Upload
phungdiep
View
220
Download
2
Embed Size (px)
Citation preview
UNIVERSITÉ PARIS 8 - VINCENNES À ST-DENIS
UFR ARTS, PHILOSOPHIE, ESTHÉTIQUE
Département de Musique
LA PENSEE SYSTEMIQUE ET LA MUSIQUE Les rapports de Iannis Xenakis et d’Agostino Di Scipio à la pensée systémique.
La proposition d’un modèle systémique de la musique symbolique.
Phivos-Angelos KOLLIAS
Mémoire de Master réalisé sous la direction de M. Horacio VAGGIONE
Année universitaire [2006-2007]
RESUME
L’intérêt principal de ce mémoire est le rapport de la pensée systémique avec la musique.
Premièrement, je présente la pensée systémique dans un contexte historique et j’expose
quelques notions systémiques fondamentales. Deuxièmement, je fais le lien entre la théorie et
la musique. Je parle de l’approche de Xenakis pour l’unification de la musique et de la
science, et également pour son hypothèse de sonorités de second ordre. Puis je me réfère à la
problématique de Di Scipio sur cette hypothèse et j’expose sa ‘Théorie de l’Emergence
Sonologique’ et son ‘Interface Eco-Systémique Audible’. Enfin, j’expose un modèle basé sur
l’abstraction du modèle de la musique interactive, et je présente sa structure et son
fonctionnement.
TABLE
AVANT-PROPOS ............................................................................................... 5
1. INTRODUCTION .......................................................................................... 7
2. LA PENSEE SYSTEMIQUE .......................................................................... 9
2.1 Introduction .................................................................................... 9
2.2 Systèmes partout ............................................................................. 9
2.3 Le contexte historique de la pensée systémique ........................... 11
2.3.1 La préhistoire ..................................................................... 11
2.3.2 La première période du développement ............................. 11
2.3.3 La pensée systémique aujourd’hui ..................................... 14
2.4 L’importance de la pensée systémique .......................................... 18
2.5 Des concepts de la pensée systémique ............................................ 20
2.5.1 Organisation, conditionnalité, communication .................. 20
2.5.2 La notion de système et de machine ................................... 21
2.5.3 Le système ouvert ............................................................... 22
2.5.4 Différenciation du système ................................................. 23
2.5.5 L’Homéostat ....................................................................... 23
2.5.6 Auto-organisation ............................................................... 24
2.5.7 Compétition ........................................................................ 24
2.5.8 Rétroaction.......................................................................... 25
2.5.9 Délai ................................................................................... 26
2.5.10 Le modèle cybernétique .................................................... 26
2.5.11 Emergence ........................................................................ 28
3. LA MUSIQUE ET LA PENSEE SYSTEMIQUE ..................................... 31
3.1 Introduction ..................................................................................... 31
3.2 Xenakis et la pensée systémique .................................................... 31
3.2.1 Xenakis et l’unification de la science avec la musique....... 31
3.2.2 Xenakis et la pensée systémique ......................................... 33
3.2.3 L’introduction de la notion de probabilité ......................... 36
3.2.4 Musique Stochastique et les sonorités de second ordre ..... 36
3.3 La problématique de Di Scipio sur l’approche de Xenakis ......... 40
3.4 L’Emergence Sonologique de Di Scipio ........................................ 43
3.4.1 Composition algorithmique vs. composition timbrale ....... 43
3.4.2 L’approche d’Emergence Sonologique .............................. 44
3.5 L’Interface Eco-Systémique Audible de Di Scipio........................ 46
3.5.1 Le modèle du système musical d’interaction selon
Di Scipio ....................................................................... 46
3.5.2 L’approche de Di Scipio sur la musique interactive........... 48
3.5.3 Le système interactif musical comparé à la notion
d’écosystème .................................................................. 49
3.5.4 Architecture et fonction de l’Interface Eco-Systémique
Audible ............................................................................. 49
3.5.5 Emergence dans l’Interface Eco-Systémique Audible ........ 53
3.5.6 Comparaison de l’Interface Eco-Systémique Audible
avec le modèle cybernétique d’un système de contrôle .... 53
3.5.7 Conclusions sur le modèle de Di Scipio ............................. 55
4. UN MODELE SYSTEMIQUE DE LA MUSIQUE SYMBOLIQUE ....... 56
4.1 Introduction .................................................................................... 56
4.2 La vision systémique de l’œuvre compositionnelle ...................... 57
4.2.1 L’œuvre-système ................................................................. 57
4.2.2 Le niveau de création ......................................................... 58
4.3 Le Modèle de la Musique Interactive ............................................ 59
4.4 Le Système Créatif de la Musique Symbolique ............................ 60
4.4.1 Le modèle basique .............................................................. 60
4.4.2 La structure ........................................................................ 61
4.4.3 Le fonctionnement .............................................................. 66
4.5 Observations .................................................................................... 72
4.5.1 Les valeurs d’un modèle systémique .................................. 72
4.5.2 Holisme ............................................................................... 72
4.5.3 Qualitative et quantitative .................................................. 73
5. CONCLUSIONS ........................................................................................... 74
APPENDICES ................................................................................................... 76
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 80
- 3 -
REMERCIEMENTS
Ce mémoire a été fait sous la surveillance d’Horacio Vaggione qui m’a aidé depuis le
début à trouver mon orientation dans cette recherche. Je voudrais remercier Agostino
Di Scipio, que j’ai eu la chance de rencontrer aux leçons de CCMIX, pour le matériel
et les articles qu’il m’a envoyé, et pour les propositions et commentaires qu’il a fait
sur ma recherche. Je voudrais aussi dire merci à Anne Sedes pour ses commentaires
sur les expériences électroniques et sur le texte du mémoire. Je voudrais aussi
remercier Meletis Michalakis qui m’a beaucoup aidé avec son expérience scientifique
et philosophique. Et enfin, je voudrais remercier Aude Miyagi sans qui ce texte serait
illisible si elle ne m’avait pas aidé pour la correction de mon français.
- 4 -
- 5 -
AVANT-PROPOS
Mon intérêt envers la pensée systémique a commencé il y a à peu près trois ans. Mon
attention était focalisée sur l’idée de trouver des applications de la pensée systémique
dans la musique, et plus précisément dans l’écriture instrumentale. Le résultat de cet
intérêt, après une série de coïncidences heureuses, se trouve maintenant devant vous.
L’idée de ma recherche était de centrer le sujet sur le rapport de Di Scipio
avec la notion d’émergence. La recherche a été faite la plupart du temps avec ce but
principal. Néanmoins, comme je visais à obtenir des résultats applicables dans la
musique et pas seulement à titre d’informations musicologiques, j’ai jugé nécessaire
de chercher et d’exposer un cadre plus général, qui comporte plus que des notions
systémiques. Pareillement, j’ai évité le risque de me limiter seulement à Di Scipio et
je me suis permis d’élargir le champ de ma recherche. Le résultat de ces ‘ouvertures’
est général et par conséquent peut être utile pour la plupart des gens qui sont
intéressés par ce lien. Même si la recherche a été aussi générale, elle m’a aidé, avec
l’assistance de moyens électroniques, car j’ai réussi à faire quelques premières
applications dans l’écriture instrumentale. La théorie et la méthodologie de ces
applications sont encore nouvelles, mais je les trouvais assez motivantes pour les
inclure ici.
- 6 -
- 7 -
1. INTRODUCTION
Dans ce mémoire, j’étudierais le rapport entre la pensée systémique et la musique. Je
commencerais dans le deuxième chapitre par placer la pensée systémique dans un
contexte historique. Je parlerais des années avant sa naissance et la première période
de son développement avant de présenter la science de la complexité. Enfin,
j’expliquerais quelques notions fondamentales de la pensée systémique.
Dans le troisième chapitre, je montrerais le rapport qui existe entre la pensée
systémique et la musique à travers les approches de Xenakis et de Di Scipio. Je vais
traiter le lien que Xenakis a réussi à faire entre la science et la musique à travers les
mathématiques et son rapport avec la pensée systémique. J’aborderais la
problématique de Di Scipio sur l’hypothèse de sonorités de second ordre de Xenakis.
Puis, deux caractéristiques de la musique de Di Scipio seront traitées qui sont liées
avec sa problématique sur Xenakis mais aussi avec la pensée systémique : la Théorie
de l’Emergence Sonologique et l’Interface Eco-Systémique Audible.
Dans le quatrième chapitre, j’exposerais la formalisation d’un modèle
expérimental basé sur les résultats de la recherche. Le modèle systémique de la
musique symbolique, qui vise à l’écriture de la musique instrumentale, dérive de
l’abstraction du modèle de la musique interactive dans un contexte systémique. Enfin,
je développerais la structure et le fonctionnement du modèle en donnant des
exemples.
- 8 -
- 9 -
2. LA PENSEE SYSTEMIQUE
2.1 Introduction
La pensée systémique a commencé à se développer pendant la Deuxième Guerre
mondiale comme une théorie multidisciplinaire, au point d’en arriver aujourd’hui à
être considérée comme une science à part entière.1 Après avoir expliqué de quoi traite
la pensée systémique, j’esquisserais brièvement son contexte historique.
Premièrement, je parlerais des années avant sa naissance. Puis, j’aborderais les deux
avancements importants de la Guerre, l’ordinateur et les groupes multidisciplinaires et
je montrerais que la cybernétique a été développée dans l’un de ces groupes. Je vais se
référer rapidement à la première période du développement de la pensée systémique
avant de présenter la science de la complexité. Ensuite, j’exposerais quelques unes des
raisons de son importance. Enfin, je développerais quelques notions systémiques
fondamentales.
2.2 Systèmes partout
Les deux domaines représentatifs de la pensée systémique ‘traditionnelle’ sont la
théorie des systèmes généraux et la cybernétique. ‘La systémique et la cybernétique
peuvent être considérées comme un métalangage de concepts et de modèles pour une
utilisation interdisciplinaire, qui évolue encore aujourd’hui et qui est loin de se
stabiliser’, comme Charles François le dit.2 Selon Heylighen, ‘la Cybernétique et la
1 On parle plus particulièrement de la science de complexité qui est le résultat de différentes théories systémiques.
2 ‘Systemics and cybernetics can be viewed as a metalanguage of concepts and models for transdisciplinary use, still now evolving and far from being stabilized.’ Charles François, ‘Systemics and Cybernetics in a Historical Perspective’, (Systems Research and Behavioral Science, no.16, version enligne http://wwwu.uni-klu.ac.at/gossimit/ifsr/francois/papers/ systemics_and_cybernetics_ in_a_historical_perspective.pdf , consulté : 20/8/2007), p.203
- 10 -
Théorie des Systèmes Généraux […] sont deux domaines qui ont subi tant de
croisements qu’il est pratiquement impossible de les séparer’. 3
L’ouvrage de Bertalanffy, sous le nom de théorie des systèmes généraux, a été
une tentative de relier toutes les théories différentes où la notion de système était
fondamentale.4 Comme il le dit ‘avec la théorie des systèmes généraux on arrive à un
niveau où on ne parle plus d'entités physique et chimique, mais d'entiers d'une nature
complètement générale’.5 L’importance de cet ouvrage à été reconnue plusieurs fois
par des scientifiques de divers domaines. Comme François le dit bien, ‘on peut dire
[pour Bertalanffy et les systèmes] c’est qu’on dit pour Christophe Colomb et
l’Amérique : après lui on n’a jamais eu besoin de personne d’autre pour découvrir les
systèmes.’ 6
3 ‘Cybernetics and General Systems Theory […] are two domains which have undergone so much cross-fertilization that they are in practice difficult to separate.’ Francis Heylighen, ‘Classic publications on complex, evolving systems: a citation-based survey’, § Cybernetics and General Systems, (1997, Version enligne http://pespmc1.vub.ac.be/papers/PublicationsComplexity.html , consulté : 25/10/2007)
4 Notamment, Bertalanffy considère que la ‘cybernétique […] n'est qu'une partie d’une théorie générale des systèmes ; les systèmes cybernétiques sont un cas spécial, cependant important’ (‘Cybernetics […] is but a part of a general theory of systems; cybernetic systems are a special case, however important’). En plus, Bertalanffy inclut dans le catalogue de la théorie des systèmes généraux la théorie de l’information, la théorie des jeux, la théorie de Décision, la topologie et l’analyse de facteurs. Dans une liste plus large il inclut aussi l’informatisation et la simulation, la théorie des compartiments, la théorie des ensembles, la théorie des graphs, la théorie des réseaux, la théorie des automates et la théorie des queues. Ludwig von Bertalanffy, General System Theory: Foundation, Development, Applications, (New York: George Braziller, 1968. Référence en édition révisée, 1969 ; 15ème réimpression brochée, 2006), pp. 17, 19-23 et 90-91
5 ‘With general system theory we reach a level where we no longer talk about physical and chemical entities, but discuss wholes of a completely general nature.’ Bertalanffy, op. cit., p.149
6 ‘The same could be said to him that is said about Christopher Colombus and America: after him there was never anyone need to discover systems.’ François op. cit., p.209
- 11 -
2.3 Le contexte historique de la pensée systémique
2.3.1 La préhistoire
Même si la nécessité d’un point de vue systémique a été soulignée au milieu du 20ème
siècle, le concept du système existait déjà depuis plusieurs années auparavant.
Bertalanffy écrit que ‘bien que le terme de "système" en lui même n'ait pas été utilisé,
l’histoire du concept inclut plusieurs noms illustres.’ 7 Il reconnaît Claude Bernard
comme le précurseur de la pensée systémique mais son œuvre n’était pas connue en
dehors de la France au point d’avoir de l’impact sur les changements des idées de son
époque. Bertalanffy mentionne comme la première œuvre préliminaire sur la théorie
des systèmes généraux celle de Köhler qui est parue en 1924. Cependant, cette œuvre
était seulement concernée par les systèmes de la physique. Bertalanffy attribue les
premières formulations de la théorie des systèmes généraux à Lotka avec ses œuvres
de 1925 et 1927. Il cite aussi le ‘mécanisme organique’ de Whitehead paru en 1925.
Bertalanffy affirme qu’il a fait ses premières observations sur la pensée
systémique en 1925 et 1926. Il dit qu’il a introduit l’idée de la théorie des systèmes
généraux en 1937 lors d’une présentation à l’Université de Chicago.8 Cependant, c’est
seulement après la Deuxième Guerre Mondiale qu’il a publié un ouvrage plus complet
sur le sujet. Par ailleurs, pendant et jusqu’après la Guerre, plusieurs scientifiques de
différents domaines ont conclu également sur la nécessité d’une vision systémique.
2.3.2 La première période du développement
‘De l’atrocité de la [Deuxième G]uerre [mondiale] deux nouveaux développements
sont arrivés’, comme Weaver l’indique.9 Le premier développement était un ‘nouveau
7 ‘although the term "system" itself was not emphasized, the history of this concept includes many illustrious names.’ Bertalanffy mention Ibn-Khaldun, Nicholas of Cusa, Paracelsus, Leiniz, Vico et Hesse comme quelques personnalités célèbres qui ont incorporé la notion de système dans leurs œuvres. Bertalanffy, op. cit., p.11 8 Ibid., p. 90
9 ‘Out of the wickedness of [the Second World W]ar have come two new developments’. Waren Weaver, ‘Science and Complexity’, (American Scientist, vol.36 ; 1948 ; pp.536-544. Version enligne http://www.ceptualinstitute.com/genre/weaver/weaver-1947b.htm consulté : 21/10/2007), § Problems of Organized Complexity
- 12 -
type d’appareil électronique computationnel’ (c’est-à-dire l’ordinateur) qui, comme il
l’a prédit, a eu ‘un impact extraordinaire sur la science’.10 Le deuxième avantage de la
Guerre, selon Weaver, était l’ ‘approche group-mixte des opérations d’analyse’
(‘mixed-team’ approach of operations analysis).11 Chaque groupe devait analyser et
trouver des solutions pour des opérations martiales. L’importance est que chaque
groupe incorporait des scientifiques de divers domaines : fondamentaux étaient les
mathématiciens, les physiciens et les ingénieurs, mais les meilleurs ‘groupe-mixte’
incluent aussi des physiologistes, des biochimistes, des psychologues mais aussi des
représentants de la biochimie et des sciences sociales. Dans ces groupes, les
scientifiques variés ‘pouvaient former des unités qui étaient [plus efficaces] que
seulement la somme de ses parties’.12
En fait, la cybernétique était le résultat d’un group multidisciplinaire
Américain organisé pendant la Guerre.13 Le Groupe Cybernétique (Cybernetics
Group)14 a commencé à se réunir en 1942. A ses débuts, le groupe comportait des
mathématiciens, des ingénieurs, des neurobiologistes et un peu plus tard aussi des
scientifiques sociaux. Les publications les plus importantes des membres de ce groupe
parues en 1948 sont : Cybernetics de Wiener et ‘A Mathematical Theory of
Communication’ de Shannon.15 Chacune de ces deux œuvres ont eu un impact
10 ‘…new types of electronic computing devices.’ ‘…such devices will have a tremendous impact on science.’ Ibid.
11 Ibid.
12 ‘could form a unit which was much greater than the mere sum of its parts.’ Ibid.
13 Ralph H. Abraham, ‘The Genesis of Complexity’, version ébauché pour paraitre à Advances in Systems Theory, Complexity, and the Human Sciences, 2002, version enligne http://www.ralph-abraham.org/articles/MS%23108.Complex/complex.pdf (consulté : 19/9/2007), p.2
14 Heims utilise le terme Groups Cybernetique (Cybernetics Group) pour se référer aux huit membres premiers du group-mixte : les mathématiciens Norbert Wiener, John von Neumann et Walter Pitts ; les ingénieurs Julian Bigelow et Claude Shannon ; les neurobiologistes Rafael Lorente de No, Arturo Rosenblueth et Warren McCulloch. Steve Joshua Heims, The Cybernetics Group, (Cambridge, Massahuset : MIT Press, 1991) cité par Ibid.
15 L’oeuvre de Shannon premierement paru comme ‘A Mathematical Theory of Communication’ dans Bell System Technical Journal, (vol. 27, pp. 379-423 et 623-656, 1948). La version répandue a été
- 13 -
énorme sur les développements technologiques, la science, et par conséquent à la
globalité de la société.
Les conclusions de Shannon sur sa théorie de la communication étaient le fruit
de son but original de trouver des solutions techniques sur la transmission du
message.16 D'autre part, Wiener faisait des recherches sur les concepts de la prévision
et du contrôle de la défense contre les avions. Alors, Wiener a appliqué le concept de
la rétroaction corrective (corrective feedback), un concept déjà utilisé par des
ingénieurs, aux résultats de Shannon sur son investigation de la communication.
De plus, la contribution de Weaver à la cybernétique est considérée comme
particulièrement importante. Il a souligné l’importance des processus stochastiques,
un sujet qui plus tard a été développé extensivement par Ashby dans An Introduction
to Cybernetics. Selon François, l’approche d’Ashby faisait aussi une liaison entre la
cybernétique et la théorie des systèmes généraux.17 Son développement de
l’homéostat de Cannon et sa formulation de la loi de la variété requise (law of
requisite variety) était aussi considérable.
Dans la première période du développement des deux domaines de la pensée
systémiques, d’autres personnalités se sont également distinguées par leurs
contributions:18 L’économiste Boulding a examiné des principes économiques
applicables à n’importe quel système dynamique. von Neumann a introduit la théorie
des automates, une théorie qui aujourd’hui s’est développée au point d’être considérée
comme un domaine indépendant. von Förster, entre autres choses, a introduit le
concept d’Eigen. C’est-à-dire la notion d’autoréférence, une notion fondamentale
pour le développement de la cybernétique du second ordre. En plus, l’esprit universel
de Pask a servi pour l’‘humanisation’ de la cybernétique. L’œuvre de Prigogine sur la
publiée l’année suivante avec l’introduction de Weaver intitulée The Mathematical Theory of Communication (Urbana, Illinois: University of Illinois Press, 1949). Emre Telatar. ‘A Mathematical Theory of Communication by Claude E. Shannon, A Note on the Edition’. Version enligne publié par Mathematical Sciences Center of Bell Laboratories, 1998 http://plan9.bell-labs.com/cm/ms/what/shannonday/paper.html (consulté : 9/10/2007)
16 François, op. cit., p.208
17 Ibid., p.210
18 Ibid., pp.209-212
- 14 -
thermodynamique a eu un impact énorme sur la systémique. Enfin, François
mentionne l’importance du perceptron de Rosenblatt.
Le développement de la pensée systémique a continué en ayant eu des
interactions constantes avec les autres domaines de la science et avec la société.
Même si la pensée systémique a commencé seulement par une tendance, elle a
progressivement prit une place essentielle et immanquable pour la pensée et les
méthodes de la science du 20ème siècle. Comme Lewada l’écrit :
L’élaboration des méthodes spécifiques sur l’investigation des systèmes est une tendance générale du savoir scientifique actuel, comme pour la science du 19ème siècle la concentration primaire d’attention de l’élaboration des formes élémentaires et des processus dans la nature était caractéristique.19
2.3.3 La pensée systémique aujourd’hui
Les théories différentes de la pensée systémique sont investiguées et appliquées
actuellement sous le titre général de la science de la complexité (elle se nomme aussi
théorie de la complexité ou seulement complexité). Abraham donne une
schématisation simple de l’histoire de la ‘complexité’.20 Il énumère trois origines : la
cybernétique, la théorie des systèmes généraux et les ‘systèmes dynamiques’ de
mathématique. Donc, selon Abraham, la complexité est le résultat de leurs
‘interactions et bifurcations comme un système dynamique complexe.’ 21 Néanmoins,
Heylighen dit justement que ‘le domaine des études sur des systèmes complexes […]
est nouveau, et comme tel, n’est pas encore bien établi’.22 Delic et Dum indiquent
19 ‘The elaboration of specific methods of the investigation of systems is a general trend of the present scientific knowledge, just as for 19th century science the primary concentration of attention to the elaboration of the elementary forms and processes in nature was characteristic. J. Lewada cité par Erich Hahn, ‘Aktuelle Entwicklungstendenzen der soziologischen Theorie’, Deutsche Z. Philos., No.15, 1967, p.185. Référence de Bertalanffy, op. cit., p.10
20 Abraham, op. cit., p.2
21 ‘their interaction and bifurcations as a complex dynamical system.’ Ibid.
22 ‘The field studying complex […] systems is young, and as such not very well established yet.’ Heylighen, 1997, op. cit., § Introduction
- 15 -
aussi que l’histoire de cette théorie n’est pas encore claire ni objective.23 Bar-Yam,
pour donner une définition, généralise les définitions existantes en deux classes.
Alors, selon lui, la ‘[c]omplexité est […] :
1) la longueur (minimale) de la description du système. 2) la quantité (minimale) du temps qui passe pour créer le système.’ 24
Heylighen insiste sur l’importance de la complexité en exposant le fait que
quelques uns des plus grands esprits scientifiques du 20ème siècle se sont consacrés à
ce sujet, dont parmi eux des lauréats du prix Nobel.25 Il note que comme le sujet est ‘à
la mode’, il y a des chercheurs qui ne tiennent pas compte du fait que des notions
comme la complexité, l’auto-organisation, les réseaux et les systèmes adaptés se sont
développés depuis les années 1940 et 1950. Dans ces conditions, on a en général une
impression erronée que le domaine existe depuis les années 1980.
Weaver est peut-être le premier qui parle de la notion de la complexité dans
son article de 1948.26 Ici, on peut trouver une première indication de ce dont il s’agit.
Il indique que les sciences avant 1900 étaient concernées par des problèmes de
simplicité (problems of simplicity), c’est-à-dire des problèmes scientifiques qui
incorporaient un nombre limité de paramètres. En plus, il écrit que l’avancement
majeur dans les sciences de la première moitié du 20ème siècle était tel qu’avec les
techniques de la théorie de probabilité et de la statistique on pouvait résoudre des
problèmes de complexité désorganisée. Cette catégorie inclue des problèmes dans
lesquels ‘le nombre des variables est très large, et […] chacune des variables a un
comportement qui est individuellement irrégulier, ou peut-être complètement
23 Kemal A. Delic et Ralph Dum, ‘On The Emerging Future of Complexity Sciences’, § Historical Prologue to Present Research, (Ubiquity, Vol.7; Issue 10 ; 2006, Version enligne http://www.acm.org/ubiquity/views/v7i10_complexity.html consulté : 21/10/2007)
24 ‘Complexity is […]: 1) ...the (minimal) length of a description of the system. 2) ...the (minimal) amount of time it takes to create the system.’ Yaneer Bar-Yam, ‘Complexity’. Concepts in Complex Systems. (New England Complex Systems Institute page d’internet, 2000, http://www.necsi.org/guide/concepts/complexity.html consulté : 24/10/2007)
25 Heylighen, 1997, op. cit., § Introduction
26 Weaver, op.cit.
- 16 -
inconnu’.27 Ainsi, Weaver souligne l’importance d’une troisième catégorie entre la
‘simplicité’ et la ‘complexité désorganisée’, la complexité organisée. Cette catégorie
comporte des problèmes qui ont un nombre de variables assez large pour utiliser des
méthodes de la ‘simplicité’, et assez court pour utiliser des méthodes de la
‘complexité désorganisée’. Weaver souligne que la complexité organisée ‘montre la
caractéristique essentielle d’organisation’.28 Donc, le terme ‘complexité organisée’
‘implique qu’il faut traiter simultanément un grand nombre de facteurs qui sont
interconnectés dans un entier organique’.29 Weaver parle de cette tendance plusieurs
années avant sa naissance. Il ouvre alors la voie de son établissement comme une
science. C’est pourquoi, l’article de Weaver est considéré par certains comme le
premier article académique sur le domaine de la complexité.30
Pour d’autres, le point décisif du commencement de la science de la
complexité était l’article d’Anderson de 1972, considéré comme un classique
aujourd’hui.31 Dans ‘More is different’, Anderson doute de la notion de
réductionnisme, c'est-à-dire que tous les domaines de la science sont réductibles à un
nombre limité de lois fondamentales. Anderson le met en question :
L’erreur principale dans cette manière de penser est que l’hypothèse réductionniste est loin d’impliquer l’hypothèse ‘constructiviste’ : La capacité à réduire tout en règles simples fondamentales n’implique pas la capacité à commencer de ces règles et reconstruire l’univers. Effectivement, plus les physiciens de particules élémentaires nous en disent à propos de la nature des
27 ‘…the number of variables is very large, and […] each of the many variables has a behavior which is individually erratic, or perhaps totally unknown.’ Ibid.
28 ‘…show the essential feature of organization.’ Ibid.
29 ‘…involve[s] dealing simultaneously with a sizable number of factors which are interrelated into an organic whole.’ Ibid.
30 Delic et al., op.cit., § Historical Prologue to Present Research
31 P. W. Anderson, ‘More is different: Broken symmetry and the nature of the hierarchical structure of science’, Science, Vol. 177 ; No.4047 ; 1972; pp.393-396.
- 17 -
lois fondamentales, moins il semble y avoir de pertinence avec les véritables problèmes du reste de la science, et encore moins avec ceux de la société.32
Anderson explique aussi que dans chaque niveau de complexité, des propriétés
nouvelles apparaissent. La compréhension du comportement de ces nouvelles
propriétés est aussi fondamentale comme avec n’importe quel problème scientifique.
Le moment décisif pour la reconnaissance de la complexité en tant que science
et pas seulement en tant que théorie, a été la fondation de l’Institut de Santa Fe en
1984.33 L’Institut s’est concentré sur une approche multidisciplinaire et sur la
recherche des problèmes des interactions complexes entre les parties constituantes.
L’Institut de Santa Fe est devenu le pôle central de la recherche sur la science de la
complexité. En plus, depuis sa fondation, d’autres institutions visant des buts
communs ont été fondées.34 L’Institut de Santa Fe se consacre à la recherche basique
et annonce cinq sujets généraux sur l’activité de ses chercheurs :
1) la physique des systèmes complexes
2) l’émergence, l’innovation et la robustesse dans les systèmes d’évolution
3) le traitement et la circulation de l'information dans des systèmes complexes
4) la recherche dynamique et quantitative du comportement humain
5) l’émergence, l’organisation et la dynamique des systèmes vivants
32 ‘The main fallacy in this kind of thinking is that the reductionist hypothesis does not by any means imply a “constructionist” one: The ability to reduce everything to simple fundamental laws does not imply the ability to start from those laws and reconstruct the universe. In fact, the more the elementary particle physicists tell us about the nature of the fundamental laws, the less relevance they seem to have to the very real problems of the rest of science, much less to those of society.’ Ibid.., p.393.
33 Santa Fe Institute, 2007, page d’internet en ligne http://www.santafe.edu (consulté : 24/10/2007)
34 Le CCS (Centre pour des Systèmes Complexes et des Recherches du Cerveau) était fondé en 1985 à l’Université Atlantique de Florida ; Le NECSI (Institute de New England de Systèmes Complexes) était fondé en 1996 ; Le CSCS (Centre pour la recherche des Systèmes Complexes) était fondé en 1999 à l’Université de Michigan ; Le CSE (Science Computetionelle et Ingénierie) a peut-être été fondé vers 1999 à l’Université de Californie. Information par les pages officielles de chaque institut, (CCS http://www.ccs.fau.edu/ ; NECSI http://necsi.org/ ; CSCS http://cscs.umich.edu/ ; CSE http://cse.ucdavis.edu/ ; consultés : 24/10/2007)
- 18 -
2.4 L’importance de la pensée systémique
Après avoir esquissé un peu le contexte historique de la pensée systémique, je vais
pouvoir parler maintenant de son importance. Comme Bertalanffy l’explique, la
nécessité de la notion systémique résulte de l’inefficacité de la méthode mécanique.35
Les lignes causales isolables et les traitements métriques n’étaient pas suffisants pour
traiter des problèmes d’ordres scientifiques, plus particulièrement de la biologie et de
l’application technologique.36
De plus, la ‘pensée systémique’ était concernée par des problèmes que la
spécialisation excessive des domaines scientifiques causait. Wiener raconte l’état des
milieux scientifiques dans les années 1940 :
Il y a des domaines du travail scientifique […] qui ont été explorés sous différents aspects[…] dans lesquels chaque notion reçoit un nom distinct de chaque groupe [scientifique] et dans lesquels le travail important est triplé ou quadruplé tandis que d’autres travaux importants sont retardés […] qui peuvent déjà être devenu classique dans un autre domaine.37
Ainsi, Wiener écrit :
Pendant plusieurs années, Dr. Rosenblueth et moi avions partagé la conviction que les domaines les plus fructueux pour le développement des sciences étaient ceux qui étaient négligées comme une zone neutre entre les différents domaines établis.38
L’idée de l’isomorphisme entre les domaines scientifiques est quelque chose
que la pensée systémique a réussi à faire. Bertalanffy écrit sur ceci :
35 Bertalanffy, op. cit., p.11
36 Ibid., pp.11-12
37 ‘There are fields of scientific work, […] which have been explored from the different sides in which every single notion receives a separate name from each [scientific] group and in which important work has been triplicated or quadruplicated while still other important work is delayed […] that may have already become classical in the next field.’ Norbert Wiener, Cybernetics, or control and communication in the animal and the machine, (Cambridge, Massachusetts: The MIT Press, 1948. Référence en édition 2ème broché, 1965), p.2
38 ‘For many years Dr. Rosenblueth and I had shared the conviction that the most fruitful areas for the growth of the sciences were those which had been neglected as a no-man’s land between the various established fields’. Ibid.
- 19 -
La conséquence de l’existence des propriétés des systèmes généraux est l’apparition des similarités structurelles ou des isomorphismes dans des domaines différents. Il y a des correspondances entre les principes qui gouvernent le comportement des entités qui sont intrinsèquement, extrêmement différents.39
Basé sur cette idée, Bertalanffy a fait un effort considérable pour l’unité de la science.
En outre, la Société pour la Recherche des Systèmes Généraux (Society for General
Systems Research) expose entre ses buts premiers, l’investigation d’un langage
commun de concepts, de lois, de modèles dans des domaines différents, et la
promotion de l’unité de la science.40
La pensée systémique apportait une nouvelle vision du monde et tentait de
l’améliorer. Bertalanffy critiquait la pensée mécanique de son époque et pensait que
les résultats seraient négatifs pour l’humanité :
La vision mécanique du monde, en considérant le jeu des particules physiques
comme la réalité ultime, a été exprimée dans une civilisation qui glorifie la
technologie physique et elle a finalement aboutit à la catastrophe de notre
époque. Peut-être le modèle du monde comparable à une grande organisation
peut aider à renforcer le sens de la révérence pour le vivant qu’on a presque
perdu dans les dernières décennies sanguinaires de l’histoire humaine.41
39 ‘The consequence of the existence of general system properties is the appearance of structural similarities or isomorphisms in different fields. There are correspondences in the principles that govern the behavior of entities that are intrinsically, widely different.’ Bertalanffy, op. cit., p.33
40 Ibid., p.15
41 ‘The mechanistic world view, taking the play of physical particles as ultimate reality, found its expression in a civilization which glorifies physical technology that has led eventually to the catastrophes of our time. Possibly the model of the world as a great organization can help to reinforce the sense of reverence for the living which we have almost lost in the last sanguinary decades of human history.’ Ibid., p.49
- 20 -
2.5 Des concepts de la pensée systémique
J’expliquerais maintenant quelques unes des notions systémiques importantes.
2.5.1 Organisation, conditionnalité, communication
Le concept de l’organisation est la clé de la pensée systémique car elle traite des
‘entiers organisés’. Selon Ashby, la notion de l’organisation est liée avec ceci de la
conditionnalité :
Dès qu’une relation entre l’entité A et B commence à dépendre de la valeur ou
de l’état de [l’entité] C, un composant nécessaire à l’ "organisation" existe.
Ainsi, la théorie de l’organisation est liée en partie avec la théorie des
fonctions de plus qu’une variable.42
Ashby dit que le traitement de ‘conditionnalité’ avec n’importe quelle
méthode est lié à un ‘espace produit’ (product space) des possibilités dans lesquelles
les actualités (les événements) apparaissent. Il dit que dans cette manière la
‘conditionnalité’ est liée avec la ‘communication’. Ainsi, la définition peut être
reformulée comme telle : ‘des parties sont "organisées" quand il y a communication
entre elles’.43 La communication entre les deux éléments implique nécessairement une
contrainte, c’est-à-dire une relation entre les deux éléments.44 L’espace produit
comporte l’espace réel, car ce dernier est ce qui nous donne l’actuel. Alors, selon
Ashby, le monde réel est un sous-ensemble de l’espace produit qui représente
l’incertitude de l’observateur. Dans la théorie d’organisation, les ‘propriétés de
42 ‘As soon as the relation between two entities A and B becomes conditional on C’s value or state then a necessary component of “organization” is present. Thus the theory of organization is partly co-extensive with the theory of functions of more than one variables.’ William Ross Ashby, ‘Principles of Self-organizing Systems’, (Principles of Self-Organization: Transactions of the University of Illinois Symposium, édité par H. von Foerster and G. W. Zopf, Jr., London : Pergamon Press, 1962; pp. 255-278; version introduite par Jeffrey Goldstein parue à Emergence: Complexity and Organization, vol. 6; nos; 1-2; 2004; Version enligne http://emergence.org/ECO_site/ECO_Archive/Issue_6_1-2/Ashby.pdf, consulté : 15/8/2007), pp.103-104
43 Ibid., p.105
44 Comme il le dit, si pour un événement d’un élément A tous les événements sont possibles sur l’élément B, alors il n’y a pas de communication entre A et B. Ibid.
- 21 -
quelque chose ne sont pas intrinsèques mais elles sont relationnelles entre
l’observateur et cette chose’.45
2.5.2 La notion de système et de machine
Selon Bertalanffy, on peut considérer un système comme un complexe d’éléments.46
Il fait la distinction entre trois genres classés en fonction de :
1) Numéro
2) Espèce
3) Relations
Dans la figure du premier genre, la différence entre le complexe droit et le complexe
gauche est le numéro des éléments. Similairement, dans le deuxième genre, il y a la
différence d’espèce entre les deux complexes. Néanmoins, dans le troisième cas,
même si il y a le même numéro et la même espèce d’élément, leur différence est leur
relation.
Les complexes des deux premiers genres sont le résultat de l’addition des
éléments. On parle alors de caractéristiques additives. Par contre, dans le troisième
cas, il n’est pas suffisant de connaître seulement les éléments. Ce qui est aussi
important ici c’est de connaître leurs relations. Les complexes du troisième genre ont
des caractéristiques constitutives et elles ne sont pas explicables par les
caractéristiques des éléments isolés. Alors que les ‘caractéristiques constitutives’
apparaissent comme “nouvelles” ou “émergentes”.
Dans la cybernétique, le concept du système est représenté par celui de la
machine. Les deux concepts ont des sens pareils mais l’importance du modèle
cybernétique est qu’il est facilement applicable. Ainsi, selon Ashby, une ‘machine’ est
ce que ‘son état interne et l’état de ses environs, détermine uniquement son état
prochain’.47 Il considère que ‘l’essence de la machine’ est une machine avec entrée
45 ‘…properties that are not intrinsic to the thing but are relational between observer and thing’. Ibid.
46 Bertalanffy, op. cit., p.54
47 …that its internal state, and the state of its surroundings, defines uniquely the next state it will go to.’ Ashby, 1962, op. cit., p.106
- 22 -
(machine with input), c’est-à-dire une machine dont une partie est contrôlée par
l’extérieur (par l’entrée I) et une autre partie pas accessible (l’état interne S) telle
quelle pour une paire de l’entrée et l’état interne IxS (le mappage f), le prochain état
interne est déterminé.48
2.5.3 Le système ouvert
Luhmann explique qu’un système qui n’est pas influencé par son environnement, est
un système fermé.49 Alors, les systèmes fermés sont seulement un cas spécial et la
théorie des systèmes généraux concerne des systèmes ouverts.
Selon Bertalanffy, la théorie des systèmes ouverts est une généralisation de la
théorie de la physique, cinétique et de la thermodynamique.50 Il définit le système
ouvert ‘comme un système en échange de matière avec son environnement, en
présentant importation et exportation, construction et déconstruction, de ses matériaux
composants.’ 51
Il assure que les systèmes vivants sont des systèmes ouverts.52 Des
caractéristiques fondamentales comme le métabolisme, la croissance, le
développement, l’autorégulation, la réponse aux stimuli, les activités spontanées etc.,
sont attribuées aux systèmes vivants parce qu’ils sont considérés comme des systèmes
ouverts.53 Du point de vue thermodynamique, les systèmes ouverts peuvent rester
dans un état d’haute improbabilité statistique d’ordre et d’organisation. Au contraire,
48 Selon Ashby (Ibid.) et Ashby [cité dans Francis Heylighen (ed.), Web Dictionary of Cybernetics and Systems, (Version enligne http://pespmc1.vub.ac.be/ASC/indexASC.html consulté : 24/10/2007)]
49 Niklas Luhmann, Soziale Systeme: Grundriß einer allgemeinen Theorie, (Frankfurt am Main: Suhrkamp Verlag, 1984 ; référence à l’édition Anglaise originale, Social Systems ; traduite par John Bednarz, Jr. et Dirk Baecker ; Stanford, California: Stanford University Press, 1995), p.7
50 Bertalanffy, op. cit., p.102
51 ‘An open system is defined as a system in exchange of matter with its environment, presenting import and export, building-up and breaking-down of its material components.’ Ibid., p.141
52 Ibid.
53 Ibid., p.149
- 23 -
dans les systèmes fermés, il y a toujours une augmentation de l’entropie, ce qui
entraîne une diminution de l’ordre.54
2.5.4 Différenciation du système
Luhmann parle de la théorie de la ‘différenciation du système’ qui est basée sur la
notion de système ouvert.55 L’ancienne différenciation entre l’entier et les parties du
système est remplacée par la différenciation entre le système et l’environnement.
Alors, un système, qui est dans son environnement, peut aussi être l’environnement de
ses sous-systèmes.
Ashby explique plus précisément la notion de ‘différenciation du système’ :
même dans l’état d’équilibre d’un large système dynamique déterminé isolé, une
proportion limitée continue à changer. Donc, on peut assimiler la partie du système
qui est en changement à un organisme et le reste du système à l’environnement de cet
organisme. Dans ces conditions, on peut remarquer que l’organisme est bien adapté,
c’est-à-dire qu’il peut survivre contre les perturbations de son environnement. Ashby
conclut que, le degré de son adaptation est dépendant seulement de la taille du
système entier et le temps passé vers l’équilibre du système.
2.5.5 L’Homéostat
Ashby parle de l’utilité (usefulness) d’un organisme pour décrire l’homéostat.56 Une
‘bonne’ organisation (good organisation) est celle qui grâce à ses actions conserve un
ensemble de variables essentielles entre des limites spécifiques. Il explique que le
sens de l’ ‘utilité’ est relatif à ces conditions. Alors que, dans un contexte différent, la
même organisation peut ne pas s’avérer ‘utile’. D’après Sommerhoff, quand on parle
d’une organisation, on doit premièrement préciser l’ensemble des perturbations et
deuxièmement, le but.57 Par conséquent, un homéostat donné est basé sur la relation
entre l’ensemble des turbulences et son but.
54 Ibid., p.143
55 Luhmann, op. cit., p.6-7
56 Ashby, 1962, op. cit., p.110-111
57 Ibid., p.114
- 24 -
2.5.6 Auto-organisation
La découverte du concept de l’auto-organisation a été révolutionnaire pour la pensée
systémique car on pouvait parler plus réellement des phénomènes des organisations
vivantes. Selon Ashby, l’idée de l’auto-organisation implique deux catégories.58 Dans
la première catégorie, un ensemble des parties qui sont séparées forment des
interactions entre elles, comme par exemple ce qu’il se passe dans le système nerveux
d’un embryon. Il dénomme cette catégorie l’auto-connexion. La deuxième catégorie
concerne le changement d’une organisation ‘pas utile’ à une organisation ‘utile’. Par
exemple, les jeunes enfants tentent toujours d’approcher le feu mais ils apprennent par
la suite lors de leur croissance à l’éviter. La plupart des fois, lorsque l’on parle de
l’auto-organisation, on se réfère à la deuxième catégorie.
Effectivement, si on incluait le concept d’auto-organisation dans la définition
de la ‘machine avec entrée’, cela signifierait que la fonction f est aussi une fonction de
S, chose impossible par définition (comme le f inclut S). C’est pourquoi une variable α
extérieure doit exister pour influencer le S. Subséquemment, une machine α doit être
couplée avec S pour l’influencer comme un input. Alors que, la machine S est
seulement auto-organisée dans l’entier S + α.
Ashby argue que ‘chaque système dynamique déterminé isolé qui obéit aux
lois inchangées développera des "organismes" qui seront adaptés à leur
"environnement".’ 59
2.5.7 Compétition
Ashby fait la généralisation du concept de la sélection naturelle, l’idée de Darwin sur
la compétition des espèces. Les changements des états dans un système vers son
équilibre comportent le concept de la sélection des opérations qui sont résistantes à la
58 Ibid., pp.114-115
59 ‘every isolated determinate dynamic system obeying unchanging laws will develop "organisms" that are adapted to their "environments".’ (italique de l’auteur) Un système est déterminé si sa fonction est fixée, si ses processus sont réguliers et reproductibles. En plus, un système est isolé si ses lois dynamiques de progrès sont inchangées. Ibid., pp.118 et 120
- 25 -
tendance de changement.60 Il ajoute même que ‘dans n’importe quel système isolé,
de la vie et de l’intelligence inévitablement se développent’.61
2.5.8 Rétroaction
Le concept de rétroaction, comme je l’ai dit avant, était utilisé par les ingénieurs avant
même la naissance de la cybernétique. Le concept de rétroaction est la base de la
théorie cybernétique.
Ashby définit la rétroaction comme la notion qui est présente s’‘il y a
circularité des actions entre les parties d’un système dynamique’.62 Par exemple, si on
parle d’un système dynamique avec des parties A et B, où A influe sur B et B influe
sur A, alors il y a de la rétroaction entre les parties A et B. On peut la représenter de
cette façon:
La rétroaction est utilisée dans les systèmes régulateurs pour recevoir des
informations du résultat d’un processus. La rétroaction peut être positive ou négative.
Selon Krippendorff, la rétroaction négative diminue le signal d’entrée et par nature
provoque une stabilisation ;63 par exemple, le régulateur d’une locomotive à vapeur.
La rétroaction positive augmente le signal d’entrée et cause donc une déstabilisation,
qui peut être ‘explosive’ ou ‘vicieuse’ ; par exemple, dans le développement d’une
ville, l’augmentation de la population crée plus d’opportunités qui attirent et incitent
plus de gens à s’installer en ville, ce qui provoque encore plus d’augmentation de la
population.
60 Ibid., pp.119-120
61 Ibid., p.120
62 ‘circularity of action exists between the parts of a dynamic system, feedback may be said to be present.’ William Ross Ashby, An Introduction to Cybernetics, [London: Chapman & Hall, 1956. Référence en 2ème édition, 1957 ; version en ligne, 1999 : http://pcp.vub.ac.be/books/IntroCyb.pdf (consulté : 2/3/2006)] , p.53
63 Krippendorff cité par Heylighen, Web… (op. cit.)
A B
- 26 -
2.5.9 Délai
Ashby explique que le délai (delay) du transfert de la variété dans un système réel est
fréquent.64 Ceci parce que le système peut avoir des parties dont leurs effets ne sont
pas immédiats sur le système. Par exemple, le cortex cérébral n’est pas
immédiatement influencé par l’environnement car les informations qu’il a reçu
doivent passer d’abord par les organes sensoriels, les nerfs sensoriels, les nucléus
sensoriels etc..
2.5.10 Le modèle cybernétique
Bertalanffy explique le modèle cybernétique dans lequel un système de rétroaction est
formé par le récepteur, l’appareil de contrôle et l’effecteur (fig.2.1).65 Le système
reçoit les messages des stimuli externes dans le ‘récepteur’ qui est l’ ‘organe
sensoriel’ du système. Puis tous les messages sont envoyés à l’ ‘appareil de contrôle’
qui les recombine. L’effecteur répond aux messages qu’il reçoit de l’appareil de
contrôle, par des actions. Enfin, les informations sur le fonctionnement de l’effecteur
sont renvoyées au récepteur ; le tout forme la rétroaction.
Fig.2.1 – Le modèle cybernétique 66
64 Ashby, 1957, op. cit., pp.156-157
65 Bertalanffy, op. cit., pp. 42-44.
66 Reproduction de la figure 2.1, Ibid., p.43
récepteur appareil
de contrôle
effecteur
stimulus réponse message message
rétroaction
- 27 -
Le modèle ci-dessus est utile pour son application sur des machines
autorégulé, c’est-à-dire des machines qui pourraient influencer leur fonctionnement.
Dans ce cas, le modèle représente parfaitement leur fonctionnement car leur
environnement a des influences imperceptibles. Cependant, la plupart des systèmes
réels sont influencés par leur environnement.
Quand j’ai expliqué précédemment l’homéostat, nous avons vu qu’il était
nécessaire, pour représenter un système, de préciser les perturbations et le but. Le
modèle cybernétique d’un système de contrôle en interaction avec son environnement
est basé sur une boucle de rétroaction avec deux entrées.67 L’une, l’entrée est le but du
système, c’est-à-dire les processus qui visent aux valeurs préférables du système.
L’autre entrée est les perturbations de l’environnement sur le système, c’est-à-dire les
processus dans l’environnement qui influencent les valeurs préférables mais que le
système ne contrôle pas. Le système fonctionne de la façon suivante (fig.2.2) :
1) Le système observe les variables externes qui l’intéressent et via sa
perception, il les représente intérieurement.
2) Puis, il traite la représentation pour trouver :
a. comment cela peut influencer le but
b. quelle action le système doit faire pour assurer le but
3) Par conséquent, basé sur l’interprétation, il fait son action qui influe sur une
partie de l’environnement.
4) L’action cause une chaine d’actions et de réactions dans l’environnement en
accordance avec sa dynamique qui est connue. Les perturbations, c’est-à dire
les variables inconnues de l’environnement, influencent cette dynamique.
Ainsi, les interactions entre la dynamique du système et les perturbations,
cause aussi des changements sur les variables dont le système est intéressé et
qu’il observe.
5) Enfin, la boucle se referme avec le système qui recommence à observer les
variables dont le système s’intéresse.
67 Francis Heylighen et Cliff Joslyn, ‘Cybernetics and Second-Order Cybernetics’, (Encyclopedia of Physical Science & Technology, éditer par R.A. Meyers, New York : Academic Press ; référence en 3ème édition, 2001 ; pp.155-170, version en ligne: http://pespmc1.vub.ac.be/Papers/Cybernetics-EPST.pdf, consulté: 24/7/2007), §D
- 28 -
Fig.2.2 – Le modèle du système de contrôle.68
2.5.11 Emergence
Dans la définition du système par Bertalanffy, j’ai déjà parlé des propriétés
émergentes. Effectivement, la notion d’émergence était importante pour la pensée
systémique et aujourd’hui elle est peut-être la notion la plus fondamentale dans la
recherche des systèmes complexes. Selon Stanford Encyclopédie de la Philosophie,
‘des entités (des propriétés ou des substances) émergentes s’élèvent par des entités
plus fondamentales et pourtant elles sont originales ou irréductibles à ces entités
fondamentales.’ 69 De nombreuses distinctions et catégorisations des phénomènes
émergents existent à cause de l’importance majeure qu’a prit aujourd‘hui l’émergence
à travers la science de la complexité.
68 Reproduction de la figure 2 trouvé dans Heylighen et al., op.cit., §D
69 ‘emergent entities (properties or substances) ‘arise’ out of more fundamental entities and yet are ‘novel’ or ‘irreducible’ with respect to them.’ O'Connor, Timothy and Hong Yu Wong, ‘Emergent Properties’, The Stanford Encyclopedia of Philosophy. Edité par Edward et N. Zalta, Edition Hiver, 2006, version enligne http://plato.stanford.edu/archives/win2006/entries/properties-emergent (consulté: 10/8/2007)
action
butSYSTEM
traitement d’informationdécisionreprésentation
variables influencées
variables observées
dynamique
perception
perturbations ENVIRONNEMEN
- 29 -
Une distinction assez générale est l’émergence forte (strong emergence) et
l’émergence faible (weak emergence). Chalmers explique qu’un phénomène est
‘fortement émergent’ quand il n’est pas possible, même en principe, de le déduire des
principes du niveau inférieur.70 Il explique que ce type d’émergence est plus fréquent
dans les domaines philosophiques. En outre, un phénomène est ‘faiblement émergent’
quand il n’est pas possible de l’anticiper en connaissant les principes du niveau
inférieur. Il écrit que ce sens de l’émergence est le plus courant dans la recherche
scientifique et plus particulièrement dans la théorie de la complexité. Il ajoute qu’il est
possible qu’un phénomène qui est fortement émergent soit en plus faiblement
émergent, mais le contraire n’est pas possible.
Goldstein établi cinq propriétés qui sont présentes dans les phénomènes qui
peuvent être caractérisés comme émergents :
1) La nouveauté radicale : les propriétés émergentes font apparaître des
caractéristiques qui n’étaient pas observables précédemment. De cette façon,
les propriétés émergentes ne peuvent pas être anticipées dans leur totalité
avant qu'elles apparaissent.
2) La cohérence ou la corrélation : les propriétés émergentes sont apparues
comme des entiers intégrés et ils ont tendance à maintenir quelque identité.
Ainsi, la cohérence des niveaux émergents donne la corrélation des niveaux
inferieurs.
3) Global ou macro-niveau : l’apparence des propriétés émergentes se trouve à
un macro-niveau ou à un niveau global.
4) Dynamique : les phénomènes émergents ne sont pas des entiers préexistants
mais ils s’élèvent comme un entier qui évolue dans le temps.
5) Ostensif : les propriétés émergentes peuvent être observées (seulement) par
leur apparence.71
70 David J. Chalmers, ‘Strong and Weak Emergence’, (The Re-Emergence of Emergence, The Emergentist Hypothesis from Science to Religion, édité par Philip Clayton et Paul Davies, Oxford University Press, 2006, version enligne http://consc.net/papers/emergence.pdf, consulté : 15/12/2006), §1
71 Jeffrey Goldstein, ‘Emergence as a Construct: History and Issues’, (Emergence, Complexity and Organization, vol. 1 , no.1, 1999), pp.49-72
- 30 -
Crutchfield note que ‘quelques uns des phénomènes naturels les plus
engageants et perplexes sont ceux dans lesquels le comportement collectif haut-
structuré émerge à travers le temps qui passe entre les interactions des sous-systèmes
simples.’ 72 Il expose quelques exemples charmants pour dénoter l’existence des
phénomènes émergents dans le monde. Les oiseaux volent dans des envolées en mode
rigide et les bancs des poissons nagent dans un ordre cohérent en tournant
brusquement tous ensemble sans que l’un d’eux guide le groupe. Les fourmis forment
des sociétés complexes qui reposent sur des ouvrières spécialisées mais qui ne sont
guidées par aucun chef. Pareillement, le prix des produits sur l’économie émerge des
agents qui obéissent aux lois locales du commerce. En outre, notre perception de la
couleur d’une petite surface dépend de la surface entière.
72 ‘Some of the most engaging and perplexing natural phenomena are those in which highly-structured collective behavior emerges over time from the interaction of simple subsystems.’ James P. Crutchfield, ‘The Calculi of Emergence, Computation, Dynamics, and Induction’, (Complex Systems, from Complex Dynamics to Artificial Reality, Physica D, publication special paru dans les actes du séminaire International d’Oji, 1994, Version enligne http://www.santafe.edu/research/publications/workingpapers/94-03-016.pdf ,consulté : 15/10/2007), pp.1-2
- 31 -
3. LA MUSIQUE ET LA PENSEE SYSTEMIQUE
3.1 Introduction
Après avoir parlé du contexte historique de la pensée systémique et exposé quelques
unes de ses notions, je montrerais le rapport entre la pensée systémique et la musique.
Premièrement, je vais traiter le lien que Xenakis a réussi à faire entre la science et la
musique à travers les mathématiques et son rapport avec la pensée systémique.
Ensuite, j’expliquerais comment par la voie de son objection contre le sérialisme, il a
introduit la notion de probabilité. Puis, je vais parler de l’application de la notion de
probabilité et l’hypothèse de sonorités de second ordre. J’exposerais la problématique
de Di Scipio sur l’approche de Xenakis. Ainsi, j’aborderais deux caractéristiques
fondamentales dans l’approche de Di Scipio liées, directement ou indirectement, avec
sa problématique sur Xenakis mais aussi avec la pensée systémique : la Théorie de
l’Emergence Sonologique et l’Interface Eco-Systémique Audible. Premièrement, Di
Scipio observe deux approches de la musique électronique, la composition
algorithmique et la composition timbrale. Alors, pour introduire la ‘théorie de
l’émergence sonologique’, il parle d’une approche qui mélange le paradigme
algorithmique et timbral. Plus tard, j’introduirais l’Interface Eco-Systémique Audible
de Di Scipio, une approche sur le modèle de la musique interactive influencé par la
notion d’auto-organisation. J’exposerais sa vue sur le modèle conventionnel de la
musique interactive, je parlerais de son approche et de quelques notions qu’il
incorpore dans sa musique.
3.2 Xenakis et la pensée systémique
3.2.1 Xenakis et l’unification de la science avec la musique
Xenakis commence son raisonnement polémique contre la musique sérielle en
transférant son ‘combat’ dans ses domaines de compétences de logiques et
mathématiques.73 Pour faire cette transition, il déclare que ‘[l]e côté quantitatif et
géométrique de toute musique, devient, avec l[a Seconde] École de Vienne, 73 Iannis Xenakis, ‘La crise de la musique sérielle’ (Gravesaner Blätter, no.1, 1955, pp.2-4 ; Référence à la version parue à Iannis Xenakis, Kéleütha, sous la direction d’Alain Galliari, préface de Benoît Gibson. Paris : L'Arche, 1994), pp. 39-43
- 32 -
prépondérant.’ 74 Il ajoute aussi que les compositeurs de son époque contemporains
ont une tendance à dominer le monde sonore à travers l’analyse et la composition de
tous les paramètres sonores. Dans cette optique, ‘[l]a musique actuelle est sous le
signe du Rationalisme. Qui dit raison dit estimation quantitative.’ 75
Le plus important dans cette allégation, c’est qu’elle implique que si l’on
considère la musique comme un art dominée par le Rationalisme, on peut aussi
utiliser les outils basés sur le Rationalisme, c’est-à-dire les notions scientifiques.
Effectivement, Xenakis postérieurement, a rendu claire cette implication :
Il apparaît qu’un nouveau type de musicien est nécessaire, un ‘artiste-concepteur’ de nouvelles formes abstraites et libres […]. L’artiste-concepteur doit être cultivé et inventif dans divers domaines comme les mathématiques, la logique, la physique, la chimie, la biologie, la génétique, la paléontologie (pour l’évolution des formes), les sciences humaines et l’histoire ; en bref, une sorte d’universalité mais qui se base, qui est guidée et qui s’oriente vers des formes et des architectures. Il est temps d'établir une nouvelle science de la ‘morphologie générale’.76
Depuis le début de son idée d’un universalisme basé sur la connexion des arts
et des sciences, Xenakis a souligné l’importance de la nature sensorielle de la
musique. Il conclu qu’un art abstrait sans base matérielle est ‘un art sans
matérialisation, est un sophisme, une absurdité’.77 Il note également que ‘[p]our
définir le sens de la musique, il faudrait revenir aux notions simples de sens, de
messages-signaux à ces sens, et de pensées véhiculées par ces signaux’.78 De cette
74 Ibid., p.39
75 Ibid., p.40
76 ‘…it seems that a new type of musician is necessary, an “artist-conceptor” of new abstract and free forms […]. The artist-conceptor will have to be knowledgeable and inventive in such varied domains as mathematics, logic, physics, chemistry, biology, genetics, paleontology (for the evolution of forms), the human sciences and history; in short, a sort of universality, but one based upon, guided by and oriented toward forms and architectures. The time has come to establish a new science of ‘general morphology’. Iannis Xenakis, Arts/Sciences: Alloys, (New York: Pendragon Press, 1985). Citation de Damián Keller et Brian Ferneyhough, ‘Analysis by Modeling: Xenakis’s ST/10-1 080262’, (Journal of New Music Research, vol. 33, no. 2, 2004), p.163
77 Iannis Xenakis, 1955, op. cit., p.42
78 Ibid.
- 33 -
façon, Xenakis renforce l’importance du côté perceptuel de la musique contre le
fétichisme de la notation qui gouvernait l’esthétique de son époque. Il montre que
c’est la musique ‘qui avant tous les arts fait un compromis majeur entre le cerveau
abstrait et sa matérialisation sensible’.79 En plus, Xenakis parle de la nécessité d’une
musique élargie, loin des limites de la tradition et basée sur la nature.80 En même
temps, il réintroduit une valeur antique, pythagorique : il remarque que ‘la musique
est l’harmonie du monde mais homomorphisée par le domaine de la pensée
actuelle’.81
Xenakis est le compositeur qui a réussi pour la première fois de façon si
intense à connecter les sciences et les arts à travers les mathématiques. Xenakis fait la
distinction entre trois points dans son approche :
1) ‘Résumé philosophique de l’être et de son évolution.’ 2) ‘Appui qualitatif et mécanisme du Logos.’ 3) ‘Instrument de mensuration qui affine l’investigation et la réalisation, la
perception aussi.’ 82
3.2.2 Xenakis et la pensée systémique
Même si Xenakis propose une approche universelle, il est sceptique quant aux
disciplines qui tentent d’unifier les divers domaines scientifiques. Il doute qu’ils
puissent donner une approche vraiment universelle.83 Ceci s’explique par le point de
vue de Xenakis :
Le point donc de départ et d’arrivée est l’homme. La musique étant un message (véhiculé par la matière) entre la nature et l’homme ou entre les
79 Iannis Xenakis. ‘Les trois paraboles’, (Nutida Musik, no.4, 1958. Référence à la version française paru dans Musique, Architecture, Tournai, Casterman, 1971. Nouvelle édition, augmentée de 1976) , p.16
80 Ibid., pp.16-17
81 Ibid., p.16
82 Iannis Xenakis, Musiques Formelles, (Paris: Editions Richard-Masse, 1963), p.221. Version enligne : http://www.iannis-xenakis.org/MF.htm (consulté : 20/10/2007)
83 Xenakis, 1958, op. cit., p.16
- 34 -
hommes entre eux, elle doit être apte à parler à toute la gamme humaine de perception et d’intelligence.84
On peut clairement observer chez Xenakis une vision anthropocentrique, ce
qui manquait d'après lui aux sciences de son époque. Ceci est une vérité que même les
scientifiques qui travaillent sur les ‘théories systémiques’ indiquent :
Le nouveau monde cybernétique […] ne s'intéresse pas aux hommes mais aux systèmes ; l’homme devient remplaçable et consommable. Pour les utopistes d’ingénierie des systèmes, […] c’est l’ ‘élément humain’ qui est exactement la partie qui n’est pas fiable dans les créations [des systèmes]. Il doit être complètement éliminé et remplacé par […] hardware […] ou il doit être […] mécanisé. […] L’homme dans le Grand Système […] est devenu un crétin, presseur de bouton ou un savant-idiot.85
Même si Xenakis envisage des ‘Arts Scientifiques’,86 il n’a pas confiance en la
façon dont ces théories sont introduites dans la musique. Il critique ceux qui cherchent
à trouver la signification de la nature de la musique avec des formules de la ‘théorie
d’information’ et de la ‘cybernétique’.87 Il trouve problématique le fait qu’ils essayent
de donner une vision objective et de la valeur esthétique avec ces théories. Il explique
que ‘[l]’identification de la musique comme d’un message, comme d’un moyen de
communication, et comme langage sont des schématisations dont la tendance se porte
84 Xenakis, 1955, op. cit., p.42
85 ‘The new cybernetic world […] is not concerned with people but with “systems”; man becomes replaceable and expendable. To the utopians of systems engineering, […] it is the “human element” which is precisely the unreliable component of [the systems] creations. It either has to be eliminated altogether and replaced by […] hardware […] or it has to be […] mechanised. [… M]an in the Big System […] has become a moron, button-pusher or learned idiot.’ Bertalanffy qui cite J. Ruesch, ‘Epilogue’, Towards a Unified Theory of Human Behavior, (2ème édition, édité par R.R. Grinker, New York : Basic Books, 1967) ; W. Boguslaw, The New Utopians, (Englewood Cliffs : Prentice-Hall, 1965) ; P. A. Sorokin, Sociological Theories of Today, New York / London: Harper & Row, 1966. Paru dans Bertalanffy, op. cit., p.10
86 Xenakis, 1963, op. cit., p.212
87 Iannis Xenakis, Formalized music, Thought and mathematics in composition, (Harmonologia series ; no. 6, New York: Pendragon Press, 1992), p.180
- 35 -
vers des absurdités et des dessiccations.88 Pour comprendre mieux son objection, on
doit prendre en compte également le contexte de son époque. L’influence de la
cybernétique et de la théorie d’information à cette période était énorme. Aussi, elles
étaient mal vues par des nombreuses personnes. Les théories étaient devenues des
synonymes de l’informatisation et de l’automatisation, des notions considérées en
opposition avec le côté humain. Notamment, même des termes de cybernétique ont
été traduits dans le langage quotidien.
En fait, l’opposition de Xenakis sur ces théories se positionne d'un point de
vue idéologique et de la manière de leur application. Il n'est pas contre la totalité de
ces théories ce qui est visible car il n'évite pas de les utiliser dans sa musique.89 Au
contraire, Xenakis dans la description de sa ‘Musique Stochastique Markovienne’,
utilise la méthode que Ashby expose dans son An Introduction to Cybernetics. Plus
précisément, Xenakis avec des ‘tables de transformations’ montre les changements
des événements acoustique.90 Comme Ashby, Xenakis commence l’explication de la
méthode avec des transformations déterminées et il continue avec des transformations
stochastiques.91 En plus, dans ses œuvres Duel (1958-59) et Stratégie (1962) il utilise
des idées principalement de la ‘théorie de jeux’. Il présente les idées de base en
fonction de la ‘cybernétique’.92 En particulier, il explique que les musiciens et le chef
d’orchestre ont le rôle du contrôle de la sortie (output), en fonction de la rétroaction,
88 ‘Identification of music with message, with communication, and with language are schematizations whose tendency is towards absurdities and desiccations’. Ibid.
89 Xenakis dans la première apparition de son traité Musiques Formelles inclut dans la bibliographie les œuvre suivantes de la Cybernétique et de la Théorie d’Information : C. Shannon et W. Weaver, The mathematical theory of communication, (Urbana : The University of Illinois Press, 1949) ; W. R. Ashby, Introduction à la cybernétique, (Paris : Dunod, 1958) ; A. Moles, Théories de l’information et perception esthétique, (Paris : Flammarion, 1958) ; W. Meyer-Epler, Grundlagen und Anwendungen der Informations Theorie, (Springer-Verlag, 1959)
90 Xenakis, 1963, op. cit., pp.62-63
91 Ashby introduit le concept du changement et la machine déterminée au 2ème et 3ème chapitre. En plus, il introduit la chaîne markovienne au 9ème chapitre. Ashby, 1957, op. cit., pp.9-11 et 161-189.
92 Xenakis, 1992, op. cit., p.110
- 36 -
qu’ils comparent avec le signal d’entrée (input). Il fait même la comparaison de ce
modèle avec un servomécanisme.
3.2.3 L’introduction de la notion de probabilité
Comme je l’ai déjà dit, Xenakis prend parti contre la musique sérielle. Il explique que
la polyphonie linéaire est autodétruite à cause de sa complexité.93 Il ajoute que le
résultat sonore est une somme de notes avec dispersion arbitraire dans toutes les
régions du spectre sonore. Il conclut qu’il y a des contradictions entre le système
polyphonique linéaire et son résultat auditif qui est surface, masse. Alors,
l’importance du résultat perceptible devient ‘la moyenne statistique des états isolés de
transformation des composantes à un instant donné’.94 Enfin, il souligne la nécessité
de ‘l’introduction de la notion de probabilité’.95
Xenakis soutient que ce résultat est dû à l'incapacité des compositeurs sériels à
‘maîtriser logiquement l’indéterminisme de l’Atonalité’.96 Ils sont alors revenus ‘à
une organisation fortement causale au sens strict, plus abstraite que la tonal’.97
Cependant, Xenakis considère cette abstraction comme leur grande contribution sur
laquelle il pourrait baser ses applications.
En conclusion, Xenakis basé sur la possibilité de l’abstraction que la musique
sérielle a donnée à la totalité de la musique, a remarqué logiquement la chute de la
linéarité de la musique. Comme solution, il a introduit la notion de probabilité.
3.2.4 Musique Stochastique et les sonorités de second ordre
Après que Xenakis ait introduit les principes stochastiques comme une opposition de
la musique sérielle, ou peut-être comme une évolution de cette musique, il ne s’est pas
endormit sur ses lauriers. La deuxième phase était d’utiliser les lois stochastiques pour
93 Xenakis, 1955, op. cit., pp.41-42
94 Ibid., p.42
95 Ibid.
96 Xenakis, 1963, op. cit., p.18
97 Ibid., p.18
- 37 -
créer ‘des matériaux nouveaux et des formes nouvelles’.98 Pour ceci, il a formulé une
hypothèse basique99 dans laquelle il suppose que ‘[t]out son est une intégration de
grains, de particules élémentaires sonores, de quanta sonores.’ 100 Il considère un
grain comme l’unité basique de la structure du son. Il compare le son à un feu
d’artifice : pour créer l’effet d’un feu d’artifice, de nombreux points de lumière
apparaissent et disparaissent instantanément sur un ciel noir. C’est l’ensemble des
points qui créent l’effet. Pareillement, de nombreux grains apparaissent
(auditivement), chacun à un instant différent, et ensemble ils constituent un son entier.
De cette manière, il est possible d’analyser ou de reconstruire n’importe quel
son comme des combinaisons de milliers de grains. Plus important encore, il est
possible de construire des sons non-préexistants.
L’hypothèse granulaire est liée à la production de timbres, où des nuages de
grains sonores font émerger des sonorités de deuxième ordre.101 Di Scipio indique
qu’on peut décrire l’hypothèse à travers les sciences cognitives à propos de la
question des propriétés émergentes.102
Selon Bregman, dans la perception auditive, des caractéristiques émergentes
apparaissent à un niveau supérieur quand des informations du niveau inferieur sont
classées.103. Il y a une tendance dans l’environnement, quand des éléments sont
organisés dans un ensemble, où de nouvelles propriétés apparaissent, c’est-à-dire le
phénomène d’émergence. Également, la perception humaine est concernée de trouver
98 Ibid., p.60
99 Bien que l’hypothèse soit attribuée à la théorie de la représentation des signaux acoustiques de Gabor, selon Di Scipio, Xenakis avait déjà commencé à travailler de cette manière avant qu’il ait eu conscience de la théorie. Di Scipio Agostino, ‘Clarification on Xenakis: The Cybernetics of Stochastic Music’, (Presences of Iannis Xenakis, Paris: CDMC, 2001), p.71, note 4.
100 Xenakis, 1963, op. cit., p.61
101 Ibid., p.65 et Xenakis, 1992, op. cit., p.103
102 Di Scipio, 2001, op. cit., p.72
103 Albert S. Bregman, Auditory Scene Analysis (Cambridge, Massachusetts et London, England: MIT Press, 1990. Référence en 2ème édition broché, 1999), p.138
- 38 -
et traiter des structures significatives pour représenter l’environnement.104 De cette
façon, la perception rend compte aussi des ‘propriétés émergentes’ au processus de la
représentation de l’environnement.105
Xenakis a essayé d’appliquer son hypothèse avec des instruments dans des
compositions comme Analogique A (1958-59) et ST/10-1 080262 (1962). Il a conclu
que les limitations de l’exécution humaine rendaient impossibles la réalisation de
l’hypothèse avec des instruments classiques.106 Cependant, Keller et Ferneyhough,
après leur investigation sur ST/10, entre autres raisons qu’ils exposent, expliquent que
la limitation de nombre d’instruments représentait une difficulté pour la réalisation de
sonorité de deuxième ordre.107 Ceci n’est pas un problème avec l’utilisation de
grandes forces instrumentales, comme dans des œuvres de Ligeti, Penderecki ou
même quelques œuvres instrumentales de Xenakis.
A la même période que la création d’Analogique A, Xenakis a réessayé la
réalisation de son hypothèse dans Analogique B pour électroniques. Di Scipio résume
la méthode utilisée dans cette œuvre : 108
Les sons sont représentés avec les unités granulaires.
Les sons sont le résultat de la manipulation et de l’organisation des
grains.
L’organisation est rendue possible en fonction des trames.
Chaque trame est une tranche du temps où elle représente une ‘surface
audible’
Sur chaque trame, des grains sont rangés dans des cellules et ils
forment des textures sonores instantanées. 104 La science de perception est basée sur l’hypothèse qu’il y a le monde extérieur avec ses principes d’organisation (la question écologique) et que la fonction de la perception est de la représenter intérieurement (la question perceptuelle). Ibid., p.1
105 Ibid., p.139
106 Xenakis, 1991, op. cit., p.103
107 Damián Keller et Brian Ferneyhough, ‘Analysis by Modeling: Xenakis’s ST/10-1 080262’, (Journal of New Music Research, vol. 33, no.2, 2004), p.165
108 Di Scipio, 2001, op. cit., p.73
- 39 -
La détermination de la succession des trames constitue l’organisation
du son dans le temps – ‘un carnet de trames [signifie] la vie d’un son
complexe’. 109
Fig.3.1 – Représentation de la notion des trames par Xenakis. Les grains sont organisés dans des cellules de surfaces auditives. Chaque trame représente une tranche du temps.110
Xenakis parle de la méthode qu’il a utilisée pour composer Analogique B
comme d’un mécanisme qui lutte pour exister tandis que le compositeur introduit des
perturbations. Il explique que ‘[l]e bi-pôle entre une chose et ne pas être cette chose
crée un tout, […], [u]ne dialectique duale est ainsi à la base de cette attitude
compositionnelle’.111 Di Scipio conclu plus concrètement, qu’on peut considérer la
méthode utilisée comme un mécanisme que le compositeur commence, il le laisse se
manifester pendant quelques instants avant qu’il le recommence.112 Le compositeur
répète le processus des recommencements successifs pour avoir un résultat avec des
variations. Di Scipio note que la forme est la conséquence des réactions du
109 Xenakis, 1963, op. cit., p.69
110 Reproduction de la figure trouvée sur Ibid., p.69
111 Xenakis., Ibid., p.114
112 Di Scipio, 2001, op. cit., p.73
temps
cellule vide
grains dans une cellule
surface auditive
- 40 -
mécanisme qui réagit aux changements que le compositeur apporte aux données
initiales.113
Après sa recherche sur Analogique B, Concret PH et Gendy3, Di Scipio essaie
de généraliser la méthode de l’approche de Xenakis :
Xenakis vise à créer un « mécanisme », qui, dès qu’il a démarré, se manifeste lui-même dans le temps et fait explorer auditivement la connaissance qu’il capture.114
Alors Di Scipio rapporte que Xenakis, à travers sa méthode, suggère une
approche différente de la composition dans laquelle forme et timbre deviennent
inséparables.115 En outre, l’action de composition a lieu dans un niveau pré-
syntactique, avant que le résultat sonore soit perceptible. Alors, ‘les propriétés de
surface musicale sont une fonction non-linéaire du micro-niveau d’organisation.’ 116
Du point de vue des sciences cognitives, la musique ici est composée à un niveau
sous-symbolique. Le compositeur travaille avec des éléments qui ne sont pas
perceptiblement significatifs. Les éléments acquièrent une signification perceptible à
un niveau supérieur qui apparaît comme un résultat émergent de la composition.
3.3 La problématique de Di Scipio sur l’approche de Xenakis
Comme Xenakis a identifié la nécessité d’une approche mathématique à travers sa
critique sur le sérialisme, de la même façon, Di Scipio voit la nécessité d’une
approche systémique à travers sa critique sur la musique électronique de Xenakis. Di
Scipio doute que les lois stochastiques sur lesquelles Xenakis base son hypothèse
113 Ibid., p.84
114 ‘Xenakis aims at creating a “mechanism” that, once started, manifests itself in time and makes auditorily explorable the knowledge it captures.’ Di Scipio, 2001, op. cit., p.82
115 Ibid.
116 ‘The properties of the musical surface are a nonlinear function of the micro-level organization.’ Ibid.
- 41 -
granulaire soient capables de déterminer l’émergence des ‘sonorités de deuxième
ordre’.117 Di Scipio explique que :
comme les pizzicati d’Analogique A ne peuvent pas que rester de pizzicati, les grains électroniques dans Analogique B restent seulement des grains et ne forment pas d’image auditive plus globale.118
Comme j’ai déjà dit précédemment, dans l’introduction de sa méthode
granulaire, Xenakis parlait d’un mécanisme. Di Scipio remarque que ce mécanisme a
tendance à se comporter comme un système auto-organisé, qui peut se contrôler, se
nourrir et se changer lui-même.119 Basé sur cette approche, Di Scipio indique que la
méthode de Xenakis est efficace à tel point que le comportement du système est sujet
aux conditions initiales. Cependant, Di Scipio prétend que le mécanisme de Xenakis
n’est pas capable d’être influencé par des événements de son fonctionnement. Son
comportement est alors invariable. Ceci s’explique par le fait que le mécanisme de
Xenakis, dans chacune de ses occurrences a un stochos (le mot grec pour but) vers un
état stable. Di Scipio déclare que les lois stochastiques sont indifférentes aux
changements. Dès lors, ‘le mécanisme n’apprend pas de l’histoire de ses états
précédents. […] L’événement est forcé par le compositeur de l’extérieur’.120 Il n’y a
pas de rétroaction dans le processus, alors le système ne peut pas s’observer lui-
même. La méthode de Xenakis, comme nous l’avons déjà expliqué, est basée sur le
fait que le compositeur recommence le processus pour influencer le comportement du
mécanisme. Di Scipio déclare que ceci est la cause de l’incapacité à réussir des
sonorités de deuxième ordre : Dans toutes les situations systémiques, les propriétés
117 Ibid., p.73
118 ‘Just as the pizzicatos of Analogique A could not but remain string pizzicatos, however dense their articulation, the electronic grains in Analogique B remain just grains and do not build up into more global auditory image.’ Ibid.
119 Ibid., p.83
120 ‘the mechanism does not learn from the history of its previous states’[...]The event is forced by the composer from the external.’ Ibid.
- 42 -
émergentes semblent demander plus de l’ordre chaotique vivant que du désordre
organisé statique.121
Di Scipio conclut que l’approche de Xenakis s’oriente indirectement vers une
direction du principe de l’ordre-par-bruit.122 Selon ce point de vue, le monde n’est ni
strictement cohérent (‘ordre algorithmique’) ni strictement incohérent (ordre
statistique). Par ailleurs, Xenakis décrit ses intentions compositionnelles en disant que
‘ces techniques s’exercent constamment entre les deux vieux pôles […] : le
déterminisme, la fatalité et le libre arbitre, le choix inconditionné.’ 123 Selon Di
Scipio, le monde est ‘une condition dynamique de chaos’ où l’ordre est visible à un
‘méta-niveau’, perceptible comme un phénomène émergent.124 Subséquemment, il
suggère que les processus stochastiques ne sont pas capables d’interpréter la richesse
du chaos.
Di Scipio déclare que Xenakis a commencé à utiliser des principes
probabilistes parce que : 125
1) Il observe que ce n’est pas suffisant pour recréer les phénomènes acoustiques
naturels en fonction du paradigme harmonique de Fourier
2) Son point de vue est que le compositeur de la musique électroacoustique doit
chercher des sons loin de la simulation des instruments existants.
Concernant le deuxième argument, Di Scipio remarque qu’après la libération de la
forme pendant l’histoire de l’art moderne, le matériel sonore est maintenant libéré. 126
La forme, avant sa libération, était limitée par des canons préexistants. De la même
façon, le son produit par des moyens électroniques, était limité par la nécessité
esthétique à imiter des sons préexistants.
121 ‘In all systemic situations, emergent properties seem to require more a lively chaotic order than a statically organized disorder’. Ibid.
122 Ibid., p.84
123 Xenakis, 1963, op.cit., pp.211-212
124 Di Scipio, 2001, op. cit., p.84
125 Ibid., p.80
126 Ibid.
- 43 -
Di Scipio énonce que dans l’approche de la synthèse non-conventionnelle, le
timbre et la hauteur sont les épiphénomènes, le résultat des actions à un niveau
inférieur. Il ajoute que dans l’approche de synthèse granulaire conventionnelle,
l’esquisse du son a lieu dans deux états : les paramètres des grains et l’organisation
des grains. Néanmoins, avec des méthodes de synthèse non-conventionnelle, les deux
actions de composer avec le son et composer le son deviennent identiques.
3.4 L’Emergence Sonologique de Di Scipio
3.4.1 Composition algorithmique vs. composition timbrale
Di Scipio observe deux approches de la musique électronique, la composition
algorithmique et la composition timbrale. 127 Di Scipio prétend que la méthode utilisée
par Xenakis dans Analogique B indique la première œuvre où la composition
algorithmique et la composition timbrale sont connectées.128 Il dit que ‘c’était la
tentative […] de créer des entités timbrales complexes et exposer la forme musicale
avec un seul et même geste créatif’.129 Il discute de la possibilité de ce mélange des
deux catégories dans une approche holistique. Basé sur ceci, il introduit ce qu’il
nomme la théorie de l’émergence sonologique.
Dans la distinction de Di Scipio, la composition algorithmique est liée avec
l’esthétique ‘formaliste’, quand la composition timbrale est liée avec l’esthétique
matiériste. Selon lui, la composition algorithmique est plus concernée par ‘les
propriétés formelles […] [et] les règles génératives’.130 C’est ‘le processus de
127 Agostino Di Scipio, ‘Formal Processes of Timbre Composition, Challenging the Dualistic Paradigm of Computer Music, A study in Composition Theory (II)’ (Proceedings of the ICMC International Computer Music Conference, Aarhus, S.Francisco: ICMA, 1994, version électronique fournie par l’auteur) p.1
128 Di Scipio, 2001, op.cit., p.73
129 This was an attempt […] to generate both complex timbral entities and unfolding of the musical form by one and the same creative gesture’. Ibid., p.79
130 ‘the formal properties […] [and] the generative rules’. Di Scipio, 1994, op.cit., p.1
- 44 -
composer- avec-le-son’.131 Alors que dans l’approche de la composition timbrale, le
compositeur se focalise ‘sur les propriétés perceptuelles et sémantiques du matériel
sonore et leur image auditive associée’.132 C’est la le processus de ‘composer-le-
son’.133 Il parle d’une séparation cognitive entre le son et la structure qui concerne le
degré de leur importance dans chaque tendance compositionnelle. Dans le premier
cas, le compositeur est plus concentré sur les modèles de design musical tandis que
dans le deuxième cas, il s’intéresse d’avantage aux modèles de matériel sonore. Enfin,
à cause de la distinction cognitive qui existe, la recherche de la musique informatique
et respectivement distinguée à l’analyse qui correspond à la représentation et à la
synthèse qui vise aux outils de synthèse sonore et techniques de traitement sonore.
3.4.2 L’approche d’Emergence Sonologique
Alors, Di Scipio parle d’une approche entre les deux paradigmes que quelques
compositeurs, y compris lui-même, utilisent. Il parle du ‘modèle de design sonore
micro temporel’ où :
Le matériel sonore et le design musical deviennent inséparables : le processus compositionnel est appliqué sur le niveau de microstructure du son et il produit l’organisation structurelle des myriades des unités minimales.134
Ainsi, il dit que dans ce modèle des stratégies micro compositionnelles, les conditions
locales du son font émerger les propriétés morphologiques globales de la structure
131 ‘the process of compositing-with-sound’ Ibid.
132 ‘on the perceptual and semantic properties of the sound material and their associated auditory images.’ Ibid.
133 ‘composing-the-sound’ Ibid.
134 ‘sound material and musical design become inseparable : the compositional process is applied at the scale level of the microstructure of sound and yields the structured organisation of myriads of minimal units’ Ibid. p.4
- 45 -
musicale. Par conséquent, il propose une théorie de l’émergence sonologique dans
lequel le compositeur, avec ses actions, essaie de trouver la solution au problème ci-
dessous :
Comment déterminer au niveau basique une organisation quantitative de système, ou de processus, capable de produire un méta-niveau du système, ou processus, des propriétés morphologiques particulières.135
Je note ici qu’on pourrait considérer la théorie de l’émergence sonologique comme
une généralisation de l’hypothèse des sonorités de deuxième ordre.
En revenant à la distinction entre le timbre et la forme à travers l’approche de
l’émergence sonologique, d'une part le timbre est une caractéristique de forme si on le
considère comme le résultat de propriétés émergentes de structure sonore. D'autre
part, la forme est le processus de formation timbrale. Dans cette optique, Di Scipio
assure que c’est une approche holistique de design sonore.136
Di Scipio propose des modèles morphogéniques dans un contexte de la
cognition de la musique.137 Chaque modèle serait applicable à une œuvre ou à un
cycle d’œuvres d’un ou de plusieurs compositeurs. Inspiré par les systèmes vivants et
sociaux qui sont les caractéristiques d’une auto-organisation, il suggère que le
compositeur essaie de cacher son rôle actif pour la simulation de l’auto-organisation
de la structure musicale.138
Di Scipio essaie de faire une première énumération des propriétés émergentes
dans l’approche décrite ci dessous :
Nouvelles configurations locales de l’ordre/désordre
135 ‘how to determine a ground-level system’s or process’ quantitative organisation capable of bringing forth a meta-level system or process of peculiar qualitative, morphological properties.’ Ibid. p.4
136 Ibid.
137 Il utilise le terme ‘morphogenesis’ pour décrire le comportement dynamique du système. Di Scipio, 1994, op.cit., p.5. Le terme est utilisé principalement dans la biologie pour décrire le processus des systèmes vivants ou l’ovule fertilisé est transformé dans un organisme multicellulaire. Bertalanffy, op. cit.. p.148
138 Di Scipio, 1994, op.cit., p.5
- 46 -
Innovations structurelles de signification (sémantique)
Gamme adaptive croissante (apprentissage)
La possibilité de changement d’état but (goal state)
Transformation dans le code de communication
Sensibilité positive au bruit 139
Il dénombre aussi les différentes catégories de contraintes :
les contraintes de la perception auditive
les contraintes socioculturelles (comme esthétique et morale)
les limitations technologiques de l’action compositionnelle
Enfin, il expose trois buts de la théorie de l’émergence sonologique. Le résultat doit :
satisfaire les contraintes posées
donner des caractéristiques qualitatives et inclure des caractéristiques du
phénomène d’émergence.
être possible qualitativement (computationally) et clair conceptuellement pour
le compositeur
Son application de la Théorie est avec des modèles de systèmes non linéaires sur les
techniques granulaires à travers des transformations et des mappages (mappings) non
linéaires.
3.5 L’Interface Eco-Systémique Audible de Di Scipio
3.5.1 Le modèle du système musical d’interaction selon Di Scipio
Les systèmes musicaux interactifs, selon Di Scipio, sont crées par des ‘outils
informatiques capables de réagir en temps réel […] sur changement des "conditions
externes" ’.140 Di Scipio introduit le modèle du système musical d’interaction à travers
139 ‘new local configuration of order disorder/ significative structural innovations (semantics)/ an increased adaptive range (learning)/ the possibility of changing goal-state/ a transformation in the code of communication/a positive sensitivity to noise’ Ibid.
140 ‘[…] computational tools capable of reacting in real time […] upon changes in their ‘external conditions.’
- 47 -
la pensée systémique. Le système interactif, dans la forme conventionnelle, est un
système avec entrée et sortie, structure interne et environnement externe. Un agent, le
performer, détermine et règle les changements de l’état interne en modifiant les
conditions externes par l’entrée du système. Ces conditions externes sont des données
d’entrée initiale (comment le système était réglé) et des moteurs d'exécution des
données de contrôle (runtime control data). Alors, l’agent-performer contrôle
l’intérieur du système indirectement en utilisant des techniques de DSP* ou de
routines de programme à un niveau symbolique. Les changements internes du
système sont perceptibles à la sortie comme changements musicaux.
Selon Di Scipio, la forme de base des systèmes interactifs musicaux
conventionnels est un écoulement de communication linéaire (fig.3.2). Plus
précisément, l’agent-performer introduit des informations à travers les outils de
contrôle sur l’entrée que les algorithmes informatiques traitent. La conséquence du
traitement est perceptible à la sortie du système comme un résultat sonore. A part la
rétroaction entre l’agent et l’état interne du système, il y a aussi une connexion de
rétroaction entre l’agent et le résultat sonore, à travers l’appareil de surveillance. Le
rôle de cette connexion rétroactive est seulement de surveiller et de corriger des
erreurs auditives possibles.
Fig.3.2. Forme de base des systèmes interactifs musicaux141
Di Scipio note que l’agent est la seule influence des conditions externes du
système. Alors, ‘le système de production du son n’est pas capable d’influencer lui-
Agostino Di Scipio, ‘"Sound is the interface": From interactive to ecosystemic signal processing’ (Organised sound: An international journal of music technology, vol. 8; No. 3; 2003), p.269
141 Basé sur les figures trouvées sur Ibid., p.270
agent outils de contrôle
DSP patches (synthèse, traitement)
son
appareil de surveillance
rétroaction
- 48 -
même directement les conditions externes qui sont posées à son processus
[interne]’.142 Ainsi, le terme interaction concerne la liaison homme agir-machine
réagir. Il ajoute aussi que dans le modèle conventionnel, il n’y a pas de liaisons entre
les processus différents de traitement du son. Subséquemment, le résultat sonore est
seulement une addition de traitement linéaire.
3.5.2 L’approche de Di Scipio sur la musique interactive
Di Scipio propose des solutions aux problèmes qu’il soulève avec l’utilisation de la
rétroaction d’une manière créative. Il présente un système dynamique qui peut
s’adapter et s’interposer aux conditions externes de son environnement. Ce système
est capable d’ ‘écouter’ et il peut donc s’écouter lui-même. Par conséquent, le système
interactif devient un système auto-observé, et donc un système auto-organisé.
Effectivement, ‘l’interaction dans ce cas est un élément structurel de quelque chose
comme un système qui émerge’.143
Di Scipio vise à changer le paradigme ‘de composition interactif à composer
des interactions’.144 Il explique donc que le compositeur qui crée des sons en utilisant
des dispositifs interactifs, crée ici des interactions avec un résultat directement
perceptible. La tâche du compositeur devient de former un réseau entre des éléments
connectés (les outils de contrôle sonore) qui font émerger des sons perceptibles en
tant que musique.
Enfin, je peux noter ici que l’approche que Di Scipio propose, peut être
considérée comme une évolution du mécanisme de Xenakis que l’on a vu avant :
Contrairement au mécanisme de Xenakis, le système de Di Scipio est capable de
s’influencer lui-même par son processus.
142 ‘ the sound-generating system is not itself able to directly cause any change or adjustment in the ‘external conditions’ set to its own process.’ Ibid., p.271
143 ‘[…] interaction is a structural element for something like a ‘system’ to emerge.’ Ibid.
144 ‘From interactive composing to composing interactions’. Ibid.
- 49 -
3.5.3 Le système interactif musical comparé à la notion d’écosystème
Di Scipio assimile le fonctionnement de son système interactif musical à la notion
d’écosystème. Selon lui, ‘[q]uand un système entre dans une interaction non-
destructive avec son environnement, on parle d’un écosystème’.145 Système et
environnement deviennent alors inséparables. Il précise ensuite qu’‘un écosystème est
crée par son couplage récursif (recursive coupling) d’un système autonome et de son
ambiance, de son moyen d’existence’.146 Il ajoute que les écosystèmes sont
autonomes mais pas indépendants du monde externe. Ils ont besoin d’une source
d’énergie pour survivre. Dans la pensée systémique, c’est le ‘bruit’ (dans le sens de
perturbation) qui donne de l’énergie au système. Di Scipio relève des thèses de
Foerster, qui explique que les propriétés autoréférentielles, comme l’ ‘auto-
observation’ et l’ ‘auto-organisation’, sont valides seulement par rapport à
l’environnement et au bruit que l’environnement lui fournit. En plus, Di Scipio écrit
que pour l’émergence de la cohérence et de la flexibilité, l’existence de bruit est
nécessaire.
De plus, un appareil sonore situé dans un espace est confronté à des sons
extérieurs qui ne sont pas générés par cet appareil, c’est-à-dire du bruit. Dans cette
optique, le bruit est l’environnement du système du son. Alors, Di Scipio inclut dans
son approche musicale que le bruit est considéré comme indésirable dans
l’‘écoulement de communication linéaire’.
3.5.4 Architecture et fonction de l’Interface Eco-Systémique Audible
Di Scipio, dans sa stratégie alternative au paradigme d’interaction, utilise le terme
Interface Eco-Systémique Audible (Audible Eco-Systemic Interface = AESI).
Premièrement, le terme Eco-Systémique réfère à la pensée systémique, mais plus
particulièrement sur la théorie de la différenciation du système. La musique est
l’écosystème de l’interaction entre le système, constitué par l’ordinateur, et son
145 ‘When a system enters a non-destructive interaction with the surrounding environment […], it is called an eco-system’ Ibid.
146 Ibid., p.273
- 50 -
environnement, la salle du concert. Deuxièmement, le terme Interface Audible réfère
au cas où tous les changements communicatifs sont seulement dans un niveau auditif.
Au lieu de l’interrelation conventionnelle des systèmes interactifs musicaux
humain-ordinateur, Di Scipio parle dans son approche systémique d’une connexion
triangulaire humain-environnement-ordinateur. Dans cette approche, l’importance de
l’interaction directe entre l’humain et l’ordinateur est diminuée. Elle devient
optionnelle mais leur liaison indirecte, via l’environnement, est permanente (fig.3.3).
Fig.3.3 – Connexion Ecosystémique triangulaire 147
Une des idées les plus importantes dans son approche est celle de rétroaction.
Dans la forme fondamentale de l’AESI, il y a une boucle de ‘rétroaction’ constante
entre les éléments de la chambre et l’ordinateur qui n’inclut pas le facteur humain
(fig.3.4). Di Scipio décrit l’AESI :148
1) La boucle commence avec l’ordinateur qui produit un son initial via les haut-
parleurs dans la chambre.
2) Le son initial qui sonne dans la chambre rentre dans l’ordinateur via les
microphones.
3) L’ordinateur en analysant le signal des microphones exporte les informations
du son.
147 Reproduction de figure 3 trouvée dans : Ibid., p.272
148 Ibid., p.272-273
agent humain
ordinateur
ambiance sonore
- 51 -
microphones
chambre
son
DSP
ordinateur
signal de contrôle
moniteur
4) Les données exportées sont utilisées pour produire des signaux de contrôle de
faible taux (low-rate control signal) qui contrôlent les paramètres de traitement
de signal audio.
5) Le résultat du traitement est audible à la sortie, les haut-parleurs.
Fig.3.4 – Forme fondamentale de l’Interface Ecosystémique Audible 149
La boucle de rétroaction dans l’AESI se trouve au niveau des infrasons et son rôle
principal est de créer des signaux de contrôle. etc.). Les traitements forment un réseau
des variables du temps. Notamment, il est caractéristique de ce réseau que des
résultats de long terme peuvent émerger par événements qui ne sont pas directement
perceptible.
D’après ce que nous avons pu voir précédemment, les signaux de contrôle
ainsi que les variables d’AESI, sont formés par le traitement des caractéristiques de
l’environnement. Les signaux sont basés sur des caractéristiques
psychoacoustique comme :
amplitude
densité des événements
propriétés spectrales (par exemple brillance)
149 Reproduction de figure 4 trouvée dans : Ibid., p.272
- 52 -
délais entre les microphones
Chaque variable est interprétée différemment pour créer de multiples signaux de
contrôle différents. Il est intéressant de voir aussi que Di Scipio évite les variables
reliées avec la fréquence.
Après leur exportation, les variables définies par l’environnement sont
utilisées pour créer des fonctions. Le but de ces fonctions est de former un réseau de
contraintes (constrains) entre les variables de temps réel et de contrôler ces contraintes
en relation avec les conditions externes et internes. Di Scipio énumère quelques unes
de ces fonctions qu’il utilise dans la pensée ‘systémique’ :
Compensation : D’équilibrer un effet par un autre (ex : a. quand la ‘densité’
des événements s’élève, l’amplitude s’atténue. b. Si l’amplitude s’élève la
durée du grain se limite.)
Hystérésis. Cette fonction suit, avec un peu de retard, la valeur d’une variable
pour s’accorder avec elle.
Redondance. De soutenir, d’amplifier et caractéristique qui domine. Par
exemple, si l’amplitude de la chambre s’élève, la fonction élève la densité
granulaire.
Concurrence : soutenir une caractéristique qui contraste avec celle qui
domine.
Une autre des variables des fonctions de l’AESI est la sensibilité aux conditions
externes. Cette variable influe sur la réaction du système et elle est proportionnelle
avec la densité et l’amplitude de l’environnement.
Selon Di Scipio, toujours influencé par la pensée systémique, il y a deux critères
principaux d’orientation qui concourent. Le résultat aboutit à une performance
intéressante :
1) Homéostasie : c’est la tendance centripète du système pour avoir une attitude
stable. Dans le contexte musical, il est le critère qui donne l’identité sonore au
système.
2) Homéorésie : c’est la tendance centrifuge du système pour avoir une attitude
aléatoire. Dans le contexte musical, il est le critère qui donne l’ambiguïté (de
l’identité) au système.
- 53 -
3.5.5 Emergence dans l’Interface Eco-Systémique Audible
D'après Di Scipio, ‘dans le processus de temps réel de l’AESI, les interactions entre
l’ordinateur et l’ambiance apparaissent comme des propriétés émergentes d’une
dynamique auto-organisée’.150 Cette émergence dépend de:
1) L’application des signaux de contrôle aux paramètres de méthode de DSP.
2) Le réseau de variable de temps réel
3) Le matériel auditif introduit dans la ‘boucle de rétroaction’
4) L’acoustique de l’espace
Je peux remarquer que seulement le premier et le deuxième facteur d’émergence sont
définis par le compositeur tandis que le troisième et quatrième, dépendent de facteurs
variables. Conséquemment, chaque performance dépend de la combinaison du
matériel ainsi que des particularités propre à chaque espace.
3.5.6 Comparaison de l’Interface Eco-Systémique Audible avec le modèle
cybernétique d’un système de contrôle
Maintenant, j’essayerai de représenter l’AESI à travers le modèle cybernétique
(fig.3.5). On a vu dans le premier chapitre le modèle du système cybernétique comme
une boucle de rétroaction avec deux entrées, le but et la perturbation. Dans l’AESI, le
but est aussi de contrôler les valeurs préférables du système qui sont ici de la nature
psychoacoustique. Les perturbations sont des sons imprévus, normalement
indésirables, le bruit. Cependant d’après ce que nous avons traité plus tôt, Di Scipio
considère le bruit comme la source même de l’existence de son écosystème. Dès lors,
le fonctionnement d’AESI est décrit ci-dessous :
1) Le système observe auditivement l’environnement qui est l’espace de la
performance. Le processus de la perception est possible à travers les
microphones (les ‘organes sensoriels’) qui représentent le son numériquement.
2) La représentation du son est traitée dans deux lignes différentes : le traitement
de signal de contrôle (CSP - Control Signal Processing) et le traitement de
signal numérique (DSP - Digital Signal Processing). Dans le CSP, les
combinaisons des valeurs de caractéristiques psychoacoustiques influencent
150 Ibid., p.275
- 54 -
les valeurs de DSP à travers un mappage non linaire (fig.3.6). Alors, les
caractéristiques de DSP sont définies par le CSP en même temps que le DSP
traite le son.
3) Le résultat de traitement est traduit au son via le DAC et il est perceptible
auditivement via les haut-parleurs.
4) Le son qui sort dans la chambre a une influence sur la dynamique de
l’environnement sonore. En outre, des perturbations, c’est-à-dire le son qui ne
sort pas du système sonore, les bruits, influent sur la dynamique de
l’environnement.
5) Enfin la boucle se referme avec le système qui observe l’environnement qui a
changé.
Le système utilise le même moyen pour prendre son énergie pour son organisation,
mais aussi pour prendre les informations dont il a besoin pour son organisation. Alors,
l’organisation du système change constamment, mais ce changement est dû à lui-
même, à travers l’environnement.
Fig.3.5 – Le système de Di Scipio selon le modèle cybernétique
- 55 -
3.5.7 Conclusions sur le modèle de Di Scipio151
Dans l’approche du projet AESI de Di Scipio, le rôle du compositeur devient de
‘composer’ les rapports rétroactifs et non-linéaires entre des paramètres
psychoacoustique et il laisse le système s’auto-organiser à travers ces rapports. Ainsi,
le résultat musical émerge de l’auto-organisation du système. Brièvement, les
processus dans l’AESI sont les suivants :
Le son d’un espace donné est observé par l’entrée (les microphones) du
système.
Des caractéristiques psychoacoustiques spécifiques sont extraites. C'est-à-dire,
chaque caractéristique qualitative est traduite à un paramètre quantitatif de son
domaine approprié (ex. la caractéristique d’intensité est traduite en amplitude
linéaire).
3. En se situant à un niveau quantitatif, chaque paramètre peut influencer
n’importe quel paramètre du son mais peut aussi être influencé par d’autres
paramètres. Ici, il y a le rôle créatif du compositeur qui crée un réseau
d’interactions entre les paramètres que le système extrait, mais aussi des
opérations de traitement de DSP (sampling, synthèse granulaire etc.).
151 Les conclusions ici résume la théorie mais aussi essaie de le clarifier à travers les informations pratique qui à donne à la session de CCMIX (Agostino Di Scipio. 2007. Notes est enregistrements des séminaires d’Agostino Di Scipio en interaction avec les étudiants de CCMIX de 26 à 29 mars 2007. Matériel inédit.)
son
les valeurs de caractéristiques
sonores
χ
ψ
ω
le mappage linéaire &
non-linéaire
DSP
α
β
γ
les valeurs de DSP
Fig.3.6 – Le mappage de CSP
- 56 -
4. UN MODELE SYSTEMIQUE DE LA MUSIQUE SYMBOLIQUE
4.1 Introduction
Depuis le début de ma recherche, mon but principal était de trouver des liens entre la
pensée systémique et la musique. Mon objectif premier était de développer des outils
pour l’écriture instrumentale. Après mon étude sur la pensée systémique et l’approche
de Di Scipio sur cette théorie, j’ai commencé à créer un modèle que je vais décrire ci-
dessous.
Le résultat le plus direct de la recherche sur la pensée systémique était la
formalisation d’un modèle expérimental que je l’ai nommé le Système Créatif de la
Musique Symbolique. Le terme ‘symbolique’ se repose sur le fait que tous les
échanges d’informations entre les différents éléments du modèle, sont à un niveau
symbolique, c’est-à-dire à travers la partition.152 L’approche traite l’œuvre
compositionnelle dans un contexte systémique en appliquant des notions de la théorie.
Je commence par une optique macroscopique d’un modèle systémique de
l’œuvre compositionnelle. Je me focalise progressivement sur le processus créatif
pour développer le Système Créatif de la Musique Symbolique. Pour faire cela,
premièrement, je considère l’œuvre compositionnelle comme un écosystème
communicatif pour établir le contexte de l’approche. Ensuite, je parle du processus
créatif en exposant petit à petit les caractéristiques du modèle. Basé sur l’abstraction
du modèle de la musique interactive, je développe la structure et le fonctionnement du
modèle.153
152 J’utilise le terme ‘music symbolique’ introduit par Xenakis comme ‘une esquisse logique et algébrique de la composition musicale’ (Xenakis, 1963, op.cit., p.185)
153 Avant que j’aie commencé à formuler ce modèle pour l’écriture instrumentale, j’ai fait une série des expériences avec des moyens électronique où j’appliquais des notions systémique au son. Dans l’appendice j’expose un mémorandum court de ces expériences.
- 57 -
4.2 La vision systémique de l’œuvre compositionnelle
4.2.1 L’œuvre-système
Premièrement, pour parler d’un point de vue systémique, on doit considérer la notion
de l’œuvre compositionnelle, comme un système dynamique : un ensemble d’éléments
organisés à des niveaux différents et qui est en changement continuel. Avant que je
tente d’expliquer l’application de cette abstraction, je dois établir le sens de l’œuvre
compositionnelle dans un contexte systémique.
Pour éviter le débat sur la question de la définition d’une œuvre, si c’est une
partition ou une performance idéale, on va la considérer comme le complexe
compositeur-partition-performers-public (l’œuvre-système) situé dans son contexte
social (son environnement). Une simple interprétation de cette perspective systémique
serait un écoulement linéaire de communication : d’abord, le compositeur reçoit des
stimuli différents du contexte social qui influent sur l’écriture de sa partition. Puis, les
performers reçoivent à travers la partition les informations nécessaires pour exécuter
l’œuvre qu’un public écoute. Et enfin, l’œuvre a un effet sur le contexte social à
travers le public (fig.4.1).
compositeur partition performers public
ŒUVRE
CONTEXT SOCIAL
Fig.4.1 – Une interprétation simple du sens ‘œuvre compositionnelle’ comme un écoulement linéaire
- 58 -
Evidemment, le modèle ci-dessus est une esquisse simpliste. Pour s’approcher
d’avantage de la réalité, on doit également considérer entre les parties du système :
la causalité circulaire (les interactions)
les connections non linéaire
la différence d’intensité des connections
les niveaux organisationnels différents.
Par conséquence, l’écosystème œuvre-contexte social serait plus proche avec
l’interprétation de la fig.4.2.
4.2.2 Le niveau de création
On peut distinguer que l’œuvre, comme elle apparaît dans le modèle de la fig.4.2,
comporte deux niveaux distincts : le niveau de la création et le niveau de la
performance. Le niveau de la création comprend le compositeur et la partition. Tandis
que le niveau de la performance comprend les performers et le public. Dans cette
enquête, je suis principalement intéressé par le niveau du système créatif. Par
conséquent, le reste du système que je l’ai décrit précédemment, devient
compositeur partition
public performers CONTEXT
SOCIAL
ŒUVRE
PERFORMANCE
CREATION
Fig.4.2 – Une interprétation plus détaillé du sens ‘œuvre compositionnelle’ : Les niveaux différents de l’écosystème œuvre-société et les connexions entre les parties
- 59 -
l’environnement de la création. Dans le niveau créatif, il y a une connexion de
rétroaction entre le compositeur et la partition : le compositeur influe sur la partition
en écrivant tandis qu’elle influe sur ses actions précédentes à cause de sa présence
constante. Le compositeur traite la partition en vue de son accomplissement. Ici,
l’échange des informations s’effectue à un niveau symbolique. C’est pour cette raison
que je parle du Modèle Systémique de la Musique Symbolique. Le rôle de la partition
est de donner au compositeur, à travers des moyens symboliques, le contrôle des
paramètres dont il a envie et qui lui sont accessibles.154 De plus, le compositeur
cristallise son imagination dans le but d’une performance visée.
J’ai ébauché en grande ligne le contexte de l’œuvre compositionnelle. Mais
avant que j’ai parle en détail de notre approche dans ce niveau, je dois faire une
connexion précise entre le modèle abstrait et le résultat concret.
4.3 Le Modèle de la Musique Interactive
J’ai introduit précédemment le modèle cybernétique, quelques notions de la théorie
des systèmes généraux, ainsi que les résultats de la critique de Di Scipio sur le modèle
de la musique interactive. Basé à partir de ces éléments, je vais essayer de faire une
abstraction simple pour l’utiliser comme l’élément de base de mon modèle.
En résumé, la manifestation conventionnelle du modèle de la musique
interactive est un système simple, le DSP avec une entrée et une sortie. Un agent-
performer contrôle le système en entrant des données ou du son dans l’entrée. Le
résultat sonore vient de la sortie. Le délai entre l’entrée et la sortie est pratiquement
très court alors qu’on aperçoit toutes les opérations en temps-réel. Ici le rôle du
compositeur est d’organiser les fonctions de DSP, pour avoir des résultats satisfaisants
provenant de la relation d’entrée-sortie pendant la performance. Enfin, entre l’entrée
et la sortie, il y a une connexion rétroactive pour des raisons de surveillance
(d’habitude, soutenir avec des moyens visuels) (fig.4.3).
154 J’implique que le rôle du compositeur est plus que le contrôle du résultat auditif. Plusieurs compositeurs ont écrits des œuvres où ils sont aussi intéressés par des éléments visuels.
- 60 -
Dans la version du modèle de Di Scipio, la connexion rétroactive connecte
directement la sortie avec l’entrée. Il en résulte un système auto-organisé. Comme je
l’ai dit avant (3.5.6), cette connexion rétroactive est possible avec les fonctions de
mappage. Dans cette approche, les caractéristiques du son sont couplées directement
avec les opérations de DSP (fig.3.6).
4.4 Le Système Créatif de la Musique Symbolique
4.4.1 Le modèle basique
Je vais maintenant revenir au niveau créatif de l’œuvre. On cherche le modèle d’un
Système Créatif de la Musique Symbolique. Pour faciliter la fonction du modèle je
dois faire trois concessions :
1) On accepte que le domaine du temps de la partition soit proportionnel au
temps-réel d’une performance possible.
2) On parle de la situation idéale où les rôles de la partition et des performers
fonctionnent parfaitement.155 En conséquence, dans le système, tous les
échanges des informations se font à un niveau symbolique. L’entrée est
contrôlée par le compositeur-agent et le résultat est la partition en préparation.
3) On omet le délai du processus créatif et toutes les préparations précédant la
performance, alors tous les processus entre l’entrée et la sortie du système
créatif sont en temps-réel.
155 On considère le rôle de la partition comme le moyen d’envoyer les informations pour l’exécution de l’œuvre, et le rôle des performers, comme le moyen d’envoyer les informations pour la perception de l’œuvre. L’accomplissement du rôle de la partition dépend la plupart des fois du compositeur et s’il a réussi à écrire clairement ses idées sur papier. De la même façon, l’accomplissement du rôle des performers dépend la plupart des fois de leur niveau musical, de la qualité communicative entre eux ainsi que le temps consacré à la préparation de l’exécution.
DSP
délai ≈ 0
données ou son
son
Fig. 4.3 – Manifestation conventionnelle du modèle de la musique interactive
moniteur
- 61 -
Alors, le ‘Système Créatif’ est régulé par le compositeur qui introduit des
informations symboliques à son entrée. Le résultat est la partition émergée qui dérive
de la sortie. En plus, il suit le résultat avec des moyens de surveillance (fig.4.5).156
Le modèle implique que :
1) Le compositeur organise les différents niveaux de son Système Créatif
2) Le compositeur contrôle le Système Créatif à travers son entrée
Il est également possible que les informations d’entrée puissent aussi être le résultat
d’un autre Système Créatif avec sa sortie couplée avec la sortie de ce système.
4.4.2 La structure
Les éléments qui constituent la structure du Système Créatif, à un niveau
organisationnel inférieur à ce que j’ai traité précédemment, sont aussi des systèmes
régulateurs. Le compositeur, dans un état préliminaire au niveau créatif, choisit le
niveau de l’application du modèle selon les entités sonores qu’il veut contrôler. Ces
entités sonores peuvent être des objets, des formes, des identités, des événements
sonores, ou simplement des structures traditionnelles comme des accords ou des
lignes mélodiques. Il doit aussi choisir les relations entre les entités, c’est-à-dire la
réponse d’une entité aux stimuli d’une autre. Le compositeur, en descendant dans les
niveaux inferieurs de l’organisation de son système, prend ses décisions personnelles
qui définissent les contraintes de son Système Créatif.
156 Le moniteur peut être différent pour chaque compositeur : certains compositeurs plus expérimentés peuvent imaginer le résultat sonore ; d’autres jouent en transcription de résultat au piano ou à un autre instrument ; il y a aussi des compositeurs qui utilisent des performers pour essayer des parties de leur résultat ; d’autres encore, utilisent la simulation électronique.
Système Créatif
compositeur partition
délai ≈ 0
moniteur
Fig. 4.5 – Le modèle du Système Créatif de la Musique Symbolique
- 62 -
Fig. 4.6 – Les hauteurs plus basses de chaque instrument, les intervalles entre eux et leurs ratiosharmoniques correspondants
Pour rendre le modèle plus concret, je vais l’appliquer à une formation pour
quintet d’accords. Je choisis ici les instruments comme entités principales du Système
Créatif. Je les organise en fonction de leur note la plus basse. Les intervalles entre
chaque instrument et leurs ratios selon la série harmonique, sont notés à la fig.4.6.157
Si on considère toutes les combinaisons possibles des ratios harmoniques entre les
instruments, on obtient le système des relations de la fig.4.7.158
Ce qui importe est de créer des rapports qualitatifs entre les éléments du
Système Créatif. Toutes les fractions ordinaires (c’est-à-dire
numérateur < dénominateur) peuvent s’exprimer comme la propriété de proximité de
registre. La cohésion absolue exprimée numériquement avec 1, exprime
qualitativement le même registre des instruments. La cohésion inexistante exprimée
numériquement avec 0, exprime une propriété d’inexistence de rapport (peut-être
157 Il serait plus intéressant d’organiser le système selon les intervalles de tous les accords. Les intervalles entre les accords des vln I, vln II, vla et vc sont accordés en 5ème. Par contre, les accords de cb qui sont accordés en 4ème, rajoutent une complexité pas nécessaire qu’on évite pour la clarté de la présentation.
158 Le rapport A/B entre deux instruments A et B est exprimé avec une flèche de A vers B (AB) tandis que l’inverse (B/A), est exprimé avec une flèche de B vers A (ΒΑ).
unison = 1:1 ou 24:24
5ème = 3:2 ou 24:16
8ve = 2:1 ou 16:8
6ème min = 5:8
- 63 -
utilisée entre des instruments où il n’y a pas de rapport de hauteur entre eux si au
moins l’un d’eux est d’une hauteur indéterminée).
J’utilise aussi les relations entre les ratios pour profiter des propriétés spatiales
du son. Je me base sur le fait que : 159
1) La distance spatiale entre deux sources sonores est importante pour
leur séparation perceptuelle.
2) Deux sons issus de deux sources séparés spatialement, qui sont de la
même fréquence et qui sonnent en même temps, ont une tendance à se
fondre perceptuellement en un son qui semble provenir d’entre les
deux sources.
J’essaie de séparer les instruments inversement proportionnellement avec leur
valeur de ‘proximité’, c’est-à-dire : les deux violons à la distance la plus large
possible dans la scène ; le violon et l’alto aux 2 : 3 de la distance des violons ; entre
l’alto et le violoncelle la moitié de la distance des violons etc.
159 Bregman, op. cit., pp.293-300
vln II
vla
vln I
vc
1:1
3:1 1:3 3:2 2:3
1:2
2:1
5:8
8:5
1:1
cb
1:3
3:1
16:5
5:16
24:5 5:24 24:5 5:24
3:2
2:3
Fig. 4.7 – Les relations des ratios harmoniques entre les instruments
- 64 -
Cette configuration rend impossible le respect de tous les rapports entre tous
les instruments. Elle peut être utilisée d’une manière créative pour donner des
rapports nouveaux entre les éléments. La fig.4.8 montre un placement possible.
J’essaie de respecter le plus de valeurs de proximité possible entre un instrument et les
autres. Si la ‘proximité’ est respectée, elle impose la distance. Dans le cas où il n’est
pas possible de respecter cette proximité, la distance arbitraire impose la nouvelle
valeur de la ‘proximité’. Par exemple, les distances entre le vc et les vln I, vla, cb,
sont respectées. Par contre, la distance entre le vc et le vln II est imposée par le
résultat des autres distances. Cette distance impose la nouvelle valeur de la
‘proximité’ entre les deux instruments.
vln II vln I
vc
vla
cb
α/3 => 5,33
α/2 => 2
4α/5 <= 12,8
5α/8 => 10
5α/16 => 10
0,35α <= 5,66
9α /10 <= 14,330,83α <= 13,33
2α/3 => 10,66
α = 16
Fig. 4.8 – Un placement possible des instruments à la scène. La fraction de lettre α signifie la distanceentre les violons qui est la proximité référentielle et le numéro à droite montre le résultat dansl’espace. Le signe d’implication (=>) montre si le rapport est respecté ou s’il est imposé par ladistance
- 65 -
En conséquence, les valeurs nouvelles de la ‘proximité’ donnent le système des
relations de fig.4.9.
On utilise aussi la valeur de la ‘proximité’ proportionnellement avec le
matériel de chaque instrument. Alors, les deux violons utiliseront un matériel
identique mais qui proviendra de la distance la plus large, pendant que le vln I et le vc
qui sont plus proches, utiliseront un matériel plus divers. (fig.4.10).
Un Système Créatif, comme je l’ai décrit ci-dessus, n’est pas nécessairement
le système entier de la création symbolique et évidemment, il est très loin du résultat
compositionnel décisif. Le compositeur fait un système déterminé (pas déterministe)
mais aussi flexible. Le système vise à être contrôlable et ses contraintes visent à
donner au compositeur la plus large liberté possible.
Le compositeur en désignant son Système Créatif, fait des choix ‘stratégiques’
qui lui donneront les résultats qu’il désire. Par ailleurs, dans l’utilisation de son
Système Créatif, il doit penser que chaque introduction des données symboliques aura
des conséquences temporelles beaucoup plus larges que son choix momentané. Il doit
toujours penser au résultat émergent d’une seule action sur son Système Créatif.
vln II
vla
vln I
vc
cb
83:100
1:1
4:5 9:10
35:100
1:2
5:16
2:3
5:8
1:3
Fig. 4.9 – Les valeurs de ‘proximité’ entre les instruments comme résultat de leur placement spatial
- 66 -
4.4.3 Le fonctionnement
Le compositeur, après l’esquisse de son Système Créatif, le met en fonctionnement :
Il introduit des informations symboliques qui résultent aux segments de la partition.
Le résultat dépend de l’esquisse du Système Créatif mais aussi des données qu’il
introduit. Par conséquent, le compositeur doit être conscient des conséquences de ses
actions à travers le résultat émergent, dans les deux états créatifs.
En général, un Système Créatif est constitué d’éléments qui sont connectés
d’une façon particulière. Chaque élément est aussi un système avec son entrée, sa
sortie, son délai et sa fonction de mappage. Chaque élément reçoit les informations
par son entrée, les traites en fonction de son mappage, et les envoie par sa sortie après
son délai.
vln II
vc
vla
cb
vln I
Fig. 4.10 – L’application des valeurs de la ‘proximité’ et les rapports rétroactifs de matériel entre lesinstruments
- 67 -
Pour éclairer le fonctionnement du Système Créatif, je vais commencer avec
un système à deux éléments, A et B. L’entrée du Système Créatif est connecté
directement avec l’entrée du A et A est connecté avec B. Chaque sortie des deux
éléments est connectée avec la sortie du Système Créatif. Dans cet exemple
seulement, l’élément A influe sur l’élément B, en d’autres termes, A domine B. Il n’y
a alors pas de rétroaction entre les deux éléments (fig.4.11). Pour le moment, j’ignore
les informations de tempo et de dynamique. Je choisis aussi que le mappage entre
l’entrée et la sortie soit neutre, c’est-à-dire que les
éléments envoient exactement ce qu’ils reçoivent. Je détermine un délaia = 0 et
délaib = . Alors, le compositeur introduit trois fois de suite le même
motif rythmique :
Dans la fig.4.12 on peut observer les états du fonctionnement du Système
Créatif. Le A reçoit les informations de l’entrée (le compositeur), qui les envoie
immédiatement au B et en même temps à la sortie (la partition). B reçoit les
informations du A, qui les envoie après une noire pointée à la sortie. Enfin, la
partition reçoit la combinaison des deux messages. On peut imaginer que les éléments
A et B du Système Créatif sont deux instruments différents. Cependant, il est possible
aussi qu’ils soient deux éléments du même système qui contrôle les actions d’un seul
instrument.
compositeur partition
délai = 0
SCMS
moniteur
A
B
délaia = a
délaib = b
Fig. 4.11 – Première exemple de Système Créatif se composé des éléments A et B
- 68 -
Je l’ai dit dans cet exemple, que la fonction de mappage dans chaque élément
est neutre. C'est pourquoi le seul facteur qui cause la différence des informations entre
l’entrée et la sortie est la différence des délais entre les deux éléments. Le résultat
serait identique même-si les deux éléments n’étaient pas connectés linéairement avec
l’entrée, mais parallèlement. Effectivement, la multiplicité d’un seul principe dans
une manière créative peut toujours donner des produits intéressants. Néanmoins, pour
vraiment bénéficier du modèle du Système Créatif on doit créer entre les éléments :
1) des fonctions de ‘mappage’
2) des relations rétroactives
Les données de l’entrée sont traitées selon une fonction déterminée, le
mappage, et elles ressortent par la sortie. Le traitement peut donner des résultats du
même domaine symbolique (ex. hauteur α hauteur β) ou des résultats de domaines
différents (ex. hauteur x dynamique y). Les données du mappage entre l’entrée et
la sortie sont les domaines symboliques suivants :
1) durée du message
2) taux de changement (le numéro des événements à l’unité donnée temporelle)
3) durée de chaque événement
A
B
composer
delayb =
delaya = 0
score
SCMS
Fig. 4.12 – Un exemple d’états différents du fonctionnement du Système Créatif.
- 69 -
4) hauteurs
5) dynamiques
Il est également possible de régler d’autres paramètres qui sont contrôlables
symboliquement comme le timbre avec des changements de techniques d’articulation
ou des changements d’instruments (dans le cas où l’on traite des éléments où chacun
est composé par deux ou plusieurs instruments).
En utilisant les rapports des hauteurs les plus basses entre les vln, vla, vc
(fig.4.13), j’esquisse le système de fig.4.14.160 J’utilise seulement le mappage linéaire
et seulement entre des paramètres du même domaine. Je décide que les rapports entre
les instruments définissent tous les paramètres (les mappages et les délais), et que le
numéro des événements dans chaque transmission reste constant. Dans le tableau de
la fig.4.15, j’expose tous les changements qui résultent des rapports entre les
instruments. Je n’ajoute pas de rapport pour les dynamiques.
160 Pour simplifier les figures, je vais, à partir de maintenant, exposer seulement l’intérieur du SCMS. De plus, j’omettrais les connections entre chaque élément et la sortie du système en acceptant que chaque élément envoie directement les messages qu’il reçoit à la sortie du système.
vln
vcvla1
12
3 3
2
Fig. 4.13 – Les rapports des hauteurs les plus basses entre le violon, l’alto et le violoncelle.
vln vla vc
32 21
31
délai = α
délai = 2(3α/2)
délai = 3α/2
Fig. 4.14 – Système avec rétroaction et mappage
- 70 -
Dans la fig.4.16, on peut observer ce qu’il se passe si on introduit à l’entrée les
informations de la première mesure. Je peux remarquer que la rétroaction entre le
premier et le dernier élément recommence le processus. S’il n’y a pas de facteur de
déclin d’informations, comme la baisse graduelle des dynamiques, le système
continue en boucle, jusqu’au moment où l’on ferme sa sortie. Notamment, même si
j’omets le violoncelle et en conséquence ses rapports avec le violon et l’alto, les
rapports entre le violon et l’alto restent les mêmes (fig.4.17). Les rapports vlnvla et
vlavln sont des fractions réciproques. 161 C’est pourquoi la boucle du système est
invariante.
161 La fraction a/b est réciproque de la fraction c/d et vice versa, si a=d et b=c.
vln vla vla vc vc vln
hauteur G3 C3 C3 C2 C2 G3
durée d’événement
durée du message
délai
Fig. 4.16 – Le résultat de la sortie du Système Créatif de fig.4.14 (les lignes montrent les transitionsdes informations)
Fig. 4.15 – Le tableau des mappages et des délais
- 71 -
Pour avoir des variations de l’information à travers la rétroaction, je dois
introduire des rapports non-réciproques entre les éléments. Dans le système de la
fig.4.17, je change le rapport vlavln (fig.4.18). J’utilise seulement des valeurs de
délai constant pour faciliter la démonstration (délaia = délaib = ). Pour rendre l’effet
de la rétroaction évident, j’ajoute des variations arbitraires au vla (qui ne sont pas
dans les fonctions prédéfinies du système).
Dans le cadre de l’utilisation d’un Système Créatif particulier, ses éléments
existent toujours car ils sont indépendants de l’entrée du Système Créatif. Leur
existence dépend seulement de l’état de l’esquisse du Système Créatif. L’existence
3 2
3 2vln vla
Fig. 4.17 – Le système de la fig.4.14 sans l’élément de vc
délaia =
délaib =
2 1
3 2vln vla
Fig. 4.18 – Système avec des rapports non-réciproques
Fig.4.19 – Le résultat de la sortie du Système Créatif de fig. 4.18
- 72 -
d’un élément est évidente seulement si les informations qui comportent ses
caractéristiques arrivent à la partition de sa sortie.
Les exemples que l’on a montrés ci-dessus ne possèdent pas de valeur
artistique. Ils sont simples pour pouvoir exposer clairement les principes
fondamentaux de la fonction du Système Créatif. C’est au compositeur d’utiliser son
imagination afin d’élaborer une approche unique pour l’esquisse et l’utilisation de son
Système Créatif.
4.5 Observations
4.5.1 Les valeurs d’un modèle systémique
Le modèle ne vise pas à créer une méthode de composition automatique même si ceci
est également possible. Ce qui importe ici c’est que ce modèle donne au compositeur
une approche à plusieurs niveaux. Il peut permuter entre 1) les différents niveaux du
système pour esquisser et changer leurs paramètres 2) l’introduction de matériel à
l’entrée du système.
L’autre avantage est que le modèle bénéficie de la pensée systémique. La
psychologie de la perception auditive traite les principes innés et appris que l’on
utilise pour organiser notre perception du monde sonore. Il peut être la liaison pour
trouver des isomorphismes entre des principes de l’organisation de la musique et des
principes de l’organisation du monde matériel, des organismes vivants, de la société
etc. Alors, à travers les sciences cognitives et les notions systémiques, on peut ouvrir
la porte de la musique aux notions utilisées dans les domaines scientifiques différents.
Ces notions visent à comprendre, expliquer et manipuler les niveaux différents du
monde perceptible.
4.5.2 Holisme
L’approche de la composition à travers un modèle donne un contexte holistique pour
la création et la perception d’une œuvre, une sorte d’épistémologie du compositeur.
On doit considérer aussi que dans le cas où l’approche esthétique et technique
deviennent inséparables, l’un est le résultat de l’autre. Il est également important de
noter que tous les domaines de contrôle sont interconnectés. Les opérations dans un
- 73 -
domaine influent sur les résultats dans tous les autres domaines [par exemple le
développement rythmique peut avoir des conséquences au niveau horizontal
(harmonique)].
4.5.3 Qualitative et quantitative
Le compositeur de la musique symbolique, même s’il ignore ou s’il ne s’intéresse pas
à l’aspect mathématique du son, utilise des symboles qui représentent des quantités
avec lesquelles il crée des relations. Le but est que les relations quantitatives aient une
signifiance perceptuelle à travers le son. Alors, il traite des relations quantitatives pour
en faire des organisations qualitatives.
Les symboles musicaux ont été créés et ont évolué dans l’histoire de la
musique pour être le plus pratique possible à écrire et à lire. Les symboles
représentent des entités qualitatives mais ils ne sont pas des entités qualitatives. C’est
le contexte qui leur donne une signifiance qualitative. Par exemple, on n’apprécie pas
l’intervalle de la tierce mineur en lui-même, mais la qualité perceptuelle du résultat
sonore et sa signifiance dans un contexte musical.
Le compositeur intéressé par les relations quantitatives du son doit toujours
être conscient du fait qu’il contrôle une totalité émergente qualitative. C’est comme si
une personne faisait des expériences avec les ingrédients de l’omelette sans
s’intéresser par le fait qu’elle soit mangeable ou pas.
- 74 -
5. CONCLUSIONS
Dans le deuxième chapitre, j’ai parlé de la pensée systémique dans un contexte
historique et j’ai exposé quelques unes de ses notions fondamentales. La pensée
systémique a commencé par une tendance et est ensuite devenue une théorie qui a
influencé toute la pensée scientifique. Aujourd’hui, elle continue à se développer
comme une science multidisciplinaire sous le nom de ‘science de la complexité’.
Deux développements de la Deuxième Guerre mondiale étaient fondamentaux pour la
pensée systémique : le développement de l’ordinateur et les groupes
multidisciplinaires. La cybernétique a commencé dans un groupe de ce type. Entre
autres valeurs, la systémique visait à l’unification de la science par un langage
commun, donnait une approche alternative de la dominance du réductionnisme et
regardait le monde comme un tout. Enfin, j’ai abordé quelques notions systémiques
importantes, comme l’organisation, le système, le système ouvert, la différenciation
du système, l’homéostat, l’auto-organisation, la compétition, la rétroaction, le délai, le
modèle cybernétique, et finalement l’émergence qui est centrale aujourd’hui dans la
science de la complexité.
Dans le troisième chapitre j’ai essayé d’établir une connexion entre la pensée
systémique et la musique à travers les approches de Xenakis et de Di Scipio. Xenakis
a fait un effort considérable pour lier la musique avec la science les mathématiques. Il
a montré la nécessité d’introduire la notion de la probabilité avec son allégation contre
la musique sérielle. J’ai parlé de sa vision universelle et de son scepticisme sur les
manières de l’application de la pensée systémique dans la musique. Néanmoins, j’ai
montré que Xenakis a utilisé des notions de la théorie. Comme Xenakis a identifié la
nécessité d’une approche mathématique à travers sa critique sur le sérialisme, de la
même façon, Di Scipio voit la nécessité d’une approche systémique à travers sa
critique sur la musique électronique de Xenakis. Di Scipio a tenté de montrer que les
lois probabilistes ne sont pas suffisantes pour l’application de l’hypothèse de
deuxième ordre. J’ai exposé les caractéristiques de son approche compositionnelle qui
sont basées sur sa problématique sur Xenakis en utilisant des notions systémiques : la
Théorie de l’Emergence Sonologique et l’Interface Eco-Systémique Audible. Di
Scipio a fait la distinction entre les deux approches de la musique électronique,
l’algorithmique et la timbrale, pour établir sa ‘théorie de l’émergence sonologique’
- 75 -
comme une approche qui mélange les deux paradigmes. Comme une théorie, j’ai noté
que l’émergence sonologique peut être considérée comme une généralisation de
l’hypothèse des sonorités de deuxième ordre de Xenakis. L’ ‘Interface Eco-
Systémique Audible’ est l’approche de Di Scipio sur le modèle de la musique
interactive influencée par la notion d’auto-organisation. La notion de rétroaction est
utilisée dans d’une manière créative pour que le système soit capable de s’influencer
lui-même. J’ai noté que le système de Di Scipio peut être considéré comme une
évolution du mécanisme de Xenakis. Puis, j’ai expliqué l’architecture et le
fonctionnement de l’Interface Eco-Systémique Audible. Enfin, on a vu quelques
notions systémiques qui sont incorporées dans cette approche et j’ai comparé
l’Interface Eco-Systémique Audible avec le modèle cybernétique d’un système de
contrôle.
Le quatrième chapitre présent une tentative d’application basée sur la
recherche de la pensée systémique et son rapport avec la musique à travers les
approches de Xenakis et de Di Scipio. J’ai essayé de faire l’abstraction du modèle de
la musique interactive et de l’appliquer à l’écriture instrumentale. Pour faire cela, j’ai
considéré l’œuvre compositionnelle comme un système à plusieurs niveaux. Puis, j’ai
esquissé le Système Créatif de la Musique Symbolique. Dans cette approche, le
compositeur peut permuter entre deux niveaux de création : il construit son Système
Créatif et le met en fonctionnement. Pour créer son Système Créatif, il choisit les
éléments qu’il utilisera et il crée des rapports qualitatifs entre eux. Le compositeur fait
un système déterminé (pas déterministe) mais aussi flexible. Il utilise son Système
Créatif en introduisant des données symboliques et le résultat forme progressivement
la partition. J’ai remarqué que le modèle ne vise pas à créer une méthode de
composition automatique mais à donner une approche à plusieurs niveaux
compositionnels. Ainsi, le modèle peut bénéficier de la pensée systémique à travers
les études de la perception pour trouver et utiliser des isomorphismes entre
l’organisation de la musique et les principes de l’organisation du monde matériel.
Dans une approche holistique de ce type, l’approche esthétique et technique
deviennent inséparables, l’un est le résultat de l’autre. Enfin, on a observé que le
compositeur traite des relations quantitatives pour en faire des organisations
qualitatives.
- 76 -
APPENDICE I
Biographie d’Agostino Di Scipio162
Agostino Di Scipio est un compositeur contemporain italien qui est né à Naples en
1962. Il a d’abord commencé la musique en tant qu’autodidacte, et entreprend plus
tard des études au conservatoire de l’Aquila ainsi qu’à l’Université de Padoue. Il est
invité dans plusieurs institutions internationales pour enseigner et également pour
composer. Il a participé à de nombreuses conférences dans des colloques
internationaux. En plus, il a beaucoup écrit sur l’histoire et la théorie critique de la
musique. Ses articles sont apparus dans plusieurs revues spécialisées. Aujourd’hui,
Agostino Di Scipio donne des cours de musique électronique au conservatoire de
Naples, et travaille également en tant qu’instructeur du Centre de Création Musicale
Iannis Xenakis à Paris.
Ses œuvres sont liées avec le moyen électronique interactif. Son approche est
influencée principalement par la pensée systémique. A travers cette approche, une
composition est considérée par Di Scipio comme un système dynamique qui est formé
par le réseau des interactions entre les sources du son, l’ordinateur et l’espace de la
performance. Ainsi, le rôle du compositeur est de composer les interactions et de
laisser l’œuvre, comme les organismes vivants et d’autres genres des systèmes réels,
s’auto-organiser. Il a écrit des œuvres qui sont purement électroniques où il incorpore
des instruments.
162 La biographie est basés principalement sur deux source : Christine Anderson, “Dynamic networks of sonic interactions, An interview with Agostino Di Scipio”, (Computer Music Journal, vol. 29; no. 3 ; 2005, version en ligne: http://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/0148926054798142, consulté : 22/3/2007). Makis Solomos, “Notes sur la notion d’ "Emergence" et sur Agostino Di Scipio” (Version enligne : http://jim2005.mshparisnord.net/download/13.%20Solomos.pdf, consulté: 2/3/2007).
- 77 -
APPENDICE II
Mémorandum des expériences systémiques
Pendant ma recherche, j’ai expérimenté avec des moyens électroniques quelques
notions systémiques que Di Scipio applique dans sa musique. Les résultats de ces
expériences m’ont aidé à abstraire le modèle de la musique interactive pour
l’appliquer à la musique instrumentale. J’expose ci-dessous un court mémorandum de
mes expériences avec quelques observations.
1. Commencement (pas inclut)
Quelques expériences simples mais sans résultats particulièrement intéressants.
2. DelayB
Il a commencé comme une expérience avec ‘delay lines’. J’ai développé un réseau de
‘delay lines’ avec des proportions harmoniques. Si l’ordinateur est connecté avec des
haut-parleurs, et pas seulement avec un casque, il y a aussi une rétroaction à cause du
microphone qui reprend le son qui sort. Comme je travaillais dans cette expérience
avec le casque, j’ai ajouté une fonction contrôlable ‘interne’ de rétroaction.
Plus tard, j’ai ajouté le ‘pitch shift’ dans le processus de rétroaction. Dans ces
conditions, des notes différentes sont sorties en donnant un résultat perceptible plus
proche de la notion de la rétroaction, c’est-à-dire pas seulement des répétitions des
mêmes événements.
Avant que je commence à expérimenter l’auto-organisation du son, j’ai essayé
d’obtenir des paramètres variables aléatoirement entre des limites spécifiques. J’ai
appliqué l’idée seulement à la spatialisation sonore (panning) avant de commencer les
expériences avec des ‘signaux du contrôle’. J’ai utilisé une formule ‘personnelle’ pour
définir les limites des changements aléatoires de l’objet ‘random’. Néanmoins, la
formule n’est pas très précise car je n’ai pas prit le temps de l’améliorer. Après avoir
vu le principe en marche, j’ai commencé à expérimenter en suivant mon intérêt
central, l’auto-organisation.
- 78 -
Quelques observations
- La rétroaction a besoin de deux facteurs pour ne pas avoir une rétroaction
explosive :
1) un délai, avec un ‘delay line’ et le contrôle de ses paramètres
2) le contrôle de l’amplitude de signal qui re-entre
Le délai donne la fréquence de réapparitions et il définit la durée du matériel
qui entre en boucle. Le contrôle de l’amplitude, doit causer le déclin (decay) pour
avoir une variance de texture, mais aussi pour éviter la rétroaction positive.
3.1 DelayC
Ici j’ai commencé à expérimenter le ‘comb effect’ en changeant un peu les fonctions
de DelayB mais sans résultats convenant de noter.
3.2 DelayD
Deuxième essai de jouer avec le ‘comb effect’ mais que j’ai abandonné
prématurément.
4. Amplitude Controller
Dans cette expérience, j’ai essayé le fonctionnement de la surveillance d’intensité
(loudness tracking) pour créer le ‘contrôle d’amplitude’. J’ai commencé l’application
du ‘signal de contrôle’ et de la notion de l’ ‘autorégulation’(‘auto-organisation’ –
toutes les opérations sont doublées pour avoir un résultat stereo)
Quelques observations.
- L’essence de ce système, d’un point de vue technique, est un ‘délai double
auto-organisé’.
- Les règlements que l’agent fait influent seulement indirectement sur le résultat
car les connexions sont non-linéaires et le contrôleur du système influe aussi
sur les paramètres.
- Si avec chaque haut-parleur un micro est utilisé et que pour chaque micro une
structure d’observation est créée, il est possible de donner au système de
contrôle plus raffiné qui va donner plus de variance à la texture.
- 79 -
- Une autre observation plus générale, sur la musique de Di Scipio. C’est que la
seule manière d’auto-organisation sonore est le contrôle du son avec le son
lui même. Ceci parce que le système qui émerge est d’une nature sonore, alors
la seule manière de son auto-observation est d’avoir des ‘organes sensoriels’
de la même nature.
5. Frequency Controller
Une expérience sur l’auto-organisation du matériel des hauteurs. J’ai utilisé
l’objet ‘analyzer’ qui n’était pas approprié pour la fonction que je recherchais. Alors,
les résultats n’étaient pas assez intéressants pour les noter ici.
6. Systems
Dans cette expérience, j’ai amplifié les résultats et j’ai utilisé les conclusions
de l’expérience Amplitude Controller. J’ai réécrit un système basic de mêmes
principes que l’Amplitude Controller afin d’être plus apte à régler une structure plus
large et être ouvert à la développer dans le futur. Il y a quatre sous-systèmes qui
créent une organisation entière. L’agent a accès aux paramètres de :
1) Input
2) Output
3) Delay
4) Sensitivité des réactions
Observation
Même si chaque système a ses ‘organes sensoriels’, les quatre systèmes sonores sont
auto-organisés avec les même données sensorielles. Ceci parce que seulement une
entrée stéréo existe ici. Cependant, c’est possible avec des micros différents et
quelques haut-parleurs, s’ils sont proprement réglés, de faire des organisations
diverses.
- 80 -
BIBLIOGRAPHIE
Bibliographie Musicale
Anderson, Christine. 2005. “Dynamic networks of sonic interactions: An interview
with Agostino Di Scipio”. Computer Music Journal, vol. 29; no. 3 ; pp. 11-28.
Version en ligne :
http://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/0148926054798142
(consulté : 22/3/2007).
Hamman, Michael. ‘Towards a cybernetics of sound synthesis practice and
composition’. Article présenté sur la Technology and the Composer Conference.
Version en ligne: http://www.shout.net/%7Emhamman/papers/Marylnd1.htm
(consulté : 18/9/2007)
Di Scipio, Agostino. 1994. “Formal Processes of Timbre Composition, Challenging
the Dualistic Paradigm of Computer Music, A study in Composition Theory
(II)”. Proceedings of the ICMC International Computer Music Conference,
Aarhus, S.Francisco: ICMA Version électronique fournie par l’auteur.
Di Scipio, Agostino. 2001. “Clarification on Xenakis: The Cybernetics of Stochastic
Music”. Presences of Iannis Xenakis. Paris: CDMC, pp. 71-84.
Di Scipio, Agostino. 2002. “Systems of embers, dust, and clouds: Observations after
Xenakis and Brün”. Computer music journal, vol. 26; issue 1: In memoriam
Iannis Xenakis; pp. 22-32
Di Scipio, Agostino. 2003. “"Sound is the interface": From interactive to ecosystemic
signal processing”. Organised sound: An international journal of music
technology, vol. 8; No. 3; pp. 269-277
Di Scipio, Agostino. 2004. “The orchestra as a resource for electroacoustic music: On
some works by Iannis Xenakis and Paul Dolden”. Journal of new music
research, vol. 23; issue 2: Perspectives on Xenakis; pp. 173-183
Di Scipio, Agostino. 2007. Notes et enregistrements des séminaires d’Agostino Di
Scipio en interaction avec les étudiants de CCMIX de 26 à 29 mars 2007.
Matériel inédit.
Keller, Damián et Brian Ferneyhough. 2004. ‘Analysis by Modeling: Xenakis’s
ST/10-1 080262’. Journal of New Music Research, vol. 33, no. 2, pp. 161–171
- 81 -
Mora, Mariano. “Agostino Di Scipio: „Audible Ecosystemics, n.3a Background Noise
Study“ n.3b Background Noise Study with Mouth Performer“ „Modes of
Interference“. Espacio Sonoro, revista cuatrimestral de música contemporánea,
issue 13, May 2007; publié en ligne :
http://www.tallersonoro.com/espaciosonoro/13/Analisis.htm
(consulté: 14/6/2007)
Xenakis, Iannis. 1956. “La crise de la musique sérielle”. Gravesaner Blätter Vol.1 ;
no.1, 1955, pp.2-4. Référence à la version parue à Iannis Xenakis. Kéleütha.
Sous la direction d’Alain Galliari. Préface de Benoît Gibson. Paris : L'Arche,
1994, pp. 39-43
Xenakis, Iannis. 1958. ‘Les trois paraboles’. Nutida Musik no.4. Référence en version
française paru dans Musique, Architecture, Tournai, Casterman, 1971. Nouvelle
édition, augmentée de 1976.
Xenakis, Iannis. 1963. Musiques Formelles. Paris : Editions Richard-Masse.
Référence en version enligne : http://www.iannis-xenakis.org/MF.htm
(consulté : 20/10/2007). Référence aussi en édition américaine élargie
Formalized music : Thought and mathematics in composition. Harmonologia
series; no. 6. New York: Pendragon Press, 1992
Solomos, Makis. “Notes sur la notion d’ «Emergence» et sur Agostino Di Scipio”.
Version enligne :
http://jim2005.mshparisnord.net/download/13.%20Solomos.pdf
(consulté : 2/3/2007)
Bibliographie Generale
AAVV. Inter-Active Terminology for Europe.
http://iate.europa.eu/iatediff/SearchByQueryLoad.do?method=load (consulté :
31/7/2007)
Abraham, Ralph H.. 2002. ‘The Genesis of Complexity’. Version ébauche pour
paraitre dans Advances in Systems Theory, Complexity, and the Human
Sciences. Version enligne
http://www.ralph-abraham.org/articles/MS%23108.Complex/complex.pdf
(consulté : 19/9/2007)
- 82 -
Anderson, P. W. 1972. ‘More is different: Broken symmetry and the nature of the
hierarchical structure of science’. Science, New Series. Vol. 177 ; No.4047 ;
pp.393-396.
Appenzeller, Tim et Richard Gallagher. 1999. ‘Introduction to special issue, Beyond
Reductionism’. Science, Vol. 284; no. 5411; p. 79. Version enligne
http://www.sciencemag.org/cgi/content/summary/284/5411/79 (consulté :
18/9/2007).
Ashby, William Ross. 1956. An Introduction to Cybernetics. 2ème édition,
1957. London : Chapman & Hall. Version en ligne, 1999 :
http://pcp.vub.ac.be/books/IntroCyb.pdf (consulté : 2/3/2006).
Ashby, William Ross. 1962. ‘Principles of Self-organizing Systems’. Principles of
Self-Organization: Transactions of the University of Illinois Symposium, edité
par H. von Foerster and G. W. Zopf, Jr., London : Pergamon Press; pp. 255-278.
Version introduite par Jeffrey Goldstein parue à Emergence: Complexity and
Organization, Vol. 6; Nos; 1-2; 2004; pp. 102-126. Version enligne
http://emergence.org/ECO_site/ECO_Archive/Issue_6_1-2/Ashby.pdf
(consulté : 15/8/2007)
Bar-Yam, Yaneer. 2000. ‘Complexity’. Concepts in Complex Systems. New England
Complex Systems Institute page d’internet. Version enligne
http://www.necsi.org/guide/concepts/complexity.html (consulté : 24/10/2007)
Bregman, Albert S. 1990. Auditory Scene Analysis. 2ème edition broché, 1999.
Cambridge, Massachusetts et London, England: MIT Press.
Baas, Nils A. et Claus Emmeche. 1997. ‘On Emergence and Explanation’.
Intellectica, no.25, pp.67-83. Version en ligne:
http://www.nbi.dk/~emmeche/coPubl/97d.NABCE/ExplEmer.html
(consulté : 18/12/2006)
Chalmers, David J., ‘Strong and Weak Emergence’. 2006. The Re-Emergence of
Emergence, The Emergentist Hypothesis from Science to Religion. Edité par
Philip Clayton et Paul Davies. Oxford University Press. Version enligne
http://consc.net/papers/emergence.pdf (consulté : 15/12/2006)
Corning, Peter A. 2002. ‘The Re-Emergence of “Emergence”: A Venerable Concept
in Search of a Theory’. Complexity, vol. 7(6), pp. 18-30. Version en ligne:
- 83 -
http://www.complexsystems.org/publications/pdf/emergence3.pdf
(consulté : 18/12/2006)
Crutchfield, James P. 1994. ‘The Calculi of Emergence, Computation, Dynamics, and
Induction’. Complex Systems, from Complex Dynamics to Artificial Reality.
Physica D, publication special paru dans les actes du séminaire International
d’Oji. Version enligne
http://www.santafe.edu/research/publications/workingpapers/94-03-016.pdf
(consulté : 15/10/2007)
Delic, Kemal A. et Ralph Dum. 2006. ‘On The Emerging Future of Complexity
Sciences’. Ubiquity, Vol.7; Issue 10. Version enligne
http://www.acm.org/ubiquity/views/v7i10_complexity.html
(consulté : 21/10/2007)
Eco, Umberto. 1977. Come si fa una tesi di laurea. Milano : Gruppo Editoriale Fabri-
Bompiani, Sonzogno, Etas S.p.A. Reference à la version grecque Πως γίνεται
μια διπλωματική εργασία ; introduite et traduite par Marianna Kondili;
Athènes: Nisos, 1994.
François, Charles. 1999. ‘Systemics and Cybernetics in a Historical Perspective’.
Systems Research and Behavioral Science, no.16, pp.203-219. Version enligne
http://wwwu.uni-klu.ac.at/gossimit/ifsr/francois/papers/
systemics_and_cybernetics_in_a_historical_perspective.pdf
(consulté : 20/8/2007)
Goldstein, Jeffrey. 1999. ‘Emergence as a Construct: History and Issues’. Emergence,
Complexity and Organization. vol. 1; no.1, pp.49-72
Heylighen, Francis et Cliff Joslyn. 2001, (R.A. Meyers ed.). ‘Cybernetics and Second-
Order Cybernetics’. Encyclopedia of Physical Science & Technology. 3rd ed.
New York: Academic Press, pp.155-170. Version en ligne:
http://pespmc1.vub.ac.be/Papers/Cybernetics-EPST.pdf (consulté : 24/7/2007)
Heylighen, Francis. 1997. ‘Classic publications on complex, evolving systems: a
citation-based survey’. Version enligne
http://pespmc1.vub.ac.be/papers/PublicationsComplexity.html
(consulté : 25/10/2007)
- 84 -
Heylighen, Francis (ed.). Web Dictionary of Cybernetics and Systems. Version
enligne http://pespmc1.vub.ac.be/ASC/indexASC.html (consulté : 24/10/2007)
Laughlin, Robert B. 2005. A different universe, reinventing physics from the bottom
down. New York: Basic Books. Référence à la 1ère édition broché, 2006.
Luhmann, Niklas. 1984. Soziale Systeme: Grundriß einer allgemeinen Theorie.
Frankfurt am Main: Suhrkamp Verlag. Printed in English as: Social Systems.
Original edition, 1995. Translated by John Bednarz, Jr. and Dirk Baecker.
Stanford, California: Stanford University Press.
McCormack, Jon. 2003. The Application of L-systems and Developmental Models to
Computer Art, Animation, and Music Synthesis. Unpublished PhD dissertation.
Monash University, Clayton, Australia.
Minati, Gianfranco. 2002. ‘Music and systems architecture’. Proceedings of the 5th
European Systems Science Congress. Iraklion, Greece. online version:
http://www.afscet.asso.fr/resSystemica/Crete02/Minati.pdf (consulté:
13/12/2006)
O'Connor, Timothy and Hong Yu Wong, 2006. ‘Emergent Properties’, The Stanford
Encyclopedia of Philosophy. Edité par Edward N. Zalta, Edition Hiver,
http://plato.stanford.edu/archives/win2006/entries/properties-emergent
(consulté: 10/8/2007)
Santa Fe Institute. 2007. Page d’internet en ligne http://www.santafe.edu
(consulté : 24/10/2007)
Scott, Alwyn and Jeffrey Goldstein. 2005. PlexusCalls: ‘Nonlinear Science with
Scott Alwyn & Goldstein’. Enregistrement d’un entretien. Version enligne
http://www.plexusinstitute.org/Services/Calls/show2.cfm?id=339
(consulté : 18/12/2006)
Shannon, Claude E. 1948. ‘A Mathematical Theory of Communication’. Bell System
Technical Journal, vol. 27, pp.379-423 et pp.623-656.Version enligne
http://plan9.bell-labs.com/cm/ms/what/shannonday/shannon1948.pdf
(consulté : 16/6/2007)
Telatar, Emre. 1998. ‘A Mathematical Theory of Communication by Claude E.
Shannon, A Note on the Edition’. Version enligne publié par Mathematical
Sciences Center of Bell Laboratories
- 85 -
http://plan9.bell-labs.com/cm/ms/what/shannonday/paper.html
(consulté : 9/10/2007)
Valera, Francisco J. 1988. Cognitive Science. A cartography of Current Ideas. Edition
française augmentée Invitation aux sciences cognitive. Traduire par Pierre
Lavoie. Paris : Editions du Seuil, 1996.
von Bertalanffy, Ludwig. 1968. General System Theory: Foundation, Development,
Applications. Edition revisé, 1969; 15ème réimpression brochée, 2006. New
York: George Braziller.
Wiener, Norbert. 1948. Cybernetics, or control and communication in the animal and
the machine. Edition 2ème broché, 1965. Cambridge, Massachussetts: The
MIT Press.
Weaver, Waren. 1948. ‘Science and Complexity’, American Scientist, Vol.36 ;
pp.536-544. Version enligne
http://www.ceptualinstitute.com/genre/weaver/weaver-1947b.htm
(consulté : 21/10/2007)
Partitions
Di Scipio, Agostino. 2003. Audible Ecosystemics ; n.2a, Feedback Study. Version
ébauche fournit par le compositeur.
Di Scipio, Agostino. Audible Ecosystemics ; n.3a, Background Noise Study ; n.3b,
Background Noise Study, with Mouth Performer(s), composed 2004-05. Paru
dans l’article en ligne: Mora, Mariano. ‘Agostino Di Scipio: „Audible
Ecosystemics, n.3a Background Noise Study“ n.3b Background Noise Study
with Mouth Performer“ „Modes of Interference“’. Espacio Sonoro, revista
cuatrimestral de música contemporánea, issue 13; 2007.
http://www.tallersonoro.com/espaciosonoro/13/Analisis.htm
(consulté: 14-6-2007)
Di Scipio, Agostino. Modes of Interference, composé 2005-06. Paru dans l’article en
ligne: Mora, Mariano. ‘Agostino Di Scipio: „Audible Ecosystemics, n.3a
Background Noise Study“ n.3b Background Noise Study with Mouth
Performer“ „Modes of Interference“’. Espacio Sonoro, revista cuatrimestral de
música contemporánea, issue 13; 2007.
- 86 -
http://www.tallersonoro.com/espaciosonoro/13/Analisis.htm
(consulté: 14-6-2007)