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RésuméLe rapport s’inscrit dans le débat politique actuel sur le repositionnement de l’Union européenne face aux transformations politiques dans son voisinage tant à l’est, avec la crise en Ukraine et l’intensification des tensions avec la Russie qu’au sud, avec les changements de régime et l’instabilité croissante à la suite des événements du printemps arabe. L’analyse cerne les fondements et les enjeux liés à la Politique européenne de voisinage (PEV) afin d’évaluer ses limites et les défis de sa mise en œuvre, et de proposer des recommandations en vue de sa révision. Plus qu’une politique européenne, la PEV doit devenir une véritable structure de coordination capable de mobiliser efficacement tous les instruments et les politiques ainsi que de coordonner tous les acteurs européens engagés dans le voisinage. En raison de son impact politique important, la PEV doit favoriser davantage l’inclusion des partenaires, voire l’appropriation commune du processus de coopération régionale.SummaryThis report fits into the current discussion on how the European Union should adapt its position to deal with the political transformations observable in its neighbourhood, such as those in the East (Ukraine crisis and growing tensions with Russia) and in the South (regimes changes in several ‘Arab Spring’ countries and growing instability). More specifically, the paper examines the European Neighbourhood Policy’s (ENP) key components as well as the issues the EU currently faces, highlighting its limits and challenges. It also formulates recommendations for the ENP’s review. It notably argues that the ENP should become a truly coordinating structure being able to effectively mobilise all EU tools and policies; also, it should coordinate all EU actors engaged in the neighbourhood. Due to its high political impact, the ENP should promote the better inclusion of all partners, and joint ownership of the regional cooperation process.
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Fonds de dotation OSINTPOL
Rapport
N°1
Juillet 2015
OSINTPOL
La politique européenne de voisinage : les
défis de la mise en œuvre
Chantal Lavallée
Fonds de dotation OSINTPOL
Rapport
N°1
Juillet 2015
OSINTPOL
La politique européenne de voisinage : les
défis de la mise en œuvre
Chantal Lavallée
L’intelligence du bien commun
Le Fonds de dotation OSINTPOL est un laboratoire d'idées ou think tank. Il accomplit
une mission d'intérêt général en soutenant la recherche et la diffusion d’analyses en
science politique, notamment sur les domaines liés à la paix et aux relations
internationales. Il agit dans l'intérêt du bien commun en conformité avec les valeurs
humanistes qui sont les siennes et les idéaux de justice et de liberté énoncés dans la
Déclaration universelle des droits de la personne. Les travaux d’OSINTPOL
s'inscrivent pleinement dans les débats parcourant ses sphères d'intérêt. La démarche
est résolument critique et avant tout orientée vers la production et la diffusion aussi
large que possible des savoirs relatifs à ses domaines d'interventions. OSINTPOL ne
saurait accomplir efficacement sa mission d’information et de sensibilisation du
public sans le soutien de donateurs motivés par la défense du bien commun.
Rejoignez-nous sur osintpol.org.
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75116 Paris
Courriel : [email protected]
Tel : +33 (0) 6 02 16 48 02
Site Internet : osintpol.org
Photographie de la page couverture : un
drapeau géant de l’Union européenne est
déployé sur la place de l’indépendance à Kiev,
en Ukraine, le 27 novembre 2013, lors des
manifestations pro-européennes appelées
Euromaïdan par Radio Free Europe.
Crédit : Mstyslav Chernov, certains droits
réservés, CC-BY-SA-3.0
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
Fonds de dotation OSINTPOL
Sommaire
Sommaire ................................................................................. i
Liste des acronymes ................................................................. iii
Liste des figures ....................................................................... iv
Biographie de l’auteure .............................................................. v
Résumé ................................................................................. vii
Summary ............................................................................... vii
Introduction ........................................................................... 1
Chapitre 1. Fondements et limites de la PEV : le vers est dans
le fruit ............................................................................... 5
1.1. Voisins maritimes et terrestres : la création d’une ligne de
démarcation ................................................................... 5
1.2. Une coopération bonifiée sans perspective d’adhésion : une
ambiguïté instrumentalisée ............................................... 7
1.3. L’approche globale : un défi de coordination et de
cohérence .................................................................... 10
1.4. L’approche différenciée et progressive : des principes au cas
par cas pour une politique sur mesure ............................. 14
1.5. Un espace de stabilité, de sécurité et de prospérité sous
haute tension ............................................................... 16
Chapitre 2. Une politique à bout de souffle dans un contexte
régional en pleine mutation ............................................ 19
2.1. Au sud : le partenariat euro-méditerranéen à l’épreuve des
transformations politiques .............................................. 19
2.2. À l’est : le baptême du feu pour le Partenariat oriental ....... 24
Chapitre 3. Une révision une fois de plus mal
engagée .......................................................................... 27
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
ii
Chapitre 4. Des recommandations portant sur 5
axes-clés ........................................................................ 33
4.1. La PEV : un instrument politique qui requiert une approche
plus stratégique ............................................................. 33
4.2. Favoriser l’appropriation pour réduire l’asymétrie des
relations avec les partenaires .......................................... 34
4.3. Revoir l’approche différenciée avec flexibilité et nouveaux
paramètres ................................................................... 35
4.4. Renforcer la dimension régionale pour une coopération au-
delà de l’UE ................................................................... 36
4.5. Consolider l’approche globale avec une meilleure inclusion
des instruments en matière de politique étrangère et de
sécurité ........................................................................ 37
Conclusion ........................................................................... 41
Bibliographie ........................................................................... 43
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
iii
Liste des acronymes
AA Accord d’association
APC Accord de Partenariat et de coopération
DevCo Développement et Coopération
DG Direction générale
EaPIC Eastern Partnership Integration and Cooperation Programme
EuroMed Partenariat euro-méditerranéen
FMI Fonds monétaire international
HR/VP Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité/Vice-président de la Commission
européenne
IEV Instrument européen de voisinage
IEVP Instrument européen de voisinage et de partenariat
LEA Ligue des États arabes
NEAR Neighbourhood and Enlargement Negotiations
OTAN Organisation du traité de l’Atlantique nord
PESC Politique étrangère et de sécurité commune
PEV Politique européenne de voisinage
PSDC Politique de sécurité et de défense commune
RSUE Représentant spécial de l’Union européenne
SIGMA Support for Improvement of Governance and Management
SEAE Service européen pour l’action extérieure
SPRING Support for Partnership, Reform and Inclusive Growth
TAIEX Technical Assistance Information Exchange Office
UA Union africaine
UE Union européenne
UpM Union pour la Méditerranée
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
iv
Liste des figures
Figure 1 : carte des États voisins et leurs différents statuts à l’égard de
l’UE.……………………………………………………………………………………………………………. 2
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
v
Biographie de l’auteure
Chantal Lavallée est chercheuse associée à OSINTPOL. Elle est également
chercheuse invitée au Centre d’excellence sur l’Union européenne à
l’Université de Montréal. Elle a obtenu son doctorat en science politique à
l’Université du Québec à Montréal (UQAM, Canada), en 2010. Sa thèse
démontre l’émergence d’un champ européen de sécurité et de défense structuré
par l’interaction entre plusieurs acteurs, étatiques et non étatiques. Par la suite,
avec une bourse d’études postdoctorales du Fonds de recherche du Québec –
Société et culture, elle a poursuivi ses recherches à la très prestigieuse
European University Institute, à Florence (2010-2012) sur la contribution de la
Commission européenne dans le champ européen de sécurité et de défense en
matière de réaction aux crises, recherche en sécurité et marché de défense.
Depuis septembre 2013, elle s’intéresse aux défis de la mise en œuvre de
l’approche globale de l’UE dans la réponse aux crises et aux conflits,
notamment au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et à la suite du printemps
arabe en Égypte. Les résultats de ces recherches ont fait l’objet de multiples
publications, dont dans des revues avec comité de lecture comme European
Foreign Affairs Review, Perspectives on European Politics and Society,
Journal of Contemporary European Research et Études Internationales, un
numéro thématique dirigé pour Journal of Contemporary European Research
et un volume dirigé à La Documentation Française, L’Europe de la défense :
acteurs, enjeux et processus. À titre de chargée de cours, elle a aussi enseigné à
l’UQAM, l’Université de Sherbrooke, l’Université d’Ottawa, l’Université de
Montréal et l’Université Laval, des cours sur l’Union européenne, les politiques
étrangères et de sécurité en Europe, les processus d’intégration régionale dans
le monde et les enjeux internationaux.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
vii
Résumé
Le rapport s’inscrit dans le débat politique actuel sur le repositionnement de
l’Union européenne face aux transformations politiques dans son voisinage
tant à l’est, avec la crise en Ukraine et l’intensification des tensions avec la
Russie qu’au sud, avec les changements de régime et l’instabilité croissante à la
suite des événements du printemps arabe. L’analyse cerne les fondements et
les enjeux liés à la Politique européenne de voisinage (PEV) afin d’évaluer ses
limites et les défis de sa mise en œuvre, et de proposer des recommandations
en vue de sa révision. Plus qu’une politique européenne, la PEV doit devenir
une véritable structure de coordination capable de mobiliser efficacement tous
les instruments et les politiques ainsi que de coordonner tous les acteurs
européens engagés dans le voisinage. En raison de son impact politique
important, la PEV doit favoriser davantage l’inclusion des partenaires, voire
l’appropriation commune du processus de coopération régionale.
Summary
This report fits into the current discussion on how the European Union should
adapt its position to deal with the political transformations observable in its
neighbourhood, such as those in the East (Ukraine crisis and growing tensions
with Russia) and in the South (regimes changes in several ‘Arab Spring’
countries and growing instability). More specifically, the paper examines the
European Neighbourhood Policy’s (ENP) key components as well as the issues
the EU currently faces, highlighting its limits and challenges. It also formulates
recommendations for the ENP’s review. It notably argues that the ENP should
become a truly coordinating structure being able to effectively mobilise all EU
tools and policies; also, it should coordinate all EU actors engaged in the
neighbourhood. Due to its high political impact, the ENP should promote the
better inclusion of all partners, and joint ownership of the regional cooperation
process.
Pour citer ce document
Chantal Lavallée, « La politique de voisinage de l’Union européenne : les défis
de la mise en œuvre », Rapport d’OSINTPOL, no1, août 2015.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
Introduction
__________________________________________
L’élargissement à huit pays de l’Europe centrale et orientale ainsi que Chypre
et Malte, en 2004, oblige l’Union européenne (UE) à repenser ses relations
avec ses nouveaux voisins. Avec son cadre novateur, la Politique européenne de
voisinage (PEV), lancée en 2003 et mise en œuvre à partir de l’année suivante
pour accompagner l’élargissement historique, vise ainsi à favoriser l’émergence
d’un « cercle d’amis », évitant de créer de « nouvelles lignes de démarcation en
Europe » susceptibles de susciter un sentiment d’exclusion chez les pays
frontaliers1. La PEV bonifie la coopération existante, mais sans la perspective
d’adhésion à l’UE. Elle n’en vise pas moins à les convaincre de procéder à des
réformes politiques et économiques majeures, s’inspirant de la législation
européenne.
La PEV est donc mise à rude épreuve par les transformations politiques qui
surviennent dans l’environnement immédiat de l’UE et qui testent sa capacité à
accompagner les pays dans la réalisation des réformes. À ce jour, le bilan est
plutôt décevant. Au sud, la PEV ne permet pas à l’UE de jouer un rôle de
catalyseur. En effet, ni la PEV révisée à la suite des événements du printemps
arabe en 2011 ni l’Union pour la Méditerranée (UpM), sa composante régionale
au sud, ne semblent avoir donné l’impulsion nécessaire au lancement de la
dynamique régionale et au processus de démocratisation. La Tunisie qui se
distingue par son contexte interne particulièrement favorable au changement
politique et au rapprochement avec l’UE fait figure d’exception. À l’est, l’UE est
à la fois témoin et actrice, avec le Partenariat oriental, composante régionale de
la PEV, impuissante face aux bouleversements en Ukraine. En outre, elle
semble incapable de freiner l’élan de la Russie, déterminée à protéger sa zone
d’influence.
Avec ses composantes bilatérale et régionale, son budget substantiel et la
panoplie d’instruments tant politiques, économiques que juridiques à sa
disposition, la PEV offre pourtant un grand potentiel qui demeure largement
sous-exploité. La présente étude ambitionne ainsi de cerner les difficultés de la
mise en œuvre de la PEV et les défis que cela implique pour l’action extérieure
de l’UE. Pour pallier ses limites, plus qu’une simple politique, elle doit devenir
une véritable structure de coordination en mesure de mobiliser plus
1 Commission européenne, « L’Europe élargie – Voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud », COM (2003) 104 final, Bruxelles, 11 mars 2003, p. 4.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
2
efficacement les divers instruments à sa disposition et de favoriser l’inclusion
des partenaires, voire l’appropriation commune du processus de coopération
régionale.
Figure 1 : carte des États voisins et leurs différents statuts à
l’égard de l’UE
États membres de l’UE Candidats reconnus et
potentiels à l’adhésion à
l’UE
Accord de partenariat et
de coopération avec la
Russie
Partenariat oriental. La
Biélorussie n’a pas signé de plan d’action et n’est donc pas officiellement un pays actif de la PEV
Autres pays de l’UpM qui inclut les 28 membres de l’UE
et 15 pays de la Méditerranée2. La Libye n’a pas signé de plan d’action et n’est donc pas officiellement un pays actif de la PEV. La coopération bilatérale est suspendue avec le régime syrien depuis mai 2011.
Source : OSINTPOL, d’après Appaches/Flappieh, CC BY-SA 4.0, 2015
2 L’UpM compte 43 membres :les 28 membres de l'UE, l’Albanie, l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Mauritanie, Monaco, le Monténégro, l’Autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie et la Turquie.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
3
La note de recherche cerne d’abord les fondements de la Politique européenne
de voisinage. Une première étape qui permet de clarifier son cadre d’action, de
mettre en lumière la continuité de l’approche de l’UE depuis plus de dix ans et
surtout les limites intrinsèques à la PEV. L’étude s’attarde par la suite sur les
principaux enjeux auxquels elle fait face au sud et à l’est qui plaident pour un
examen approfondi et une mise à jour de ses paramètres au regard de la
nouvelle géopolitique régionale. Elle identifie ensuite les éléments clés de sa
révision qui traduisent une volonté de changement même si le processus
semble une fois de plus mal engagé. La rhétorique est somme toute similaire à
celle existante depuis son lancement et ne pose pas clairement les défis de sa
mise en œuvre. L’analyse aboutit ainsi à une synthèse des recommandations en
vue d’alimenter les discussions sur les tenants et les aboutissants de cette
politique ainsi que de l’action de l’UE dans son environnement immédiat.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
Chapitre 1 1.
Fondements et limites de la PEV : le vers
est dans le fruit
__________________________________________
L’essentiel des principes et des objectifs qui guident la PEV jusqu’à ce jour sont
énoncés dans la première communication de la Commission européenne de
mars 2003 L’Europe élargie – Voisinage : un nouveau cadre pour les
relations avec nos voisins de l’Est et du Sud. Malgré les tentatives d’adaptation
aux changements internes et externes à l’UE, la rhétorique de la PEV est
caractérisée par une très grande constance. Le processus de révision doit donc
cette fois-ci commencer par questionner et revoir les principes de base, afin de
véritablement lui donner un nouvel élan pour faciliter sa mise en œuvre.
1.1. Voisins maritimes et terrestres : la création d’une
ligne de démarcation
Le document d’orientation stratégique de 2003 sur le lancement de la PEV
insiste sur l’interdépendance politique et économique entre l’UE et ses
nouveaux voisins, et par conséquent, sur la nécessité de renforcer la
coopération bilatérale et régionale3. La PEV a ainsi été élaborée explicitement
pour consolider les relations avec les voisins terrestres et maritimes de l’UE.
Elle s’adresse à l’Algérie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Belarus, l’Égypte, la
Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la République de
Moldavie, l’Autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie et l’Ukraine4.
Dès le départ, la PEV suit une démarche plus bureaucratique que politique.
Elle est principalement élaborée et menée par la Commission européenne qui
3 Ibid., p. 3. 4 Les pays du Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) initialement non visés par la PEV, ont finalement été invités en juin 2004 quelques mois après son lancement officiel, en raison de « l’intérêt primordial » que leur stabilité représente pour l’UE. À la suite de la décision du Conseil et sur la base des recommandations de la Commission, du Haut Représentant, du Parlement européen et du représentant spécial de l’UE pour le Caucase du Sud. Conseil, « 2590ème session du Conseil Affaires générales et relations extérieures Affaires Générales », Communiqué de Presse, Luxembourg, 14 juin 2004, p. 11. La coopération bilatérale est suspendue avec le régime syrien depuis mai 2011.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
6
poursuit la même approche qu’avec les accords bilatéraux déjà en place, soit les
Accords de Partenariat et de coopération (APC) avec les pays à l’est de l’UE, et
les Accords d’association (AA) avec ceux du sud. Elle met ainsi peu d’accent sur
les enjeux politiques, voire géostratégiques, liés aux zones instables desquelles
l’UE élargie s’est rapprochée. Dans le cadre de la PEV, il est vrai que le Conseil
européen a approuvé ses orientations, le Conseil et le Parlement ont adopté la
réglementation, le Conseil a formulé de façon régulière des recommandations
dans le cadre de ses conclusions et que le Haut Représentant de l’Union pour
les affaires étrangères et la politique de sécurité/Vice-président de la
Commission européenne (HR/VP)5 a suivi de près l’évolution des questions
liées à la coopération politique et à la Politique étrangère et de sécurité
commune (PESC). En outre, le HR/VP ainsi que le Service européen pour
l’action extérieure (SEAE) jouent un rôle croissant dans la PEV avec l’adoption
du traité de Lisbonne en 2009. Il n’en demeure pas moins que la démarche est
technique avec la signature d’accords bilatéraux, procédurale avec l’évaluation
annuelle des progrès réalisés par les partenaires dans leur mise en œuvre et
administrative avec la gestion de l’instrument financier de la PEV par la
Commission européenne.
Le cadre bureaucratique de la PEV explique en partie le peu d’engagements des
États membres dans sa mise en œuvre. Toutefois, leur participation concrète
avec une meilleure coordination de leur action dans les pays limitrophes et au-
delà permettrait certainement une plus grande prise en compte des enjeux
géostratégiques dans les régions tant à l’est qu’au sud. En outre, l’approche
bureaucratique a jusqu’à présent occulté les relations avec les pays frontaliers
des États visés par la PEV qui restent traitées séparément. Ils sont pourtant
susceptibles d’avoir un impact, voire d’interférer, sur l’action de l’UE. La
politique doit certes être délimitée géographiquement puisqu’elle s’adresse
explicitement au voisinage européen, mais sa définition comporte le risque de
créer une nouvelle ligne de démarcation et de susciter, voire de raviver, des
luttes d’influence comme avec la Russie, à l’est, et, dans une certaine mesure,
avec les pays du Golfe, au sud. Dans la perspective de l’approche globale
promue par l’UE, il faudrait notamment repenser les relations avec la Russie
dans le contexte de la PEV, en favorisant une meilleure coordination entre le
partenariat stratégique UE-Russie et les relations avec les pays voisins à l’est.
Les relations avec la première ont un impact sur les relations avec les autres et
vice versa. Il s’avère pertinent de les considérer dans leur ensemble et de
préciser les paramètres de la politique, notamment sur la question de
l’élargissement de l’UE qui inquiète la Russie.
5 Intitulé inclus dans le traité de Lisbonne, en 2009, et qui englobe à la fois le poste de Haut Représentant pour la PESC et celui de l’ancien commissaire aux Relations extérieures. Afin de simplifier l’analyse, ce titre est utilisé pour l’ensemble de la période couverte dans la présente note de recherche.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
7
1.2. Une coopération bonifiée sans perspective
d’adhésion : une ambiguïté instrumentalisée
Avec la mise en œuvre de la PEV, à partir de 2004, l’UE vise à étendre aux pays
voisins « les effets bénéfiques de l’élargissement sur la stabilité politique et
économique et à réduire les éventuels écarts de prospérité »6. Toutefois, dans
le contexte du débat sur la capacité d’absorption de l’UE et surtout de la
« fatigue de l’élargissement », la majorité des États membres veulent faire une
pause à la suite de l’élargissement historique de 2004 à dix nouveaux
membres, suivi de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007, puis de
la Croatie en 2013. L’idée est alors de consolider le fonctionnement des
institutions et des procédures de l’UE, composée de 28 États membres qui sont
marqués par une grande diversité politique, voire une disparité socio-
économique. La PEV apparaît ainsi, à l’interne du moins, comme la solution
parfaite qui ouvre une autre option dans les relations avec les voisins. Elle
propose plus que la coopération existante, mais sans nécessairement la
perspective d’adhésion. Il s’agit d’offrir « tout sauf les institutions », selon la
formule désormais célèbre de Romano Prodi alors président de la Commission
européenne7.
Néanmoins, l’ambiguïté est inhérente à la PEV. Bien que la finalité diffère, elle
a recours à l’approche et à la méthode du processus d’élargissement avec les
mêmes instruments. La confusion sur laquelle joue l’UE rend donc son pari
très ambitieux et risqué. Il s’agit de convaincre les pays partenaires qui veulent
s’engager vers l’intégration économique avec l’UE de fournir des efforts
considérables pour remplir des obligations similaires à celles exigées par les
pays engagés dans le processus d’adhésion. Ils sont encouragés à s’aligner sur
la législation européenne, « l’acquis » communautaire8, mais sans pour autant
se voir offrir la récompense ultime, c’est-à-dire l’adhésion. Il n’est alors pas
surprenant que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie espèrent renforcer leurs
relations avec l’UE et, à terme, obtenir le statut de pays candidats à l’adhésion
compte tenu de leurs efforts pour réaliser les réformes dans le cadre de la PEV.
Angela Merkel, la chancelière allemande, qui a joué un rôle actif avec François
Hollande, le président français, dans les négociations de paix face à la crise en
Ukraine, menant aux accords de Minsk, a tenu à rappeler les paramètres de la
PEV et à rassurer la Russie. À Riga, en mai 2015, lors du sommet du
Partenariat oriental où l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ont exprimé leurs
attentes, elle a réitéré qu’il « ne s’agit pas d’un instrument d’élargissement de
6 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 9. 7 Romano Prodi, « L’Europe élargie – Une politique de proximité comme clé de la stabilité », SPEECH/02/619, Bruxelles, 6 décembre 2002, p. 6. 8 Principes et objectifs politiques et économiques poursuivis par l’UE, comme autant d’obligations juridiques auxquels sont liés les États membres, selon le traité sur l’UE.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
8
l’UE, mais d’un instrument de rapprochement avec l’UE »9. Par conséquent,
elle a précisé que l’UE ne doit « pas susciter de faux espoirs qui ne pourront
pas être satisfaits plus tard »10. Pour certains, « ce sommet devait surtout viser
à apaiser le Kremlin, à lui assurer que le partenariat, désormais à géométrie
très variable, ne vise nullement à tenter d’encercler son pays »11.
La PEV ne s’adresse ainsi pas, du moins dans sa dimension bilatérale, à la
Turquie avec laquelle l’UE a entamé le processus de négociations en octobre
2005. Elle n’est pas non plus destinée aux pays des Balkans occidentaux alors
que les négociations d’adhésion avec le Monténégro et la Serbie sont en cours.
L’Albanie et la République yougoslave de Macédoine ont le statut de pays
candidats à l’adhésion alors que la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont des
pays candidats potentiels12. Toutefois, la Turquie, l’Albanie, la Bosnie-
Herzégovine et le Monténégro font partie de l’Union pour la Méditerranée
(UpM) sur laquelle repose la coopération régionale de la PEV. Les différences
d’appartenance à la dimension bilatérale et régionale contribuent dès lors à
alimenter la confusion sur les perspectives réelles d’adhésion à l’UE.
Le cas de la Russie est quant à lui particulier. La Commission européenne13 l’a
invitée, dès 2003, à participer à la PEV qui devait être un pilier dans leur
partenariat. Toutefois, Moscou a décliné l’invitation pour ne pas être considéré
comme un pays voisin comme les autres et ainsi encourager une relation plus
égalitaire. En effet, la Russie a très tôt dénoncé la dynamique asymétrique qui
découle de la nature de la PEV, étant une politique européenne. Le partenariat
stratégique UE-Russie, prenant en compte son statut de puissance régionale, a
ainsi été favorisé et consolidé depuis 2004 avec la mise en place de quatre
espaces communs14. Toutefois, la coopération dans ce cadre a donné très peu
de réalisations concrètes malgré plusieurs tentatives de relance15. La réaction
russe aurait dû, à ce moment, être interprétée par Bruxelles comme un signal
d’alarme à l’égard des enjeux stratégiques dans la région et favoriser
l’établissement d’une connexion claire entre le partenariat stratégique et la
PEV. Une passerelle qui aurait dès le départ manifesté la volonté d’inclusion de
l’UE et non donner l’impression de vouloir compartimenter les relations dans
9 Eric Maurice, « Ex-Soviet states accept limited EU perspective », EU Observer, 22 mai 2015. 10 AFP, « Merkel tells Eastern partners not to expect too much », EurActiv, 22 mai 2015a. 11 Jean-Pierre Stroobants, « Le ‘Partenariat oriental’, sujet que les Européens préfèrent éviter », Le Monde, 22 mai 2015. 12 Service européen pour l’action extérieure, Relations de l'UE avec les Balkans occidentaux. 13 Commission, op.cit., 2003, p. 4, 5. 14 Service européen pour l’action extérieure, « Joint Statement on EU Enlargement and EU-Russia Relations », Bruxelles, 27 avril 2004. Les quatre espaces, similaires aux domaines de coopération de la PEV, sont : économique; liberté, sécurité et justice; sécurité extérieure; recherche, éducation et culture. 15 Timofei V. Bordachev, « Les relations UE-Russie à l'ère du jeu à somme nulle », Politique étrangère, no. 1, 2013, p. 165; Tuomas Forsberg, « The power of the European Union. What explains the EU's (lack of) influence on Russia? », Politique européenne, no. 39, 2013, p. 24.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
9
son voisinage. En outre, elle aurait permis de mieux concilier les différentes
perceptions et attentes qui ont eu raison de la coopération UE-Russie.
Par ailleurs, une source d’ambiguïté additionnelle et d’inégalité potentielle
demeure entre les pays participants à la PEV. Les pays du sud de la
Méditerranée n’ont aucune possibilité d’adhérer à l’UE alors qu’il est
envisageable pour certains pays à l’est de l’UE d’espérer obtenir un jour le
statut de candidat à l’adhésion. Contrairement aux pays au sud de la
Méditerranée, ils pourraient éventuellement être considérés comme « État
européen »16. En effet, les limites de l’Europe demeurent floues, voire
discutables pour des pays comme la Moldavie et l’Ukraine, même pour la
Géorgie située à la limite de l’Europe et de l’Asie. Cette différence à l’égard de
la perspective d’adhésion n’est pas anodine. Elle affecte les relations avec l’UE,
sa capacité d’attraction et surtout la motivation des uns et des autres dans la
poursuite des réformes.
L’UE brouille davantage la limite entre la PEV et la politique d’élargissement,
en attribuant la responsabilité des deux politiques au même commissaire
européen, l’Autrichien Johannes Hahn depuis le 1er novembre 201417. Un choix
qui est cohérent au regard des relations avec les voisins comme le confirme le
nouvel acronyme, depuis le 1er janvier 2015, de la direction générale (DG) –
NEAR18. Néanmoins, au nom de l’approche globale promue par l’UE, cette
décision devrait être revue pour placer stratégiquement la PEV, à part. Une
entité autonome qui peut clairement être liée au HR/VP, aux départements
appropriés du SEAE19, aux structures politico-militaires de la Politique de
sécurité et de défense commune (PSDC) ainsi qu’aux directions générales
pertinentes. Par exemple, c’est la DG – Développement et Coopération
(DevCo) qui gère depuis 2007 le principal instrument financier de la PEV20,
soit l’Instrument européen de voisinage (IEV), dont les délégations de l’UE
assurent la mise en œuvre sur le terrain. Les relations existent déjà entre ces
entités, mais une restructuration qui ferait de la PEV une véritable structure de
coordination faciliterait la mise en œuvre de l’action de l’UE, surtout dans
l’optique de l’approche globale, dont elle fait la promotion.
16 L’article 49 du traité sur l’UE spécifie que « tout État européen qui respecte les valeurs » démocratiques de l’UE « peut demander à devenir membre », mais ne précise pas ce qui définit un État européen. 17 Commission européenne, Collège (2014-2019) : Les commissaires. 18 Commission européenne, European Neighbourhood Policy and Enlargement Negotiations. 19 Le département PEV est lié aux départements Afrique/Moyen-Orient et Europe/Asie centrale. Voir l’organigramme du SEAE. 20 Commission européenne, International Cooperation and Development.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
10
1.3. L’approche globale : un défi de coordination et de
cohérence
Dès l’origine, la Commission européenne insiste sur la dimension globale de la
PEV, « regroupant les principaux instruments à la disposition de l’Union et de
ses États membres » qui en constituerait sa valeur ajoutée21. Dans cette
perspective, l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP)
remplace, en 2007, le programme communautaire d’assistance technique
TACIS pour les pays d’Europe orientale et MEDA pour ceux de la
Méditerranée. Avec un budget substantiel de 11,2 milliards d’euros pour 2007 à
201322, il doit être utilisé en complément de l’activité des autres instruments
financiers de l’UE. Au 1er janvier 2014, l’IEVP devient l’IEV avec un budget qui
s’élève à plus de 15 milliards d’euros pour la période 2014 à 202023. Un
engagement financier considérable en hausse en dépit des contraintes
économiques de l’UE, à peine remise de la crise économique, qui traduit
l’importance accordée à la PEV24. L’IEV offre une large gamme de programmes
de coopération transfrontalière, en matière de gouvernance, et techniques. À
cet égard, l’IEV apporte une assistance aux pays dans leur rapprochement avec
la législation européenne et le renforcement de leurs institutions, notamment
avec le jumelage institutionnel (TWINNING)25, l’instrument TAIEX26 et le
programme SIGMA27 qui sont également utilisés par les pays dans la phase de
préadhésion à l’UE.
Plus concrètement, les événements du printemps arabe offrent l’occasion à
l’UE de mettre en pratique sa rhétorique sur l’approche globale pour réagir aux
différentes facettes du processus de transition politique et aux besoins socio-
économiques. L’UE additionne notamment les financements de la PEV aux
Fonds européen de Développement, de la Banque européenne d’investissement
21 Commission européenne, 2003, Ibid., p. 3; Commission européenne, « Politique européenne de voisinage, document d’orientation », COM(2004) 373 final, Bruxelles, 12 mai 2004a, p. 8. 22 EU Neighbourhood Info Centre, L’Instrument européen de voisinage. 23 Ibid. 24 Richard Whitman et Ana Juncos, « The Arab Spring, the Eurozone Crisis and the Neighbourhood: A Region in Flux », Journal of Common Market Studies, 50 (Annual Review) 2012. 25 Détachement d’un expert, appelé conseiller résident de jumelage, d’un État membre de l’UE auprès de l’administration d’un pays partenaire pour au moins un an (ou formule allégée 6 mois) afin de faciliter la mise en œuvre de l’acquis communautaire et de permettre l’échange de « bonnes pratiques ». Voir : http://ec.europa.eu/enlargement/tenders/twinning/index_fr.htm. 26 Instrument utilisé à court terme, visant l’assistance technique, l’échange d’informations, d’expertise et de bonnes pratiques pour l’application et le respect de la législation européenne. Il prend la forme de visites d’étude et de missions d’experts. Voir : http://ec.europa.eu/enlargement/tenders/taiex/index_fr.htm . 27 Initiative conjointe UE-OECD afin de renforcer les capacités des administrations publiques. Voir : http://www.sigmaweb.org/.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
11
et de la Banque européenne de reconstruction et de développement, tout en
essayant de les coordonner avec les financements des institutions
internationales comme le Fonds monétaire international (FMI). De plus, elle
combine le potentiel des activités et les budgets de l’Instrument contribuant à
la stabilité et à la paix, de l’Instrument de coopération au développement, de
l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme et de
l’Instrument européen de voisinage afin de soutenir le processus de
démocratisation28.
L’UE consolide également l’approche globale avec des initiatives comme la
nomination d’un Représentant spécial de l’UE (RSUE) et la création de
groupes de travail (Task forces). En juillet 2011, l’UE nomme Bernardino León
comme premier RSUE pour la région sud de la Méditerranée. Il a la
responsabilité de coordonner l’action européenne à la suite des événements du
printemps arabe, en étroite collaboration avec le RSUE pour les droits de
l’homme, Stavros Lambrinidis29. Après l’éviction du président égyptien Morsi
par les militaires au début juillet 2013, il permet d’assurer une présence
européenne en Égypte alors que l’UE reste prudente, voire ambiguë, sur la
reconnaissance et la légitimité du gouvernement par intérim après l’éviction de
Morsi et du retour des militaires dans la vie politique. León a été activement
engagé dans le dialogue avec les acteurs égyptiens, de tous les groupes
politiques et de la société civile, régionaux dont les diplomates des Émirats
arabes unis et du Qatar ainsi qu’internationaux, notamment le secrétaire
adjoint américain, Bill Burns, afin de contribuer à la résolution de la crise30.
Malheureusement, son mandat s’est terminé au 30 juin 2014 et n’a pas été
renouvelé. La région est depuis sans RSUE à même d’assurer une approche
plus politique que les délégations de l’UE qui se retrouvent seules à assurer le
suivi ainsi que les contacts formels et informels dans les pays bénéficiaires au
sud. À l’est, depuis 2011, l’UE a également nommé successivement des RSUE
pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie, en ce moment Herbert Salber,
dont le règlement pacifique est la principale responsabilité31. Bien que l’un de
ses objectifs soit d’« améliorer l’efficacité et la visibilité de l’Union dans la
région », son mandat ne concerne pas explicitement l’ensemble de la région
couverte par la PEV et la politique elle-même comme dans le cas du RSUE
28 Chantal Lavallée, « L’action extérieure de l’Europe à l’épreuve de l’Égypte et de la Corne de l’Afrique », Étude de l’IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire), no. 31, 2014. 29 Conseil, « 2011 Rapport annuel de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen », Bruxelles, 4 octobre 2012b, p. 8. 30 Chantal Lavallée, op.cit., 2014, p. 24; 26. 31 SEAE, « European Union Special Representative for the South Caucasus and the crisis in Georgia », Bruxelles, 2 février 2015.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
12
pour la région sud de la Méditerranée, dont la mission était plus précise à cet
égard32.
L’UE innove aussi avec la mise en place de groupes de travail (Task forces). Il
s’agit d’un cadre de discussion, présenté comme étant « une nouvelle forme de
diplomatie européenne, visant à renforcer l’engagement envers les pays en
transition avec la mobilisation de toutes les ressources de l’UE et la
collaboration avec les secteurs public et privé » pour attirer les investissements
étrangers33. Des groupes de travail ont été organisés en Tunisie (28-29
septembre 2011), en Jordanie (22 février 2012) et en Égypte (13-14 novembre
2012). Avec plus de 500 participants, provenant des secteurs public et privé34,
c’est en Égypte que la Task force est la plus imposante. Les résultats sont par
contre décevants en raison de l’instabilité politique qui caractérise le pays
depuis 201335. L’UE y promet près de 5 milliards d’euros sous forme de prêts et
de subventions pour 2012-201336 qui n’ont pas été versés. L’offre européenne
est notamment conditionnelle à la conclusion de l’accord avec le FMI,
consistant à un plan d’aide de 4,8 milliards de dollars américains, dont les
négociations achoppent depuis 2011 en raison des réformes économiques à
réaliser. Ni le président Morsi ni le président al-Sissi ne sont prêts à les faire
d’autant plus qu’ils peuvent compter sur l’aide financière substantielle et sans
condition des pays du Golfe37.
Dans la perspective de l’approche globale, les relations de l’UE avec les pays du
Golfe, notamment avec le Conseil de coopération des États arabes du Golfe
(Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar),
doivent dès lors être davantage coordonnées avec le volet sud de la PEV afin
d’éviter des effets contre-productifs du genre. En outre, à la suite de l’éviction
32 Union européenne, « DÉCISION (PESC) 2015/332 DU CONSEIL du 2 mars 2015 prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie », Journal officiel de l'Union européenne, 3 mars 2015b. 33 Union européenne, « EU-Egypt Relations », A 424/13, Bruxelles, 21 août 2013, p. 1. 34 Côté européen, sont présents le HR/VP, des représentants des institutions européennes, notamment du SEAE, de la Commission (le président, les Commissaires des DG Élargissement et PEV et DG Entreprise et Industries), du Parlement européen, du Conseil, de la Banque européenne de reconstruction et développement et des États membres ainsi que les représentants spéciaux de l’UE pour les droits de l’homme et pour la région du sud de la Méditerranée, des représentants du secteur privé (102) et de la société civile. Le secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée est aussi présent. Côté égyptien, sont présents des membres du gouvernement, du secteur privé (200) et de la société civile. À la dernière minute, le gouvernement égyptien a annulé l’invitation faite aux ONG. À quelques jours du début des travaux, les représentants européens ont alors proposé une rencontre en marge des discussions.
Susi Dennison, « The EU and North Africa after the Revolutions: A New Start or ‘plus ça change’? », Mediterranean Politics, 18 (1) 2013, p. 123–128. 35 Conseil, « EU-Egypt Task Force », 2012a, p. 1. 36 Ibid., p. 2. 37 Delphine Minoui, « Mission quasi impossible pour le FMI en Égypte », Le Figaro, 22 avril 2013.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
13
du président Morsi, en juillet 2013, les pays du Golfe sont les premiers à offrir
à l’Égypte leur assistance économique avec une aide d’environ 9 milliards
d’euros, et ce, toujours sans exigence particulière38. Le ministre saoudien des
Affaires étrangères met ainsi l’UE sous pression pour l’obliger à réagir, en
déclarant que son pays est prêt à « remplacer l’aide américaine et européenne
si les Occidentaux s’avisaient de couper les vivres au nouveau régime »39. Une
coordination s’impose et doit s’inscrire dans la dimension régionale sur
laquelle insiste déjà l’UE au sud de la Méditerranée. De même, l’UE doit
repenser les relations avec la Turquie dans le contexte de la PEV alors que la
perspective d’élargissement est plus qu’incertaine avec un éloignement des
autorités turques sous l’influence du nouveau président Recep Tayyip Erdogan,
ancien premier ministre de 2003 à 2014. Toutefois, la perte de la majorité
absolue (depuis 2002) de son parti au Parlement, le Parti pour la justice et le
développement (AKP, islamo-conservateur), lors des élections législatives, en
juin 2015, pourrait permettre de relancer la coopération régionale.
Dans la dimension régionale au sud, d’une part, l’UE essaye d’orienter son
action pour s’attaquer aussi aux conséquences de la crise en Syrie et en Libye
sur l’instabilité régionale même si ces interventions restent mineures et ont
très peu de chance d’affaiblir les menaces multidimensionnelles, amplifiées par
l’action de l’État islamique dans la région. La tension croissante aux frontières
de l’Égypte, particulièrement dans le Sinaï à l’est avec la bande de Gaza et
Israël, à l’ouest avec la Libye (après la chute de Kadhafi en 2011), au sud avec le
Soudan et plus largement le voisinage avec la région de la Corne de l’Afrique, le
Yémen et le Sahel amène également l’UE à élaborer des stratégies régionales
pour structurer son action40. Le défi demeure de les mettre en pratique et
surtout de coordonner l’action dans les régions avoisinantes. D’autre part, à la
suite des événements du printemps arabe, elle a renforcé les relations avec les
partenaires régionaux comme le Turquie et les organisations régionales surtout
avec la Ligue des États arabes (LEA) qui a le statut d’observateur auprès de
l’Union pour la Méditerranée. Il s’agit d’ailleurs là d’un développement
notable, concret et très prometteur qui culmine, en juin 2014, au sommet des
ministres des Affaires étrangères des États membres de l’UE et de la LEA avec
l’adoption d’une déclaration commune, officialisant leur coopération41. Une
collaboration ayant un fort potentiel que l’UE doit continuer de valoriser et
38 Le Monde, « Les pays du Golfe volent au secours de l’Égypte », Le Monde, 12 juillet 2013. 39 Pierre Prier, « L’Arabie saoudite monte en première ligne », Le Figaro, 22 août 2013. 40 Chantal Lavallée et Jan Claudius Völkel, « Military in Mali. The EU’s Action against Instability in the Sahel Region », European Foreign Affairs Review, 20 (2), 2015; Chantal Lavallée, op.cit., 2014. 41 Service européen pour l’action extérieure, « Declaration adopted at Third European Union – League of Arab States Foreign Affairs Ministerial Meeting », Athène, Grèce, 10-11 juin 2014. Commission européenne/HR, « Joint staff working document : Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2014, Partnership for Democracy and Shared Prosperity with the Southern Mediterranean Partners Report ». SWD(2015) 75 final, Bruxelles, 25 mars 2015b.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
14
d’approfondir dans le contexte de la refonte de la PEV. Il s’agit comme l’Union
africaine (UA) d’un partenaire essentiel à la dynamique régionale d’autant plus
que la LEA a gagné en crédibilité au cours des dernières années avec un
soutien grandissant des pays membres, dont l’Égypte. Un soutien aux
organisations régionales peut dès lors s’avérer un moyen indirect et efficace
pour encourager les réformes et stimuler la coopération dans la région.
À l’heure du premier bilan sur sa mise en œuvre après la révision de 2011, l’UE
présente la PEV comme un :
Excellent exemple d’approche globale de la politique extérieure. La
coopération avec nos voisins passe par l’ensemble des instruments et
des politiques dont dispose l’UE. Elle combine une association
politique à long terme, la politique commerciale, les politiques
sectorielles et la coopération financière avec des politiques à plus
court terme et des mesures relevant des instruments de la
PESC/PSDC [Politique de sécurité et de défense commune]. Elle
montre qu’il est possible de suivre une approche globale pour générer
une action cohérente associant tous les acteurs concernés de l’UE.42
Une évaluation qui semble somme toute très optimiste et à ce stade, peut-être
prématurée. Le potentiel est réel, mais il n’en demeure pas moins que
transformer l’approche en action globale reste un défi de taille et requiert
encore des ajustements importants. La capacité de l’UE à coordonner
efficacement ses instruments et ses initiatives est à ce jour limitée, en l’absence
de structure de coordination, d’une meilleure connexion entre la PEV et les
autres instruments, politiques, stratégies (par exemple dans la Corne de
l’Afrique et au Sahel, au sud) et partenariats (avec la Russie, à l’est) de l’UE. En
outre, une représentation politique comme un RSUE actif sur le terrain dans
les pays partenaires, assurant la liaison avec Bruxelles et les divers acteurs
européens, locaux, régionaux et internationaux engagés, pourrait renforcer la
dimension régionale encore sous-exploitée, tout en facilitant la coopération
bilatérale promue par l’approche différenciée de l’UE.
1.4. L’approche différenciée et progressive : des
principes au cas par cas pour une politique sur
mesure
En ce qui a trait aux relations entre l’UE et les pays partenaires dans le cadre
de la PEV, la forme et le financement sont nouveaux, mais son contenu
s’appuie sur les accords bilatéraux déjà existants, c’est-à-dire les Accords de
42 Commission européenne/HR, « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat », Bruxelles, 20 mars 2013a, p. 22.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
15
Partenariat et de coopération (APC) avec les pays à l’est de l’UE, et les Accords
d’association (AA) avec ceux du sud. L’une des principales caractéristiques de
la PEV est ainsi l’adoption, et ce, dès sa conception, d’une approche
différenciée qui est présentée comme la base de la nouvelle politique43. Elle
explique la prédominance de la dimension bilatérale de la PEV malgré son
cadre régional. Il s’agit d’abord et avant tout de relations qui reposent sur des
plans d’action, adaptés à l’état d’avancement de la coopération, à la situation
de chaque pays avec des objectifs à court et à moyen terme de trois à cinq ans,
signé et négocié avec chaque partenaire au regard de leurs besoins et de leurs
capacités44. Une approche justifiée par la grande hétérogénéité politique et
économique parmi les pays tant à l’est qu’au sud. Toutefois, il apparaît à
présent nécessaire de mieux équilibrer les deux dimensions, bilatérale et
régionale, de la PEV afin de prendre en compte et de stimuler aussi la
dynamique régionale, encore sous-développée, qui s’avère pourtant un
puissant levier d’action.
De plus, l’approche différenciée va de pair avec l’idée d’un engagement qui soit
« progressif et subordonné au respect d’objectifs de réforme préalablement
fixés. [Ainsi, selon l’UE] l’octroi de nouveaux avantages devrait aller de pair
avec les progrès réalisés par les pays partenaires dans la mise en œuvre des
réformes politiques et économiques. En l’absence de progrès, aucune nouvelle
perspective » ne devrait être offerte45. Cette approche liée à la performance et à
la réalisation des réformes n’est cependant pas particulière à la PEV et s’inscrit
dans le contexte du tournant des années 2000. L’UE amorce alors une période
de restructuration et de rationalisation importante de ses instruments
d’assistance extérieure. Désormais, elle entend allouer les ressources aux
partenaires en fonction des résultats obtenus, en faisant le suivi de la
performance et de l’atteinte des objectifs fixés dans les documents
stratégiques46. Les effets de la conditionnalité de l’aide financière dans le cadre
de la PEV n’en soulèvent pas moins des critiques, car l’approche incitative est
jugée contre-productive, surtout en Égypte après les événements du printemps
arabe47. Elle renvoie aussi au dilemme traditionnel de l’UE. D’une part, elle
veut faire la promotion de ses valeurs, dont la démocratie, avec une approche
incitative pour stimuler le changement. De l’autre, elle est confrontée à la
43 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 16; Commission européenne, op.cit., 2004a, p. 8. 44 Il n’existe pas de plans d’action avec la Libye (sans accord d’association) ni avec le Bélarusse (l’accord de partenariat et de coopération est gelé depuis 1997 en raison de la situation politique), et la Syrie a été suspendue de la PEV, en 2011. 45 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 17. 46 Commission européenne, « Communication from the Commission to the Council and the European Parliament on the Instruments for External Assistance under the Future Financial Perspective 2007-2013 », COM (2004) 626 final, Bruxelles, 29 septembre 2004b, p. 7. 47 Chantal Lavallée, « La réponse de l’UE au printemps arabe, quelles leçons pour le Canada ? ». Policy Paper Series (Dialogue transatlantique Canada-Europe), février 2015b; Jan Claudius Völkel, « More for More, Less for Less – More or Less: A Critique of the EU’s Arab Spring Response à la Cinderella », European Foreign Affairs Review, 19 (2), 2014a.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
16
nécessité d’assurer la stabilité régionale, en coopérant par défaut avec des
régimes autoritaires et ainsi, en favorisant le statu quo. L’application d’une
logique deux poids deux mesures qui insiste à différents degrés ou non sur la
conditionnalité démocratique, selon l’importance stratégique des pays
concernés, a d’ailleurs souvent été critiquée48. Un dilemme que l’UE semble
vouloir dépasser, en ambitionnant à tout faire en même temps dans le cadre de
la PEV, c’est-à-dire soutenir le processus de démocratisation, assurer la
sécurité et soutenir le développement économique dans son voisinage. Des
objectifs qui ont connu un succès variable selon les dispositions des pays
partenaires et surtout des nombreux bouleversements politiques des dernières
années tant à l’est qu’au sud. À la suite des événements du printemps arabe,
l’UE doit donc veiller à construire un climat de confiance, si elle veut créer un
cercle d’amis autour d’elle et rester une partenaire crédible.
1.5. Un espace de stabilité, de sécurité et de prospérité
sous haute tension
L’expression clé au cœur de la PEV qui fait presque office de slogan est, en
effet, celle de favoriser l’émergence d’un espace « de stabilité, de sécurité et de
prospérité » dans l’environnement immédiat de l’UE49. Ils constituent les trois
volets des objectifs poursuivis dans le cadre de la PEV : politique, sécuritaire et
économique, tant au niveau bilatéral que régional. Dès le lancement de la PEV,
la Commission souligne l’importance que l’UE accorde à « l’appropriation
commune du processus, fondée sur la prise en compte de valeurs et d’intérêts
communs […] L’UE ne cherche pas à imposer des priorités ou des conditions à
ses partenaires. La réussite des plans d’action [signés avec chaque partenaire]
dépend de l’existence manifeste d’intérêts réciproques au regard des thèmes
prioritaires à traiter »50. Toutefois, la PEV est d’abord et avant tout une
politique européenne. Elle repose sur un budget européen imposant, venant
des contribuables européens auprès desquels la Commission européenne est
redevable dans la gestion auprès du Parlement européen et de la Cour des
comptes européenne comme l’a confirmé le rapport très critique sur
l’engagement européen en Égypte, en juin 201351. Bien que l’intention soit
aussi de stimuler la dynamique régionale, l’UE n’en consolide pas moins sa
48 Karen Del Biondo, « EU Aid Conditionality in ACP Countries: Explaining Inconsistency in EU Sanctions Practice », Journal of Contemporary European Research, 7 (3), 2011. 49 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 4. 50 Commission européenne, op.cit., 2004a, p. 8. 51 Cour des comptes européenne, « Aide de l’UE à la gouvernance en Égypte : ‘un soutien bien intentionné, mais inefficace’, selon les auditeurs externes de l’UE », Communiqué de Presse, ECA/13/18, Luxembourg, 18 juin 2013.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
17
position et poursuit ses intérêts dans les régions voisines. « L’UE demeure le
premier partenaire commercial de presque tous les pays du voisinage »52.
Dans l’optique de consolider cet espace « de stabilité, de sécurité et de
prospérité », la PEV comprend aussi une dimension multilatérale qui repose
sur des partenariats régionaux existants. Au sud, elle s’appuie d’abord sur les
fondations du Partenariat euro-méditerranéen, lancé en 1995, à Barcelone
donc mieux connu sous le nom du processus de Barcelone qui consolide les
relations de plusieurs pays membres de l’UE avec les pays au sud de la
Méditerranée. À l’est, le Partenariat oriental est plus tardif et demeure moins
institutionnalisé. Il s’inscrit à la suite des changements géopolitiques, la chute
de l’URSS et l’indépendance des anciens pays satellites, puis les élargissements
de l’UE en 2004 et 2007 qui la rapprochent de cette zone et de la Russie en
pleine transformation. L’élément déclencheur de sa mise en place est
certainement la relance du processus de Barcelone qui, sous l’impulsion du
président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, devient l’Union pour la
Méditerranée (UpM), en 2008. La « réponse stratégique » à la consolidation
du partenariat au sud vient de la Pologne et de la Suède qui proposent de
développer à l’est un cadre de coopération leur permettant aussi de renforcer
leurs relations avec leurs partenaires naturels, liés à la proximité
géographique53. Le projet est ainsi mis à l’agenda européen par la République
tchèque qui est responsable de la présidence de l’UE à partir du 1er janvier
2009. Il s’agit du premier pays centre européen à assumer cette responsabilité.
Le Partenariat oriental est lancé en mai lors du sommet européen de Prague. Il
s’adresse aux six pays : de l’Europe orientale, soit la Biélorussie, la Moldavie et
l’Ukraine, et du Caucase du Sud, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie54. En
outre, dans le contexte du conflit russo-géorgien en août 2008, la perception
de menaces face aux prétentions russes dans le voisinage européen est un
facteur non négligeable55. Le partenariat oriental marque ainsi un tournant
politique à l’égard de la PEV jusque-là relativement technique. Il suscite
rapidement la méfiance de la Russie déjà attisée par les élargissements,
complétés et prévus, de l’UE et de l’OTAN aux pays considérés comme faisant
partie de sa zone d’influence.
Par conséquent, les deux composantes de la PEV sont le reflet des différences
d’intérêts et de priorités de l’agenda européen au sein de l’UE à 28. Elles
confirment aussi que la PEV s’adresse non pas à un, mais à deux espaces
distincts et hétérogènes, confrontés à des enjeux spécifiques. Dès lors, il y a
52 Commission européenne/HR, « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat », JOIN(2013) 4 final, Bruxelles, 20 mars 2013a, p. 11. 53 Florent Parmentier, « L’UE à l’épreuve du Partenariat oriental : perspectives sur le sommet de Vilnius (novembre 2013) », Policy Paper (Notre Europe), no. 103, 2013, p. 3. 54 SEAE, EU Relations with Eastern Partnership. 55 George Christou, « European Union Security Logics to the East: the European Neighbourhood Policy and the Eastern Partnership », European Security, 19 (3) 2010.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
18
lieu de remettre en question l’espace au singulier stable, sécuritaire et prospère
que l’UE souhaite voir à ses frontières et qui peine à émerger. D’une part, l’UE
a clairement favorisé le bilatéralisme au détriment du régionalisme initial
prévu par le processus de Barcelone, par exemple, pourtant porteur d’une plus
grande appropriation du processus de coopération56. D’autre part, l’UE n’est
évidemment pas seule responsable, car plusieurs facteurs, liés aux enjeux de
politiques intérieures des pays visés et des conflits dans les régions à l’est et au
sud, freinent les divers processus de transition politique. Le « cercle d’amis »57
qu’a voulu créer l’UE dans son environnement immédiat s’est transformé au
cours des dernières années en véritable « cercle de feu » (Ring of Fire)58. En
somme, l’UE fait face à de nombreux enjeux externes qui doivent également
être pris en compte dans la refonte de la PEV pour l’adapter à la nouvelle
géopolitique régionale.
56 Federica Bicchi, « The Union for the Mediterranean, or the Changing Context of Euro-Mediterranean Relations », Mediterranean Politics, 16 (1) 2011; Michelle Pace, « The European Union, security and the southern dimension », European Security, 19 (3) 2010. 57 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 4. 58 Charlemagne, « How to be good neighbours », The Economist, 1er mars 2014; « Europe’s ring of fire », The Economist, 20 septembre 2014.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
Chapitre 2 2.
Une politique à bout de souffle dans un
contexte régional en pleine mutation
__________________________________________
L’enthousiasme qui accompagne le lancement de la PEV a rapidement fait
place à une mise en œuvre complexe tant au regard de sa dimension bilatérale
que régionale. Au sud et à l’est, les bouleversements politiques des dernières
années, les difficultés économiques et les nombreux enjeux liés à la sécurité
régionale sont autant de défis auxquels est confrontée la PEV qui plaident pour
un examen approfondi et la mise à jour de ses paramètres.
2.1. Au sud : le partenariat euro-méditerranéen à
l’épreuve des transformations politiques
Le partenariat euro-méditerranéen (EuroMed) qui s’appuie sur le processus de
Barcelone, comprend 3 axes prioritaires : 1) un partenariat politique et de
sécurité, 2) une coopération économique et financière, visant la mise en place
d’une zone de libre-échange et 3) un dialogue sur les enjeux sociaux, culturels et
humains. Toutefois, ne donnant pas les résultats escomptés, le partenariat
EuroMed est repensé et relancé sur de nouvelles bases, en 2008, et devient
l’Union pour la Méditerranée (UpM)59. Les principales innovations visent à
atténuer l’asymétrie des relations souvent dénoncée au sud. Une coprésidence
est notamment mise en place afin de permettre la codécision. Elle est d’abord
assurée au nord par la France, car le président Nicolas Sarkozy est à l’origine
du projet, et au sud par l’Égypte. En 2012, avec la fin du mandat présidentiel
de Sarkozy, la présidence au nord est transférée à l’UE qui espère ainsi
accroître la cohérence de sa position avec la mise en œuvre du traité de
Lisbonne60. Au sud, à la suite de la démission du président égyptien
59 L’UpM comprend les 28 États membres de l’UE, la Commission européenne et 15 États partenaires l’Albanie, l’Algérie, la Bosnie-et-Herzégovine, l’Égypte, Israël, la Jordanie, Liban, la Mauritanie, Monaco, Monténégro, Maroc, l’Autorité Palestinienne, la Syrie (suspendue depuis mai 2011), la Tunisie et la Turquie. La Ligue des États arabes et la Libye ont un statut d’observateur. 60 Conseil, « 2012 — Annual report from the High Representative of the European Union for Foreign Affairs and Security Policy to the European Parliament », Bruxelles, 16 octobre 2013, p. 32.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
20
Mohammed Hosni Moubarak et l’incertitude de l’évolution de la situation dans
le contexte du printemps arabe, la présidence a été attribuée à la Jordanie qui
l’assume depuis 2012. La coprésidence de l’UpM ajoute une valeur qualitative
indéniable à la coopération euro-méditerranéenne, en équilibrant les relations
et en contribuant à l’appropriation du processus par les partenaires de l’UE au
sud. En outre, après de longs débats, le secrétariat demeure à Barcelone. En
contrepartie, le secrétaire général provient d’un des pays au sud et à l’est de la
Méditerranée, actuellement le Marocain Fathallah Sijilmassi. Avec le maintien
de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne61, héritée du processus de
Barcelone, il doit aussi favoriser la participation politique au sud. D’ailleurs,
une démarche similaire devrait aussi être suivie au sein du Partenariat oriental
qui, pour l’instant, repose surtout sur des dialogues informels et des rapports
asymétriques entre l’UE et ses partenaires.
Malgré ces innovations, le dialogue politique au sein de l’UpM reste difficile et
fragile, car polarisé entre les pays arabes et Israël ce qui contribue à la
politisation du partenariat EuroMed62. À l’exception de l’Égypte, la Jordanie et
le Maroc, pratiquement aucun gouvernement arabe n’entretient de contact
officiel avec la délégation d’Israël. Par ailleurs, le printemps arabe semble
l’occasion manquée par l’UE de mettre à profit ses atouts pour accompagner le
processus de démocratisation. À l’exception de la Tunisie qui se distingue par
son contexte politique interne favorable aux réformes et sa volonté de
rapprochement avec l’UE. En effet, la Tunisie obtient le statut avancé, en
novembre 2012, rejoignant la Jordanie et le Maroc vers un partenariat
privilégié avec l’UE qui doit notamment aboutir à un accord de libre-échange63.
Elle avance dans le processus de transition politique de façon positive et
devient ainsi l’un des premiers bénéficiaires de l’aide de l’UE. Par contre,
l’aboutissement du processus de transition politique reste incertain dans la
région, surtout avec le retour des militaires au pouvoir et d’un régime autoritaire
en Égypte avec le président al-Sissi, élu en mai 2014. En outre, la capacité
d’attraction et surtout de transformation du modèle européen reste variable à
travers les pays de la région, dont la plupart n’ont aucune perspective d’adhésion
à l’UE.
Par ailleurs, dans le cadre de l’UpM, la coopération est surtout basée sur des
projets à l’échelle régionale et sous régionale en matière de migration, d’énergie,
d’environnement, d’infrastructure, de santé et de culture64. L’UpM est ainsi
souvent décrite comme une union de projets. Là encore, le bilan est décevant.
61 L’Assemblée, dont le pouvoir est consultatif, est composée de parlementaires des 28 États membres de l’UE, des pays méditerranéens partenaires et du Parlement européen. Voir : http://www.europarl.europa.eu/intcoop/empa/content_en.html. 62 Federica Bicchi, op.cit. 63 Centre d’information pour le voisinage européen (EU Neighbourhood Info Centre), L'UE et la Tunisie concluent un partenariat privilégié avec un accord sur un nouveau plan d'action, 19 novembre 2012. 64 Union pour la Méditerranée, Liste de projets UpM.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
21
Les projets sont souvent sous-financés. L’augmentation du financement alloué
aux projets de l’UpM est donc impérative et c’est d’ailleurs l’une des
recommandations formulées par les participants de la conférence ministérielle
de l’UpM, à Beyrouth, le 24 juin 2015, dans la perspective de révision de la
PEV65.
De façon plus spécifique ce qui revient à l’agenda euro-méditerranéen c’est la
coopération en matière de sécurité. L’UE a manifesté dès le départ un intérêt
particulier pour assurer la sécurité dans son voisinage, en luttant contre
l’immigration illégale, le terrorisme, le crime organisé et les trafics d’armes, de
drogues et d’humains, par une externalisation croissante de sa sécurité
intérieure66. Dès 2003, la Stratégie européenne de sécurité souligne clairement
le lien entre les aspects intérieurs et extérieurs de la sécurité européenne et
insiste ainsi dans la section « Construire la sécurité dans notre voisinage » sur la
coopération en matière de sécurité avec les voisins67. Puis, en 2005, la
Commission européenne confirme et renforce ce lien avec la communication la
Stratégie relative à la dimension externe de l’espace de liberté, de sécurité et de
justice et le lancement de l’Approche globale pour la migration et la mobilité68.
Ces initiatives offrent un cadre politique avec des objectifs précis qui permet de
renforcer la coopération avec des pays tiers dans ces domaines. À cet égard, en
2005, les parties du Partenariat euro-méditerranéen acceptent de rajouter aux
axes prioritaires du processus de Barcelone un quatrième axe « migration et
sécurité intérieure » et adoptent le Code de conduite euro-méditerranéen en
matière de lutte contre le terrorisme69. Toutefois, ces initiatives reçoivent un
accueil mixte et donc une mise en œuvre variable parmi les partenaires de l’UE
qui n’ont alors pas nécessairement les mêmes priorités politiques ni les mêmes
moyens70. Au niveau bilatéral, certains plans d’action de la PEV comprennent
néanmoins un volet « justice, liberté et sécurité », notamment ceux de la
Tunisie, la Jordanie et l’Égypte. En ce qui a trait aux accords d’association dans
le cadre du partenariat EuroMed, les accords avec l’Égypte et l’Algérie sont les
65 Union pour la Méditerranée, Les pays arabes méditerranéens, l’UE et l’UpM discutent de l’avenir de la Politique européenne de voisinage à Beyrouth, 24 juin 2015. 66 Isabelle Ioannides, « Inside-out and Outside-in: EU Security in the Neighbourhood », The International Spectator: Italian Journal of International Affairs, 49 (1) 2014; Florian Trauner et Helena Carrapiço, « The External Dimension of EU Justice and Home Affairs after the Lisbon Treaty: Analysing the Dynamics of Expansion and Diversification », European Foreign Affairs Review, 17 (1/2) 2012; Christian Kaunert et Sarah Leonard, « EU Counterterrorism and the European Neighbourhood Policy: An Appraisal of the Southern Dimension », Terrorism and Political Violence, 23 (2) 2011; Sarah Wolff, « The Mediterranean Dimension of EU Counter‐terrorism », Journal of European Integration, 31 (1) 2009. 67 Conseil européen, « Une Europe sûr dans un monde meilleur. Stratégie européenne de sécurité », Bruxelles, 12 décembre 2003. 68 Commission européenne, Affaires intérieures. 69 Partenariat euro-méditerranéen, « Sommet euro-méditerranéen organisé à l’occasion du 10e anniversaire du partenariat euro-méditerranéen (Barcelone, les 27 et 28 novembre 2005) », EURO-MED 2/05, Bruxelles, 29 novembre 2005, p. 22-25. 70 Bicchi, op.cit.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
22
seuls qui mentionnent explicitement la coopération dans la lutte contre le
terrorisme, mais elle reste encore largement à développer71.
Par conséquent, en matière de coopération dans la lutte au terrorisme et au
crime organisé, les préoccupations sont clairement exprimées dès 2003 au
moment du lancement de la PEV en raison de la proximité géographique, mais
la mise en œuvre reste problématique72. Toutefois, les attentats à Paris, au
début janvier 2015, ont ravivé la volonté politique de relancer les discussions
avec les voisins sur ces enjeux. Le 19 janvier 2015, les ministres des Affaires
étrangères se sont entendus pour accroître la coopération en matière de
sécurité et de renseignement avec les partenaires de l’UE, dont la Turquie et les
pays d’Afrique du Nord, y compris avec la Ligue des États arabes73. Il reste à
voir comment et quand elle se concrétisera.
Pour ce qui est de la coopération en matière de migration, le dossier revient
aussi à l’avant-plan des discussions. Depuis 2011, la hausse spectaculaire de
l’immigration illégale d’abord à la suite des événements du printemps arabe,
puis avec l’intensification de la crise en Libye et en Syrie, a entraîné la
multiplication des naufrages en mer Méditerranée. Elle est malheureusement
devenue l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde. L’année
2015 s’annonce déjà pour être une année record avec 137 000 personnes ayant
déjà traversées clandestinement la Méditerranée du 1er janvier au 1er juillet,
soit 83 % de plus que pour la même période en 2014, dont 1 867 au prix de leur
vie (1 308 seulement pendant le mois avril)74. La lutte contre l’immigration
illégale est ainsi plus que jamais la priorité de l’agenda européen et de la
coopération avec les pays du sud.
En effet, l’approche globale pour les migrations et la mobilité de l’UE qui met
l’accent sur la dimension externe du phénomène migratoire est renforcée et
constitue la priorité numéro un de la Task force pour la Méditerranée, créée à
la suite du naufrage au large de Lampedusa, en 201375. La signature des
accords de réadmission est déjà au cœur des partenariats pour la mobilité,
conclus avec certains pays de la PEV pour permettre le retour des migrants
illégaux dans leurs pays d’origine ou de transit. À ce jour, seuls le Maroc (juin
71 Alexander MacKenzie et al., « EU Counterterrorism and the Southern Mediterranean Countries after the Arab Spring: New Potential for Cooperation? », Democracy and Security, 9 (1-2) 2013. 72 Commission européenne, op.cit., 2003, p. 6. 73 Nikolaj Nielsen, « EU to increase intelligence sharing with Arab states », EU Observer, 19 janvier 2015. 74 AFP, « L’Europe confrontée à un afflux inédit de migrants traversant la Méditerranée, selon l’ONU », Le Monde, 1er juillet 2015c. 75 Commission européenne, « Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les travaux de la task-force pour la Méditerranée », COM (2013) 869 final, Bruxelles, 4 décembre 2013a, p. 6.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
23
2013)76, la Tunisie (mars 2014)77 et la Jordanie (octobre 2014)78, ont signé un
tel partenariat de mobilité avec l’UE. En Égypte, le président Morsi et, à
présent, le président al-Sissi refusent d’ouvrir les négociations79. L’inclusion
d’un accord de réadmission qui vise la coopération dans la gestion des flux
migratoires et l’accueil obligatoire des migrants irréguliers, égyptiens ou ayant
transité par l’Égypte dans ce cas-ci, est particulièrement problématique et
continue de bloquer les discussions80. En mai 2015, la Commission européenne
a proposé un Programme européen sur la migration qui encourage de
poursuivre la coopération avec les États tiers, surtout en matière de
réadmission81. Le Conseil européen de juin 2015 abonde en ce sens et insiste
« sur la base du principe ‘donner plus pour recevoir plus’ [en réitérant que]
l’assistance et les politiques de l’UE seront utilisées pour inciter à la mise en
œuvre des accords de réadmission existants et à la conclusion de nouveaux
accords de ce type »82. L’externalisation de l’enjeu migratoire soulève toutefois
des inquiétudes d’autant plus que Dimitris Avramopoulos, l’actuel
commissaire européen pour la Migration et les Affaires intérieures, s’est dit en
faveur de la coopération avec tous les pays africains dans le cadre des
processus de Rabat et de Khartoum, y compris par défaut avec les régimes
autoritaires83.
Le défi est à présent de mettre à profit les composantes existantes des plans
d’action et de la coopération dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen
afin de les transformer en leviers d’action dans ce domaine. Il faut actualiser la
PEV en conséquence pour en faire une véritable structure de coordination et
ainsi faciliter la mise en œuvre qui reste problématique en matière de sécurité.
76 Commission européenne, « L’UE et le Maroc signent un partenariat pour gérer la migration et la mobilité », Communiqué de Presse, Bruxelles, 7 juin 2013. 77 Commission européenne, « L’UE et la Tunisie établissent leur partenariat de mobilité », Communiqué de Presse, Bruxelles, 3 mars 2014c. 78 Commission européenne, « UE-Jordanie: un nouveau partenariat pour une meilleure gestion de la mobilité et de la migration », Communiqué de Presse, Bruxelles, 9 octobre 2014b. 79 Commission européenne/HR, « Joint staff working document: Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2013 Regional report: A Partnership for Democracy and Shared Prosperity with the Southern Mediterranean Partners », SWD (2014) 100 final, Brussels, 27 mars 2014. 80 Jan Claudius Völkel, « Money for Nothing, the Cricks for Free. Five Paradoxes in EU Migration Policy », Comparative Migration Studies, 2 (2) 2014b, p. 159. 81 Commission européenne, « A European Agenda on Migration », COM(2015) 240 final, Bruxelles, 13 mai 2015a. 82 Conseil européen, « Réunion du Conseil européen (25 et 26 juin 2015) – Conclusions », EUCO 22/15, Bruxelles, 26 juin 2015a, p. 3. 83 AFP, « Avramopoulos: We cooperate with dictatorial regimes to fight migration », EurActiv, 5 mars 2015b; Nikolaj Nielsen, « EU looks to African dictators for migration solutions », EU Observer, 8 décembre 2014.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
24
2.2. À l’est : le baptême du feu pour le Partenariat
oriental
À l’instar de la coopération régionale avec le sud de la Méditerranée, la
coopération multilatérale dans le cadre du partenariat oriental s’organise sur la
base de quatre plateformes : 1) démocratie et État de droit, 2) intégration
économique et convergence avec les politiques de l’UE, basées sur l’accord
d’association et de libre-échange, 3) sécurité énergétique et 4) mobilité des
personnes84. Elles sont les composantes clés des accords d’association qui
devaient être signés au sommet de Vilnius, en novembre 2013, et marquer une
étape importante dans la mise en œuvre du partenariat. À partir de juin 2012,
des dialogues informels ont d’ailleurs été instaurés afin de rapprocher les
parties
Au niveau de la haute représentante/vice-présidente, du commissaire
chargé de la politique européenne de voisinage et des ministres des
Affaires étrangères des six pays partenaires. L’idée est que ces
dialogues portent sur toute question de politique étrangère d’intérêt
mutuel pour l’UE et ses partenaires, traitent de l’état d’avancement
de la mise en œuvre de la feuille de route pour le partenariat oriental
et, s’il y a lieu, incluent un dialogue sectoriel.85
Le thème qui guide ce partenariat est de « supporter les réformes, promouvoir
le changement » et du changement, il y en a eu beaucoup depuis novembre
2013. Malgré les dialogues informels, le président ukrainien Viktor Yanukovich
a fait volte-face, en refusant de signer l’accord d’association. Une décision qui a
exacerbé les divisions entre Prorusses et Pro-européens en Ukraine, entraînant
une crise majeure qui a conduit à la chute du gouvernement et à l’instabilité du
pays. L’accord d’association, pièce maîtresse du partenariat, a finalement été
signé avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, en juin 2014. Toutefois, la crise
en Ukraine qui se poursuit, malgré les accords de paix de Minsk, confirme que
la confrontation avec la Russie est loin d’être dissipée.
En effet, l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, les affrontements
entre les militaires ukrainiens et les rebelles séparatistes Prorusses à l’est de
l’Ukraine ainsi que les conflits gelés entre la Russie et la Moldavie en
Transnistrie, et la Géorgie en Ossétie du Sud et en Abkhazie témoignent des
tensions qui demeurent avec Moscou. Une situation qui a aussi relancé le débat
sur la capacité des Européens à assurer la sécurité dans leur voisinage. L’UE
conduit certes des missions civiles PSDC en Ukraine, en Moldavie et en
Géorgie, et, en 2014, l’essentiel du budget de l’IVE a servi à soutenir l’Ukraine.
Les événements confirment néanmoins que la PEV ne peut pas être conduite
84 SEAE, The Eastern Partnership Multilateral Platforms. 85 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 18.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
25
comme une simple politique européenne à partir du moment où elle est
déployée dans un environnement sous haute tension. Dès lors, elle doit aussi
être repensée dans le contexte des relations avec la Russie. À ce jour, l’adoption
de sanctions économiques demeure la principale action européenne coercitive
contre le Kremlin, accusée aussi de soutenir les rebelles séparatistes prorusses
dans l’est de l’Ukraine. En plus d’avoir un impact discutable, les sanctions sont
remises en question par les premiers ministres hongrois, Viktor Orbán, et grec,
Alexis Tsipras86.
À l’égard des six partenaires du partenariat oriental, les chefs d’État et de
gouvernement européens insistent, à Riga, en mai 2015, sur la doctrine de la
différenciation au cœur de la PEV. La Déclaration de Riga réitère ainsi le
recours à l’approche incitative selon la réalisation des réformes réalisées et à
l'approche différenciée avec chaque partenaire87. L’UE entretient des relations
plus étroites avec l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie qui souhaitent
approfondir leurs relations alors que l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Biélorussie
restent associés avec la Russie, notamment avec le lancement de l’Union
économique eurasienne, au 1er janvier 2015. Cette union comprend l’Arménie,
la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Fédération de Russie.
Largement inspirée de l’Union européenne, cette Union eurasienne,
qui regroupe 183 millions d’individus et couvre près de 15 % de la
surface terrestre, montre bien que la Russie non seulement cherche,
mais a réussi à constituer son propre bloc économique. Avec un PIB
de 4 000 milliards de dollars, l’Union eurasienne est appelée à
devenir un partenaire incontournable à cheval entre l’Europe et
l’Asie et sera certainement une superpuissance énergétique.88
Au sein de l’UE, les points de vue sur l’Union économique eurasienne sont
contradictoires ce qui rajoute à la confusion quant aux objectifs réels de la
PEV. En France, on prétend que le partenariat oriental ne s’oppose pas à
l’Union économique eurasienne89. Pourtant, dans leur communication
conjointe de 2013, la Commission européenne et le HR/VP précisent que :
Cette Union est perçue comme offrant un autre modèle de
développement politique et économique, à côté de l’intégration avec
l’UE. Un choix doit cependant être fait. Par exemple, l’adhésion à
l’union douanière qui fait partie de l’Union eurasienne ferait obstacle
86 Chantal Lavallée, « L’Union européenne doit-elle se donner une armée ? », Le Devoir, 27 Avril 2015a. 87 Union européenne, « Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015) ». Riga, 22 mai 2015, p. 5. 88 Mathieu Jacques, « Une Union eurasienne est née », Le Devoir, 7 avril 2015. 89 Aline Robert, « À Riga, l’UE veut différencier les pays du Partenariat Oriental », EurActiv, 20 mai 2015.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
26
à toute intégration économique avec l’UE au moyen d’un accord de
libre-échange approfondi et complet.90
L’UE ne peut pas faire fi des rapports de force et des luttes d’influence qui se
jouent dans la région et qui placent les pays en position délicate, coincés entre
l’UE et la Russie. Elle devrait plutôt veiller à atténuer cette opposition, surtout
si elle veut éviter la confrontation, et ce, avec une meilleure coordination entre
le partenariat oriental et le partenariat stratégique UE-Russie qu’elle doit
essayer de relancer sur de nouvelles bases.
Par ailleurs, l’approche différenciée s’applique également entre l’Ukraine, la
Géorgie et la Moldavie. Par exemple, la Moldavie bénéficie d’un accord sur la
libéralisation du régime de visas avec l’UE depuis avril 2014 alors que
l’Ukraine et la Géorgie espèrent aussi se voir attribuer ce privilège. Toutefois,
les chances de l’Ukraine sont limitées. Depuis la crise, elle est parmi les six
pays d’origine des réfugiés les plus importants avec la Syrie, l’Érythrée, la
Somalie, le Niger et l’Irak bien que la majorité entre dans l’UE de manière
légale91. L’enjeu migratoire se pose donc aussi à l’est, avec moins d’acuité qu’au
sud, mais il a quand même amené la signature de partenariats pour la mobilité
avec la Moldavie (2008), la Géorgie (2009), l’Arménie (2011) et l’Azerbaïdjan
(2013)92.
En somme, tant au sud qu’à l’est, des changements majeurs émergent dans une
nouvelle géopolitique régionale, dont découlent des défis qui plaident à présent
pour une révision en profondeur de la PEV. À l’aube du cadre financier
pluriannuel 2014-2020, la nouvelle Commission Juncker en a ainsi fait l’une
de ses priorités pour l’année 201593. Malgré une volonté affichée de réformer la
PEV de façon substantielle, force est d’admettre que le processus de révision,
lancé en mars 2015, reprend, pour l’instant du moins, une rhétorique très
similaire à celle existante depuis son lancement.
90 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 25. 91 Georgi Gotev, « Le nombre de demandeurs d’asile ukrainiens explose », EurActiv, 2 juin 2015. 92 Commission européenne, « UE-Jordanie… », op.cit. 93 Commission européenne, « Commission Work Programme 2015. A New Start: Annex 1 », COM(2014) 910 final, Strasbourg, 16 décembre 2014a, p. 4.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
Chapitre 3 3.
Une révision une fois de plus mal
engagée
__________________________________________
L’UE a procédé à une première révision de la PEV en 2011 afin d’en évaluer
l’apport et les limites durant la période 2004-2009 en plus de prendre en
compte les innovations du traité de Lisbonne, entré en vigueur au 1er décembre
2009. Le processus de révision débute au printemps 2010, mais avec les
manifestations sans précédent en Tunisie, en décembre, puis, en Égypte, en
janvier 2011, la démarche de l’UE prend vite une signification particulière.
L’UE entend alors prendre en compte le nouveau contexte pour réagir
rapidement aux événements, en procédant à un « changement fondamental »94
de sa stratégie à l’égard de la région, voire à une « refonte en profondeur de sa
politique européenne de voisinage »95. Cependant, la révision de la PEV en
2011 ne modifie pas de façon substantielle le contenu, les principes et les
objectifs (exposés ici dans la partie 1), des communications antérieures96.
Dès le 8 mars 2011, la Commission européenne et le HR/VP proposent un
« nouveau » cadre stratégique pour lancer un partenariat pour la démocratie
et une prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée. Il ambitionne à
adapter les relations à la nouvelle réalité régionale97. L’UE souhaite enfin
pouvoir mettre en œuvre, comme il a déjà été mentionné dans la partie 1,
l’approche globale qui doit permettre de mobiliser tous les instruments et les
ressources nécessaires. Elle entend surtout insister sur le principe de
conditionnalité pour encourager le processus de démocratisation. Elle favorise
94 Commission européenne/HR, « Un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le sud de la méditerranée », Bruxelles, 8 mars 2011b, p. 5. 95 Commission européenne/HR, « Tenir les engagements de la nouvelle politique européenne de voisinage », JOIN(2012) 14 final, Bruxelles, 15 mai 2012, p. 24. 96 Susi Dennison, op.cit.; Ingeborg Tömmel, « The New Neighborhood Policy of the EU: An Appropriate Response to the Arab Spring? », Democracy and Security, 9 (1-2) 2013; Rasmus Boserup et Fabrizio Tassinari, « The Return of Arab Politics and Europe’s Chance to Engage Anew », Mediterranean Politics, 17 (1) 2012; Andrea Teti, « The EU’s First Response to the ‘Arab Spring’: A Critical Discourse Analysis of the Partnership for Democracy and Shared Prosperity », Mediterranean Politics, 17 (3) 2012; Patricia Bauer, « The Transition of Egypt in 2011: A New Springtime for the European Neighbourhood Policy? », Perspectives on European Politics and Society, 12 (4) 2011. 97 Commission européenne/HR, op.cit., 2011b.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
28
toujours une approche basée sur la performance des pays bénéficiaires et sur
une logique différenciée, selon la réalité et les capacités de chaque partenaire.
Elle prétend avec la nouvelle formule « Plus pour plus, moins pour moins »
modifier la PEV, mais la substance reste pour l’essentiel la même que celle
énoncée dans la communication de 2003. L’UE veut aussi établir un nouveau
partenariat, basé notamment sur un « dialogue politique renforcé », axé sur les
droits de l’homme et la transparence, et la création de zones de libre-échange
dites « approfondies et complètes ». L’UE forte des acquis de la PEV, incluant
le partenariat euro-méditerranéen désormais basé sur l’UpM, réitère sa volonté
de jouer un rôle de catalyseur dans le processus de transition politique, en
conditionnant son assistance financière à la capacité des pays partenaires à
réaliser les réformes politiques et économiques, et à atteindre les objectifs fixés
par les plans d’action et à adopter les recommandations des rapports annuels
de la PEV.
Toutefois, rien de vraiment nouveau n’apparaît dans le document du 25 mai
2011 Une Stratégie nouvelle à l'égard d'un voisinage en mutation. Examen de
la Politique de voisinage qui doit concrétiser le nouveau cadre stratégique avec
les priorités et les objectifs d’une PEV révisée98. Il y a certes une plus grande
place accordée aux relations avec la société civile, notamment avec la Facilité
de soutien à la société civile au sud et le Forum pour la société civile du
partenariat oriental qui soutiennent les réformes démocratiques avec le
nouveau Fonds européen pour la démocratie. La révision est aussi
accompagnée de nouveaux financements, au sud SPRING (Support for
Partnership, Reform and Inclusive Growth) et à l’est EaPIC (Eastern
Partnership Integration and Cooperation Programme), dans les deux cas
attribués selon l’approche progressive et différenciée. Dans la perspective de
l’approche globale sur la question des migrations et de la mobilité, l’UE insiste
également davantage sur la mobilité des personnes. Elle souligne la nécessité
de renforcer la capacité de gestion des frontières, la coopération en matière de
migration et d’asile ainsi qu’entre les services répressifs. Il s’agit d’ailleurs d’un
des éléments clés des communications conjointes de mars et mai qui fait l’objet
quelques semaines plus tard d’une communication spécifique, intitulée un
dialogue pour les migrations, la mobilité et la sécurité avec les pays du sud de
la Méditerranée99. Elle présente notamment un plan d’action avec une série de
recommandations, dont un rôle et des ressources accrus pour FRONTEX,
l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux
frontières extérieures des États membres, dans la collaboration avec les pays
tiers. Néanmoins, il s’agit pour l’essentiel de renforcer et de mettre en œuvre
les composantes existantes de la PEV. L’évaluation de la PEV révisée conclut
ainsi dans la communication de 2013 sur la Politique européenne de
98 Commission européenne/HR, « Une Stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation », Bruxelles, 25 mai 2011. 99 Commission européenne, « Un dialogue pour les migrations, la mobilité et la sécurité avec les pays du Sud de la Méditerranée », COM (2011) 292 final, Bruxelles, 24 mai 2011.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
29
voisinage : vers un renforcement du partenariat que « sa mise en œuvre
demeure le principal défi à relever par l’UE et ses partenaires »100.
L’UE a certes renforcé la PEV comme cadre d’action avec un budget substantiel
et une plus grande inclusion de la société civile, mais le processus de révision
de 2010-2011 n’a ni transformé en profondeur la PEV ni amélioré sa mise en
œuvre. Le changement des régimes en place et la transition politique qui
s’amorce dans les pays voisins à surtout offert l’occasion à l’UE d’insister de
façon plus stricte sur la réalisation des réformes démocratiques. Ainsi, dans
l’approche différenciée apparaît la nouvelle logique « moins pour moins » qui
semble vouloir être appliquée avec rigueur, mais encore là avec plus ou moins
de succès101. La mise en œuvre de la PEV faisant face à de plus en plus
d’obstacles dans le contexte régional actuel et la révision de 2010-2011 n’ayant
pas su l’adapter aux défis politiques, économiques et sécuritaires, une seconde
révision s’impose.
Dans le cadre de son programme de travail pour 2015, la Commission sous la
nouvelle présidence de Jean-Claude Juncker a ainsi décidé de réviser la PEV
pour renforcer le rôle de l’UE comme acteur sur la scène internationale102. Le
document de consultation vers une nouvelle politique européenne de
voisinage, présenté par la Commission et le HR/VP en mars, donne les lignes
directrices qui doivent guider son « réexamen approfondi »103. La Commission
et le HR/VP admettent avec raison que la « PEV n’a pas toujours permis
d’apporter des réponses adéquates [aux] situations nouvelles, ni à l’évolution
des aspirations des partenaires de l’UE »104. Le document propose donc une
révision en profondeur à la suite d’une large consultation publique, incluant les
rencontres ministérielles en avril à Barcelone et en juin à Beyrouth pour
discuter de la relance du partenariat euro-méditerranéen ainsi que le sommet
des chefs d’État et de gouvernement de l’UE et des pays du partenariat
oriental, en mai, à Riga.
Le document de consultation identifie quatre domaines prioritaires à évaluer
dans le processus de révision qui doit mener à l’élaboration d’une
communication avant la fin de l’année 2015. 1) D’abord, il propose la prise en
compte de la variation dans l’intérêt des partenaires qui pourrait mener à une
géométrie variable, à une plus grande différenciation. Pourtant, la promotion
d’une approche différenciée est présente depuis la communication de 2003 et
permet déjà d’ajuster le niveau de la coopération selon les capacités et intérêts
des partenaires. Le document soulève toutefois la possibilité de créer de
100 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 4. 101 Jan Claudius Völkel, op.cit., 2014a. 102 Commission européenne, « Commission Work Programme 2015. A New Start: Annex 1a », COM(2014) 910 final, Strasbourg, 16 décembre 2014a, p. 4. 103 Commission européenne/HR, « Document de consultation conjoint : Vers une nouvelle politique européenne de voisinage », JOIN(2015) 6 final, Bruxelles, 4 mars 2015c, p. 4. 104 Ibid., p. 2.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
30
nouvelle structure. Il semble préférable d’adapter celle existante. 2) Le
document propose avec justesse de préciser l’orientation de la PEV, en
revoyant les véritables domaines d’intérêts communs. Les discussions
préliminaires et informelles entre l’UE et ses partenaires indiquent que le
commerce et développement économique, la connectivité dans les domaines
des transports et de l’énergie, la sécurité liée aux conflits, la criminalité
organisée et le terrorisme, et le développement de capacités de gestion
conjointe des crises et de catastrophes, de gouvernance de même que les
enjeux liés à la migration et la mobilité seraient ces intérêts communs. 3) Il
suggère également d’évaluer la flexibilité des instruments de la PEV,
notamment l’évaluation des progrès accomplis au regard de certains facteurs
internes et externes. Il s’agit là d’une dimension fondamentale qui doit figurer
dans la PEV révisée comme l’a d’ailleurs souvent souligné le Parlement
européen dans ses résolutions à la suite du printemps arabe. En effet, les plans
d’action doivent prendre en compte et s’adapter avec souplesse aux pressions
politiques, socio-économiques et régionales que subissent les pays
bénéficiaires et maintenir un contexte favorable qui encourage la réalisation
des réformes. 4) Enfin, il incite à revoir les moyens pouvant favoriser
l’appropriation des partenaires vers un partenariat plus égalitaire, une plus
grande participation des États membres dans l’élaboration et la mise en œuvre
ainsi qu’une meilleure visibilité de la PEV auprès du grand public.
Le document semble innover, en proposant, notamment l’association de pays
au-delà de la zone, l’évaluation de la capacité de l’UE à « réagir aux crises et
aux situations de conflits », en prenant mieux en compte le contexte
géopolitique dans lequel ses partenaires évoluent. Pour accroître l’efficacité de
la PEV, la Commission et le HR/VP suggèrent également qu’elle soit
« étroitement intégrée dans une politique étrangère générale de l’UE,
caractérisée par une approche globale permettant le recours à l’ensemble des
instruments de l’UE ainsi que des États membres »105. En outre, le Conseil
Affaires étrangères du 20 avril 2015 appelle au renforcement du volet sécurité,
notamment avec la réforme du secteur de la sécurité et une coordination plus
étroite avec la PSDC. Toutefois, ces suggestions reprennent les objectifs et les
recommandations inscrites dès 2003 dans la Stratégie européenne de sécurité
et dans les communications successives de la PEV. Dans l’évaluation de la PEV
en 2013, la communication souligne à cet effet que
Les changements d’orientation des pays partenaires en matière de
politique étrangère et l’intervention croissante d’autres acteurs dans
les régions concernées sont susceptibles de rendre l’UE moins
attrayante en tant que modèle et partenaire. Dès lors, l’UE devra
réfléchir aux moyens de suivre une approche plus multilatérale,
faisant intervenir plus systématiquement les autres acteurs opérant
105 Ibid., p. 3.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
31
dans les pays concernés, pour résoudre, avec les pays partenaires
eux-mêmes, les problèmes présentant un intérêt commun.106
Par conséquent, le processus de révision entamé en mars 2015 donne
l’impression de lancer une refonte en profondeur alors qu’il reprend, pour
l’essentiel, plusieurs questionnements laissés en suspens, plusieurs initiatives
jamais mises en œuvre et nombre d’objectifs encore à concrétiser dans le cadre
de la PEV. L’intention européenne est louable, mais les termes sont mal posés.
Il ne s’agit pas vraiment de réviser encore moins de réinventer la PEV, mais de
cerner clairement les limites et les défis de sa mise en œuvre afin d’apporter
des propositions concrètes pour atténuer les blocages.
106 Commission européenne/HR, op.cit., 20 mars 2013a, p. 25.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
Chapitre 4 4.
Des recommandations portant sur 5
axes-clés
__________________________________________
À la lumière des fondements de la PEV (partie 1), des enjeux politiques et
économiques auxquels elle fait face au sud et à l’est (partie 2) et des
orientations données au processus de révision en cours (partie 3), il s’agit à
présent de faire la synthèse des critiques et des recommandations présentées,
en détaillant des mesures précises.
4.1. La PEV : un instrument politique qui requiert une
approche plus stratégique
De façon générale, la révision de la PEV doit être l’occasion pour l’UE d’en
prendre réellement la mesure. Elle « n’est pas un instrument technique, mais
un instrument politique opérant dans un environnement hautement politisé où
des conflits majeurs prennent place »107. La particularité du contexte dans
lequel la PEV opère et sa portée en fait dès lors une politique particulière qui
ne peut pas se limiter à une procédure administrative et bureaucratique. La
réorientation stratégique demande l’engagement de tous les acteurs de l’UE,
les institutions européennes et les États membres, surtout. À cet égard, la PEV
révisée doit veiller à une meilleure cohérence avec les politiques des États
membres comme l’encourage d’ailleurs le document de consultation. Par
exemple, d’une part, les rapports annuels de la PEV sont très critiques à l’égard
de l’absence de réformes en Égypte en matière de réforme du secteur de la
sécurité108. De l’autre, en juillet 2014, le groupe naval français DCNS, dont
l’État français est actionnaire à 65 %, a signé un contrat, le premier accord
militaire d’envergure depuis 20 ans, d’une valeur d’un milliard d’euros pour la
107 Ulrich Speck, « EU faces tough choices in the neighbourhood », UE Observer, 18 mai 2015. 108 Commission européenne/HR, « Joint staff working document: Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2013 Regional report: A Partnership for Democracy and Shared Prosperity with the Southern Mediterranean Partners », SWD(2014) 100 final, Brussels, 27 mars 2014; Commission européenne/HR « Joint staff working document: Implementation of the European Neighbourhood Policy in Egypt Progress in 2014 and recommendations for actions », SWD (2015) 65 final, 25 mars 2015a, p. 7.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
34
vente de quatre frégates, et ce, grâce à l’aide financière de certains pays du
Golfe à l’Égypte109. De même, en février 2015, la France a endossé la signature
des contrats d’armement pour l’achat de 24 avions de combat Rafale de
Dassault Aviation avec l’Égypte du président al-Sissi, qui seront aussi
principalement financés par les pays du Golfe110. Un exemple qui témoigne de
la dichotomie en la démarche de l’UE et celle de certains États membres. Selon
Zajac, la contradiction entre les principes démocratiques liés à l’identité
européenne promue par l’UE et les intérêts États membres n’est pas nouvelle
et explique l’inefficacité depuis l’origine de la politique méditerranéenne111. Par
conséquent, une plus grande cohérence et cohésion entre l’action de l’UE et
l’action des États membres dans le voisinage européen seraient bénéfique à
l’efficacité sur le terrain. À ce titre, le Conseil européen devrait davantage
étoffer ses indications dans l’élaboration de la PEV et le Conseil Affaires
étrangères devrait, lors de la prise de décision, veiller à la cohérence entre
l’action extérieure à l’échelle européenne et nationale. Un plus grand
engagement des États membres pourrait aussi contribuer à une implication
plus importante des pays partenaires dans la coopération régionale.
4.2. Favoriser l’appropriation pour réduire l’asymétrie
des relations avec les partenaires
Il ne fait aucun doute que la PEV révisée doit aussi permettre une plus grande
appropriation du processus de coopération par les partenaires pour renforcer
la dimension régionale, comme l’ont exprimé les pays de la Méditerranée à la
conférence de Beyrouth, en juin 2015112. Au sud, cette politique est encore trop
souvent perçue comme étant « adoptée par l’UE pour ses voisins non avec
eux », confirmant le sentiment d’exclusion croissant dans plusieurs pays
arabes à l’égard des objectifs poursuivis par l’UE113. En effet, les intérêts
européens sont clairement mis de l’avant dans la rhétorique officielle, le ton
doit changer pour être plus inclusif comme l’admet Federica Mogherini,
l’actuelle HR/VP, dans son discours du 13 avril 2015 lors de la rencontre
ministérielle, à Barcelone114. Il faut donc faciliter et surtout concrétiser cette
109 Alain Ruello, « Armement : la France reprend pied en Égypte grâce à DCNS », Les Échos, 3 juin 2014. 110 Noah Rayman, « The Real Reason Egypt Is Buying Fighter Jets From France », Time, 14 février 2015. 111 Justyna Zajac, « The EU in the Mediterranean: Between Its International Identity and Member States’ Interests », European Foreign Affairs Review, 20 (1) 2015. 112 Union pour la Méditerranée, Les pays arabes méditerranéens, l’UE et l’UpM…, op.cit. 113 Ligue des États arabes, « Evaluation of European Union Policies towards the Arab World », Political Sector Europe and Europe-Arab Cooperation Department, LEA, juin 2014, p. 9. 114 Federica Mogherini, « Opening Speech of the High Representative and Vice president Federica Mogherini at the Informal Ministerial meeting with Southern partners on the future of European Neighbourhood Policy, Barcelona », Barcelone, 13 avril 2015.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
35
appropriation par les partenaires. Comme le souligne Pace, « l’UpM n’a pas été
capable d’offrir aux partenaires du sud une voix égale et dans la pratique, ils
ont été largement exclus du processus décisionnel »115. Le renforcement de la
coprésidence de l’UpM et son établissement au sein du partenariat oriental
pourrait favoriser un engagement plus grand dans la coopération régionale
avec l’UE. La formule de groupes de travail doit certainement être conservée.
En stimulant la discussion entre tous les acteurs engagés dans le voisinage, elle
peut réellement contribuer à l’appropriation du processus de coopération
régionale par les pays participants. Par conséquent, la PEV doit dépasser les
limites d’une politique européenne classique pour devenir un véritable forum
de discussion sur les enjeux communs et un cadre d’action dans lequel tous les
partenaires doivent être égaux, mais en revanche s’y engager de façon
constructive.
4.3. Revoir l’approche différenciée avec flexibilité et
nouveaux paramètres
L’approche différenciée, voire progressive « plus pour plus, moins pour
moins », repose sur l’idée fausse que l’UE est nécessairement le modèle, voire
le seul exemple, à suivre pour ses voisins. Elle fait également abstraction des
enjeux stratégiques dans la région à l’est et au sud. Au sud, plusieurs exemples,
surtout en Égypte, confirment que l’aide sans condition des pays du Golfe a
permis d’éviter et même de contourner les réformes exigées par l’UE. Ce
constat rejoint ainsi la proposition d’une plus grande inclusion des voisins des
voisins, formulée dans le document de consultation116. Toutefois, il faut aller
beaucoup plus loin, en coordonnant les relations avec ces pays, comme ceux du
Golfe, et ceux au sud de la Méditerranée. En outre, il faut mieux prend en
compte la fluctuation de la motivation parmi les partenaires à poursuivre les
réformes en raison des différentes perspectives d’adhésion à l’est et au sud, en
raison de facteurs externes, mais aussi internes. En effet, la différence à l’égard
du processus de transformation n’existe pas seulement qu’entre les pays, mais
aussi au sein des pays. Certains reprochent d’ailleurs avec raison à l’UE de ne
pas avoir de stratégie pour faire face aux luttes de pouvoir internes chez ses
partenaires117. La présence d’un RSUE au sud et à l’est pourrait permettre à cet
égard de mieux appréhender et connaître les forces politiques internes, en plus
de renforcer la dimension régionale.
115 Michelle Pace, op.cit., p. 434. 116 Commission/HR, op.cit., 2015c, p. 5. 117 Ulrich Speck, op.cit.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
36
4.4. Renforcer la dimension régionale pour une
coopération au-delà de l’UE
Le document de consultation de mars 2015 soulève également la pertinence de
maintenir la PEV et son cadre unique. Force est d’admettre que si l’UE parle
« d’un espace », la PEV fonctionne déjà en deux partenariats, oriental et euro-
méditerranéen, distincts à l’est et au sud avec peu, voire pas de synergies, entre
les deux régions. À l’est contrairement au sud, les pays ont à terme l’espoir de
devenir candidat à l’adhésion, car comme déjà souligné, ils sont éligibles à
partir du moment où ils sont situés en Europe. Le rapport de force entre l’est et
le sud repose sur une question de priorités et de programme politique des pays
membres de l’UE qui poussent les dossiers et les initiatives. Les enjeux
diffèrent à l’est, la menace russe domine les préoccupations de la Pologne, des
Pays baltes et nordiques. Au sud, c’est surtout l’arrivée massive d’immigrants
illégaux, depuis les événements du printemps arabe, en Italie et en Grèce qui
préoccupe aussi la France, l’Espagne et l’Allemagne, entre autres. La PEV
gagnerait pourtant en qualité en favorisant les synergies, l’échange
d’expérience et les complémentarités entre l’est et le sud. Une critique qui vaut
aussi pour la démarche de l’UE au sein de chaque région.
En effet, l’UE a favorisé jusqu’à présent une politique bilatérale avec les plans
d’action signés et négociés avec chaque partenaire. Elle a ainsi eu tendance à
marginaliser le régionalisme initial prévu par le processus de Barcelone118. Une
approche qui semble contradictoire avec d’autres volets de l’action extérieure
de l’UE qui encouragent l’intégration régionale et le dialogue multilatéral, voire
interrégional, comme avec l’UA et la LEA. Le Partenariat oriental et l’UpM ont
pourtant un réel potentiel pour agir comme catalyseur dans la transformation
politique, la modernisation économique et technique ainsi que la dynamique
régionale dans leur zone géographique respective avec des projets
mobilisateurs, dont le financement doit être revu à la hausse. Renforcer le rôle
de l’UpM pourrait aussi permettre de mieux faire face aux enjeux qui touchent
plusieurs pays, comme l’immigration clandestine, et offrir une façon plus
inclusive à l’échelle régionale de les aborder119. Lors du sommet du Partenariat
oriental à Riga, les participants ont réaffirmé dans la déclaration commune
leur attachement au partenariat « comme une dimension spécifique de la
Politique européenne de voisinage »120. Il y a une reconnaissance du potentiel,
il faut à présent concrétiser la dimension régionale avec des initiatives
concrètes qui misent davantage « sur les synergies et complémentarités de la
région »121 et entre elles. Le renforcement de la coopération régionale passe
118 Federica Bicchi, op.cit.; Michelle Pace, op.cit. 119 Christian Rioux, « À quoi sert l’Europe ? », Le Devoir, 25 avril 2015. 120 Conseil européen, « Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015) ». Riga, 22 mai 2015, p. 1. 121 Union pour la Méditerranée, Les pays arabes méditerranéens, l’UE et l’UpM…, op.cit.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
37
aussi par les organisations régionales telles que la Ligue des États arabes,
l’Union africaine, le Conseil de coopération des États arabes du Golfe122. Le
document de consultation pose timidement la question123. Il s’agit là d’un
élément central sur lequel doit être axée la relance de la composante régionale
de la PEV et qui peut contribuer à concrétiser l’approche globale, un objectif
clé de l’action extérieure de l’UE depuis l’adoption du traité de Lisbonne.
4.5. Consolider l’approche globale avec une meilleure
inclusion des instruments en matière de politique
étrangère et de sécurité
Le lien entre PEV et PESC/PSDC semble original à la lecture du document de
consultation124. De la même façon, le Conseil Affaires étrangères du 18 mai
2015 sur la PSDC insiste sur la coopération en matière de sécurité dans le cadre
de la PEV comme s’il s’agissait d’une nouvelle option. Pourtant, cette
recommandation figure dans la rhétorique européenne dès 2003. La PEV s’est
toujours inscrite dans les intérêts de l’UE en matière de sécurité, mais la
coopération concrète a toujours été plus ardue à réaliser. La difficulté réside
dans sa mise en œuvre à cause des logiques de sécurité poursuivies par l’UE,
avec un discours qui tend vers la sécurisation à l’égard des voisins125. En outre,
l’UE n’est pas nécessairement perçue comme un acteur crédible dans le
domaine de la sécurité par plusieurs de ses partenaires, comme la Russie.
Selon Hélène Blanc, « Poutine méprise l’UE, car elle n’a pas d’armée »126. Une
opinion qui va dans le sens de celle exprimée par Juncker qui propose, dans le
contexte de la crise en Ukraine, de créer une armée européenne pour accroître
la crédibilité de l’UE face à la Russie127. L’UE avec la PEV n’assure pas
suffisamment la protection aux pays du Partenariat oriental et surtout aux
États membres de l’UE comme la Pologne, les pays baltes et nordiques qui ont
exprimé leurs craintes dans les derniers mois à l’égard de la Russie. D’ailleurs,
« les troubles sur les flancs est et sud de l’UE poussent les gouvernements à
augmenter leurs dépenses militaires après des années de compressions
budgétaires »128. Pour l’instant, l’UE s’en remet à nouveau à l’OTAN qui
122 Chantal Lavallée, op.cit., 2015b. 123 Commission/HR, op.cit., 2015c, p. 6. 124 Commission européenne, op.cit., 2004a, p. 14. 125 M. Pace, op.cit. 126 Marion Candau, « Hélène Blanc : “Poutine méprise l’UE car elle n’a pas d’armée” », EurActiv, 20 mai 2015. 127 Honor Mahony, « EU commission chief makes case for European army », EU Observer, 9 mars 2015. 128 Timothy Spence, « Trouble on Europe’s flanks lift interest in drones and military aircraft », EurActiv, 19 juin 2015.
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
38
renforce sa présence dans la région129. Pour Juncker, une armée commune
renforcerait la légitimité de l’UE comme force militaire face à la Russie, dans la
mesure où certains États membres de l’UE ne font pas partie de l’OTAN.
Solana a nuancé le propos de Juncker, car selon lui :
Nous parlons d’une union du même genre que l’union monétaire,
l’union de l’énergie ou l’union numérique. Quelque chose qui met en
commun ce que nous avons, l’intégrant davantage et le mobilisant
d’une façon mieux coordonnée. Voilà ce que nous avons en tête. Ce
sera une étape très importante dans la construction de l’Union
européenne.130
Les États membres qui s’opposent à la proposition de Juncker prétendent que
la PESC/PSDC sert déjà de cadre pour la coopération intergouvernementale en
la matière. Pourtant, aucune mission militaire PSDC n’a été envisagée pour
intervenir en Ukraine et la proposition du président ukrainien Petro
Porochenko de lancer une mission de police PSDC à la frontière russe est
restée sans réponse. Par conséquent, « il ne s’agit pas seulement pour l’UE
d’avoir une armée, mais la volonté politique de s’en servir » et ça, Poutine le
sait de toute façon131. Delcour a mentionné bien avant la crise en Ukraine que
le problème de l’action de l’UE en matière de sécurité réside dans le manque de
cohérence dans sa mise en œuvre132. « Les documents du partenariat oriental
ne prévoient aucune condition liée à la résolution de conflit »133. Toutefois,
dans la Déclaration commune du sommet Riga, les participants encouragent le
rôle de l’UE dans la résolution des conflits, en Transnistrie, par exemple. « Les
participants du sommet sont d’accord pour renforcer, le cas échéant, le
dialogue bilatéral et multilatéral en matière de sécurité et la coopération
pratique avec la PSDC »134. Une ouverture qui devrait être exploitée dans la
révision actuelle pour concrétiser le recours et la coordination de la
PESC/PSDC dans le cadre de la PEV.
La mise en œuvre de la PEV en matière de sécurité passe non seulement par la
PESC/PSDC, mais aussi, et surtout par un meilleur usage du potentiel de la
PEV avec les éléments déjà en place comme l’axe « politique et sécurité » et
l’axe « migration et sécurité intérieure » dans le cadre des coopérations
régionales. Elle requiert une volonté politique des États membres et des
129 AFP, « L’OTAN se défend de toute ‘course aux armements’, juge la Russie ‘agressive’ », Libération, 24 juin 2015d. 130 Daniel Tost, « Solana: A wake-up call for a European Defence Union », EurActiv, 19 juin 2015. 131 Chantal Lavallée, op.cit., 2015a. 132 Laure Delcour, « The European Union, a Security Provider in the Eastern neighbourhood? », European Security, 19 (4) 2010. 133 Ibid., p. 541. 134 Union européenne, « Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015) », op.cit., p. 8.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
39
institutions de l’UE de renforcer la collaboration en la matière, dans un climat
de confiance avec les partenaires, au-delà du discours. Il faut mieux exploiter
les acquis au lieu d’élaborer de nouveaux plans d’action conjoints spécifiques
comme le suggère le Programme européen en matière de sécurité pour la
période 2015-2020135. L’objectif premier de ce document est de renouveler la
stratégie de sécurité intérieure de 2010 pour faire face aux « nouvelles »
menaces au sein de l’UE, dont les effets de l’instabilité dans son voisinage.
Elles proposent ainsi différentes façons d’approfondir la coopération en
matière de sécurité avec les partenaires de l’UE. Les propositions seront
complétées et approfondies dans la Stratégie européenne de sécurité en cours
de révision par la HR/VP. Le document sert de cadre général en favorisant
l’approche globale avec le recours aux multiples instruments de l’UE, mais il
est attendu que la PEV fournisse des actions spécifiques. Néanmoins quelques
suggestions sont faites comme l’envoi d’experts de sécurité dans les délégations
de pays tiers participant à la PEV136.
En somme, il semble que la PEV offre un potentiel encore sous-exploité. Il ne
s’agit ainsi pas de multiplier les structures et les instruments, mais de
consolider ceux existants et de mettre en place les moyens pour les gérer de
façon cohérente et adaptée aux besoins. L’enjeu est de mieux utiliser et
coordonner les instruments à la disposition de l’UE pour les mettre au service
de la PEV. L’UE doit cesser de compartimenter son action extérieure et de
doubler les initiatives. Par exemple, l’Instrument contribuant à la stabilité et à
la paix a déjà financé plusieurs projets, y compris en matière de réforme du
secteur de la sécurité, de prévention et lutte au terrorisme et pourrait être
utilisé davantage dans le voisinage. La PEV doit ainsi être plus qu’une politique
et devenir une véritable structure de coordination qui réunit tous les acteurs
pertinents pour faciliter la mise en œuvre et synchroniser les actions. Une
entité doit être dédiée à l’identification des instruments appropriés, à la
coordination de leur utilisation et du suivi sur le terrain pour favoriser les
synergies et les complémentarités. La révision de la PEV devient une sorte de
laboratoire pour l’approche globale. Elle teste la capacité de l’UE à agir dans
son environnement immédiat, en mettant à profit une vaste gamme
d’instruments économiques, politiques et juridiques. Elle doit à présent
apprendre à mieux les équilibrer et les coordonner au sein d’un cadre politique
cohérent et structuré.
135 Commission européenne, « Le programme européen en matière de sécurité », COM(2015) 185 final, Strasbourg, 28 avril 2015b, p. 5. 136 Ibid.
OSINTPOL La politique européenne de voisinage
Conclusion
__________________________________________
Le débat politique actuel sur la position de l’UE à l’égard des transformations
politiques dans son voisinage à l’est, avec la crise en Ukraine et l’intensification
des tensions avec la Russie, et au sud, à la suite des événements du printemps
arabe alimente et justifie la révision de la PEV. Toutefois, il semble que les
termes du processus de révision en cours soient mal posés. Il doit aussi et
surtout être l’occasion d’une évaluation critique des tenants et des aboutissants
de cette politique, qui plus de dix ans après son lancement, n’a toujours pas
donné les résultats escomptés. Comme exposé dans l’analyse, plusieurs limites
dans sa mise en œuvre sont intrinsèquement liées à ses fondements auxquelles
se rajoutent de nouveaux enjeux politiques et économiques dans les régions
avoisinantes. L’étude a proposé plusieurs idées à explorer pour améliorer les
différentes facettes de cette politique et faciliter le passage de la rhétorique à la
pratique. Elle suggère surtout la mise en place d’une structure de la PEV qui
aurait pour principale fonction l’identification et la coordination des différents
instruments déployés pour garantir la cohérence d’ensemble et l’efficacité sur
le terrain une fois la ligne politique établie.
Au-delà des enjeux liés à la mise en œuvre de la PEV à proprement parler, l’UE
doit aussi veiller à rester une partenaire crédible et attirante. Pour ce faire, elle
doit surmonter deux enjeux internes cruciaux pour sa crédibilité. 1) Elle doit
gérer la possibilité de retrait du Royaume-Uni de l’UE et de la Grèce de la zone
euro. L’incapacité de prévenir ces retraits deviendrait un échec politique et
économique majeur pour l’UE. D’une part, elle doit parvenir à trouver un
compromis pour satisfaire les demandes de réformes de l’UE et de révisions du
statut du Royaume-Uni, exigées par le premier ministre britannique David
Cameron. Fort de sa victoire aux législatives du 7 mai 2015, il brandit la tenue
d’un référendum fin 2016 sur l’appartenance de son pays à l’UE. D’autre part,
la question est sur toutes les lèvres, celle de savoir jusqu’où les partenaires
européens sont prêts à aller par solidarité et par intérêt pour maintenir la
Grèce dans la zone euro et ultimement dans l’UE alors que le pays est au bord
de la faillite. Il s’agit aussi de la volonté et la capacité des Grecs à réaliser les
réformes importantes exigées par l’UE pour rester dans la zone euro. La
réponse européenne apportée à ces deux situations ouvre plusieurs scénarios
possibles. Toutefois, c’est la manière de les gérer qui affectera positivement ou
non la crédibilité de l’UE face à ces partenaires, en matière de capacité de
réformes des institutions et des États membres. Force est aussi d’admettre que
les débats épineux sur le « Brexit » et le « Grexit » mettent en lumière les luttes
d’intérêts et les rapports de force au sein de l’UE et renvoient une image
La politique européenne de voisinage OSINTPOL
42
nettement moins attirante de l’intégration européenne. 2) L’autre type d’enjeu
interne clé auquel est confrontée l’UE réside dans la montée de
l’euroscepticisme et du retour des nationalismes en Europe. À cet égard, l’UE
doit résister à la tentation d’une sécurisation poussée de la coopération avec
ses partenaires et surtout d’une externalisation excessive des enjeux de
migration et de lutte au terrorisme auxquels elle fait face. De plus, la période
qui s’ouvre à l’horizon 2020 doit permettre autant aux institutions
européennes nouvellement formées qu’aux États membres de relancer
positivement la construction européenne malgré les mouvements contraires.
En somme, la crédibilité de l’UE dans son voisinage comme sur la scène
internationale repose aussi sur la façon, dont elle gère les défis internes.
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OSINTPOL
Questionner, informer, éduquer, innover
L’action d’OSINTPOL est axée sur la production et la diffusion aussi étendue
que possible des savoirs relatifs à la sphère politique au sens large. L’organisme
participe pleinement via ses analyses aux débats contemporains parcourant ses
domaines d’intervention. Un des objectifs poursuivis est de contribuer au
renouvellement des idées politiques dans le monde francophone et même au-
delà, en favorisant les échanges avec les chercheurs-es de tous horizons. Parce
qu’innover c’est aussi inévitablement questionner l’ordre établi, la démarche
d’OSINTOL est résolument critique. Par son action, ce laboratoire d’idées au
service de la société civile entend renforcer la capacité des décideurs politiques
et de tous les citoyens à faire leurs choix.
OSINTPOL s’est donné pour premiers objectifs de couvrir les enjeux liés à la
paix, à la défense et à la sécurité en croisant, en autres, les domaines de la
science politique, du droit, de l’économie, de la sociologie et de l’histoire. Les
expertises indépendantes en cette matière sont d’autant plus précieuses
qu’elles sont rares.
Quatre premiers observatoires ont ainsi été mis sur pied sur les enjeux :
de l’action de l’Union européenne en matière de sécurité
des armements conventionnels ;
de la dissuasion nucléaire ;
de la géopolitique énergétique.
Le soutien de citoyen(ne)s engagé(e)s
OSINTPOL ne saurait accomplir efficacement sa mission d’information et de
sensibilisation du public sans le soutien de donateurs motivés par la défense du
bien commun. En soutenant OSINTPOL, vous contribuez au renforcement
d’une recherche indépendante et de qualité au service de la société civile sur de
nombreux sujets qui sont parfois malheureusement monopolisés par des
organismes publics ou privés en lutte pour leur budgets ou leurs profits. Vous
permettez aussi aux chercheurs d’OSINTPOL de s’investir dans la formation
d’une relève étudiante, en fournissant un encadrement propice à la
transmission des savoirs et, surtout, des compétences nécessaires à l’analyse
critique des enjeux de société. Rejoignez-nous sur osintpol.org.