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Sommaire Éditorial Janvier 2019 - N°25 La lettre Cette lettre présente les contributions des trois lauréats du prix 2018 de l’Observatoire des Retraites. Les thèses reçues ayant été particulière- ment nombreuses cette année, les articles des candidats non récom- pensés, mais dont les travaux n’en présentent pas moins un grand intérêt, sont en ligne sur le site de l’Observatoire des Retraites. Dans le contexte actuel, marqué par l’ambition d’une refonte totale de notre système de retraite, les sujets abordés par les deux premiers lauréats prennent un relief particulier. Ils portent en effet sur la protec- tion juridique des droits à retraite et sur les réversions, sujets sensibles qui seront à n’en pas douter à nouveau à l’ordre du jour avec la réforme. Jessica Attali-Colas, premier prix de thèse, montre comment la jurispru- dence des tribunaux français s’est efforcée de sécuriser les pensions liquidées et les limites auxquelles elle se heurte. Car « nécessité fait loi », et les contraintes économiques peuvent justifier non seulement la remise en cause des droits en cours de constitution, mais très vrai- semblablement aussi celle des pensions en cours de service. Le Conseil constitutionnel français a d’ailleurs eu l’occasion en 1994 d’affirmer qu'aucun principe constitutionnel ne garantit l’intangibilité des pen- sions. La crise de 2008 a conduit de nombreux Etats membres de l’Union européenne à baisser les retraites, provoquant des recours judiciaires là où ils étaient possibles. Les Cours portugaise et italienne ont annulé certaines des mesures prises, mais sans aller jusqu’à consi- dérer les pensions liquidées comme intangibles. Christian-Rodrigue Tagne, second prix de thèse, aborde la question des réversions sous l’angle de la mesure de leur équivalent patrimonial. Il montre ici que ce « patrimoine » permet aux bénéficiaires des réversions de conserver plus ou moins le niveau de vie dont ils jouissaient avant la perte de leur conjoint. Sa thèse apporte par ailleurs un éclairage sur les solutions adoptées par d'autres pays européens et sur le partage des droits à retraite au sein du couple ou « splitting ». Les critiques qui reviennent régulièrement sur la situation des personnes âgées dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes donnent un grand intérêt à la thèse de sociologie récom- pensée par un troisième prix. Cécile Rosenfelder s’est en effet intéres- sée à l’émergence à partir des années 1970 de modèles alternatifs aux EHPAD. De nombreuses initiatives, « cantous », domiciles protégés, partagés, béguinages, habitats autogérés, intermédiaires, intergénéra- tionnels, colocations seniors, villages retraite ont vu le jour. S’appuyant sur l’étude d’un large échantillon, elle montre la créativité et l’intérêt de ces formules sans en cacher les limites. de l’ Observatoire des Retraites Florilège : prix 2018 Éditorial 1 La sécurisation juridique des pensions 3 liquidées : entre réalisme et démystification Jessica Attali-Colas, premier prix de thèse Les pensions de réversion en France : 11 équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionnés Christian Rodrigue Tagne, deuxième prix de thèse Au-delà des établissements d’hébergement 25 pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), penser l'alternative dans le champ du vieillissement Cécile Rosenfelder, troisième prix de thèse Le prix de l’Observatoire des Retraites a pour objet de récompenser et de promouvoir les thèses, mémoires de master et travaux équivalents, pour leurs apports à la recherche et leur contribution à la connaissance dans les domaines de la retraite et des retraités. Il a ainsi pu promouvoir dans un passé récent les travaux d’auteurs tels que Patrick Aubert, secrétaire général adjoint du Conseil d’orientation des retraites de 2012 à 2016, sous-directeur de la Drees depuis 2016, Antoine Bozio, fondateur et Directeur de l’Institut des politiques publiques, et Simon Rabaté, chercheur à l’Institut des Politiques publiques. Tous les trois sont aujourd’hui des signatures reconnues dans le débat sur les retraites.

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Sommaire Éditorial

Janvier 2019 - N°25

La lettre

Cette lettre présente les contributions des trois lauréats du prix 2018 de l’Observatoire des Retraites. Les thèses reçues ayant été particulière-ment nombreuses cette année, les articles des candidats non récom-pensés, mais dont les travaux n’en présentent pas moins un grand intérêt, sont en ligne sur le site de l’Observatoire des Retraites.

Dans le contexte actuel, marqué par l’ambition d’une refonte totale de notre système de retraite, les sujets abordés par les deux premiers lauréats prennent un relief particulier. Ils portent en effet sur la protec-tion juridique des droits à retraite et sur les réversions, sujets sensibles qui seront à n’en pas douter à nouveau à l’ordre du jour avec la réforme.

Jessica Attali-Colas, premier prix de thèse, montre comment la jurispru -dence des tribunaux français s’est efforcée de sécuriser les pensions liquidées et les limites auxquelles elle se heurte. Car « nécessité fait loi », et les contraintes économiques peuvent justifier non seulement la remise en cause des droits en cours de constitution, mais très vrai-semblablement aussi celle des pensions en cours de service. Le Conseil constitutionnel français a d’ailleurs eu l’occasion en 1994 d’affirmer qu'aucun principe constitutionnel ne garantit l’intangibilité des pen-sions. La crise de 2008 a conduit de nombreux Etats membres de l’Union européenne à baisser les retraites, provoquant des recours judiciaires là où ils étaient possibles. Les Cours portugaise et italienne ont annulé certaines des mesures prises, mais sans aller jusqu’à consi-dérer les pensions liquidées comme intangibles.

Christian-Rodrigue Tagne, second prix de thèse, aborde la question des réversions sous l’angle de la mesure de leur équivalent patrimonial. Il montre ici que ce « patrimoine » permet aux bénéficiaires des réversions de conserver plus ou moins le niveau de vie dont ils jouissaient avant la perte de leur conjoint. Sa thèse apporte par ailleurs un éclairage sur les solutions adoptées par d'autres pays européens et sur le partage des droits à retraite au sein du couple ou « splitting ».

Les critiques qui reviennent régulièrement sur la situation des personnes âgées dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes donnent un grand intérêt à la thèse de sociologie récom-pensée par un troisième prix. Cécile Rosenfelder s’est en effet intéres-sée à l’émergence à partir des années 1970 de modèles alternatifs aux EHPAD. De nombreuses initiatives, « cantous », domiciles protégés, partagés, béguinages, habitats autogérés, intermédiaires, intergénéra-tionnels, colocations seniors, villages retraite ont vu le jour. S’appuyant sur l’étude d’un large échantillon, elle montre la créativité et l’intérêt de ces formules sans en cacher les limites.

de l’Observatoire des Retraites

Florilège : prix 2018

Éditorial 1

La sécurisation juridique des pensions 3liquidées : entre réalisme et démystificationJessica Attali-Colas, premier prix de thèse

Les pensions de réversion en France : 11équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionnésChristian Rodrigue Tagne, deuxième prix de thèse

Au-delà des établissements d’hébergement 25pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), penser l'alternative dans le champdu vieillissementCécile Rosenfelder, troisième prix de thèse

Le prix de l’Observatoire des Retraites a pour objet de récompenser et de promouvoir les thèses, mémoires de master et travaux équivalents, pour leurs apports à la recherche et leur contribution à la connaissance dans les domaines de la retraite et des retraités.

Il a ainsi pu promouvoir dans un passé récent les travaux d’auteurs tels que Patrick Aubert, secrétaire général adjoint du Conseil d’orientation des retraites de 2012 à 2016, sous-directeur de la Drees depuis 2016, Antoine Bozio, fondateur et Directeur de l’Institut des politiques publiques, et Simon Rabaté, chercheur à l’Institut des Politiques publiques. Tous les trois sont aujourd’hui des signatures reconnues dans le débat sur les retraites.

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3La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

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Jessica ATTALI-COLAS

La sécurisation juridique des pensions de retraite liquidées : entre réalisme et démystification

1. Cons. const., n° 94-348 DC, 3 août 1994, Loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92/49 et n° 92/96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du conseil des communautés européennes, JCP G 1995, II, 22404, comm. Y. Broussolle ; D. 1995, p. 344, obs. F. Mélin-Soucramanien ; D. 1995, p. 351, obs. P. Gaïa ; D. 1996, p. 45 obs. X. Prétot ; RTD civ. 1996, p. 151, obs. J. Mestre.

L’actuel contexte de profondes réformes des retraites invite à s’interroger sur la sécurité juridique offerte aux retraités quant à leur droit à pension. Une réforme régressive peut-elle affecter les pensions de retraite déjà liquidées ? Malgré leurs différences, toutes les retraites (base, complémen-taire, supplémentaires d’entre-prise) semblent avoir – au moins – un point commun, celui d’être juridiquement sécurisées dans leur principe et leur montant une fois

la liquidation effectuée. Il est vrai que le Conseil constitutionnel a affirmé, dans une décision rendue le 3  août 1994, « qu’aucune règle ni aucun principe constitutionnel ne garantit l’intangibilité des droits à retraite liquidés » . Il existe pourtant un principe de l’intan-gibilité des pensions liquidées dont le rayonnement est specta-culaire. Bien que de pure création prétorienne, ce principe bénéficie d’un poids politico-juridique certain. Pour preuve, afin d’élaborer le

projet de loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le gouver-nement a explicitement raisonné en tenant compte du « principe général d’intangibilité des retraites après leur liquidation » (projet du 17 sept. 2013, p. 57). De même, le secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites (COR) a rappelé ce principe lorsqu’il s’est interrogé sur les modalités d’un éventuel passage des régimes de base pour la plupart en annuités

Aujourd’hui maître de conférences en Droit privé à l’Université Paul Valéry de Montpellier, titulaire d’un Master 1 de Droit des affaires mention Droit du travail de l’Université Jean-Moulin de Lyon, puis major de sa promotion du Master 2 de Droit social de l’Université d’Aix-Marseille et récompensée par un prix décerné par l’Université, Jessica Attali-Colas a assumé des tâches d’enseignement très diverses tout en préparant dans le cadre de cette même université, sous la direction d’Alexis Bugada, une thèse que l’on eut sans doute qualifié « d’État » dans le passé. Intitulée « Contribution à l’étude de la sécurisation des retraites », ce travail, qui reçoit le premier prix de thèse 2018 de l’Observatoire des Retraites, présente un intérêt tout particulier au moment où le Haut-commissariat à la réforme des retraites prépare un vaste bouleversement de l’ensemble de notre système de retraite. Rappelant l’affirmation du Conseil constitutionnel selon laquelle il n’existe aucun principe constitutionnel garantissant l’intangibilité des pensions liquidées, elle montre ici qu’il existe néanmoins un principe jurisprudentiel d’intangibilité des droits à retraite liquidés, principe dont elle examine les fondements et mesure la portée.

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4La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Jessica ATTALI-COLAS

en régimes en comptes notionnels ou en points (Secrétariat général du COR, « Préparation du rapport sur les modalités techniques d’un passage éventuel à un régime en points ou un régime en comptes notionnels : Problématiques juridiques », Doc. n° 4, Réunion du 16 déc. 2009).

Ce principe de l’intangibilité des pensions liquidées suggère un lien solide entre la liquidation et la sécurisation des retraites. D’un côté, il insinue qu’avant la liquidation, les pensions de retraite sont tangibles, c’est-à-dire susceptibles d’être modifiées, soit quant à leur montant futur, soit quant à leurs conditions d’accès ou de versement. L’hypothèse s’avère exacte. Il est vrai que des mécanismes existent pour protéger le droit à pension en constitution des conséquences néfastes de certaines perturbations de carrière. Il s’agit notamment de périodes assimilées à des périodes travaillées en cas de rupture de carrière ou de la coordination des régimes de retraite nationaux, voire internationaux, visant à sécuriser le droit à pension du travailleur mobile. Mais le droit à pension en constitution demeure précaire car il n’est pas encore né et reste alors perméable à tout type de réforme, notamment régressive 2.

D’un autre côté, le principe de l’intangibilité des pensions liquidées sous-entend que la liquidation

figerait le montant calculé. Pourtant, le retraité peut demander à ce que sa pension soit recalculée sur de nouvelles bases. Il peut par exemple procéder à une régula-risation de cotisations arriérées après la liquidation. La pension est révisée afin de tenir compte de ces versements (CSS, art. R. 351-11). C’est qu’en réalité, ce principe construirait une sécurisa-tion des pensions liquidées visant à les protéger de toute ingérence (notamment une réforme) suscep-tible de les faire régresser. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il a été mis en avant dans le projet de loi de la réforme de 2014 ou par le secréta-riat général du COR en 2009. C’est étrangement ce versant qui est dérangeant. Même si le principe confère une sécurité juridique certaine à la situation du retraité, la sécurisation qui en résulte est résiduelle et contraste nettement avec la valeur doctrinale et politique dont il jouit (I). Ce sont d’autres syllogismes juridiques qui conduisent la jurisprudence à établir la sécurisation que ce principe n’a pas pour ambition de consacrer. Pour autant, cette sécurisation individuelle, par l’opération de liquidation, peut être écartée afin de répondre à des objectifs économiques visant à assurer une sécurisation collective des retraites (II).

I – L'INTANGIBILITÉ DES PENSIONS LIQUIDÉES :

UN PRINCIPE PROTECTEUR À PORTÉE LIMITÉE

Le principe de l’intangibilité des pensions liquidées est une création jurisprudentielle dont les modalités de naissance et d’application témoignent d’un objectif affiché de sécurisation (A). Pour autant, la portée de ce principe doit être relativisée. D’abord, il ne s’applique pas aux retraites complémentaires et supplémentaires. Du reste, même certaines retraites de base sont exclues. Il s’agit notamment des retraites des fonctionnaires (C.  pens. civ. et milit., art. L. 55) ou des marins (C. transp., art. L. 5552-44) pour lesquelles la pension de retraite peut être révisée dans le délai d’un an après la concession de pension en cas d’erreur de droit et à tout moment en cas d’erreur matérielle. Plus important encore, même lorsqu’il trouve application, la sécurisa-tion dégagée par ce principe est largement en deçà de ce que son intitulé laisse suggérer (B).

A • Un objectif de sécurité juridique

Au début des années 2000, sur le fondement de l’article R. 351-10 du Code de la sécurité sociale, la Cour de cassation a créé ce qu’elle nomme « le principe de l’intangibi-

2. Pour les retraites obligatoires v. notamm. : CE, 29 juill. 1994, n° 153074, Raut, D. 1996, p. 39, obs. X. Prétot ; RJS 10/94, n° 1188 ; Cass. 2e civ., 4 févr. 2010, n° 08-22011, Bull. civ. II, n° 26 ; RJS 4/10, n° 385 ; pour la retraite supplémentaire V. notamm. Cass. soc., 6 juin 2007, n° 06-40521, Bull. civ. V, n° 93 ; Dr. soc. 2007, p. 1192, obs. J. Barthélémy ; JCP S 2007, 1590, comm. Ph. Coursier.3. Cass. soc., 31 oct. 2000, n° 99-11258, Bull. civ. V, n° 276 ; RDSS 2001, p. 166, obs. F. Kessler et F. Muller ; Cass. 2e civ., 8 nov. 2006, n° 05-13764, Dr. ouvrier 2007, p. 221, note F. Saramito.

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5La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

lité des pensions liquidées » 3. Selon ce principe, sauf fraude, le montant de la pension notifié à l’assuré ne peut plus être modifié au-delà du délai de recours contentieux. Les juges confèrent ainsi un caractère définitif au montant notifié par la caisse. Plus précisément, il résulte d’une analyse minutieuse des affaires dans lesquelles les juges ont utilisé ce principe qu’il a vocation à interdire à la caisse d’invoquer une erreur matérielle ou d’appréciation pour modifier ce montant.

Ce principe offre alors aux retraités une stabilité et une prévisibilité dans leur situation juridique qu’aucun autre texte ou théorie n’avait pour ambition d’offrir. En effet, l’article R. 351-10 du Code de la sécurité sociale sur lequel s’est appuyée la Cour de cassation pour faire émerger le principe interdit simplement la révision de la pension liquidée « pour tenir compte des versements afférents à une période postérieure » à la liquidation. Force est de constater que ce texte n’interdit pas à la caisse ou au retraité d’ordonner ou de demander la révision de la pension de retraite à l’expiration des délais de recours. L’interdiction faite aux retraités de demander la révision de leur pension au-delà des délais contentieux s’explique aisément. Elle est fondée sur les articles relatifs à la procédure applicable à la contestation par les assurés de la décision d’une caisse et notamment l’article

R. 142-1 du Code de la Sécurité sociale. En vertu de ce texte, si les assurés souhaitent contester une décision des caisses, ils doivent saisir la commission de recours amiable dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. À défaut, ils sont forclos. Mais ce texte n’interdit pas aux caisses de revenir sur une décision qu’elles auraient notifiée. Le fondement de cette interdiction pourrait se trouver dans les théories administratives, principalement celle de l’abrogation des actes administratifs individuels créateurs de droits 4. La décision de concession de pension est en effet un acte administratif individuel créateur de droits. Selon la théorie, sauf fraude ou dispositions légales ou réglementaires contraires, l’administration ne peut procéder à l’abrogation ou à la modification d’un acte administratif créateur de droits, illégal, que dans les quatre mois suivant sa notification (Code des Relations entre le Public et l’Administration, L. 242-1). Mais ces effets n’ont été déduits qu’en 2009 5. La théorie de l’abrogation ne peut donc pas avoir servi de fondement ni même avoir inspiré le principe de l’intangibilité des pensions liquidées né avant cette date. Le Conseil d’État distingue d’ailleurs clairement le caractère définitif de la décision de conces-sion de pension issu de l’article L. 55 du Code des pensions des théories administratives de retrait et d’abrogation6.

La jurisprudence confère alors à la sécurité juridique une place prépondérante, quitte à atrophier le mécanisme pourtant légal de la répétition de l’indu. Selon l’article L. 355-3 du Code de la sécurité sociale, si le montant de la pension de retraite notifié et versé est supérieur au montant que le retraité doit effectivement percevoir, la caisse répète la différence entre le premier et le second de ces montants, pour ce qui est des versements effectués durant les deux années précédentes. L’application du principe de l’intangibilité des pensions liquidées fait alors obstacle à l’application du mécanisme de la répétition de l’indu : le montant étant définitif, la caisse ne peut répéter l’indu qui devient dû 7.

C’est que d’une façon générale, la jurisprudence a changé de paradigme et de perspectives. Précédemment focalisée sur la responsabilisation du retraité ne devant pas abuser de la faculté de choisir la date de la liquidation de sa pension 8, elle s’est orientée vers une protection de cet assuré noyé dans un essaim de règles juridiques toujours plus nombreuses et plus complexes. Les caisses sont responsabilisées : elles doivent assumer leurs erreurs et réparer les dommages consécutifs au manquement à leur obligation d’information. Toujours est-il que la sécurisation qui résulte

4. CE sect., 26 févr. 2003, n° 220227, Nègre, AJDA 2003, p. 490, note F. Donnat et D. Casa.5. CE sect., 6 mars 2009, n° 306084, Abou Coulibaly, RFDA 2009, p. 215, concl. C. de Salins ; RFDA 2009, p. 439, note E. Eveillard.6. CE, 22 juin 2012, n° 332172, M. A., AJDA 2012, 1771.7. Cass. 2e civ., 1er juin 2011, n° 10-19949.8. Cass. 2e civ., 1er mars 1961, Bull. civ. II, n° 175.

La sécurisation juridique des pensions de retraite liquidées : entre réalisme et démystification

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6La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Jessica ATTALI-COLAS

du principe de l’intangibilité des pensions liquidées est en réalité limitée.

B • Une sécurisation limitée

L’analyse du contentieux précédem-ment effectuée révèle que, contrai-rement à ce que son appellation peut laisser sous-entendre, le principe de l’intangibilité des pensions liquidées ne rend pas intangible la pension liquidée, mais tout au plus le montant notifié par les caisses. Il en ressort également que ce principe « n’a rien à voir avec l’évolution de la réglementation et son opposabi-lité au retraité dont les droits sont liquidés » (Ph. Langlois, « Les effets d’un accord révisant un régime complémentaire obligatoire », Dr. soc. 2000, p. 412). Il ne s’applique en effet que dans les relations entre les retraités et les caisses. Il se borne à interdire à ces dernières de modifier le montant qu’elles ont notifié en invoquant une erreur de calcul, au-delà des délais de recours. Ce principe a donc une portée limitée. D’une part, les cas où une caisse examine à nouveau les droits d’un assuré après liquida-tion et notification sont, avouons-le, assez rares. D’autre part, il ne saurait être invoqué pour, par exemple, interdire à la caisse d’exécuter une décision juridic-tionnelle devenue irrévocable 9 ou d’appliquer une réforme du droit à pension qui modifie les droits

d’un assuré 10. En définitive, aussi paradoxal que cela soit, le principe de l’intangibilité des pensions liquidées n’a pas vocation à rendre intangibles les pensions de retraite liquidées. D’autres mécanismes et théories juridiques déjà existants sont en revanche détournés par la jurisprudence à cette fin. Mais même la sécurisation qui en découle doit être relativisée.

II – LA CONTEXTUALISATIONDE LA SÉCURISATION ISSUE

DU CONTOURNEMENT DU DROIT POSITIF

La jurisprudence réinvente dans un discours moderne la théorie des droits acquis ou confère aux pensions de retraite liquidées une nature juridique discutable dans le seul dessein de les préserver des effets préjudiciables d’une réforme ou, plus largement, d’une ingérence extérieure. D’aucuns pourraient objecter que cette protection est fragile puisqu’elle ne repose pas sur un fondement unique, mais sur une multitude de fondements. C’est en réalité cette pluralité qui assoit l’efficacité de la sécurisation. Les juges puisent dans différentes branches du Droit et techniques juridiques afin de préserver toutes les pensions de retraite liquidées d’une modification susceptible de les faire régresser (A). Il ne faut toutefois pas oublier que

l’environnement économique dans lequel sont instaurées les retraites pèse sur leur sécurisation. Un contexte conjonc-turel défavorable explique leur régression quant à leur montant, leurs conditions d’accès ou de versement. Le déséquilibre entre le montant des cotisations encaissé et celui des prestations à verser justifie la mutabilité des retraites obligatoires qui fonctionnent par répartition. De même, la mauvaise santé financière de l’employeur peut influer sur la sécurisation des retraites d’entreprise. D’une part, elle peut motiver leur régres-sion normative. D’autre part, leur versement devient compromis s’il repose uniquement sur la capacité financière de l’employeur. Ce réalisme conjoncturel n’épargne pas les retraites liquidées dont la sécurisation est parfois compro-mise sous le poids de considéra-tions économiques (B).

A • Le contournement du droit positif dans un objectif

de sécurisation

La liquidation semble fixer la norme applicable quant aux conditions d’ouverture de la pension, de ses bases ou ses modalités de calcul, de son montant ou de son principe. Qu’il s’agisse de la retraite de base 11 ou de la retraite supplémentaire 12, une modification de ces paramètres ne saurait affecter la pension de retraite liquidée puisqu’une telle

9. Cass. 2e civ., 25 oct. 2006, n° 05-10660, Bull. civ. II, n° 288 ; JCP S 2007, 1191, comm. Th. Tauran ; Gaz. Pal., 03/2007, n° 79, p. 20, note Ph. Coursier.10. Cass. 2e civ., 17 avr. 2008, n° 07-12143 et n° 07-12144.11. Cass. 2e civ., 3 avr. 2003, n° 01-16295, RDSS 2003, p. 510, note F. Muller ; Cass. soc., 11 juin 1992, n° 90-13000, Bull. civ., V, n° 398 ; RDSS 1992, p. 743, obs. Ph. Chenillet et F. Kessler.12. Cass. soc., 28 mai 2002, n° 00-12918, Association Sainte-Marie, Bull. civ. V, n° 181 ; Dr. soc. 2002, p. 874, note Ph. Coursier ; D. 2002, p. 3167, note Y. Saint-Jours ; JCP E 2003, 1553, note M. Rousseau.

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7La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

La sécurisation juridique des pensions de retraite liquidées : entre réalisme et démystification

application serait rétroactive, ce qui est contraire à l’article 2 du Code civil. Cela vaut également pour les retraites complémentaires comme en témoigne l’affaire Agirc 13 qui constitue l’un des contentieux majeurs – notamment du fait de son impact financier – relatif à la question. Toujours est-il qu’un tel positionnement est discutable. L’application d’une réforme aux pensions de retraite liquidées ne serait pas nécessairement rétroac-tive si elle ne s’appliquait qu’aux arrérages futurs. Les juges ont d’ailleurs déjà validé l’application aux arrérages futurs d’une réforme modifiant les bases de calcul qui permettait au retraité de voir sa pension de retraité majorée 14. La jurisprudence fait donc une interprétation modulable, à des fins protectrices, de l’article 2 du Code civil lorsqu’il s’agit d’appli-quer une réforme touchant aux pensions de retraite liquidées.

Par ailleurs, les pensions de retraite qui sont liquidées revêtent une nature juridique particulière. La jurispru -dence européenne les qualifie de biens au sens au sens de l’article 1

du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. De la sorte, elles bénéficient de la protection découlant du droit au respect de ses biens et ne peuvent faire l’objet d’une régression. Il est pourtant paradoxal que ce droit d’inspira-tion libérale, prônant l’individua-lisme, constitue un outil de sécuri-sation du droit à pension qui est un droit foncièrement collectif (V. X. Prétot, « La protection sociale est-elle soluble dans le droit de propriété », dans Drôle(s) de droit(s), Mélanges en l’honneur de Elie Alfandari, Dalloz, 2000, p. 163-179).

Plus spécifiquement, la retraite d’entreprise liquidée revêt une nature juridique différant selon son mode de mise en place. Au regard des maigres indices laissés par la jurisprudence 16, l’on peut définir l’avantage de retraite comme un avantage versé – ou accordé – à un retraité, en sa qualité d’ancien salarié, au titre d’un usage ou d’un engagement unilatéral. Tel est le cas de la retraite d’entreprise instaurée par engagement unilatéral et liquidée.

Or, un avantage de retraite ne peut être unilatéralement supprimé par l’employeur. C’est pourquoi la pension de retraite d’entreprise liquidée mise en place par engage-ment unilatéral bénéficierait d’une telle protection.

Dans le cas où la retraite d’entre-prise est instaurée par accord collectif, elle était qualifiée d’avantage individuel acquis et ne pouvait être modifiée sans l’accord du retraité 17. Le positionnement jurisprudentiel est à nouveau discutable. Si l’employeur ne pouvait modifier unilatéralement un avantage individuel acquis, c’est parce qu’il était incorporé au contrat de travail 18. Il était donc paradoxal d’accorder à la pension de retraite liquidée la qualification d’avantage individuel acquis et donc d’avantage incorporé au contrat de travail au jour où ce contrat était rompu. C’est que la jurisprudence calquait son raison-nement sur celui qu’elle tenait en matière de rémunération 19. Voilà pourquoi, compte tenu du syllogisme qu’empruntait la Haute juridiction, la disparition

13. Cass. soc., 23 nov. 1999, n° 97-18980, Bull. civ. V, n° 453 ; Dr. soc. 2000 p. 322, concl. Ph. de Caigny ; Dr. ouvrier 2000, p. 41, note P. Tillie ; D. 2000, p. 290, note Y. Saint-Jours ; Dr. soc. 2000, p. 337, note L. Favoreu ; Dr. soc. 2000, p. 412, note Ph. Langlois ; Dr. soc. 2000, p. 409, note Dupeyroux.14. Cass. soc., 8 nov. 1990, n° 82-16560, Bull. civ. V, n° 540 ; JCP G 1991, 100008 ; D. 1991, p. 340, obs. X. Prétot ; RDSS 1991, p. 693, obs. Ph. Chenillet.15. V. notamm. CEDH, 4 juin 2002, n° 34462/97, Wessels-Bergervoet c./Pays-Bas, JCP G 2002, I, 157, obs. F. Sudre ; CEDH, 19 juin 2008, n° 12045/06, Ichtigiaroglou c./Grèce, préc. ; CEDH, 2 févr. 2010, n° 42430/05, Aizpurua Ortiz et autres c./Espagne, JCP S 2010, act. 87 ; JCP E 2010, 1597, obs. M. Delumeau.16. Cass. soc., 30 nov. 2004, n° 02-45367, Tréfileurope, Bull. civ. V, n° 307 ; Dr. soc. 2005, p. 327, obs. C. Radé ; JCP E 2005, 1550, obs. S. Pélicier-Lœvenbruck ; Cass. soc., 17 mai 2011, n° 10-17228, Bull. civ. V, n° 111 ; Lexbase hebdo éd. soc. n° 442, 06/2011, note Ch. Radé ; JCP S 2011, 1378, comm. E. Jeansen.17. Cass. soc., 17 mai 2005, n° 02-46581, Naphtachimie, Bull. civ. V, n° 170 ; Dr. soc. 2005, p. 907, concl. J. Duplat ; JCP S 2005, 1162, comm. Ph. Coursier ; D. 2006, p. 1154, note Y. Saint-Jours.18. V. notamm. Cass. soc., 6 nov. 1991, n° 87-44507, Bull. civ. V, n° 479 ; D. 1992, p. 294, obs. M.-A. Rotschild-Souriac ; Cass. soc., 16 sept. 2008, n° 07-43580, JCP E 2008, 2448, note S. Béal et A. Ferreira ; Semaine sociale Lamy 11/2008, n° 1374, note S. Pélicier-Lœvenbruck.19. Cass. soc., 26 janv. 2005, n° 02-44712, Bull. civ. V, n° 32 ; D. 2005, p. 594 ; RJS 4/05, n° 420.

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Jessica ATTALI-COLAS

de la notion d’avantage individuel acquis prévue par la loi du 8 août 2016 (L. n° 2016-1088, 8 août 2016, relative au travail, à la moderni-sation du dialogue social et à la sécurisation des parcours profes-sionnels, art. 17, JO n° 184, 9 août 2016) n’influerait pas sur la sécuri-sation précédemment construite. La pension de retraite liquidée serait fictivement assimilée à une rémunération, de sorte que même en cas de dénonciation de l’accord collectif la mettant en place, l’employeur soit tenu de continuer à la verser.

La sécurisation des pensions liquidées n’est donc pas une évidence, mais est née d’une volonté prétorienne récurrente. Pour autant, cette sécurisation demeure fragile puisque pèse sur elle le poids des considérations économiques qui peuvent justifier une régression des pensions de retraite même liquidées.

B • Le poids des considérations économiques

Il apparaît que dictées par des impératifs économiques supérieurs, des réformes peuvent faire régresser les pensions de retraite liquidées ou a minima la situation financière des retraités. Leur pouvoir d’achat peut diminuer par une faible revalori-sation ou un gel des pensions. Les retraites de base n’ont été revalo-risées de 0,8 % que le 1er octobre 2017. Ainsi, elles ont été gelées pendant quatre ans et six mois ; la dernière revalorisation datait du 1er avril 2013 (au 1er octobre 2015

les pensions ont été revalorisées, mais uniquement de 0,1 %, ce qui équivaut à un quasi-gel). Du reste, en vertu de la loi de financement pour 2018, elles seront revalorisées, au plus tôt, le 1er  janvier 2019 (L. n° 2017-1836, 30 déc. 2017, de financement de la Sécurité sociale pour 2018, art. 41, JO n° 305, 31 déc. 2017, texte n° 1), donc un an et trois mois après leur dernière revalorisation. Le constat est identique pour les pensions de retraite complémen-taire AGIRC-ARRCO. Les pensions ont été revalorisées de 0,6 % au 1er novembre 2018 et auront été gelées pendant cinq ans et six mois ; la dernière revalorisation de la pension a eu lieu le 1er avril 2013. Par ailleurs, les pensions de retraite liquidées subissent des prélève-ments obligatoires toujours plus nombreux. Avant 1991, le montant total des prélèvements obligatoires sur les retraites de bases était de 1,4 %. Aujourd’hui, il est de 9,1  %. Cumulée à une faible augmentation ou à un gel des pensions, l’application de ces nouveaux dispositifs aux pensions de retraite déjà liquidées avant leur entrée en vigueur entraîne un « effet ciseau », c’est-à-dire une modification du montant net perçu par les retraités.

Le jeu de la revalorisation peut aussi entraîner une dévalorisation de la pension et, in fine, une diminution du montant brut de la pension. Par exemple, le décret datant du 26 mars 1999 (Décr. n°99-237, 26  mars 1999, portant modification du code de la Sécurité sociale et du décret n° 72-968 du

27 octobre 1972 modifié relatif aux régimes des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins et des chirurgiens-dentistes conventionnés, art. 2, JO n°  74, 28 mars 1999, p. 4629) prévoyait la modification, de façon négative, de la valeur du point de retraite des prestations complémentaires de vieillesse des médecins conventionnés servies depuis le 1er juillet 1997. La valeur du point de liquidation étant inférieure à celle des années passées, au 1er avril 1999, le montant brut de la pension des retraités ayant liquidé leur pension après le 1er juillet 1997 a diminué. La Cour de cassation a validé l’application de ce décret par la caisse 20.

Le jeu de la revalorisation peut également avoir pour effet de diminuer, voire de supprimer, un avantage de retraite particulier, comme en témoigne la réduction du complément bancaire lors de l’intégration du régime complé-mentaire bancaire. Afin de garantir aux retraités de la banque un niveau de pension équivalent, l’accord du 13 septembre 1993 avait mis en place le complément bancaire. Leur pension globale bancaire était la somme de la pension de base du régime général, de la pension ARRCO-AGIRC et de ce complément bancaire. Cette pension globale devait être revalo-risée en fonction de la revalori-sation des pensions (du régime général de base et des régimes complémentaires ARRCO-AGIRC) diminuée d’une franchise de 1,9 %, ce qui a entraîné une érosion de ce

20. Cass. 2e civ., 17 avr. 2008, n° 07-12143 et n° 07-12144.

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La sécurisation juridique des pensions de retraite liquidées : entre réalisme et démystification

complément bancaire. Prenons un exemple fictif. La pension globale bancaire d’un retraité s’élève à 1 200 euros brut par mois. Il perçoit 500 euros de la sécurité sociale, 200 euros de l’ARRCO, 200 euros de l’AGIRC et 300 euros de complément bancaire. Si l’année n, la revalorisation des pensions de la sécurité sociale, de l’ARRCO et de l’AGIRC est de 2,1  % (ce qui est déjà favorable), la somme des pensions versées par la sécurité sociale, l’AGIRC et l’ARRCO s’élève à 918,9 euros brut par mois [(500 + 200 + 200) + 18,9]. La pension globale bancaire, quant à elle, n’évolue que de 0,2 % [2,1 % – 1,9 %] et s’élève à 1202,4  euros [1 200 + 0,2 %]. Le complément bancaire est passé de 300 euros à 283,5 euros [1 202,4 – 918,9]. Il a donc diminué de 16,5 euros par mois [300 – 282,5]. La Cour de cassation a validé l’applica-tion de cet « effet rabot » 21.

C’est que, d’une façon générale, les systèmes de retraite doivent en permanence être ajustés car la réalisation ou le niveau de réalisa-tion du droit à pension de retraite dépend en grande partie du contexte économique dans lequel ils sont instaurés. Dans les régimes de retraite par répartition, tels que les régimes de base et complé-mentaires, ce sont principalement

les cotisations vieillesse perçues chaque année qui financent les pensions de retraite de la même année. S’il y a plus de dépenses que de recettes, l’équilibre est rompu. Ce système est alors régulé par l’adoption de réformes régres-sives visant à préserver l’équilibre nécessaire à sa survie. De même, si la révision des garanties de retraite ne doit pas toujours être explicitement justifiée, l’engage-ment de l’employeur peut nuire à la santé financière de l’entreprise. Ces considérations à dominance économique visant à une sécurisation collective des retraites animent et parfois fondent les solutions de la jurisprudence lorsqu’elle écarte la sécurisation individuelle des pensions liquidées afin d’avaliser leur altération. Si la pension liquidée est un bien jouissant de la protection conférée par l’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, cette protection n’est pas absolue. Les États peuvent réglementer l’usage des biens, voire priver un proprié-taire de son bien pour répondre à un objectif d’intérêt général. En matière de retraite, cet intérêt général est souvent justifié par des difficultés économiques. Ainsi les juges européens valident la régres-sion proportionnée des pensions liquidées lorsqu’un objectif

économique le commande 22. Les juges nationaux prennent également en compte le contexte conjoncturel afin de justifier juridi-quement leurs solutions dans les contentieux concernant les pensions de retraite liquidées 23.

La jurisprudence pose donc un regard réaliste sur la question de la sécurisation des retraites liquidées. Qu’il s’agisse des retraites supplémentaires ou des régimes de retraite de base et complémentaires, il n’existe pas vraiment de sécurité économique de perception de la pension de retraite. Pour ce qui est des premières, le débiteur de la presta-tion peut ne pas avoir les fonds nécessaires pour effectuer le versement. L’absence de sécurité économique est davantage marquée dans les seconds, car elle découle du fonctionnement de ces régimes  : la répartition. Sans garantie économique de versement d’une pension, il est difficile d’établir une sécurisation juridique infaillible. Les juges le reconnaissent volontiers, parfois explicitement 24. Les raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté l’existence d’un principe d’intangibilité des pensions liquidées deviennent claires. Les sages ont pour mission de vérifier que les lois respectent les principes

21. Cass. soc., 31 mai 2001, n° 98-22510, Bull. civ. V, n° 200 ; Dr. soc. 2001 p. 744, concl. J. Duplat ; Dr. soc. 2001 p. 875, note Ph. Langlois ; RJS 11/01 n° 1348 ; JCP E 2002, 414, D. Asquinazi-Bailleux ; Cass. soc., 7 juill. 2009, n° 08-16592, JCP E 2009, 2076, obs. M. Del Sol.22. CEDH, 2 févr. 2010, n° 42430/05, Aizpurua Ortiz et autres c./Espagne, JCP S 2010, act. 87 ; JCP E 2010, 1597, obs. M. Delumeau ; CEDH, 24 sept. 2015, n° 13341/14, Da Silva Carvalho Rico c./Portugal.23. CE, 13 févr. 2013, n° 356149, Caisse autonome de retraite des médecins de France et autres, ADJA 2013, p. 1198 ; Gaz. Pal. 10/2013, n° 292, obs. A. Bretonneau et X. Domino ; Cass. soc., 31 mai 2001, n° 98-22510, préc. ; Cass. soc., 7 juill. 2009, n° 08-16592, préc.24. V. par ex. CE sect., 8 nov. 1996, nos 157442 et 157453, Syndicat national FO des cadres des organismes sociaux et al., Dr. soc. 1997, p. 179, note X. Prétot.

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Jessica ATTALI-COLAS

constitutionnels à la lumière de considérations économiques (V.  notamm. M.-P. Deswarte, « Droits sociaux et État de droit », RDP 1995, p. 951, spé. p. 977 ; D.  Ribes, « L’incidence financière des décisions du juge constitu-tionnel », Cah. Cons. Const., n° 24, juill. 2008, p. 104). Pragmatique, le Conseil n’a décemment pu prononcer la sécurisation juridique absolue de droits qui ne peuvent l’être économiquement, au risque d’engager juridique-ment les caisses, et in fine l’État, qui seraient tenus de verser les pensions de retraite, même en cas de défaillance du système.En outre, une sécurisation

juridique infaillible des pensions liquidées risque de générer des inégalités entre retraités et actifs. Ce risque est d’autant plus problé-matique dans les régimes par répartition puisque faire peser sur les seuls actifs les modifica-tions du système, principalement justifiées par la préservation de ce dernier, contreviendrait aux principes de solidarité, d’égalité et de proportionnalité qui sont les moteurs de ces régimes. La sécurisation des retraites liquidées doit donc être – et est – conçue à l’exclusion des « discriminations en application desquelles, en cas de difficultés financières, des sacrifices plus importants seraient imposés à

telle ou telle catégorie particulière de bénéficiaires » (J.-J.  Dupeyroux, « En marge du contentieux AGIRC », Dr. soc. 1995, p. 702).

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Cet article extrait de nos travaux de thèse expose les résultats obtenus sur la mesure de l'équi-valent patrimonial des droits à la retraite (EPDR) des pensionné(e)sde la réversion et analyse la situation des personnes âgées vivant seules au moment de la retraite, ceci au regard du niveau de vie. Pour ce faire, notre étude repose sur les données de l'Echantillon Inter-régimes de Retraités (EIR 2012)

de source administrative, qui couvrentl'ensemble des régimes de retraitesobligatoires en France. Nos résultatsmontrent que l'EPDR macro éco-nomique en « droits acquis » des pensionné(e)s de la réversion est de l'ordre de 315,2 milliards d'euros au taux d'actualisation réel de 2 %, ce qui représente 10,3 années de prestations restant à verser aux pensionné(e)s vivants en 2012. Au niveau microéconomique,

l'EPDR moyen est plus élevé dans les régimes du secteur public et la distribution de la richesse de pension dans la population est moins inégalitaire que celle généralement observée sur le patrimoine réel des ménages. Par ailleurs, même si les pensions de réversion atténuent les écarts, les femmes âgées vivant seules à la retraite ont généralement une pension totale par unité de

Chercheur affilié à l’Université d’Orléans 25

Licencié en Mathématique de l’Université de Yaoundé I et ingénieur statisticien de l’ISSEA (Cameroun), titulaire d’un Master 2 d’Analyse économique et Développement Interna-tional de l’Université d’Auvergne, Christian Rodrigue Tagne a réalisé sa thèse de Sciences économiques sous la direction d’Alexis Direr et Anne Lavigne dans le cadre de l’Univer-sité d’Orléans où il est chargé de travaux dirigés. Intitulé « Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite, impacts des réformes et niveau de vie des pensionné(e)s », ce travail a reçu le second prix de thèse 2018 de l’Observatoire des Retraites.Christian Rodrigue Tagne éclaire les enjeux de l’une des questions les plus délicates que soulève le projet de régime unique conduit par le Haut-commissaire à la réforme des retraites. Il étudie les réversions comme constituant une « richesse implicite » des assurés. Il analyse les différentes logiques sous-jacentes qui contribuent à rendre cet « équivalent patrimonial » plus ou moins avantageux selon les régimes, et montre que sa répartition est plus égalitaire que celle des patrimoines des ménages. Il conclut que les réversions permettent, en moyenne et avec un avantage aux régimes du secteur public, aux veufs et aux veuves de maintenir leur niveau de vie antérieur au décès de leur conjoint.Rodrigue-Christian Tagne présente dans l’article qui suit les différents types de réversion, le calcul de leur équivalent patrimonial et leur incidence sur le niveau de vie des veufs et veuves.

Christian Rodrigue TAGNE

Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionné(e)s

25. LEO, CNRS - UMR 7322, Université d'Orléans, Rue de Blois, BP 26739 - 45067 Orléans Cedex 2, France. Email : [email protected]

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Christian Rodrigue TAGNE

consommation moins élevée que celle des hommes et des couples de la même catégorie d'âge, ce qui rend leur situation d’autant plus critique qu’elles vivent longtemps et que le pouvoir d’achat des pensions diminue avec le temps, au moins en termes relatifs.

Mots clés : réversion, équivalent patrimonial des droits à la retraite, indice de Gini, niveau de vie.Classification JEL : H55, J26, C31.

Introduction

Ces dernières années, la législation française en matière de droits dérivés, c'est-à-dire la pension de réversion 26, mais aussi d’autres dispositifs comme la pension de veuf et de veuve, le secours viager, ou la pension d’orphelin, a sensiblement évolué. La population bénéficiaire de droits dérivés est nettement différente de celle bénéficiaire d’un droit direct, en raison de conditions particulières d’ouverture et de service. Au niveau individuel, la pension de réversion représente environ la moitié de la retraite globale de ses bénéficiaires 27. Au niveau macroéconomique, les droits dérivés sont également importants. En effet, la pension de réversion est le principal dispositif de couverture du risque veuvage dans les régimes de retraite. Il s'agit d'un droit conjugal dont le montant dépend du droit direct du conjoint décédé. Ainsi, la réversion est un droit légal qui est accordé aux veufs et aux

veuves pendant toute la durée de leur retraite.

Bien que le conjoint survivant puisse être aussi bien l’homme que la femme, la réversion bénéficie majoritairement aux femmes, compte tenu de l’écart d’âge au mariage (les femmes sont en général plus jeunes que leur mari) et de la différence d’espérance de vie favorable aux femmes 28. Par ailleurs, lors de la création des premiers régimes de retraite pour les fonctionnaires, il était considéré que les femmes se consacrant à l’éducation des enfants, plus nombreux qu’aujourd’hui, n’avaient pas d’activité professionnelle. Comme elles ne pouvaient pas, de ce fait, acquérir de droits personnels directs, il apparut logique qu’elles puissent, au moment du décès du mari, bénéficier de moyens d’exis-tence. Cependant, la tendance à la généralisation du travail féminin, avec l’acquisition de droits personnels pour les femmes, et l’ouverture aux hommes de ce droit à réversion, ont modifié quelque peu la logique de ce schéma d’origine.

D'autre part, les réformes des retraites successives depuis le début des années 1990, qui ont globalement réduit la générosité des régimes en rendant plus contraignantes les conditions d’obtention d’une retraite à taux plein, ont aussi affecté les droits dérivés en raison de leur

dépendance à l'égard des droits directs des assurés défunts. Cette réduction de la générosité des régimes de retraite n'est pas sans conséquence sur le niveau de vie des pensionné(e)s de la réversion tant au moment de leur départ en retraite que tout au long de la durée de cette dernière. Cette générosité des régimes peut être captée par un indicateur multini-veaux portant le nom d’équivalent patrimonial des droits à la retraite (EPDR), qui diminue à mesure que chaque individu se rapproche de son âge de décès.

Ainsi, les pensionné(e)s de droits dérivés sont à la tête d’un «  patrimoine retraite fictif » qui représente le stock d’épargne qu’en l’absence du système de retraite, leurs conjoints assurés et décédés auraient dû accumuler lors de leurs années d’activité, pour leur procurer une rente équivalente aux pensions de réversion versées par le système de retraite, et ceci en reconnaissance de la participation des deux membres du couple à la constitution solidaire des droits à retraite.

Dans cet article, nous présentons les résultats de nos travaux de thèse en ce qui concerne l'évalua-tion et l'analyse de l'EPDR des pensionné(e)s de la réversion ainsi que les résultats sur le niveau de vie des personnes âgées seules à la retraite. Pour ce faire, nous commençons par exposer les

26. Compte tenu de l’importance de la pension de réversion dans les droits dérivés (plus de 90% des masses versées), on parlera aussi bien de réversion que de droits dérivés dans la suite de cet article.27. 12e rapport du Conseil d'orientation des retraites, 2013 ; et données de l'Echantillon Inter-régimes de Retraités (EIR 2012).28. Ces deux éléments entraînent que les femmes survivent le plus souvent à leur mari, et sont plus nombreuses aux âges élevés à bénéficier de la pension de réversion.

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Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionné(e)s

dispositifs actuels de réversion en France ainsi que les logiques qui les gouvernent. Ensuite, nous nous attelons à présenter et à analyser les résultats sur l'EPDR et sa distribution dans la popula-tion des pensionné(e)s de la réversion. La troisième partie est dédiée à l'analyse du niveau de vie des personnes âgées seules à la retraite, et la dernière partie conclut l'article en faisant quelques propositions de réformes.

I – LES DISPOSITIFS ACTUELS DE RÉVERSION

Le Droit français en matière de couverture publique du veuvage apparaît aujourd’hui quelque peu hybride, combinant une logique contributive et quasi-patrimo-niale avec une logique d’alloca-tion sociale reflétée notamment par l’existence d’une condition de ressources dans certains dispositifs de réversion du secteur privé. Cette diversité d’approches se retrouve dans les règles applicables dans les différents régimes qui diffèrent sensiblement de l’un à l’autre. Au sein même de chaque régime, les mécanismes mis en œuvre peuvent être eux-mêmes affectés d’une certaine complexité rendant parfois difficile la justification des normes en vigueur.

Toutefois, l’ensemble des disposi-tifs de réversion, aussi divers qu’ils soient, reposent sur un socle commun de principes élaboré dès

avant la Seconde Guerre mondiale, au moment où prédominait encore le modèle hiérarchique tradition-nel de vie en couple 29. Ce qui les différencie actuellement apparaît d'abord dans les modalités de mise en œuvre de ces principes, notamment dans la prise en compte ou non des ressources du conjoint survivant pour l'alloca-tion de la pension de réversion, et ensuite dans les choix différents dans la définition des autres paramètres d'octroi de la réversion notamment en ce qui concerne la définition du champ des personnes couvertes, du taux de réversion, de la condition de durée de mariage, ou du traitement du remariage.

De par la sensibilité du sujet que représente le veuvage et en raison d’une prise en charge très hétéro-gène des conjoints survivants en fonction des régimes, les évolutions de la réglementation en matière de réversion ont été le plus souvent le fruit de réformes ponctuelles et favorables aux conjoints survivants. La réforme de la réversion en 2003 avait tenté un début d'harmonisation entre les différents régimes, mais n'est pas parvenue à aller jusqu'au bout des préconisations qui avaient été faites dans le rapport de la Cour des comptes en 1999. Actuellement, en fonction de la logique dominante qui gouverne les régimes, deux blocs peuvent être identifiés : d’un côté, les régimes de la fonction publique, les régimes spéciaux de salariés et les régimes complé-mentaires de salariés pour lesquels

la logique quasi-patrimoniale est clairement dominante ; et de l’autre, le régime général et les régimes alignés, combinant logique quasi-patrimoniale et logique d’allocation sociale.

Les régimes de retraite de la fonction publique (fonction publique d’Etat, fonctions publiques territoriale et hospitalière), ainsi que les régimes spéciaux et les deux grands régimes complémentaires obligatoires (AGIRC et ARRCO) partagent un certain nombre de traits communs qui les rapprochent entre eux et les différencient, en revanche, assez fortement de l’autre bloc, constitué du régime général et des régimes alignés. En effet, ils font de la pension de réversion un « droit de suite » de la pension du décédé, matérialisé par l'absence de la condition de ressources. Ce qui constitue un élément principal de séparation avec le bloc constitué du régime général et des régimes alignés. Par ailleurs, ces régimes, pour la plupart, n’imposent pas de condition d’âge, sauf dans le cas particulier de certains régimes spéciaux et à l’exception notable des deux régimes complémen-taires, AGIRC (60 ans) et ARRCO (55 ans). Ces deux considérations doivent toutefois être relativisées, car la plupart des régimes concer-nés sont restés très longtemps, et restent encore dans une large mesure, imprégnés du principe originel selon lequel la pension de réversion est d’abord réservée aux femmes. Certains dispositifs de réversion n’ont été étendus aux

29. Modèle selon lequel l'homme est le chef de famille et le principal pourvoyeur de ressources dans le ménage. La femme a pour vocation de rester à la maison pour éduquer les enfants et doit se contenter d'être une bonne épouse et une bonne maîtresse de maison.

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14La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Christian Rodrigue TAGNE

hommes qu'il y a moins de deux décennies.

Dans les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux, la pension de réversion est subordon-née à une condition de durée de mariage avec le défunt (en général 4 ans, mais pouvant être réduite à 2 ans ou suspendue selon les cas). Elle est suspendue dès lors que le conjoint survivant se remarie, se pacse ou vit en concubinage, mais peut être recouvrée si la nouvelle union est dissoute ou si le conjoint survivant cesse de vivre en état de concubinage notoire. Les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO vont encore plus loin en excluant complètement le versement de la réversion en cas de remariage 30 avant ou après le décès du défunt. Toutefois, ces derniers ont fait le choix de ne pas assujettir la pension à une condition de durée de mariage. En cas de pluralité de conjoint/ex-conjoints survivants non remariés dans les régimes de la fonction publique, les régimes spéciaux et les régimes complé-mentaires AGIRC et ARRCO, la réversion est répartie de manière définitive au prorata de la durée de chaque mariage respectif 31. Le taux de réversion dans les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux est généra-lement de 50 %, mais peut être au-dessus de ce seuil dans certains régimes spéciaux selon que s'ajoute ou non une prestation complémen-taire de réversion. Les deux grands régimes complémentaires, AGIRC

et ARRCO, accordent quant à eux des pensions de réversion au taux de 60 %.

En ce qui concerne le second bloc de régimes constitué du régime général et des régimes alignés, la logique dominante qui a toujours présidé au versement de la pension de réversion est celle d'allocation sociale qui consiste à octroyer la pension aux ayants droit qui ont des revenus modestes. L'existence d'une condition de ressources 32

dans ces régimes vient ainsi rappeler cet aspect important. Toutefois, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 qui a réformé la réversion dans ces régimes, a non seulement supprimé les conditions tenant à la durée de mariage, mais aussi les conditions tenant au remariage ou à la vie en couple du conjoint survivant. Ce qui a aussi conféré à la réversion une logique quasi-patrimoniale.

En effet, le remariage ou la vie en couple n'est plus un obstacle à l'accès à la pension de réversion pour le conjoint/ex-conjoint survivant et le partage de la pension de réversion entre conjoint et ex-conjoints survivants au prorata de la durée de chaque mariage est temporaire car, au décès d'un des ayants droits, une nouvelle répartition au prorata de la durée de chaque mariage des autres ayants droits survivants est effectuée. La pension de réversion combine alors dans ces régimes une logique d'allocation sociale et une logique quasi-patrimoniale.

Par ailleurs, le régime général et les régimes alignés (tout comme les régimes complémentaires) pratiquent également une condition d'âge entraînant à considérer la pension de réversion comme une allocation de vieillesse puisqu'elle est attribuée aux conjoints survivants proches de l'âge de la retraite (55  ans). La réforme de 2003 a tenté de la supprimer progressi-vement pour amorcer un début d'harmonisation avec le secteur public, mais les coûts financiers que sa suppression impliquait pour les régimes ont conduit à la pérenniser à 55 ans dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. En dessous de ce seuil de 55 ans, il existe depuis 1981 un dispositif d’assurance veuvage, qui permet de prendre en charge le veuvage précoce. Ce dispositif ne constitue cependant pas un substi-tut à la réversion et est même très éloigné de cette dernière : il consiste en une allocation différentielle limitée dans le temps (deux ans maximum), versée sous condition de ressources très restrictives au conjoint survivant jeune (moins de 55 ans) non remarié et ne vivant pas en couple, afin de subvenir aux besoins de base de ce dernier dans l’attente de son retour à l’emploi. Toutefois, lorsque le bénéficiaire a plus de cinquante ans au moment du décès, l’allocation veuvage lui est attribuée jusqu’à 55 ans, car l'assurance veuvage considère que ses chances de retrouver un emploi sont faibles au regard de son âge et l’allocation veuvage devient alors

30. Cependant, la pension de réversion est maintenue si le conjoint survivant se pacse ou vit en état de concubinage notoire.31. Dans les régimes complémentaires, si l'ayant droit est un ex-conjoint divorcé, le montant de l'allocation est affecté du rapport entre la durée du mariage dissous et la durée d'assurance aux régimes de base du défunt.32. Le seuil de ressources est de 2 080 fois le SMIC horaire.

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15La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionné(e)s

un dispositif d’attente permettant de faire la jonction avec la pension de réversion.

Le taux théorique de liquidation de la pension de réversion dans le régime général et les régimes alignés est, depuis 1994, de 54 %. La différence de conception de la réversion entre le régime général et les régimes de la fonction publique ainsi que les régimes spéciaux apparaît aussi dans la différence de taux : dans une vision quasi-patrimoniale dominante, qui est celle des régimes de la fonction

publique et de la plupart des régimes spéciaux, le taux de 50 % se justifie par l’idée selon laquelle la retraite du défunt est stricte-ment partagée en deux entre les deux membres du couple ; dans le régime général, la conception mise en œuvre est, en revanche, celle selon laquelle la pension de réversion a pour objet le maintien du niveau de vie du conjoint survivant. Or, en prenant en compte les économies d'échelle dans la vie en couple avant le décès, les régimes du privé estiment que le conjoint survivant a besoin de

plus de la moitié de la retraite de son conjoint défunt pour atteindre cet objectif.

II – L'ÉQUIVALENT PATRIMONIAL DES DROITS

À LA RETRAITE DES PENSIONNÉ(E)S

DE LA RÉVERSION

Le système de retraite français est un système fonctionnant essentiel-lement par répartition dans lequel les prestations versées aux retraités courants sont financées

Le tableau ci-dessous synthétise les différentes conditions d’ouverture de la pension de réversion dans ces groupes de régimes.

Tableau 1 – Récapitulatif du dispositif de réversion selon les régimes

Régime général

et régimes alignésRégimes

complémentairesFonction publique

et régimes spéciaux

Bénéficiaires Conjoints survivants, divorcés même remariés

Conjoints survivants, divorcés non remariés

Conjoints survivants et conjoints divorcés

(en cas de remariage, PACS ou concubinage, la réversion

est suspendue)

Taux de réversion

54 % (porté sous condition à 60 % avec la majoration de la pen-

sion de réversion en 2010)

60 % 50 %

Condition de ressources Oui Non Non

Condition d'âgeOui, 55 ans

(51 ans si décès avant le 1er janvier 2009)

Oui, 55 ans (Arrco), 60 ans (Agirc) ;

pas de condition si invalide ou 2 enfants

à charge 33

Non

Condition de durée de mariage

Non Non Oui, durée minimale de 4 ans

Source : COR (2012), « Evolutions réglementaires récentes relatives à la réversion », Document 2, Séance plénière du 27 juin 2012.

33 55 ans pour les veuvages faisant suite aux décès survenant à partir du 1er janvier 2019 dans le régime unique Agirc-Arrco qui prend la suite du régime Agirc et du régime Arrco.

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16La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Christian Rodrigue TAGNE

par les cotisations collectées sur les cotisants courants, de sorte qu’il n’existe aucune accumulation d’actifs financiers visant à couvrir les engagements contractés vis-à-vis de ces derniers lorsqu’ils liquideront à leur tour leurs propres droits à la retraite, ou lorsque leurs conjoints survivants liquideront les droits dérivés associés à ces droits. Cependant, ces engagements «  implicites » existent, puisqu’à la fin de l’activité professionnelle, une pension de retraite financée par les générations futures de cotisants est versée à ces anciens cotisants devenus retraités ou à leurs conjoints survivants, et ceci jusqu’à leur décès ou celui de leurs conjoints. Ainsi, comme tout droit qui engendre une suite de revenus dans le temps, que ces revenus soient certains ou qu’ils comportent des aléas, les droits à pension constituent une composante de la richesse des assurés.Dans le cas des pensionné(e)s de la

réversion, cette richesse de pension représente le stock d’épargne qu’en l’absence du système de retraite, leurs conjoints défunts auraient accumulé dans un dispositif alternatif (par exemple les fonds de pension) lors de leurs années d’activité, pour leur procurer une rente équivalente aux pensions de droit dérivé qui leur sont versées par les régimes de retraite, et ceci en reconnaissance de la participa-tion des deux membres du couple à la constitution solidaire des droits à la retraite. Cette  forme particulière de capital génère une part importante des revenus des personnes âgées et est désignée sous le vocable d'équi-valent patrimonial des droits à la retraite (EPDR). Dans la pratique, l'approche privilégiée pour évaluer cette richesse de pension des assuré(e)s est celle dite des « droits acquis ». Elle consiste à considérer les pensions de réversion annuelles dans leur patrimoine comme flux

futurs de revenus, et à effectuer un calcul actuariel de ces flux en tenant compte de la survie de ces pensionné(e)s.

Les résultats de nos travaux de thèse montrent qu'au niveau macro -économique, le taux d'actualisa-tion est un facteur déterminant du niveau de la dette implicite des régimes de retraite en droits dérivés. En effet, une actualisation à un taux plus élevé se traduit par un EPDR plus faible ainsi que le traduit sa formule générale d’évaluation. Cela suggère l'idée que les réserves qu’aurait à détenir le système par capitalisation équivalent sont d’autant plus faibles que le taux d’intérêt sur ses provisions est élevé. La dette implicite totale du système en droits dérivés varie alors entre 8,72 années (taux de 4 %) et 12,45 années (taux de 0 %) de masse des prestations courantes 2012 (Tableau 2), soit encore entre 12,77 % et 18,23 % du PIB en 2012.

Tableau 2 - EPDR macroéconomique des pensionné(e)s de la réversion vivants en 2012

Taux d'actualisation

0 % 1 % 1,5 % 2 % 2,5 % 3 % 3,5 % 4 %

EPDR macro en 2012 (en Md€) 381,16 345,44 329,7 315,17 301,73 289,28 277,71 266,95

En années de prestations 2012

12,45 11,29 10,77 10,3 9,86 9,45 9,07 8,72

En % du PIB 2012 18,23 16,52 15,77 15,07 14,43 13,83 13,28 12,77

Lecture : Au niveau macroéconomique, la dette implicite des régimes de retraite envers les retraités de droit dérivé vivants au 31 décembre 2012 atteint 315,17 milliards d’euros avec un taux d'actualisation de 2 %.Champ : Retraités titulaires d’une pension de réversion, résidant en France ou à l’étranger, vivants en fin 2012.Source : DREES, Echantillon interrégimes de retraités (EIR) 2012, calculs de l'auteur.

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17La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionné(e)s

En tenant compte de l'âge moyen des pensionné(e)s de la réversion en fin d'année 2012, qui était de 76,9 ans, et en se référant par exemple à l'espérance de vie à 76  ans en France en 2012 34, ce résultat est somme toute logique. Il apparaît alors qu'un individu choisi au hasard dans cette population de pensionné(e)s de la réversion recevra une prestation de réversion jusqu'à un âge compris entre 85,62 ans (taux d'actualisation de 4 %) et 89,35 ans (taux d'actualisa-tion de 0 %) en moyenne.

Au niveau microéconomique, l’EPDR moyen restant à percevoir chez les pensionné(e)s de la réversion s’élève à 73 451 euros. La moitié de ces retraités détiennent moins de 55 061 euros d’EPDR. En outre, si les femmes sont largement majoritaires dans la population des pensionné(e)s de la réversion (90 % en 2012) et que leur pension moyenne de droit dérivé est déjà nettement plus élevée que celle des hommes (plus de deux fois), l’écart d’EPDR moyen entre hommes et femmes se creuse davantage en

raison du différentiel de survie favorable aux femmes. En effet, les femmes vivent plus longtemps que les hommes et ont donc une durée de perception des pensions de droit dérivé plus élevée. Par ailleurs, les écart-types d'EPDR assez élevés dans la population traduisent l’hétérogénéité dans la situation de veuvage en France. Cette hétérogénéité est principa-lement associée à la diversité des règles de la réversion entre les régimes.

Par ailleurs, le profil de l’EPDR moyen par âge (Graphique 1)  est bas aux âges jeunes. D'une part, les individus à ces âges ont acquis très peu de droits du fait que leurs conjoints sont décédés précocement (généralement avant d’achever leur carrière) ou alors ces individus n’avaient pas encore liquidé tous leurs droits (c'est le cas des poly-pensionné(e)s de la réversion)  ; d'autre part, le versement des pensions de réversion correspondantes interviendra  sur un horizon très éloigné et se trouve donc réduit par le jeu du coeffi-cient d’actualisation. Puis ce profil d'EPDR moyen croît avec l’âge à mesure que les droits acquis augmentent et, à partir d’un certain âge (aux alentours de l’âge moyen de liquidation de la réversion dans les régimes de retraite principaux), il décroît avec le raccourcissement de la durée de vie restante.

Aussi, la distribution de l'équivalent patrimonial des droits à la retraite (EPDR) dans la population des pensionné(e)s de la réversion est

34. Insee : « Table de mortalité depuis 1977. La situation démographique en 2013 ».

20 000

40

0

50 60 70 80 90 100

40 000

60 000

80 000

100 000

120 000

140 000

Âge (en années)

Équi

vale

nt p

atri

mon

iale

(en

euro

s)

Graphique 1 - Profil de l’EPDR moyen par âge des retraités de droit dérivé

Tableau 3 - EPDR moyen et médian par sexe

Sexe Moyenne (en €) Médiane (en €) Ecart-type (en €)

Hommes 36 347 20 489 360 572

Femmes 77 776 59 395 589 293

Ensemble 73 451 55 061 578 921

Source : DREES, Echantillon interrégimes de retraités (EIR) 2012; calculs de l’auteur.

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18La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Christian Rodrigue TAGNE

légèrement plus inégalitaire que celle des pensions de réversion (l’indice de Gini des pensions vaut 0,41438392 tandis que l’indice de Gini de l’EPDR vaut 0,45025386). En effet, les différences de survie 35 et des durées de retraite entre les pensionné(e)s sont facteurs d’accroissement des inégalités dans la distribution de la richesse de pension en France.

Toutefois, l’EPDR est moins concen-tré que le patrimoine réel (actifs financiers et actifs non financiers) des ménages. Cette moindre concen-tration de la richesse de pension (ainsi que des pensions de retraite) s’explique notamment par le fait que les prestations retraite reposent sur un système régulé, comportant notamment des assiettes de cotisation plafonnées, fondées sur les revenus d’activité des assurés décédés. De plus, l’exis-tence de minima sociaux/vieillesse et l’encadrement des pensions (minimum de pension, maximum de pension) contribuent à atténuer les inégalités de pensions, et par ricochet de l’EPDR au cours de la durée de retraite. Tandis que la très forte inégalité dans la réparti-tion du patrimoine des ménages (Graphique 2) s’explique par le fait que d’une part, les héritages sont souvent plus élevés au sein des familles disposant de hauts revenus, et que d’autre part, des revenus plus élevés génèrent une plus forte capacité d’épargne et d’endettement, et donc année après année, une plus forte accumulation patrimoniale.

En termes de comparaison entre régimes principaux d'affiliation (ou secteur d'activité) des conjoints défunts, les pensionné(e)s des régimes d’indépendants détiennent en moyenne la plus faible richesse

de pension (27 061 euros pour les pensionné(e)s des régimes d'indé-pendants contre 57 109 euros pour les pensionné(e) des régimes du secteur privé et 87 298 euros pour les pensionné(e) des régimes du

35. Les tables de mortalité utilisées pour calculer l’EPDR sont différenciées par sexe et par âge.

Part du patrimoine total (en %)

Les 1 % les mieux dotés

Les 5 % les mieux dotés

Les 10 % les mieux dotés

Les 50 % les mieux dotés

Les 10 % les plus modestes

0

17

35

48

87

0,05

10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Lecture : les 10 % des ménages les plus modestes détiennent 0,05 % du patrimoine total, et les 50 % les plus modestes seulement 13 %. Cela signifie que l'autre moitié des ménages monopolise 87 % de la richesse globale. Parmi ces 50 % des ménages les mieux dotés, le patrimoine est loin d’être également réparti puisque 48 % du patrimoine réel global sont détenus par les 10 % des ménages les mieux dotés ; et parmi ces 10 % des ménages les mieux dotés, un dixième d’entre eux (c’est-à-dire 1 % des ménages) détiennent 17 % du patrimoine réel global.Source : Insee, les inégalités de patrimoine s’accroissent entre 2004 et 2010, novembre 2013.

Graphique 2 - Répartition de la masse totale de patrimoine brut entre les ménages (en %)

Tableau 4 - EPDR (en euros) selon le secteur d’activité du conjoint défunt

Indépendants Secteur privéSecteur public et régimes spéciaux

EPDR moyen 27 061 57 109 87 298

EPDR médian 17 610 37 556 69 114

Premier décile 2 013 5 514 18 739

Dernier décile 58 996 129 449 178 694

Source : DREES, Echantillon inter-régimes de retraités (EIR) 2012 ; calculs de l’auteur.

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19La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionné(e)s

secteur public) (Tableau 4). En effet, leurs conjoints défunts anciens indépendants avaient acquis très peu de droits directs dans leurs régimes de retraite en raison d’un effet de compensation entre leurs actifs financiers et immobiliers et le système de retraite : les indépen-dants disposent en général d’un patrimoine immobilier et financier plus important que les salariés, ce qui constitue un effet d'éviction pour leur épargne retraite (Feldstein, 1974), mais compense en partie la relative faiblesse de leurs droits à retraite.

III – LA SITUATION DES PERSONNES ÂGÉES

VIVANT SEULES AU MOMENT DE LA RETRAITE

Afin d’évaluer le risque que  les femmes, majoritairement concer-nées par les dispositifs de réversion, disposent d’un niveau de vie inférieur à celui des hommes au moment de la retraite, dans le présent comme dans le futur, il est crucial de comparer la situation des femmes âgées à celle des hommes âgés ne vivant pas en couple au moment de la retraite, ainsi que d'examiner ces situations au regard de la référence que consti-tuent les couples de retraités. Les résultats de nos travaux de thèse montrent ainsi qu'en 2012, la pension 36 moyenne par unité de consommation des couples âgés de 65 ans ou plus est de 1 910 euros 37

(Tableau 5). Par rapport à cette référence, les femmes âgées de 65 ans ou plus vivant seules ont en moyenne une pension inférieure, qu’elles soient veuves, divorcées ou célibataires. Les écarts de pension par unité de consomma-tion des femmes seules avec cette référence vont de 33 %  à 36,7  % selon le statut matrimonial. Pour les hommes, qui sont beaucoup moins nombreux à connaître le veuvage (10 % seulement des retraités veufs en 2012 sont les hommes), la situation s’améliore sauf chez les hommes célibataires âgés de 65 ans ou plus où la pension

moyenne est particulièrement faible en raison des effets de sélection. En effet, la probabilité qu’un homme se marie est une fonction croissante de sa catégorie professionnelle ; et en France, les hommes célibataires âgés sont souvent relativement nombreux parmi les anciens agriculteurs.

Au total, les hommes âgés vivant seuls disposent d’une pension moyenne inférieure de 25 % à celle des couples âgés, alors que les femmes âgées vivant seules disposent d’une pension moyenne inférieure de 35 %. En calculant

36. Il s’agit de la pension totale incluant droits directs et droits dérivés y compris les droits accessoires (essentiellement les majora-tions/bonifications et les compléments au minimum vieillesse versés par le FSV).37. Les tables de mortalité utilisées pour calculer l’EPDR sont différenciées par sexe et par âge.

Tableau 5 - Pension par unité de consommation

Situation matrimoniale

Retraite moyenne

en €/uc / mois En indice

Femmes et hommes de plus de 65 ans, vivant en couple

1 910 100

Femmes de 65 ans ou plus, vivant seules

Veuves 1 232 64,5

Divorcées 1 280 67,0

Célibataires 1 208 63,3

Ensemble 1 236 64,7

Hommes de 65 ans ou plus, vivant seuls

Veufs 1 541 80,7

Divorcés 1 690 88,5

Célibataires 1 199 62,8

Ensemble 1 429 74,8

Note : Les couples mentionnés sont constitués des couples mariés et non mariés (concubinage et PACS inclus), et la pension par unité de consommation du couple est la somme des pensions moyennes des hommes en couple et des femmes en couple rapportée au nombre d'unité de consommation du couple (1,5 avec l'échelle standard).

Source : Drees, Echantillon interrégimes de retraités (EIR) 2012, et calculs de l'auteur.

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Christian Rodrigue TAGNE

un seuil de petite pension selon la méthodologie de calcul du seuil de pauvreté (le seuil de petite pension est égal à 60 % de la pension médiane 38 de l’ensemble des retraités), et en déterminant le taux de petite pension 39 par sexe et par situation matrimoniale, il apparaît que (Tableau 6), par rapport aux hommes et mis à part les célibataires, le taux de petite pension est nettement plus élevé chez les femmes âgées vivant seules au moment de la retraite. Ainsi, 23,1 % des femmes veuves âgées de 65  ans ou plus ont une petite pension en 2012 (inférieure à 768,4  euros), contre 13,1 % des hommes veufs âgés de 65 ans ou plus. Le taux de petite pension

chez les femmes divorcées âgées de 65 ans ou plus est de 20,1 % contre 10,6 % chez les hommes divorcés de la même catégorie d’âge. Ce taux de petite pension est plus élevé chez les hommes céliba-taires vivant seuls au moment de la retraite par rapport aux femmes célibataires en raison d’effets de sélection déjà évoqués ci-dessus. Par ailleurs, il ressort du tableau 6 que les pensions médianes par mois des différentes catégories chez les femmes, sont inférieures à la pension médiane (1 280,67 euros par mois) de l'ensemble des retraités en 2012. Ce dernier constat rend critique la situation des femmes âgées vivant seules au moment de la retraite. Chez les hommes, seuls

les célibataires, avec une pension médiane de 980 euros, subissent les conséquences de leurs parcours professionnels et conjugaux passés.

En se focalisant sur le veuvage féminin, l’écart entre la pension moyenne par unité de consom-mation des veuves et celle des couples âgés, qui est de l’ordre de 34,5 %, ne résulte pas effective-ment de la perte de niveau de vie que subiraient les femmes lors du décès du mari, puisque le système de réversion français assure en moyenne le maintien du niveau de vie antérieur au décès, ainsi que le démontrent les résultats de nos travaux de thèse. Cet écart s’explique par le fait que les veuves

38. La pension médiane de l’ensemble des retraités en 2012 est de 1 280,67 euros par mois, soit un seuil de petite retraite de 768,4 euros.39. Le taux de petite pension, ici, représente la proportion des individus qui perçoivent une pension de retraite totale inférieure au seuil de petite pension.

Tableau 6 - Pension moyenne, pension médiane et taux de petite pension

Situation matrimonialeRetraite moyenne

en €/moisRetraite médiane

en €/moisTaux de petite

pension

Femmes de 65 ans ou plus

Veuves 1 232 1 160 23,1 %

Divorcées 1 280 1 130 20,1 %

Célibataires 1 208 980 24,8 %

Hommes de 65 ans ou plus

Veufs 1 541 1 429 13,1 %

Divorcés 1 690 1 475 10,6 %

Célibataires 1 199 980 30,3 %

Ensemble : hommes et femmes de 65 ans ou plus

Veufs 1 267 1 187 21,9 %

Divorcés 1 436 1 261 16,5 %

Célibataires 1 204 980 27,8 %

Note : Le taux de petite pension dans chaque catégorie est la proportion d'individus dont la pension de retraite total est inférieure à 768,4 euros (seuil de petite pension calculé sur l'ensemble des retraités de 2012).Source : Drees, Echantillon inter-régimes de retraités (EIR) 2012, et calculs de l'auteur.

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21La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionné(e)s

de 2012 avaient déjà un niveau de retraite par unité de consom-mation avant décès de leur mari inférieur à la moyenne des couples âgés de 2012, pour deux raisons  : (1) un effet de génération se tradui-sant par le fait que les veuves sont en moyenne plus âgées que les personnes retraitées en couple (Tableau 7), or les retraites augmen-tent au fil des générations car elles dépendent des salaires bruts qui s’élèvent au fil des générations avec

la croissance de la productivité (effet noria); et (2) un effet de mortalité différentielle qui implique que les femmes d’ouvriers sont veuves plus tôt et un peu plus longtemps que les femmes de cadres 40, de sorte que les personnes issues de milieux favorisés sont plus souvent en couple et moins souvent veuves que les personnes issues de milieux défavorisés 41.

Par ailleurs, la retraite des veuves

qui ont connu le veuvage précoce-ment alors que leur mari était encore en activité pourrait être particulièrement faible, à la fois parce que les décès précoces concernent surtout les hommes peu qualifiés et parce que les pensions de réversion sont alors calculées sur la base d’une carrière inachevée.

La situation des femmes divorcées de 65 ans ou plus au moment

40. Sur la période 2000-2008, l’espérance de vie à 35 ans d’un cadre (47,2 ans) est supérieure de plus de six ans à celle d’un ouvrier (40,9 ans) pour les hommes, mais de trois ans seulement pour les femmes (Blanpain et Chardon, (2011). Les inégalités sociales face à la mort : tables de mortalité par catégorie sociale et indices standardisés de mortalité pour quatre périodes (1976-1984, 1983-1991, 1991-1999, 2000-2008), Document de travail Insee n° F1108, octobre 2011).41. De façon schématique très simplifiée, si l’on compare une femme de cadre (elle-même cadre) à une femme d’ouvrier (elle-même ouvrière) en se référant aux espérances de vie estimées par Blanpain et Chardon (2011), la femme de cadre connaît le décès de son mari plus de six ans (6,3 ans) après la femme d’ouvrier, puis elle décède trois ans après la femme d’ouvrier. La femme de cadre a donc vécu plus de six ans de plus en couple et plus de trois ans de moins comme veuve.

Tableau 7 - Âge moyen et âge médian des personnes âgées vivant seules au moment de la retraite

Situation matrimoniale Âge moyen Âge médian

Femmes de 65 ans ou plus

Veuves 80,4 80,2

Divorcées 73,9 72,2

Célibataires 75,7 74,2

En couple 74,5 74,2

Hommes de 65 ans ou plus

Veufs 79,8 80,2

Divorcés 72,3 70,2

Célibataires 73,8 72,2

En couple 74,9 74,2

Ensemble : hommes et femmes de 65 ans ou plus

Veufs 80,3 80,2

Divorcés 73,3 72,2

Célibataires 74,6 74,2

En couple 74,7 74,2

Source : Drees, Echantillon inter-régimes de retraités (EIR) 2012, et calculs de l'auteur.

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22La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Christian Rodrigue TAGNE

de la retraite est très complexe à analyser. En effet, avant le décès de son ex-mari, une femme divorcée à la retraite ne perçoit que sa pension propre, qui peut être faible si elle a peu travaillé lorsqu’elle était mariée, éventuellement complétée par une prestation compensatoire 42.Après le décès de son ex-mari, elle perçoit en principe une pension de réversion qui est fonction de l’existence d’autres unions de son ex-mari. Toutefois, En dépit de moindres pensions de réversion (car souvent proratisées), les femmes divorcées qui vivent seules au moment de la retraite ont en 2012 un niveau de retraite (droits propres et dérivés plus droits accessoires) supérieur à celui des veuves. Ceci s’explique par le fait que, parmi les générations de femmes à la retraite en France, les femmes ayant divorcé sont plus qualifiées que la moyenne. D’autre part, la sociologie du divorce en France montre que la montée du divorce s’est d’abord effectuée dans les années soixante-dix parmi les femmes les plus qualifiées (femmes diplômées exerçant des responsabilités de cadres, habitant dans les grandes villes), avant de se diffuser dans tous les milieux sociaux.

Enfin, comme les femmes divorcées, les femmes célibataires à la retraite en 2012 se distinguent des femmes mariées par un niveau de qualifi-cation plus élevé et un plus grand

investissement dans leur carrière professionnelle qui leur permet d’obtenir des pensions de droits propres relativement élevées en moyenne par rapport aux autres femmes, d’où une pension totale moyenne (droits propres et dérivés plus droits accessoires) en 2012 légèrement inférieure à celle  des femmes veuves, et inférieure  de 36,7 % à la pension moyenne par unité de consommation des femmes en couple.

IV – CONCLUSION

En définitive, les pensions de réversion, de par leur coût, sont évidemment au cœur des débats sur la retraite depuis maintenant une vingtaine d’années en France. Dans un système qui se caractérise encore par la prédominance de la retraite masculine, la réversion apparaît comme un dispositif permettant aux retraitées veuves de maintenir un niveau décent de revenus après le décès de leur conjoint. En effet, la pension de retraite est constituée de droits directs liés à l’activité professionnelle exercée par l’assuré mais aussi de droits indirects ou dérivés (ou encore pensions de réversion) issus de droits accumulés par son conjoint défunt. Malgré la progression des carrières féminines, les inégalités de pensions de droit propre femmes-hommes demeurent et

le veuvage, qui entraîne un choc négatif de revenu dans le ménage pouvant aboutir à des situations de précarité des personnes exposées, et en particulier des femmes, ne peut être correctement appréhendé que dans le cadre des dispositifs de droits dérivés dans le système de retraite français.

Toutefois, la mesure de la richesse de pensions des réversataires montre une ampleur relativement importante de la dette implicite que les régimes de retraite ont vis-à-vis de leurs ayants droit. L'hétérogénéité et les inégalités relevées dans cette richesse de pensions au niveau microécono-mique reflètent essentiellement la diversité d'approches dans les règles de réversion applicables dans les différents régimes. C'est la raison pour laquelle des questions importantes allant de la généralisa-tion de la condition de ressources à la conjugalisation des droits à retraite, en passant par la généralisation de la proratisation et la meilleure prise en compte de l'évolution du couple et de la famille, doivent être reconsidérées.

En effet, une généralisation de la condition de ressources aux régimes de la fonction publique réduirait considérablement les coûts de la réversion et empêcherait des gains trop importants de niveau de vie réalisés par les hommes veufs réversataires. La logique de la

42. La prestation compensatoire éventuellement accordée par le juge lors du divorce peut être versée soit sous la forme d’un capital, le paiement pouvant être fractionné sur huit ans maximum, soit sous la forme d’une rente viagère. Depuis la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, le versement en capital est devenu la norme, et le juge ne peut octroyer une prestation compensatoire sous forme de rente qu’à titre exceptionnel, « lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins » (article 276 du Code civil).

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23La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Les pensions de réversion en France : équivalent patrimonial des droits à la retraite et niveau de vie des pensionné(e)s

redistribution l’emporterait alors sur la logique quasi-patrimoniale et une telle mesure supposerait par ailleurs un rapprochement des pensions des femmes de celles des hommes.

Ainsi, l'extension de la réversion aux pacs et aux unions libres qui ont duré un certain nombre d'années pourrait alors être envisagée afin de tenir compte des solidarités qui se sont exercées pendant la durée des unions ; et le rétablissement d'une condition

de durée de mariage pour l’ouver-ture des droits à la réversion dans le régime général et les régimes alignés devrait être effectué afin d'éliminer des unions de complai-sance ou des situations aberrantes.

Par ailleurs, la proratisation du montant de la réversion en fonction de la durée du mariage rapportée à la durée totale d’assu-rance du conjoint décédé devrait être étendue pour tous les ayants droit, ce qui pourrait permettre d'éliminer totalement la condition

de non remariage qui s’applique encore au sein des régimes du secteur public et des régimes complémentaires, et qui demeure archaïque au regard de la logique quasi-patrimoniale de la réversion dans ce bloc de régimes.

Enfin, le partage des droits à la retraite pourrait aussi être envisagé sous option pour les couples divorcés afin de simplifier leur situation quant à la réversion.

RÉFÉRENCE

Accardo, J. (1996). Mesures de l’équivalent patrimonial des droits à retraite en 1992. Document de travail n° 5, Synthèse Revenus et Patrimoine, INSEE.

Baclet, A. et Raynaud, E. (2008). La prise en compte des revenus du patrimoine dans la mesure des inégalités. Économie & Statistique, 414(414) : 31–52.

Blanchet, D. et Ouvrard, J.-F. (2006). Indicateurs d’engagements implicites des systèmes de retraite : chiffrages, propriétés analytiques et réactions à des chocs démographiques types. Série des documents de travail de la Direction des Études et Synthèses Économiques, INSEE, (n° 05).

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La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°24

Cécile ROSENFELDER

Ingénieure de recherche à l’École des Hautes-Études en Santé Publique

Cécile Rosenfelder a suivi le cursus de Sociologie à l’Université de Strasbourg. Elle a réalisé sa thèse intitulée « Les habitats alternatifs aux dispositifs gérontologiques institués. Des laboratoires d’expérimentation à l’épreuve de la « fragilité » et de la « dépendance » des personnes âgées* » sous la direction de Pascal Hintermeyer. Son travail est récompensé par le troisième prix 2018 de l’Observatoire des Retraites. À côté des solutions officielles, normalisées et souvent critiquées que sont les Établissements d’Hébergement pour Personnes Agées (EHPA) et leurs homologues pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), existent une diversité de solutions qui entendent mieux répondre à un souci d’humanisation. Ces initiatives pour répondre au problème de la dépendance de façon originale ont retenu l’attention du jury. Peut-on faire différemment que les EHPAD et mieux ? La thèse s’appuie sur l’étude de nombreuses réalisations en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Cécile Rosenfelder présente ici leurs caractéristiques, leur intérêt, mais aussi leurs limites, pour aller « au-delà des EPHAD ».

Au-delà des EHPAD… Penser l’alternative dans le champ du vieillissement

Les habitats alternatifs : définitions et sociohistoire

Le travail de thèse présenté au jury de l’Observatoire des Retraites porte sur ce que j’ai désigné comme des habitats alternatifs pour personnes âgées. Définis comme des initiatives « hybrides » et multiformes situées à l’entrecroise-ment des deux pôles historiques qui structurent l’action gérontologique, le domicile et l’institution d’héber-gement collectif, les premiers

modèles ont émergé en France dès la fin des années 1970. Les acteurs à leur initiative, pour une large part des acteurs du champ de la gérontologie, ont cherché à dépasser les limites de ces deux pôles afin de repenser et de diversi-fier les lieux du vieillir. Ils ont été les pionniers d’un mouvement à contre-courant, générant une réinvention des pratiques et des usages en matière d’accueil, d’hébergement, de vie sociale et collective ainsi que de thérapeu-

tiques et de prises en soin pour des personnes âgées fragilisées par l’avancée en âge.

À partir des années 2000,  l’offre d’habitats s’est renouvelée  et démul tipliée 43 autour de l’émergence d’une « seconde génération » de formules (Argoud, 2014), portée par de nouveaux acteurs 44 et regroupéesous l’appellation générique « d’habitats intermédiaires », puis plus récemment « d’habitats inclusifs ». Cette offre constitue

*Cette thèse est en accès libre : http://www.theses.fr/2017STRAG029.43. Les nouvelles formes d’habitats pour personnes âgées sont disparates et fortement hétérogènes (diversité d’acteurs à leur initiative, diversité de formes et de situation géographique, diversité des publics et des besoins auxquels elles visent à répondre). 44. Notamment office HLM, sociétés commerciales, personnes vieillissantes.

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Au-delà des EHPAD… Penser l’alternative dans le champ du vieillissement

une réalité difficile à saisir dans toute sa complexité en raison de la grande variabilité des modèles. Ainsi, ces initiatives novatrices ont fait l’objet d’un foisonnement de recherches scientifiques et de rapports d’étude eux-mêmes très divers, s’appuyant sur des découpages et catégorisations ainsi que des interprétations et résultats variables, suivant l’approche choisie pour les aborder.

L’alternative : répondre « autrement » aux

problématiques de la dépendance

Dans le cadre de ma recherche, j’ai pris le parti de traiter le sujet à partir d’un angle particulier. J’ai opéré une catégorisation, dans la nébuleuse des « nouvelles » formes d’habitats pour personnes âgées, à partir de la notion d’alternative. Cette notion, centrale dans ma recherche, a dans un premier temps servi de fil conducteur pour construire l’objet d’étude et en définir les contours. Ainsi, dans ma thèse, les investigations scienti-fiques et empiriques sont spécifi-quement orientées sur des expéri-mentations qui visent à repenser le « dernier chez soi » (Mallon, 2004) tant au niveau de l’archi-tecture qu’au niveau de l’organi-sation des soins et des modalités d’accompagnement. Je me suis donc centrée sur des formules pouvant se définir, au moins dans

leur intention, comme des alterna-tives – aux dispositifs gérontolo-giques institués – au sens propre du terme. Autrement dit, des formules s’adressant à un public spécifique – les personnes âgées « dépendantes » et/ou fragilisées par l’avancée en âge – dont l’enjeu est de se substituer non seulement au domicile, mais également à l’institution d’hébergement collectif de type Ehpad.

Ce parti pris ainsi que les orienta-tions de cette recherche sont tirés du constat d’une absence, voire d’une occultation, des questions liées à la dépendance et à la fragilité dans la grande majorité des initia-tives de « seconde génération ». Ainsi, suite aux transformations de l’offre médico-sociale autour d’une standardisation d’un modèle binaire EHPA/EHPAD, les habitats dits « intermédiaires » se multiplient. Ils se situent pour la plupart en dehors du cadre de la loi 2002-2, dans le souci de se soustraire à la rigidité des réglementations régissant les institutions sociales et médico-sociales et pour proposer aux habitants des lieux de vie moins contraignants. Les bailleurs sociaux et les promoteurs immobiliers, particulièrement actifs dans le développement des structures intermédiaires de « seconde génération » privilégient ainsi des modèles beaucoup plus proches du secteur du domicile ordinaire

que de celui de la gérontologie, au prisme d’une valorisation de l’exer-cice du lien social, de l’intégration, de la participation ou de l’intergé-nérationnel, mais au détriment d’un accompagnement adapté et continu, pour tous, jusqu’au bout de la vie (Ibid., 2014). En effet, bien que ces structures intermédiaires cultivent parfois une certaine ambiguïté sur leur potentiel alternatif 45, elles s’adressent en réalité à des personnes âgées à l’« autonomie maîtrisée », dotée d’un capital santé suffisamment important pour pouvoir prétendre à cette offre résidentielle.

Or, si la dépendance n’est pas un fatum (Lalive d’Epinay, Cavalli, 2013), les problématiques qu’elle soulève sont néanmoins détermi-nantes. Il est par ailleurs frappant de constater d’un côté l’occur-rence de ce thème dans les débats publics, généralement envisagé sous le prisme du « risque » –  risque d’une explosion de nombre de pathologies chroniques, risque d’une croissance exponentielle du besoin de soins de longues durées, risque pour l’équilibre des systèmes de protection sociale, risque de care deficit – et de l’autre côté une absence de réflexion gérontologique et de connexion avec le secteur social et médico-social dans des projets d’habitats, qui pourtant, suscitent l’engoue-ment général, en raison de leur caractère novateur et de leur

45. Beaucoup de ces formules qui se définissent comme des alternatives à la maison de retraite apparaissent plutôt comme des alternatives à cette dernière mais telle qu’elle était conçue dans les années 1969/1970. En cela, les habitats intermédiaires ne constitue dans bien des cas qu’une étape dans le parcours résidentiel des populations âgées.46. Pour Dominique Argoud, la multiplication des formules innovantes de « seconde génération » marque l’avènement de l’habitat comme nouveau référentiel structurant de l’action publique. Ce référentiel constitue un axe central « de la manière dont la société envisage de faire face au vieillissement de la population » (Argoud, 2011, p 22).

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26La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Cécile ROSENFELDER

capacité présumée à répondre aux défis posés par le vieillissement de la population 46.

L’alternative comme potentiel de créativité

Le concept d’alternative, outre sa fonction de catégorisation, a servi de socle conceptuel pour penser l’expérimentation sociale, son essence, comme ses composantes du point de vue des usages et des pratiques. L’alternative est à comprendre, en premier lieu, comme une posture de refus des porteurs de projet ; une prise de position généralement critique et/ou militante contre les institu-tions existantes (l’institué), qui sont considérées comme inaptes ou inefficaces pour apporter des réponses adéquates aux problé-matiques rencontrées. En cela, les initiateurs visent à répondre « autrement » à des besoins jugés insatisfaits ou mal satisfaits.

Dans cette perspective, l’alternative apparaît comme le moteur de l’expérimentation sociale et peut être définie en termes de potentiel de créativité. Les porteurs de projets se définissant comme des « pionniers » ou des « défricheurs » ouvrent le champ des possibles. Un « pas de côté » (Ricœur, 1997) les conduit à « développer des perspectives nouvelles » (Ibid., p.37) : alternatives. L’impulsion créatrice de ces « défricheurs » est portée par une ou des utopies fondatrices. Elles ne constituent pas simple-ment un ou des idéaux, mais une ou des pensées en action, à l’amorce d’un « laboratoire d’expé-

rimentation », laboratoire à la fois de recherche et d’invention permet-tant de les mettre forme, mais aussi de réajuster – au regard du difficile passage de la théorie à la pratique – les modalités de fonctionnement d’un concept en devenir.

Les laboratoires de l’alternative gérontologique, en dépit de l’hété-rogénéité des modèles, présentent, dans leurs formes concrètes, des similarités. La banalisation (« normalisation ») des espaces intérieurs et extérieurs permet de gommer ce qui pourrait renvoyer de manière trop explicite à un hôpital ou une institution. En s’inspirant du domicile ordinaire, les porteurs de projet entendent recréer un environnement « comme chez soi » dans lequel les personnes sont accompagnées « comme dans une famille ». Ainsi pensée, l’orga-nisation de l’espace et du soin vise à produire une atmosphère chaleureuse et conviviale. Elles visent également à se distinguer d’une logique de travail « sur autrui » (Dubet, 2002), axée sur la prévalence des gestes d’exper-tise technique et du tout-médical, au profit d’une approche « indivi-dualisée » de proximité, relation-nelle et compréhensive, construite « avec » les personnes. L’inclusion constitue un autre des principes récurrents – en acte – des habitats alternatifs. Dans certains projets, elle s’exprime par la mobilisation des solidarités locales ou l’activa-tion d’un « voisinage bienveillant », qui participent aux maintiens des personnes fragilisées dans leur environnement familier – celui du quartier, du village, voire du domicile

– qu’elles ont toujours connues. Plus généralement, l’inclusion est véhiculée par le positionnement géographique des lieux, situés au cœur de la vie de la cité ou du village, la création de nouveaux réseaux relationnels via l’implication d’asso-ciations de proximité ou la mise en place de projets intergénérationnels.

Les habitats alternatifs, des laboratoires d’observation

du vieillissement

La démarche entreprise dans le cadre de ce travail de recherche doctorale ne visait pas uniquement à apporter des éléments conceptuels et de définition sur les habitats alternatifs ou à restituer les modalités du faire « autrement » tel qu’elles y étaient appliquées, elle entendait également questionner leur sens et leur portée dans une perspective plus large : celui de l’impact sur les populations les plus vulnérables de la prééminence de la valeur d’auto-nomie dans le système de soin et de santé. Par-delà, les habitats alternatifs constituent un labora-toire d’observation du vieillisse-ment, des représentations qui lui sont liées, des nouvelles normati-vités en matière de « bonnes » pratiques soignantes, et de leurs effets sur l’expérience subjective du vieillir et de la finitude.

Contrairement à l’hébergement institutionnel, qui fait toujours l’objet de vives critiques, l’alterna-tive gérontologique incarne des valeurs jugées plus conformes à une « bonne » philosophie du soin. Les initiatives mises en place, depuis l’émergence des premières expéri-

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27La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Au-delà des EHPAD… Penser l’alternative dans le champ du vieillissement

mentations dans les années 1970, ont été conçues pour se distancier d’une conception standardisée, coercitive ou déshumanisée de l’âge et pour appliquer des principes fédérateurs dans les sociétés contemporaines : le « libre choix », la citoyenneté, l’inclusion, la respon-sabilité individuelle et la reconnais-sance de l’individu singulier et autonome. Les habitats alternatifs s’inscrivent en cela dans un contexte marqué par le déclin « du programme institutionnel » (ibid., 2002) et par la diffusion, renforcée dans les années 1960, des valeurs aujourd’hui prééminentes d’auto-nomie, d’autoréalisation et d’inven-tion du soi. La norme d’« autonomie » impacte

les modes de vie et les pratiques de retraite et occupe une place centrale dans le contenu de l’éthique médicale et des politiques vieillesse. Mais, si elle est au fondement d’une dynamique humaniste visant à lutter contre l’exploitation, la stigmatisation ou l’assujettissement des popula-tions vulnérables, cette « éthique d’autonomie » (Pelluchon, 2009) génère également de nouvelles contraintes normatives au détriment des personnes âgées les plus vulnérables.

Ainsi, la recherche a montré que l’application pratique de cette éthique à l’échelle des habitats alternatifs conduisait à dissimuler

la « dépendance » et à « fabriquer de l’autonomie », mais aussi que les aménagements mis en place pouvaient constituer une négation de l’« épreuve » du vieillissement (Caradec, 2007). En cela, les habitats alternatifs préfigurent un renouveau en faveur de la dignité des personnes âgées, de leur inclusion et de la reconnais-sance de leur « libre choix ». Mais, ils témoignent aussi et paradoxa-lement des difficultés d’accepter et de prendre en compte l’expé-rience de la vulnérabilité, dans un processus d’occultation, si ce n’est d’exclusion de la vieillesse et de la mort qui peut lui être associée.

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28La Lettre de l’Observatoire des Retraites Décembre 2015 - N°22

Composition du jury du prix de l’Observatoire des Retraites

Francis KESSLERPrésident du jury, directeur du Master Droit de la Protection Sociale en Entreprise de l’Ecole de Droit de la Sorbonne, Université Paris I, et avocat au cabinet Gide Loyrette Nouel A.A.R.P.I. Jean-Claude ANGOULVANT Consultant indépendant. Chantal du BOISROUVRAY Historienne.

Pierre CHAPERON Directeur du cabinet Agirc-Arrco.

Julien DAMON Sociologue, professeur associé à Sciences Po et consultant. Antoine DELARUE Directeur général du cabinet d’actuariat Servac, spécialisé dans l’ingénierie de la protection sociale en France et à l’étranger. Bruno GABELLIERI Directeur des relations extérieures et affaires européennes du groupe de retraite et de prévoyance Humanis et secrétaire général de l’Association Européenne des Institutions de protection sociale Paritaire (AEIP).

Norbert GAUTRON Actuaire associé au sein du cabinet d’actuaires conseils Galea et Associés Enseigne l’actuariat et la retraite à l’ENSAE.

Philippe LANGLOIS Professeur émérite à l’Université Paris X et avocat associé au cabinet Flichy et associés.

Pierre PETAUTON Contrôleur d’Etat honoraire et membre du Conseil supérieur de la Mutualité. Jean PICOT Directeur général honoraire de l’Arrco.

Mihaïl ROLEAPrésident du Réseau International Francophone des Aînés (RIFA) pour la France et administrateur de l’Institut de la Prévoyance Sociale Européenne (IPSE).

Jules SITBONDirecteur général du groupe de retraite et de prévoyance IRP AUTO.

Jean-Philippe VIRIOT-DURANDALProfesseur de Sociologie à l’Université de Lorraine, directeur du Master de Sciences sociales et chercheur au laboratoire lorrain de Sciences sociales. Président du Réseau International sur l’Age, la CiToyenneté et l’Intégration Socio-économique (REIACTIS).

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29La Lettre de l’Observatoire des Retraites Janvier 2019 - N°25

Comment concourir au prix de l’Observatoire des Retraites ?

L'Observatoire des Retraites dépend du régime de retraite complémentaire français Agirc-Arrco. Il est installé 16-18 rue Jules César, 75 592 Paris Cedex 12.

Les personnes qui souhaitent concourir sont invitées à adresser leur thèse ou mémoire, ainsi qu’un curricu-lum vitae, par voie électronique à l’adresse suivante : [email protected]. Il est également possible de faire acte de candidature via le site de l’Observatoire des Retraites : www.observatoire-retraites.org ou en écrivant à l’adresse indiquée ci-dessus.

Retrouvez les prix attribués et les résumés des travaux récompensés depuis 1994 sur le site : www.observatoire-retraites.org

Vous trouverez également sur le site :• les Lettres de l’Observatoire des Retraites dont celles consacrées aux prix depuis 2007,• un bulletin bibliographique qui vous signale les parutions d’ouvrages, articles, rapports concernant

les retraites et les retraités, • l’annonce des colloques et manifestations.

Les articles des candidats non lauréats sont en ligne sur le site de l’Observatoire des Retraites

www.observatoire-retraites.org

L’épreuve du passage à la retraite pour les travailleurs handicapés en milieu protégé, Muriel Delporte, chercheur au Laboratoire CeRIES de l’Université de Lille.

Comment danser et vieillir se confrontent-ils ? Le danseur professionnel vieillissant,Gaetano Battezzato, danseur professionnel, coordinateur de projets socioculturels en milieu gérontologique.

La demande d’assurance dépendance,Corinne Thanina Zerrar, maître de conférences en Sciences économiques.

L’impact du report de l’âge de la retraite sur la solvabilité des institutions de prévoyance,François Poupeau, ingénieur et actuaire, chargé de gestion des risques à Harmonie Mutuelle.

Retraite et risque financier : un essai de simulation,Yannick Pradat, ingénieur financier, chargé d’études à Harvest.

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La Lettre de l’Observatoire des RetraitesDirecteur de la publication :

François-Xavier Selleret

Rédacteur en chef : Arnauld d’Yvoire

Observatoire des Retraites

16-18 rue Jules César, 75012 Paris

Tél : 01 71 72 12 00

Site internet : www.observatoire-retraites.org

ISSN: 1269 - 6765

Dépôt légal : premier trimestre 2019

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