai a été modifiée le 12 janvier. Qu’apportent ces modi-fications et sont-elles suffisantes pour vous ?
La modification de la circulaire le 12 janvier
2012 n’a rien changé en pratique : le flou et
l’arbitraire règnent toujours en préfecture.
Pire, les entreprises françaises se détournent
aujourd’hui des diplômés étrangers, voire des
étudiants en fin de cycle à la recherche d’un
stage pour valider leur formation. Il n’y pas eu
de modification majeure si ce n’est la régulari-
sation des diplômés sous le coup de la circu-
laire entre le 1er juin 2011 et le 12 janvier 2012,
toujours au cas par cas. En cela, la circulaire
du 12 janvier n’aura été qu’un coup de com-
munication visant à tuer la polémique. Sur le
terrain, seul le retrait de la circulaire du 31 mai
Interview de Fatma Chouaieb, porte parole du collectif du 31 mai
CIRCULAIRE GUEANT
constituera un symbole fort pour permettre
aux agents de préfecture de mieux traiter les
dossiers, aux entreprises de reprendre le re-
crutement de jeunes talents formés en France.
Les étudiants étrangers rencontrent de plus en plus de difficultés qu’elles soient financière, administrative ou pédagogique. Comment défini-riez-vous la situation des étudiants étrangers aujourd’hui ?
Le manque de transparence, d’information, les
délais interminables d’attente en préfecture
et la non délivrance de récépissés assurant
la légalité d’un séjour (provisoire ou non) en
France participent d’une politique particulière-
ment difficile vis-à-vis des étudiants étrangers
qui, sans le vouloir, se retrouvent dans une si-
tuation de précarité. Qui aurait pu croire qu’au
bout de 5 ou 6 ans d’études et de stages en
France, et après avoir décroché un emploi, un
jeune diplômé se retrouve sans papiers ? Une
précarité subie.
Pour finir, quelles revendications principales portez-vous auprès des pouvoirs publics ?
Nous portons comme revendication d’abord
l’abrogation de la circulaire du 31 mai mais
aussi la mise en place de titres de séjour étu-
diants et salariés pluriannuels. Nous voulons
également une clarté administrative renforcée
et l’aménagement de l’Autorisation Provisoire
de Séjour.
Propos recueillis par Morand Perrin
Elu au CNESER
Cette année a été marquée par une forte opposition de la communauté universitaire contre la politique du gouvernement à l’encontre des étudiants étrangers. En effet en moins de six mois, plusieurs textes sont venus remettre en cause les conditions d’accueil et de séjour de ces étudiants comme la circulaire du 31 mai, appelée aussi « Circulaire Guéant ».
Les élus « UNEF et associations étudiantes » se sont mobilisé aux côtés du Collectif du 31 mai. Ce collectif a été créé afin de défendre les diplômés étrangers des écoles victimes de cette circulaire. Nous donnons la parole à Fatma Chouaieb, porte parole du Collectif du 31 mai. Cette interview a été réalisé avant l’éléction de François Hollande qui s’est engagé à revenir sur la circulaire
6
Fiche Pratique #188
7
Alors qu’ils sont les premiers concernés par les
décisions relatives au contenu des diplômes
ou à la politique de l’établissement, les élus
étudiants sont souvent peu reconnus et da-
vantage considérés comme des délégués de
classe plutôt que des élus étudiants qui sont
forces de propositions.
Malgré les différences de fonctionnement des
établissements, les élus étudiants rencontrent
des difficultés communes. Alors que certains
dossiers nécessitent un minimum de connais-
sances techniques, les élus étudiants ne sont
pas formés sur les différents sujets qui sont mis
en débat. Ils se retrouvent contraints de vali-
der des projets sans avoir les conditions maté-
rielles pour se faire leur avis.
Très souvent mis au ban de toute concerta-
tions ou prises de décisions relatives à la poli-
tique de l’établissement, les élus étudiants
en sont pourtant les premiers concernés. Ils
doivent ainsi s’imposer pour faire entendre la
voix des étudiants dans les conseils.
Les batailles des élus étudiantsParfois confrontés à un manque de respect
de la démocratie dans les écoles, les élus étu-
diants ont de nombreuses batailles à mener
dans leurs conseils au sein des écoles. En
effet, les élus étudiants sont indispensables
pour pouvoir faire avancer les droits des étu-
diants.
Réformer le concours d’entrée La formation en école profite essentiellement
aux étudiants issus des familles les plus favori-
sées. Le concours d’entrée représente une sé-
lection sociale sévère dans l’accès aux grandes
écoles. Les élus étudiants doivent se battre
pour que dans chaque école, les concours
fassent l’objet d’une réforme au service de la
démocratisation :
• L’instauration de la gratuité du concours. Le
prix de l’inscription au concours est un frein
important pour les étudiants issus des milieux
modestes.
• Le contenu du concours doit se faire sur la
base des connaissances acquises au sein du
système éducatif afin de limiter la sélection
sociale entre ceux qui détiennent du capital
culturel et ceux qui n’y ont pas eu accès.
• Multiplier les centres d’examens dans plu-
sieurs villes universitaires pour réduire les
coûts financiers liés aux déplacements.
• Généraliser les concours communs. Les
concours communs à plusieurs écoles per-
mettent de réduire les coûts de concours pour
les étudiants et d’augmenter le nombre de
centres.
Faire progresser et unifier les droits étudiantsAujourd’hui, les droits étudiants au sein des
écoles ne sont pas réglementés nationa-
lement. Cette absence de cadrage permet
à chaque école de fixer ses propres règles,
entraînant des inégalités importantes entre
les établissements et les étudiants. Les élus
« UNEF et associations étudiantes » ont obte-
nu en juillet dernier une réglementation natio-
nale garantissant de nouveaux droits pendants
les examens (seconde session d’examens,
compensation annuelle…) pour les étudiants
de licence.
Les élus étudiants au sein des écoles peuvent
prendre appui sur cette arrêté pour faire pro-
gresser les droits dans leur établissement mais
également en obtenir d’autres avec :
Rôle des élus dans les grandes écoles
ELUS EN GRANDES ECOLES
• La généralisation de la seconde session
d’examens
• L’anonymat des copies
• Le droit de consulter sa copie et à la double
correction en cas de litige
• Le droit au redoublement
• La mise en place de service comme des lieux
de vie, la gratuité des polycopiés de cours etc.
Renforcer le rôle des élus étudiantsLes élus étudiants sont souvent réduits à une
position d’observateurs dont les avis ne sont
que peu pris en compte. Il est donc néces-
saire de rétablir une véritable démocratie afin
d’impliquer davantage les élus étudiants à
l’ensemble des prises de décisions. Pour cela,
il faut se battre pour :
• L’ouverture des commissions de l’établisse-
ment (sur les sujets de la vie étudiante, de la
santé et les droits étudiants) aux étudiants.
• La mise en place d’un Vice-président Etu-
diant comme dans les universités.
Yannick Sabau
Elu au CNESER
3 questions à...
LDE : L’enseignement supérieur fran-çais est caractérisé par une séparation entre les grandes écoles et les uni-versités. Comment avancer vers un rapprochement universités-grandes écoles et quels sont les leviers à mettre en place pour diversifier les publics qui accèdent aux grandes écoles ?
Ces séparations sont largement dépassées. Sur la
scène internationale, une large partie des grandes
écoles sont considérées comme des « Research
Universities », spécialisées en disciplines scien-
tifiques, technologiques ou managériales. La
spécificité française est plus de n’autoriser qu’un
usage très restreint par la loi du mot « université »,
d’interdire toute sélection à l’entrée de ce qu’elle
appelle université, et de disposer d’une large par-
tie du potentiel de recherche réservé à des cher-
cheurs des Etablissements Publics Scientifiques
et Techniques que d’avoir un double système
« Grande Ecole » et « Université ».
Aujourd’hui le nombre de passerelles entre les
deux univers est considérable, dans les deux sens.
N’oublions pas qu’au niveau Master, les « Grandes
Ecoles » délivrent 40% des diplômes français et
qu’un tiers des doctorats sont préparés dans leurs
laboratoires. La diversification des publics est de-
venue considérable sur le plan pédagogique (une
minorité des diplômés d’une grande école ont
fait une classe préparatoire par exemple) ; sur le
plan social, dès lors que l’on considère le niveau
Master, seul pertinent pour analyser les grandes
écoles, les biais sociaux sont les mêmes dans les
universités et les Grandes Ecoles.
LDE : L’année a été marquée par une polémique autour de la circulaire Guéant et des conditions d’accueil et de séjour des étudiants étrangers. La CGE a dénoncé cette circulaire. Quelles sont les propositions de votre conférence concernant l’ouverture
de l’enseignement supérieur aux étu-diants étrangers et leurs conditions d’accueil et d’études en France ?
La seconde « circulaire Guéant », en date du 13
janvier 2012, est le fruit d’un travail très coordonné
CPU, CDEFI et CGE face au gouvernement. Elle
améliore la loi du 24 juillet 2006, qui avait été lar-
gement inspirée par les ambassadeurs de France
et la CGE. Nous considérons qu’aujourd’hui, avec
cette loi et sa circulaire d’application du 13 jan-
vier, la France présente une réglementation ou-
verte vis-à-vis des étudiants étrangers. Ceux-ci
constituent une aubaine pour notre pays, immé-
diatement pour rendre la vie d’étudiant plus inté-
ressante, à long terme parce que ces milliers de
francophiles seront des acteurs de l’influence de
la France, culturelle comme économique.
L’enjeu est de convaincre les acteurs universi-
taires comme les pouvoirs publics que quand
le nombre d’étudiants augmente chaque année
de 7 millions dans le monde, en éduquer une
petite partie peut représenter une opportunité
extraordinaire pour la France. C’est ce que pro-
pose la CGE, en en accueillant chaque année 50
000 de plus pendant 10 ans. L’enjeu économique
représente, à la fin de ces 10 ans, 7 fois le grand
emprunt.
LDE : La gouvernance des grandes écoles est très variable d’un établisse-ment à l’autre, laissant plus ou moins de place aux élus étudiants. Comment les élus étudiants doivent-ils selon vous être associés à la définition des formations et des orientations straté-giques de leur école ?
La plupart des écoles intègrent des étudiants dans
leurs différentes instances de gouvernance, à des
titres divers. Il est important que les étudiants
participent à la gouvernance des écoles d’abord
sur les sujets où ils sont ou peuvent être acteurs
directs : évaluation des enseignements, vie étu-
... Pierre Tapie
diante, évolutions de l’architecture, organisation
et innovation pédagogiques, etc… qui corres-
pondent aux échéances de temps sur lesquelles
les étudiants peuvent être directement concernés.
Sur des sujets qui traitent plus d’orientations à
long terme, il faut veiller à ce que les étudiants
disposent du niveau d’information approprié pour
que leur avis soit sollicité sur des sujets parfois très
complexes. Leur jeunesse les rend indispensable
pour que la sensibilité de leur génération soit en-
tièrement prise en compte.
Sur certains sujets hautement techniques,
comme des stratégies de recherche ou des déci-
sions d’investissement scientifique lourd, il n’est
pas sûr que leur avis soit réellement solide et
autonome. Enfin il nous semble que les étudiants,
dont l’énergie principale est à priori investie dans
le contenu de leurs études, ne devraient pas avoir
un poids décisif dans les choix des dirigeants
opérationnels universitaires, eux même amenés
ensuite, en toute indépendance et professionna-
lisme, à déterminer les régulations et les conte-
nus pédagogiques auxquels les étudiants seront
directement soumis.
Propos recueillis par Jonas Didisse
Elu au CNESER
8
Qu’est ce que la CGE ?La Conférence des Grandes Ecoles est une association qui rassemble 216 grandes écoles, 17 entreprises et 45 organismes. Elle est présidée actuellement par Pierre Tapie, directeur de l’ESSEC. Son rôle est de :
• Développer l’information interne l’entraide et la solidarité entre ses membres.
• Promouvoir les écoles, tant sur le plan national, que sur le plan international.
• Faire évoluer les formations, développer la recherche .• Effectuer les démarches d’inté-rêt commun auprès des pouvoirs publics.
// Président de la CGE